Valentin RODRIGUEZ

Master 2 journalisme sportif

Promotion Pierre Barbancey

Ecole du Journalisme de Nice

MEMOIRE

En quoi les médias favorisent-ils le football business ?

Média d’accueil : RMC Sport

Année 2017-2018 Valentin RODRIGUEZ

Master 2 journalisme sportif

Promotion Pierre Barbancey

Ecole du Journalisme de Nice

MEMOIRE

En quoi les médias favorisent-ils le football business ?

Média d’accueil : RMC Sport

Année 2017-2018

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3 REMERCIEMENTS

Tout d'abord, je tenais à remercier RMC Sport, qui m'a accueilli six mois pour effectuer mon stage de fin d'études. J'ai énormément appris et progressé auprès de grands professionnels. C’était un rêve d’enfant de pouvoir travailler dans ce média. Je voulais tout particulièrement remercier Jalil Bennani, secretaire général de la rédaction RMC Sport ainsi que Pierrick Taisne et Matthieu Le Chevallier, rédacteurs en chef de RMC Sport. Grâce à eux, je me suis bien adapté dans la rédaction . C'est une chance d'avoir pu faire des choses variées, aussi intéressantes les unes que les autres. Je me suis senti à l'aise chaque jour et dans mon élément. J'ai su m'adapter à toutes les tâches demandées et cela m'a permis de prendre des initiatives et être fort de proposition.

Je tenais également à remercier Jérome Thomas, Laurent Picat, Pierre Rondeau et Yvan Gastaut d’avoir répondu à mes questions. Un apport capital dans la rédaction de ce mémoire.

Enfin, je remercie mon école, l'EDJ et sa direction (Marie, Dominique, Yasmina, Stéphane et Laetitia ) qui m'ont permis d'acquérir des bases solides, et ce sur tous les supports (TV, radio, presse écrite, web). Toutes les rencontres et tous les cours ont été bénéfiques pour moi. Chaque journaliste, universitaire ou intervenant m'a apporté quelque chose de différent et de complémentaire. Cela me permet d'aborder le monde du travail et le milieu du journalisme avec plus d'assurance et de sérénité. Deux années que je n’oublierai jamais.

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RÉSUMÉ EN FRANÇAIS ET EN ANGLAIS

Mon travail parle de la relation des médias avec le football et son économie. Le football, sport le plus populaire et le plus pratiqué au monde est devenue une véritable opportunité de se faire de l’argent poour tous les acteurs de la pratique. Joueurs, clubs, sponsors, supporters mais surtout les médias. Depuis plusieurs années maintenant les médias et le football file le parfait amour. Un attachement révélé par les droits audiovisuels mais aussi par l’enjeu social et financier que represente le football. Cette pratique qui reprensente bien plus qu’un sport . La médiatisation de ce sport a entrainé l’apparition de nouveaux acteurs qui sont désormais les piliers du football et de son business.

My work talks about the media's relationship with football and its economy. Football, the most popular and most popular sport in the world, has become a real opportunity to make money for all players in the game. Players, clubs, sponsors, supporters but especially the media. For several years now the media and the football file the perfect love. An attachment revealed by the audiovisual rights but also by the social and financial stake that represents football. This practice is much more than a sport. The mediatization of this sport has led to the emergence of new players who are now the pillars of football and its business.

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SOMMAIRE

Introduction...... …………………………………………………………………………7

Partie I: football et médias, amour inevitable?...... ……………………………10

A – Le football et la télévision ...... ……………………………..10

B –Les autres supports et le football ...... 17

C – Le football est unique...... ……………………….……22

Partie II : les autres acteurs du football business...... ………….…………………...27

A – Le sponsoring, l’autre partenaire privilégié...... …..……...…………..27

B – L’omniprésence des agents sportifs.....…………………………………...………....32

C – Les investisseurs étrangers...... …………...…………………....….36

Conclusion………………………………………………………………………………...42

Bibliographie...... ……………………………………………………………..44

Annexes……...... ……………………………………………………………..46

6 INTRODUCTION

Problématique : En quoi les médias favorisent-ils le football business ?

15 juillet 2018 : La France est championne du monde de football pour la deuxième fois de son histoire. L’équipe de France s’impose 4-2 face à la Croatie lors de cette finale. Vingt ans après son premier sacre en 1998 en France avec une large victoire face au grand Brésil. Le match diffusé à 17 heures (heure française) a été vu par plus de 19 millions de personnes devant leur poste de télévision. Pour l’occasion, des centaines de milliers de supporters se sont réunis dans les 230 fan-zones organisées dans les grandes villes pour la finale. Ils sont des milliers à sortir dans les rues de l’Hexagone pour laisser exploser leur joie. Parmi les fêtards, des fans de football confirmés, évidemment. Mais aussi des supporters occasionnels, pas toujours concerné par le ballon rond mais portés par un élan populaire hors du commun. Tout les âges et toutes les classes sociales se rassemblent pour agiter drapeaux tricolore et fumigènes devant l’Arc de triomphe, dans les rues de Lyon, de et bien d’autres encore.

Le président de la République, Emmanuel Macron et sa femme Brigitte Macron ainsi que d’autres politiques comme la ministre des sports Laura Flessel sont présents pour l’occasion et ne cache pas sa joie à chaque but français. Il dégage même une grande complicité avec plusieurs joueurs dans le vestiaire après la rencontre. Les joueurs filment avec leurs téléphones tous ces moments de bonheur et de joie. Des centaines de caméras, de journalistes, de photographes venus du monde entier sont présents et ne ratent pas un instant de cet événement. Plus d’un milliard de personnes dans le monde vont suivre cette finale. Tous les médias internationaux font des éditions spéciales pour faire vivre au plus près cet événement. Pour l’occasion, la radio RMC qui a suivi au quotidien cette Coupe du monde avec des émissions en direct tous les jours de 13 heures à minuit, fait vivre son antenne toute la nuit, non stop. Le football français est sur le toit du monde. Depuis la libération de Paris en 1944, et la victoire en Coupe du monde en 1998, jamais un tel engouement populaire ne s’est produit dans l’Hexagone.

7 Mais un soir de fête n’est pas suffisant. 16 juillet 2018, les Français ont à nouveau envahi les Champs- Elysées l’après-midi pour fêter ses champions du monde. La bande à Griezmann et Pogba est acclamée par des centaines de milliers de supporters sur la plus belle avenue du monde. Les Bleus sont partis de la place de l’Etoile à 19h20 pour aller jusqu’au rond-point des Champs-Elysées, comme leurs ainés le 13 juillet 1998. Ces derniers avaient été acclamés par un demi-million de personnes. Les joueurs sont accueillis par une foule en délire, dans un brouillard de fumigènes, de nombreux médias sont bien évidemment présents pour suivre ce moment d’histoire. Le bus est accueilli par la patrouille de France et protégé par une importante présence policière. Quinze minutes après, les Bleus ont pris la direction de l’Elysée pour aller rencontrer le président de la République qui les à nouveau remercié pour ce titre mondial. Après une petite heure à l’Elysée, direction l’hôtel Crillon pour clôturer cette parenthèse enchantée. Dans quelques mois, les joueurs se verront décerner la légion d’honneur, comme les champions de 1998. Dans quelques semaines, l’équipementier Nike va sortir le maillot des Bleus avec deux étoiles. Pour parer à la forte demande, la marque à la virgule aurait lancé 8 millions de maillots en production selon le site Fashionetwork, un record en vue. Il y a 20 ans, Adidas avait écoulé 800 000 maillots à la suite du premier sacre mondial. Un chiffre qui devrait être battu par Nike cette année. Selon des prévisions de la marque, nous pourrions atteindre 1,6 millions de maillots vendus. Il y a 20 ans, le PSG et l’OM ne dépassaient pas les 200 000 ventes par an. Désormais le club de la capitale vend un million de maillots chaque saison. De plus les points de vente se sont multipliés et les marques bénéficient de l’avantage que représente Internet où chaque consommateur, peu importe son lieu de vie peut s’acheter un maillot.

Aujourd’hui pour regarder du football à la télévision, il faut être abonné à plusieurs chaines (BeIN Sports, Canal + et RMC Sport). Plus de 60 euros de frais par mois pour suivre les rencontrés télévisées. Désormais, un maillot de football coûte 85 euros. Lionel Messi, meilleur joueur de la planète, touche plus de 60 millions d’euros par an. En aout 2017, le brésilien a été acheté par le PSG pour 222 millions d’euros. Les joueurs sont payés des centaines de milliers d’euros par mois. Des émissions spéciales sur le mercato animent les médias. Ces derniers débattent sur la valeur marchande des joueurs. Un engouement médiatique qui a fait apparaître de nouveaux protagonistes. Tous d’abord les sponsors qui ont vu en la retransmission télévisuelle un bon moyen de se faire de l’argent. Les agents sportifs sont venus s’immiscer dans le monde du football en ayant pour rôle d’intermédiaire entre le

8 joueur et le club. Le football et le joueur sont devenus des produits financiers qui attirent de nouveaux acteurs. C’est le cas également des investisseurs étrangers (Qatar, Etats-Unis, Russie) qui voient dans ce sport un bon moyen de se développer et d’améliorer son business et sa notoriété. Des pays où le sport n’est pas populaire et pourtant, il y a tellement d’argent qui génère dans ce milieu que ce dernier attire tout type de protagoniste.

Un siècle plus-tôt en 1918, qui aurait pu imaginer un tel engouement pour ce sport ? Comment une pratique sportive réunit des millions de personnes et génère aujourd’hui autant d’argent ? Un sport en France qui n’était même pas encore professionnel et qui va l’être en 1932. Longtemps, le football en particulier, n’a jamais fait la Une de l’actualité. Les gens en France s’intéressent plus à la boxe, au vélo ou encore à l’athlétisme. Ce n’était pas un enjeu en termes d’informations. Le football n’entrait jamais dans la catégorie des sujets de société dits « importants ». Mais ce sont les médias qui vont commencer à voir le sport comme un produit financier.

Ce fut d’abord le cas de la presse écrite a qui rapidement saisi les avantages commerciaux à rendre compte des exploits des champions. Elle a inventé de toute pièce, le Tour de France à la fin du XIXe siècle pour dynamiser le lectorat du journal L’Auto face à son concurrent Le Vélo. La radio a suivi, avec notamment sa capacité à retransmettre en direct des évènements sportifs. Enfin la télévision qui grâce à l’image permettait aux téléspectateurs de participer pleinement derrière leurs postes, aux manifestations sportives. Le football possède deux avantages qui font qu’il est devenu un sport majeur, il est considéré comme un sport accessible (règles simples) et il accorde du crédit à la question identitaire. Les sommes payées par les opérateurs de télévision pour diffuser des les matchs de football ot connu depuis les années 1980, une hausse exponentielle en France. Les chaines de gratuites diffusent les événements internationaux et matchs de l’équipe de France alors que les chaines payantes diffusent les matchs de championnat. Le football devient un important moyen d’audience. Ce sport devient populaire et surtout médiatique. Un phénomène de société qui est né il y a un peu plus de 40 ans grâce à un engouement médiatique.

9 Partie I : football et médias, amour inévitable ?

Dans la première partie, il convient d'évoquer comment la télévision et le football se sont rencontrés et comment a évolué la relation entre les deux et d’expliquer comment actuellement ils ne peuvent plus se passer l’un de l’autre (A). Par la suite il sera intéressant d’analyser comment sont les relations entre le football et les autres supports tels que la presse écrite, la radio et le web (B). Enfin, il faudra parler des avantages du football, ce qui fait que cette pratique est un partenaire privilégié des médias. (C).

