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Chroniques compilées

Lectures 2000-2019

J'ai compilé dans ce volume l'ensemble des chroniques de livres de fiction et de loisir que j'ai rédigé entre 2000 et 2019. En réalité, plutôt entre 2005 et 2019, puisque la période 2000-2005 est assez rudimentaire en termes de régularité, de cohérence de style et de compétence d'écriture. J'ai globalement laissé les textes en l'état dans lequel je les ai envoyé à l'époque (moyennant la correction rapide de certaines fautes de frappe). Ce qui permet de se rendre compte de l'évolution, et qui du coup me rend la lecture des plus anciennes un peu difficile. L'ordre est strictement chronologique, avec un sommaire à la fin. J'ai indiqué avec un ● les éléments qui m'ont le plus marqué et que je trouve toujours aujourd'hui essentiels, aussi dans la manière dont je me suis construit que dans ce que je recommanderais à n'importe qui. Pour certains qui me sont particulièrement chers, j'ai ajouté une illustration. Je suis très content d'avoir pu compiler cette somme, de réaliser l'ampleur du travail réalisé et de lui donner une forme valorisante. Profitez-en bien.

SEb. Septembre 2019.

1 Avant 2000

● Quelques essentiels pré-chroniques.

Le seigneur des Anneaux (tous les étés pendant quelques années) ; Dune, et tout Frank Herbert en fait ; , tout ; , tout ; Arthur Clarke ; Anne Mc Caffrey ; Moorcock (en particulier Le chien de guerre et la douleur du monde, et Jerry Cornelius) ; Philip K. Dick (en particulier Confessions of a crap artist et La trilogie divine) ; Roger Zelazny (Les princes d'Ambre, Seigneur de lumière) ; David Zindell ; Blood Music de Greg Bear ; Tim Powers (en particulier Poker d'âme) ; Vurt de Jeff Noon ; Tout Desproges ; Il a jamais tué personne mon papa, de Jean-Louis Fournier ; L'ange et le réservoir de liquide à freins, d'Alix de St André ; Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer, de Dany Laferrière ; Le cri de la mouette, d'Emmanuelle Laborit ; (, Phases of Gravity et Children of the Night en particulier) ; Douglas Adams ; Réjean Ducharme ; Ursula Le Guin (en particulier The Disposessed) ; Calaferte ; La maladie de Sachs de Martin Winckler ; William Auden.

Février 2000

Lu. Alexandra, de Jacqueline Dauxois et Vladimir Volkoff.

Aimez-vous la russie tsariste ? Rêvez-vous d'un renouveau des grandes monarchies ? Si ce n'est pas le cas, il y a de bonnes chances que ce livre vous irrite autant qu'il m'a irrité moi-même. C'est une uchronie tsariste. La révolution d'Octobre n'a pas lieu et vive le tsar. La deuxième partie du roman suit Alexandra en fin de vingtième siècle, tsarine combattant la drogue, la dépravation et le déclin de la civilisation. Elle est jeune, belle, tout le monde l'aime et sous son règne la Russie éternelle renaîtra et gna gna gna. Donc sauf si vous avez envie très fort de croire qu'une monarchie de droit divin est la solution à tous les problèmes du monde, je vous le déconseillerais plutôt. Et c'est long en plus.

2 Lu. L'écume des jours de Boris Vian.

J'essaie lentement de rattraper le retard que j'ai accumulé dans mes lectures de classiques de la littérature. Et je suis le plus souvent agréablement surpris. C'est encore une fois le cas avec Vian. J'aime beaucoup son écriture d'abord, mais je crois que j'aime encore plus ses univers décalés et un peu barges, comme ici. Ce n'est pas très gai mais c'est beau et plein de tendresse pour tous les personnages. Tout ça pour dire que je continuerai a lire Vian, mais doucement pour éviter l'indigestion, puisque, heureusement pour moi, il m'en reste plein que je ne connais pas encore.

Lu. Le pense-bête de St François d'Assise, de Jean-Louis Fournier.

Dans la lignée du CV de Dieu mais plus ancien, le Livre de Poche réédite ce petit bouquin idiot et très amusant. Ce n'est pas un chef d'œuvre immortel mais si vous aimez l'humour décalé, poétique et gentiment anticlérical, ça a des chances de vous plaire aussi. Frère François aime les animaux, donc, et vit en leur compagnie des aventures variées narrées ici. De " Comment protéger votre tigre contre les mites " à " Frère François colorie les animaux ", en passant par " La recette du canard au sang ", il y a plein d'animaleries amusantes.

Lu. Prelude to Dune : House Atreides. De Brian Herbert et Kevin Anderson.

Je vous le dis tout de suite : j'aime bien Dune, la série originale. Donc, que le fils et auteur se lancent dans l'écriture d'un prélude à partir de notes en vrac, j'étais plutot curieux. Un peu inquiet aussi parce que les seules choses que j'ai lu de Brian Herbert étaient plutot mauvaises. Et bien, là aussi, c'est plutôt mauvais de mon point de vue. Et qu'on aime ou pas le style, le monde, c'est très très vide, il ne se passe pas grand- chose, ce qui se passe n'est que rarement surprenant et quand ça l'est c'est parce que c'est en contradiction totale avec le reste de la série. Et les personnages sont inexistants, ce qui explique sans doute le fait qu'il n'y ait pas de dialogues, il ne sauraient pas quoi se dire. Donc non, j'ai pas aimé. Et c'est censé être le premier tome d'une trilogie...

3 Avril 2000

Lu. Les Catilinaires. Amélie Nothomb.

C'est un roman assez étrange, un roman introspectif, un roman de huis-clos dans une petite maison, un roman sur le silence. Un couple de retraités s'installent enfin dans une maison isolée au fond des bois. Un seul voisin, médecin à la retraite, qui s'invite chez eux tous les jours pour rester deux heures sans parler, ou par monosyllabes. Comment réagir à cette intrusion silencieuse, à cette compagnie inamovible et qui refuse le dialogue ? C'et tout un cheminement intérieur donc, assez fascinant. Et c'est bien écrit. Je vous le conseille donc plutot si le style vous tente.

Lu. Extension du Domaine de la Lutte. Houellebecq.

Je n'avais pas aimé les particules élémentaires. J'ai essayé quand même. Je ne vous el conseillerais cependant pas plus que ca. Il faut aimer les cadres vieillissant qui dépriment sur leur vie et leur sexualité. Et ca ne me passionne que peu. C'est moins dense et moins lourd que les particules, ca cherche moins a avoir une envergure définitive aussi, ce qui n'est pas un mal dans ce cas, de mon point de vue. Ceci étant, je n'ai donc trouvé ça ni très gai, ni très entraînant, ni non plus passionnant.

Lu. Mauvaises Fréquentations. Je sais plus l'auteur.

C'est aussi un film, tourné à Grenoble. Des histoires d'adolescentes et d'adolescents. Assez graves ceci dit, on ne reste pas longtemps dans la mièvrerie nunuche. J'aime assez, de temps en temps, ce genre de romans rapides, ados et entrainants. Ren d'inoubliable, je vous l'accorde mais j'ai passé un bon moment. Je me suis pris a suivre l'héroïne, malgré son âge et ses vues de l'amour très roses et idéalistes. Qui survivent malgré tout à ce qui lui arrive, ce qui n'est pas facile. Ca aurait pu faire un roman dur et désespéré, alors que non. Le contraste est sympathique.

Lu. Les Gages. Rochelle Fack.

Je suis pas sur d'avoir tout compris. L'écriture est très inattendue, brutale et pleine de coupures, de cris et de majuscules. L'histoire aussi est dure, mais on la découvre a

4 travers le regard brisé et parfois incompréhensible de la narratrice. On dirait souvent une enfant très simple dans une vie d'adulte, dans une vie dure. Elle colorie beaucoup, elle se prostitue, elle se marie. On découvre lentement son passé, d'où elle vient. Ce qui ne réponds pas à tous les blancs mais quand même. On reste sans vraiment de repères tout le long, sans vue objective de ce qui se passe non plus. C'est donc plus une expérience qu'une lecture de roman habituelle.

● Lu. Le soleil et l'acier. Yukio Mishima.

Un roman très dur. Pas vraiment un roman en fait, c'est plus une autobiographie. Mishima raconte sa vie, son évolution, ses fascinations pour les mots, le corps et la mort. Et c'est dans l'ensemble assez morbide et très dur. Mishima ne vivait que par le smots jusqu'a ce qu'il découvre l'importance du corps et qu'il se fabrique un corps grace au soleil et a l'acier. C'est une quète personnelle, un cheminement, pour faire face à la mort, à sa mort, pour comprendre. Et c'est donc raconté de manière semi- romancée, plein de réflexions et de pensées. Pas très drôle mais assez passionnant.

Lu. Un homme qui dort. Georges Pérec.

Un homme qui dort donc. Pas physiquement. Socialement, intellectuellement, émotionnellement surtout. Un homme qui essaie de n'être plus rien, de ne plus rien faire, de ne plus exister. C'est hypnotique. Ce n'est pas rapide ceci dit mais c'est bien le propos. Ce n'est pas déprimant, c'est une plongée, complète. Perec écrit bien et il faut bien ça mais du coup on le vit avec lui, on est pris dans cette plongée vers rien. Dont on ressort finalement. Au final, il y a de quoi réveiller les endormis justement. Paradoxalement.

Lu. L'école de la chair. Yukio Mishima.

Ca change du Soleil et l'Acier. Assez radicalement dans la forme encore qu'on retrouve sur le fonds des thèmes propres à Mishima. Trois femmes descendantes de l'aristocratie japonaise vivent leurs vies modernes, leurs conquêtes et leurs travails. Et l'une d'elle va tomber amoureuse d'un jeune homme qui travaille dans un bar gay. Histoire d'amour aveugle, sans savoir ce que veut l'autre ni qui il est, en s'imaginant. Et dans une société japonaise omniprésente. Je ne connaissais pas bien la société japonaise, j'ai découvert, par les yeux de Mishima. J'ai bien aimé.

5 Lu. Bananes de Konigsberg. Alexandre Vialatte.

Vous ai-je déjà dit que je ne me lassais pas de Vialatte ? Oui, sans doute. Bananes de Konigsberg est un recueil de correspondances, notes et chroniques rédigées en allemagne avant la guerre puis pendant et après. Le regard de Vialatte donc sur cette époque. C'est ce qui fait le principal intérêt. D'autant que c'est vieux et que Vialatte écrivait moins parfaitement que dans ses chroniques plus récentes, de manière moins fascinantes. Ce ne sera donc vraiment intéressant que pour des passionnés d'Alexandre Vialatte ou de la période autour de la seconde guerre mondiale.

● Trilogie NightDawn. En traduction, deux tomes sortis sur six. De Peter F. Hamilton. Robert Laffont. Ailleurs et Demain.

Bon, je ne vous parlerais pas des couvertures de chez Ailleurs et Demain, rien que d'y penser, je tétanise. Mais le contenu, par contre, vaut très largement de passer outre cette chose brillante et pailletée de fuschia et de vert. Si, si, largement. C'est de la Science-Fiction, 26ème siècle. L'humanité a découvert le voyage plus vite que la lumière, colonisé quelques centaines de planètes et bien évolué. Elle s'est divisée en Adamistes (forte base technologique, terrafomation de planètes, etc...) et Edenistes (qui habitent dans des stations orbitales autour des géantes gazeuses, sont pourvus d'affinité, une forme limité de télépathie et utilisent quasi exclusivement la biotechnologie) qui s'entendent malgré tout. A savoir que les Adamistes sont ensuite divisés en nombreuses factions politiques. L'humanité a aussi rencontré trois races aliens, les Kiint, gentils mystiques, les Tyrathca, un peu bornés, et une race morte qui n'a laissé que des vestiges étranges. Suite à on ne sait pas quoi, les esprits des morts reviennent de l'au-delà posséder les vivants (il faut les aider cependant). Ca a l' étrange pour une base de science-fiction, et pourtant ça fonctionne à fond. C'est long donc je ne vais rien vous révéler, alors que… Mais c'est bien écrit, plein de personnages excellents, de rebondissements et de suspense en nombres indécents et d'idées fantastiques, de gadgets technologiques et autres petits émerveillements. Je vous recommande donc ça à deux mains si vous voulez tenter ce que je classe dans les chefs d'oeuvre de la SF contemporaine.

6 ● Lu. The Naked God. Peter Hamilton.

Enfin. Je l'attendais depuis longtemps. The Naked God conclut donc une trilogie de science-fiction nommée Night's Dawn Trilogy, commencée avec Reality Dysfunction et The Neutronium Alchemist. J'avais absolument adoré les deux premiers et il y avait donc un certain suspense quand à la conclusion. NB : il faut être anglophile motivé, il ya au total autour de 4 000 pages. Mais ça vaut l'effort. Hamilton continue donc à suivre ses multiples trames et personnages. Je suis impressionné, ils sont tous toujours aussi intéressants et vrais, et chaque trame est pleine de rebondissements et de suspense. Ce n'est pas rien. D'autant que l'univers dans lequel s'inscrit tout ca est non seulement réaliste mais riche et enthousiasmant. Et la fin alors ? Ca se conclut bien. Rien de totalement inattendu ou bouleversant mais tout a fait au niveau de l'ensemble, ce qui est pas mal haut. Et avec de l'humour en plus, comme quoi tout est possible. Pour ceux qui n'avaient pas suivi, cela se passe en 2600 et des bananes, l'espace humain comprend quelques centaines de planètes organisées en diverses entités politiques (dont les édenistes, télépathes tenant de la biotechnologie) et est en contact avec deux races aliens plus une éteinte dont les ruines ont été découvertes. Et les morts reviennent de l'au-delà prendre possession des vivants et re-vivre. Ca a l'air bizarre comme ça mais croyez-moi, il en fait vraiment de très bonnes choses. Lisez-le donc si vous avez l'occasion, vous devriez ne pas être déçus.

Comment voyager avec un saumon ? De Umberto Eco. Livre de Poche.

Bien, disons le tout de suite, Eco m'impressionne pas mal. Il sait tout faire. Ses recherches et ouvrages universitaires sont forts, mais pas évidents à lire, ses romans me plaisent, pour la plupart, et il fait de l'humour en plus. Comment voyager avec un saumon sort en poche donc, et rejoins Pastiches et Postiches dont il est la suite logique. Vous y trouverez un grand nombre de chroniques idiotes sous forme de guide, qui vont de l'anecdotique ou comique. On citera outre le titre, "Comment reconnaitre un film pornographique" ou "Comment reconnaître une bibliothèque publique". Donc, pour ceux qui sont tentés par un bon moment amusant dans le style

7 de chroniqueurs littéraires humoristiques, c'est plutôt un bon choix. Et ça me permet de vous dire aussi que je préfère Pastiches et Postiches du même auteur et du même style mais moins travaillé et plus varié, autant sur la forme que le fonds. Ca fait plus recueil de notes mais j'avais préféré.

● Le Samourai Virtuel. De . Livre de Poche SF.

Neal Stephenson enfin traduit donc, puisque c'est son premier vrai roman paru (si on ne compte pas Zodiac) mais que les suivants ont été traduits avant (L'âge de Diamant). C'est bien dommage mais vous allez pouvoir vous rattraper. Parce que c'est vraiment un excellent roman. C'est du cyberpunk, c'est à dire du futuriste proche plein d'ambiances un peu sombre, de matrice et de réseau global et de quelques implants cybernétiques. Mais Stephenson se démarque du cliché sous bien des aspects. D'abord il écrit bien, dans

8 un style vif, plein d'expressions, de néologismes qui vous plongent dans l'ambiance (je ne sais pas ce que vaut la traduction ceci dit). Ensuite, c'est plein de personnages vivants, bizarres et attachants. C'est aussi plein d'humour, ce qui est assez rare dans le style pour être remarqué. Enfin, l'intrigue de fonds est surprenante et sorts justement du cadre cyber classique. En bref, un modèle du genre pour les gens qui aiment le style cyber. Avec de nombreux moments dont vous vous souviendrez longtemps (le gentil chien, les duels dans la matrice, et j'en passe).

Spinoza encule Hegel. De Jean-Bernard Pouy. Folio Policier.

Ah oui, je sais, le titre… Bon, au début ça surprends, mais en même temps ça résume pas si mal le livre. Folio réédite donc des vieux Baleine Revolver et on y trouve du bizarre, comme celui-ci. J-B Pouy est entre autres le papa du Poulpe. Il écrit très parlé, très brusque et plein de tout en vrac. Il faut supporter, c'est pas dans un style littéraire lissé et classique. Mais en même temps c'est dans le ton de l'histoire. Il s'agit donc d'un semblant de post-apocalyptique, où le héros, et ses bottes mauves, et sa moto, et ses convictions, se baladent et survivent comme ils peuvent. Il fait très vieux guerrier sur le retour. Et justement, il va se retrouver face à ses ennemis de toujours. Ce qui les sépare : il est un Spinoziste convaincu, eux défendent Hégel. C'est joyeusement barge, sale et rapide. Je ne le conseille pas à tout le monde mais si vous aimez les romans noirs bien barrés, ça peut vous plaire. Ah oui, il y a une suite, ça s'appelle A Sec!. Oui, je sais, aussi...

● Les Chiennes savantes ; Baise moi ; Les jolies choses. De Virginie Despentes. J'ai Lu Poche.

Virginie Despentes, c'est d'abord un style qu'on supporte ou pas. C'est dur, c'est souvent glauque et c'est surtout très direct et explicite. Du genre déconseillé aux jeunes publics et autres offusquables. C'est un style assez parlé aussi comme écriture. Et les histoires sont aussi, il faut le dire, souvent glauques. Mais pas déprimantes, vivantes et énergiques, dans un cadre souvent difficile et où ça se passe pas bien pour les héroïnes. Voire très mal. Les chiennes savantes est très désespéré et sans issue. Ca va droit dans le mur, dès le début, mais avec application, avec acharnement, avec peut être quelque chose à dire. Baise moi est plus intimiste, plus collant, plus personnel. Ce n'est pas non plus joyeux du tout mais ça cavale

9 moins, c'est plus local. Et les Jolies Choses est celui que je préfère largement. Une histoire de jumelles, dans le strass et les lumières du show-business parisien, ou presque. C'est très bien construit, plus abouti, et c'est aussi le moins glauque, encore que, ce qui est laid est plus caché surtout, plus dedans. Ca se lit plutôt vite au final et les Jolies Choses vraiment vous devriez essayer.

● Nouvelles Pensées Echevelées. De Stanislav Jerzy Lec. Rivages Poche / Petite Bibliothèque.

Qui connait S. J. Lec ? Personne, et c'est bien dommage. Chroniqueur et critique, mort avant que le bloc de l'europe de l'est ne s'ouvre et qu'il soit traduit et publié. Ici, il ne s'agit que d'aphorismes, des pages entières, par blocs de quelques lignes. Et c'est superbe, Lec a un don pour l'aphorisme, un sens de la concision incroyable. En quelques lignes, il fait tout passer, tristesse, ironie, joie, espoir ou désespoir. Il faut lire Lec par petits morceaux, en dégustant, en savourant chaque phrase, en en gardant pour plus tard, quand on aura besoin de ces petites phrases pour se remonter un peu. C'est un livre que de toutes façons vous pouvez dès aujourd'hui caler sur votre table de chevet, votre bureau, peu importe, et le reprendre de temps en temps. Juste une,

10 alors, pour la route, mais ne vous laissez pas tromper; on ne peut pas réduite une telle richesse à un extrait. "Le monde n'est absolument pas pour les gens normaux, il est pour les normalisés." Oh, tant pis. "Il avait bonne conscience : elle n'avait pas beaucoup servi." "L'idiot se rendit chez le maître tailleur et demanda : 'Pourriez vous me retailler ma bêtise pour en faire une intelligence ?' 'Oui, répondit celui-ci, mais il restera des chutes.'"

Septembre 2000

Factoring humanity de Robert J Sawyer

On m¹a conseillé Sawyer et donc voila. La même trame que contact, un message alien codé bizarrement, une machine pour prendre contact mais un traitement tellement plus motivant. Bien écrit et très centré sur les personnages et leur vie personnelle tout en rebouclant sur le trame SF. Un bien bon roman que je conseille donc tout a fait.

Frameshift de Robert J Sawyer aussi.

Je me suis acharné pour voir si tout valait le coup de lui. Non. C¹ets pas mal du tout et il écrit bien et tout ca. Mais deux choses m¹empechent de dire totalement du bien de celui-la. D¹abord il est plutôt plus moralisateur, encore que ca reste lisible. Et l¹argument génétique final est trop pro-divin ou en tout ca pro-principe directeur de la vie humaine (téléologique) pour moi. Mais sinon c¹est assez bien fait et mené.

Salomé d¹Alexandre Vialatte.

C¹est le premier roman de Vialatte dans lequel je m¹aventure et j¹ai un peu de mal à m¹en remettre. L¹histoire est belle, les ambiances, les personnages mais c¹est surtout

11 l¹écriture, la maîtrise complète qui est impressionnante. Je me suis laissé complètement prendre par la musique, par le rythme, le style. Voila, si vous pouvez être saisis par une manière d¹écrire.

Escape from Kathmandu de

Je connaissais Robinson sérieux, notamment avec Mars, mais la c¹ets la preuve qu¹il peut aussi faire dans le rigolo n¹importe quoi. Visiblement sa visite au Népal l¹a marquée et donc voilà des aventures improbables au Népal, sauver un yéti de vilains scientifiques, protéger la vallée secrète de Shangri-La, rencontrer le gouvernement souterrain. Et tout ca dans une ambiance bon enfant. Une bonne distraction, mais sans plus.

Espedair street de Iain M. Banks.

Voilà la preuve que Banks peut écrire des livres pas traumatisants et qui finissent bien. Bon, ca se passe pas gaiement tout le long, soit, mais c¹est plein d¹humour et ca se lit avec grand plaisir. C¹est un peu la rédemption d¹un ex-star du rock retombée dans l¹anonymat déprimesque. Et c¹est plutôt léger, pour du banks.

● Le Nu Perdu de René Char.

J¹ai découvert très récemment et ça m¹a fait un petit choc quand même. C¹est des mots mis ensemble de manière plutôt rare et sinon je sais pas trop quoi vous en dire.

Novembre 2000

Lu. The Scorpion. Justin D. Sullivan.

C'est le premier roman pour Legend of the Five Rings et c'est en anglais. C'est le début des grands évènements de la timeline du monde, ie The Scorpion Coup. Et c'est très bien. Sans grandes surprises quand on connaît déjà la timeline mais c'est du vrai épique et tout. Ca réponds bien aux attentes en fait. Si vous ne connaissez pas le jeu, c'est surement nettement moins intéressant. Ceci dit, c'est assez bien écrit et il y a un

12 bon rythme donc personnellement j'ai beaucoup aimé et je continuerai les suites à venir. En plus, si vous maitrisez Five Rings, c'est vraiment du bonheur question inspiration et montage de la campagne.

Lu. The Unicorn. A. D. Lassieur.

La suite du précédent. Le deuxième épisode de la saga Five Rings donc. Et c'est pas pareil du tout. C'est beaucoup plus centré sur un personnage (pas majeur en terme du monde) et ses histoires personnelles à elle. C'est plutôt bien mené et écrit correctement mais ca reste loin des grands évènements bouleversants du monde alors que c'est l'aspect qui m'intéressait plus. Donc ca passe un peu à côté de ce que j'espérais. Sans être un mauvais bouquin mais ça laisse seulement en toile de fonds les évènements et personnages que j'aurais voulu voir de près.

Lu. La cité des étoiles d'automne. De Michael Moorcock.

La suite de "Le chien de guerre et la douleur du monde" (qui est à mes yeux une merveille). C'est mieux que du Moorcock de base mais c'est pas au niveau du précédent. C'est un roman picaresque très chargé en endroits bizarres, gens hallucinés et situations magico-ésotériques. Tout ca dans un style très renaissance et un peu chargé. Donc c'est aps très rapide à lire mais c'est correct, sans plus malheureusement. Donc je vous conseille toujours la premier mais celui-la n'est pas du tout essentiel. Dommage.

● Lu. The fifth Elephant. Terry Pratchett.

Je suis fan de Pratchett. Pourtant je dois bien avouer que les trois ou quatre précédents n'étaient pas très convaincants. Mais là ca va mieux. On retrouve le rythme et le plaisir des premiers du disque-monde. C'est-à-dire que c'est franchement bien. C'est pas le meilleur qu'il ait fait mais c'est très bien. C'est dans la série des Guardes mais ce ne se passe pas à Ankh-Morpork. Ca se passe à Uberwald avec des Vampires des Loup-Garous et des nains, plein de nains. Or j'aime bien les nains de Pratchett. Donc comme d'habitude ca brasse plein de thèmes et d'humour pas med-fan mais très bien fait pour celui-ci.

13 Lu. Snow White and the Seven Samurai. Tom Holt.

Je voulais essayer Tom Holt depuis longtemps vue que c'est du parodique genre Pratchett. Mais là, non, pour celui-ci c'est raté. Ca se passe au pays des contes de fées, qui est géré par un réseau de miroirs (Mirrors 3.1). Et le système plante. Ce qui aurait pu être amusant. Mais c'est juste une excuse pour que les persos de conte de fée fassent des trucs sans queue ni tête et que on conclut avec une pirouette qui n'a rien à voir avec ce qu'il se passe avant. Bref c'est tout en vrac sans prétexte de scénario. Décevant donc, même si il y a quelques idées amusantes.

Lu. Si encore l'amour durait, je dis pas.

Un petit roman, plus ou moins autobiographique a priori, et assez sympa. L'histoire d'une jeune fille, lesbienne, un peu perdue, qui aime boire et s'amuser. Elle se fait larguer, tombe amoureuse sans arrêt et comme toujours. C'est plutôt écrit de manière sympathique même si ça ne révolutionne pas grand chose. C'est sympa et plutôt prenant, déjà pas mal :)

● BD. La mémoire et la boue. De PtiLuc.

En deux tomes, suivi par Le doute et l'oubli. C'est pas du récent et ya pas de rats. C'est du médiéval écrit par PtiLuc et vraiment c'est pour moi une BD mémorable que j'ai enfin retrouvée en librairie. Gilles de CHin est de retour de croisades après dix ans d'absence, il rentre chez lui. Et chez lui, personne ne le reconnait et il se passe plein de choses bizarres, dont un dragon. Mais c'est du PtiLuc. Donc le héros est détestable, le Dragon très sympathique et les dialogues bidonnants, avec des vrais morceaux d'anachronismes. C'est un grand moment de rigolade mais un peu cynique quand même, un poil grinçant. J'adore.

Lu. Pensées et anecdotes. Jean Yanne.

J'aime bien Jean Yanne. J'aime bien son humour grinçant. Il s'agit donc d'un recueil de notes, de petits textes et de pensées sur des thèmes variés. C'est plutôt pas fait pour être lu d'une traite forcément, mais c'est de bonne tenue tout le long.

14 Juillet 2001

● The Business, de IAIN M. BANKS.

Il est enfin sorti en poche donc je l'ai lu, il n'était pas question que je rate un nouveau Banks. C'est dans sa série contemporain et pas SF, pour ceux qui connaissent. The Business est une organisation financière et commerciale de très très longue date qui fleure bon la conspiration, mais sans avoir de grands objectifs de contrôle. Presque supportable donc. Et The Business, l'organisation, veut acheter un pays. Mais l'héroïne, cadre haut placé de The Business se pose des question. C'est, comme d'habitude, extrêmement prenant et bien écrit. Ce n'est pas un roman d'actions avec un rythme soutenu mais je n'en ai pas décroché. Entre un thriller financier et un conte de fée. Chaudement recommandé, comme presque tout Iain Banks même si ce n'est pas par là que je commencerais.

La conférence de Cintegabelle, de Lydie Salvaire.

Un homme vient de perdre sa femme, dont on va d'ailleurs s'apercevoir que ses rapports avec elle étaient étranges. Il décide de donner aux gens de son village une conférence, une conférence érudite visant à réhabiliter et à défendre l'art de la conversation. Il se perds un peu dans ses propos, amuse mais malgré tout, sur le fonds, touche et convainc en partie. Un roman surprenant, pas très long et que j'ai bien aimé. Relançons, donc, l'art de la conversation :)

, de NEAL STEPHENSON.

Comme Banks, Stephenson est un auteur dont je ne rate pas les nouveautés. Cryptonomicon est un gros roman (900 pages) sur l'histoire de la cryptographie et de la cryptanalyse depuis la seconde guerre mondiale, avec un peu d'extrapolation. C'est très dense mais alors, c'est vraiment très bien. Bien sur, il vaut mieux s'intéresser un minimum aux mathématiques et au cryptage mais c'est avant tout un roman. Bien monté qui plus est, avec des personnages attachants, les plus célèbres n'étant pas les

15 moindres (Turing et Waterhouse notamment). On suit donc six histoires en même temps, certains durant la seconde guerre mondiale, d'autres contemporaines et c'est passionnant. SI donc le sujet, la taille et pour l'instant la langue ne vous arrêtent pas, foncez :)

Samarcande, d'AMIN MAALOUF.

Amin Maalouf, avec son aisance d'écriture habituelle, raconte ici l'histoire du manuscrit des Quatrains d'Omar Khayyam. De la vie de Khayyam même au jeune américain qui, au début du siècle, va hériter de l'ouvrage et visiter sur les pas de Khayyam, la perse du début du siècle. Je me suis passionné pour la vie de Khayyam et, en fait, toute la première partie du roman, sur la perse des dix à douzième siècle. Ensuite, la partie contemporaine m'a beaucoup moins accroché même si elle est vivante aussi. Donc, pour moi, une expérience partagée, entre un début passionnant et une fin plus moyenne.

Deux garçons bien sous tout rapport, oublié l'auteur aussi.

Le manoir d'une petite ville campagnarde et conservatrice de l'angleterre est racheté par un couple gay et riche (surtout un des deux) qui compte s'y installer. Il va sans dire que l'acclimatation réciproque ne se fera pas sans difficultés. Et c'est très drôle. On y trouve des échos de comédie anglaise, des personnages pas toujours crédibles mais drôles et attachants et finalement tout se finit plutôt bien, encore que. Un très bon moment que je vous conseille donc.

Swiss Trash, chez Baleine Ultimes, oublié l'auteuse.

Un roman pas très long mais très dur. Si vous aimez Virginie Despentes, vous devriez supporter, voire apprécier. C'est une plongée dans le quotidien de quatres jeunes femmes pas très bien dans leur peau et qui plonger d'une manière ou d'une autre dans la drogue, avec tout un environnement glauque et dur des bas-fonds de la suisse. C'est pas drôle mais c'est plutôt prenant. Je ne le conseille pas aux âmes trop sensibles mais j'ai plutôt bien aimé.

16 Août 2001

Les Vierges Suicidées, de Jeffrey Eugenides.

Dans une petite ville d'amérique, cinq soeurs vivent chez leurs parents, pas très drôles les parents d'ailleurs. Elles ont peu voire pas le droit de sortir, quasi aucuns contacts avec les gens de leur âge. Et c'est justement par le récit de leurs voisins qu'on les découvrent. Devenus adultes, ces mêmes voisins se mettent à enquêter, à récolter tous les souvenirs qui pourraient leur expliquer le suicide de ces cinq soeurs, qui les fascinaient, dont ils furent témoins à l'époque. Ce n'est pas très joyeux encore que le ton ne soit pas dramatique. Ca se lit assez bien mais ca ne m'a pas laissé vraiment de traces.

Clerks. Le script.

C'était une bonne surprise que de trouver le texte de ce film que j'aime vraiment beaucoup. Bon, soyons honnête, je connaissais déjà la plupart des dialogues par coeur. Mais quand même, je me fais plaisir à le relire. En plus, il y a quelques passages coupés à la réalisation, dont la fin prévue au départ, qui est accessoirement bien plus glauque. Tout ca pour dire que si vous êtes fan, c'est un plaisir. Sinon, prenez au moins la peine de découvrir le film.

Septembre 2001

Lu. Le sabotage amoureux d'Amélie Nothomb.

C'est encore une fois un style très particulier, c'est la première chose qui frappe. Amélie Nothomb raconte les trois années de son enfance en Chine avec une lucidité, une force qui m'ont surprise mais que j'ai beaucoup apprécié. Il y a un décalage entre son enfance et la manière dont elle la raconte et le flou et la poésie qu'on attribuerait normalement à des souvenirs de ces âges-là. C'est une enfant avec un caractère déjà très fort et des opinions tranchées, et accessoirement surprenantes la plupart du

17 temps. Donc j'ai bien aimé et je vous le conseille si vous aimez le style d'Amélie Nothomb ou même si vous voulez découvrir.

Lu. Les roubignoles du destin de Jean-Bernard Pouy.

C'est un recueil de courtes nouvelles qui ont en commun de mettre en scène des moments clés de vies, des moments ou le destin frappe mais sans avoir de portée grandiose, ce ne sont que des destins individuels, sans envergure. C'est plein de l'humour de Pouy mais concentrés sur des textes très courts. Ca marche bien, ca se lit très agréablement mais ca reste plus au niveau de l'anecdote drôle ou grinçante que de l'idée géniale ou du récit prenant. Ca se lit très bien dans le bus ou le train, pour s'aérer un moment.

Août 2002

Marilyn la Dingue et Kermesse à Manhattan. Jérome Charyn. Folio Policier.

J'ai déjà dû vous parler de Jérome Charyn, au détour d'un mail ou d'un autre. Ce monsieur, outre le fait qu'il est New Yorkais, écrit de très bons romans policiers. J'apprécie en particulier ses ambiances riches et travaillées et ses personnages, tous plus barges et crédibles les uns que les autres. Et puis, c'est New York vu d'en dessous, ou d'en dedans, on est loin des clichés et des stéréotypes trop artificiels, c'est plein de morceaux de trucs bizarres. C'est donc du policier, ce sont les deux bouts d'une trilogie (le milieu portant le titre de Zyeux Bleus mais j'arrive pas à le trouver). Ca raconte les enquêtes et tribulations d'Isaac Sidel, Commissaire compliqué, tortueux et pas toujours gentil, entouré de sa fille (Marylin), des anges de sa brigade, du quartier juif qui l'adule et des diverses bandes qu'il pourchasse et qui veulent sa peau. J'aime beaucoup et si le policier urbain, un peu sombre et plein de personnages marquants vous plait, ca peut être une découverte très sympa.

18 Les croix de paille. Philippe Bouin. J'ai Lu Policier.

Je suis dans une série Cape et Épée en ce moment et je suis tombé sur ce policier période Louis XIV. Ca m'a intrigué et j'ai été agréablement surpris.Grande enquête dans un Paris plein complots, nobles retors, protestants semi-clandestins et cour des miracles. On découvre les absurdités du système judiciaire de l'époque, les dessous de la capitale et une intrigue plutôt sympa. Avec un héros visiblement prévu pour être récurrent et dont mes lacunes en héraldique ne m'ont pas permis de percer le secret tout de suite (mais ce sera surement expliqué dans la ou les suites).Seul petit reproche, le héros est tellement au point sur l'application des méthodes cartésiennes (c'est l'époque en même temps) à l'enquête policière qu'il semble parfois presqu'anachronique. Sans que ce soit choquant, j'ai trouvé ça parfois un peu gros. Mais qu'importe, ça se lit bien et le tableau brossé du paris de l'époque est très instructif.

