Arturo Gatti : Le Dernier Round ISBN 978-2-923681-66-5 1
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Extrait de la publication Extrait de la publication Extrait de la publication Extrait de la publication Extrait de la publication Pothier, Jacques, 1966- Arturo Gatti : le dernier round ISBN 978-2-923681-66-5 1. Gatti, Arturo, 1972-2009. 2. Boxeurs - Québec (Province) - Biographies. I. Titre. GV1132.G37P67 2011 796.83092 C2011-940384-6 Directrice de l’édition : Martine Pelletier Éditeur délégué : Yves Bellefleur Conception de la couverture : Ose Design Mise en page : Suzanne Morin Révision : Simon Gravel L’éditeur bénéficie du soutien de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour son programme d’édition et pour ses activités de promotion. L’éditeur remercie le gouvernement du Québec de l’aide financière accordée à l’édition de cet ouvrage par l’entremise du Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres, administré par la SODEC. Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition. © Les Éditions La Presse TOUS DROITS RÉSERVÉS Dépôt légal – 1e trimestre 2011 ISBN 978-2-923681-66-5 Président André Provencher Les Éditions La Presse 7, rue Saint-Jacques Montréal (Québec) H2Y 1K9 Extrait de la publication Extrait de la publication 7 Extrait de la publication Prologue Le testament À 4 heures cette nuit-là, un taxi au même coloris acidulé que les bâtiments environnants quitta la Tonnelle Avenue de Jersey City et déposa le tout nouveau champion des super-légers du World Boxing Council (WBC) à la porte du Ringside Lounge. Arturo Gatti n’y pensa pas sur le moment, mais quand la voiture presque phosphorescente repartit vers ses quartiers, elle emporta avec elle la dernière lueur qu’il verrait au cours des douze prochaines heures. Tout le reste, jusqu’à la fin de l’après-midi de ce mardi de mars 2004, ne serait que pure noirceur. Il n’était plus venu depuis longtemps au Ringside Lounge et, de l’extérieur du moins, il eut le temps de voir avant qu’on lui ouvre la porte que le bar-restaurant n’avait pas changé. Il y avait toujours, pla- cardées sur sa devanture, ces effigies de grands boxeurs plus ou moins reconnaissables, dont la sienne qui lui rappelait chaque fois, comme une photo d’enfant sur un mur, que c’était bien ici que les choses avaient commencé pour lui dans le New Jersey, que c’était bien ici son berceau américain. Et, certainement, avec ce qu’il avait maintenant en tête, il pensa que sa visite d’aujourd’hui avait valeur de symbole. Une heure plus tôt, le bar s’était vidé de ses derniers clients et, de la même manière qu’il savait qu’il ne trouverait aucune nunuche avec qui baiser à cette heure-là ni aucun paumé avec qui boire et renifler, il savait, parce que ça aussi c’était immuable, que le seul type à qui il sou- haitait parler allait être encore là à compter les recettes de sa journée. Tantôt, il lui en ferait d’ailleurs la remarque et cela sonnerait comme un regret : « Toi, le succès et l’argent de ta business n’ont pas réussi à te changer et tu as su rester le même. » 7 Extrait de la publication ARTURO GATTI • LE DERNIER ROUND Il ne pouvait en dire autant de lui, physiquement du moins, et c’est l’un des premiers trucs qui attira son attention une fois à l’intérieur des lieux. Il regardait toutes les photos et les affiches de lui punaisées un peu partout sur les murs et pouvait constater, comme s’il était au musée et que c’était lui le sujet de l’exposition, à quel point la boxe l’avait mutilé. En fait, et c’était bien le pire, il pouvait encore plus le ressentir que le voir, d’abord parce que tout son corps lui faisait terriblement mal et, comme il le révélerait plus tard, parce qu’il voyait « triple de l’œil gauche et à peu près pas du droit. » Malgré tout, il avait d’abord donné l’impression d’être bien, d’être juste heureux de renouer avec des gens qui, au début des années 1990, faisaient presque partie de sa famille. Deux amis étaient restés avec le propriétaire des lieux à la fermeture des portes, et on aurait dit que même cette scène-là servait à rappeler qu’il avait vraiment été le seul à changer, que Jersey City elle-même avait le même visage cosmopolite qu’au temps où il y vivait : quatre personnes autour d’une table, deux Portoricains, un Portugais et