A- Le football et la télévision Nous sommes en 1976. Grâce à la belle épopée européenne de Saint Etienne, le football français renait doucement de ses cendres, après une douloureuse période marquée notamment par son absence aux Coupes du monde de 1970 et 1974. Jean Sadoul, président de la ligue nationale de football, cherche à profiter de cette éclaircie pour améliorer la notoriété et l’image du championnat. Pour cela, il va se tourner vers un média qui accorde une place de plus en plus importante au sport, la télévision. L’émission « Stade 2 » existe déjà, et Jean Sadoul propose à Robert Chapatte et Roger Couderc de leur céder les droits du championnat de France de première division (aujourd’hui appelé « ») pour en faire une émission. Roger Couderc (spécialiste de rugby) repousse la demande : « Ça n’intéressera personne, tout le monde s’en fout de voir les buts les uns après les autres ». Plus pour embêter son concurrent que pour la réussite et l’intérêt de la proposition, TF1 décide de passer le marché. C’est le début de « Télé foot ».

En 2006, France 2 devance TF1 contre un chèque de 24,5 millions d’euros pour avoir le droit de diffuser des extraits du Championnat de France pour une seule saison dans le cadre d’une émission dominicale. Deux ans plus tôt, Canal+ acceptait de verser à la Ligue de football professionnel, 600 millions d’euros par saison en échange de l’exclusivité de la diffusion des matchs de Ligue 1.1

En moins de trente ans, le paysage télévisuel a été bouleversé. Le phénomène n’est spécifique ni au football ni à la France. Entre 1980 (JO de Moscou) et 2008 (JO de Pékin), le montant des droits télévisuels des Jeux Olympiques est passé de 88 millions de dollars à près de 2

1 Football et Télévision, l’amour à tout prix ? , Emmanuel Durand, Victoriano Melero Laurent Vallée, Yves Wehrli

10 milliards de dollars. Mais pour le football, l’évolution reste plus impressionnante. L’exemple de la Coupe du monde est représentatif. La Coupe du monde 1998 n’aura couté qu’à l’ensemble de ses diffuseurs que 130 millions d’euros, soit à peine plus que le chèque signé par TF1 (120 millions) pour la diffusion exclusive sur le seul territoire français du Mondial 2010 en Afrique du Sud.1 Cette année, pour la Coupe du monde en Russie, TF1 a diffusé 28 des 64 rencontres de la compétition. Pour financer les droits de retransmission (le Mondial 2014 avait coûté 130 millions d’euros aux chaines françaises), TF1 a vendu ses publicités au prix fort : jusqu’à 145 00 euros le spot des de trente secondes de pub pour les matchs de poule des Bleus. Pour la finale le 15 juillet 2018, le spot à coûté 280 000 ; voici ci-dessous les détails des tarifs établis avant la compétition par la Une.

Tarifs publicitaires de la finale de la Coupe du monde 2018 sur TF1

Dimanche 15 juillet 2018. Base : tarif brut 30 secondes si l’équipe de France est qualifiée. Intitulé de l’écran entre parenthèses.

§ Avant le match : 113 000 € (1658) / -44% vs 2014 : 200 000 € (2058) § Après les hymnes : 250 000 € (1668) / -16% vs 2014 : 298 000 € (2068) § 1er écran mi-temps : 280 000 € (1808) / idem 2014 : 280 000 € (2128) § 2e écran mi-temps : 275 000 € (1818) / -2% vs 2014 : 280 000 € (2138) § 3e écran mi-temps : 275 000 € (1828) / -2% vs 2014 : 280 000 € (2148) § Avant prolongation (option) : 206 000 € (1869) / -8% vs 2014 : 224 000 € (2169) § Avant tir au but (option) : 206 000 € (1879) / -8% vs 2014 : 224 000 € (2179) § Avant la remise de la Coupe : 280 000 € (1888) / +12% vs 2014 : 250 000 € (2198) § Après le match : 162 000 € (1908) / x3 vs 2014 : 55 000 € (2229)

Base : tarif brut 30 secondes si l’équipe de France n’est pas qualifiée.

§ Avant le match : 60 000 € (1658) / -33% vs 2014 : 90 000 € (2058) § Après les hymnes : 120 000 € (1668) / -23% vs 2014 : 155 000 € (2068) § 1er écran mi-temps : 145 000 € (1808) / -6% vs 2014 : 155 000 € (2128) § 2e écran mi-temps : 140 000 € (1818) / -10% vs 2014 : 155 000 € (2138) § 3e écran mi-temps : 140 000 € (1828) / -10% vs 2014 : 155 000 € (2148) § Avant prolongation (option) : 105 000 € (1869) / -9% vs 2014 : 116 000 € (2169) § Avant tir au but (option) : 105 000 € (1879) / -9% vs 2014 : 116 000 € (2179) § Avant la remise de la Coupe : 143 000 € (1888) / -5% vs 2014 : 150 000 € (2198) § Après le match : 90 000 € (1908) / x3 vs 2014 : 30 000 € (2229) Source TF1 Publicité, 29 janvier 2018 3

1 Football et Télévision, l’amour à tout prix ? , Emmanuel Durand, Victoriano Melero Laurent Vallée, Yves Wehrli 3 Article SportBusiness.club

11 On peut dire que le football a besoin de la télévision pour exister. Tout simplement parce que celle ci est devenue sa source principale de revenus. Plus de la moitié du budget des clubs de Ligue 1 française se composent des recettes de vente des droits audiovisuels.

À gauche, les budgets des clubs de Ligue 1 et à droite répartition des droits TV (saison 2017- 2018).1

1. PSG 540 M€ 2. OL 240 M€ 3. Monaco 170 M€ 4. OM 120 M€ (estimation) 5. Lille 90 M€ 6. Saint-Étienne 68 M€ 7. Bordeaux 65 M€ 8. Rennes 50 M€ 9. Nantes 45 M€ .... Nice 45 M€ 11. Montpellier 43,5 M€ 12. Toulouse 34 M€ 13. 33 M€ 14. Caen 32 M€ ..... 32 M€ 16. Strasbourg 30 M€ 17. Angers 28 M€ 18. Guingamp 26 M€ ...... Troyes 26 M€ 20. Amiens 25 M€

Les plus grandes compétitions de football sont les plus exposées médiatiquement et celles qui ont le plus gros succès populaire.

Pour la télévision gratuite les revenus proviennent essentiellement de la publicité comme évoqué ci dessous. La demi-finale France-Portugal de la Coupe du monde 2006 a réuni devant les postes de télévision français pas moins de 22,4 millions de téléspectateurs. Mais le fait que le football soit un sport unique provient de la constatation suivante : la simple

1 Article Foot mercato

12 comparaison entre leur montant et le gain de recettes publicitaires aboutit au fait que les chaines perdent de l’argent en obtenant les droits de retransmettre les compétitions.

Malgré la victoire des Bleus en finale de Coupe du monde cette année, TF1 n’a pas eu un investissement rentable dans cet événement, avec 19,3 millions de téléspectateurs pour regarder France-Croatie et même jusqu’à 22, 3 millions à la fin du match. En part d’audience, c’est un record ou presque ; 82,2% du public était devant TF1 pour ce match, davantage qu’en 1998, 2000 et 2016. Malgré ces bons chiffres la première chaine a perdu près de 15 millions d’euros. Elle a empoché 58 millions d’euros de recettes publicitaires grâce aux prix élévés du spot dans la finale (voir ci-dessus), mais cela reste une somme insuffisante car TF1 a déboursé environ 75 millions d’euros pour la totalité de l’événement. Heureusement, la victoire des Bleus aura limité la casse, en comparaison avec 2014, en achetant moins de matchs, les pertes de la chaine avoisinaient 30 millions d’euros pour cette Coupe du monde au Brésil.

Malgré les pertes, les télévisions continuent d’investir des millions d’euros dans les compétitions de football. Ce n’est donc pas une stratégie économique pour TF1 mais c’est pour son image que la chaine adopte cette tactique ; elle est numéro 1 en France et pour le bien être de sa grille et de sa réputation, il est capital de diffuser les matchs de l’équipe nationale du sport le plus populaire et pratiqué dans le monde. 1

Pour la télévision payante ce n’est clairement pas la même chanson, car son modèle économique est différent et ses ressources proviennent principalement des abonnements. 34 ans que Canal+ diffuse le championnat de France de football. « Un produit spécialement fait pour la télévision payante », explique Pierre Rondeau, économiste du sport. « Le championnat est présenté comme un feuilleton chaque saison. Des héros, des drames, des exploits, du suspens, ce qui en fait un moteur principalement d’abonnement », décrit Pierre Rondeau. Chaque saison Canal+ vend le championnat depuis plusieurs années à travers des bandes annonces dignes des plus grands films de cinéma. L’économiste ajoute « Les recettes apportées par les opérateurs comme Canal+ représente la plus grande part du budget des clubs. On peut dire que ces derniers jouent un rôle de producteur qui vend son produit. Ce serait illogique de voir Canal+ baisser le montant des droits payés à la LFP, en ayant le risque de voir la valeur de son produit (la ligue 1) être dévaluée et surtout au risque de perdre un nombre important d’abonnée », précise- t-il. Un rôle de producteur qui n’a pas

1 Article Huffpost

13 d’importance pour les chaines gratuites comme TF1 ; en effet la valeur des droits versés par la Une à la Fédération française de football n’a pas de conséquence directe avec la qualité des joueurs appelés à jouer en Equipe de France.

A intervalles réguliers et pour des raisons juridiques, les droits audiovisuels du football doivent être remis en vente. Fin mai 2018, la Ligue de Football Professionnel a annoncé la nouvelle répartition des droits TV de la Ligue 1 pour la période 2020-2024, 1,153 milliard d’euros par saison. Un montant record pour les clubs de l’élite qui se partageaient jusqu’à maintenant un peu plus de 760 M€ par an, soit une augmentation de 60%.1 Cette forte hausse des droits TV devrait permettre à la Ligue 1 de franchir un cap en se mettant au niveau des grands championnats européens. C’est l’agence Mediapro qui a frappé un grand coup sur le marché français en empochant 8 des 10 matchs de Ligue 1 à partir de 2020. De façon précise, le groupe espagnol récupère les lots 1, 2 et 4. Le grand match du dimanche à 21 heures et les deux magazines du dimanche 19h et 23h (lot 1), les matchs du vendredi à 21 heures et samedi 17 heures et le magazine de présentation du vendredi soir (lot 2), le match du dimanche à 13 heures et le multiplex du dimanche à 15 heures ainsi que le magazine du dimanche matin et la co-difusion d’un match de choix 2 à 5 avec beIN SPORTS (lot 4). Ce qui veut dire que Mediapro aura les dix grosses affiches de la saison et du troisième choix lors des 28 autres journées. De plus, il aura le deuxième et cinquième choix lors de chaque journée. La Ligue de Football Professionnel a précisé que le groupe espagnol Mediapro s’engage à créer une chaîne sportive pour diffuser les lots obtenus.

Depuis 2016, beIN SPORTS était le diffuseur des matchs de choix 4 à 10. Désormais, il va voir son offre Ligue 1 considérablement baisser dès 2020. La chaîne a obtenu le lot 3 avec 2 matchs de Ligue 1 par week-end, le match du samedi à 21 heures et celui du dimanche à 17 heures. Elle diffusera également un magazine le samedi à 23 heures qui pourra exploiter les images des deux premiers matchs du week-end diffusés sur la future chaîne Mediapro.