L'Or du Roi. Arturo Perez-Reverte. Seuil.

Enfin, la suite des aventures du Capitaine Alatriste. J'avais beaucoup aimé les trois premiers, dont le troisième était presque une fin. Mais non, ca continue et il y en a déjà deux autres d'annoncés. Donc Alatriste revient au pays pour se trouver embarqué dans une opération officieuse au nom du Roi. On retrouve Alatriste plus taciturne et déterminé que jamais, ainsi qu'une belle opération qui l'amène à s'entourer de malfrats divers et colorés. L'intrigue est simple mais de bon goût, bien menée, et surtout elle laisse présager des suites liées aux affaires la cour et aux intrigues courtisanes très motivantes (notamment en lien avec le premier tome pour ceux qui suivent). Donc c'est toujours bien, c'est toujours cape et épée, toujours un beau héros et toujours bien écrit. Que demander de plus ?

Fallen Dragon. Peter Hamilton.

Mon dernier grand bonheur en SF. Mais depuis Nightdawn, je compte Hamilton dans mes auteurs SF de référence. Que dire de Fallen Dragon. Que les aspects science- fiction de l'ensemble sont bien amenés, intéressants et cohérents, mais c'est vraiment pas le centre de l'histoire. C'est en fait un livre avec des vaisseaux, des machins du futur, des découvertes, mais dont l'intérêt principal est le cheminement du personnage principal. Comme dans Nightdawn, c'est aux personnages qu'on

19 s'attache d'abord, à leurs problèmes sentimentaux, à leurs quêtes personnelles. Et c'est bien fait, bien mené de ce point de vue là, vraiment. A titre plus critique, le dénouement de l'intrigue est un peu pirouettesque voire franchement discutable mais ça a finalement assez peu d'importance, en tout cas en ce qui me concerne, vu le plaisir que j'ai eu à lire le reste. Ca m'a un peu fait penser à Phases of Gravity de Dan Simmons, mais avec plein de trucs science fictionnesques en plus.

● Métaphysique des tubes. Amélie Nothomb.

Autobiographie de 0 à 3 ans. C'est pas moi qui le dit, c'est elle. Soit Amélie Nothomb est en effet déjantée, soit elle fait semblant, mais de toutes façons elle fait ça très bien. Je dois avouer, j'ai été fasciné, amusé aussi pas mal. C'est complètement inattendu, très bien écrit, pas long, mais très prenant. Très drôle aussi, touchant. Au début, Amélie Nothomb était un tube, et ce tube était Dieu. Voilà, c'est l'esprit de l'ensemble. Je vous le conseille vivement et ça vous prendra pas beaucoup de temps. Ca devrait pas vous laisser indifférent et vous verrez les carpes autrement après ça.

20 Stupeur et tremblements. Amélie Nothomb.

Autobiographique toujours. Amélie Nothomb retourne au Japon pour y travailler. Elle est engagée dans une grande entreprise et va être confrontée à l'étiquette et aux habitudes japonaises. Ca fait pas tout à fait envie d'aller travailler au Japon. J'ai moins aimé que Métaphysique des tubes, c'est moins surprenant. C'est tout aussi bien écrit ceci dit. Donc si vous aimez Amélie Nothomb, vous pouvez y aller, ou si la Japon vous passionne. Sinon commencez par Métaphysique des tubes.

Avril 2005

Lu. Pandora's Star. De Peter F. Hamilton

Peter Hamilton avait écrit Nightdawn, trois fois 1500 pages, avec une civilisation galactique un peu multiculturelle, avec des technologies rigolotes et crédibles, et une menace universelle un peu mystique, un risque d'apocalypse totale. C'était drôlement bien, mais un peu long et un peu maladroit sur certains points. Mais j'aimais beaucoup, notamment les personnages et le souffle de l'ensemble. Ceci étant dit, là il s'agit de Pandora's Star, son nouveau roman, mais c'est le premier d'une trilogie et tout ce que j'ai dit au dessus est également vrai si ce n'est : il y a moins de longueurs parce que les intrigues avancent plus vite et sont un peu plus denses et la menace est moins mystique (mais quand même). Alors moi j'aime bien, vraiment, c'est de la vraie grande SF qui me tient sur 1200 pages ans problème. Maintenant, si c'est pas votre style ou que la première trilogie vous avait un peu usé, ben... vous serez pas pris par surprise par celle-là.

Lu. Hell's Angels. De Hunter Thompson.

Hunter Thompson est mort alors je lis ceux que je ne connaissais pas encore, même s'il est parfois dur de les trouver en France. Et j'aime beaucoup Thompson, son écriture chaotique et vivante, ses idées qui partent dans tous les sens et son sens de l'observation. Il me fait souvent rire et plus souvent encore réfléchir. Comme le titre l'indique, ici ça parle de gros motards poilus. Dans la grande vague de panique anti- Angels américaine de sa jeunesse, Thompson réussit à se faire accepter par les gangs

21 de L.A. et en tire un roman-reportage vivant et très instructif, très objectif aussi apparemment sur les Angels. Je conseille clairement à ceux que le thème intéresse et à ceux qui aiment Hunter Thompson.

Lu. Vodka Cola. De Irina Denejkina.

Vodka Cola est un recueil de nouvelles d'une auteure qu'on dit faire partie des nouveaux auteurs russes. Les nouvelles sont de tailles variables mais ont toutes pour personnages des ados ou jeunes adultes russes plutôt issus de milieux pas favorisés, voire pas mal pourris. C'est pas mal Drug, sex and rock'n'roll mais dans une ambiance particulière et assez forte que je nepeux que qualifier par défaut de russe. Ca me fait pas mal penser à une autre auteur, malgré le cadre différent : Ravalec. Ca a le même coté un peu destroy et sombre sans sombrer dans le trash. Bref, j'ai trouvé ça plutôt rigolo comme essai mais il faut que le style et l'ambiance vous tentent particulièrement.

Lu. Politique. De Adam Thirlwell.

Ce roman ne parle pas de politique du tout. Mais en voyant la couverture, on se doute (un trio au lit, yeux censurés). C'est de la bonne comédie, avec hitsoires de famille (de père et fille plus exactement), de coucheries et d'amour. C'est bien mené, tout à fait dans la lignée de quelques autres auteurs anglais récents, rythmé et pas mal plein d'humour. Ceci étant, ça ne révolutionne pas grand chose. Maintenant comme lecture de distraction relaxante, je ne vous le déconseille pas, ça passe assez bien.

Lu. Le sang des Borgia. De Mario Puzzo.

Une vision romancée de la vie des Borgias, c’est-à-dire surtout Rodrigo (Alexandre VI) et ses enfants (dont César et Lucrèce en tête, forcément). Je dois bien avouer que le style de l’auteur du parrain ne me convainc pas tant que ça. Ca se lit sans difficultés mais l’écriture ne m’a pas du tout passionnée. Sinon l’histoire est bonne, avec des interprétations plus ou moins originales mais globalement prenantes. Pas mal donc, pour l’ambiance et l’époque mais sans non plus être passionnant.

22 Lu. Les Larmes de Machiavel.

Une enquète policière dans la Florence de 1495, avec un tout jeune Machiavel. Une histoire de tueur en série avec motifs forcément politiques, prenant pour personnages les figures marquantes de la république (dont Savonarole). Bon, je dois avouer honnètement ne pas m’être attendu aux révélations finales. Au point que j’ai trouvé l’enquète bien mais un peu artificielle et la fin un peu tirée par les cheveux. Mais peut-être que d’autres trouverotn que ça se goupille vachement bien. Mais je trouve ça un peu forcé scénaristiquement.

Lu en BD. Du sang pour le pape. De Manara et Jodorowsky.

Bon, la vie des Borgia scénarisée par Jodorowsky et dessinée par Manara, il y a de quoi être sceptique. Après coup aussi d’ailleurs mais moins. Coté dessin, bon, vous voyez le dessin de Manara… c’est très documenté et très beau, après les personnages ressemblent pour certaines à des personnages de Manara ce qui gache un peu en ec qui me concerne (vous voyez la fille blonde de toutes les BD de Manara ? C’est Lucrèce. En brune, c’est la maitresse de Rodrigo, etc.) Le scénario, bon, ça va, mais les Borgia sont plus dépravés, leurs adversaires aussi, et certaines contingences historiques sont joyeusement ignorées. Donc, bon, à part graphiquement ou l’ambiance est chouette, c’est pas grandiose.

● Lu (par petits bouts). Chansonbricole. De Bobby Lapointe

Est-il utile de vous présenter Bobby Lapointe ? Si oui, c'est dommage mais vous allez pouvoir vous rattraper. Bobby Lapointe a écrit pleins de chansons fabuleuses, pleines de jeux de mots plus ou moins approximatifs (et quand je dis pleines, je n'exagère justement pas du tout). C'est beau et c'est drôle. Je vous conseille d'en connaître au moins une ou deux par coeur, ça fait drôlement de bien. Mais pour apprécier totalement Bobby Lapointe, il faut saisir tous les jeux de mots de ses textes. Et c'est dur car il y en a beaucoup. Or, un éditeur vient d'avoir l'idée géniale de rééditer tous ses textes. Ce qui en soit vaut largement le prix de l'ouvrage. Ca se déguste par petits bouts. En plus, deux bonus qui m'ont enchanté : une dizaine de textes inédits et une introduction de l'auteur pour se former au jeu de mot lapointesque. Bref, si vous êtes fan, c'est indispensable, sinon, ben, réécoutez l'intégrale et devenez fan.

23 Lu. Oeuvres érotiques. de Baffo.

Baffo est un vénitien du 18ème qui a écrit beaucoup de poésie, majoritairement érotique et assez crue. Apparemment, il est relativement connu mais je n'en avais jamais entendu parler. Et je trouve ça surtout drôle, réjouissant plus que vraiment érotique. Sur l'ensemble, il y en a que je trouve vraiment bien, forts, et une plus grande proportion qui a un humour, un recul sur le désir et le sexe que je trouve agréable et drôle, plus, enfin, quelques uns que je trouve particulièrement drôle parce qui ils ont volontairement une dimension satirique, notamment les poèmes satiriques se moquant du pape qui faisait castrer les statues nues dans toute l'Italie. Bref, c'est une curiosité qui m'amuse vraiment.

Lu. Rag-time. De Louis Calaferte

J'ai beaucoup aimé Calaferte en roman, ça fait partie des auteurs qui m'ont beaucoup marqué. Du coup, j'ai eu envie de lire sa poésie je n'ai pas été déçu. On retrouve tout à fait son regard, sa vitalité et la dimension charnelle, vivante de son écriture. J'aime particulièrement ses formes courtes, notamment dans Londoniennes, qui a des saveurs d'exil et de vacances. En plus, il y a sa photo en couverture et je n'avais jamais avant vu sa tête. Elle lui va bien.

Lu. La malédiction d'Edgar. De Marc Dugain.

La malédiction d'Edgar est une fiction mais basée sur la vie réelle de J. Edgar Hoover, patron du FBI pendant 52 ans. Rapidement, on se prends complètement au jeu et ce n'est qu'arrivé à bout qu'on se demande quand même quels sont les passages vrais de vrais et ceux extrapolés ou inventés. Raconté par la voix de son second de toujours, et amant, ce sont donc les principaux épisodes de la carrière de Hoover, ce qu'on pourrait résumer en : toutes les affaires horribles de cinquante ans de politique américaine(chasses aux sorcières, écoutes, assassinats, etc.) menées par un puritain fascisant complètement torturé par la culpabilité de son homosexualité. Ça se lit très bien et c'est vraiment prenant. Par contre, ça fait peur, d'abord de se retrouver un peu dans la manière de penser de ce type, ensuite de se dire que toutes ces affaires ont réellement eut lieu et ont présidé à la construction des USA d'aujourd'hui. A titre de documentation romancée, c'est passionnant, surtout quand on se rend compte que la grosse majorité des faits sont exacts. Bref, toutes les critiques que j'avais entendues étaient bonnes et je vous le confirme tout à fait.

24 Lu. Antéchrista. D'Amélie Nothomb.

Ça faisait quelques jours que j'hésitais à entamer le dernier Nothomb et finalement je l'ai lu d'une traite, en un peu moins de deux heures. J'ai vraiment bien aimé. C'est loin de ses moment autobiographiques enfantins, c'est moins drôle. Ça raconte les relations (de domination majoritairement) entre deux filles de 16 ans, une très mal dans sa peau et l'autre socialement très à l'aise, mais pas que gentille. C'est très précis et inexorable, comme évolution de relation. Le sujet me plait, parce qu'il me touche, et je le trouve bien abordé. De manière très limpide, ce qui est tout à fait dans les habitudes de Nothomb., dont l'écriture me plait toujours Je dirais au final que c'est pas celui que j'ai préféré mais c'est bien fait et c'est un thème qui me touche.

Lu. Happy Birthday Jack Nicholson. De Hunter S. Thompson

Pour fêter les 70 ans de cette collection pionnière de l'édition poche, Penguin édite 70 petits livrets d'extraits de bouquins ou de textes courts d'auteurs importants. Parmi ces 70, il y a Hunter Thompson donc je me suis jeté dessus. Première remarque, c'est très (trop) court. Ce ne sont que des tous petits textes, le plus long donnant son titre à l'ensemble et ne faisant pas vingt pages. Deuxième remarque : c'est drolement bien. Thompson garde tout son humour et tout son piquant sur des formes courtes. Je vous signale tout particulièrement 'The Sound of one hand clapping', confrontation bidonnante entre Thompson et le bouddhisme, je vous laisserais découvrir qui gagne... Donc si vous vous sentez de tenter Thompson en VO et à petites doses, c'est une bonne occasion.

Lu. The Medici, godfathers of the renaissance. De Paul Strathern.

Ceux qui suivent un peu auront noté qu'en ce moment je m'intéresse de prêt à la renaissance italienne Je me suis donc, pour approfondir ça, attaqué à cette biographie familiale des Medici. Et c'est tout à fait fascinant. D'abord parce que les personnages majeurs sont pour beaucoup fascinants en eux-même, ensuite et surtout parce que les médici ont vraiment été au coeur (voire à l'origine) d'une grande partie des bouleversements de la Renaissance et donc de la naissance du monde moderne. L'ensemble couvre toute l'existence des médici, du 12° au 18ème et à la triste fin de la famille (qui est assez amusante, d'autant que ça remet en

25 perspective, de voire la déchéance de la famille). C'est écrit de manière agréable et compétente. A moins que ce ne soit particulièrement votre pied, je peux difficilement vous le conseiller mais je me devais de vous en dire du bien.

Lu. Bonjour tristesse. De Françoise Sagan

Bon, je vais un peu prendre des pincettes parce que ça me fait toujours bizarre de chroniques des oeuvres monumentalisées. Donc je n'avais jamais lu Sagan mais ça m'a pris d'essayer. Et j'ai vraiment bien aimé alors que je ne partais pas tant convaincu. Disons d'abord que ça ne fait pas du tout monument classique chiant, c'est au contraire vivant et agréable (et rapide) à lire. Je comprends que ça aie été choquant à l'époque mais on ne peut que difficilement considérer que ça le reste vraiment. Mais ça reste fort dans les rapports humains et la plongée dans les personnages. C'est un plus que triangle amoureux de manipulations d'une ado face à son père et ses amantes, découverte de l'amour mais surtout de ses côtés pervers de possession et de manipulation. Vu la longueur et la force du récit, je vous dirais bien si le thème vous tente de l'essayer, c'est bien et ça vous permettra de faire style cultivé.

● Lu. A Hat Full of Sky. De Terry Pratchett.

La suite de The Wee Free Men, dont j'avais déjà dit du bien, est donc un roman de Pratchett, situé dans le Disque-Monde, mais plutôt orienté jeune public. On retrouve donc Tiffany Aching qui part se former pour devenir une vraie sorcière, et les Mac Mac Feegle, mais plus en arrière-plan. Je vais quand même vous redire que Pratchett écrit bien, qu'il a des dialogues fabuleux mais aussi une finesse d'observation et d'interprétation de l'humain que je trouve remarquables derrière ses côtés amuseurs (ce qui est finalement souvent le cas). Bon, ceux qui aiment le liront de toutes façons, pour les autres : commencez donc par le précédent qui est peut-être un peu moins bien mais qui se passe juste avant. Et pour résumer, je dirais que par rapport à du Pratchett pour les grands : j'aime autant, je ris un peu moins mais j'ai plus souvent ta larme à l'oeil (mais on est loin de niaiseries enfantines avec une morale rudimentaire : c'est tout le contraire).

26 Juin 2005

Lu. Entre courir et voler, il n'y a qu'un pas papa. De Jacques Gamblin.

Je ne savais pas que Gamblin écrivait mais si, et c'est une bonne surprise. J'ai du mal à parler de ce livre parce qu'il m'a laissé une impression assez onirique, belle mais floue. Bon, c'est parce que c'est bien écrit et que c'est l'effet recherché, en partie au moins : il s'agit du monologue halluciné d'un homme qui court, qui a toujours couru, sans savoir exactement vers quoi (la mort ?) ou pour fuir quoi (ses peurs ?) et on se fait vite emporter, ça défile, c'est drôle, c'est angoissant, c'est triste, c'est la panique, ça va mieux. Bref, ça défile, les kilomètres s'enchaînent, les années aussi et puis... et puis on finit par arriver. Vous l'aurez compris, c'est pas d'une facture très classique mais c'est touchant et vraiment prenant. Bref, je suis d'accord avec la jaquette : Jacques Gamblin n'est pas seulement un acteur, c'est aussi un auteur.

Lu. Apporte-moi de l'amour. De Bukowski, illustré par Robert Crumb. (Merci Jérôme).

C'est un petit volume (mais vraiment petit) édité chez Mille et Une Nuits, qui comprends deux nouvelles, une de 15 et une de 18 pages (ce qui dans cette collection veut dire que vous les finissez en un trajet de bus quel qu'il soit), toutes deux illustrées par Crumb. Et honnêtement, pour illustrer Bukowski, je vois pas mieux, ça colle de manière absolument parfaite. Les deux nouvelles sont sombres et opaques, mais pas dénuées d'humour, comme du Bukowski quoi, toujours aussi bien en ce qui me concerne. Ajoutez à ça une biographie bien foutue pour conclure et vous voyez que ça ou 20 minutes, pour votre prochain trajet de bus, le choix est vite fait.

Lu. L'industrie du sexe et du poisson pané. De Emmanuel Pierrat.

Il s'agit d'un petit roman édité chez Le Dilettante sous une couverture d'un bien beau rose. Assez vite l'auteur annonce qu'il s'agit d'un roman mi-érotique et mi-océanique. Moi, je dirais surtout que c'est vraiment drôle (comme le titre le laisse penser) et que ça se passe moitié en Bretagne, moitié dans le milieu de l'industrie du sexe Et c'est plus satirique et humoristique que vraiment érotique, même si un peu par moment,

27 mais vite fait sans en rajouter des tonnes, en rigolant et avec pas mal de finesse. Ca m'a beaucoup plu, parce que, outre que c'est bien écrit et agréable ça se place à une frontière que je trouve intéressante : un thème plutôt érotique/sexuel traité avec humour et finesse. Je n'en connais finalement que très peu d'exemples. Avis aux curieux et aux amateurs donc.

● Lu. Quicksilver. De Neal Stephenson.

Stephenson n'avait jusque là écrit que de la fiction cyber et/ou technoide. Il fait d'ailleurs ça vraiment très bien. Son précédent, Cryptonomicon, restait branché technologique et plongeait dans l'histoire proche de la cryptographie, ce qui le faisait un peu se rapprocher d'aspects plus directement historiques. Quicksilver est le premier tome (massif ! 900 pages) de sa trilogie Baroque : celle-ci s'annonce comme la suite de l'histoire de la cryptographie. Sauf qu'au final l'aspect cryptographie passe pas mal au second plan et qu'il s'agit en tant d'une grande fresque historique, mais vraiment grande, dont le premier tome couvre la fin du dix-septième et le début du dix-huitième européen, c'est-à-dire entre autre : Cromwell puis la restoration anglaise, et les bouleversements du royaume d'Angleterre (nombreux, complexes et fascinants), la naissance de la Royal Society, les oppositions entre alchimistes et scientifiques, les grands savants de l'époque (centraux et passionnants : Newton, Leibniz, Huygens, Hooke...), la Cour du Roi-Soleil, les invasions turques, le commerce hollandais... Bref,c'est foisonnant, la richesse de l'ensemble est vraiment très très impressionnante. Mais ce que je trouve encore bien plus impressionnant, c'est le talent avec lequel Stephenson arrive à lier le tout avec des personnages forts et attachants (que ce soit les personnages vraiment historiques ou les autres) et une narration très entraînante. C'est un gros pavé, ça ne se lit pas très vite (c'est très dense à tout point de vue) mais, après les 100 premières pages un peu surprenantes, je me suis laissé absolument entraîner. Je vous reparlerais des tomes suivants mais celui-là m'a fait vraiment forte impression.

Lu. Le toucher de la hanche. De Jacques Gamblin.

C'est le second Gamblin que je lis et y a pas à dire, les deux se ressemblent beaucoup : texte assez court, monologue masculin d'un personnage qui se passionne pour un truc et qui a des problèmes. Là, c'est la danse de salon. Valse principalement. C'est rythmé, souvent poétique et parfois drôle (bien qu'un peu grinçant). Je crois que

28 j'avais préféré Entre courir..., plus halluciné, plus fort, mais celui-là est un joli et agréable moment cependant. Ca vous prendre pas longtemps de tester si ça vou plait et ça vient de sortir en poche chez Pocket en plus...

Lu. En votre aimable règlement. De Bruno Léandri.

J'aime beaucoup les chroniques de Léandri et plus encore son Encyclopédie du Dérisoire, donc quand je suis tombé sur ce roman dont j' ignorais l'existence au détour d'un bouquiniste, je n'ai pas hésité. Léandri écrit dans ce roman comme pour ses nouvelles, c'est-à-dire que c'est foisonnant et que ça part dans tous les sens. L'avantage que j'y trouve, c'est que du coup c'est plein d'anecdotes, de personnages hauts en couleur et de rebondissements rigolos. L'inconvénient, par contre, c'est que ça en fait tellement qu'on a du mal à y croire, même un peu, et a vraiment plonger dedans. La conclusion du scénario, typiquement, est je trouve trop tirée par les cheveux. Par contre, le thème général, le monde de l'argent et des créances, m'a beaucoup amusé et est bien exploité. Donc au final, un roman qui à les qualités de ses défauts, rigolo et plein d'idées mais à lire de loin parce que quand même c'est trop.

Lu par petits morceaux. Corps et biens. De Robert Desnos.

" Les putains de Marseille ont des soeurs océanes " c'est là-dessus que s'ouvre ce recueil de Desnos, dont je n'avais pas dû lire tant de choses depuis l'école et la fourmi de dix-huit mètres. Ben j'avais bien tort, parce que c'est bien mieux, bien plus fort que la fourmi de dix-huit mètres (qui m'avait pourtant déjà beaucoup marqué à l'époque) comme cette première ligne le laisse penser. Je me sens pas très adroit pour dire quoi et comment mais je trouve que Desnos à une sensibilité et une légèreté rares même si ici les thèmes ne sont pas que légers. Le deuxième volet de ce recueil, ce sont des poèmes jeux, sur les mots, les sons les lettres, bien plus oulipiens et droles mais moins touchants je trouve, ce qui équilibre l'ensemble de manière bien agréable. C'est vraiment une (re)découverte marquante pour moi, peut-être plus même que Prévert parce que moins attendu. Je ne peux que vous encourager à vous en offrir un morceau, ça fait du bien à la vie.

Lu. Magnus numéro 2.

Magnus est une nouvelle revue sur le créneau du mensuel ludique à priorité jeu de Rôles mais se voulant également ouvert sur le jeu vidéo, les cartes à collectionner et, un petit peu, les jeux de plateau. Bon, pour le dire vite, j'ai trouvé ça pas mal sans

29 intérêt. Les critiques et interviews sont correctes mais rien de plus, les rubriques vidéos informatives sans plus non plus, et les aides de jeu sur les psis (la psynergie comme ils appellent) et les royaumes oubliés auraient pu se trouver dans Casus il y a 15 ans. Je vous parlerais pas de la partie cartes qui m'indiffère mais si ça se trouve elle est géniale et sauve tout le reste. Juste j'en doute. Bref, je peux pas dire que c'est mal fait, ce n'est pas du tout le cas mais c'est entièrement attendu et sans relief, donc payer quand on trouve au moins aussi bien sur de nombreux sites web...

Juillet 2005

● Lu. Olympos. De Dan Simmons.

Ça faisait longtemps que Dan Simmons ne s'était pas lancé dans un gros morceau de Science-Fiction et c'est chose faite avec et sa suite et fin : Olympos. Bon, clarifions tout de suite, ce n'est pas de la SF classique, c'est tellement futuriste que la technologie ressemble pour une bonne part plutôt à de la magie capable de tout. Du coup, on verse vite, thématiquement et scénaristiquement, dans le mythe, on retrouve de manière centrale des questions purement humaines : à partir du moment où elle peut tout faire notamment créer des dieux, que devient l'humanité ? Et le scénario qui va avec est touffu, plein de trames dont au début on se demande quel rapport : Une guerre de Troie avec des dieux détenant des pouvoirs d'origine technologique qui dérape d'ailleurs assez vite hors du cadre historique, une exploration de Mars par des robots/IA passionnés de littérature (Shakespeare et Proust), une terre habitée d'humains demeurés mais avec des serviteurs qui s'occupent de tout, pour ne nommer que les principales. A la fin du premier tome on commençait à voir les rapports entre tout ça, dans le second tout se lie et tout s'emballe, et de manière assez magistrale. La tension est quasi-permanente et les personnages très attachants (particulièrement les robots, mais aussi cette grosse tête de con d'Achille), c'est souvent drole (par exemple les références à Star Trek) et ça avance bien. La fin du scénario se boucle très bien dans un style un peu Deus ex machina (mais c'est annoncé, c'est un thème central depuis le début) mais surtout, il y a une partie 4 (épilogue) qui est superbe.

30 Très touchante, elle redonne une couleur à l'ensemble et une force par rapport à la place du conte et de la littérature dans l'humain qui m'a fait finir avec un sourire béat. Bref, c'est du grand Simmons, surtout si bizarre et littéraire sont un atout pour vous. Prions pour une bonne traduction et foncez sans hésiter.

Lu. (presque) Tout Topor. De Laurent Gervereau.

J'aime vraiment Topor. En tout cas, j'aimais beaucoup tout ce que j'en avais vu et lu jusque là. Et donc pour mon anniversaire, mon amoureuse m'a offert deux beaux livres, un roman de Topor (dont je vous parlerais bientot mais ça se savoure) et celui- ci, qui reprends un grand nombre de dessins, photos, affiches et autres travaux majoritairement graphiques de Topor. Et c'est génial comme du Topor, drole, laid et beau. Et ça donne une perspective rare de l'unité et de la diversité de son travail. Plein de petites surprises, de choses inattendues mais aussi des choses attendues quand on connait mais toujours réussies. C'est au final un dictionnaire commenté et très bien compilé pour passer en revue tout ce qu'a fait Topor. Bon, pour quelqu'un comme moi qui aime, c'est non seulement un bouquin génial qui se feuillette et se re- feuillette sans lassitude, mais c'est aussi une tentation forte de chercher les versions complètes de tout ce qui est évoqué là-dedans. Si vous aimez Topor, vous savez ce qu'il vous reste à faire...

Aout 2005

Lu. Harry Potter and the half-blood prince. De J. K. Rowling.

Ayé, je suis à la pointe de l’actualité de la mode, j’ai lu le nouveau Harry Potter. Bon, je vais essayer de pas spoiler du tout et de pas dire trop du mal parce que j’ai quand même lu ça très vite et en y prenant plaisir. En fait, le vrai plaisir de ce bouquin, c’est qu’on retrouve tout le monde qu’on aime bien et que ça avance vraiment. Contrairement au précédent qui m’avait vraiment laissé l’impression d’un grand vide, il se passe des vrais trucs dans celui-ci, on apprends des vraies révélations qui font avancer l’intrigue de fond de la série. Et ça, ça fait vraiment plaisir. Je vous dirais sans rien dévoiler que le suivant et dernier risque d’être très dense, et je dirais bien tant mieux sauf que j’aurais bien aimé que ce tome-ci soit un peu plus dense. C’est une

31 critique qui s’applique d’ailleurs à pas mal des autres tomes mais il y a globalement pour moi un problème de rythme que je résumerais à : ¾ de trucs sympas de vie quotidienne de Hogwarts avec quelques rebondissements mineurs, ce qui est gentil mais pas très palpitant, et ¼ de dépotage du scénario à la fin où tout se bouscule. Donc bon, je me lasse un peu de cet aspect ainsi que de la tendance à avoir des résolutions d’intrigues pour lesquels aucun indice n’est donné avant la grande révélation qui est censé être total surprenante. Mais comme on sait qu’on peut pas deviner avant, c’est moins bluffant. Outre ceci, c’est agréable à lire bien que dans un style pas fascinant et je regrette souvent le manque de profondeurs de certains personnages (même si quand même, je trouve qu’il y a progrès dans ce tome). Et pour revenir à des points positifs, toujours des idées bien amusantes et un monde que je trouve très rigolo, et surtout une très bonne gestion de la rencontre entre les aspects magiques/prophétiques et les aspects moraux/choix personnels. Disons qu’on évite avec bonheur et intelligence une tendance qui m’énerve souvent de magies et prophéties qui expliquent et justifie tout. Là non, et c’est bien fait en plus alors que je guettais ça d’un œil inquiet depuis un bon moment. Bref, malgré les défauts que je trouve toujours à la série, ça a été un vrai moment de plaisir et c’est de mon point de vue un des meilleurs de la série (genre très très loin devant le précédent dont je n’avais gardé que d’épars et peu enthousiastes souvenirs). Donc, à contre-cœur, je vous encourage à céder aux sirènes de la mode planétaire et de vous le procurer dès que vous aurez le temps de vous isoler le temps de le lire.

Lu. April blood, the plot against the Medici. De Lauro Martines.

Dans la poursuite de mon intérêt actuel pour la renaissance italienne, je me suis plongé dans cet ouvrage assez pointu concernant la conspiration des Pazzi, c’est-à- dire la tentative de double meurtre à demi-échouée des deux frères médici, Giovanni et Lorenzo, en avril 1478. Bon, dis comme ça, ça semble sans doute rébarbatif et inutilement spécifique. Et de fait, pour quelqu’un en tout cas que l’époque intéresse, c’est très bien. C’est d’abord assez facile à lire, c’est-à-dire que sans être romancé, c’est quand même rythmé et mené de manière engageante. Ensuite, ça ne parle pas que de la conspiration mais de ses acteurs, de leurs histoire, personnelle et familiale, ce qui donne une vie certaine à la Florence de l’époque, ainsi que des conséquences politiques, pour Florence, Lorenzo, les Medici et l’Italie, dans l’ordre. Du coup, en restant quand même cadré, ça prends une autre envergure. J’ai trouvé ça très riche,

32 très documenté et tout à fait passionnant. Bien sur, il faut au départ être motivé mais bon, si c’est le cas, c’est bien.

Lu. Les amants de Mata-Hari. D’Alexandre Vialatte.

Bon, je préviens tout de suite, je suis très fan d’Alexandre Vialatte alors cette chronique sera forcément biaisée. Les amants de Mata Hari étaient inédits jusque là et je tiens à dire que ça me fait quand même bien plaisir d’avoir une édition originale de Vialatte (oui, je sais, ça sert à rien, mais n'empêche :-). Il s’agit d’un petit roman, nostalgique et touchant, genre de souvenirs d’enfance, de camaraderie et de premiers émois amoureux dans un petit village. Et Vialatte est très fort pour poser des personnages inédits et colorés, par petites touches. Je rajouterais aussi pour ceux qui ne connaissent pas que Vialatte écrit de manière remarquable (même si je continue à trouver que son écriture est d’une densité et d’une inventivité qui corresponds mieux à des formes très courtes, genre ses chroniques dans La Montagne). L’histoire est jolie et nostalgique, mais il faut surtout venir pour l’ambiance, les détails et les personnages. Je conseillerais plutôt de commencer Vialatte par les chroniques mais pour ce qui est des romans, celui-là est un bon départ (plus digeste que Salomé par exemple).

Lu. Matin Brun. De Franck Pavloff.

Matin Brun est un tout petit livre, mais vraiment très petit, pas plus de vingt pages. C’est une petite fiction mais amusante et pertinente. Ca parle de la montée d’un régime totalitaire, et des réactions de gens normaux par rapport à ça. C’est très direct et très clair, j’irais jusqu’à didactique, tout en étant agréable à lire (et rapide donc). La fnac classe ça dans « Adolescents 12-15 ans » et si effectivement ça doit assez bien marcher, je dirais que ça me semble un peu restrictif. C’est un livre parfait à offrir et à faire circuler (il vaut 1 euro). Accessoirement, l’auteur a abandonné paraît-il ses droits d’auteur pour garantir une diffusion maximale, et depuis la publication il y a maintenant quelques années, ça s’est visiblement bien diffusé puisqu’on le trouve maintenant dans les fnacs et virgins.

33 Septembre 2005

Lu. The Confusion. De Neal Stephenson.

The Confusion est la seconde partie de la trilogie Baroque, dont le premier tome était Quicksilver. Il n'y a pas de blanc entre les deux, ou si peu, et on reprends les personnages là où on les avait laissé, c'est-à-dire pas forcément dans des positions très reluisantes. Comme pour Quicksilver, c'est gros, c'est long, c'est dense, ça foisonne de références, d'apartés et d'une multitude d'informations souvent surprenantes et drôles sur l'époque. Et c'est bon. J'aime beaucoup cet aspect encyclopédique de Stephenson, on sent qu'il s'est beaucoup documenté et il en fait profiter ses lecteurs. Par contre, contrairement au premier tome, on ne suit ici vraiment que deux personnages, Eliza et Jack. Il s'agit en fait de deux romans imbriqués l'un dans l'autre. Le premier suit Jack dans des périples picaresques et tour du mondesques. C'est drôle, c'est exotique et on découvre l'Afrique et l'Inde, voire un peu le Japon. C'est haut en couleurs et agréable mais c'est pas la partie que j'ai préféré et je dirais même que la légèreté de thème que ça apporte m'a semblé parfois un peu dommage. Maintenant, je dis ça parce que je suis un peu maso, c'est vraiment une suite d'aventures drôles et amusantes. Le second roman suit les péripéties courtisanes, politiques et financières d'Eliza dans les cours européennes, principalement parisienne mais pas que, anglaise aussi beaucoup. Ca permet de suivre les grands évènements historiques mais aussi la rénovation des systèmes bancaires et les avancées des grands scientifiques (Leibniz et Newton surtout) à travers la correspondance d'Eliza, Miam. Ce sera mon seul vrai reproche : on voit bien moins les grands scientifiques que dans le premier tome et ça c'est dommage de mon point de vue. Bon, on les voit quand même mais moins directement. Sinon c'est toujours écrit de manière dense mais très agréable, avec l'humour qu'on connaît à Stephenson. Je me suis bien fait plaisir en lisant ce deuxième tome et je suis assez impatient de m'attaquer au troisième, surtout au vu des prémices annoncés en fin de tome. Si vous avez lu le premier, vous lirez, je pense, celui-ci sans hésiter, et si ce n'est pas encore le cas, c'est une raison de plus de vous y mettre.