un Canado-Italien. Et puis l’heure avait tourné, les deux amis portoricains étaient partis aux aurores et il s’était enfin retrouvé dans la situation espérée – pour autant qu’une situation puisse être espérée dans des circonstances comme celles-là –, c’est-à-dire seul avec l’homme à qui il avait décidé de confier son désespoir pour qu’il le rende public une fois son suicide annoncé. « Parce que je sais que je peux te faire confiance, je sais que tu vas ensuite raconter les choses exactement comme je les ai dites. » Et puis, au travers d’accès de larmes pénibles à supporter, sans jamais demander une goutte d’alcool ni passer son temps à faire des allers-retours aux toilettes, il avait commencé à les lui jeter à la face, ces choses, conscient que ce serait là l’un des plus forts testaments jamais livrés par un boxeur. « Il y a quatre semaines, j’ai pris la décision d’en finir avec cette putain de vie. Ce jour-là, j’ai dit : je veux partir, je suis exténué, je ne suis plus capable d’en prendre, d’endurer, je ne veux plus me battre, 8 9 LE TESTAMENT je ne peux plus me battre, mon corps est mort, mes genoux me font souffrir, mes hanches me font souffrir, mes mains sont complètement détruites, ma vision est nulle, j’ai des cataractes, j’oublie les trucs les plus simples, parfois je n’arrive même pas à me rappeler ce que j’ai fait la veille, ma tête est pleine de toutes sortes de choses et ne tourne plus rond. Je sais que si je suis encore ici aujourd’hui, c’est que cette fois-là Dieu n’a pas été capable de me prendre et de me ramener à lui, dans un sens je suis trop fort. Mais ce n’est que partie remise, d’ailleurs tu me rendrais service si tu acceptais de me donner ton gun, je sais très bien que tu en caches un ici. Il est chez toi ? Bon, si tu le dis… De toute façon, j’ai encore le mien, je peux même te dire le calibre, c’est un .22, je n’ai juste pas de balles, mais tu verras, suffit d’être patient, les balles vont venir à moi, et voilà ce que je vais faire quand les balles vont venir à moi, je vais prendre le canon et je vais me l’enfoncer aussi creux que ça dans le fond de la gorge, et je vais appuyer ici, et voilà, juste une balle et ce sera terminé, je ne souffrirai plus, je serai enfin en paix. Je ne sais pas où je serai enfin en paix mais je sais que ce sera aux côtés de mon père. Toute ma vie et toute ma carrière auraient été différentes si mon père était resté en vie. Lui au moins aurait été là pour me témoi- gner de l’amour et je peux te dire que je serais probablement devenu encore plus big que De La Hoya. « Parce que tu sais, j’étais vraiment tout un boxeur, l’un des meilleurs en fait, et je sais que je le serais resté longtemps si j’avais continué de travailler avec Panama (Panama Lewis). Avec lui, dans le gymnase, il était strictement défendu de me faire frapper, il était toujours à me répéter de bouger la tête, de rester sur le bout des orteils, de lever les mains. Puis c’était pareil à l’extérieur du ring, lui ne rigolait pas avec la discipline, tu pouvais boire ou te geler si tu voulais mais tu ne te battais pas c’est sûr, en fait tu n’avais même pas le droit de t’entraîner. Tu te rappelles ce qu’il disait aux boxeurs, même les plus reconnus, qu’il soupçonnait d’être dopés aux entraînements ? J’en vois encore un qui venait de commencer son sparring et à qui il était venu arracher le casque, lui disant : Allez, débarque de là, va te nettoyer un peu, tu reviendras quand tu seras plus propre. Puis il t’avait ensuite averti qu’il était interdit de booker des combats à ce type pour un bon bout de temps… Et puis 9 ARTURO GATTI • LE DERNIER ROUND voilà, oui, tu as raison, je suis parti d’ici et j’ai changé de vie, je me suis perdu avec les filles, les bars de danseuses, le pot, la coke, l’alcool, les limos, les bijoux, le gambling, l’argent, et ça c’est juste à l’extérieur du ring. À l’intérieur ce ne fut pas mieux, j’ai pris des coups terribles, je sais pas pourquoi, peut-être par désoeuvrement, avec les mains bien trop basses, sans défense… « La coke ? Je viens d’arrêter. Mais je continue de fumer de la mari. Je suis aussi un alcoolique, je n’ai pas peur de l’avouer, et j’ai développé une dépendance aux antidouleur, je n’ai pas le choix, sinon je ne serais plus capable de vivre avec mon corps.