Le grand perdant se nomme Canal+ ; diffuseur historique du championnat de France depuis 1984, la chaîne cryptée ne retransmettra plus aucun match à partir de 2020. Aucune de ses offres n’a été retenue par la LFP. A noter que le lot 6 comprenant les droits VOD avec les extraits en quasi-direct a été acquis par le groupe Free qui fait son apparition dans le monde des droits sportifs en France.

1 Article Foot mercato

14 Cependant deux lots sont encore sur le marché : Le lot 5 comprenant le Trophée des Champions, les Multiplex J19, J37 et J38 ainsi que les barrages n’a pas trouvé acheteur. Le directeur général de la LFP, a précisé que la Ligue allait se diriger vers des chaînes en clair pour ce lot. La stratégie est simple, apporter encore plus de visibilité à la Ligue 1 car le domaine comptable est déjà assuré. Puis, le lot 7 comprenant les magazines du lundi et du jeudi fera lui aussi l’objet d’une remise sur le marché dans les prochains mois, comme la qui n’était pas comprise dans la consultation du jour ; ci-dessous la composition des lots1 :

En plus d’un apport financier évident, la télévision a une influence sur la notoriété et l’accroissement de la valeur économique des différents acteurs du monde footballistique. A l’origine, on craignait au début du vingtième siècle que diffuser les matchs à la télévision

1 Article media sportif

15 allait vider les stades. Force est de constater que c’est bien le contraire.

Pour faire face aux menaces des nouveaux modes de consommation des contenus audiovisuels (le replay, le streaming, internet par exemple), le sport et précisément le football est un partenaire majeur pour les opérateurs de télévision ; avec la radio, elle a un avantage spécifique par rapport aux autres supports tels que la presse écrite et le web : la puissance du direct. Les séries, les films, les émissions peuvent être regardés à n’importe quelle heure, n’importe quel moment à postériori. Regarder un match de football en direct a beaucoup plus de valeur que de le regarder ultérieurement ; cela n’a pas la même saveur de regarder une rencontre sportive en connaissant le résultat, et cela encore plus dans notre société et mode de consommation actuels. Aujourd’hui, tout va plus vite et sauf si on n’a pas de connexion internet, il est difficile de regarder un match rediffusé sans connaître d’avance le score final. Ce pouvoir du direct permet au sport et au football d’être incontournable et permet à la télévision de garder toute sa place dans le mode de consommation visuelle de la population. Malgré tout, le football est aussi inévitable dans les autres supports, tels que la radio, la presse écrite ou encore le web.

16 B- Les autres supports et le football

Aujourd’hui, le partenaire médiatique privilégié du ballon rond est la télévision. Mais la radio, comme la TV, possède un avantage redoutable, le pouvoir du direct. La radio instaure un rapport de proximité entre l’auditeur et l’événement sportif. Edmond Dehorter, le parleur inconnu alors, commente en 1924 le tournoi des 5 nations à Paris, le tournoi olympique de football, les Six jours au Vel d’hiv’, les Jeux Olympiques d’été, en haut d’une nacelle afin de mieux vivre les épreuves. On remarque une influence de la médiatisation du sport et du football sur la radio ; elle inscrit le sport dans la sphère privée. L’augmentation du nombre de poste-radio favorise l’acculturation du plus grand nombre. La radio des années 30 prépare la population française à rentrer dans l’ère de la consommation sportive de masse. Pour Yvan Gastaut, historien du sport, « dans les années 20 et 30, la radio est utilisé comme un outil d’information sportive. Avant cela c’était seulement militaire. Et cette période correspond à la massification du sport. C’est un média d’émotion. Au début du XXe siècle la radio est un outil de luxe. Elle amplifie la passion du sport. A l’époque il y avait seulement la presse. Dans les années 70, quand vous êtes un supporter de football, vous lisez la presse, vous allez au stade et vous écoutez la radio. Il y avait très peu de matchs télévisés » explique Yvan Gastaut. Mais le véritable tournant pour la radio est lancé par RMC. En 2006 sur RMC à 23 heures, il y avait une rediffusion de l’émission de Brigitte Lahaie. Gilbert Bribois, journaliste RMC, décida de lancer « L’After foot » une émission de 22 heures à minuit sur le thème du ballon rond. Jérôme Thomas, producteur de l’émission depuis 11 ans nous explique cette initiative : « Gilbert trouvait ça frustrant qu’après les matchs, les supporters ne puissent pas réagir, il y a tellement de choses à dire après une rencontre de football. Il a fait son étude de marché en Espagne où c’est très culturel. Les émissions d’après-match sont les plus écoutées. Les Espagnols vont parfois jusqu’à 3 heures du matin les soirs de grand match. Il a présenté ce projet à François Pesenti (patron d’RMC). Mai 2006 après un quart de finale de finale de Ligue des champions, l’After est né. » Une émission qui s’est installé sur la grille et qui fait désormais plus de 300 000 auditeurs tous les jours. C’est aujourd’hui la seule émission de radio à parler 7 jours sur 7 du ballon rond. RMC a réussi son pari de faire du football l’un de ses compagnons de réussite. Pour la Coupe du monde 2018, le média a frappé fort : « pendant la Coupe du monde, il y a qu’une seule radio qui existe, c’est nous ! Quelle radio à part RMC fait tous les matchs et prend l’antenne tous les jours de 13h jusqu’à minuit avec un programme 100% Coupe du monde ? De ce fait, nous sommes la radio de la Coupe du monde » affirme Jérôme Thomas.

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Concernant la presse écrite, je journal l’Equipe joue un rôle principal. Le quotidien consacre environ le tiers de son contenu rédactionnel au football. Le journal jouit d’une position de leader incontestable depuis sa création en 1946. Pourtant à ses débuts, le journal autrement appelé « l’Auto » ne s’intéressait guère au football. Les disciplines populaires étaient les sports mécaniques et le vélo. Désormais, la majorité des « unes » du journal sont sur le football, au détriment parfois d’autres performances sportives des autres disciplines. « L’Equipe s’adapte à la passion du football et du lecteur. Surtout à l’époque des années 70 avec l ‘épopée de l’AS Saint Etienne qui crée un engouement nouveau pour le ballon rond, » précise Yvan Gastaut. Ci-dessous voici quelques « unes » du quotidien datant du mois d’août 2017 liées aux transferts incroyables du PSG avec l’arrivée de Neymar pour la somme record de 222 millions d’euros et celle de Kyllian Mbappe pour 180 millions d’euros, les deux transferts les plus chers de l’histoire.

Source : canal-supporters

Avec des ventes à plus de 300 000 exemplaires par jour, l’Equipe monopolise le monde de la presse sportive. Mais son record historique de vente se fera le 13 juillet 1998 lendemain de la victoire française en Coupe du monde 1998 : 1 645 907 exemplaires vendus (la Une ci dessous).

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Source : l’équipe

Cette même année de 1998, un épisode a profondément marqué la relation entre le ballon rond et le journal. Nous sommes à quelques semaines du début du Mondial 1998, un des plus grands évènements médiatiques jamais organisé en France. Pour l’occasion, le journal relaie les doutes de la majorité des Français qui ne croit pas à une victoire finale des Bleus. Le sélectionneur de l’époque (Aimé Jacquet) est sévèrement critiqué. A quelques mois de la compétition, une réunion éditoriale s’organise à l’Equipe pour décider d’une trêve et d’un soutien à la quête nationale mais c’est trop tard, le mal est fait. Le première étoile remportée par l’équipe de France réjouit plus de 60 millions de personnes met le journal hors jeu. Quelques minutes après la fin de la finale, Aimé Jacquet, nouveau héros national déclare : « je ne pardonnerai jamais. », étrange déclaration d’un homme qui vit un moment d’histoire. En cette année, le quotidien qui n’avait fait que son travail est donc coupable de s’être trompé, la liesse populaire rend l’affaire facile à juger, on la surnomme « l’affaire Jacquet ».1

Suite à cette affaire, l’image et la crédibilité du quotidien sont sévèrement entachées. Qui va désormais prendre le risque de l’analyse, de l’opinion ? L’important sur cette période est de soutenir, d’accompagner et de véhiculer le rêve. Ce soir-là, de nombreuses têtes sont tombées à la direction du journal. Cette victoire du 12 juillet 1998 va transformer le football en phénomène social et en un produit de consommation. Tout le monde parle de football. Les joueurs deviennent des vedettes dont toute la presse parle.

1 . L’Affaire Jacquet de Vincent Duluc

19 Ces vedettes représentent un contenu médiatique dont on ne peut plus se passer. C’est normal, plus ils sont présent plus les audiences augmentent. Mais pour avoir le droit de parler avec eux, il faut entretenir de bonnes relations. En 2006 lors de la finale de la Coupe du monde entre la France et l’Italie, Zidane fait parler suite à son fameux « coup de boule ». Claude Droussent (directeur de l’Équipe) critique ce geste dans un éditorial. Il le paiera. On ne touche pas à Zidane. Le joueur, en colère, ne pardonnera pas, mais surtout il y eut une pression terrible de la part des partenaires de la star. Les annonceurs font plier le journal. Le surlendemain, l’éditorial fait une ode à . Surréaliste car encore une fois, huit ans après l’affaire Jacquet, le journal avait encore fait son travail de journaliste. La preuve que les dossiers sensibles ne doivent pas être abordés. Le quotidien ne doit pas toucher à certains dossiers (Platini, Zidane) sous peine de voir l’image de son journal dégradé.1 La preuve aussi que le football est à part. Malgré sa mauvaise image, le journal arrive à se diversifier en s’adaptant aux nouveaux modes de consommation sportifs et grâce à l’importance du football dans le paysage médiatique, avec notamment la création d’un site internet pour optimiser au mieux ses contenus.

Depuis 10 ans, Laurent Picat est rédacteur en chef Web pour le site RMC Sport. Douze personnes travaillent au quotidien pour la plateforme. Et comme de nombreux médias, RMC Sport a bénéficié de l’évolution financière des enjeux du football et notamment du football français : « Il y a 10 ans, la ligue 1 était beaucoup plus calme. Il n’y avait pas les investisseurs étrangers. Il y a plus d’angles, d’info. Les moyens des clubs étaient différents, il y avait moins de transferts importants, Un exemple, le PSG ne faisait pas de tournée en Asie. Forcément plus la Ligue 1 se développe plus on profite de cet ascension. La Ligue 1 se rapproche des meilleurs en Europe, c’est excitant à suivre.» Il n’hésite pas à nous expliquer que l’argent dans le football est un domaine qui intéresse fortement les lecteurs : « Nos articles les plus lus sont souvent liés à l’aspect financier du foot, aux maillots, aux transferts.. Ce qui plait, c’est le quotidien, et les maillots, tout le monde en porte. Le maillot d’un club t’identifie de plus près à ton club. Quand le PSG dépense 400 millions d’euros sur le mercato de l’été 2017, chez nous ça se traduit sur le site par un record d’audience avec 23 millions de visites,» détaille Laurent Picat. En juillet 2018 le record a été battu avec 30 millions de visites sur le site, une affluence qui coïncide notamment avec la victoire des Bleus lors de la Coupe du monde de football en Russie. Un succès qui s’explique également par les avantages de ce

1 Autopsie du sport français de Daniel Riolo

20 support : « Nous on traite l’information non stop, on est disponible sur plusieurs supports, ordinateurs, Smartphones, tablettes accessibles 24h24. On a cet avantage là par rapport aux autres. Mais la télévision et la radio sont plus puissantes car cela monopolise plus de moyen. 20 millions de téléspectateurs pour la Coupe du monde, ce n’est pas des gens qui sont sur le site mais nous on est avant et après l’événement. C’est à ce moment-là que notre rôle est important. », conclut-t-il.