34 Lu. Ulik au pays du désordre amoureux. De François Lelord.

J'ai acheté ce petit roman parce que le résumé en était pas repoussant et qu'il s'agit d'un Inuit qui découvre la France et porte un regard extérieur sur les relations amoureuses occidentales. J'ai découvert après que c'était écrit par un psy, ce qui aurait pu éveiller mes soupçons... Bon, commençons par le commencement, c'est écrit avec une absence de style et de charme assez flagrante. Rien d'horrible mais très franchement, ça fait pas rêver, c'est factuel et assez superficiel comme écriture donc on arrive à l'oublier mais ca joue pas forcément dans le bon sens. Quant au contenu... ce qui m'a le plus gêné, parce que je venais pour ça aussi, c'est la perspective donnée sur les Inuits. Bon, je veux bien que le personnage vienne de la seule dernière unique tribu qui vit loin de la civilisation, comme à l'âge de pierre, tout ça, mais non, en fait je veux pas, c'est trop caricatural pour moi. Bon, les défenseurs du bouquin diront que c'est utilisé à titre symbolique, tout ça. Ok, mais alors fallait pas vendre ça comme un roman mais comme un essai. Parce que derrière la narrations impoiste, c'est un peu l'impression que ça donne : une vulgarisation déguisée en roman des théories de l'auteur sur les couples et les relations amoureuses en France. Et ses théories, bon, qu'en dire... Elle m'ont alternativement semblé plates, sans intérêt et irritantes. Heureusement, ça se lit vite et il y a quelques remarques un peu amusantes. Bref, je fus bien déçu, même si ça m'a pas occupé deux jours. Si vous vous sentez coeur de cible, vous pouvez essayer mais en ce qui me concerne, je dis non, vraiment, c'est pas la peine.

Octobre 2005

● Lu. Lettre au Gréco. De Nikos Kazantazaki.

Étant en grèce, j'ai eu envie, outre les plages et la nourriture locale, de goûter aux auteurs. Le plus connu et recommandé étant Kazantzaki (auteur également de Zorba et La dernière tentation du christ), je m'y suis lancé. Pour l'anecdote, c'est mon livre de poche le plus cher, puisque que le pocket français m'a coûté 14 euros à Mykonos. Mais, pour tout dire, ça les vaut largement. Autant je ne saurais que difficilement dire

35 ce qui fait un grand auteur, ce qui fait la différence précisément, autant je peux dire que Kazantzaki est un grand auteur. Lettre au Gréco m'a vraiment fait beaucoup d'effet. C'est une autobiographie, et c'est son dernier livre, qui est de fait une version finie mais qui aurait dû être reprise et ré-écrite si le temps l'avait permis. C'est très fort, d'abord parce que l'écriture est très dense et très puissante, maîtrisée et compacte, mais surtout parce que Kazantzaki est quelqu'un qui a vécu dans des passions et des interrogations très fortes, et l'alliance des deux permet de ressentir et de partager ces émotions et ces évolutions de manière très directe. Ce sont sans doute les passages de son enfance en crète puis de sa lutte avec Dieu qui m'ont le plus marqué mais ses études en France et sa période communiste valent également le détour. Dans tous les cas, ça ne s'encombre pas des détails du quotidien, Kazantzaki se concentre sur les grandes luttes, les grandes angoisses qui ont occupé sa vie, et il ne visait en rien la médiocrité et l'humilité, du coup ça remue pas mal. C'est touchant, ça pose plein de questions vitales dans un contexte émouvant et érudit et ça donne envie de vivre plus. Je vous invite donc très fortement à le lire quand ça vous tentera tout en sachant que ça ne lit pas vite et plutôt pas légèrement sans réfléchir. On dit de certains livre qu'on en sort avec un supplément d'âme, qu'ils posent de vraies questions sur la vie, celui-ci en fait partie, et c'est assez rare pour le noter.

Lu. Kiffe kiffe demain. De Faiza Guene.

Vous souvenez vous de ce livre qui fut un événement médiatico-littéraire dans le thème : une ado de banlieue qui écrit sa réalité, tout ça ? Il est sorti en poche alors par curiosité, j'ai testé. Bon, que vous aimiez ou pas, je vous rassure tout de suite, c'est pas long du tout donc ça vous bloquera pas des heures. Et j'ai trouvé ça sympathique. Pas exceptionnel, pas marquant, mais sympathique. C'est écrit de manière lisible et fraîche mais sans rien de spécial. Le ton est plutôt sympa et l'histoire, qui est effectivement simple et réaliste dans une cité de banlieue, est de la même manière sympa sans rien casser, dans un style plutôt On en chie mais ça finit optimiste. Donc plutôt gentil. C'est globalement ce que j'en retire. Je trouve ça très bien que des livres soient écrits sur la banlieue et de l'intérieur, mais je trouve au final un peu dommage qu'il y en ait assez peu pour qu'on ait fait autant de battage sur un livre qui est finalement pas tellement remarquable de mon point de vue. Dans la même catégorie banlieue, j'avais trouvé Boumkoeur infiniment plus fort et mieux écrit, mais ça n'a ceci dit que peu de rapport sur tout le reste. Bref, c'est un gentil roman plutôt dans la catégorie ado qui n'a finalement comme particularité que

36 d'avoir été écrit par une jeune de banlieue. Alors bon, à moins que ce soit un argument qui vous touche particulièrement...

Lu. Le pays où l'on ne meurt jamais. De Ornela Vorspi.

Ornela Vorpsi est albanaise. Elle raconte ici son enfance en albanie, en pleine dictature. Ce qui déjà n'est pas drôle quand on vit dans un petit village pas tellement riche. Mais elle raconte surtout son enfance de fille dans un pays ou une fille se doit de rester vierge et passe pour une pute au moindre écart de tenue, de comportement, de regard. Oui, quand je dis au moindre écart, c'est par la notion d'écart qu'on a aujourd'hui, non plus. C'est donc d'autant plus dur et c'est un aspect central, décrit avec force et finesse. Et Ornela Vorpsi écrit bien, vraiment bien. Du coup, tout cet environnement dur, ces moments marquants, parfois horribles, qu'il s'agisse du pays ou de sa famille, sont vus avec un regard d'enfant. Non pas rose et simpliste mais frais et incrédule souvent, et traumatisant parfois, mais toujours tendre. Ce qui ne l'empêche pas d'être critique, parce qu'on en sort avec une envie modéré d'aller en Albanie et un soulagement certain de ne pas y avoir vécu pendant ces années-là. Bref, un petit roman fort et très bien écrit sur des thèmes pas universels mais presque, et dans un cadre dépaysant et inattendu, n'hésitez pas à y jeter un oeil si ça vous parle, vous ne devriez pas être déçu.

Lu. Max Lampin. De Roland Topor.

Il se trouve que l'Imbécile, magazine que j'achète très très occasionnellement, propose dans son numéro de maintenant, en bonus, une réédition de Max Lampin, de Topor, et je l'ai croisé dans un kiosque. Etant donné mes tendances toporesques actuelles, bon, hop. Et Max Lampin, c'est déstabilisant mais vraiment rigolo. Je vous en parle mais si vous êtes fans, vous pouvez aussi vous arrêtez là et garder la surprise, moi je trouve ça mieux. Mais bon. Il s'agit donc d'un tout petit ouvrage avec un dessin par page, sous-titré d'une insulte (plus ou moins conventionnelle mais c'est l'esprit) à l'encontre du personnage représenté au-dessus subissant les pires avanies : Max Lampin. C'est un catalogue d'invectives et d'insultes graphico-textuelles plus ou moins surréalistes mais très motivées. Et qui est Max Lampin ? Le pire des salaud, forcément. Pourquoi ? Peu importe. Comme le dit Topor, l'important c'est de ne pas crever de haine. Alors on apprécie ou pas, c'est du vrai Topor, moi ca me fait rire, sur un fonds pas que drole, voire pas drole, mais pas que rire. Bon, donc j'aime toujours autant Topor, et vous ?

37 Lu. The Algebraist. De Iain Banks.

Iain Banks revient enfin à la SF, après quelques années d’absences et de très bons romans pas SF du tout. Et il revient à la SF mais pas à son monde de la culture, monde que j’aime beaucoup par ailleurs. Du changement donc, et un changement majeur en ce qui me concerne, je ne vais pas vraiment vous dire du bien de Banks (ce qui ne m’est arrivé qu’une fois jusque là avec Canal Dreams). The Algebraist se déroule dans un monde futuriste lointain avec une civilisation galactique vieille de millions d’années, ayant traversé des guerres et bouleversements divers, et basé sur un réseau de trous de vers. Au sein de cette civilisation, on trouve des aliens bizarres et rigolos très très anciens qui habitent les géantes gazeuses (et là on retrouve le talent dont Banks fait notamment preuve avec les IAs de la Culture), mais aussi des rebelles en bordure de la galaxie, plus ou moins méchants et remontés. Bref, rien de très inattendu mais c’est plutôt bien monté. Plutôt , et c’est là que ça m’a gêné, mais j’en attendais peut-être trop. Il y a de bonnes idées, mais peu de vraiment surprenantes, quelques bons personnages mais je les ai trouvés assez rares, et la trame d’ensemble est bien, retombe sur ses pieds mais sans non plus m’avoir bluffé. Disons qu’elle aurait eu plus d’impact avec un développement plus long mais que vu ce qu’il y a à raconter, en fait, c’est mieux de pas. Donc, au final, j’en sors avec l’impression d’un honnête roman de SF, bien écrit cependant, mais sans que ça m’ait vraiment surpris ou impressionné. Même les bonnes scènes rigolotes ont quelque chose d’un peu attendu. Ca aurait été du Silverberg, par exemple, j’aurais trouvé ça très bon, distrayant, tout ça (encore que certains Silverberg m’aient plus marqué que The Algebraist, en toute honnêteté), mais de la part de Banks, je trouve ça franchement tiède. Bref, si vous avez tout lu Banks, vous le lirez de toutes façons (et votre avis m’intéressera), sinon commencez plutôt par un autre, celui-là est seulement correct.

Lu. Going Postal. De Terry Pratchett.

Ce n’est pas tout à fait le dernier Pratchett mais c’est le dernier en poche. Toujours dans la série Discworld, à laquelle je suis fidèle. Nouvel opus et nouveaux personnages principaux, même si ça se passe à Ankh-Morpork. Et ces personnages, surtout le principal, sont bien et fonctionne très bien avec l’ensemble du roman mais on ne se dit pas vivement qu’ils reviennent dans un suivant. Ils font leur boulot et ça change de perspective, ce qui est déjà bien. Le fond concerne ici la remise à neuf de la poste, et directement donc la place du service public et la concurrence avec le grand capital. Je vous rassure, avec humour, tout ça, mais c’est quand même le fond

38 du propos et Pratchett ne le traite pas avec naiveté. Du coup, c’est une histoire d’escrocs, de tromperies, mensonges, vols, etc. Avec des persos plutôt dans les gabarits de Ocean’s eleven, pour situer, et c’est finalement ça le point fort. Parce que l’ensemble, toujours agréable à lire et très drôle sur certains scènes, ronronne malgré tout un peu (genre c’est un peu sur le même modèle que The Truth, pour les afficionados), et donc c’est le point qui ressort d’une mécanique bien huilée, toujours fine et drole, mais sans grande surprise pour cet épisode-là.

Lu. Billie Morgan. De Joolz Denby.

Joolz est une poète, illustratrice (très ponctuellement mais elle est notamment connue pour ses pochettes pour New Model Army), spoken-word artist (elle fait des lectures, quoi, et j’ai pas de terme français en tête) et romancière. Notez, je vous en reparlerais ;) C’est son troisième roman et ça m’a drolement plu (même si je partais avec un a priori positif, hein, je ne m’en cache pas). C’est très noir. C’est une confession qui commence avec : My name is Billie Morgan and I am a murderer. Mais malgré l’idée que ça peut donner, c’est pas policier pour un sou. C’est au contraire un parcours très personnel, dans une angleterre populaire, très sombre et très dure. Billie parle plus de ses relations avec sa mère, de son père parti, de ses rares amis que de sensationnel. Elle parle aussi de ses errances dans la drogue et les gangs de motards. Tout ça avec une force et une sensibilité vraiment marquante. Ca remue, pour le dire de manière synthétique, mais sans en faire des caisses, avec justesse, avec une retenue et une pudeur qui m’ont beaucoup plu. Et si c’est aussi sombre et dur, c’est, outre parce que c’est fort bien écrit, sans doute parce que c’est vrai, ça sonne vrai, tristement vrai, banal et quotidien, comme tout l’inverse d’un reportage de TF1 sur les sans-abris par exemple. Joolz n’est pas pour rien amie de New Model Army (je dis ça pour les fans), elle a la même rébellion contre le monde et sa manière de broyer les gens, et la même tendresse. Ce qui est triste, c’est par contre que c’est pas facile à trouver, et que c’est encore moins traduit. Et c’est triste parce que ça vaut l’effort.

Lu. Hardcase. De Dan Simmons.

J’ai vraiment l’impression que Simmons peut écrire tous les styles. Par exemple, ici, c’est du policier. Bon, c’est plutôt du policier de genre très brutal et très dur, mais n’empêche. C’est écrit de manière rapide et brutale, ça traîne pas, on suit les tribulations de Joe Kurtz, ex-Détective aux méthodes, disons, expéditives (quand on

39 voit ses méthodes, on se demande ce que vont donner les méchants, et, en effet, en terme de méthodes, ben, la différence est pas claire, voire dans le mauvais sens (oui, oui, c’est bien pire que The Shield)). Le scénario de fond est bon mais pas bouleversant, genre un bon policier dans le monde de la mafia où ça se tire dans les pattes et on cherche le traître jusqu’au bout. C’est plutôt l’ambiance et le rythme qui m’ont bien plu. Le « héros » est vraiment pas gentil mais il est malgré tout attachant et en plus super fort. Il en prends plein la gueule et on peut pas complètement dire qu’il l’a pas cherché mais je l’aime bien quand même, quelque part. Disons que cette ambiguïté est quand même un plus, je trouve. Et ça avance à toute vitesse du coup c’est un bon moment, rien d’absolument génial mais dans le style, c’est vraiment bien fait et prenant. Bravo donc, Monsieur Simmons, qui arrive à alterner des bouquins fouillés pleins de belles idées et d’écriture pareille avec des petits bouquins vite fait mais qui arrachent la gueule.

Novembre 2005

● Lu. The system of the world. De Neal Stephenson.

Pour ceux qui ont raté le début, il s'agit du troisième tome du Cycle Baroque (il fait donc suite à Quicksilver et The Confusion), mais surtout du dernier, et il donne ainsi son unité à l'ensemble. Alors je serais très clair, des trois tomes, c'est de loin mon préféré. Pour divers raisons mais là principale est que pendant les deux tomes précédents, on a plein de trames fouillées et diverses qui partent dans tous les sens, et là, tout arrive à retomber sur ses pattes, ce qui vraiment très plaisant. Et du coup, on a enfin des rencontres et/ou affrontements entre la plupart des personnages principaux qu'on ne voyaient que séparés jusque là. Personnages historiques (c'est le grand retour de Newton et Leibniz, mais aussi de la maison de Hanovre) ou personnages de fiction (Jack et Eliza tout autant que Daniel Waterhouse), ils marchent tous aussi bien et sont tous aussi profonds et attachants. Et toutes ces résolutions intègrent et se mêlent à merveille au cadre historique, que ce soit pour ce qui concerne les événements politiques ou les progrès scientifiques. Plus que jamais, je suis impressionné par l'érudition encyclopédique de Stephenson et plus encore par sa capacité à faire de continus a priori plutôt arides des vrais éléments de narration

40 passionnants. C'est fait en prenant son temps, ceci dit. C'est à dire qu'une fois encore, ça fait presque neuf cent pages et la narration prends son temps pour tout bien poser. Ce qui ne veut pas dire qu'il y a des longueurs, ce n'est pas le cas, mais il faut aimer les bouquins dans lesquels on plonge longtemps et sans se presser en termes d'action et de bouclage des intrigues. Certaines digressions sont longues (j'irais presque jusqu'à dire qu'une majorité du second tome relève de la digression par rapport au propos d'ensemble) mais ce sont des digressions passionnantes et pleines de surprise. Enfin, pour ceux, comme moi, que l'histoire et en particulier l'histoire des sciences peut passionner, ce dernier tome assume bien son titre puisque les débats entre Newton, Leibniz et Caroline de Hanovre retracent effectivement la naissance d'un nouveau système du monde, celui dans lequel nous vivons aujourd'hui, et ça permet des éclairages qui font penser. En conclusion, je vous dirais qu'il faut quand même avoir le courage pour se lancer dans cette trilogie, c'est pas une lecture vite fait sans réfléchir, mais si c'est votre style, vous ne serez vraiment mais vraiment pas déçus.

Décembre 2005

Lu. Les rois maudits : Le roi de Fer, la reine étranglée et les poisons de la couronne. De Maurice Druon.

Je les ai toujours vu trainer chez mes parents, je les avais feuilletés mais jamais lu, alors je me suis dit qu’il était temps après avoir bien apprécié les dialogues et les intrigues de la version télévisée. Et en effet, c’est pareil mais en bien mieux. Ces trois premiers tomes réussissent à être en même temps rapide et agréable à lire, tout en étant très denses de personnages, de situations et surtout de dialogues superbes. Je trouve que les commentaires dithyrambiques sur les dialogues et la langue des personnages de Druon sont tout à fait justifiés, il m’arrive d’en rigoler tout seul dans mon coin. Comme en plus, c’est une vraie base historique, ça ajoute pour moi un intérêt. Et étant donné les diverses intrigues, rebondissements et méchancetés, on ne s'embête pas une seconde. Accessoirement, malgré la pub fait autour des gros tomes réédités avec la tête de Depardieu en couverture, les versions poches sont toujours

41 tout à fait trouvables et je les trouve bien plus jolies. Alors, oui, c’est un classique qui mérite bien d’être lu, et même sans doute relu.

Lu. Laurent le magnifique. De Jack Lang.

Je n’aurais pas pensé lire du Jack Lang, et pourtant… Jack Lang dresse ici un portrait de Laurent de Medici, portrait critique et analysé en profondeur, selon la double perspective politique et artistique. Autant dire qu’on sent bien qu’il est à l’aise et qu’on suppose aisément qu’il a pas eu besoin d’un nègre. Accessoirement, il est très bien documenté. Du coup, en un nombre de pages assez réduit, il arrive à une analyse de la situation politique de l’époque qui est tout à fait passionnante parce qu’elle arrive à être synthétique et cohérente, ce qui est difficile vu le bordel en question, et à ne pas faire l’apologie de Laurent, ce qui est assez rare dans les bouquins parlant de lui. On découvre donc une toute autre version du Prince de Florence, bien plus riche et bien plus crédible. Et ne serait-ce que pour ça, c’est un bouquin qui vaut le coup (si tant est qu’on s’intéresse au sujet, hein, parce que sinon, ça a beau être facile à lire, je sais pas trop). En plus, les annexes sont fouillées et très pratiques. Donc pour ce que je venais y chercher, j’ai été très agréablement surpris et si vous êtes plus ou moins dans le même cas, je le recommande.

Janvier 2006

Lu. La loi des mâles, La louve de France, Le lis et le Lion et Quand un roi perd la France. De Maurice Druon.

Les tomes 4, 5, 6 et 7 des rois maudits sont dans des styles assez différents. La loi des mâles raconte les moments cruciaux du règne de Philippe le Long. Comme c’est un personnage qui m’est très sympathique, j’ai bien apprécié, au point même de trouver ça un peu court, car comme les autres souverains, il ne fait pas très long feu. Tout à fait dans la lignée des précédents mais un peu plus fouillé et avec un roi malin, c’est un pari sûr. Le suivant est par contre assez différent puisqu’on change complètement de cadre pour s’intéresser à Isabelle de France et Edouard II. Si les évènements chroniqués sont intéressants, j’ai un peu regretté l’abandon de la plupart des

42 personnages présents depuis le début de la série. Bien sur, les grands évènements se passent en Angleterre donc c’est bien normal mais du coup, on perds un peu de cette impression de continuité et de familiarité qui existe depuis le début. Maintenant, c’est bien quand même, c’est juste moins intégré et donc un peu moins entraînant à mes yeux. Le tome 6 revient partiellement en France avec le début de la guerre de Cent Ans. C’est bien agréable même si il ne reste plus tant de personnages initiaux en France mais quand même, c’est le grand retour de Robert D’Artois et c’est un vrai plaisir. Malheureusement, c’est aussi sa fin et ça fait un grand vide, vide d’ailleurs mis en avant par l’auteur. Car oui, avec Robert, c’est un peu la continuité de la série qui s'interrompt. Ca n'empêche pas d’avoir un tome de plus, mais de fait, il ressemble à un rajout, ce qu’il est. La période et les évènements sont très prenants et très intéressants et à ce titre, ça vaut largement le coup de le lire, mais ça n’a pas le charme du reste de la série et ça a du mal à s’y relier vraiment. Maintenant, ce n’est pas une raison pour ne pas le lire, juste faut pas y aller pour retrouver les personnages des tomes précédents, faut y aller pour une période haute en couleurs. Au final, c’est vraiment une série agréable et facile à lire et à relire, donc sans hésitation, allez-y.

Lu. Je laisse aux chiens l’exploit de nous juger. De Paul Marchand.

Un livre choisi un peu au hasard, sur la bonne foi des critiques dithyrambiques présentées en quatrième de couverture. Attention, cette chronique va dévoiler quelques aspects du bouquin, aspects ceci dit qu’on découvre très très vite donc bon. C’est un bouquin sur un thème qui se veut choc, et qui l’est, notez, une histoire d’amour incestueuse. Maintenant, c’est fait pour justement que ce soit le cas le plus acceptable possible, dans la construction, et c’est raconté par la fille en question. C’est d’ailleurs plutôt joliment raconté, style histoire d’amour compliquée et difficile (enfin pas exactement mais je vous laisserais découvrir les finesses). Ca passe donc tout à fait bien, et ça argumente pour une certaine tolérance (dans le cas en question, hein, pas pour l’inceste en général dans tous les cas). Au vu du thème, c’est finalement plutôt une lecture paisible et sympa, de mon point de vue en tout cas. Il n’y a bien que les premières pages qui m’ont vraiment saisi et eu à la surprise. C’est donc bien écrit, bien mené, sur un thème inattendu, et ça me laisse donc une bonne impression, sans non plus que j’en chante les louanges.

43 Février 2006

Lu. A feast for crows. De George R. R. Martin.

Les très longues séries ont à mes yeux un grand avantage et un grand désavantage. Elles permettent de se plonger complètement dans un univers, de s'attacher aux personnages et de suivre des intrigues complexes, mais elles demandent aussi à être lues sans trop d'interruptions faute d'en oublier la moitié d'un tome à l'autre. Ce nouveau tome, moitié de transition entre deux trilogies (c'est-à-dire que le tome prévu étant trop gros, on a droit pour l'instant à seulement la moitié), du Trône de Fer, en est l'exemple parfait. Oui, on retrouve plein de personnages qu'on aime bien (mais seulement la moitié, le choix ayant été fait de couper comme ça plutôt que chronologiquement, ce que je trouve plutôt bienvenu), qui évoluent, font leurs petites histoires et avancent, mais depuis le temps que j'ai lu le précédent (lors de sa sortie en anglais), j'ai beaucoup oublié les finesses et je rate pas mal de choses (du genre « Mais qui c'est ce gars et pourquoi ça semble horrible (ou normal) qu'on lui demande de faire ça ? »). Ceci étant, ça reste bien écrit et attachant. Maintenant, comme je disais, c'est un tome de transition donc rien n'est conclu. On boucle quand même sur de vrais cliffhangers horribles pour certains personnages. Des choses se compliquent, d'autres avancent, et ça prépare une seconde trilogie aussi tendue et complexe que la première, mais quelle proportion en aurais-je oublié d'ici-là, c'est la vraie question...

Lu. 1492. De Jacques Attali.

Oui, après Jack Lang, je lis Jacques Attali. D'aucuns ont déjà commencé les remarques moqueuses et je ne peux pas complètement leur jeter la pierre. Maintenant, je ne regrette rien. De fait, toujours dans mes explorations de la renaissance, je cherchais quelque chose de synthétique sur l'ensemble du monde à l'époque, précisément cette année-là, et on m'a conseillé Attali. De fait, oui, c'était exactement ce que je cherchais. L'ensemble est divisé en trois parties. Le avant, qui de manière synthétique présente l'état du monde et le pourquoi ce fut une année cruciale de plein de points de vue (avec une approche centrée sur le fait que l'Europe a à partir de là réécrit son histoire et celle du monde autour d'elle), partie très éclairante et posant pas mal de

44 questions sur ce qui aurait pu se passer à la place. Le pendant, qui est une chronologie détaillée des évènements de l'année 1492, une mine inépuisable d'idées en ce qui me concerne, mais qui peut être un peu fastidieuse pour d'autres. Le après, qui reprends les conséquences à court et moyen terme, principalement de la découverte de l'Amérique et de la diaspora des juifs espagnols : la naissance du monde intellectuel moderne. Outre ce que j'y cherchais, et que j'ai parfaitement trouvé, c'est un livre que je conseillerais volontiers aux curieux d'histoire, parce qu'il analyse de manière engageante la construction du monde moderne et de l'image que l'Europe a d'elle-même, et ça, vraiment, ça ouvre à plein de réflexions intéressantes (bien que pas toujours joyeuses).

Lu. L’évangile selon Pilate. De Eric-Emmanuel Schmitt.

Ca faisait plusieurs fois qu’on me conseillait Eric-Emmanuel Schmitt, j’ai fini par me laisser convaincre et je suis complètement séduit. Premier essai donc avec cet Evangile. Il s’agit bien d’un évangile, au sens strict, en deux parties. La première est un monologue de Jésus dans sa cellule, avec flashbacks, très fin, très humain, et laissant la part belle au doute justement. La seconde est la correspondance de Pilate avec son frère alors qu’il essaie de comprendre pourquoi le corps a disparu et à qui profite le crime, dans un style d’abord policier puis de moins en moins. Et les deux parties sont très touchantes, avec des personnages très attachants, très forts, de l’humour souvent, de la profondeur et de la finesse aussi. Et, cerise sur le gâteau, Schmitt écrit très bien mais surtout de manière très légère, très agréable à lire, ça avance tout seul et on se laisse happer. Un livre surprenant, plein de finesse et vraiment passionnant, je ne vois pas de raisons de ne pas essayer, vraiment…

Lu. La part de l’autre. De Eric-Emmanuel Schmitt.

Après le bien avec Jésus, Schmitt a voulu s’attaquer au mal avec Hitler, ce qui est aussi casse-gueule, voire pire. Mais son choix dans la manière de le traiter est tellement astucieux qu’on ne peut qu’adhérer. Pas forcément au premier abord, et c’est tout l’intérêt, mais quand même. L’idée de départ est « Et si Hitler avait été reçu aux Beaux-Arts en 1908 ? ». Et plutôt qu’une simple Uchronie, Schmitt développe un double roman : un chapitre Hitler historique, un chapitre Adolf H., artiste-peintre ayant pris une toute autre voie, les deux imbriqués l’un dans l’autre. Et on se prends à comprendre comment Hitler a pu devenir Hitler, et comment il aurait pu y échapper. Et donc comment toute personne renferme un part de mal, une tentation au moins,

45 et on se prends non seulement à comprendre mais parfois à compatir, voire à s’identifier, ce qui est extrêmement déstabilisant mais terriblement efficace. Et ce choix de ne pas faire d’Hitler un monstre inhumain mais au contraire un homme, un autre mais humain est à mon sens le plus intelligent sur le sujet. Un peu plus long que l’évangile selon Pilate, ça se lit cependant aussi facilement, et c’est d’une maîtrise de forme autant que de scénario tout à fait remarquable. Bon, moi je vais lire la suite de l’œuvre de Monsieur Eric-Emmanuel et je vous encourage à en faire autant.

Lu. Partouz. De Yann Moix.

Lire Yann Moix après Eric-Emmanuel Schmitt, c’est un peu dur. Comment dire… Schmitt écrit pour comprendre, avec empathie, Moix écrit pour faire le malin, avec style. Bon, c’est rapide de le dire comme ça mais c’est vraiment mon impression. Yann Moix ne manque pas forcément d’idées, et certaines sont même plutôt astucieuses, mais il se sent systématiquement obligé de les enrober dans un style grandiloquent qui se veut choquant et avant-gardiste. Et au final, en ce qui me concerne, ça gache. Si on rajoute par dessus une tendance à citer les grands auteurs qu’il adule toutes les deux pages, souvent pour s’y comparer ou analyser leur biographie, je trouve ça pas mal lourd, mais avec des vrais littéraires ayant les mêmes références, ça marche peut-être. Bref, Yann Moix veut tellement être un écrivain hors du commun et que ça se voie que ça occulte ce qu’il pourrait avoir à raconter. Bon, je rate peut-être quelque chose, c’est peut-être même un second degré génial d’auteur génial mais en ce qui me concerne, ça ne passe pas trop. Et sinon, de quoi parle ce livre… de partouze un petit peu, de terrorisme et du 11 Septembre comme un acte sexuel beaucoup, de littérature pas mal et de l’auteur aussi pas mal. Bon, si ça vous fait envie, vous le lirez indépendamment de mon avis, sinon, ben, voilà, quoi.

Lu. Hard as nails. De Dan Simmons.

Troisième tome des aventures de Joe Kurtz, et conclusion de cette trilogie, Hard as nails commence plus fort que les précédents (et oui, c’est possible) puisque le personnage principal prends une balle dans la tête à la première phrase. Oui, quand même. Sachant que comme dans les précédents, ça va ensuite en empirant pour sa gueule jusqu’au dénouement. Et même en partant comme ça, ça fonctionne en ça tient ses promesses. Je ne déflorerais rien du scénario mais sachez qu’on retrouve tous les personnages qu’on aime plus des méchants très méchants qu’on ne découvre qu’à la fin qui c’est vraiment. L’intrigue est à mon sens meilleure que celle du

46 précédent. Plus gros budget, oui, mais aussi plus surprenante et plus entraînante. L’écriture est toujours vive et violente (et là encore, elle a aucune raison de se sentir seule) et c’est toujours un bonheur. Je souhaite à tous les francophiles que la traduction arrive vite parce que ça mérite largement de s’y jeter.

Lu. L’oeillet ensorcelé. De René Depestre

Un tout petit bouquin dans la collection folio à deux euros. Il s’agit d’un recueil de petites nouvelles érotiques haïtiennes. L’auteur est apparemment un peu connu pour des romans et autres écritures plus classiques mais je ne connais pas donc je ne pourrais pas comparer. Ici en tout cas, il se fait plaisir, et nous aussi. On reste strictement dans le cadre érotique (et pas du tout pornographique pour le coup) et de manière très joyeuse et ensoleillée. C’est plein d’humour et de joie de vivre, ce qui en fait vraiment une lecture rafraîchissante et réjouissante. Et ce n’est pas seulement dû au cadre haïtien, même si ça y participe, c’est aussi dans l’écriture et la conception de l’amour et de la sexualité. Du coup, c’est vraiment plaisant, et, pour deux euros, ça fait une parenthèse tout à fait agréable. Pour le même coup, vous avez en fin de recueil un merveilleux lexique des termes haïtiens désignant les sexes masculins et féminins et rien que ça, ça vaut le coup.

Mars 2006

Lu. L'amérique m'inquiète. De Jean-Paul Dubois.

Je continue mon exploration des ouvrages de Jean-Paul Dubois, étant donné la très bonne impression de mes dernières lectures. Et il s'agit ici de chroniques, de chroniques de l'Amérique, dans laquelle il s'est promené, destinée en premier lieu à une publication journalesque. Et Jean-Paul Dubois passe en revue, de manière fine et approfondie, toutes ces affaires abracadabrantes et si américaines qui nous arrivent parfois rapidement aux informations : la machine à l'euthanasie et le devenir des condamnés à mort, le supplice de Bobbit et sa reconversion dans le porno, tout cela allant du tragique au tout à fait rigolo, mais dans les deux cas, comme le titre l'indique, on peut s'inquiéter quand même. C'est écrit de manière agréable et fine, ça fait souvent réfléchir mais globalement, c'est plutôt une lecteur de distraction qui se

47 picore volontiers par petits bouts. Si le style vous plait, vous pouvez donc le goûter, moi j'aime bien. Il y a d'ailleurs un second tome, mais mes dealers de livres sont en rupture actuellement.

Lu. Hell. De Lolita Pille.

Hell avait fait un poil de bruit à sa sortie en livre. Il est maintenant adapté au ciné alors je me suis laissé tenter. Alors est-ce que ça mérite tout ce bruit ? Boarf, moyennement de mon point de vue. Certes, la description désabusée de la haute société décadente et de sa jeunesse pleine de cynisme et de coke a des moments amusants, voire parfois fascinants. Mais comme on reste purement dans cette veine- là tout le long et qu'on ne rajoute par-dessus qu'une histoire d'amour, certes tragique et hautement symbolique de la manière vivre de ces jeunes très perdus, ça ne crée pas non plus des tensions et des rebondissements complètement captivants. C'est pas désagréable, notamment parce que ce n'est pas si long, mais ce n'est pas non plus captivant, une fois passé la découverte de ce monde-là. Donc non, je n'irais pas le voir en film. Quant à vous le conseiller, non, non plus, je crois pas que ce soit tellement la peine.

Lu. Les nouveaux bijoux de chez Carlier. De Guy Carlier.

Bon, je ne vais pas m'apesantir : puisque le dernier Carlier est sorti en poche, je l'ai lu. J'aime toujours autant, même si c'est un peu répétitif, à force. Notez que quand je dis que j'aime, je parle de ce qu'il fait à la radio, pas à la télé. Le peu que j'en ai vu ne m'a à l'inverse pas accroché du tout. Mais ça, plutôt si.

Lu. In cold blood. De Truman Capote.

Après avoir vu le film, il était inévitable de passer au livre. C'est donc chose faite et je ne suis d'une part déçu du tout, d'autre part pas surpris que ce livre soit compté par beaucoup (dont Truman Capote) comme un chef d'oeuvre. Pour vous donner les grandes livres, il s'agit de non-fiction, c'est-à-dire, sous forme romancée, d'une histoire de quadruple meurtre au fin fond du Kansas. C'est un meurtre passablement sordide et très loin de grands plans de vengeance et d'intrigue compliquée. C'est bassement humain et désespérant. On suit alternativement les tueurs et les victimes puis, rapidement, les enquêteurs et l'entourage. Ce qui fait la force de ce roman, ce sont les ambiances et les personnages, mais aussi l'analyse profondément incisive de l'amérique rurale et du rêve américain. Il y a dans les descriptions, dans la manière de

48 rendre les gens, une force impressionnante. Ajoutez à ça que l'affaire en elle-même est traumatisante et joue un peu le rôle de l'anti-rêve américain, et ça donne un texte très fort et très marquant. Il est aussi difficile de s'en détacher que, une fois fini, de se libérer d'une impression d'oppression mêlée à un vrai attachement aux tueurs. Il y a donc bien de quoi rendre l'auteur célèbre et inscrire ça dans la liste des grands bouquins du vingtième siècle. Pour finir, je ne sais pas si il vaut mieux voir le film ou lire le livre d'abord. Je pense que les deux se complètent vraiment bien, quelque soit l'ordre.

Juin 2006

Lu. Le gentilhomme au pourpoint jaune. De Arturo Perez- Reverte.

Alatriste, cinquième tome, enfin ! Je dis enfin parce qu'en VO, on doit en être au sept ou huitième, et qu'un film est en fin de tournage en plus (avec Viggo Mortensen, ce qui augure bien). On est ici en plein retour au coeur du roman de Cape et d'Épée : intrigues politiques, menaces contre le roi, fuites et duels illégaux et pleine nuit, sans oublier les manipulations sentimentales et amoureuses les plus retorses. On ne peut donc absolument pas se plaindre ni du contenu ni de la densité. Et comme c'est, comme toujours, bien écrit et bien mené, c'est extrêmement plaisant à lire. Ma seule retenue concernera le fait que la narration se fait de plus en plus par le biais du fidèle suivant d'Alatriste et que, dans le cas présent, ça ne laisse pas forcément tant de place que ça pour Alatriste lui-même. Bon, c'est bien quand même, mais je n'arrive pas à trouver à Inigo le même intérêt que celui porté à son ombrageux maître. Mais n'empêche, ne boudons pas notre plaisir, c'est une très bonne suite à cette série et il n'y a plus qu'à attendre le prochain.

Lu. Impuretés. De Philippe Djian.

Leurs parents sont riches, tolérants et égoïstes. Leur vie est facile au point d'être dépourvue d'intérêt. Du coup, forcément, leur jeunesse dorée ne l'est pas tellement. C'est un roman doux-amer sur notre époque et certaines de ses dérives, sur l'avenir aussi. Djian retrouve à mon sens son ton si personnel et torturé. C'est un roman qui

49 va plus ou moins nulle part, encore que ça puisse se discuter, mais qui trouve une vraie justesse pour parler de générations, de valeurs aussi, et de trouver quelque chose qui vaille d'être suivi, de s'y attacher. Il est fait de plein de petites choses, de plein de personnages, tous à la fois futiles et touchants. Sans doute moins provocateur sur la forme que certains de ses autres romans, il est cependant tout aussi efficace, parce que plus insidieux, plus en douceur, plus progressif. Et il laisse un goût bizarre, mais au sens positif du terme.

Lu. Mon dernier cheveu noir. De Jean-Louis Fournier.

"L'humour, c'est la politesse du désespoir", disait Desproges. Il se trouve que Fournier avait travaillé avec Desproges et que ce n'est pas complètement un hasard. Après des romans sur l'enfance et divers manuels iconoclastes, Fournier trouve une forme intermédiaire. Ce n'est certes pas vraiment un roman, mais ce n'est pas non plus seulement un recueil de gags et d'aphorismes. Ce sont des petits passages thématiques suivis d'aphorismes très noirs mais souvent drôles et touchants. Tout ça sur la vieillesse, car Fournier vieillit, comme tout le monde, et voit bien que ça va pas aller en s'améliorant. Et à mon sens, il trouve un équilibre entre tendresse, désespoir et humour qui est précieux. Instable, certes, parce qu'il y a toujours un ou un autre qu'on trouve un peu trop (mais je doute que ce soit le même pour les différents lecteurs), mais efficace. Pour le coup, c'est un livre difficile à conseiller, parce que c'est pas forcément un thème attirant ou facile, mais en même temps c'est universel et bien vu. Ca n'est pas que réjouissant, mais sur un tel propos, c'est le plus réjouissant possible.

Aout 2006

Lu. La dernière tentation du Christ. De Nikos Kazantzaki.

Kazantsaki est un auteur qui se déguste. Alors un par an, pour l'été, je trouve ça approprié. Pour autant, il n'a rien des romans estivaux habituels, tout au contraire. Il écrit avec une densité et une force qui me laissent toujours aussi impressionné. Il se trouve en plus que le sujet est ici assez fort, puisqu'il s'agit de la vie du Christ, et plus spécifiquement de la fin. Et Kazantzaki parle de tentation, principalement, mais pas

50 uniquement ou spécifiquement de tentation religieuse, il parle de la tentation de la facilité, de la tentation de vivre une vie d'homme et non une vie d'abstraction, et au- delà du Christ lui-même, dont il fait un portrait très fort et très émouvant, il parle de la quête de sens de toute vie. J'ai retrouvé la relation très conflictuelle et brutale que Kazantzaki a au divin avec un certain bonheur, même si ce n'est toujours pas quelque chose que je partage, parce qu'elle est forte et qu'elle questionne de manière incessante et exigeante la vie autant que la religion. Enfin, le plus, dans le cas présent, c'est que j'ai lu ça pas si longtemps après l'Evangile de Pilate d'Eric-Emmanuel Schmitt, et que ça m'a beaucoup amusé de comparer les deux. J'ai aimé les deux mais autant Schmitt est léger et joli, autant sur le fond que la forme (et c'est un compliment), autant Kazantzaki est dense et beaucoup plus inscrit dans le conflit et la tension. Et ca donne un éclairage d'autant plus riche aux thématiques qu'ils abordent tous les deux. Et dans les deux cas, Judas est passionnant, mais plus encore chez Kazantzaki. Ensuite, ce n'est pas une lecture légère et rapide, mais n'empêche, c'est toujours un auteur qui m'impressionne fortement.

Lu. Vie et mort de la jeune fille blonde. De Philippe Jaenada.

Je peux dire que je suis assidu de Jaenada puisque je n'en ai raté aucun. Maintenant, malheureusement, avec le temps, mon goût pour ce qu'il écrit diminue. Ou alors il baisse, mais je pense vraiment que c'est moi. Il écrit toujours d'une manière que je trouve jolie et amusante, avec un style (plein de parenthèses (à un point que vous n'imaginez pas forcément (promis))) que j'aime vraiment bien. Maintenant, comme à côté, le fond de ce qu'il raconte me passionne de moins en moins, c'est un peu dommage. Là, pour le coup, avec un personnage qui est plus ou moins toujours le même, on se retrouve lancé sur la piste d'un souvenir d'enfance après une soirée chargée dans les sphères branchées parisiennes. Et ca prends pas si mal, c'est amusant et on arrive à entrer parfois dans les interrogations du personnage. Mais parfois seulement, et comme la fin, comme souvent chez Jaenada, n'est pas complètement satisfaisante (et volontairement, hein, ce qui ne manque pas complètement d'intérêt à tous les coups mais là, pour moi, un peu), j'ai eu un peu une impression de comme d'hab. Donc oui, mais bon, ça m'a pas non plus enthousiasmé tant que ça.

51 Lu. Attila. De Eric Deschodt.

Je ne sais pas bien pourquoi j'ai acheté la biographie d'Attila, sans doute parce que je connaissais mal le personnage et que le résumé était accrocheur, toujours est-il que j'ai drôlement bien fait. C'est une biographie, pas un roman, mais ça se lit cependant extrêmement facilement. C'est écrit de manière fluide et sans renvois permanents à des références ou des recherches historiques (juste assez pour savoir d'où vient ce qu'on nous raconte). Mais surtout, c'est le personnage d'Attila qui fascine et qui fait toute la différence. Là où je m'attendais à un chef militaire sans pitié, j'ai découvert un barbare (au sens romain du terme) érudit, prudent mais surtout diplomate et négociateur exceptionnel. Et à cette personnalité déjà inattendue et riche s'ajoutent ses relations avec certains hauts dignitaires romains et ses hésitations face à la victoire (car Attila renonce finalement devant Constantinople, puis Rome alors qu'elles n'offraient plus aucune résistance) qui en font une vraie énigme, un mystère même quand on connait sa vie. Comme, en plus, la période de la chute de l'Empire fait partie de ces intermèdes historiques souvent occultés qui me fascinent facilement, ce fut un vrai plaisir. Du coup, je me dis que je vais regarder de plus près ce qui se fait en biographies historiques parce que ça peut vraiment être passionnant.

Septembre 2006

Lu. The Great Shark Hunt. De Hunter Thompson.

Il est difficile de présenter Hunter Thompson tant il est étrange autant que génial. Pour ceux qui connaissent, c'est l'auteur et également personnage principal de Las Vegas Parano, pour les autres, voyez Las Vegas Parano, ce sera pas perdu (mise en image de Terry Gilliam en plus). Hunter Thompson était écrivain mais d'abord journaliste. Ceci étant, il est tout sauf conventionnel, et son approche de la vie comme du journalisme est emplie d'une intelligence remarquable mais terriblement décalée. Thompson est un fils des années 60 et des drogues diverses de l'époque, mais de cet apparent décalage, voire folie selon votre perspective, naît une acuité absolument remarquable. Car autant Thompson raconte apparemment n'importe quoi, est extrêmement drôle et ne respecte rien, autant il ne rentre dans aucun

52 cliché, autant il porte sur le monde un regard révélateur, bien plus que la plupart des auteurs et journaliste sérieux, sur les dérives et aberrations du monde. Quand ce monde-là est en plus celui de l'amérique des années 60, avec ses guerres, ses bouleversements, ses affrontements entre hippies et establishment, et surtout avec Nixon, ça prends une saveur d'autant plus riche. Ce gros tome, quasi introuvable en français, est une compilation d'articles et d'extraits de livres (souvent compilés à partir de travaux journalistiques eux-mêmes), concernant principalement la politique (la part du Lion allant au Watergate) et l'observation quasiment ethnologique de groupes d'américains typiques au sens pas très positif du terme. Ce qui est, du coup, hilarant tout autant que d'une finesse et d'une justesse éblouissantes. J'aimais déjà beaucoup Thompson mais cette masse dense donne une autre perspective sur son travail : j'ai découvert quelqu'un qui me fait vraiment changer d'avis sur l'importance du travail journalistique mais surtout sur ses méthodes et ses priorités. Et c'est à peu près pareil pour ce qui concerne la littérature. Donc Hunter Thompson est peut-être mort mais ce qu'il laisse, bien que d'un abord parfois surprenant, est absolument essentiel. Mangez-en.

Lu. Histoire de l'Oeil. De Georges Bataille.

Je ne sais pas exactement comment aborder cette histoire de l'oeil. Disons d'abord qu'il s'agit pour une part non-négligeable d'un récit érotique, voire pornographique. Maintenant, et c'est ce qui fait tout l'intérêt de Bataille, c'est plus une plongée dans les pulsions et les moteurs cachés et parfois sombres de l'érotisme et de la libido qu'un film de M6 destiné uniquement à aguicher le spectateur, fut-il ici lecteur. Bataille explore donc des aspects sombres et souvent dérangeants, il traîne dans la direction des relations entre Eros et Thanatos, mais aussi dans le rapport au regard, et au final à l'oeil mais par des détours que je vous laisserais découvrir si ça vous tente. Pour parler franchement, il n'y a pas tellement de passages que je trouve enthousiasmants du point de vue érotique, notamment parce que beaucoup sont choquants et durs, mais justement il m'interrogent énormément sur ce qui se cache derrière. Mais ce n'est pas tellement étonnant, Bataille ayant une relation à l'érotisme particulièrement réfléchie et complexe. Et en plus, il écrit bien, parce que par contre, de ce point de vue là, très bien, très fort. Bref, c'est vraiment une lecture que je trouve enrichissante, mais sans doute trop riche et complexe pour l'assimiler en une fois. J'y reviendrais certainement. Laissez-vous tenter à l'occasion mais attendez-vous à une lecture tout sauf reposante.

53 Lu. Le Hussard. De Arturo Perez-Reverte.

Le Hussard est le premier livre de Perez-Reverte, dont il a enfin récupéré tous les droits, ce qui donne donc cette ressortie. Bon, autant le dire tout de suite, comme premier livre, ça fout des complexes, je vous dit pas. C'est très bien monté, en fait. Ce n'est pas long, le propos est assez direct, sans être toutefois prévisible plus que ça, et ça a un vrai impact. Il s'agit donc de la première campagne militaire d'un jeune hussard strasbourgeois. Et l'état d'esprit des hussards du nain corse est aussi flamboyant que élitiste et suicidaire, ce qui donne une ambiance très enjouée et rythmée à l'ensemble. Ensuite, sorti de la logique interne des hussards, on aperçoit de loin la campagne d'Espagne, parce que Perez-Reverte ne se refait pas, ce qui nous mène doucement à une fin qui ne peut pas laisser indifférent. C'est donc un très bon petit roman, avec un vrai impact, mais beaucoup moins fouillé (tout en restant riche) que le reste des romans de Perez-Reverte.

Lu. Le nombril de femmes. De Dominique Quessada.

Dominique Quessada, qui, nous dit-on, est philosophe, se lance dans un exercice loin d'être évident : un portrait, qui se veut sensible et tendre, des femmes en général par le biais de petits paragraphes, au mieux de demi-pages sur un thème ou l'autre. C'est plutôt bien écrit, souvent effectivement tendre et sensible, mais ça ne fonctionne pas que. Notamment pour une raison me semble-t-il centrale : il est difficile de parler des femmes en général sans sombrer, au moins par moment, dans des généralisations pas très intéressantes, voire des clichés pas tellement enthousiasmant. Non pas que l'auteur ne fasse pas d'efforts, hein, au contraire, mais le simple choix de cette formulation fait que, forcément, ça donne régulièrement cette impression. Et du coup, ça coupe un peu l'effet du reste. A côté de ça, quelques passages, très factuels et garnis de chiffres, rappellent que, effectivement, le monde n'est pas tellement favorable aux femmes en général. Mais là encore, on est pas forcément en cohérence avec l'ambiance générale qui tente de se dégager. Donc au final, il y a un peu de tout là-dedans et, en ce qui me concerne, ça tombe à moitié à plat, avec quelques bons moments.

54 Octobre 2006

Lu. Thud. De Terry Pratchett.

Ah, du nouveau Pratchett. Comme toujours, je me suis rué dessus, je l'ai lu en 24 heures et maintenant je trouve que c'est passé trop vite. Bon, comme toujours également, c'est plutôt bon signe. Comme le titre l'indique, il s'agit d'une histoire de nains et de trolls, dans laquelle apparaît en premier plan Thud, le jeu, et donc la bataille de Koom Valley (pour ceux qui ne comprennent rien, rassurez-vous, c'est simplement le 28ème tome d'une série, donc il y a un certain passif). Ceci est une bonne base, surtout quand tout cela se passe à Ankh-Morpork avec une enquête menée par le jeune papa le plus grognon et énervé de la ville : Vimes. Plutôt plus sombre et plus orienté vraie enquête policière que bien d'autres volumes, Thud fonctionne bien mais sur un canevas maintenant très classique pour du Pratchett. Du coup, on sait vite à quoi s'attendre. Ce qui sera mon principal reproche, et c'est pas la première fois : c'est bien fait, c'est drôle, plein de remarques très pertinentes sur les gens et le monde en générale, mais ca devient très formaté. D'autant plus dans le cadre des enquêtes de Vimes et de sa troupe. Maintenant, si vous aimez, vous aimerez, ne vous faites pas de soucis : de bons moments de trolls, Vetinari toujours vif, une jeune vampire en plus, une parodie du Da Vinci Code, et tout ce genre de bonnes choses.

Novembre 2006

Lu. Hey Rube. De Hunter S. Thompson.

Je vais essayer de ne pas vous redire l'admiration que j'ai pour Hunter Thompson, ou alors différemment. Hey Rube est un recueil des interventions éditoriales du Doc sur le site web d'ESPN, grande chaîne sportive US, de 2000 à 2004. Alors oui, ca parle de sport, mais pas que. Ca parle aussi beaucoup de politique, ce qui est inévitable quand on connaît l'auteur et ce de manière particulièrement sanglante, et il faut reconnaître

55 que l'ère Bush s'y prête particulièrement, et toujours aussi drôle, car là encore... C'est l'exploit encore une fois renouvelé de Thompson que d'écrire de manière barge et hilarante, mais en ayant une acuité et une intelligence rarement égalées. Et le second exploit, dans ce cadre, mais c'est plus personnel, c'est d'arriver à me donner d'une sport professionnel une image enthousiasmante. Attention, je ne dis pas positive, hein, il critique les clubs comme les politiciens, avec la même rage, mais il en fait un feuilleton à suspense, une série de paris et de rebondissements qui donnent envie de s'y intéresser. Oui, oui, je me rends compte de l'aspect incongru de ce que je raconte, mais n'empêche. Bon, ce n'est à lire que si vous êtes déjà sous le charme du Doc, mais si c'est le cas, vous ne serez pas déçus, c'est toujours aussi bien.

Lu. Borrowed Light. De Joolz Denby.

Joolz n'écrit pas seulement de la poésie, même si elle fait ça très bien, mais également des romans, depuis pas si longtemps. Je vous avais parlé de son précédent, Borrowed Light est le dernier en date et, si l'action se passe toujours au Pays de Galles, c'est cette fois ci dans une station balnéaire très mode et appréciée des surfeurs. Oui, moi aussi, j'ai été surpris, je pensais pas que ça existait. Mais si. Maintenant, malgré ce petit côté Malibu, on plonge vite dans une ambiance qui ressemble bien plus aux textes précédents de Joolz qu'à la Californie : c'est à dire très humaine mais qui prends à la gorge. Oui, parce que Joolz s'intéresse aux gens et à leurs vies, leurs drames quotidiens et intimes, et elle fait ça très bien. Sans déflorer trop le thème, il s'agit certes d'amour, en surface, mais surtout d'amitié et de comment certaines personnes peuvent vivre en ignorant les autres, en restant dans le superficiel et la manipulation. Ce qui n'est pas fait sans humour, mais qui est souvent, et c'est la force de l'écriture et de la finesse de Joolz, désespérant et triste à pleurer. Donc si vous êtes prêt à quelque chose de pas terriblement drôle, sans être dépressif, mais de prenant et plein de finesse et d'un regard très fort sur le gens, vous devriez essayer.

56 Décembre 2006

Lu. Les grands mots du professeur Rollin. De François Rollin.

Le professeur Rollin sévit toujours, et notamment sur France Culture, dans l'oeil du larynx, émission au cours de laquelle il continue son entreprise de sauvetage des mots en danger. A chaque intervention, donc, il se saisit du cas d'un mot rare, oublié, inusité, et oeuvre de son mieux à lui redonner vie et encourager son usage, notamment grâce à une saynète pédagogique du meilleur goût. Une centaine de ces interventions sont maintenant regroupées dans cet ouvrage magistral. En effet, le professeur Rollin garde toute sa verve et son humeur, et cette forme courte et érudite lui convient parfaitement. Et, outre qu'on rigole bien tout le long, on apprends quand même plein de mots géniaux et relativement inutile, ce que j'aime toujours beaucoup. Je pense que l'ensemble gagne encore un peu quand on connaît la voix et la diction de Rollin et de son incroyable Simone, mais même sans ça, c'est vraiment très bon.

Lu. La belle du Caire. De Naguib Mafouz.

Naguib Mafouz m'intriguait, parce qu'on en parle un peu ces derniers temps dans ma libraire, du coup, j'en ai pris un à moitié au hasard, pour voir. Il s'agit du devenir de trois étudiants égyptiens, à la fin de la période anglaise, mis face aux choix un peu biaisés de la société de l'époque : questions vis-à-vis de la foi, ou au contraire du socialisme et du rationalisme triomphant, jouer avec la corruption omniprésente dans l'administration ou non, se sacrifier pour nourrir ses parents, ou non. Globalement, même si c'est de manière illustrée, on parle beaucoup de choix moraux dans ce livre. Et parfois de manière pas si illustrée que ça, finalement. C'est sans doute ce qui me laisse l'impression la plus étrange : les personnages ne sont pas terriblement profonds et servent de manière à peine déguisée d'illustration aux courants moraux et intellectuels, ce qui donne parfois une impression de trop grande simplicité du propos voire un côté un peu moralisateur. Cette impression due aussi en partie au style de l'auteur qui adopte un point de vue très extérieur et très factuel sur ses personnages. Malgré ça, l'histoire est raisonnablement menée, avec une fin rapide et, par rapport

57 au reste, brutale (même un peu trop à mon goût), et le dépaysement, au moins, fonctionne pour moi. Au final, je me dis que c'est un style et un propos de fond qui ne sont pas tellement pour moi mais je peux comprendre que ça fonctionne bien mieux pour d'autres.

Lu. Carlier Libre. De Guy Carlier.

Autant je ne regarde pas la télé donc je ne le vois plus ni ne l'entends en direct, autant je continue à lire ses textes quand ils sortent en poche. Alors, bien sur, c'est un peu toujours la même chose, mais comme à chaque fois, j'ai un peu oublié, je le retrouve avec plaisir. Donc si vous aimez ou si vous ne connaissez pas, c'est toujours sympa.

Février 2007

● Lu. Anansi Boys. De Neil Gaiman.

Après American Gods, Neil Gaiman est revenu. Bon, je m'étais pas pressé, mais j'avais un peu tort parce que c'est vraiment du bon boulot. Je vais commencer par ma seule critique : le synopsis est très proche de celui d'American Gods, justement, alors il ne vaut mieux pas les lire trop rapprochés. Maintenant, c'est pas la même ambiance, ni la même densité. Anansi Boys, donc, raconte comment un jeune homme va hériter de son père, et découvrir du coup que, même si il le détestait, c'était quelqu'un d'important. Mais c'est une comédie. Et Gaiman maîtrise le côté comique, avec des scènes brillantes et légères, et une narration d'ensemble très rapide, sans longueurs, sans ruptures. C'est vraiment une lecture entraînante et facile, parfois à la limite du roman pour enfants ou du conte, ce qui est plutôt agréable. Et sur le fond, c'est donc une reprise de mythologies américaines, comme le titre le laisse deviner, avec des détours de scénario bien amenés. Si donc, le fantastique contemporain ne vous rebute pas, c'est un vrai bon moment de détente bien mené. Et oui, il existe en français vu que c'est pas si neuf.

58 Lu. Eloge des femmes mûres. De Stephen Vizinczey.

Eloge des femmes mûres a beau être un récent succès international, c'est aussi un vrai moment de finesse et de plaisir. André, le narrateur, nous conte, à partir de son enfance de maquereau pendant la seconde guerre mondiale, sa découverte puis ses relations avec les femmes. Comme l'indique le titre, il s'agit de femmes plus âgées que lui plus souvent que l'inverse, et c'est une particularité qu'il défend avec humour mais aussi avec finesse et conviction. Sur l'ensemble de ce roman, il dresse un portrait des relations entre hommes et femmes plein d'espoir, mais aussi de sagesse qui donnerait envie de conseiller ce livre dans les collèges et lycée. L'écriture en étant en plus agréable et convaincante, ça marcherait sans doute. Mais même pour les plus âgés, c'est plein de bonnes choses, et de plus de profondeur que je n'aurais cru. En ce sens, les points communs avec Kundera me semblent aller au. delà de contingences géographiques Donc oui, ça mérite bien son succès, et d'y jeter un oeil.

● Lu. Wintersmith. De Terry Pratchett.

Je vous avais déjà parlé précédemment de deux ouvrages de Pratchett plutôt ciblés ados, voire enfants, concernant une jeune bergère destinée à devenir sorcière (ça se passe dans le Discworld, donc les sorcières oeuvrent au bien de leurs concitoyens, pour rappel). Wintersmith en est le troisième tome, et reprends là où on avait laissé l'ensemble des personnages. Tiffany, donc, atteint un âge auquel d'une elle va devoir finir sa formation, et de deux, elle commence à penser sérieusement aux garçons, tout en le niant de manière véhémente. Suite à une impulsion inconsidérée, elle va se trouver attirer les attentions amoureuses du Wintersmith, l'esprit de l'hiver. S'ensuit une intrigue riche et pleine d'humour mais dont le coeur est surtout l'arrivée à l'âge adulte, le fait de prendre ses responsabilités et d'accepter que les choses ne peuvent pas forcément se finir bien tout le temps (et que les apparences sont trompeuses, souvent). Comme dans tous ses romans, Pratchett fait preuve d'une finesse et d'une tendresse par rapport à ses personnages qui me touchent toujours beaucoup. Peut- être plus encore ici, ou peut-être est-ce simplement le cadre et le personnage encore enfant qui l'accentue. Toujours est-il que ce troisième tome est aussi moins drôle, moins centré sur les personnages comiques. Bref, guettez-le quand il sortira en français, surtout si vous avez un public dans ces âges là.

59 Mars 2007

Lu. Cocaïne nights. De JG Ballard.

Je n'avais pas lu de Ballard depuis très longtemps, et ce que j'en avais lu avec des relents de SF. Bon, de loin, parce que c'était surtout bizarre et décalé. Alors, un peu au hasard, j'en ai tenté un plus récent. Et ben, je suis pas déçu, et c'est même pas mal une claque. Bon, d'une part, il écrit très bien, mais surtout, son propos est fort et percutant. Ici, suite à un quintuple meurtre sur la Costa del Sol dont son frère se déclare coupable, Charles vient s'installer dans la résidence de luxe qu'il dirigeait. Dans cet micro-société d'expatriés, on découvre une ambiance et des personnages étranges. Attachants, séduisants pour certains, sûrs d'eux, mais toujours fuyants, étranges, décalés. Et, avec le narrateur, on se laisse entrainer, on commence à découvrir de l'intérieur ce petit monde plein de secrets désagréables. Mais loin de se satisfaire de cette ambiance et de la résolution du mystère, ce qui aurait déjà pu amplement suffire vu la force d'évocation de Ballard, il en use pour avancer une analyse de la société contemporaine frappante. Et ça ne laisse pas indifférent, c'est le moins qu'on puisse dire. Ballard parle de la société des loisirs, de ses limites et de ses dérives, et, tout simplement, d'être humain. Et il fait ça avec brio. Du coup, j'ai eu l'impression de découvrir un grand auteur que j'aurais raté jusque là. Du coup, vous en réentendrez parler :)

Lu. Ce que j'aime en toi. Les carnettistes tribulants.

Bon, je ne suis pas tombé par hasard sur ce beau carnet, il se trouve que je connais quelqu'une qui est dedans (et que je salue bien du même coup, d'ailleurs :). Il s'agit donc d'un recueil d'extraits de carnets, ce qui, en simple, veut dire que c'est des illustrations, collages, textes, peintures, de douze personnes différentes, et sur un thème amoureux et/ou érotique. Et c'est drôlement bien. Bon, tout n'est pas égal, mais il y a beaucoup que j'aime vraiment. Des garçons, des filles, des histoires avec des textes, d'autres plus instantanés, des choses très claires, des pages beaucoup plus profondes et pleines de textures et de recherche graphique, c'est varié, mais j'ai trouvé plus que mon compte dans la majorité des douze propositions. Il y a des moments très émouvants, très intimes, d'autres plus drôles, ça donne bien, comme le dit le sous-titre, l'impression de voyager dans diverses intimités, diverses relations à

60 l'amour. Ca se déguste tranquillement, et on y revient par petites touches, c'est donc un carnet que je vous conseille d'aller regarder chez votre libraire, et que je regrette de pas avoir trouvé d'images à vous montrer facilement... (Ah oui, j'allais oublier, ne lisez pas le dialogue d'intro, il est hyper mauvais et donne pas du tout idée de ce qu'il y a dedans. Ou alors, lisez-le pour vous moquer :)

Lu. La dernière tribu. Eliette Abécassis.

La dernière tribu est le troisième tome de la série commencée avec Qumran et Le trésor du Temple. On reprends donc les mêmes personnages principaux (enfin, surtout LE, hein) et les mêmes thèmes d'exploration et enquête sur les origines du christianisme et les mystères liés à la secte de Qumran et aux rouleaux. Et cette fois- ci, surprise, on part pour le Japon, sur les traces d'un mystérieux cadavre tibétain âgé de deux mille ans. Parce que oui, il y a un rapport avec le Japon, et les arguments avancés sont plutôt malins et surprenants. Bon, sans détailler, il existe pas mal de similitudes marquantes entre le shintoïsme et la tradition juive, mais aussi entre la langue japonaise et l'hébreu. Bref, des hypothèses furent faites à ce sujet, dans la vraie vie, notamment par des gens sérieux. Et, sur cette base, Eliette Abécassis déroule une hypothèse. qui est finalement plus ou moins la première à laquelle on pense en lisant la base du bouquin (voire son dos de couverture, mais même sans lui, ca va vite). Du coup, si l'idée est bonne, on a un peu l'impression que la côte mystère et enquête est sans surprise. Du coup, à moins que vous ne soyez passionné par son personnage principal (ce qui n'est pas tellement mon cas), c'est un peu facile. Mais l'idée de fonds est bonne et mérite au moins d'être googlée...

Lu. Hunters of Dune. De Brian Herbert et Kevin Anderson.

Hunters of Dune est le huitième tome de Dune, officiellement, écrit par le fils et son collègue, sur la base de notes supposément détaillées de Frank Herbert. Il reprend donc après Chapterhouse (La maison des mères). Vous vous souviendrez peut-être que j'avais abandonné les préquelles, écrites par le même duo, parce que c'était vraiment trop mauvais. Vous imaginez donc les appréhensions que je pouvais avoir. Et pour tout dire, c'est moins pire que ce que je craignais. Soyons honnêtes, c'est pas bon. Si on compare à l'original, c'est même lourdement décevant : gros manque de finesse des personnages, notamment dans les dialogues et les plans, à court ou long terme, scénario qui n'avance pas et débouche pour l'instant sur pas grand chose. Oui, parce qu'il y en aura un suivant pour conclure. Bon, je vous dis un mot du scénario,

61 vous êtes prévenus, ça va spoiler : les grands vilains annoncés se rapprochent, et, à la surprise de tout le monde, ce sont les machines issues des préquelles du duo d'auteur (et qui m'ont l'air bien sans intérêt en termes de profondeur de personnages), et en réponse, les gentils créent des gholas de tous les personnages majeurs de la série. Du coup, on passe tout le tome à attendre qu'ils grandissent, et les optimistes se diront que du coup, le scénario sera dans le tome suivant. J'en doute. Enfin, si vous êtes fan, vous lirez et vous vous ferez votre idée, moi ça me désespère que la finesse et la profondeur des personnages de la série d'origine aient à ce point disparues corps et biens.

● Lu. I am Legend. De Richard Matheson.

Je commence par vous dire un mot de l'édition, parce que c'est ce qui m'a attiré. Gollancz réédite de grands classiques de la SF et du fantastique sous un format de paperback à belle couverture en carton brut et aux coins arrondis. Et c'est vraiment joli. Accessoirement, leur sélection est vraiment bien. Mais bref, ça m'a donc permis de découvrir un classique que je ne connaissais pas. Robert Neville, le personnage principal, est peut-être le dernier humain dans un monde peuplé de vampires. C'est tout au moins ce qu'il semble, et surtout ce qui lui semble. C'est un cauchemar paranoïaque dans lequel on s'engage, centré sur un personnage normal justement, et qui ne virera pas à l'épopée de sauvetage du monde. Plus que de la SF, l'ambiance est proche de l'horreur, pas celle avec du sang qui gicle partout, celle où les personnages deviennent fous à être trop seuls, trop assaillis. Ce n'est pas un roman long mais c'est un roman qui a de l'impact, qui est écrit avec talent et où la fin, sans être absolument surprenante, est vraiment marquante et astucieuse. Bref, ce n'est pas un classique pour rien, qui mérite très largement le peu de temps qu'il faut pour le lire.

62 Avril 2007

Lu. J'ai peur. De Christophe Siebert.

J'ai peur est, selon le quatrième de couverture, un roman pornographique qui ne fait pas beaucoup bander au début, et encore moins à la fin. C'est difficile d'en faire un meilleur résumé, si ce n'est celui, plus long, qui suit, sur le quatrième de couverture, mais je vais arrêter de tout pomper. C'est un roman très sombre, très glauque, puisque le personnage passe son temps à télécharger du porno et à se branler, sans joie, parce que ce monde irréel lui fait moins peur que le monde réel, dans lequel il ne s'aventure plus. Le temps passe et il ne fait que ça, compulsivement, dans une vie qui tourne en rond, emplie de films pornos, de sexe virtuel et distant, et de rares sortis dans le reste du monde sans aucun contact avec les gens. Mais c'est aussi un roman très fort, parce que justement, il ne s'embarrasse pas d'artifices, ni de retenue : c'est cru, c'est direct, et c'est marquant et ça parle de la difficulté de vivre et de la facilité de tomber dans l'addiction et l'isolement. C'est bien écrit, aussi, avec un style très marqué, pressé, sans ponctuation (du tout), oppressant, impliquant. Le style (comme le thème), peuvent ne pas plaire, mais en ce qui me concerne, au contraire, c'est fort et ça laisse des impressions pas glamour du tout mais importantes, fortes. Comme en plus, je connais l'auteur, je vous invite au moins à aller le feuilleter, vous verrez bien si ça vous parle (et lisez le quatrième de couverture, pour une fois qu'il y en a un de vraiment bien), et je vous encourage à tenter l'expérience.

Lu. Valérie ou la semaine des merveilles. De Vitezslav Nezval.

Je ne connaissais pas du tout Vitezslav Nezval, même si j'adore son prénom et qu'il est affilié aux surréalistes. J'ai donc choisi ce bouquin sur la bonne foi de sa couverture de Saudek et son résumé. Et ce fut un vrai moment de plaisir rafraîchissant. Il s'agit d'un petit roman reprenant la forme et les codes des contes fantastiques d'europe centrale, le tout saupoudré d'une connotation érotique délicate. La jeune Valérie, vivant avec sa grand-mère dans une grande ferme à l'écart du village, découvre un étrange homme à tête de putois mangeant ses poules, ce dernier étant assisté d'un jeune homme bien de sa personne et maltraité. Au cours de

63 sept journées, elle va plonger dans le fantastique, mais fantastique de conte et légendes, et découvrir l'ascendance du jeune homme, le rôle et la nature de l'homme-putois, ainsi que ses propres origines. La narration est rythmée et rend parfaitement l'ambiance onirique et poétique des contes. C'est du coup très plaisant à lire, pour un bon moment de détente.

● Lu. Epigrammes obscènes. De Martial.

Martial est un auteur du premier siècle, romain donc (par adoption tout au moins). A l'époque, c'était une vraie star, mais il n'est maintenant connu que dans des cercles restreints, ce qui est une honte totale. Pour corriger cela, la Musardine propose une nouvelle édition, mais surtout une nouvelle traduction, de ce pour quoi il est connu : l'épigramme obscène. En effet, Martial est un poète, il travaille des formes courtes, voire très courtes (qui ne sont pas si loin du haïku pour certaines) et obscènes. Obscènes, c'est-à-dire parfois pornographiques, mais surtout crues et révélatrices des moeurs de ses concitoyens. Car Martial s'adresse souvent aux grands de Rome, évoque leurs moeurs, leurs travers, s'en moque et en rit. Et c'est effectivement très drôle, bien tourné et dans un certain nombre de cas plutôt érotique. C'est réellement une lecture qui se savoure et qui se relit. Accessoirement, cette édition propose aussi la version latine d'origine, ce qui permet de découvrir aussi des finesses formelles et des tournures astucieuses que la traduction ne peut pas toujours rendre. Bref, c'est un ovni de deux mille ans, mais c'est surtout un plaisir de lecture absolu en ce qui me concerne.