Cet été RMC SPORT (ancien SFR Sport) a obtenu les droits TV de la coupe d’Europe de football. Le site internet par conséquent a dû faire un article sur le premier match de l’histoire de la chaîne « comment regarder Bordeaux Ventspils » Laurent Picat justifie ce choix : « c’est normal, c’est une logique de groupe où les intérêts se rejoignent. L’intérêt du site rejoint l’intérêt du groupe à mettre en valeur les matchs qui sont diffusés sur nos antennes. C’est du gagnant/gagnant » avant d’ajouter « C’est une bonne nouvelle pour le site que nous ayons ces droits. Il va y avoir une dimension vidéo beaucoup plus importante pour nous et un traitement plus poussé sur les Coupe d’Europe de football. L’objectif est de combler les lecteurs ».Des propos qui montrent bien à quel point le football est plus qu’un sport, il est devenu aussi un produit financier. Mais pourquoi le football et pas un autre sport ? , qu’a-t-il de plus que les autres disciplines (rugby, tennis, basket etc..) ?

21 C. Le football est unique Le football est le sport roi en France et dans de nombreux pays. Avec presque deux millions de licenciés, le foot est le sport le plus populaire en France, loin devant le tennis.

Source : les héros du sport

Une popularité moins significative dans toute une partie de l’Asie, où on lui préfère le cricket et aux Etats-Unis, le football américain est le sport de prédilection. Mais le football a acquis une dimension culturelle, notamment à partir du vingtième siècle où il devient l’un des phénomènes essentiels. 1

1 Article RFI

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« Au début du XXe siècle personne ne s’intéresse à cette pratique en Europe. Aujourd’hui c’est devenu un jeu avec des retombées politiques, diplomatiques. Le football compte dans tous les domaines, l’économie, la culture, le social et la politique. Regardez comment Emmanuel Macron s’est servi de la victoire pour bonifier son image, sa communication. Les années 70 80 sont un véritable déclic dans lequel les médias ont leur place. Au début du siècle on aurait plutôt misé sur le cyclisme, l’athlétisme. Le foot écrase tout désormais, » détaille Yvan Gastaut.

Comme évoqué précédemment, l’engouement fluctue notamment avec les victoires lors des plus grandes compétitions comme la Coupe du monde (1998 et 2018) et l’Euro (2000). Et ce malgré les différentes affaires qui ont noirci son actualité comme l’affaire Knysna en Afrique du Sud pour le mondial 2010, les accusations de corruption de la FIFA (Fédération internationale de football association) ou encore les propos du joueur français après sa non sélection en équipe de France pour l’Euro 2016.1

Cette réussite populaire, le football la doit en partie à ses spécificités. « Il est très accessible, très simple à comprendre avec des règles universelles. Il propose des scénarios renversants et tous ces éléments mis à dos font que le football a un temps d’avance sur les autres. Il y a une dimension de spectacle, avec le stade aussi. Et puis le football il n’y a pas de répit, quand il n’y a plus le championnat, il y a le mercato ou les compétitions internationales contrairement à d’autres sports où il y a une pause, » évoque M. Gastaut. Il y également dans cet engouement, une dimension de spectacle. « Les médias participent à cette théâtralisation en faisant monter la pression avant, pendant et après. Le supporter a l’impression de jouer un rôle et de pouvoir avoir une influence sur le cours de la partie en encourageant son équipe ou en sifflant l’adversaire ou même l’arbitre », nous précise Yvan Gastaut. Avant d’ajouter « le football est un monde infiniment discutable, les supporters aiment bien parler, débattre de la rencontre après le match. Ils aiment bien discuter de leur sélection. C’est pour cela que l’on dit que la France compte 60 millions de sélectionneurs. Il y a toujours de quoi débattre dans ce sport. Comme si cette victoire ou cette défaite leur appartenait. » L’exemple parfait est en 1998 ou en 2018, le million de personnes défilant sur les Champs-Elysées juste après le titre de champion du monde de la France, comme si cette réussite appartenait à chaque français

1 Article RFI

23 présent ce jour-là. C’est une pratique qui permet d’exprimer une identité, locale ou nationale, c’est un vecteur de fierté et de patriotisme. Il est souvent considéré comme un reflet de la société. Tous les faits et gestes des joueurs de l’équipe de France sont scrutés par les politiques. Au moment de l’affaire Knysna lors du mondial 2010, le président de la République Nicolas Sarkozy était intervenu, recevant chez lui, le capitaine de l’époque, . Plus récemment, certains politiques ont réagi aux propos de Karim Benzema disant que « Deschamps avait cédé à une partie de la France raciste » suite à sa non sélection évoquée plus haut. Ces déclarations avaient créées des tensions autour des questions de communautarisme. Mais le moment où le football est principalement porteur d’enjeux important, est lors des grands évènements comme la Coupe du monde.

Dès la première édition de la Coupe du monde en 1930, les États ont apporté leur soutien à l’organisation de la plus prestigieuse des compétitions de football. Après avoir été plébiscité par le Congrès de la FIFA en 1929, la Fédération uruguayenne trouva ainsi un soutien de poids en la personne d’Enrique E.Buero (ambassadeur de l’Uruguay en Belgique). Enrique parcourut l’Europe et fit marcher ses contacts pour convaincre les équipes nationales européennes de traverser l’Atlantique. Cet événement coïncidait avec le centenaire de l’indépendance de la « Suisse » de l’Amérique du Sud. La municipalité de Montevideo d’ailleurs baptisa l’enceinte de 100 000 places construite pour l’occasion : El estadio centenario (le stade centenaire). Mais lors de cette première, la sécurité n’est pas une priorité. Des incidents violents entre spectateurs ont lieu pendant la finale opposant l’Argentine et l’Uruguay. Ce n’est qu’à partir de 1974, deux ans après le massacre des Jeux Olympiques de Munich que la question de la sécurité est devenue un enjeu majeur dans l’organisation et pour les pouvoirs publics. En accueillant une Coupe du monde, les États deviennent une cible prioritaire pour le terrorisme international. Mais cela permet aussi aux politiques de montrer toute leur maitrise sur la sécurité et de prouver qu’ils conservent le monopole. C’est d’ailleurs sur ce point que le président russe Vladimir Poutine focalisera toute son attention, lors de la Coupe du monde 2018.1

La Coupe du monde 1966 disputée au Royaume-Uni marque l’avènement de la télévision dans les stades de football. Ces derniers sont spécialement aménagés pour fournir les meilleures retransmissions télévisées possibles. Des équipes de télévision européennes

1 La Coupe du monde : un enjeu politique et économique pour les Etats ? De Paul Dietschy

24 viennent seconder la BBC et l’ITV pour filmer le principal événement télévisuel depuis les obsèques de Winston Churchill, un an plus tôt. Plus de 600 millions de téléspectateurs sont présents devant leur poste pour assister à « la revanche sportive » de la Seconde Guerre mondiale entre les Anglais et la sélection ouest-allemande, avec un score final de 4-2 pour les Anglais. Douze ans plus tard, la compétition se déroule en Argentine. Elle fait l’objet d’une organisation autour de l’Ente Autarquico Mundial 1978 dirigé par l’amiral Lacoste. Grâce à celui-ci, la junte argentine signe plusieurs contrats avec des firmes multinationales concernant notamment la modernisation du système de télécommunications argentin afin d’optimiser la retransmission des rencontres et l’ordre régnant dans le pays de Videla. A l’époque, Siemens passera le réseau télévisuel à la couleur pour 48 millions de dollars ; sa filiale majoritaire Osram fournira le matériel d’éclairage et Bosch livrera les salles de mixage, les caméras et les cars de retransmission.1

Malgré la victoire de l’Argentine en finale de sa Coupe du monde contre les Pays-Bas (3-1), la dictature de Videla n’en tire aucun bénéficie. Cette compétition contribuera à l’augmentation de la dette argentine qui s’élève alors à quelques centaines de millions de dollars avant que la guerre des Malouines ne ruine définitivement ce qu’il reste de crédit à ce régime criminel. Dans la mémoire collective, le titre que l’équipe de Diego Maradona va chercher en 1986 va largement contribuer à effacer le souvenir de cette Coupe du monde passant des mains du général Videla à celles du capitaine de l’époque Daniel Passarella. En 1998, la première victoire tricolore en Coupe du monde est celle de la France surnommée la France « black-blanc-beur » et la foule était comparable à celle de la libération. L’optimisme suscité par la victoire a pu faire augmenter de quelques dixièmes de point la croissance économique, boostée par le boom de la téléphonie mobile et d’Internet. Jacques Chirac, président de l’époque a même gagné en popularité grâce à ce succès. Mais l’invasion de la pelouse du par des jeunes supporters maghrébins lors du match France Algérie en 2001, puis les émeutes de l’automne 2005, viennent rappeler le caractère éphémère et symbolique de ces succès mondiaux.2

Au regard de l’histoire de la compétition, l’enjeu d’une Coupe du monde qu’elle soit organisée ou seulement disputée par l’équipe nationale est donc d’abord appréciable à partir

1 La Coupe du monde : un enjeu politique et économique pour les Etats ? De Paul Dietschy 2 La Coupe du monde : un enjeu politique et économique pour les Etats ? De Paul Dietschy

25 de critères qualitatifs difficilement mesurables. Ainsi la victoire de l’équipe de la RFA (Allemagne de l’ouest) en 1954 a permis sans aucun doute au peuple ouest-allemand de manifester pour la première fois un sentiment de patriotisme et de fierté nationale, neuf ans après la défaite de 1945.

On peut donc identifier des enjeux sectoriels plutôt qu’un enjeu général. Le premier se mesure en terme d’attractivité. Dans la compétition économique, accueillir un tel évènement montre la capacité à influencer les autres acteurs des relations internationales et à mobiliser les ressources disponibles. La Coupe du monde sert de vitrine à la modernité supposée des pays hôtes. De plus au niveau économique, ce genre de compétition permet de réaliser des investissements structurels en termes de transports. L’affluence de centaines de milliers de spectateurs entraîne un boom de la consommation ; par exemple, en Croatie, la vente de viande a augmenté de 30% cet été 2018, suite au bon parcours des Croates.

Par ailleurs, accueillir une Coupe du monde permet de lancer un programme de modernisation des stades, visant aussi à régler les problèmes récurrents de violences sportives, à mettre en œuvre un réaménagement urbain et permettant aussi d’attribuer aux stades une autre utilité autre comme des lieux que celle du profit. En 2006 après la Coupe du monde allemande, les spectateurs allemands ont ainsi pu bénéficier d’enceintes modernisées et plus confortables pour suivre le championnat de Bundesliga et les clubs d’outre-Rhin ont accru leurs recettes. « On a fabriqué un ensemble d’équilibre économique, politique et diplomatique qui est un levier absolument nécessaire pour le foot. On est dans la passion. Des territoires comme la Chine, l’Océanie qui étaient réticents à ce sport, se rendent compte de l’importance qu’il a en Europe et commence à instaurer cette discipline. C’est un phénomène qui va durer », analyse Yvan Gastaut.

Aujourd’hui, le football est mondialement connu. 211 pays ou territoires sont membres de la FIFA contre 192 représentés aux Nations Unies. De plus, de nombreuses pratiques liées au ballon rond se développent comme le football féminin ou bien le futsal. Le football s’est trouvé de nouvelles perspectives.1

1 Article RFI

26 Partie II : Les autres acteurs du football business

Dans la deuxième partie, il convient d'évoquer comment la médiatisation du football a permis à un autre acteur du football business de se développer, le sponsoring (A). Par la suite il sera intéressant d’analyser l’apport des agents dans le business des marchés des transferts (B). Enfin, il faudra citer les nouveaux acteurs du football business, les investisseurs étrangers.(C).

A. Le sponsoring, l’autre partenaire privilégié

La relation privilégiée entre les médias et le football profite à un autre acteur majeur du football business, le sponsoring. Comme les droits télévisuels, le sponsoring est un noyau dur du financement des clubs. Jusqu’en 1970 la publicité est interdite à la télévision. A partir ce moment-là, la retransmission sportive devient une vitrine publicitaire pour les annonceurs. La valeur ajoutée de l’image sportive d’un club, d’une compétition ou d’un joueur existe et augmente considérablement, avec une déferlante télévisuelle entre 1998 et 2002 et ses publicités dans lesquelles les champions du monde 1998 sont les protagonistes. Encore aujourd’hui, on peut apercevoir Zinedine Zidane sur nos écrans de télévision pour des publicités. Cette relation entre le football et l’entreprise joue un rôle important et introduit dans les clubs la culture du marketing. En plus de vendre des maillots ou des écharpes, les clubs de foot se lancent dans une véritable stratégie de merchandising en proposant des produits de consommation courante (vêtements, sacs, parfums, grille-pain). Avant l’arrivée du Qatar en 2011 à la tête du PSG, c’était Lyon et Marseille qui étaient les premiers, réalisant ainsi plus de 10 % de leur chiffre d’affaire.1 Aujourd’hui le PSG logiquement arrive en tête des clubs français en la matière. L’arrivée de la star Neymar à l’été 2017 a boosté son avance. En octobre 2017, 50 000 maillots floqués Neymar sont vendus, 86 000 (dont 11 000 la 1ère journée) maillots ont été achetés au début de l’été 2018 (dont 60% de maillots français), soit 1.100 par jour ; on peut compter aussi 300 000 produits dérivés vendus depuis l’arrivée de Neymar à Paris. 70% des flocages réalisés en boutique sont au nom de Neymar, devançant ainsi Cavani et Mbappé. Seulement 10% des maillots achetés ne sont pas floqués, et 4000 visiteurs chaque jour en moyenne viennent à la boutique située sur les Champs-Elysées ; sa fréquentation est en hausse de 40% en septembre 2017, par rapport à septembre 2016 ; de

1 La surenchère des sponsors dans le football de Jean-François Nys

27 même que la fréquentation était en hausse de 80% en août 2017 par rapport à août 2016, avec cette année, 1 000 visiteurs par jour en semaine au mégastore du (contre 350 en moyenne l’année dernière) ; des sommes faramineuses sont dépensées par les supporters. 1Mais cette pratique de gagner de l’argent grâce à l’image d’un club date de la fin du XIXe siècle, époque pendant laquelle le football se professionnalise. A partir de 1896, une série de 50 joueurs de cricket fait partie d’un jeu de cartes à collectionner ; ils se retrouvent dans les cartons insérés dans des paquets pour éviter que les cigarettes ne s’abiment, le fabricant s’en sert pour faire leur promotion. Les tabacs ont remarqué que ces cartes étaient un bon moyen de fidéliser leurs clients et ont ainsi développer des albums collecteurs jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Dans les années 30, des joueurs de football de haut niveau (Dean, Matthews) posent fréquemment pour la promotion de certains produits de consommation comme les cigarettes et les cosmétiques. En France, c’est un club qui va se lancer. En 1929 Jean-Pierre Peugeot ayant réuni toutes les usines sur le site de Sochaux, choisit le club de football (FC Sochaux) pour valoriser l’image de sa marque. L’équipe professionnelle du football club de Sochaux est née. L’homme d’affaire déclara à l’époque que le FC Sochaux était une équipe pro dont le rôle était de « porter bien haut le fanion des automobiles Peugeot à travers la France, au cours des rencontres qu’elle aura à disputer avec les meilleures équipes nationales. » M. Peugeot va plus loin dans sa démarche et décide de rendre cette publicité encore plus efficace en recrutant des grands noms du ballon rond et organise des rencontres amicales dans toute l’Europe face aux plus grandes équipes. Le non professionnalisme ne l’effraie pas puisqu’il décide de créer sa propre compétition : la Coupe Peugeot en 1930, un tournoi qui regroupe les meilleurs clubs français. C’est seurlement en 1932 que la structure deviendra professionnelle2.

Dans les années 1960, avec l’apparition, de la télévision dans les foyers, le ballon rond va être utilisé massivement comme un support publicitaire. La Coupe du monde 1966 disputée en Angleterre et remportée par le pays hôte marque le commencement de la médiatisation du football et de l’attrait qu’il va constituer pour les sponsors.3 Qu’il est loin le temps où Manchester United signait son premier contrat de sponsoring maillot avec le groupe Sharp pour 600 000 euros en 1982 et ce jusqu’en 2000. Aujourd’hui le club anglais de Paul Pogba est détenteur du sponsor maillot le plus cher avec le constructeur

1 Article RMC Sport 2 Professionnalisation du football et industrie automobile : les modèles turinois et sochalien de P. Diestchy et A. Mourat 3 « La surenchère des sponsors dans le football » de Jean- François Nys

28 automobile américain Chevrolet pour la somme de 65 millions d’euros par an, jusqu’en 2021, il se place ainsi juste devant le FC Barcelone et son contrat avec le groupe japonais de commerce et service en ligne Rakuten (55 millions d’euros par an jusqu’en 2021). Les facteurs qui expliquent la notoriété des sponsors clés (Adidas/ Nike) sont « la durée du partenariat, le montant investi et la couverture géographique » nous explique Pierre Rondeau. Prenons l’exemple du FC Barcelone, l’un des plus grands clubs de l’histoire du football. 20 ans que le club et Nike sont partenaires. A la fin de l’année 2016, le Barça et Nice prolongent leur partenariat de 10 ans, soit jusqu’en 2026. Le club catalan perçoit depuis cette année, plus de 150 millions d’euros annuels (par saison). Le précédent contrat rapportait une cinquantaine de millions d’euros par an. C’est ainsi une nouvelle marge financière offerte par Nike qui permet au Barca de prolonger ou acheter des joueurs plus facilement sur le marché des transferts. De son côté, Chelsea a scellé un contrat avec la « marque à la virgule » de 60 millions de livres par saison (66 millions d’euros) sur 15 ans. Plus les clubs sont prestigieux et performants, plus la durée du contrat est longue. Voici le top 10 des contrats équipementiers les plus lucratifs du monde en 2018 : EQUIPE SPONSOR MONTANT FC Barcelone NIKE 150 millions d’euros Manchester United ADIDAS 95 millions d’euros Chelsea NIKE 66 millions d’euros Bayern Munich ADIDAS 60 millions d’euros PSG NIKE 60 millions d’euros Real Madrid ADIDAS 40 millions d’euros Arsenal PUMA 40 millions d’euros Liverpool NEW BALANCE 30 millions d’euros Juventus de Turin ADIDAS 23 millions d’euros Milan AC PUMA 20 millions d’euros *source : sport market

« En sponsorisant une équipe de football, les entreprises visent plus à améliorer leur image que leur notoriété déjà élevée pour la majorité d’entre elles. Cela permet aussi d’améliorer les ventes, c’est indéniable, » précise Pierre Rondeau. Malgré la crise économique en 2008, les clubs européens n’ont pas été touchés. Par exemple, le réassureur américain AIG n’a pas quitté le club de Manchester United avant la fin de son contrat mi-2010. Les Mancuniens ont rapidement pris un remplaçant : le groupe Aon, numéro un mondial du courtage d’assurances de 2011 jusqu’à 2014.

29 Si des sponsors arrivent à se pérenniser d’autres disparaissent, comme Opel. Le constructeur allemand a disparu du monde du football suite à des problèmes financiers malgré ses contrats avec le PSG, le Bayern Munich ou encore le Milan AC.1

En 1990, avec comme modèle les ligues américaines, Arsenal est devenu l’un des premiers clubs à enregistrer son nom comme marque commerciale. Aujourd’hui ce phénomène se développe et de nombreux clubs vendent dans diverses boutiques, des produits à leurs logos et couleurs. Mais même si les sponsors visent en priorité des partenariats avec des clubs, certains cherchent à s’associer avec les meilleurs joueurs de la planète. La signature de grandes stars du football entraine immédiatement la vente de plusieurs centaines de milliers de maillots. Prenons l’exemple de Cristiano Ronaldo. En 2018, cet été, il quitte le Real Madrid pour la Juventus de Turin contre un chèque de 100 millions d’euros, devenant à cette occasion, le joueur le plus cher de l’histoire du club. En 24 heures, 520 000 maillots ont été vendus flockés à son nom ce qui a rapporté 54,6 millions de recettes à la Juve. Cristiano Ronaldo représente 140 000 000 de followers sur Instagram. Sa marque déposée « CR7 » est estimée à 102 millions d’euros. Pour le club italien, c’est le jackpot, + de 1,4M d’abonnés sur Instagram et + 1,1 M d’abonnés sur Twitter suite à l’arrivée du portugais.2 .

Voici le top 5 mondial des joueurs ayant le plus gros contrat équipementier du foot en 2018 :

JOUEUR EQUIPEMENTIER SOMME Cristiano Ronaldo NIKE 20M/AN Lionel Messi ADIDAS 12M/AN Neymar NIKE 12M/AN Gareth Bale ADIDAS 5M/AN Mario Balotelli PUMA 5M/AN * article sportune

1 La surenchère des sponsors dans le football » de Jean- François Nys 2 Reportage France TV : Cristiano Ronaldo à la conquête de l’Italie.

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A travers ces chiffres, nous remarquons la lutte entre les deux monstres du sponsoring, Adidas et Nike qui se livrent une surenchère sans merci pour équiper les clubs, les joueurs mais également les équipes nationales. Prenons l’exemple de Nike qui a réussi à chiper à Adidas l’équipe de France en 2011. Un fait important puisque Adidas était un partenaire privilégié de la sélection tricolore depuis 37 ans pour près de 10 millions d’euros par saison. L’offre de Nike s’élève à 42 millions d’euros par saison. Adidas a réussi néanmoins à conserver son contrat avec la sélection Allemande malgré la concurrence de Nike.

Mais Adidas peut tout de même se consoler d’être le partenaire historique de l’organisation mondiale du football : la FIFA. De plus, l ‘équipementier fournit les ballons officiels de la Coupe du monde depuis 1970 et propose un modèle de ballon à chaque édition (Tango en 1978, Questra en 1994 ou encore Tricolore en 1998). Pour la Coupe du monde 2006 en Allemagne, la marque avait vendu pour plus de 10 millions d’exemplaires du ballon officiel du Mondial (dont 1 million en France). Et la compétition allemande avait permis aux deux monstres (Nike et Adidas) de développer leur vente de maillots de près de 33% en Europe.1

Nous assistons à une surenchère des sponsors qui ne cessent d’augmenter au fil des années. Cette réalité s’explique par « une offre limitée pour les sponsors » selon Pierre Rondeau. « Dans les 5 plus grands championnats européens, la Ligue 1, la Série A, la Liga, la Premier League, il n’y a que 20 clubs et en Bundesliga allemande, 18 clubs et les équipes nationales sont naturellement limitées également. Conséquence, une explosion des prix pour obtenir des contrats exclusifs. Cela ne fait que commencer, » conclut l’économiste.

1 La surenchère des sponsors dans le football » de Jean- François Nys

31 B. L’omniprésence des agents sportifs

L’engouement médiatique du football a révélé aux yeux du monde entier le produit financier que pouvait représenter ce sport. Depuis plusieurs années, un acteur en est devenu l’un des rois, l’agent sportif. L’explosion des transferts dans le football depuis plusieurs années est liée à l’omniprésence de ces agents sportifs.