Juin 2007

Lu. Lolita. De Nabokov.

Lolita est un livre étrange et marquant. Il mérite amplement d'être lu, car il ne doit pas sa réputation uniquement à son côté sulfureux et condamné par les ligues de vertu. Certes, la pédophilie est un aspect central (et, de manière inhabituelle, est plus honnie et condamnée qu'à l'époque de son écriture) et incontournable, mais il ne s'agit pas de voyeurisme ni de sensationnalisme. Du tout. Au contraire, il s'agit de

64 plonger dans les contorsions, le désespoir et les illusions du personnage principal, dont on sait dès le départ qu'il finit mal, puisqu'il s'agit d'une confession. Maintenant, il ne s'agit pas de ce à quoi je m'attendais : plus sombre, plus érudit, plus inattendu somme toute. Mais outre le contenu, il est un point majeur : le style. Nabokov écrit de manière splendide. Du coup, c'est un plaisir fascinant de lecture, malgré le contenu qui souvent n'est ni beau, ni réjouissant. Et ce contraste est à la fois étrange et envoûtant, gênant parfois, séduisant bien souvent.

Lu. Les forces de l'invisible. De Tim Powers.

Tim Powers fait partie des auteurs que j'essaie de suivre car il écrit du fantastique contemporain en gardant métaphoriquement les pieds dans la boue, dans le réel bizarre et pas glamour artificiel. Bref, j'avais raté son dernier et je l'ai découvert en poche français. Et ce fut un vrai moment de plaisir. Car il se plonge dans le monde de l'espionnage de la guerre froide, avec plusieurs trames couvrant les années 40 à 60, en gros. Et si on plonge dans le fantastique, c'est, comme d'habitude, un fantastique retenu, thématiquement fort mais en retrait de l'histoire la plupart du temps. Je ne vous révélerais pas de quel fantastique il s'agit mais ça colle au final parfaitement avec les grands espions de l'époque que l'on suit (et qui sont pour la plupart des personnages historiques), et c'est joli en plus. L'intrigue est repliée sur elle-même à souhait et le récit en plusieurs périodes entremêlées fonctionne parfaitement. Et comme j'ai personnellement été tout à fait séduit par l'ambiance espionnage de haut vol et guerre froide, j'ai passé un très bon moment.

Lu. Super-positions. De Ana Alter et Perrinne Chervèche.

Super-positions est un petit bouquin sur un thème qui m'amusait: l'histoire des pratiques (et surtout des positions) sexuelles à travers les siècles et les civilisations. Dit comme ça, ça semble massif et d'envergure. En fait, pas tant que ça, et c'est bien la limite de cet ouvrage au demeurant sympathique et détendu. Certes, on trouve pour la plupart des positions gymnastiquement raisonnables un petit historique et des infos sur les divers tabous et interdits qui l'ont frappé, mais sans non plus une documentation ou un détail important. Du coup, le contenu colle au ton, relativement léger. Un moment agréable mais qui peut laisser sur sa faim.

65 Juillet 2007

● Lu. The Lies of Locke Lamora. De Scott Lynch.

Je ne lis pas tellement de médiéval-fantastique, trouvant souvent que ça manque d'originalité. Mais cette fois, j'ai été tenté par le thème, ainsi que par la recommandation de George Martin (Auteur du Trône de Fer, seule série med-Fan m'ayant vraiment plu ces dernière années). L'histoire prend place dans une ville médiévale, presque renaissance, avec de vraies parallèles avec Venise. Peu de magie et de fantastique, on s'intéresse plutôt aux bas-fonds, aux orphelins et aux déshérités. De fait, le personnage principal, Locke Lamora, commence comme voleur à la tire avant de devenir un artiste de la tromperie, un spécialiste des escroqueries à la

66 confiance. Et déjà, un héros pas grand combattant, pas grand, pas fort, juste malin et roublard, je trouve ça agréable et rafraîchissant. Ensuite, les plans qu'il monte sont vraiment malins et élaborés. Du coup, on se laisse très vite embarquer. Je ne vous dévoile pas la suite mais il y a un vrai scénario, avec des surprises, de la tension, des révélations. Tout n'est pas parfait, mais quand même, ça tourne drôlement bien, c'est riche et c'est inventif. Au final, un vrai bon moment de dépaysement et de plaisir que je conseille bien vivement à ceux qui aiment soit le med-fan, soit les romans d'embrouille.

Lu. Boys, boys, boys. De Joy Sorman.

Boys, boys, boys, outre une référence aux années 80, est un petit roman plutôt malin. La narratrice, lassée de son rôle de fille, décide de rejoindre le camp des hommes, de ceux qui parlent, d'apprendre à faire comme eux, à être comme eux. De cette perspective féministe découle, au rythme d'une narration agréable et rapide, une confrontation, principalement au niveau de la prise de parole, de la possession du discours et des mots, des points vue masculins et féminins. J'ai trouvé que ça évitait au total pas mal d'écueils, sans toutefois être dans une approche d'une profondeur théorique très marquante. Le regard porté sur les manières de parler et d'interagir socialement est plutôt intéressant. De la même manière, la dernière partie, plus centrée sur le couple et son équilibre, la place de l'un et de l'autre, à partir d'idées pas révolutionnaires mais toujours intéressantes, trouve un équilibre plutôt bienvenu. Bref, rien de révolutionnaire mais une écriture de qualité et des thèmes qui me parlent plutôt.

Lu. The drawing of the dark. De Tim Powers.

Il y a encore quelques Tim Powers que je n'ai pas lu, surtout des vieux, et surtout parce que les titres ou les résumés ne me tentaient pas. C'est typiquement le cas de celui-ci dont le titre français ne me tentait pas du tout (Les brumes d'Avalon, titre qui accessoirement spoile quand même un peu, ce qui est fort dommage), mais en anglais, en avec le résumé, si. Le mélange de base : histoire + fantastique plein de symboles sur une base historique est typique de Powers, et tant mieux. On suit donc les péripéties d'un soldat de fortune, recruté pour protéger une brasserie pendant le siège de Vienne par les armées de Suleiman. Le personnage est sympathique et on découvre avec lui les aspects fantastiques du scénario, qui m'ont beaucoup plu, étant poétiques, plein de mystères, et agréablement peu super-héroïques. L'ensemble n'est

67 pas dépourvu d'humour non plus, loin de là. Le seul reproche que je ferais est que ça finit tout de même de manière un poil rapide. Tout est bouclé, hein, y a rien de grave, mais ça boucle vite. Ceci étant, c'est terriblement prenant et vraiment amusant, avec en sus de belles idées, donc encore du Powers que je vous conseille de lire.

Lu. Les plus beaux dimanche après-midi du monde. De Plonk et Replonk.

Si vous ne connaissez pas Plonk et Replonk, il est temps de vous y mettre. Ils sont suisses et réalisent des bidules, principalement des collages, adaptations, légendages et autres recyclages de cartes postales anciennes, dans un pur esprit absurde, surréaliste et irrésistiblement drole. Allez donc voir leur site pour vous faire une idée : http://www.plonkreplonk.ch/ (et au passage, jetez un oeil au blog de Helvetus IV, roi de suisse : http://zebrablog.net/helvetus/index.php/). Bref, j'aime beaucoup leur humour décalé et toujours surprenant, et il se trouve qu'on m'a offert, ô bonheur, leur premier album. Et c'est splendide. On y découvre les petits métiers d'antan, dont la peigneuse de girafe et la berceuse de marmottes, mais aussi les belles parties de tir au flan, et tant d'autres activités inénarrables. L'aspect visuel surranné et plein de détails bidonnants étant essentiel, je ne peux que vous renvoyer aux liens ci-dessus, c'est à ne pas rater.

Lu. Le Dictionnaire. De Topor.

Toujours aussi fan de Topor, j'ai aussi eu comme très beau cadeau ce splendide dictionnaire. Il s'agit d'une compilation, ordonné alphabétiquement, de toutes les choses extrêmement diverses qu'a pu réaliser Topor donc. Etant donné la diversité impressionnante : photos, films, animation, peinture, texte, illustration, etc, le format dictionnaire est un bon moyen de découvrir le tout. De fait, la plupart des autres ouvrages que je connais se concentrent sur un support ou un période (ce qui donne déjà du grain à moudre, notez), mais ne donnent pas un panorama aussi large. Du coup, c'est un peu le bonheur de pouvoir faire un tour complet, quand bien même il est parfois frustrant de n'avoir que quelques éléments de chaque style/projet/période. Bref, c'est essentiel pour qui veut découvrir l'ampleur des talents de Topor. Car, oui, je n'en ai que peu parlé, mais sur le fonds, tout ça est plein de son génie habituel.

68 Lu. Manuel de sérigraphie. De elshopo.

Encore un cadeau (oui, j'ai été gaté :), et une idée que je n'aurais pas eu moi-même. Des militants de la sérigraphie proposent ici un mini-guide de ce que c'est et comment qu'on en fait chez soi. Et ben, d'une part le principe me plait énormément, d'autre part, c'est finalement assez facile à mettre en place. Assez facile, comme dans il y a quand même un peu de bricolage, mais pas beaucoup d'achats de produits spécifiques. Comme j'aime bien le rendu de la sérigraphie, je vous en donnerais plus de nouvelles quand j'aurais essayé. Mais si le principe vous tente, c'est un petit guide très sympa et très clair.

Aout 2007

Lu. Harry Potter and the Deathly Hallows. De J.K. Rowlings.

Voui, j'avoue, comme tout bon fan de base, je suis allé l'acheter à minuit le jour de sa sortie et je l'ai fini dans le week-end. Non que je trouve que ce soit le meilleur livre du monde (loooiiiiiin de là) mais je voulais pas me faire gâcher le suspense et le coté évènement m'amusait. Bref, je vais essayer d'en dire deux mots sans rien révéler d'important, mais maintenant je vais quand même un peu parler de ce qu'il y a dedans alors vous pouvez passer si vous voulez garder le plein suspense. Pour commencer, disons que c'est rythmé (pas comme les deux précédents), très bon point, et que ça boucle l'ensemble. Maintenant, ça boucle avec le même niveau d'intrigue que l'ensemble de la série, c'est-à-dire que ça se tient, mais qu'on est loin d'un scénario super malin où tout se boucle parfaitement sans qu'on l'ait vu venir. Non, c'est bouclé, sans surprise majeure, mais sans trou de scénario majeur non plus (y a quand même quelques détails qui me laissent sur ma fin mais rien de grave). Et, oui, ça finit vraiment, maintenant (détournez les yeux si vous ne voulez aucun sous- entendu nuisible à vos surprises de lecture), c'est quand même une fin bien plus gentille que celle que j'espérais. Et l'épilogue est à mon sens inutile, voire dommage. Alors, oui, ça pas mal de petites critiques, mais l'important, c'est que malgré tout ça, ça avance bien, on retrouve tout ce qui rends la série attachante et ça chôme pas. Du coup, ben, c'est un bouquin très plaisant et qui fait son boulot et ma principale critique se résume au fait que j'aurais aimé que ça se hisse aux niveaux d'auteurs

69 techniquement et stylistiquement meilleur, ce qui est une critique un peu injuste, je vous l'accorde. Donc si vous aimiez le reste de la série, c'est tout bon.

Lu. La trilogie Steampunk. De Paul Di Filippo.

Un recueil de trois nouvelles inventives, enlevées et drôles dans une thématique globalement steampunk, mais pas toujours très nettement. D'abord, c'est très bien écrit, c'est vivant et plein des maniérismes liés aux époques auxquelles on se situe, ainsi que de personnages amusants et attachants (parfois par envie de les baffer, mais il n'empêche). Ensuite, les thématiques des trois nouvelles m'ont plu : la première dans un cadre purement victorien avec une histoire de femme triton irrésistible est très drôle et pleine d'idées idiotes. La seconde, peut-être un peu longue, reprends les thèmes ctulhiens dans l'amérique du XIXème, avec beaucoup d'humour, une dominante scientifique (et raciste, ce qui fait un personnage principal détestable mais splendide) et sans se prendre au sérieux du tout fait passer un très bon moment. La dernière, dans un style moins burlesque et plus poétique, reste à mon sens amusante et tourne autour de l'exploration des royaumes des morts. Bref, tout cela est bel et bon, et drôle et je regrette que l'auteur ne soit pas plus publié en france, parce que ça mériterait.

Lu. Le Festin Nu. De William Burroughs.

C'est toujours difficile de donner son avis sur un livre culte, et particulièrement sur celui-ci. Le Festin Nu est un livre sur la drogue, dure, permanente, et sur la perte de repères, le monde et les perceptions qui se délitent, le monde qu'on voit et qu'on comprends tout autrement. Et le style narratif est tout à fait en cohérence avec le contenu, ce qui fait que c'est incohérent, ou plus exactement suffisamment décousu pour que le rapport entre les différents chapitres soit insaisissable. C'est un voyage donc, à travers une série de scènes, de rencontres et de théories, dont les liens sont au mieux lointain. Maintenant, si cet aspect ne vous arrête pas, et il y a quand même un peu de quoi parfois, c'est superbement écrit, souvent drôle et souvent captivant. C'est en tout cas impressionnant en termes de plongée dans d'autres manières de pensée, dans un monde fou et flou. Je ne cacherais pas que j'ai du me forcer un peu pour rester dedans mais je ne suis pas déçu du tout. C'est dur à aborder et troublant, mais également intense et dépaysant.

70 Septembre 2007

Lu. La défense Lincoln. De Michael Connely.

Michael Connely est apparemment une star du polar américain, mais je n'avais jamais eu l'occasion avant qu'on me conseille fortement ce bouquin. Plus qu'un policier, c'est un roman d'avocat, et même d'avocat de la défense, à LA, qui défends notamment pas mal des gens pas très clairs, dans le trafic de drogue notamment mais pas que. Et le personnage est riche et attachant, pas dans le cliché du détective ou policier dur mais loyal. L'intrigue étant complexe et riche également, ça part sur de très bonnes bases. Et comme, enfin, c'est bien écrit et plein de finesse, ça en fait effectivement un roman policier fort et marquant. Le monde judiciaire et juridique est abordé de manière compréhensible mais en en montrant aussi les ficelles et les astuces mesquines. Bref, que du bon, au point que je me suis du coup mis à ce que Connely faisait d'autre. C'est sorti en poche récemment et je vous encourage fortement à le tester.

Lu. Jonathan Strange et Mister Norrel. De Susanna Clarke.

Il s'agit d'un livre étrange, comme son nom le laisse deviner, mais plus. C'est l'ambiance surtout, la manière d'aborder la thématique, qui fait la différence et donne son caractère à l'ensemble : un style vraiment victorien, élaboré, qui prend son temps; des points de vue très marqués par les valeurs de l'époque, et enfin une couleur de fond très orientée vieux contes de fées. Du coup, on plonge très vite dedans, parce que c'est différent, parce que c'est plein de caractère. Et les personnages sont attachants et amusants également, avec cet attachement aux bonnes manières et aux valeurs morales typiquement victorien. Bien sur, ça n'avance pas vite. Il faut avoir le temps et l'envie de se promener à vitesse réduite, de se détourner sans arrêt et de se demander où ça va. Mais ça va quelque part. Quelque part de moins grandiose que ce que certains passages peuvent laisser penser, mais quelque part de plus amusant et de plus fidèle à l'ambiance finalement. Je pense que l'embryon de déception que j'ai ressenti quant au final vient du fait que j'anticipais une fin de fantastique classique alors que non, on est dans du conte de fées victorien.

71 Mais c'est bien, ça laisse avec un sourire. Et il pourrait y avoir une suite, ce qui me plairait bien.

Lu. Acide Sulfurique. De Amélie Nothomb.

Amélie Nothomb a un style bien à elle, il est difficile de le nier. Il est particulièrement épuré lorsqu'elle ne fait pas dans la biographie, ce qui est le cas ici. Acide Sulfurique parle de télé-réalité, et de ses pires dérives (oui, oui, pire, comme dans camp de concentration). Partant d'un postulat pas terriblement crédible au départ, de la télé- réalité sur un camp, où les gens meurent vraiment, on finit petit à petit à y croire un peu, en tout cas à trouver la logique de tout ça terriblement familière, et terrifiante tout simplement. Certes, c'est un peu la grosse artillerie, dans l'idée, mais le traitement est typique de Nothomb, un peu décalé et très épuré, ce qui compense largement. Là-dessus, des personnages, dont une surtout, aussi grandiose que l'auteuse sait faire (c'est-à-dire grandiose avoué, direct et déstabilisant), qui encore une fois colle au coeur du propos sans faire dans la fioriture ou le détour. J'ai trouvé le dépouillement de l'ensemble marquant, et le propos juste et dur, mais avec toujours une impression de distance un peu froide, ce qui n'est finalement pas vraiment un point négatif vu le thème...

Lu. The Black Echo. De Michael Connely.

Oui, du coup, je me suis mis à tester du Connelly. Son premier donc, et le premier d'une série devenue assez longue, suivant les enquêtes et tribulations de Harry Bosch (Hieronymus de son vrai prénom), détective à Los Angeles. Certes, le Harry en question est complètement dans les clichés de policiers durs et individualistes, qui vont jusqu'au bout de leurs enquêtes même quand on leur dit qu'il ne faut pas. Maintenant, c'est bien fait et le personnage tient la route quand même. Juste, moi, ça me freine un peu quand même. Au-delà de ça, on peut pas dire que ça manque de scénario, ni de rebondissements. Limite trop parfois, mais c'est une belle construction, avec de la conspiration prévue à long terme et tout ce genre de choses. Bref, c'est assez classique comme format mais ça tourne très bien et il y a vraiment tout ce qu'il faut dedans. Si les suivants sont un poil plus originaux, je devrais pouvoir être fan.

72 Octobre 2007

Lu. Red Seas under Red skies. De Scott Lynch.

Après un premier tome extrèmement prenant et prometteur, j'attendais avec impatience la suite des aventures de Locke Lamora. Et je ne suis pas déçu, même si ça ne part pas tellement dans la direction que j'attendais. En fait, après un premier tome très urbain et magouille, le second reprends sur la même thématique, mais ailleurs. Avec des flashbacks, des plans astucieusement montés et passablement risqués, de bons dialogues, tout ce qui était attendu. Mais rapidement, on emprunte un détour marin, et ça devient majoritairement des histoires de pirates. Liées au reste, toujours rythmées et amusantes, mais dans un autre ton. Et il se trouve que les pirates me fascinent moins, pour le coup. N'empêche que c'est bien fait et que ça fait très plaisir de voir comment tout ça évolue, mais ça donne plus l'impression d'une parenthèse pour s'amuser que d'une vraie suite des problèmes encore en suspens. Maintenant, des détours comme ça, ça vaut quand même le coup de les lire. J'ai bien une ou deux réserves sur certains détours de scénarios mais le monde est toujours riche et surprenant, les personnages sympathiques et les aventures hautes en couleur, donc pas de quoi se plaindre, loin de là, Lynch reste un auteur à suivre.

Homère, Iliade. De Alessandro Baricco.

Barrico tente un pari inattendu et pas évident : reprendre l'Illiade, à partir d'une traduction, et la monter différemment. L'objectif, atteint au demeurant, est de proposer une version resserrée, plus rythmée, plus moderne en un sens, épurée de divers détours, et débarrassée des interventions et implications divines. Son honnêteté a jusqu'à laisser en italique les passages, pas si nombreux, et correspondant surtout à des transitions, qu'il a ajouté. Et si la démarche est surprenante, le résultat est très agréable et réussi , puisqu'il permet de lire l'Iliade dans une version agréable, fluide et vivante. Ayant lu l'Iliade récemment dans une version classique, je peux vous garantir que c'est bien plus agréable comme ça, et que c''est également extrêmement fidèle au texte d'origine. Bref, du beau boulot. Quant au fond, comment dire, l'Iliade, c'est quand même un texte fondateur, fort, touchant, plein de sang et de douleur, dans lequel la guerre est dure, horrible, condamnable,

73 mais fascinante, ce qui comme le rappelle Barrico en introduction est une problématique pour le moins d'actualité et pertinente. Bref, une sorte de texte immortel, avec une nouvelle mise en forme qui mérite le détour.

Lu. The Black Ice. The Last Coyote. Trunk music. Angels Flight. De Michael Connelly.

Je vous avais récemment parlé du premier tome de cette série Harry Bosch, dans laquelle je me suis pour le coup plongé franchement. A noter que pour cause d'approvisionnement de librairie imparfait, j'ai raté temporairement le troisième tome, ce qui est dommage mais pas vital. Chaque tome correspond à une nouvelle enquête de Harry Bosch, mais aussi à des évolutions dudit Harry, dans sa vie personnelle, sentimentale et aussi un peu professionnelle. Dans les deux cas, c'est du bon boulot. D'une part, les enquêtes sont fouillées, riches mais aussi réellement différentes d'une fois sur l'autre, avec des thématiques très variées et des formules originales qui ne restent pas coincées dans une logique policière à Los Angeles. D'autre part, on s'attache vite au personnage, particulièrement à partir de The Last Coyote, beaucoup plus centré sur son passé et ses errements psychologiques. N'ayant pas beaucoup l'habitude des romans policiers, je n'ai pas vraiment de point de comparaison, mais j'ai trouvé ce début de série (car il y en a encore une brassée d'autres) très agréable et prenant.

Octobre 2007

Lu. Les belles lettres du Professeur Rollin.

Je vais encore vous dire beaucoup de bien du Professeur Rollin mais je ne m'en lasse pas. Il s'agit cette fois de 59 modèles de lettres, destinés à des usages variés, mais, globalement, peu courants (encore que certaines soient vraiment tentantes). De la Lettre au pape pour lui exprimer des doutes sur l'existence de Dieu, à la Lettre de candidature à un boulot pas fatiguant et très bien rémunéré, en passant par la Lettre d'une adolescente à une autre, on profite de toute la verve du Professeur Rollin. On découvre une quantité intéressante de mots originaux, avec des exemples d'utilisation, comme toujours, et on ne peut que sourire, voire rire, très

74 régulièrement. Bref, une fois de plus, je me suis régalé et je vous conseille vivement d'en faire autant. Accessoirement, je vous signale que son précédents, Les grands mots du Professeur Rollin, est sorti en poche et que pour 7 euros, vous auriez bien tort de vous priver.

Novembre 2007

Lu. Les grand-mères. De Doris Lessing.

Doris Lessing est une vieille dame indigne dont j'ai beaucoup aimé les interviews et déclarations que j'ai lu récemment (genre quand elle a eu son prix nobel). Du coup, je me suis dit, allons-y pour son dernier, ça m'intrigue. Et ben je n'en suis pas déçu. Sur la forme d'abord, on retrouve dans ce bouquin la sobriété et l'épure de quelques autres grands auteurs. Il n'y a rien de trop, ce qui est parfois déstabilisant mais d'une grâce et d'une efficacité rare. Sur le fond, en essayant de ne pas en dire trop, parce que quand même, ça mérite de suivre le cheminement du livre (même si je m'étais fait un peu spoiler par des articles etq eu ça ne gène pas tant que ça). Disons que ça parle de dissimulation, de non-dits, d'amour et d'amitié. Dit comme ça, ça fait un peu plat, mais quand je disais vieille dame indigne, il y a pas mal de ça quand même. Et c'est fait pour poser des questions et des problématiques sans hésiter et non seulement ça fonctionne, mais ça tient en haleine et ça questionne aussi. C'est court mais c'est maîtrisé et ça mérite la tentative.

Décembre 2007

Lu. Breakfast of Champions. De Kurt Vonnegut Jr.

Kilgore Trout est un auteur de science-fiction sans aucun succès. Dwayne Hoover est un vendeur de voitures ayant réussi. Ils vont se rencontrer et Dwayne Hoover n'en sortira pas sain d'esprit. Mais ça, c'est plutot la fin du livre, même si c'est annoncé dès le début. En fait, l'histoire elle-même n'a que peu d'importance. C'est un livre très

75 étrange, unique. Vonnegut écrit par petits parapgraphes, et explique tout, comme s'il s'adressait à des lecteurs d'un autre temps, ou d'une autre planète, qui ne connaissent pas les Etats-Unis des années 70, et il dessine, mal, pour illustrer. Mais, à l'instar d'un Hunter Thompson, son recul et sa perspective très décalée sont d'une pertinence rare et donnent à voir le monde, et les gens, autrement. C'est un livre qui ressemble à une blague, et qui en est une mais pas que, c'est aussi vraiment une oeuvre remarquable et une lecture piquante et critique de la société américaine (et donc du monde moderne auquel elle a donné naissance aussi). Et drôle, et surprenante, et pleine d'idées importantes aussi. Il faut supporter la forme décousue, à l'air très simple dans le propos mais en fait pas du tout, mais ça mérite à mon sens très largement de faire l'effort (si c'en est un parce que dans mon cas pas tellement, ça m'a juste fait sourire, voire rire franchement pour certains passages).

Lu. I am Charlotte Simmons. De Tom Wolfe.

Il est des livres, comme ça, que je choisis par pure curiosité, sans savoir trop quoi en attendre. Charlotte Simmons est une jeune étudiante brillante, issue d'une famille pauvre, très croyante du fond rural des Etats-Unis. Elle part à l'Université grâce à une bourse, et pas n'importe quelle université, mais une des quatre les plus prestigieuses du pays. Et l'université, c'est le gros bizness autour des sports médiatisés et les cours adaptés pour les athlètes, les fraternités, les coucheries, l'alcool et la vie sociale d'étudiants de la haute société. Elle y rencontre plusieurs autres étudiants, qu'on suit de manière détaillée : un sportif, une star de fraternité et un nerd journaliste. Bon, c'est pas Beverly Hills mais un peu des fois, avec ceci dit un regard critique et amusé sur cette vie universitaire et toutes ses concessions. Les personnages sont attachants et il se passe pas mal de choses, mais le trait est parfois un peu marqué, principalement en ce qui concerne le personnage principal, qu'on voit quand même beaucoup plus que les autres. Disons qu'un personnage un poil moins caricatural m'aurait sans doute aidé à l'apprécier plus, ou une narration plus resserrée, je ne sais pas. J'ai pris plaisir à lire Charlotte Simmons, et je comprends que ça soit un succès mais je ne suis pas complètement conquis non plus.

76 Janvier 2008

Lu. Les Royaumes du Nord. De Philip Pullman.

Tome 1 : La boussole d'Or. Puisqu'on en entend parler partout à la télé et sur les murs, je suis allé jeter un oeil à ce dont il s'agissait directement. Sur une base qui ressemble beaucoup à du roman fantastique pour ados de facture classique, Pullman fait en fait preuve d'une originalité et d'un talent indéniable. Tout d'abord, le monde dans lequel il écrit est suffisamment riche et cohérent pour intriguer : la technologie est présente, mais il s'agit de théologie expérimentale, saupoudrée de dirigeables, machines à vapeur et autres steampunkeries, sans parler des ours en armure. Ensuite, son approche narrative est proche du conte et ne perds pas de temps dans des descriptions inutiles. Enfin, l'héroïne, bien que élue pour sauver le monde, est vivante et drôle. Seul défaut en ce qui me concerne pour ce premier tome, on est encore largement dans l'ignorance des grands plans qui sous-tendent le scénario même si il est évident qu'ils existent. Le style global fonctionnera sans doute encore mieux avec des ados mais ça reste bien agréable. Tome 2 : Le poignard subtil. Dans ce deuxième tome, on rentre enfin de plein pied dans le scénario, on voyage de monde en monde et on rencontre des personnages qui expliquent un peu où ça va. Pas complètement, mais on commence à saisir que la place de l'église/magistérium est centrale au propos ainsi que la relation au divin, mais pas dans une perspective niaise ou primaire comme c'est trop souvent le cas dans ce type d'univers. Bon, on introduit également le second personnage principal, que je ne trouve pas fascinant, mais j'ai plus trop l'âge de m'identifier non plus, c'est surtout ça parce que objectivement, il est bien. Et les deux personnages principaux fonctionnent bien ensemble également. Plus dense que le premier, c'est un tome qui m'a beaucoup plu. Tome 3 : Le miroir d'ambre. Je vais essayer de parler de la fin sans en révéler trop mais je ne promets pas de ne rien révéler du tout. De fait, c'est le tome de la grande résolution, et on ne peut pas faire tellement plus grand comme thématique de fond : la place d'un Dieu créateur et

77 de l'humain, le péché originel, l'indépendance de la destinée humaine. Et tout cela est traité avec une perspective qui me satisfait complètement, fine, équilibrée, humaniste. Et gros budget aussi, parce qu'il se passe de gros gros trucs. Maintenant, ce qui est amusant, c'est que ces grandes luttes sont vues par le biais des personnages principaux, qui ont douze et ne sont donc pas en première ligne épée à la main. Du coup, certains passages qu'on aurait attendus grandioses et longs passent rapidement et on s'intéresse plus aux personnages et à leur évolution, ce qui est finalement une plaisante surprise. Accessoirement, la fin des personnages principaux n'est pas non plus clichée, facile et guimauve alors qu'elle aurait pu, elle est touchante et courageuse. Au final, une série bien écrite qui se distingue surtout par ses choix de thématiques, profonds et intelligents, et surtout en opposition franche et rafraîchissante à la majorité des clichés du genre. Je vous invite à y jeter un oeil, pour vous ou pour des ados de votre connaissance.

Février 2008

Lu. Super-Cannes. De JG Ballard.

Je vous avais il n'y a pas si longtemps dit du bien de Ballard, et je vais recommencer, avec un livre tout à fait dans la même veine et les mêmes thématiques. Dans Super- Cannes, Ballard explore à nouveau le rôle et la nécessité de la violence et du désordre dans la société humaine. Dans le cadre d'un domaine ultra-haut de gamme et clos accueillant les bureaux et habitations de cadres de grandes multinationales, un environnement donc ultra-protégé et privilégié, une ombre : un jeune médecin abat plusieurs cadres importants. Mais les circonstances sont étranges et, à y regarder de plus près, peu convaincantes. C'est le compagnon de la remplaçante du médecin qui va s'interroger et se lancer sur la piste de la vérité. Il plonge donc dans les rouages et les petits secrets de cet enclos de super-riches. Et sur cette trame, Ballard tresse à nouveau un propos dérangeant mais solide sur la place de la violence, et sa nécessité. D'une part, c'est bien écrit et prenant, d'autre part le fond du propos est extrêmement troublant parce qu'il est bien construit mais aussi fondamentalement

78 convaincant que désagréable. C'est de la littérature qui fait sacrément bien son travail, en d'autres termes.

● Lu. Chroniques Japonaises. De Nicolas Bouvier.

J'avais déjà lu un Nicolas Bouvier, et j'avais bien aimé, mais sans excès non plus. Et là, paf, sur ses voyages japonais, je suis complètement bluffé. Deux grandes parties, une sur l'histoire et la mythologie japonaises, une plus actuelle sur quelques moments de ses voyages au pays du Soleil Levant. Les deux sont passionnantes, et les deux sont des démonstrations de deux très grandes qualités de Nicolas Bouvier : la sobriété éblouissante de son écriture, et la finesse critique de son regard. En adéquation parfaite avec le pays, il fait preuve d'une concision et d'une économie dans le verbe impressionnante : une phrase, un paragraphe suffisent à saisir toute une ambiance, un personnage, une émotion. Je suis admiratif et jaloux, mais c'est un délice. D'autre part, son regard sur le pays, ses traditions, son histoire, ne sont jamais gratuitement élogieux ou critiques, mais toujours tendres et amusés, avec un recul plein de compréhension. Si par hasard, le Japon vous intrigue, c'est une petite perle à ne pas manquer.

Mars 2008

Lu. Empire of the Sun. De JG Ballard.

Empire of the Sun est un récit partiellement autobiographique de la Seconde Guerre Mondiale. Mais à Shanghai, par les yeux d'un petit garçon. Autant dire que ça n'a pas grand-chose à voir avec la guerre racontée par les médias et les magazines, comme le constate lui-même le personnage à la fin du livre : ce n'est pas la guerre qu'il a vécu. De fait, sa guerre est une guerre de camps de réfugiés, de lutte pour trouver de quoi manger et d'espoir de retrouver ses parents sans toutefois avoir la moindre idée d'où ils sont passés. Ce n'est pas un livre drôle, même s'il n'est pas dénué d'un certain humour, mais c'est un livre fort et profond, sur la guerre, et ce que deviennent les hommes dans de telles circonstances. Ca éclaire également d'une toute autre manière le reste de l'oeuvre de Ballard et des thématiques qui l'agitent.

79 Avril 2008

Lu. Desproges est vivant. Coordonné par François Rollin.

Oui, anniversaire obligeant, les hommages à Desproges éclosent. Sur la foi de son compilateur, j'ai tenté celui-ci. Bon, autant le dire tout de suite, rien de très remarquable. En première partie, 34 comiques (ou non) ont chacun quelques pages pour encenser le cher disparu. Comme généralement pour ce genre d'exercice, l'intérêt est fort limité et oscille entre le dithyrambique inutile et l'imitation plus ou moins maladroite. Quelques rares s'en sortent bien, dont Rey et Fournier, mais c'est sans grande surprise non plus. La seconde partie est une compilation anthologique, qui, si elle n'apporte rien de très nouveau, a au moins le bon goût d'être regroupée en rubriques amusantes et relativement cohérentes. Ca permet avec bonheur de relire des passages toujours excellents de Desproges, voire d'en redécouvrir des oubliés. Au final, ça sent quand même bon l'hommage obligatoire et commercial, mais ce n'est pas non plus mauvais, ça ne m'a pas fait crier du tout, par exemple.

Lu. Dans un bocal avec des thons et des requins. De Guy Carlier.

Malgré une certaine lassitude, j'ai rempilé pour la dernière compilation de Carlier, et sa dernière pour la télévision. Bon, l'avantage, c'est que ça se lit super vite et que c'est quand même toujours bien tourné et drôle. Maintenant, il faut bien dire que ça s'épuise un tout petit peu. D'une part parce que c'est un style dans lequel le renouvellement est difficile et d'autre part parce que les grandes dénonciations et critiques des médias et des peoples ont quand même moins d'impact dans un cadre télévisuel ou la proximité est évidente et avouée. Donc sympathique mais sans plus non plus.

Lu. The steep approach to Garbadale. De Iain Banks.

Iain Banks est un bon vin, il s'améliore en vieillissant. Comme l'auront noté ceux qui suivent le monsieur de prêt, il s'agit d'un roman contemporain (puisque sous le nom de Iain M Banks, il fait aussi de l'excellente science-fiction). Plutôt dans la lignée de The Business, ce roman suit les pérégrinations du fils prodigue d'une famille écossaise. Cette famille, les Wopuld, exploite le filon d'un jeu créée par l'aïeul, jeu de

80 société puis jeu vidéo. Une première trame donc, concerne la cession, ou non, de la société familiale à une multinationale américaine. Mais ce n'est finalement pas la principale, puisque les blessures amoureuses du personnage principal prennent facilement le pas, et constituent le coeur du propos. Les deux trames sont intéressantes, la première servant surtout de marchepied à la seconde, mais, comme souvent, ce qui fait la magie de Banks, ce sont les personnages et l'écriture. Les personnages, parce que Banks a un talent indéniable pour les personnages attachants, inattendus et drôles. Et pour le coup, c'est encore une fois très réussi et plein de charme. Et pour l'écriture, pareil, c'est fluide, vivant, maîtrisé de bout en bout. Bref, si il ne s'agit pas du meilleur Banks, en tout cas à mon goût, c'est un très bon cru, et, si je ne peux révéler le contenu des trames parce qu'il y a beaucoup de découvertes, la thématique de fond m'a en plus touché et beaucoup plu.

Mai 2008

● Lu. Matter. De Iain M. Banks.

Le retour de Banks, donc, mais ce coup-ci, c'est de la science-fiction, et c'est même dans la Culture, son univers très futuriste, très culturel et très très malin (et drôle). Matter commence dans une société médiévale accédant à la technologie par le biais justement de la Culture (sans que ce soit très officiel) et au départ, on se croirait dans du med-fan, bien tourné certes, mais tout de même. Et on se demande où tout cela va aller. Mais c'est prenant. Et puis, progressivement, on retrouve des bouts de Culture, toujours aussi astucieux et drôle, des aliens et des agents de Contact, des Vaisseaux, à la manière d'un grand puzzle. Mais c'est un puzzle dans lequel on prends son temps, dans lequel surtout on suit des personnages et des histoires. Parce que c'est surtout ça, au-delà de tout le reste qui est très bon, que j'aime de Banks, un vrai génie pour les personnages et les histoires. Et ce sont de belles histoires qui convergent vers une fin qui, pour simple sur le fond qu'elle est, est tellement bien amenée et tournée qu'elle m'a vraiment marqué pendant plusieurs jours. Et je vous invite à ne pas rater l'épilogue, après les notes et lexiques, qui est un petit moment de pure jubilation. Donc oui, Banks est toujours un de mes auteurs préférés.

81 Lu. Le bizarre incident du chien pendant la nuit. De Mark Haddon.

Christopher est différent. Autiste, bien que le mot ne soit présent nulle part dans le livre. Il a 15 ans et, un jour, le chien de la voisine est retrouvé mort. Il décide d'enquêter et mettre par écrit les progrès de son enquête. Et ce qui est passionnant, ce n'est pas tant l'enquête elle-même, encore que les découvertes soient nombreuses et inattendues, mais Christopher lui-même, sa manière de penser et de voir le monde, autrement. Et si c'est passionnant de découvrir cette manière de penser très particulière, c'est aussi très drôle et extrêmement émouvant. C'est vraiment une livre unique, dans lequel j'ai été complètement absorbé, fasciné. Une plongée dans quelque chose de différent mais d'extrêmement cohérent et riche. Même si ça n'a aucun rapport sur la forme, ça me fait sur le fonds un peu l'effet de Hunter Thompson, une autre manière de regarder le monde, cohérente, qui l'enrichit et l'éclaire autrement. Comme, en plus, c'est bien écrit, mouvementé et très émouvant, j'ai vraiment passé un excellent moment. A ne pas rater.

Lu. The Dreaming Void. De Peter Hamilton.

Peter Hamilton n'est jamais aussi bon que dans les grandes sagas futuristes et voilà donc le premier tome de sa nouvelle trilogie. Elle se situe dans le même monde que la série du Starflyer, mais un peu plus de mille ans après. Alors, vous pensez, on est dans du futuriste lointain, mais, et c'est une des forces de Hamilton, bien pensé et cohérent, qui parle notamment beaucoup des limites de l'humain et de son évolution. Si vous avez déjà lu Nightdawn ou Starflyer, vous aurez une idée de ce que je raconte, c'est un vrai beau monde très riche. La trame de fond est intrigante, colossale et laisse supposer plein de surprises à venir. Les personnages sont attachants et souvent drôles, bien développés, par contre il y en a beaucoup et il faut donc, comme précédemment, supporter les multiples trames en parallèle. Je trouve cependant qu'on s'y perds moins qu'avant, il y a progrès, mais je suis bien persuadé que j'en aurais oublié la moitié quand le prochain sortira. Maintenant, je ne peux pas critiquer, je suis toujours très bon client pour ce genre de choses, surtout quand, comme ici, c'est franchement bien mené et pas dépourvu d'humour.

82 Lu. Dans les bois éternels. De Fred Vargas.

Adamsberg encore, et après ses excursions québécoises, on attendait son retour avec intérêt. Pas de déception, on retrouve ses déboires personnels et sentimentaux, des secrets de son passé et une enquête pleine de rebondissements, d'intuitions fulgurantes et de personnages hauts en couleur. Et, pour le coup, l'enquête est vraiment passionnante, avec une vraie révélation sur la fin, que j'attendais mais pas comme ça. On est vraiment dans une thématique très typique de Vargas, par contre, avec manuscrit médiéval et évènements incohérents à première vue mais en fait non. Comme, à côté de ça, on a de vrais moments de plaisirs des déboires personnels des différents personnages qu'on aime tant, et pas que de Adamsberg même si il reste très central, il n'y a vraiment rien à reprocher. Je suis vraiment admiratif de la constance de Vargas, voire de ses progrès, parce que c'est quand même de plus en plus maîtrisé. Pour tout ceux qui aiment déjà la série, vous pouvez y aller sans la moindre hésitation.

Juillet 2008

Lu. Making Money. De Terry Pratchett.

J'ai perdu le compte mais il doit s'agir du trente-sixième tome du Disque-Monde. Autant dire que je suis en terrain connu. Trop peut-être. En fait, si le disque-monde évolue, et approche la renaissance, voire la révolution industrielle, les formules de certains romans restent un peu les mêmes. C'est malheureusement le cas de celui-ci. On retrouve le personnage sympathique de Moist von Lipwig, qui ne s'affronte plus au monde la poste, mais à celui de la banque. L'analyse faite du monde de l banque et de ses évolutions depuis l'époque médiévale est tout à fait juste et bien amenée, mais c'est finalement pas plus que ce qu'on peut attendre. Certes, c'est toujours bien écrit, plein de finesse et d'humanité, mais l'impression de reprendre un modèle de narration assez semblable au précédent est un peu trop forte à mon goût. Rien d'horrible, notez, je l'ai quand même lu avec plaisir (et célérité), mais j'aurais aimé y trouver un peu plus de surprise, un peu plus de nouveauté. A lire pour les fanatiques donc, mais il n'y a pas d'urgence pour les autres.

83 Aout 2008

Lu. Snakes and earrings. De Kanehara Hitomi.

Hitomi Kanehara est une jeune auteuse, récente, et ayant eu au Japon un grand succès ces dernières années. Une manière donc d'approcher la production littéraire contemporaine. Le moins qu'on puisse dire est qu'il s'agir d'un livre fort, mais aussi assez chaotique et exprimant une vraie perte de repères. La narratrice est jeune, jolie et un peu perdue. Elle rencontre un jeune garçon à la langue fendue et orné de piercings divers. Attirée, elle finit par vivre avec lui et plonger dans cette passion du piercing et de la modification corporelle, sans trop savoir pourquoi, sans savoir du tout où elle va. Lente dérive. C'est écrit de manière assez directe et économe, efficace. La violence, souvent souterraine, est toujours présente, mais lancinante, un peu détachée, absente elle aussi d'une certaine manière. On se laisse porter, mais sans jamais être à l'aise, sans jamais non plus qu'une certaine anesthésie disparaisse complètement, vers une conclusion à la mesure du reste de l'ouvrage. Ce n'est pas un livre joyeux, mais c'est un livre marquant, avec une ambiance très particulière.

Lu. Une situation légèrement délicate. De Mark Haddon.

Second roman de Mark Haddon, non plus sur l'autisme mais centré cette fois-ci sur la dépression. Mais en fait, autant que de dépression, c'est de famille qu'on parle puisque, si le personnage principal est sans doute le père, tous les autres membres de la famille sont également traités avec finesse et profondeur. Cristallisés autour du mariage de la fille et de la dépression du père, ce sont l'histoire familial et la psychologie de chacun de ses membres qui sont explorés et mis en scène, avec finesse mais aussi avec une légèreté et un humour certain. J'ai particulièrement apprécié justement ce traitement très limpide mais assez profond des différents personnages, de leurs doutes et de leurs manières de penser. C'est aussi bien écrit et amusant, malgré ce que le thème pourrait laisser penser. Moins marquant et moins exceptionnel que le bizarre incident du chien pendant la nuit, c'est tout de même un roman très agréable et bien construit qu'on ne regrette pas de fréquenter.

84 Septembre 2008

Three days to never. De Tim Powers.

Tim Powers continue dans un style fantastique moderne crasseux, après les très bons Poker d'âme et Date d'expiration. Il s'agit ici d'une histoire de voyage dans le temps, plus ou moins, de vieilles cabales d'espions et de l'héritage secret d'Einstein. Comme toujours, c'est assez sombre, avec des héros qui en chient, et une intrigue torturée et pleine de détails amusants. Et c'est notamment dans les détails ésotériques bizarres et les références historiques détournées que Powers brille. Mais c'est aussi l'ambiance et le style d'ensemble qui me plaisent beaucoup, c'est un univers dans lequel je me retrouve bien et qui m'amuse, qui a le mérite de faire du fantastique pas bling-bling et pas stéréotypé. Si vous avez lu d'autres romans récents de Powers, ça devrait vous plaire tout autant. Accessoirement, c'est sorti en français sous le titre « A deux pas du néant », plutôt bonne traduction du titre pour une fois.

The accidental Time Machine. De Joe Haldeman.

Également sur la thématique du voyage dans le temps, une petite surprise : un roman comique de Haldeman. L'auteur est plutôt connu pour des romans sérieux sur le thème de la guerre, je ne m'attendais donc pas vraiment à ça. Mais c'est vraiment agréable et drôle. Un doctorant du MIT, ne faisant pas grand chose de sa vie, construit par accident une machine à sauter en avant dans le temps. Et ce sur des durées exponentiellement longues. Les premiers sauts ne se passent pas très bien, on va même de catastrophe en catastrophe, et c'est finalement la course en avant pour essayer de trouver une solution à tous les problèmes causés par l'utilisation de la machine. Et les futurs sont tous drôles, intriguants et relançant l'intrigue. Ce n'est pas un grand chef d'oeuvre de la Sf mais c'est un vrai moment de détente plein d'idées amusantes, et dans lequel on sent que l'auteur s'amuse avec nous. Outre la valeur de curiosité quand on aime bien Haldeman, c'est un bouquin très plaisant auquel je vous conseille de jeter un oeil.

85 Un lieu incertain. De Fred Vargas.

Adamsberg encore et toujours, mais je ne critique pas, j'aime beaucoup Adamsberg. Une nouvelle intrigue tarabiscoté avec des vrais fous dedans et un modus operandi très érudit, on retrouve facilement ses repères quand on aime la série. Cette fois-ci, on explore aussi le passé d'autres personnages qu'Adamsberg, et ça fait plaisir de voir un peu plus de Danglard notamment. Je ne vous révèlerai pas le thème de fond, mais une fois de plus, de vraies belles références et intrigues historiques. Certes, on se dit que quand même, c'est vraiment beaucoup, mais c'est assez bien construit pour être crédible, et puis, finalement, on est un peu habitués. Adamsberg fait son Adamsberg mais il y a quand même une évolution dans le personnage et on retrouve avec plaisir certains personnages du passé, finalement pas si disparu qu'on aurait pu croire. Bref, pas grand chose à en dire de plus si ce n'est que c'est du bon boulot, une fois de plus, et tout à fait dans le style auquel on est habitué.

Spook Country. De William Gibson.

J'aime de plus en plus Gibson. Certes, avec Neuromancien et ses suites, il a posé les bases du cyberpunk, mais c'est finalement dans ses romans récents que je le préfère. Cette fois-ci, même pas de futur proche, on est vraiment dans le présent. Spook Country est un livre étrange, à cheval entre un roman d'espionnage et de l'anticipation proche. On y découvre l'art locatif, c'est à dire des interventions artistiques en réalité augmentée, qui est effectivement en train d'apparaître de nos jours. Mais dans le même temps, et avec un lien direct, on a également un roman d'espionnage et d'intrigue très bien monté, avec de beaux personnages et un certain humour un peu sombre mais réjouissant. Comme je le disais, j'aime de plus en plus Gibson, mais je vous conseille de commencer plutôt dans les précédents, sauf si le thème espionnage vous parle particulièrement.

● The girl with the dragon tattoo (Millenium I). De Stieg Larsson.

Après tout le bien que j'ai entendu de la série Millénium, je me devais d'y arriver. Et je n'ai pas été déçu du tout, je dois bien le dire. Lisez ce livre, c'est un vrai bonheur. Une grande enquête policière, à plusieurs niveaux, avec de multiples révélations progressives, le fond est déjà très prenant et très agréable. Mais les personnages et

86 les ambiances ajoutent encore beaucoup. Les deux personnages principaux notamment, ont tous deux beaucoup de charme et de profondeur, dans des styles très différents. Même si l'intrigue était moins bien nouée, on aurait déjà là de quoi largement se faire plaisir avec ces deux justiciers pleins de ressources. Bon, justicier c'est un peu rapide mais il y a de ça quand même.Accessoirement, c'est vraiment bien écrit et prenant d'un bout à l'autre. C'est un gros volume qui passe très vite et qui donne terriblement envie de se jeter aussi vite que possible dans les deux suivants. En français, c'est donc « les hommes qui n'aimaient pas les femmes », et je vous le conseille vivement, comme tout le monde.

Octobre 2008

Lu. Neverwhere. De Neil Gaiman.

Un des premiers romans de Gaiman, que je n'avais pas encore lu, Neverwhere est un voyage poétique et plein de charme dans un Londres inattendu. Le héros, normal au possible, découvre par accident l'existence du Londres d'en-dessous : le Londres des exclus, baigné de fantastique et de créatures étranges, mais surtout de personnages flamboyants empêtrés dans des luttes de pouvoir autant que dans une existence souterraine et décrépite. On retrouve cette tendance de Gaiman d'avoir des héros dotés de pouvoirs fantastiques mais de conditions de vie miséreuses. Accessoirement, la parabole sur l'exclusion et l'invisibilité des personnes en marge ne laisse pas indifférent non plus. Et comme c'est écrit avec finesse et poésie, c'est un bon moment. A essayer sans hésitation si vous aimez Gaiman ou si le thème vous séduit.

Lu. Encore des mots à découvrir. De Alain Rey.

Alain Rey est un amoureux de la langue et des mots. Il réalise pour la radio une chronique régulière dans laquelle il traite d'un mot en relation avec l'actualité, de ses origines, de ses sens et de ses particularités. Etant moi-même sensible aux mots et à leurs détours, j'ai pris grand plaisir à découvrir ou redécouvrir l'histoire de nombreux mots de la langue française. Outre qu'il s'agissait d'une mission de salubrité publique, c'est aussi très facile et agréable à lire, et le fait que les opinions politiques et

87 éthiques de l'auteur me conviennent parfaitement ne gâche rien. A déguster par petites doses, les yeux brillants, dès que vous avez une envie de découvertes.

● Lu. Halting State. De .

Je découvre Charles Stross avec ce livre, décidé par le thème et le fait que Gibson en dise du bien en couverture. Et c'est une vraie belle découverte, je suis bluffé. L'histoire se déroule dans un futur proche, 2018, dans lequel les téléphones portables et les réseaux actuels ont pris une place majeure mais logique, tout comme les jeux multijoueurs en ligne. Et sur cette base-là se construit une histoire d'espionnage à grande échelle, dans une ambiance geek et pleine d'humour. Bien sur, ça marche mieux si on a des références de geek. Et si on supporte l'écriture de Stross, que j'aime vraiment beaucoup, mais qui, il faut l'avouer, est très dense et surprenante. Tout est écrit à la seconde personne (you), avec plusieurs personnages, ce qui demande un peu d'acclimatation mais fonctionne finalement extrêmement bien. D'autant que les personnages sont drôles et attachants, et leurs tournures et le style pleins de clins d'oeil et de drôlerie. Ce n'est pas un bouquin que je conseillerais à tout le monde mais c'est un bouquin remarquable pour qui supporte une écriture dense et décalée et une ambiance geek qui part dans tous les sens. En tout cas, en ce qui me concerne, je suis parti pour tester vite d'autres livres de Stross.

Novembre 2008

● Lu. The . The Day Watch. The Twilight Watch. De Sergei Lukanyenko.

Une trilogie fantastique contemporaine, russe, dont vous avez peut-être vaguement entendu parlé quand le film correspondant au premier tome est sorti. Il s'agit de fantastique contemporain, avec des mages, des vampires, tout ça tout ça, mais d'une part c'est du vrai bon boulot de scénario et d'écriture et d'autre part, c'est russe. Chaque tome est divisé en trois histoires, avec les mêmes personnages et une évolution mais une vraie intrigue bouclée et bien montée. Parce que les magiciens qui

88 vivent des siècles font des plans sacrément élaborés et tordus quand ils se tirent la bourre. Et ça fait plaisir d'avoir des vrais scénarios, même si parfois, c'est presque trop dans le plan tordu et prévu à l'avance. Mais seulement parfois, c'est globalement bien calé. C'est également bien écrit, avec un vrai humour et surtout des idées de magie originales, cohérentes et avec une vraie réflexion adulte sur le bien et le mal. Parce que si la base est excessivement manichéenne, en fait non, enfin disons que c'est justement le propos de fonds et que je suis bien content de la manière dont c'est finalement bouclé. Et enfin, dernier bon point, c'est russe, moscou aujourd'hui avec une ambiance et des personnages qui changent vraiment et qui ont du caractère. Au final, si le format est classique pour du fantastique contemporain et ne révolutionne rien, c'est par contre remarquablement exécuté et du coup vraiment très agréable. Un très bon moment en ce qui me concerne.

Lu. The Terror. De Dan Simmons.

Je ne dis pas souvent du mal de Simmons, qui est un auteur que j'admire beaucoup, mais là, quand même, c'est en partie raté. Basé sur une expédition polaire réelle ayant disparu corps et biens, Simmons retrace le devenir de ces quelques 110 hommes dans leurs deux grands bateaux, partis chercher le passage du Nord-Ouest. L'aspect historique est fascinant. Une expédition avec trois ans de nourriture, ayant prévu de passer 8 mois sur douze bloquée par la glace, mais avec l'espoir malgré tout, dans les quatre restant, de progresser assez à travers la glace fondue pour contourner le continent américain par le haut. Et à ce niveau-là, Simmons est bien documenté, écrit superbement et a des personnages très attachants. Donc on se laisse prendre et on se passionne pour l'avancée de l'expédition. Mais Simmons a voulu coller par là dessus une trame de fantastique/horreur avec la créature géante des glaces qui poursuit et persécute l'expédition. Bon, pendant longtemps, on se dit que ça ne sert pas à grand chose et que ça ne fait pas tellement peur (peut-être parce que simplement les lieux et circonstances dans lesquels cette expédition survit sont déjà complètement hallucinants). Sur la toute fin, on obtient une vraie explication du pourquoi. Avec plein d'inuits dedans et de mythologie. Ce qui est pas inintéressant mais tombe un peu à plat et n'a pas grand chose à voir avec tout le reste. C'est même joli en fait, malgré une morale un peu caricaturale et facile. Bref, il y aurait eu beaucoup plus d'inuits, pourquoi pas, mais là, on a un très long roman historique très intéressant mais perturbé par des bouts de fantastiques sans intérêt, et une fin inuit joli et séduisante mais la sauce ne prends pas entre les eux à mon goût. Et c'est dommage, vraiment.

89 Lu. Où on va, papa ? De Jean-Louis Fournier.

Je suis un grand fan de Fournier, notamment depuis que j'ai lu « Il a jamais tué mon papa », autobiographie parlant de son père. J'ai toujours regretté qu'il n'aie pas continué dans cette veine, même si j'aime bien aussi ce qu'il fait dans un registre plus comique. Et là, bonheur, non seulement un prix Fémina (ce qui ajoute un vernis inhabituel à ces chroniques), mais surtout un retour à l'autobiographie superbe et déchirant. Fournier parle de ses deux fils, tous deux lourdement handicapés, de leur vie, de la sienne avec eux. Ce n'est pas drôle, fondamentalement. Du tout. Au contraire, c'est dramatique. Au sens premier du terme. Et Fournier raconte justement comment il y a fait face, comment il n'a pas réussi à y faire face aussi, souvent. Avec une délicatesse et une humanité bouleversantes. Avec humour aussi. Souvent un humour noir, dur, mais, comme il le dit, il a le droit, lui. Des chapitres très courts, des instantanés, écrits avec vivacité, sans manières. C'est sobre, efficace sans faire de manière. Je ne crois pas qu'on puisse ne pas être touché par ce livre, bouleversé même. A ne rater sous aucun prétexte donc, comme « Il a jamais tué personne, mon papa ».

Lu. Raw Spirit. De Iain Banks.

Iain Banks est un auteur remarquable dont je ne rate aucune nouveauté. Raw spirit est une sorte d'exception dans le reste de sa bibliographie, puisqu'il s'agit d'une commande : un livre sur les whiskies écossais. Banks étant un vrai écossais, il s'est attelé à la tâche avec enthousiasme. Maintenant, je ne suis pas complètement convaincu du résultat. De fait, il s'agit du récit, autobiographique donc, de ses visites de distilleries, balades et bouffes avec ses potes, anecdotes variées, commentaires sur l'actualité (la guerre du golfe en priorité) et, un peu, de commentaires sur les dégustations des whiskies eux-même. J'en garde du coup une impression de fouillis certes sympathique mais un peu indigeste. Disons que je n'ai rien contre les descriptions de paysages, routes et du plaisir que Banks tire de ses diverses voitures et motos, mais ça ne m’a passionne pas non plus tant que ça. De la même manière, ses anecdotes de jeunesse le rendent tout à fait sympathique quand on est fan, mais il n'y a pas non plus de quoi se relever la nuit. Bon, si je veux tester des bons whiskies, j'aurais une bonne idée d'où commencer et de ce qu'il y a derrière, mais ce n'est pas non plus une part si importante du bouquin. Bref, ça reste sympathique mais à moins d'être fan de Banks, de whisky écossais et de voitures/visite des routes écossaises, vous risquez de trouver ça assez long.

90 Décembre 2008

Lu. . De Charles Stross.

Charles Stross m'avait séduit avec Halting State, du coup, je continue de manière diligente. Et il a un réel talent pour le futur proche, et moins proche, pour anticiper les évolutions des sociétés et des manières de penser, pas seulement des technologies. Ce qu'il prouve plus que jamais dans Accelerando. C'est un roman qui se mérite parce qu'il s'étend sur quelques siècles et qu'il se passe des tas, mais des tas de choses. C'est en fait un fresque, centrée sur une famille, de l'évolution de l'humanité de maintenant à... très loin (loin comme bien au-delà d'une singularité pour ceux à qui ça parle). Et c'est une fois de plus plein d'humour et surtout débordant d'idées et de personnages marquants. Des idées dans tous les sens, pleines d'humour, de surprises et de profondeur, c'est ça le point fort. Moins expérimental dans la forme qu'Halting State, c'est le fonds qui demande de rester un peu attentif parce que ça avance beaucoup et qu'on passe par pas mal d'environnements et d'évènements facilement incompréhensibles (sauf que non, parce que c'est bien fait, mais c'est dense). Seul reproche que je pourrais faire, au milieu de tout ça, on a parfois l'impression qu'on ne sait pas du tout où on va. Non qu'il n'y ait pas de fil conducteur, du tout, mais il est parfois un peu lâche, ou tout au moins parasité par tout ce qu'il se passe autour. Maintenant, ça n'en reste pas moins un excellent roman qui m'a autant étonné que convaincu;

Lu. Crépuscule d'Acier. De Charles Stross.

Charles Stross encore, mais cette fois-ci dans un cadre plus proche de la science- fiction classique. Et en français, ce qui m'a posé quelques problèmes. Parce que je trouve que la traduction se voit, et fait perdre une part importante de la vivacité et de l'élégance de l'écriture de Stross. C'est un détail mais ça m'a quand même perturbé. Bref. Dans un futur assez lointain, l'intrigue se déroule dans une planète lointaine de la terre, régime rétrograde de culture impériale austro-allemande du dix-neuvième siècle. On y suit un consultant en ingénierie venu de la Terre (libertaire d'une culture terrestre très loin des nations et des idées de gouvernement) embarqué par la Marine Impériale suite au contact d'une civilisation alien sur une des colonies de l'empire. La

91 menace en question est bien plus étrange qu'une attaque, même si les autorités impériales l'interprètent ainsi. On parlera beaucoup de voyages dans le temps, de violation de causalité, d'intelligence plus qu'humaines et on s'amusera des effets du Festival (les aliens) sur la colonie. Tout cela est parsemé d'idées enthousiasmantes, mais moins nombreuses que dans les autres romans de Stross que j'ai lu, et on passe surtout beaucoup de temps dans des vaisseaux de guerre impériaux, ce qui est sympathique mais beaucoup plus attendu et classique (sans que Stross tombe trop dans les clichés non plus). Un roman de Science-Fiction très agréable et original, mais moins remarquable que les autres, et sans doute plus abordable aussi du coup.

Janvier 2009

Lu. Dead until dark. Living Dead in Dallas. Club Dead. Dead to the world. Dead as a doornail. Definitely Dead. De Charlaine Harris.

Ca se voit que j'ai accroché ? Un peu, non... Bon, il s'agit de la série de romans dont a été tirée la série True Blood dont je vous disais du bien récemment. Et je comprends Alan Ball quand il disait que c'était simplement un plaisir à lire. Effectivement, c'est rythmé, c'est drôle, il y a de vrais scénarios, des personnages attachants et une narration à la première personne pleine d'humour et de vivacité. Il s'agit comme pour la série des aventures de Sookie Stackhouse, serveuse de bar télépathe du Sud profond des Etats-Unis, dans un monde contemporain où les vampires ont fait leur coming-out. Oui, je sais, dis comme ça, ça peut sembler un peu beaucoup. Mais c'est abordé avec tellement de rythme et d'humour, à des lieues des vampires gothisants et romantiques, que ça passe tout seul. Avec en plus un personnage principal qui est certes une blonde à forte poitrine, mais surtout une personnalité bien trempée, pas niaise, pas prude, et prompte à la répartie cinglante, même face à de vieux vampires surpuissants et dominateurs. C'est réjouissant. En fait, c'est un bon résumé pour l'ensemble, ce sont des livres réjouissants et prenants, pour de vrais moments de plaisir. Un genre de gourmandise qu'on s'enfile en série sans arriver à s'arrêter.

92 Lu. The Last Watch. De Sergai Lukyanenko.

Et oui, puisqu'on parle de Lukyanenko, la surprise, c'est qu'il a écrit une suite à ce qui était donc une trilogie. Et il a bien fait, si, si. Car autant on pouvait s'arrêter à la fin du précédent, autant il y avait encore largement matière à continuer et tout n'était exploité à fond, loin de là. Alors c'est avec une jubilation certaine que j'ai retrouvé tout ce petit monde. Même formule que les précédents : trois parties, chacune avec son propre scénario, le tout connecté et allant dans la même direction. C'est toujours rythmé et avec des personnages auxquels on est maintenant attachés, si ce n'est que là, on va surtout suivre Anton, le personnage principal, qui va voyager. En écosse d'abord, ce qui a son charme, sur les traces de Merlin, puis en Uzbekistan. Et l'Uzbekistan, c'est l'est, c'est un autre monde, un autre état d'esprit, visité avec beaucoup d'humour, ce qui renouvelle en plus agréablement l'ambiance russe, même si je l'aime beaucoup. Et pour le scénario, disons qu'on continue à monter en gamme dans la taille des problèmes et ce qu'on découvre des dessous du monde. Mais il lui en reste sous le coude, ça se voit, les gros personnages sont loin d'avoir tout craché. Et il ne s'en cache pas complètement puisque la fin laisse penser de manière explicite que suite il y aura. Tant mieux.

● Lu. A softer world. De Emily Horne et Joey Comeau.

Il y en a une qui fait des photos et l'autre qui écrit de petits textes qui vont dessus. C'est en trois panneaux, toujours, et c'est une merveille. Je suis fan de A softer world depuis pas mal de temps, puisqu'on trouve ça en ligne (là : http://www.asofterworld.com/), c'est vraiment une formule que je trouve idéale et c'est fait avec une poésie, une inventivité et un talent fou. Oui, je sais, je m'emballe un peu, mais franchement, je suis rarement séduit à ce point. Certains sont beaux,

93 d'autres tristes, d'autres drôles, d'autres réjouissants, mais toujours avec une grande finesse, souvent de manière surprenante et avec une qualité de photos et de textes parfaites, et surtout une adéquation remarquable entre les deux. Ca n'a l'air de rien, mais en trois panneaux, ils me font souvent plus d'effet que bien des chansons/films/textes. Allez-y voir. Et achetez le livre, c'est de l'édition artisanale et ça mérite d'être soutenu.

Février 2009

Lu. Choke. De Chuck Palahniuk.

Je n'ai pas lu Fight Club, mais j'ai quand même bien senti qu'il pouvait s'agir du même auteur. Parce que c'est quand même un bouquin particulièrement chaotique et foutraque (et bien écrit aussi). Du coup, il est difficile d'en donner une idée rapidement. Disons simplement que le personnage principal est assez attaqué, qu'il travaille comme figurant dans un parc historique 17ème, qu'il va se trouver des filles dans les réunions de groupe d'accros au sexe et que sa mère est à l'hôpital. Et que si dans sa tête, c'est vraiment bizarre, elle n'y est justement pas pour rien. C'est écrit à la première personne, avec beaucoup de rythme, d'humour et de talent et on se trouve vite projeté dans l'univers mental de ce personnage dérangé (et potentiellement tout à fait dérangeant d'ailleurs). Il faut un peu s'accrocher, enfin, il faut avoir envie de se plonger dans un livre bizarre, qui secoue et qui part un peu dans tous les sens. La bonne surprise, voire très bonne, c'est qu'il y a d'une part un vrai scénario solide et un, voire des, propos de fonds tout à fait importants, pertinents et bien amenés. Pour moi, c'est une réussite, mais je reconnais que c'est particulier.

● Lu. Gonzo. Une biographie illustrée de Hunter S. Thompson.

Il est des livres qu'on achète alors qu'on a pas de soux mais dont on sait qu'il n'y a pas le choix, qu'ils sont essentiels. Je vais éviter de vous rechanter trop longuement mon admiration totale pour Hunter Thompson et ce qu'il écrit, mais je crois quand même que ce gars était un vrai génie (ce qui n'est pas un terme que j'utilise souvent, vous

94 noterez). Pas un génie facile d'accès, pas un génie rassurant, et quelqu'un de complètement fou. Avec un vie chaotique, violente, incontrôlée, et peut-être incontrôlable, mais admirable et dont il est sorti des textes tellement splendides... Bref, il s'agit ici d'un gros livre de photos de Hunter Thompson (les deux : de lui et/ou prises par lui), retraçant toutes les grandes étapes de sa vie et intercalées de citations du même. Tout ça dans une mise en page que je trouve très adaptée et superbe, qui colle des couleurs plein les yeux. Et pour qui aime Thompson, c'est génial de voir où et comment il a vécu et écrit, et de retrouver des citations et des photos qui complètent superbement ses écrits publiés ailleurs. Bref, un bouquin vraiment destiné vraiment aux fans, mais alors on est pas déçus…

Mars 2009

Lu. Les brutes. De Philippe Jaenada et Dupuy-Berberian.

J'aime beaucoup Philippe Jaenada, autant dans le fonds que la forme de ce qu'il écrit, son style et sa sensibilité, son humour aussi. Ce petit livre est une expérience amusante : faire habiller un texte par un illustrateur, sans verser dans la BD, mais seulement dans la complémentarité de deux regards. C'est Dupuy-Berberian qui s'y colle et, effectivement, les images collent bien au texte, à son humour, à sa délicatesse. Jaenada parle de ses trois jours et de ses manœuvres, mentales surtout, pour éviter le service militaire. Ce n'est pas long, c'est rafraîchissant, plein de parenthèses et de digressions, d'idées et de métaphores gentiment barrées et touchantes, bref, pour ceux qui connaissent déjà, vous ne serez pas dépaysés. Pour ceux qui ne connaissent pas, ça peut être un bon point d'entrée pour découvrir Jaenada, avec en plus un complément graphique sympa (mais pas très dense quand même), surtout si le thème vous parle un peu.

95 Avril 2009

● Lu. Nation. De Terry Pratchett.

Certains en ont peut-être marre que je dise du bien de Terry Pratchett. Et ben tant pis pour eux. D'autant que si dans ses derniers romans, il y a du pas très exceptionnel, là, justement, il s'agit d'un roman que j'ai trouvé vraiment remarquable, abouti et marquant. Il s'agit, comme pour la série Tiffany Aching ou Maurice, d'un roman destiné aux jeunes adultes (enfin, à partir de ces âges-là, parce que ça ne se limite pas du tout à ce public là, justement). Et il s'agit d'une histoire se déroulant dans un monde quasiment réel, au dix-neuvième. Dans un monde qui serait réel en fait, si ce

96 n'est quelques îles du pacifique qui en vrai n'existent pas (mais dans lesquelles se déroule l'histoire). Contrairement à ce que laisse penser la couverture, qui ne me tentait que moyennement, si tout se passe dans une ile paradisiaque polynésienne, il ne s'agit pas d'un récit bucolique et coupé du monde. Au contraire. Au-delà des thématiques habituelles de Pratchett sur l'humain et ses faiblesses, ses errements, son humanité, on parle beaucoup de rencontres entre les cultures et de colonisation (anglaise donc, la grande époque) et de science (parce que la protagoniste principale, fille de bonne famille anglaise d'une dizaine d'années, est fan de Darwin, Newton et autres membres éminents de la Royal Society (et donc la thématique féministe est très clairement présente aussi, et pas que en arrière-plan, et avec finesse). Comme, dans la forme, c'est abouti et maîtrisé de manière remarquable, c'est un pur plaisir, je dirais même un sommet dans ce que fait Pratchett (en tout cas pour mes goûts personnels) qui fait réfléchir, rire et pleurer. À ne point rater (et puis pour ceux qui ont envie de lire en anglais, je rappelle que c'est quand même fait pour des lecteurs adolescents).

Lu. The girl who played with fire (Millenium II). De Stieg Larsson.

Bon, on en a tellement parlé partout que je ne vais pas vous refaire tout un flan au sujet de Millénium. Juste que je l'ai fini dans la journée (enfin... la nuit... enfin, le petit matin en fait), ce qui, vu la taille du machin, vous donc une idée du point auquel j'ai trouvé ça passionnant, plein de suspense et inlachable. Non, vraiment, un pur moment de plaisir, touchant aussi vraiment, avec des personnages attachants et riches, et des thématiques de fonds qui en plus me font vraiment plaisir. Bref, tout le monde dit que c'est super bien, et oui, moi aussi.