L’agent sportif a un rôle d’intermédiaire entre le joueur et le club. Lors d’un transfert, les joueurs déterminent leurs prétentions salariales, ils ne connaissent pas non plus le salaire des autres joueurs. Il est compliqué aussi pour eux de savoir quels sont les clubs intéressés par leur « candidature », et ne connaissent pas la santé financière et la qualité du management du club ; celui-ci, de son côté, a besoin de savoir quels joueurs pourraient fournir son effectif et dans quelle état de forme est le joueur qu’il achète. C’est pourquoi l’agent sportif va avoir un rôle primordial ; il doit savoir se rendre utile pour son joueur et va ainsi faciliter la relation entre les deux protagonistes.1 Son rôle principal est de défendre les intérêts du joueur qui l’a

1 Marché des transferts et agents sportifs : le dessous des cartes de Jean-François Brocard

32 mandaté dans le cadre de la négociation avec le club, en vue de la signature du contrat. Il doit lui donner des conseils juridiques et financiers afin d’optimiser la qualité du contrat. Mais il peut rendre service au joueur dans d’autres domaines : la gestion de son patrimoine (via des conseils fiscaux) et la gestion de son image (mise en relation avec des sponsors).

Il y a trois types d’individus derrière ce rôle d’agent sportif, selon les services offerts : - Les proches des joueurs - Les anciens footballeurs professionnels qui offrent leur réseau - Les diplômés universitaires qui offrent leurs compétences techniques

Selon une étude de la Commission européenne, on évalue à 200 millions d’euros le total des commissions annuelles, touchées par les agents sportifs en Europe. Les institutions comme la FIFA cherchent à réguler l’accès à la profession. Pour être agent, il faut détenir une licence délivrée par l’intermédiaire de la fédération nationale. Cette licence est un gage de qualité, permettant d’attester les compétences juridiques de l’agent sportif. 1

Pourtant, de nombreux faux agents existent dans le milieu. À l’INF Clairefontaine (le plus prestigieux centre de formation français), où de nombreux grands joueurs français se sont révélés, comme Thierry Henry, , ou encore , organise chaque année une sélection : 1000 jeunes joueurs sont scrutés et seulement 25 seront recrutés par les clubs professionnels. En France, il est interdit de signer un contrat avec un joueur mineur. Pourtant, de nombreux faux agents sont là pour dénicher la perle rare alors qu’ils sont censés ne pas y avoir accès. Sans la licence FFF, la personne peut encourir jusqu’à 2 ans de prison. Un agent professionnel doit savoir se rendre utile très tôt pour le jeune joueur et être très convaincant pour les parents, par exemple, en donnant de l’argent aux parents pour payer des frais de scolarité ; si le joueur reste deux ans à Clairefontaine, l’agent s’engage à payer les 7000e euros par année.2

Le talent n’est pas une question d’âge. C’est intéressant de recruter de très jeunes joueurs, car ils peuvent être modelés à l’image et à la culture de jeu du club en question. Faire signer un

1 Marché des transferts et agents sportifs : le dessous des cartes de Jean-François Brocard 2 Reportage Cash investigation : Foot business : enquête sur une omerta

33 joueur à 12 ans est l’assurance d’avoir des indemnités plus tard quand le joueur signera avec un autre club.

Prenons l’exemple de la Masia à Barcelone, le centre de formation le plus réputé du monde. Les trois quarts des footballeurs professionnels du FC Barcelone ont été formés ici. C’est ici notamment qu’un certain Lionel Messi (détenteur du plus gros salaire annuel dans le monde avec plus de 100 millions d’euros) a été formé. Après 1 an de formation, si le joueur de 13 ans quitte le club pour un autre, son club touche 90 000 euros d’indemnité. Recruter un jeune joueur a un autre avantage, cela permet au club formateur, et ce durant toute la carrière du joueur, d’encaisser 5% pour chacun de ses transferts. Exemple : formé au FC Barcelone, a joué durant toute sa carrière, à l’Atlético Madrid, au Genoa, à l’Inter de Milan et au PSG ; à chaque fois Le Barça reçoit sa part, une somme évaluée à plus de 710 000 euros. « La course à l’âge », c’est s’assurer une confortable rente pour un club formateur.

Autant d’argent n’attire pas seulement les professionnels du football ; il existe des sociétés de fond d’investissement qui s’intéressent de plus en plus au succès du football. Eliaquim Mangala est un défenseur international français, jusqu’en 2011 il joue au Standard de Liège. Le club décide de vendre son joueur au FC Porto. Le club portugais achète le joueur 6 M et sa clause libératoire est évaluée à 50 M. Fin 2011, le club coté en bourse est éliminé de la Coupe d’Europe. Il a besoin d’argent rapidement. Quelques jours plus tard, les Portugais annoncent qu’ils vendent un tiers des droits économiques du joueur Mangala (33,33% = 2.647.059 millions d’euro). L’action du club remonte. Le nouveau propriétaire s’appelle Doyen Sports, un fond d’investissement, spécialiste de l’extraction d’Uranium et de Charbon. Le groupe détient une vingtaine de joueurs et investit 2.5M en moyenne par joueur. En France et en Angleterre c’est interdit. Dans le monde, il existe plus de 1000 sociétés de fond d’investissement présentes dans l’univers du football.

L’arbitre du foot européen, l’UEFA n’a toujours pas interdit ces mesures. Des risques de trucages peuvent apparaître si plusieurs joueurs d’un même fond d’investissement s’affrontent dans une même rencontre. La FIFA, arbitre du football mondial, souhaite interdire à des tierces personnes de signer un contrat avec une personne directement liée au football. A l’heure actuelle, il n’y a toujours pas de sanction attribuées aux fonds d’investissement.1

1 1 Reportage Cash investigation : Foot business : enquête sur une omerta

34 Seulement 25% des transferts internationaux se font par l’intermédiaire d’un agent licencié, les pratiques du marché font débat mais rien n’est fait contre. Aujourd’hui il est difficile de savoir quels sont les bénéficiaires des transferts. Qui a exactement bénéficié de l’indemnité de 222 millions d’euros, du transfert de Neymar du FC Barcelone au Paris Saint Germain en 2017 ? Les dérives évoquées précédemment remettent en cause le contrôle de l’activité des agents sportifs. Cette accélération financière est révélatrice des sommes qui sont désormais injectées dans le football tant pour les droits TV que pour les transferts des joueurs. Ce n’est donc pas surprenant de voir apparaitre des intermédiaires venant d’univers étrangers au football qui veulent aussi une part du gâteau. Une similitude que l’on retrouve chez les nouveaux acteurs du football business, les investisseurs étrangers qui rachètent les clubs de football.

35 C. Les investisseurs étrangers

Aujourd’hui en Ligue 1, les quatre premiers de la saison dernière sont détenus par (à différentes parts) par des investisseurs étrangers. Depuis 2011, le Paris Saint Germain appartient à 70% au fond d’investissement qatari, Qatar Investment Authority.et l’AS Monaco à 66% au milliardaire russe Dimitri Rybolovlev. En 2016, le président lyonnais Jean-Michel Aulas a déclaré que 20% de son capital avait été racheté par le fond chinois IDG et la même année l’ a été racheté par le milliardaire américain, Franck McCourt. Ligue 1 et Ligue 2 confondues, nous pouvons constater une dizaine d’autres investisseurs étrangers. Il y a différentes raisons qui expliquent cet intérêt. 1

Pour Yvan Gastaut, la principale raison est « l’exposition médiatique du foot. De plus en plus de personnes regardent ce sport. C’est le plus populaire et le plus facile à comprendre. Pour les investisseurs, investir de l’argent dans le football assure une médiatisation certaine et permet une grande visibilité. » La deuxième raison selon l’historien est le prix des clubs. Le PSG n’a été acheté que 40 millions d’euros par le fond qatari. Franck McCourt a déboursé 45 millions d’euros en 2016 pour racheter l’OM. Des prix bien éloignés des clubs étrangers. Le Milan AC a été vendu à un fond d’investissement chinois pour une somme entre 500 et 700 millions d’euros. Son voisin, l’Inter, a été cédé par un fond d’investissement indonésien pour 270 millions d’euros. Des chiffres qui s’expliquent par une divergence au niveau des performances sportives. « La France n’a que deux victoires en Coupe d’Europe : l’Olympique de Marseille en 1993 et le Paris Saint Germain en 1996. Cette année, aucun club français en quart de finale de Ligue des champions. La finale d’Europa League de l’OM la saison dernière est un arbre qui cache la forêt. Donc investir en France permet aux investisseurs étrangers de prendre moins de risques et de bénéficier de la médiatisation de ce sport, » explique M. Gastaut.

1 Article The conversation

36 L’autre raison évoquée précédemment est la future valorisation des droits TV. Fin mai 2018, la Ligue de Football Professionnel a annoncé la nouvelle répartition des droits TV de la Ligue 1 pour la période 2020-2024, 1,153 milliard d’euros par saison. Un montant record pour les clubs de l’élite qui se partageaient jusqu’à maintenant un peu plus de 760 M€ par an. Soit une augmentation de 60%.1 Cette forte hausse des droits TV devrait permettre à la Ligue 1 de franchir un cap en se mettant au niveau des grands championnats européens. À titre de comparaison, la Liga espagnole est évaluée à 1,6 milliard, la série A italienne à 1,05 milliard et la Premier League représente 2,3 milliards d’euros. Des chiffres qui permettent aux investisseurs de s’implanter pendant que les prix des clubs sont encore faibles.

Enfin un dernier point important à ne pas négliger pour Yvan Gastaut, c’est le développement et l’attractivité du sport en France. « La France a organisé l’Euro 2016 de football. Elle va organiser la Coupe du monde 2018 féminine ainsi que les Jeux Olympiques de 2024 notamment. Ce qui offre une grande visibilité et une certaine réputation sur le plan international. De plus la victoire de l’équipe de France à la dernière Coupe du monde en Russie, est positive pour le sport français, » assure l’historien.

En résumé, une exposition médiatique élevée, une belle valorisation des droits TV à prévoir et un prix d’achat des clubs expliquent la présence importante des investisseurs dans notre football. Des investisseurs qui arrivent de l’étranger mais qui n’adoptent pas tous la même stratégie.

Prenons les deux plus gros clubs français actuels, le Paris Saint Germain et l’AS Monaco. Depuis 2011, le PSG appartient au fond souverain du Qatar. Son budget est le plus important en France avec 5OO millions d’euros de budget. Sa stratégie, acheter des grands joueurs confirmés comme Neymar, Ibrahimovic ou encore cet été . Les Parisiens veulent rivaliser avec les meilleurs et ont pour objectif de gagner la Ligue des champions. Selon l’Observatoire du football, le PSG a dépensé près de 850 millions d’euros pour faire son effectif actuel. Son trio d’attaque (Neymar-Cavani-Mbappe) représente 466,5 millions d’euros d’achats. C’est le deuxième effectif le plus cher d’Europe derrière le club anglais de Manchester City avec 853 millions d’euros, une première dans l’histoire du football.

1 Article Foot mercato

37 Source :* Observatoire du football

38 Pour Monaco, le projet est différent. Son budget est de 170 millions d’euros. Depuis 2014, les Russes dénichent des pépites en formation ou en post-formation pour les revendre à prix d’or. Le Rocher s’est fait une spécialité en terme de vente : (acheté 15 millions en 2015) vendu pour 50 millions d’euros en Angleterre la saison passée, (acheté 5 millions d’euros en 2013) vendu à Manchester United en 2015 pour 50 millions et l’année elle a vendu la nouvelle perle du football français, Kylian Mbappe (formé au club) pour 180 millions d’euros au PSG. La liste est encore longue. Comme disait l’ancien président de l’Olympique de Marseille, Vincent Labrune, l’ASM est un « dépôt vente ». Une réalité qui n’empêche pas le club du Rocher de faire des performances sportives. Champion de France 2017, les Monégasques se sont hissés dans le dernier carré de la Ligue des champions. Des résultats qui permettent une valorisation des joueurs et par conséquent une revente importante à posteriori. Suite à cette saison 2016-2017 exceptionnelle, le club de la Principauté a battu des records sur le marché des transferts à l’été 2017, avec un total de 357,5 millions d’euros de revenus sur le mercato. En plus de la vente de Kylian Mbappe (180 millions d’euros) Monaco a vendu huit joueurs dont trois pour des montants supérieurs à 40 millions d’euros. Jamais un club n’avait récolté autant d’argent.1

Pourtant à son arrivée au club en décembre 2011, l’homme d’affaire russe avait opté pour une toute autre tactique. Souhaitant être le concurrent numéro 1 du Paris Saint Germain sur la scène nationale, le Rocher n’avait pas hésité à débourser 105 millions d’euros pour signer les stars colombiennes James Rodriguez et . Des investissements qui avaient porté leurs fruits puisque que Monaco avait terminé second du championnat dès sa remontée. Mais l’ASM avait creusé son déficit et avait été sanctionné par l’UEFA avec une amende de 13 millions d’euros pour ne pas avoir respecté les règles du fair-play financier. Ce dernier oblige une équipe européenne à ne pas dépenser plus que ce qu’elle ne gagne. En outre, le milliardaire a subi un divorce couteux parallèlement à cette sanction.

C’est pour cela qu’en 2014 le club prend un nouveau virage. Monaco arrête les grosses dépenses et fait signer des jeunes joueurs prometteurs. Tiemoué Bakayoko recruté en provenance de Rennes en 2014 pour 8 millions d’euros a été revendu 3 ans plus tard à

1 Article Le Parisien

39 Chelsea pour 40 millions d’euros. Autre point fort monégasque, son anticipation, puisqu’elle avait déjà prévu le départ de son milieu de terrain en recrutant un autre grand espoir, le belge Yuri Tielemans (20 ans). Le modèle monégasque est marqué par des cycles, une année basée sur la vente des meilleurs joueurs, une autre par la conservation de certains de ses cadres.

Alors que Monaco met ses jeunes à l’honneur, le PSG privilégie ses stars. Hormis pendant les tournées estivales où le club de la capitale fait jouer ses jeunes, ils restent pour la plupart en réserve ou sur le banc de touche. Un club avec 500 millions d’euros de budget annuel est une entreprise de spectacle où le résultat est obligatoire. Ce n’est pas une entité sportive dans laquelle un jeune est amener à progresser vers le plus haut niveau en obtenant du temps de jeu. Formé au PSG, est une exception, il est parvenu à se faire une place de titulaire dans le « onze parisien » depuis deux ans.1

Depuis son arrivée il y a 7 ans, l’émir du Qatar a dépensé plus d’un milliard d’euros dans le projet parisien. Il voulait faire du PSG un rival des grands d’Europe et notamment Manchester City, détenu par un autre pays du Golfe depuis 2008, le prince d’ Abou Dhabi des Emirats Arabe Unis. Qatar/Emirats arabe unis, une rivalité qui dépasse les frontières du sport et qui a pris une dimension encore plus importante depuis la crise du Golfe en juin dernier et la rupture diplomatique consommée entre les deux nations. Pour redorer son image Doha a besoin d’une victoire sportive. Malgré l’absence de victoire européenne, le PSG version Qatar continue son opération séduction.

Depuis 2014, il vise le marché asiatique en y organisant notamment les préparations d’avant saison du club parisien. L’arrivée de joueurs internationalement connus comme Neymar ou Buffon est un solide argument de séduction. Le match du trophée des champions 2018 s’est d’ailleurs déroulé à Shenzen (Chine) entre Paris et Monaco le 4 aout dernier. C’est ainsi que le club a ouvert récemment son premier bureau en Asie à Singapour. Par ailleurs, avec l’appui de la Ligue de Football professionnel, le match PSG- Nice (14 mars) a été programmé un dimanche à 13 heures, heure de grande écoute en Asie. Il a été suivi par 1,6 millions de téléspectateurs en Chine soit une audience « 16 fois supérieure à la moyenne pour un match de Ligue 1 » précise la LFP dans un communiqué.2

1 Article Eurosport 2 Article Europe 1

40

Désormais, le club compte 25% de ses supporters à travers le monde sur le continent asiatique et plus de 17 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux chinois comme weChat et Weibo. Des chiffres encore éloignés des clubs anglais comme Manchester qui compte plus de 100 millions d’abonnés en Asie.

41 CONCLUSION

Au fil de ce mémoire, nous avons pu constater la relation indispensable entre le football et les médias. Aujourd’hui le football est omniprésent, c’est une réalité, dans notre télé, nos journaux, sur les sites internet, et à la radio. Il fait partie de notre quotidien. La préparation des joueurs est observée toute la semaine par les médias. Il y a des conférences de presse hebdomadaires et des compétitions annuelles, avec l’élection du meilleur joueur du tournoi. De plus, après les matchs, des émissions de télé et de radio pour débattre du contenu de la rencontre sont un rendez-vous incontournable. Pour le plus connectés, des articles fusionnent sur le web, l’information sur le football ne s’arrête jamais. Le ballon rond et les médias sont inséparables. Avec l’explosion des droits télévisuels, le football et les médias ne peuvent plus se passer l’un de l’autre.

Le football est plus qu’un sport ou une passion, en 40 ans, il est devenu une industrie du spectacle dans laquelle les médias semblent désormais réduits à assurer la promotion de ses blockbusters. Mais à travers cette relation, une question se pose ; quelle est la place du métier de journaliste dans ce rapport ? Les journalistes cherchent-t-ils leur place dans ce couple ? L’émotion prédomine souvent sur la réflexion. Stéphane Guy, commentateur des matchs de Ligue 1 sur Canal +, répète souvent : « Encore 20 minutes dans ce passionnant match de Ligue 1, j’espère que vous vous régalez chers abonnés de Canal. » Pense- t-il vraiment ce qu’il dit ? N’a-t-il pas l’impression de vendre en permanence un « spectacle-business » qu’est devenu le football ?

Malgré tout, je pense qu’un journaliste sportif reste un passionné de sport ; et pour un passionné de foot, comme pour n’importe quelle passion d’ailleurs, ce qui est fondamental, tout au début, avant même de penser « business », avant même que la compétition démarre, c’est le plaisir émotionnel que va procurer le jeu, ce mélange de différentes émotions importantes qui arrivent tour à tour, sans prévenir, avec force ou insidieusement, ces émotions indispensables comme la peur, la tristesse, la joie, la colère, ce qui nous fait avancer dans la vie, alors voilà ce qu’apporte le football aux aficionados, mais aussi à tous les spectateurs occasionnels, pendant les grands évènements notamment, car ressentir ses émotions fait oublier tout le reste, notre conscience n’est focalisée que sur notre corps et plus rien d’autre n’a d’importance à cet instant ; c’est magique, instantanée comme une drogue, qu’on redemande sans cesse ;

42 Grâce aux médias, ces émotions peuvent être réactivées sans cesse, on se repasse inlassablement tous les buts marqués et autres belles actions de jeu à la télé, dans les journaux on regarde et on affiche parfois les belles photos des joueurs en pleine action sur le terrain, et on lit les titres élogieux des victoires, on écoute à la radio la voix de ce héro du jour, le buteur, qui commente son match, et sur le web on partage nos émotions, nos avis entre supporters…

Alors oui les médias favorisent le foot-business, ils font et défont la notoriété d’un club, d’un joueur, vont parfois au delà de l’information purement journalistique pour vendre, et pour faire de l’argent, beaucoup d’argent, beaucoup trop ? C’est un autre débat… Mais pour la majorité d’entre nous, tous ceux qui n’ont pas la chance de vivre un tournoi, une compétition ou un évènement international dans un stade, le média est un outil formidable, dont quasiment personne aujourd’hui ne se passe, et permet la diffusion des matchs pour les faire vivre comme si nous y étions, un accès à l’information instantané; la banalisation des hautes technologies nous fait oublier cette chance de pouvoir suivre à distance tous les évènements. Alors laissons l’émotion prédominer sur la réflexion de ce mariage de raison qu’ont fait depuis longtemps maintenant les médias et le football.

43 BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages :

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Vincent Duluc, L’affaire Jacquet, éditions Prolongations, 2008

Daniel Riolo, Autopsie du sport français, éditions Hugo sport, 2017

Paul Diestchy, La Coupe du monde : une enjeu politique et économique pour les États ? éditions Choiseul, « Géoéconomie », 2010

Jean- François Nys, La surenchère des sponsors dans le football, éditions Choiseul, « Géoéconomie », 2010

Paul Diestchy, Professionnalisation du football et industrie automobile : les modèles turinois et sochalien, 2006

Jean-François Brocard, Marché des transferts et agents sportifs : le dessous des cartes, éditions Choiseul, « Géoéconomie », 2010

Article web/presse :

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FOOTMERCATO, 12/06/2018, Ligue 1 : la répartition des droits TV pour 2017/2018 (consulté le 29 mars 2018) http://www.footmercato.net/ligue-1/ligue-1-la-repartition-des- droits-tv-pour-2017-18-devoilee_229012

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FOOTMERCATO, 29/05/2018, Droits TV : la ligue 1 vendue pour 1, 153 milliard d’euros par saison ! (Consulté le 30 mars 2018) http://www.footmercato.net/ligue-1/droits-tv-la-ligue- 1-vendue-pour-1-153-milliard-d-euros-par-saison_227985

MEDIASPORTIF, 29/05/2018, Droits TV Ligue 1 (2020-2024) : Mediapro et BeIN sports raflent la mise, Canal + bredouille (consulté le 30 mars 2018) https://www.mediasportif.fr/2018/05/29/droits-tv-ligue-1-2020-2024-mediapro-et-bein-sports- raflent-la-mise-canal-bredouille/

44

RFI, 10/06/2016, Pourquoi le foot déchaine autant les passions, (consulté le 18 mai 2018) http://www.rfi.fr/hebdo/20160610-france-euro-2016-pourquoi-foot-dechaine-passions- foules-engouement

RMC SPORT, 26/09/2017, vente de maillots rupture de stock, fréquentation, des chiffres records (consulté le 20 juillet 2018) https://rmcsport.bfmtv.com/football/vente-de- maillots-rupture-de-stock-frequentation-les-chiffres-record-du-psg-1264623.html

THE CONVERSATION, 27/03.2018, le foot français, nouvel eldorado des investisseurs étrangers (consulté le 30 juillet 2018) https://theconversation.com/le-foot-francais-nouvel- eldorado-des-investisseurs-etrangers-93928

EUROSPORT, 30/03/2018, Monaco, un modèle dont le PSG peut s’inspirer (consulté le 8 août) https://www.eurosport.fr/football/coupe-de-la-ligue/2017-2018/monaco-un-modele- dont-le-psg-peut-s-inspirer_sto6694787/story.shtml

LE PARISIEN, 01/09/2017, Mercato : avec le départ de Mbappé, Monaco a battu des records de vente (consulté le 3 août) http://www.leparisien.fr/sports/football/mercato-avec-le- depart-de-mbappe-monaco-a-battu-des-records-de-ventes-01-09-2017-7228269.php

EUROPE 1, 03/08/2018, Le PSG à la conquête de la Chine, (consulté le 12 août) http://www.europe1.fr/sport/le-psg-a-la-conquete-de-lest-3725201

Reportage TV :

Reportage Cash investigation, 2015 : Foot business : enquête sur une omerta

Reportage Stade 2, 2018 : Cristiano Ronaldo à la conquête de l’Italie.