Mai 2009

Lu. From Dead to worse. De Charlaine Harris.

Huitième tome des aventures de Sookie Stackhouse, qui ont inspiré donc la série True Blood, From Dead to Worse est un tome de transition. Ce qui ne veut pas forcément dire que c'est un mauvais livre, ce n'est d'ailleurs pas le cas, mais que c'est un livre qui

97 ne tient pas forcément debout tout seul et qui donne surtout envie de lire le suivant. Bien sur, c'est toujours plaisant de retrouver des personnages auxquels on est attachés, et on ne peut pas dire qu'il ne se passe rien, loin de là, mais il n'y a pas vraiment d'intrigue principale. D'un côté, on boucle (définitivement j'espère) tout un tas de trames plus ou moins secondaires qui trainent depuis plusieurs tomes, et de l'autre, on démarre l'introduction de personnages nouveaux dont on sent bien qu'ils vont mener les intrigues des tomes suivants. Et on finit sur une vraie grosse avancée en terme de timeline du monde. Mais les répercussions de tout ça sont pour le prochain. Que je lirais assidûment, pas de doutes. Toujours une bonne série donc, mais un tome qu'il serait bien plus satisfaisant de lire dans l'enchaînement de la suite.

Juin 2009

Lu. Ni d'Eve ni d'Adam. D'Amélie Nothomb.

Je restais jusque là sur « Métaphysique des tubes » comme mon roman d'Amélie Nothomb, et de loin. Maintenant, j'hésite. Parce que « Ni d'Eve ni d'Adam » m'a charmé, surpris, fait rire et beaucoup touché. Il s'agit d'un nouvel épisode biographique, situé dans le même temps que Stupeur et Tremblements, c'est à dire son retour au Japon, mais elle raconte ici son histoire d'amour avec un japonais singulier (en plus d'être japonais, ce qui déjà, créé une sorte de décalage), Rinri. Et Amélie Nothomb parle d'amour avec légèreté, avec grâce aussi, avec sensibilité et avec humour. Comme, en plus, la situation se prête aussi régulièrement au comique, étant donné le choc culturel et les incompréhensions inhérentes à la situation, il y a déjà bien de quoi s'occuper. Mais au final, ce qui m'a le plus plu, le plus touché, comme dans Métaphysique des tubes, c'est la manière de fonctionner, de vivre et de vibrer de Nothomb. Et son énergie, son enthousiasme face à la vie, face à des détails du quotidien, face à la beauté du monde, sa fascination pleine de jubilation me remplissent de joie moi aussi, me touchent profondément. Et du coup, oui, je suis totalement fan. A lire absolument (avec Métaphysique des tubes).

98 Lu. Death at Koten. De Shawn Karman.

Une nouveauté inattendue : une BD dans l'univers de L5R, jeu de rôle japonisant dont je suis un pratiquant assidu depuis, houla, au moins tout ça. Il s'agit d'une assez longue BD / comics, toute en couleur, et racontant une longue histoire d'enquête et de manigances, relativement dissociée de toutes considérations de dates et de grands évènements (ce qui est plutôt pratique, mais peut être frustrant pour certains qui auraient souhaité l'inverse). Il s'agit d'une histoire permettant de découvrir le monde, puisqu'on y croise tous les clans et avec un vrai scénario agréable et énigmatique, avec une fin jolie mais pas forcément non plus complètement bouleversante, ne serait-ce que parce qu'elle ne réponds pas à toutes les questions non plus. Et côté illustrations, pour moi, c'est une vraie réussite, avec un trait que j'aime bien, une mise en couleur de qualité et une vraie ambiance correspondant à l'image que je me fais de ce monde. Une très agréable lecture, mais aussi une bonne source d'idées narratives et graphiques, et un moyen de faire découvrir cet univers, sauf que, bon, il faut lire un peu l'anglais quand même et ce n'est pas une découverte rapide ni exhaustive. Mais n'empêche, moi j'en suis bien content. Une petite preview pour les fans : http://www.l5r.com/images/dak-preview.pdf

Lu. Les mots des riches, les mots de pauvres. De Jean- Louis Fournier.

Un petit bouquin pas récent mais que je n'avais pas encore lu dans la série humoristique de Fournier. Sous la forme d'une comparaison de vocabulaire, il s'agit surtout de dresser un portrait cynique et caricatural des vies des riches (très donc) et des pauvres. Et c'est presque une histoire puisque monsieur et madame Pauvre travaillent pour monsieur et madame Riche. Autant sur le fond, c'est assez drôle et plutôt pertinent, autant ça reste assez caricatural et sans non plus de moments complètement hilarants ou d'idées absolument géniales. C'est une lecture agréable et rapide mais je n'ai pas trouvé non plus que c'était particulièrement mémorable. Et même l'arrivée de monsieur et madame nouveau riche ne relance pas complètement le propos. C'est certes grinçant et avec un propos de fonds que je trouve bienvenu, mais ce n'est pas grandiose au final.

99 Juillet 2009

Lu. Le Dernier Shogun. De Shiba Ryotaro.

Shiba Ryotaro est un auteur célèbre au Japon pour ses grandes fresques historiques, mais je le découvre avec ce roman. Il s'agit de la biographie romancée du dernier Shogun Tokugawa, celui qui donc a du faire face à la chute du Shogunat et la mise en place de la restauration Meiji. L'écriture est effectivement efficace et plutôt fluide et ne se perds pas dans les détails. L'histoire, elle, un peu plus. Non pas que l'auteur y soit pour quoi que ce soit, mais l'époque et le personnage sont particulièrement complexes et zigzagants. De fait, Yoshinobu n'était pas né pour devenir Shogun, il ne faisait pas partie de la bonne maison, et n'en avait pas non plus l'ambition (mais son père et un certain nombre d'autres si). Jeune homme brillant et prudent, il s'est trouvé poussé aux plus hautes responsabilités dans un contexte de luttes politiques et courtisanes qui laisse rêveur. De fait, ça se manoeuvre, contre-manoeuvre et manipule dans tous les sens, dans une période de plus particulièrement troublée, puisque le Shogunat s'affaiblit au profit de la cour de Kyoto et les américains, par le bras du Commandeur Perry, viennent imposer l'ouverture du pays. Au milieu de tout ça, Yoshinobu navigue comme il peut, avec une grande intelligence, et finit Shogun. Et, même si ses manoeuvres peuvent sembler un peu excessives, il réussit à démanteler le pouvoir shogunal en évitant la guerre civile autant que l'annexion du Japon par une puissance étrangère. Il sera conspué pour cela puis réhabilité bien plus tard. Il est assez passionnant de suivre le parcours d'un chef d'état qui n'est pas connu pour ses faits d'armes et conquêtes mais pour avoir su mettre fin de manière pacifique à un système politique tout entier. Un bon roman pour peu que vous vous intéressiez à ce genre de thèmes.

Lu. Encyclopédie du dérisoire, tome 4. De Bruno Léandri.

Bruno Léandri écrit de toute éternité des chroniques du dérisoire dans Fluide Glacial, soit une double page sur un thème en général anecdotique, souvent pointu et érudit, et toujours drôle et étonnant. J'ai rattrapé un peu mon retard avec ce quatrième tome, vert, mais le cinquième est déjà sorti. Pour les curieux de tout, c'est une source inépuisable de bonheur. Et quand je dis tout, c'est vraiment tout, des guerres idiotes d'Amérique du sud, aux bizarreries des hymnes nationaux, en passant par les

100 vacances de Sartre ou les petits tracas du quotidien. Et en ce qui me concerne, je ne suis jamais déçu. En plus, ça se lit par petits morceaux, en picorant, puisque chaque article fait autour de quatre pages (avec des illustrations de l'auteur qui, malgré les années, ne dessine toujours pas mieux, mais ça fait partie du charme). Une vraie bible pour tout ceux qui s'émerveillent des petites incongruités du monde et qui aiment être perpétuellement surpris.

Aout 2009

Lu. L'élégance du hérisson. De Muriel Barbery.

L'élégance du hérisson est un très beau roman, dont vous avez sans doute entendu parlé, notamment du fait de son adaptation cinématographique (qui ne me tente accessoirement pas tellement, voire pas du tout). C'est un roman sur l'acceptation de soi, les stéréotypes sociaux et l'intelligence. C'est aussi un roman qui brasse des idées variées, philosophiques, sociales, culturelles, etc. Globalement de quoi me plaire donc, vous l'aurez deviné, au moins sur le fonds. Et comme la forme est tout à fait bien tournée et agréable à lire, ça m'a effectivement beaucoup plu. Certes, certains trouvent la partie narrée par la petite fille un peu trop élaborée et littéraire pour être complètement crédible, mais je dirais que ça ne m'a pas posé le moindre problème, c'est même plutôt la caractéristique de fond du personnage, que je trouve quant à moi crédible. Bref, deux personnages centraux isolés par leur intelligence, et leur crainte de l'assumer, de la laisser voir (avec des enjeux différents mais pas tant), qui vont apprendre, en partie, à s'ouvrir. Avec un côté presque conte dans le déroulement et la magie de l'enchaînement des évènements, qui ne me gène pas du tout. Au contraire, si on ne s'attache trop au réalisme, c'est du coup poétique et réjouissant (même si on peut pleurer aussi par moment, et pas spécialement à la fin en ce qui me concerne). Bref, moi aussi, j'ai bien aimé.

101 Septembre 2009

● Lu. Le vide et le plein. De Nicolas Bouvier.

Il est des auteurs dont j'ai l'impression de vous faire l'éloge chaque fois que j'en parle. C'est le cas de Nicolas Bouvier (mais aussi de Baricco juste en dessous), et c'est mérité. Chacun de ses livres est un émerveillement, et celui-là peut-être plus encore que les précédents. De fait, le Vide et le Plein est un carnet de voyages (enfin, un sélection parmi ses carnets de voyages) du Japon, de son second (long) séjour au Japon, entre 1964 et 1970. On y retrouve toute la finesse, l'humanité et l'humour de Bouvier, dans le regard qu'il porte sur le pays et ses habitants. De nombreux anecdotes mais aussi une compréhension très profonde et très fine de ce pays. Et tout cela écrite avec un talent impressionnant, une maîtrise de la langue exigeante et légère. Mais ce n'est pas tout. Car le vide et le plein est un livre plus personnels que ses autres carnets de voyages, plus profond aussi certainement, puisqu'on y trouve aussi de nombreux passages où Bouvier raconte sa vie, ses émotions, sa famille, ses hésitations. On découvre l'homme autant que le pays qu'il visite, et c'est d'ailleurs bien sa conception du voyage, non pas d'aller voir, de faire un pays, mais de s'y laisser toucher, changer, bouleverser. Et, de fait, Bouvier arrive à transmettre avec beaucoup de finesse mais aussi beaucoup de force, ce qu'il ressent, et à en tirer des observations extrêmement profondes et marquantes, sur le voyage, sur la vie, sur l'amour, sur tout ce qui nous fait humains. Un livre vraiment superbe, autant pour le regard porté sur le Japon que pour l'humanité et la finesse de Bouvier lui-même.

● Lu. Cette histoire-là. De Alessandro Baricco.

Ils sont rares les écrivains dont l'écriture m'émerveille mais là... une fois de plus, Alessandro Baricco me... oui, ben, après des livres comme ça, il n'est pas si facile d'écrire, je vous le dis. Pourtant, au départ, Baricco parle de voitures, autant vous dire que ce n'était pas gagné. Sauf que non, les voitures ne sont en rien importantes, ce sont des gens qu'il s'agit, et du sens qu'ils donnent, ou qu'ils peuvent donner à leur vie. Et c'est splendide, léger, touchant, profond, sans jamais être niais ni facile. Au contraire. C'est un livre qui, dans le style, dans la construction, prend des risques, et

102 même beaucoup. Parce que la construction n'est en rien linéaire, et le style lui-même change, s'adapte aux nombreux narrateurs, dont aucun n'est le personnage principal. Il n'est même pas très souvent là. Sauf que si, ce n'est même que de lui qu'on parle à travers cette mosaïque étrange. Et d'autres s'y seraient cassé les dents, sauf que Baricco a une telle écriture, et une telle capacité à toucher et à construire en même temps, qu'il emporte avec lui, sans hésitation, sans possibilité d'échapper à cette histoire qui se construit sans même être vraiment là. Et comme le fond est à la mesure de la construction et du style, je me vois dans l'obligation de vous le conseiller fermement. Comme un peu tout ce qu'il a écrit (sauf l'Iliade, à réserver à ceux que le thème intéresse vraiment), cela vous fera sourire, et sans doute pleurer aussi, mais avec le sourire. Que demander de plus.

Lu. The Geek's guide to world domination. De Garth Sundem.

Ne vous fiez pas au titre, il n'y a que le mot geek de vraiment pertinent. Et il l'est entièrement puisqu'il s'agit d'un fourre-tout, de type miscellanées, de références, connaissances, énigmes et amusements de geek. Oui, de vrai geek, avec par exemple une entrée sur l'équilibrage des équations de réactions chimiques, avec jeu-exercice (dont la correction précise : si ça vous a amusé, vous êtes un vrai geek. Je plaide coupable). Il y a vraiment de tout, mais pas grand chose pour dominer le monde. Par contre, pour se distraire, s'émerveiller (de connaissances inutiles majoritairement, hein, en bons geeks), c'est absolument parfait. Je vous donne quelques exemples parmi d'autres : des statistiques sur les amputations de doigts, une analyse des stratégies de sudoku, le code des drapeaux marins, comment mesurer votre densité corporelle, des astuces de calcul mental, les épées les plus célèbres, quatre recettes utilisant uniquement de la farine, des oeufs, du lait du beurre et de l'eau, les partitions en touches de téléphone de chansons célèbres, les trois étapes d'un exorcisme, Richard Feynman et l'ouverture des coffre-forts, etc. Chaque entrée faisant une demi-page, en moyenne, avec presque 250 pages, il y a de quoi s'occuper. Que dire de plus si ce n'est que c'est de qualité, fait par un vrai geek et que ça se sent, et que c'est un plaisir évident pour ceux qui se reconnaitront dans ce genre de choses.

103 Lu. The Temporal Void. De Peter Hamilton.

Peter Hamilton est familier des très grosses sagas de science-fiction, voici donc le tome 2 de la trilogie du Vide (avec un V majuscule, s'il vous plait, parce que c'est là le problème central), série qui je le rappelle fait suite à celle de l'étoile de Pandore (et peut-être plus qu'on ne croyait jusque là). Le vrai inconvénient de ces séries, si on les lit au rythme de leurs sorties, c'est que le nombre de personnages et de trames permet d'en oublier au moins la moitié d'une partie à l'autre. Et c'est un peu frustrant mais on se remet dans le bain au fur et à mesure (et ce coup-ci, je me suis fait une fiche en finissant, c'est dire). Mais c'est aussi ce qui fait le sel de Hamilton : beaucoup de personnages et d'intrigues en parallèle, et toutes sont bien tournées et intéressantes, avec des personnages attachants, ou bien qui ont fini par le devenir à force de les suivre. Et un grand mystère central, qui s'éclaircit doucement, et de manière satisfaisante pour le moment, ce qui est important, parce qu'on marine quand même beaucoup autour du Vide. De la grande science-fiction lointaine donc, avec plein de personnages et beaucoup d'intrigues et de politique tordue, ce que j'aime beaucoup et que je trouve bien fait ici. Maintenant, ce n'est que la moitié du livre, l'autre concernant ce qui se passe à l'intérieur du Vide (un autre univers dévoreur au centre de la galaxie pour résumer brutalement), c'est à dire les aventures pseudo med-fan (mais originales, dans la construction du monde également, mais quand même assez med-fan) d'un gentil qui va sauver le monde. Et certes c'est rythmé et les personnages sont attachants, mais bon, comme c'est pour au final sauver le monde en révélant progressivement certaines caractéristiques du Vide (mais peu, et indirectement), ce n'est pas la partie que je trouve la plus passionnante. Elle est justifiée, je dis pas, et bien foutue, mais ça me passionne moins. Du coup, oui, c'est bien, et j'attends impatiemment la suite et fin, mais j'aurais préféré un autre équilibrage des deux parties.

Lu. Journal d'Aran et d'autres lieux. De Nicolas Bouvier.

Vous allez finir par vous lasser de mes éloges de Nicolas Bouvier, mais je vous rassure, j'ai bientôt fait le tour. Un livre de chroniques de voyage, donc, compilation un peu hétéroclite pour le coup : iles d'Aran, temples coréens et un tout petit bout de campagne chinoise. C'est toujours aussi bien écrit et plein de finesse et d'humour dans l'observation et le décryptage des lieux et des gens, ce qui fait la cohérence malgré des environnements très différents. La découverte des ils d'Aran en plein

104 saison de pluies et de tempêtes, sans touristes, sans activité, est sans doute la plus dépaysante, la plus décalée, avec des personnages extrêmement touchants et des lieux sauvages et déserts, pleins de puissance et de poésie. Je ne sais pas si elles sont resté dans cet état-là, mais ça donne vraiment envie de découvrir ce petit monde isolé et solidaire. Dans la seconde partie, on suit Bouvier en Corée, pour marcher sur les chemins du Halla-san notamment, un pèlerinage bouddhiste, et découvrir une ile complètement perdue de la Mer de Chine. Plus d'humour que pour Aran sans doute, et une perspective plus large, sur l'Asie et l'Eurasie, avec des détails, des scènes marquantes de la Corée. Et pour finir, un tout petit bout de Chine, qui est plus la rencontre avec un guide qu'une découverte du pays mais qui est très touchante et belle.

Octobre 2009

Lu. . De Neal Stephenson.

Neal Stephenson est définitivement un de mes idoles, dans la catégorie grosse littérature pour geeks, et ce dernier roman le confirme tout à fait. Alors, on ne dirait pas au début (je vais essayer de ne pas trop spoiler, hein, mais ça va pas être simple (alors pour ceux qui ne veulent rien gâcher, juste lisez-le et sachez que c'est du lourd)), mais il s'agit bien de science-fiction, avec même des vaisseaux spatiaux. Mais bon, il s'agit surtout de sciences. En effet, tout se déroule dans un monde qui pourrait un peu ressembler à la Terre sauf que les scientifiques vivent selon un régime monastique draconien, enfermé dans des cloîtres pendant des années sans contact avec l'extérieur et sans technologie. Mais par contre, question recherches théoriques, ils sont drôlement forts. Et autour d'eux, le monde suit son bonhomme de chemin, avec bouleversements politiques, invasions, peuplement et dépeuplement, bien trop rapides et évanescents pour les intéresser. Et on suit la vie d'un de ces moines/scientifiques (ils n'ont rien de religieux du tout, hein, bien au contraire), jeune, et confronté aux luttes politiques internes de son ordre, à ses apprentissages, bref, une vraie vie d'étudiant de haut niveau, mais cloîtré, et dans un monde bizarre. Du coup, ça ne démarre pas très vite mais c'est sacrément dense sur les contenus, les idées et les particularités du monde. De la vraie littérature pour geeks, vous disais-je,

105 parce que la plupart des grands débats scientifiques et philosophiques reprennent les débats fondamentaux de notre histoire des sciences, et c'est vraiment bien foutu (et amusant, quand on a au moins une partie des références). Puis, progressivement, il va se passer des choses, une vraie histoire de fonds, à bouleverser le monde entier, va se mettre en place, et ça va prendre une ampleur pour le moins grandiose et palpitante. Je regrette juste un peu une fin elliptique et non dépourvue d'une certaine facilité, mais qui fonctionne quand même très bien. Et, honnêtement, même si l'histoire est vraiment bonne, c'est quand même surtout l'ambiance, les contenus, et le tour de force de faire tenir tout ça aussi bien qui m'a tant plu.

Lu. . De Ian MacDonald.

River of God est un roman d'anticipation, situé en l'an 2047, avec une vraie trame classique tournant autour des intelligences artificielles et du moment où elles atteindront une telle sophistication qu'elles seront plus proches de dieux que d'humains. Moment auquel non seulement on ne les comprendra plus, mais on aura probablement plus tellement envie de les avoir comme voisines. Mais il ne s'agit pas que de ça, parce que la vraie particularité de ce roman est de se situer en Inde, et non pas une fois de plus en Europe ou aux Etats-Unis. Du coup, le dépaysement est total et les échos culturels et religieux de toutes ces questions sont aux couleurs indiennes, ce qui est très différent, amusant et passionnant. De plus, Mc Donald écrit en suivant un certain nombre de personnages et prends de nombreux détours pour faire découvrir les évolutions de plusieurs facettes de la société indienne, liées plus ou moins directement au propos de fonds : position des femmes, conflits religieux et ethniques, population pauvres, soap-opéras omniprésents, modifications génétiques des enfants, transsexualité, etc. Du coup, on a plus à faire à une fresque foisonnante de personnages, des situations et de questions culturelles qu'à un roman linéaire, et c'est tant mieux, parce que McDonald a de la profondeur et n'hésite pas à prendre des risques en parlant de nombreux sujets importants et profonds avec pas mal de finesse et d'imagination. Comme, en plus, il arrive à boucler tout ça avec un joli scénario astucieux, c'est un vrai bonheur. Seul frein à la lecture, c'est dense, et pas mal plein de références à la culture indienne donc ça ne se lit pas sans être un tout petit peu concentré, voire sans se référer parfois au lexique et fin d'ouvrage. Une vraie nouveauté très réussie et colorée dans un domaine qui a tendance à être un peu stéréotypé, profitez-en.

106 Lu. Le bureau des atrocités. De Charles Stross.

Charles Stross est un vrai geek, et il a de l'humour, deux caractéristiques qui étaient déjà apparentes dans les précédents romans que j'en avais lu, mais plus encore dans celui-ci. En effet, le contexte de base est un mélange entre l'espionnage contemporain et le mythe lovecraftien, avec Cthulhu et tous ses amis de dimensions non-euclidiennes qu'on devient fou juste en les regardant. Le personnage principal est donc agent de maintenance informatique et nécromant dans la section spéciale des services secrets britanniques (et vit avec deux collègues geeks clownesques des plus amusants surnommés Pinky et The Brain pour ceux à qui ça parle) et va se trouver catapulté en service actif parce que bon, des invocateurs tentent de faire pénétrer dans la réalité des créatures extra-dimensionnelles et monstrueuses, pour des raisons et par des méthodes diverses mais en lien avec l'actualité contemporaine de manière très amusante. De la même manière, la mythologie cthulhienne est remise à jour avec de vrais arguments mathématiques et scientifiques (enfin, vrais, entendons-nous : élaborés et crédibles quand on est pas mathématicien et qu'on a pas envie de pinailler). C'est drôle, un peu fouilli mais plein de références pour geeks et bien documenté, dans un style beaucoup plus léger et détendu que Tim Powers sur tout à fait la même thématique.

Lu. Jennifer Morgue. De Charles Stross.

Je vous avais parlé il y a peu du Bureau des Atrocités, et bien il s'agit tout simplement de la suite. C'est-à-dire qu'on reprends le même personnage principal, toujours agent de terrain / informaticien / nécromant des services secrets anglais, et de sa copine, rescapée du premier volume et qui va prendre une autre importance. Et on reprends les thématiques cthulhiennes et de menaces de cultistes fous contre le monde entier en faisant appel à des puissance cthoniennes innommables. Sauf que là, en plus, on rajoute une lourde couche de caricatures James Bondesques. De fait, c'est un hommage avoué à Ian Fleming. Et ça fonctionne de manière étonnante. Avec un super-vilain caché dans les îles, avec une base bateau géant remplie de technologies et de sous-fifres en treillis et cagoules, et un grand plan cosmique qu'il va raconter, et qui implique donc, quand même, de vrais éléments cthulhiens. Comme le précédent, le rythme est enlevé, c'est plein de références et de gags bienvenus, d'autant plus facilement qu'avec des références au mythe cthulhien et au mythe Bondesque, il y a de quoi s'occuper. Du coup, une fois de plus, une vraie bonne distraction, qui part un peu dans tous les sens, mais avec un vrai scénario, avec même de vrais

107 rebondissements, des personnages sympas et rigolos. Du bon repose-geek, en somme...

Lu. . De Ian McDonald.

Je vous ai parlé très récemment de River of Gods, du même auteur. Voici donc le suivant, dans la même veine, mais au Brésil. Placé un poil plus tôt en termes de futur, sans lien mais avec la même approche, on suit dans celui-ci trois trames, trois personnages principaux. La grande originalité vient du fait qu'une des trames se déroule en 1732 avec un père jésuite d'origine irlandaise, une en 2006 avec une productrice de télé-réalité trash fan de capoeira, et une en 2032 avec un jeune entrepreneur issu des favelas de Sao Paulo. Et les trois personnages sont attachants et riches, les trois trames passionnantes, et l'ensemble finit même par se rejoindre par des biais très science-fiction mais sans briser l'ambiance et l'attachement créé précédemment. Du sacré bon boulot de construction et d'écriture, je suis assez impressionné. Comme on retrouve aussi l'humour et la curiosité éclectique de l'auteur, et qu'on découvre plein de choses sur le Brésil, qui est quand même le fil conducteur du récit, c'est un pur plaisir. Comme dans River of Gods, on découvre un pays autant qu'on suit des histoires très bien montées et riches, et on a même un vrai scénario pour le même prix, qui boucle en laissant pas mal de frustrations mais c'est un choix que je défendrais : en faire plus aurait pour moi dépassé la cadre posé pour ce bouquin et obligé à une transition vers de toute autres ambiances et préoccupations, et ça aurait rompu le fil. Bref, vraiment très fan, c'est un auteur que je vais continuer à suivre.

Lu. Donjon de Naheulbeuk : la couette de l'oubli. De John Lang.

Pour ceux qui ne connaissent pas Naheulbeuk : il s'agit d'une série de médiéval- fantastique parodique, d'abord créée en feuilleton audio sur le net. La version audio m'avait beaucoup amusée, jusqu'à ce que ça s'épuise un peu, et les chansons étaient et sont toujours de grands moments. Intrigué, j'ai donc testé le livre récemment sorti. On y retrouve l'humour débile, les aventuriers incompétentes, incapables de ne pas se foutre sur la gueule entre eux, les clins d'oeil aux clichés du genre, et les jeux de mots pourris. Globalement, ça fonctionne si on connait la série audio. Je pense que sans entendre les voix des personnages, ça peut tomber franchement à plat. En termes de scénario, non pas que ce soit important, mais on va vaguement quelque

108 part, tout en restant dans le poncifs du genre, donc rien de passionnant même si un effort est visiblement fait. C'est sans doute un peu long pour ce que c'est, et on tourne forcément sur des gags et des situations répétitives, mais ça m'a amusé tout le long quand même. Donc pour ceux qui ont aimé la série audio, c'est plutôt une bonne distraction, même si, quand même, ça ne va pas vous marquer plus que ça.

Novembre 2009

Lu. Baudolino. De Umberto Eco.

Ça faisait un bon moment que je n'avais pas lu d'Umberto Eco, et me voilà bien réjoui de m'y être remis. Baudolino raconte donc l'histoire de Baudolino, un petit paysan du Nord de l'Italie adopté par l'Empereur Frédéric Barberousse, charmé par son bagout et son culôt. Et le bagout, comme le culot, il va les garder à travers une vie d'aventures et de découverte de l'Europe et du monde de l'époque. Ce qui fait une grande partie du charme de ce livre, c'est que Baudolino, après s'être présenté comme un grand menteur, raconte lui-même sa vie. Et effectivement, tout n'est pas crédible, en tout cas à nos yeux d'aujourd'hui, notamment les voyages à travers les pays merveilleux et magiques de l'Orient à la recherche du Prêtre Jean. Mais c'est du coup une manière remarquable de découvrir les croyances et l'imaginaire de l'époque, en plus des faits et lieux historiques qu'on découvre de toutes façons : la cour de l'empereur, la vie d'étudiant à Paris, les incessantes guerres italiennes et la chute de Byzance. Le tour de force d'Eco est de faire découvrir une foule de lieux, de personnages et de croyances historiques, parfaitement documentés, en racontant l'histoire fabuleuse et mythomane d'un menteur grandiose et charmant. Ajoutez au milieu de ça une vraie enquête policière sur la mort de l'Empereur et ça donne un bouquin massif certes, mais plus que bien rempli, et un plaisir d'invention et de lecture. Bref, du très bon Eco, surtout si l'époque vous intéresse un peu.

Lu. La reine de Saba. De Marek Halter.

Je ne connaissais pas Marek Halter mais ce roman semble un point de départ plutôt agréable. Il s'agit d'une biographie, romancée, et basée a priori sur des recherches récentes quant au royaume de Saba. Je ne sais pas quelle part en est réellement tirée

109 de recherches archéologiques, mais l'ensemble semble raisonnablement crédible et documentée, ce qui est à mon sens une partie de l'intérêt. On y découvre donc le royaume de Saba à l'époque de la reine légendaire, donc celle de Salomon et de l'égypte pharaonique, ses croyances, arts et techniques, sa société. Sans qu'on entre complètement dans les détails, c'est crédible et intriguant. Et le personnage de la reine lui-même est attachant et sympathique, même si il peut parfois paraître un peu trop parfaite, un peu trop douée pour à peu près tout, un peu trop capable de tout contrôler. Sa rencontre avec Salomon, à l'inverse, est moins stéréotypée qu'on ne l'attendrait, et du coup assez intéressante, avec un Salomon plus vieux, moins parfait et lissé que la reine elle-même, et du coup plus humain et intéressant. Mais on le voit moins, ce qui est presque dommage. Pour le reste, c'est écrit de manière très agréable, facile à lire, et plutôt colorée. Au final, une bonne distraction et une découverte agréable, bien qu'un peu formatée, d'un personnage mythique.

Lu. Cthulhu 101. De Kenneth Hite.

Il est des petits bouquins, comme celui-ci, qu'on achète juste parce que les premières pages vous font rire. Et dans le cas présent, je n'ai pas été déçu, c'était court mais j'ai bien rigolé. Kenneth Hite est un auteur de jeu de rôles talentueux (oui, il y en a) et plein d'humour, qui propose ici une (re)découverte du mythe de Cthulhu. En petits paragraphes thématiques, qui balaient tout, de Lovecraft lui-même aux grands éléments du mythe et à ses adaptations en livres, films, bd et jeux. Et oui, c'est instructif, mais c'est aussi, et surtout, très rigolo, avec en plus de petites illustrations cartoonesques qui me plaisent beaucoup. Bon, c'est un bouquin à la portée et au public limité, d'autant que c'est en anglais, mais c'est un vrai plaisir pour ceux que ça tente.

Lu. The kindness of women. De J.G. Ballard.

Ballard avait déjà écrit une autobiographie, mais concernant uniquement son enfance à Shanghai, sous le titre de Empire of the Sun (adapté par Spielberg au cinéma). Il s'agit ici de la suite, même si les premiers chapitres reprennent, avec un éclairage un peu différent, les années de guerre à Shanghai. Pour le reste, on suit ensuite son retour difficile en Angleterre, ses études, amours, mariage, difficultés, rencontres, réflexions, etc. Et surtout, son impression de décalage permanent et sa fascination pour la violence sous toutes ses formes, notamment la guerre, et l'évolution de la société des médias. On y retrouve donc les thématiques des ses romans, dans une

110 écriture tout aussi forte et intelligente, de manière certes moins habillée, mais du coup d'autant plus forte et directe. Et quand on aime les romans de Ballard, c'est un vrai plaisir de découvrir ce qu'il était en vrai, d'où venait ce regard si particulier, et comment se sont construites ses thématiques et ses obsessions. Bien sûr, ce n'est pas toujours drôle, mais c'est toujours fort, honnête et puissant, et plein de personnages tout aussi étranges et pleins de contradictions et de passions que Ballard lui-même (mais peut-être aussi parce qu'ils sont vus par le regard de Ballard). Bref, c'est vraiment du Ballard, autant dans l'écriture que dans les contenus, mais en vrai. Bien sûr, ce n'est intéressant qu'en connaissant Ballard, ou au moins Empire of the Sun, mais c'est un vraiment bon bouquin dense et prenant.

Lu. Milarepa. De Eric-Emmanuel Schmitt.

Un tout petit texte de Eric-Emmanuel Schmitt, sur le bouddhisme cette fois-ci, avec toutes les qualités qu'on connaît à l'auteur. Quand je dis tout petit, c'est une soixantaine de pages donc ça va vraiment vite. Mais c'est vraiment agréable. Toujours aussi bien écrit, aussi facile et doux à lire, on retrouve tout à fait le style de Schmitt. Quant au contenu, ça raconte l'histoire de Milarepa, par le regard de son oncle, Milarepa étant un Boddhisatva qui a eu une vie un peu agitée puisqu'il passe quand même par une étape de magicien maléfique. C'est donc du bouddhisme chamarré et animé, avec une vraie histoire qui évolue et un cadre dépaysant (si vous avez lu la BD Le Lama Blanc, ça m'a un peu fait penser à ça). Et des vrais morceaux de bouddhisme dedans aussi mais sans aller dans la détail et sans que ce soit lourd. Tout ça est habillé dans le cadre de rêves d'un personnage contemporain qui se révèle être, ou penser être, la réincarnation de l'oncle de Milarepa, ce qui connecte à un point de vue contemporain bienvenu. C'est bu bon boulot et c'est une lecture rapide et plaisante que je vous conseille si le thème vous tente.

Lu. The speed of dark. D'Elizabeth Moon.

The speed of dark est un roman étrange en ce qu'il traite de l'autisme (de haut niveau, une fois de plus, asperger, tout ça), mais dans un cadre et une perspective de science-fiction. Science-fiction proche, certes, puisqu'on est dans un monde qui ressemble largement au monde contemporain, mais science-fiction tout de même puisqu'il s'agit notamment d'envisager les répercussions d'un traitement de l'autisme, et ce à l'âge adulte. Ce n'est pas l'argument de départ, mais c'est le point central vers lequel mène le récit. Et le récit est raconté par un narrateur autiste, certes très

111 sociabilisé et ayant déjà eu des traitements et un suivi très en avance sur ce qu'il se fait aujourd'hui, mais néanmoins autiste. On retrouve donc une partie de l'intérêt et du charme d'un livre comme « Le bizarre incident du chien pendant la nuit » mais avec une perspective adulte et plus atténuée, et donc sans doute plus facile à comprendre et à pénétrer. L'histoire étant bonne et les personnages attachants, ça fonctionne très bien et c'est tout à fait prenant, en menant à la question finale : prendre le risque d'un traitement ou non, dans quel mesure l'autisme du narrateur le définit-il et fait-il sa personnalité, son identité ? Et c'est traité avec intelligence, et avec une belle fin même si ce n'est de loin pas la partie que j'ai préférée.

Lu. Le festival de la couille (et autres nouvelles). De Chuck Palhniuk.