45 ANNEXES

LAURENT PICAT : Rédacteur Web chez RMC SPORT, depuis 10 ans

Quelle est la différence entre votre traitement de l’info de maintenant et celle d’il y a 10 ans ?

« Il y a 10 ans, la ligue 1 était beaucoup plus calme. Il n’y avait pas les investisseurs étrangers. Il y a plus d’angles, d’info. Les moyens des clubs étaient différents, il y avait moins de transferts importants, Un exemple, le PSG ne faisait pas de tournée en Asie.. Forcément plus la ligue 1 se développe plus on profite de cet ascension. La ligue 1 se rapproche des meilleurs en Europe, c’est excitant à suivre.» « Depuis l’arrivée des qataris (PSG) et des Russes (Monaco) en France et depuis le mercato dernier, il y a un engouement important sur le foot business. Quand le PSG dépense 400 millions d’euros sur le mercato de l’été 2017, chez nous ça se traduit sur le site par un record d’audience.» (30 millions de visite en 2018).

Quels sont les articles les plus souvent lus ?

« Nos articles les plus lus sont souvent liés à l’aspect financiers du foot, les maillots, les transferts.. Ce qui plait c’est le quotidien, les maillots tout le monde en porte. Le maillot au club t’identifie de plus près à son club. »

Quel est l’avantage de votre support par rapport aux autres ?

Nous, on traite l’info non stop, on est disponible sur plusieurs supports, ordinateurs, Smartphone, tablettes accessibles 24h24 que les autres supports. On a cet avantage là par rapport aux autres supports. Mais la télé et la radio sont plus puissantes car cela monopolise plus de moyen. 20 millions de téléspectateurs prou la coupe du monde, ce n’est pas des gens qui sont sur le site mais nous on est avant après. C’est à ce moment là que notre rôle est important.

46 Cet été RMC SPORT a obtenu les droits de la coupe d’Europe. Le site internet par conséquent à du faire un article « comment regarder Bordeaux Ventspils, pourquoi ?

C’est normal, c’est une logique de groupe où les intérêts se rejoignent. L’intérêt du site rejoint l’intérêt du groupe à mettre en valeur les matchs qui sont diffusé sur nos . C’est du gagnant, gagnant. C’est une bonne nouvelle pour le site que nous ayons ces droits. Il va y avoir une dimension vidéo beaucoup plus importante pour nous et un traitement plus poussé sur les Coupe d’Europe de football. L’objectif est de combler les lecteurs.

Yvan Gastaut, écrivain, historien du sport et maitre de conférences à l’UFR STAPS de l’Université de Nice.

Comment la radio traite le football ? Dans les années 70 quand vous aimez le football. Vous lisez la presse, vous allez au stade et vous écouter la radio. Il n’y avait pas de matchs télévisés ou très peu. Il y a un tournant, la retransmission en direct des matches dans les années 70, 80. Il n’y avait pas de match télévisé ou très peu. La radio avait cette utilité pour les gens. On suivait le déroulé des championnats grâce à la radio. Mais le tournant c’est RMC qui va le créer avec au début des années 2000 les premières émissions de débat sur le foot. Ils ont fait un pari en privilégiant le football. Les années 20 et 30, la radio est utilisé comme un outil d’information sportive. Avant cela c’était seulement militaire. Et cette période correspond à la massification du sport. C’est un média d’émotion. A l’époque, la radio est un outil de luxe. Elle amplifie la passion du sport.

La médiatisation du football l’aide à être encore plus populaire ?

Oui le c’est le sport le plus médiatisé donc il est le plus connu. Donc il a de plus en plus adhérents et donc il est encore plus médiatisé. Les footballeurs sont devenus des stars avec des salaires astronomiques, ce qui attise les passions. Le football prend beaucoup de place au détriment des autres.

47 On ne serait pas dans une overdose du football ?

Ben les médias ne font que répondre à une demande. On est dans l’ère du temps. Il y a 20 ans , l’ événement c’était les hymnes, le match et on rendait l’antenne que ce soit à la radio ou à la télé. Maintenant, que ce soit dans la presse écrite, on a du 24 sur 24 avec la préparation des joueurs quelque jours avant, l’avant match avec un échauffement et des journalistes embarqués sur le terrain. Un suivi permanent qui est le reflet d’un marché.

Les médias participent au football business ?

Les médias font des paris, c’est un des acteurs. Les médias sont friands des stratégies des clubs, des finances, des transferts. Tous les types de médias que ce soit le web, la radio, et la télé bien sur. Donc pour moi oui mais ce sont pas les seuls acteurs.

Comment l’Equipe s’est tourné vers le football ?

L’équipe s’adapte à la passion du football et du lecteur, et commence à s’intéresse a partir des années 70 et 80 . L’épopée des Verts dans les années 70 a créé un engouement nouveau pour foot. Il y a un déclic qui se produit et les médias s’en sont servis. Les différents types de médias se développent alors. Avant 45 le football est anonyme, on s’intéresse plus au vélo, la boxe.

Le football est l’un des des phénomènes du XX e sicle vous êtes d’accord ?

Bien sûr, au début du XXe siècle personne ne s’intéresse à cette pratique en Europe. Aujourd’hui c’est devenu un jeu avec des retombées politiques, diplomatiques. Le football compte dans tous les domaines, l’économie, la culture, le social et la politique. Regardez comment Emmanuel Macron s’est servi de la victoire pour bonifier son image, sa communication. Les années 70 80 sont un véritable déclic dans lequel les médias ont leur place. Au début du siècle on aurait plutôt misé sur le cyclisme, l’athlétisme. Le foot écrase tout désormais.

48 Il a quoi en plus que les autres ?

Il est très accessible, très simple à comprendre avec des règles universelles. Il propose des scénarios renversants et tous ces éléments mis à dos font que le football a un temps d’avance sur les autres. Il y a une dimension de spectacle, avec le stade aussi. Et puis le football il n’y a pas de répit, quand il n’y a plus le championnat, il y a le mercato ou les compétitions internationales contrairement à d’autres sports ou il y a une pause.

Il n’y a pas d’overdose ?

Les médias traduisent un état d’esprit, on a fabriqué une passion au tour du football. On a fabriqué un ensemble d’équilibre économique, politique diplomatique qui sont des leviers autour du foot qui sont devenues une véritable nécessité. On est dans la passion. Des territoires comme la Chine, l’Océanie qui était réticent envers ce sport se rendent compte l’importance qu’il a en Europe et commence à se diriger vers cette pratique. C’est un phénomène qui va durer. On est dans un rapport de force , il faut avoir un équilibre dans cette relation. C’est un autre type de journalisme maintenant.

Pourquoi les investisseurs étrangers s’intéressent au football ? On en voit de plus en plus en France

L’exposition médiatique du foot. De plus en plus de personnes regardent ce sport. C’est le plus populaire et le plus facile à comprendre. Pour les investisseurs, investir de l’argent dans le football assure une médiatisation certaine et permet une grande visibilité Mais la Ligue 1 est encore en retard sur le plan sportif. La France n’a que deux victoires en Coupe d’Europe : l’Olympique de Marseille en 1993 et le Paris Saint Germain en 1996. Cette année, aucun club français en quart de finale de Ligue des champions. La finale d’Europa League de l’OM la saison dernière est un arbre qui cache la forêt. Donc investir en France permet aux investisseurs étrangers de prendre moins de risques et de bénéficier de la médiatisation de ce sport.

49 La France va attirer de plus en plus dans le futur ?

La France a organisé l’Euro 2016 de football. Elle va organiser la Coupe du monde 2018 féminine ainsi que les Jeux Olympiques de 2024 notamment. Ce qui offre une grande visibilité et une certaine réputation sur le plan international. De plus la victoire de l’équipe de France à la dernière Coupe du monde en Russie, est positive pour le sport français

Jérôme Thomas, producteur de l’After Foot pour RMC Sport depuis 11 ans

Pourquoi avoir crée l’After Foot ?

Gilbert trouvait ça frustrant qu’après les matchs, les supporters ne puissent pas réagir, il y a tellement de choses à dire après une rencontre de football. Il a fait son étude de marché en Espagne où c’est très culturel. Les émissions d’après-match sont les plus écoutées. Les Espagnols vont parfois jusqu’à 3 heures du matin les soirs de grand match. Il a présenté ce projet à François Pesenti (patron d’RMC). Mai 2006 après un quart de finale de finale de Ligue des champions, l’After est né. » Une émission qui s’est installé sur la grille et qui fait désormais plus de 300 000 auditeurs tous les jours. C’est aujourd’hui la seule émission de radio à parler 7 jours sur 7 du ballon rond. RMC a réussi son pari de faire du football l’un de ses compagnons de réussite. Pendant la Coupe du monde, il y a qu’une seule radio qui existe, c’est nous ! Quelle radio à part RMC fait tous les matchs et prend l’antenne tous les jours de 13h jusqu’à minuit avec un programme 100% Coupe du monde ? De ce fait, nous sommes la radio de la Coupe du monde »

Depuis 2016, l’After est retransmis sur RMC Sport News, Qu’est-ce que ça change pour vous ?

La présence de la caméra change un peu le ton. On a une obligation de posture. Au début c’était un peu perturbant pour tout le monde. Mais dans le fond, l’émission n’a pas change. Etre à la TV nous offre une plus grande visibilité.

50 Pierre Rondeau, expert en économie du sport

Comment le football est traité aujourd’hui par la télévision ?

Un produit spécialement fait pour la télévision payante, Le championnat est présenté comme un feuilleton chaque saison. Des héros, des drames, des exploits, du suspens, ce qui en fait un moteur principalement d’abonnement. Les recettes apportées par les opérateurs comme Canal+ représente la plus grande part du budget des clubs. On peut dire que ces derniers jouent un rôle de producteur qui vend son produit. Ce serait illogique de voir Canal+ baisser le montant des droits payés à la LFP, en ayant le risque de voir la valeur de son produit (la ligue 1) être dévaluée et surtout au risque de perdre un nombre important d’abonnée »

Comment expliquer que TF1 perde à chaque fois de l’argent quand elle investit dans la diffusion d’une compétition internationale ?

Ce n’est pas une stratégie économique pour TF1 mais c’est pour son image que la chaine adopte cette tactique ; elle est numéro 1 en France et pour le bien être de sa grille et de sa réputation, il est capital de diffuser les matchs de l’équipe nationale du sport le plus populaire et pratiqué dans le monde.

Pourquoi les sponsors investissent dans le football ? En sponsorisant une équipe de football, les entreprises visent plus à améliorer leur image que leur notoriété déjà élevée pour la majorité d’entre elles. Cela permet aussi d’améliorer les ventes, c’est indéniable

Comment expliquer cette explosion des prix pour les sponsors ?

Tout simplement par une offre limitée pour les sponsors. Dans les 5 plus grands championnats européens, la Ligue 1, la Série A, la Liga, la Premier League, il n’y a que 20 clubs et en Bundesliga allemande, 18 clubs et les équipes nationales sont naturellement limitées également. Conséquence, une explosion des prix pour obtenir des contrats exclusifs. Cela ne fait que commencer

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