Au-delà d'un titre drôle et un peu racoleur, il s'agit d'un recueil de nouvelles de Chuck Palahniuk, auteur que j'apprécie de plus en plus (je vous avais parlé de Choke, et c'est aussi l'auteur de Fight Club). Des nouvelles sur tout et n'importe quoi, à première vue, mais avec une vraie substance commune, une vraie interrogation : ce que les gens sont prêts à faire pour simplement se retrouver ensemble, ne pas être seuls, ou justement pour supporter de l'être. Parce que ce n'est pas parce que Palahniuk écrit bien qu'il oublie le fond, ni qu'il manque d'humour d'ailleurs. Trois parties ici : des nouvelles sur des activités de groupes plus ou moins inattendues et barrées (des combats de moissoneuses-batteuses par exemple, ou le festival de la couille justement), des nouvelles sur des gens un peu fous mais tout seuls dans leur coin, notamment des constructeurs de château (je précise pour les spécialistes, on est très loin de la reconstitution, plutôt dans le carton-pâte) et enfin des portraits de célébrités. Il se trouve que les portraits m'ont laissé dubitatifs, sur le fond comme la forme, mais ça reste plus intéressant que ce qu'on trouve majoritairement dans les magazines. Quant au reste, j'ai vraiment beaucoup aimé, une fois de plus, le style, la vivacité et l'humour cruel et lucide de Palahniuk, tout autant que le fond de ce qu'il explore et la bizarrerie de ce qu'il raconte.

112 Février 2010

Lu. Man in the dark. De Paul Auster.

J'aime habituellement bien Paul Auster, et j'ai donc lu son dernier avec intérêt, pas si récemment. J'avais plutôt apprécié, mais je dois avouer que je n'en ai pas gardé grand souvenir, ce qui est en soi révélateur. Paul Auster mêle ici deux histoires : celles d'un vieil homme convalescent dans la maison de sa fille et de sa petite-fille, toutes deux abandonnées par leurs compagnons pour des raisons différentes mais très tristes ; et celle d'une autre amérique, où les USA ne sont pas en guerre avec l'Irak mais avec eux-mêmes. Les deux sont liées parce que le vieil homme rêve cette autre amérique, alimenté par l'actualité et par le fait que l'ami de sa petite-fille est mort en Irak. Auster écrit bien, c'est acquis, je n'y reviens pas, c'est toujours le cas. Et sa métaphore de cette autre Amérique a du sens et est assez riche, amusante parfois, pertinente souvent. De la même manière que les relations des personnages sont fines et souvent touchantes. Et tout ça se combine assez bien. Maintenant, au final, et particulièrement avec du recul, j'ai du mal à dire que ça laisse un souvenir fort. C'est bien fait, les intentions et idées sont bonnes mais je ne peux pas dire que j'ai été profondément touché ou convaincu de l'ensemble. Maintenant, d'autres aimeront sans doute beaucoup et je n'ai pas de vrai reproche à faire.

Lu. La Horde du Contrevent. De Alain Damasio.

La Horde du Contrevent a bénéficié depuis sa sortie, qui n'est plus si récente, d'un bouche à oreille très important dans le petit milieu de la fantasy francophone (voire de la SF parce que si on veut, on peut chipoter sur l'endroit où classer le roman, mais je dirais fantasy quand même après mure réflexion). Il s'agit d'un livre-univers, c'est-à- dire qu'au-delà des personnages et de ce qu'il leur arriv, et il y a de quoi faire, on prends aussi beaucoup plaisir à découvrir un monde des plus étrange et des plus riches d'idées et de concepts bizarres et inattendus. Et c'est très réussi, autant pour l'histoire que pour le monde et le dépaysement. Et pas que pour ça, pour l'écriture, l'inventivité et les réflexions et valeurs mises en avant. Oui, ça fait beaucoup. En fait, c'est la caractéristique principale de ce roman : beaucoup. De tout. Au point que certains trouveront peut-être ça surchargé, voire prétentieux et un peu lourd. Moi

113 pas. On est pas loin de ma limite, mais pas assez pour que ça me gène, et au contraire suffisamment pour que ça me séduise et m'entraine complètement. L'histoire suit, dans un monde dominé par un vent permanent et surpuissant, une Horde, une équipe composée depuis l'enfance et dans la douleur, et chargée par l'Hordre de remonter, à pied, le monde entier contre le vent pour... pour quoi, justement, c'est une des grandes questions : trouver l'origine du vent, arrêter le vent en obtenant ds vœux miraculeux pour avoir trouvé l'extrême amont, pour prouver que c'est possible simplement. Parce que oui, pour ça comme pour le reste, l'auteur ne se laisse pas aller à la facilité, questionne, demande, donne de la cohérence et de la profondeur. Quête initiatique donc, mais de groupe, d'un collectif complexe et riche, pas d'un individu héroïque, et ça aussi c'est plaisant. D'autant que c'est très bien rendu, tout étant narré à la première personne, un système de signes codés permettant d'identifier quel personnage parle (oui, il faut un peu de temps pour ne pas revenir à la liste de référence du début, mais ça fonctionne bien), avec dont des points de vue et des styles très différents. Parce que oui, dernier point marquant, le style, c'est écrit avec beaucoup de recherche, avec des styles variés, et un vocabulaire qui aide à poser le monde et ses particularités. Au final, un livre très riche, et très prenant parce qu'on a vraiment envie de voir comment ça va déboucher, que j'ai beaucoup apprécié. Par contre, vous êtes prévenu, ça vaut vraiment le coup mais c'est un gros morceau.

Lu. The graveyard book. De Neil Gaiman.

Bien que le titre français ait escamoté ce clin d'œil, the graveyard book est en grande partie un hommage au Jungle Book, le livre de la jungle. Détail crucial cependant, le nourrisson n'est pas ici adopté par les animaux habitant la jungle, mais par les résidents, décédés donc, et fantomatiques pour la plupart, d'un vieux cimetière anglais. Baptisé Nobody et adopté par le couple Owens, cet enfant va être élevé selon les références des habitants, c'est-à-dire de manière anachronique mais diversifiée, et apprendre quelques unes des astuces et pouvoirs des morts. Et en plus de ces aspects touchants et amusants de roman d'apprentissage, il y a aussi un scénario de fond avec des grands méchants et une menace. Outre que je me demande bien comment on peut traduire les noms et statuts des méchants (qui sont terriblement liés à des expressions anglophones), il faut reconnaître que ce scénario est finalement assez anecdotique. Il est bien monté, avec de vrais retournements qui m'ont vraiment pris par surprise, et il ménage de vrais moments de suspense, mais finalement, il permet surtout de mieux profiter des personnages, de leurs liens et de leurs évolutions. Un

114 vrai roman d'apprentissage et d'adolescence, de fait, et du très bon boulot de scénario, avec toute l'originalité dont est capable Gaiman, et son style semi-gothique mais touchant et riche de détails et de personnages. Ce n'est pas le meilleur de Gaiman, et même si ça me fait pas mal penser à Pratchett, on est pas non plus tout à fait au même niveau de fluidité et de finesse générale, mais ça reste vraiment très bon, décalé et un grand plaisir de lecture et de clins d'oeil.

Lu. Blanche Neige et les Lance-missiles. De Catherine Dufour.

Catherine Dufour propose ici une compilation de ses deux premiers ouvrages : les grands alcooliques divins et l'ivresse des providers. Comme les titres vous l'auront fait deviner, il s'agit de romans parodiques, humoristiques, sur les thématiques des contes de fées et de la fantasy pour la première partie, et l'internet et le fantastique pour la seconde. Le fait est que ça se veut très humoristique, trop sans doute pour mon goût, en fait, et avec beaucoup de facilités. C'est en ce sens que la comparaison à Pratchett, beaucoup mise en avant, est à mon sens tout à fait usurpée : à où Pratchett réussit de manière impressionnante un numéro d'équilibriste entre histoire, émotion et humour fin, on est ici dans le calembour à tours de bras, les surnoms vulgaires et super-rigolos et bien trop faciles et répétitifs, et les histoires et personnages qui manquent largement de cohérence et qui ne servent que de support lâche à des enchainement de blagues et d'idées satiriques. Certains traits satiriques et humoristiques sont bons, certes, mais pas assez pour qu'une telle accumulation fonctionne (si tant est que ça puisse fonctionner tout court). Bref, sur la longueur, pour moi en tout cas, ça en devient très lassant, voire franchement lourd et épuisant par moments, malgré de bonnes intentions. Pour information, j'ai vraiment failli m'arrêter à un tiers du bouquin, complètement essoré, et je me suis forcé pour finir (il se trouve que la seconde moitié est moins épuisante, mais je ne peux pas dire qu'elle m'ait vraiment plu non plus). En termes de style, là aussi, l'accumulation de trop m'a usé, entre des passages très littéraires, souvent de manière parodique, souvent trop poussés et trop longs, et des irruptions brutales de langage très parlé et de blagues faciles et lourdes, ça ne fonctionne pas tellement pour moi. Malgré tout ça, il y a de bonnes idées amusantes, des références qui me parlent, des fonds de scénario qui auraient pu donner quelque chose, mais non. Mais gros manque de finesse pour mon goût, l'auteure en fait trop dans la blague qui part dans tous les sens et le foutraque pour être foutraque, même si c'est souvent avec un

115 enthousiasme touchant et contagieux (et d'ailleurs, j'ai beaucoup apprécié la postface avec commentaires sur les textes). Pour moi, en tout cas. Maintenant, si vous aimez le parodique qui en fait un peu des caisses, avec des idées rigolotes qui partent dans tous les sens sans forcément beaucoup de cohérence, ça peut vraiment marcher.

● Lu. Kaamelott, saison II. De Alexandre Astier.

Oui, oui, lu, parce que justement j'ai découvert que les textes complets des épisodes étaient publiés sous forme de bouquins. Et il se trouve que, oui, ça m'intéresse. Je ne dis pas : il faut sans doute pas mal connaître la série pour en profiter pleinement, pour lire les textes en replaçant les voix et surtout les intonations, qui font une grande partie du succès de la chose. Mais justement, le fait d'avoir les textes eux- mêmes permet de se détacher un peu de l'interprétation et de profiter plus pleinement du travail d'écriture qui est tout aussi remarquable, voire de le regarder de près et de l'analyser un peu. Et pour peu qu'on s'intéresse effectivement à ce travail d'écriture et au texte lui-même, c'est extrêmement plaisant et intéressant, même si je me rends bien compte que ça ne concerne du coup qu'un public réduit. Il s'agit par contre strictement des textes fournis aux acteurs pour le tournage, qui n'ont pas été mis à jour d'éventuelles interprétations (mais je n'ai rien repéré de notable comme différences) et sans non plus de commentaires. Moi, je ne regrette pas et je récupérerais le premier tome à l'occasion, à vous de voir si c'est votre truc ou non.

Mars 2010

● Lu. The Yiddish Policemen's Union. De Michael Chabon.

Je ne connaissais pas Michael Chabon mais il a visiblement une réputation bien assise en tant que romancier, principalement dans le champ du roman policier. Il se trouve qu'il a obtenu les prix Hugo et Nébula pour ce roman, qui n'a pas grand chose de la science-fiction pourtant puisqu'il relève plutôt du roman policier, certes dans un cadre d'histoire alternative, mais contemporaine. De fait, le cadre dans lequel se déroule l'histoire fait beaucoup pour fasciner et pour intriguer : dans ce monde, les

116 Etats-Unis ont appliqué une proposition (réelle, mais finalement refusée par le congrès en vrai) qui réservait une part du territoire de l'Alaska pour les réfugiés juifs européens pendant la seconde guerre mondiale. Dans le même temps, l'installation des juifs en Israël échoue et Sitka, en Alaska, devient donc la patrie juive. Inattendu, décalé, c'est un cadre très séduisant et très bien traité. De toutes façons, Chabon écrit vraiment très bien et de manière documentée et pleine d'idées. Dans ce cadre donc, une vraie enquête policière, avec un inspecteur désespéré réfugié dans un hôtel glauque après son divorce, des joueurs d'échec, des fondamentalistes, des magouilles en tout genre, des histoires de messie mais aussi de petits traffics plus quotidiens. Vous aurez deviné, une vraie intrigue bien construite avec une belle progression, mais aussi beaucoup d'ambiance, et de vraies clins d'oeil et références aux romans noirs et aux policiers classiques. J'ai vraiment trouvé que le mélange prenait très bien : une très bonne intrigue, un cadre fascinant et riche, des personnages attachants, une belle écriture et du rythme. Un vraiment très bon roman, que je vous conseille vivement. Je me demande juste pourquoi le Hugo et le Nébula, mais c'est pas comme si il ne méritait pas effectivement d'être primé.

Lu. The Family Trade. The Hidden Family. De Charles Stross.

Je vous avais déjà parlé de Charles Stross, découvert avec le remarquable Halting State. Ayant fait le tour du reste de ses écrits, je me suis donc lancé dans la dernière des séries de cet auteur : celle des princes marchands. Le postulat de départ n'est pas d'une originalité inouïe, il rappelle même très fort Ambre : une famille possède le don de changer de monde, entre notre monde et un monde médiévalisant. Là où, dès le départ, Stross se distingue, c'est dans son approche de la question en général, et son héroïne en particulier (attention, petits spoilers) : la famille en question vit en faisant du trafic de cocaïne (parce qu'éviter les douanes en passant par un autre monde, c'est pratique et très sur, même si c'est lent), avec une ouverture d'esprit de mafieux paranos élevés dans un monde renaissance ; l'héroïne à grandit dans notre monde, est une adulte indépendante et gagne sa vie comme journaliste d'investigation dans les nouvelles technologies, et elle n'a aucune intention de perdre son indépendance ou de se faire mener en bateau. Vous imaginez bien que la confrontation des deux ne va pas être de tout repos. Comme souvent avec Stross, on ne lésine pas sur le scénario, les surprises, les retournements et les chocs, et tant mieux, même si parfois, on pourrait apprécier de prendre plus son temps avec les personnages ou les

117 situations. Mais si on apprécie que ça bouge et qu'on reste concentrés, c'est bien. Je chronique ces deux tomes ensemble parce qu'à mon sens, ils forment une vraie unité qui voit la résolution des premières grandes questions posées, ce qui n'est pas vraiment le cas à l'issue du premier tome. On pourra reprocher un point de vue très pro-technologie, voire pro-capitaliste, mais on a du même coup un vrai traitement des inégalités sociales et genrées dans les sociétés médiévales et victoriennes, et de vrais contenus sur le développement des sociétés. Bref, sur une base qui peut sembler classique, en fait plutôt non : des romans denses et assez originaux.

Lu. The Clan Corporate. The Merchant's War. De Charles Stross.

Dans la même série que les deux précédents : la suite. Ils constituent moins une unité que les deux premiers mais j'en parle groupé quand même sinon on s'en sortira pas. Plus ça va, plus Stross se permet de partir dans tous les sens et de s'éloigner du cadre convenu qu'il s'était donné au départ (et qu'il avait déjà raisonnablement maltraité). En effet, on continue à traiter les différences culturelles, l'absence totale de morale de la politique de haut vol, mais aussi la place des femmes dans des sociétés traditionnelles (et de culture européenne pour le coup). En plus, on va aussi partir dans le roman d'espionnage, mettre ça en rapport très direct et critique avec la politique de l'Amérique des années Bush, et donc faire de plus en plus dans le réaliste, mais on va également partir dans des directions plus directement science- fiction en se posant la question du comment et du pourquoi on passe d'un monde à l'autre. J'apprécie vraiment que Stross s'autorise autant de liberté et ait autant de courage dans le choix d'ouvrir au maximum et de traiter de manière approfondie et réaliste les thèmes qu'il aborde. Certes, on y perds un peu en fluidité et en cohérence, mais tout fonctionne malgré tout et le scénario de fonds réussit à tenir tout connecté ensemble, et à proposer du coup des rebondissements nombreux et parfois brutaux, mais toujours très justifiés. Par contre, il faut du coup bien se dire que ça va s'étaler sur un certain nombre d'autres tomes et continuer à brasser dans tous les sens vu le nombre de portes qu'on ouvre. Je ne m'en plaindrais pas mais je vous préviens, si vous cherchez une petite série cohérente et où tout boucle rapidement et proprement, prenez-en une autre.

118 Avril 2010

Lu. Sandworms of Dune. De Brian « Fumisterie » Herbert et Kevin « Absence totale de talent » Anderson.

Vous l'avez senti, ça va être positif et objectif comme chronique. Sachez déjà que je n'ai acheté ce machin que parce qu'il était en promo et que par principe, je voulais voir à quel point ils allaient dénaturer l'œuvre d'origine, puisque ce tome est annoncé comme La fin prévue par l'auteur. Je m'attendais en dire du mal mais pas forcément à ce point : c'est mauvais au point d'en être inadmissible. La qualité d'écriture, pour commencer, est en-dessous de tout : les chapitres ne dépassent pas cinq pages et ne développent qu'une seule idée (en général simpliste), avec une citation en tête de chapitre, pour faire comme le papa, mais tellement mauvaise et niaise qu'on aurait bien préféré qu'ils s'abstiennent. Et il n'y a pas un dialogue digne de ce nom non plus, mais c'est lié à l'inanité de l'écriture tout autant qu'a la niaiserie incommensurable et l'absence totale de profondeur des personnages. Pour tout dire, les personnages semblent complètement stupides et ratent des indices gros comme des maisons alors qu'ils sont censés être l'acmé du développement humain. Plus largement, on sent bien que les auteurs sont dépassés par l'ampleur des personnages de la série originale, mais ils font malgré tout le choix de tous les ressusciter : non pas pour les utiliser vraiment dans le scénario mais pour se donner une crédibilité. Car, de fait, le scénario est une continuation des préquelles des deux auteurs, pas du tout de la série originale, dans lequel sont embarqués les personnages d'origine comme décoration et pas comme acteurs. Et ce scénario est lui-même digne des poncifs les plus éculés et plats de la mauvaise science-fiction, avec des robots omnipotents et une intelligence artificielle égocentrique et très très méchante, qui ne veut que dominer le monde sans aucune concurrence, des deux ex machina que plus gros c'est pas possible (l'Oracle du Temps arrive et pouf, elle éradique d'un coup de magie le super méchant qu'on nous monte en épingle depuis deux tomes, sachant qu'elle-même, on l'a vue deux chapitres de cinq pages jusque là), et des exagérations kitsch et sans intérêt des idées de la série de base (l'Ultraspice, plus fort, plus grand, plus beau, plus inutile). Bref, j'ai vraiment eu l'impression que les deux auteurs n'avaient rien compris à l'intérêt de la série d'origine, et continuait à s'en servir comme tremplin pour vendre de la SF bas de gamme et écrite sans le moindre talent. Ce qu'au final je

119 trouve franchement insultant de la part des auteurs, et plus encore de l'éditeur. En conclusion : si vous aimez Dune, l'original, restez loin de cette chose ; et si vous n'aimez pas Dune, pareil.

Lu. The Revolution Business. De Charles Stross.

Tome 5 des princes-marchands, donc, pour ceux qui suivent. On continue tout à fait à partir de la situation de fin du précédent, et je ne peux pas en dire beaucoup plus sans spoiler comme un sauvage puisque la fin de chaque tome est quand même globalement un retournement de situation assaisonné d'un cliffhanger. Mais bref, on repart dans de la vraie politique, et, comme le titre peut le laisser soupçonner, on s'éloigne de plus en plus du med-fan pour faire dans la politique-fiction (avec des thématiques croisées de : comment passer un monde médiévale à la renaissance sans trop de brutalité ? Comment dans un monde de révolution industrielle provoquer une révolution politique démocrate sans commettre trop d'horreurs ? Et comment dialoguer avec le gouvernement Bush sans être réduit en miettes par des gros cowboys bas du front et vélléitaire ?). Une fois de plus, Stross prouve qu'il a des idées en pagailles et qu'il n'hésite pas à envoyer du lourd quand l'occasion se présente, qu'il maitrise parfaitement les surprises et les retournements de situation, et qu'il construit progressivement des personnages et des mondes auxquels on s'attache vraiment. Encore une fois, là aussi, certains pourront être gênés par le coté parfois fourre-tout de la chose et le rythme souvent frénétique des tours et détours du scénario mais je trouve ça au contraire bienvenu et entrainant. Et étant donné le cliffhanger colossal de la fin de ce tome, il est évident que je me jetterais avec bonheur sur la suite dès qu'elle sortira en poche.

Mai 2010

Lu. Stone Baby. De Joolz Denby.

Je vous avais déjà parlé de Joolz pour sa poésie, notamment en spoken word, et certains de ses romans, mais jusque là uniquement disponibles en anglais. Or, bonne nouvelle, son premier roman vient d'être traduit et édité en français, même si il garde son titre d'origine. Il est classé comme thriller, dans une collection policière, ce qui,

120 sans être complètement faux, est un peu trompeur. Parce qu'il n'y a pas vraiment de mystère quant au fait qu'il s'est passé des choses affreuses, ni par qui elles ont été faites, c'est évoqué, sans détails cependant, dès le début. Et c'est en fait l'entourage du tueur/monstre qu'on va suivre, sa copine et la meilleure amie de cette dernière, leur relation, leur vie, leurs difficultés et questionnements. Ce qui est abordé avec beaucoup de finesse et des réflexions que j'ai trouvées très touchantes et juste, autant dans leur identité que leurs relations au tueur, dont on découvre petit à petit pourquoi et comment il a pu entrer et rester dans leur vie, ce qui fait largement froid dans le dos, mais en restant très réaliste et du coup d'autant plus inquiétant et traumatisant. Parce que oui, c'est quand même un bouquin qui fait bien froid dans le dos, et ce principalement sur des questions de psychologie et de relations humaines. Outre cet argument central, j'ai aussi apprécié que tout ça se déroule dans le milieu alternatif du nord des îles britanniques, artistes, gays, queers, etc, et ce décrit de manière très humaine et pas du tout sensationnaliste (bon, quand on connaît l'auteuse, on n'est pas surpris, mais je trouve ça appréciable cependant). Au final, un bon roman d'horreur « quotidienne » (avec quand même des choses horribles, mais qui servent de toile de fond, ce n'est pas ça qui est décrit et suivi), réaliste et inquiétant, qui remue les tripes et donne une bonne idée de ce que Joolz sait faire, même si ce n'est sans doute pas son meilleur non plus.

Lu. Métronome. De Lorant Deutsch.

Lorant Deutsch aime l'histoire et il adore Paris. Il propose donc ici une histoire de Paris rythmée, mais de manière parfois un peu artificielle, par certains arrêts de métro parisiens. Outre que je m'attendais à ce que l'aspect métro soit plus important et structurant, déception finalement sans grande importance, il s'agit d'un bouquin d'histoire léger et agréable, donnant une vision très parisiano-centrique mais bien documentée de l'histoire de France. L'aspect parisien de l'ensemble n'est finalement pas très gênant, en tout cas pour moi, puisque c'est bien ce qui est annoncé dès le départ. Pour des lecteurs sans grande connaissance de l'histoire de France, ça peut sans doute donner une idée un déformée de certains évènements, mais là encore, l'auteur ne prétends pas le contraire, c'est l'histoire de Paris qui l'intéresse, et il ne raconte des portions de l'histoire de France que pour parler de la place de Paris dans celle-ci. C'est agréable à lire, si ce n'est, pour un non-parisien, les passages de description des rues et itinéraires, qui ne fonctionneraient qu'en lisant le livre en se promenant dans les rues en question puisque je ne vois pour un bonne partie d'entre elle pas du tout à quoi elles ressemblent. Quant à l'aspect historique, c'est une bonne

121 synthèse des origines à aujourd'hui, par un amoureux, ce qui est très plaisant. Bon, personnellement, je trouve ça toujours un peu frustrant de ne pas aller dans les détails sur les périodes qui m'intéressent le plus, mais c'est inévitable sur ce type de format. Au final, une lecture très agréable et prenante pour tout ceux que Paris intéresse, qui peut servir de rappel synthétique des grands moments de l'histoire ou de ballade avec un point de vue spécifique.

Lu. Le Montespan. De Jean Teulé.

Si Madame de Montespan, maîtresse du Roi Soleil, est raisonnablement connue, on ne parle que rarement de son époux. Et pourtant, il y a de quoi dire, ce que se propose de faire Jean Teulé, dans un roman fluide, amusant et inattendu. Car Monsieur de Montespan est amoureux de son épouse, et ce fut longtemps réciproque, et ils vécurent longtemps dans la débauche et la fête, jusqu'à ce que leurs dépenses les mettent sur la paille. Une solution : son épouse est très belle et brillante en société, elle va donc s'y faire connaître. Et plaire au roi. Qui en fait donc sa maîtresse. Mais l'époux refuse de se taire et de se faire oublier, il veut récupérer son épouse. C'est donc, après avoir découvert leurs origines, ces années de résistance que l'on va suivre. Et le moins qu'on puisse dire est que Montespan est un homme courageux, tant on ne s'oppose au souverain sans conséquence, pourvu d'un humour certain, et acharné, puisqu'il ne renoncera pas. Il ira jusqu'à faire équiper son carrosse de bois de cerf pour traverser le royaume puisqu'il est le cocu le plus célèbre de France. Si l'histoire elle-même est très prenante et drôle (même si les situations ne le sont pas toujours), l'autre grand point fort, à mes yeux, de ce roman, est la découverte des coulisses du grand siècle, de l'hygiène terrifiante des nobles, de l'avilissement face au roi, et de la vie du peuple et de la noblesse de campagne. Et pour le même prix, c'est d'une écriture vive et très agréable à lire.

Lu. Dead and gone (Sookie Stackhouse). De Charlaine Harris.

Voici donc un tome de plus dans la série des Sookie Stackhouse (base de la série True Blood donc), le neuvième si je ne me trompe pas. Si on y retrouve tous les personnages auxquels on est attaché et s'ils continuent à évoluer gentiment, je ne peux pas dire que j'ai vraiment été enthousiasmé par le scénario et l'évolution générale de la série. De fait, on est toujours un peu sur le même schéma : Sookie est sympa et essaie de faire sa vie mais elle se trouve pourchassée par pleins de très

122 vilains qui lui font du mal, on comprends progressivement de qui il s'agit et, quand la situation devient horriblement désespérée, ses amis viennent la sauver et des personnages secondaires meurent, ce qui est vraiment très très triste. Le corollaire est donc qu'il faut pour chaque roman, ou presque, des nouveaux adversaires, de préférence mystérieux et inconnus. Ce qui, certes, continue à étendre le bestiaire du monde, mais bon, si ce n'est pas pour en faire quelque chose mai seulement fournir de nouveaux méchants, c'est un peu triste. Et c'est au final ma déception principale sur ce tome-là, de nouvelles créatures sont introduites, ie les fées avec leurs liens spécifiques avec Sookie, pour n'en faire que des vilains qui en plus disparaissent en fin de tome. Rien de très convaincant, donc, ça ronronne, au mieux.

Aout 2010

Lu. The girl who kicked the hornet's nest (Millenium III). De Stieg Larsson.

Enfin, Millenium III ! Ceux qui les lisent en français l'ont sans doute lu depuis un moment, pour les autres il est encore temps. En effet, la conclusion de la trilogie est très largement au niveau des deux précédents, un grand bonheur. C'est toujours bien écrit, fluide et plein plein de bonnes choses. On retrouve les personnages qu'on connait et qu'on aime pour la suite de leurs aventures. Dans la continuité directe du précédent, on va ici s'embourber plus profond dans le passé de Lisbeth et de son père, mais surtout des services secrets suédois et de leur dévoiement. En effet, il s'agit d'un roman d'espionnage plus que d'un roman policier, encore que je vous accorde que la différence soit discutable. Mais on est plus dans des intrigues politiques et les dérives de services secrets que dans des enquêtes policières, même si il y a aussi plein de rebondissements, d'enquête et de découvertes. Et de nombreux moments de bravoure dans la lignée des précédents. Tout cela mène à une vraie conclusion qui fait très plaisir et qui se construit progressivement. Bref, j'ai beaucoup beaucoup aimé et je vous recommande une fois de plus l'ensemble de la série, sans réserves.

123 Lu. This is not a game : you don't get a second life. De Walter Jon Williams.

Voilà des années que je n'avais pas lu Walter Jon Williams, qui avait commis il y a fort longtemps quelques bons romans de SF. Ici, pas vraiment de SF puisqu'on est dans un futur très proche, et qu'on explore les développements de la réalité augmentée. En effet, les protagonistes sont des organisateurs de jeux et évènements de réalité augmentée à grande échelle. La projection du développement de ces modes de jeu est en soi très amusante et intéressante, mais il n'y a pas que ça, loin de là. De fait, les personnages sont intéressants et attachants, mais surtout il y a un vrai scénario de thriller approfondi, avec des rebondissements, du suspense et une bonne exploitation des possibilités de la réalité augmentée et des réseaux de jeu social. Vraiment un roman prenant, très bien tourné sur un thème qui en plus me parle beaucoup.

Lu. Unseen Academicals. De Terry Pratchett.

Vous n'en avez pas marre que je vous dise du bien de Pratchett ? Parce qu'en ce qui me concerne, en fait, non. Un nouveau roman du Disque-Monde donc, sur le thème ce coup-ci du foot. Bon, ceci dit, c'est la trame de fond mais elle ne prend pas tant de place que ça, et on évite avec bonheur de reprendre une trame fantastico- monstresque de la ligné de celle de Soul Music ou de Moving Pictures. Sur cette trame de fond, on va donc se faire plaisir avec les habitants classique d'Ankh- Morpork, dont en priorité le Patricien (pour mon plus grand bonheur) et l'Académie (mais avec de nouveaux membres qui renouvellent avec bonheur le casting, et des clins d'oeil au fonctionnement universitaire renouvelés) mais aussi de nouveaux personnages. En particulier, le personnage principal, que j'ai trouvé très drôle et touchant, tout comme ceux et celles qui l'accompagnent. Des détours bienvenus également par les petites rues sordides et l'univers de la mode, qui valent tout à fait le coup. Tout ça avec du rythme, du souffle et plus de surprises et d'énergie que dans les précédents. Bref, une bien bonne cuvée qui donne envie que ça continue encore longtemps.

Lu. La mythologie du musée. De Bernard Deloche.

Mytho est une collection dans lequel un certain nombre d'auteurs reprennent l'approche de la mythologie moderne développée par Roland Barthes pour s'attaquer à des thématiques variées. Ici, donc, le musée. Et c'est assez fructueux, même si, pour

124 ceux qui s'intéressent déjà au sujet, on ne découvre pas non plus de choses incroyables. Mais l'analyse du musée comme lieu d'uchronie, détaché des contingences historiques et surtout du présent et du temps réel, et comme lieu de construction artificielle d'une identité culturelle (nationale le plus souvent) est très intéressante. Les questions des objectifs du musée et de son utilisation politique sont non seulement bien abordés mais relativement accessibles. Et du coup, forcément, on passe en revue les tendances actuelles, mais plus si récentes, de la nouvelle muséologie, des éco-musées, et de la manière dont ils essayent donc de replacer le musée dans la vie réelle et dans le temps, avec toutes les conséquences politiques que ça a, entre autre. Bref, c'est vraiment pour les gens que ça intéresse mais ça fait une bonne synthèse et ça pose des questions essentielles et intéressantes.

Lu. Le Fait du Prince. D'Amélie Nothomb.

Autant certains romans d'Amélie Nothomb me marquent profondément, particulièrement ses romans biographiques, autant certains ne me laissent que peu de souvenirs. C'est malheureusement le cas du Fait du prince. Non que ce soit sans intérêt, il y a de bons moments, et un propos de fond qui fonctionne et qui m'a parfois touché et intéressé. Mais ça reste à mon sens assez superficiel et assez peu marquant, avec une fin facile et décevante. Bref, ça ne va quand même pas très loin. Bon, les fans liront sans douté quand même mais si vos créneaux de lecture ne sont pas très nombreux, vous pouvez sans doute l'éviter sans dommage.

Lu. Poète et paysan. De Jean-Louis Fournier.

Certes, comme le dit le bandeau, Jean-Louis Fournier est capable de tout, mais ce n'est pas dans ce roman-là qu'on s'en rend le mieux compte. Non que ce soit mauvais, notez bien, c'est même très agréable à lire et, comme toujours, écrit avec grâce et légèreté, teinté d'humour, mais ce n'est pas aussi marquant ni aussi fort que les précédents. De fait, il s'agit toujours d'autobiographie, mais cette fois-ci sur son épisode agriculteur. Par amour, il décide à cette époque de quitter ses études dans le cinéma pour devenir ouvrier agricole. Ce qu'il dépeint de son parcours et du monde agricole de l'époque est touchant, et drôle avec, comme à son habitude, des chapitres courts et rythmés, alternativement drôles et touchants. Bref, ça fonctionne et c'est une lecture très rafraîchissantes, rapide et relaxante. Ceci étant, je conseille avant tout de lire les précédents, notamment les inoubliables « Où on va papa ? » et «

125 Il a jamais tué personne, mon papa ». Si vous connaissez déjà, par contre, ça vous fera une lecture rapide et très plaisante, mais pas inoubliable.

Lu. 60 days and counting. De Kim Stanley Robinson.

J'ai découvert après l'avoir lu que ce roman était le troisième d'une trilogie, ce qui explique peut-être que je ne l'ai apprécié que de manière mitigée. Il s'agit d'un fiction de futur proche concernant le changement climatique et les catastrophes associées, vue depuis la Maison Blanche, occupée par un président progressiste et décidé à sauver le monde. Le fait est qu'on passe beaucoup de temps à suivre différents personnages, président et conseillers, dans leur vie et leurs doutes, mais aussi certains impliqués dans des histoires de complot politique et d'intrigues d'espionnage. Ce qui, au final, m'a assez peu convaincu puisque je n'étais pas si attaché aux personnages et que ça détourne du coup beaucoup du sujet principal du livre. Ce n'est pas du mauvais boulot mais ça m'a laissé assez sceptique au final.

Lu. Snuff. De Chuck Palahniuk.

Palahniuk aime bien les thèmes provocants et en faire des tonnes. Ici, un court roman sur un thème effectivement provocant : une star du porno sur le retour décide de tirer sa révérence en tournant le gang-bang record du monde. Elle compte donc coucher avec 600 hommes et en mourir, on découvrira ensuite pourquoi elle espère en mourir. On suit l'événement par le regard de quatre personnages : trois hommes attendant leur tour et la jeune femme chargée de l'organisation. Ce fonctionnement à trois voix fonctionne bien, avec de nombreux rebondissements et une plongée assez glauque dans les attentes et passés des personnages (oui, il en fait des caisses, dans le glauque et choquant souvent, mais non sans à propos et sans contenu). Et en prime, il y a un vrai scénario, une vraie progression, avec une conclusion amusante, dans le style trash. Ce n'est pas à mon sens le meilleur de Palahniuk, de loin, mais si on supporte le côté trash et provoc, c'est un petit roman original et bien tourné.

126 Septembre 2010

Lu. Green Zone. De Rajiv Chandrasekaran.

Green Zone, récemment adapté en film de semi-fiction, est un livre documentaire réalisé par un journaliste qui a passé plusieurs années en Irak, pendant l'occupation américaine. Il y raconte la manière dont les occupants américains se sont installés et ont administré le pays, de manière documenté, à partir de son témoignage propre mais aussi des interviews et interventions de nombreux protagonistes (majoritairement américains mais pas uniquement, loin de là). Et, comment vous dire... on m'aurait proposé ça comme roman de fiction, j'aurais trouvé pas tellement réaliste, parce qu'être à ce point affairiste, incompétents et arrogants, quand même, à une telle échelle, il ne faut pas exagérer. Sauf que si, ça s'est vraiment passé comme ça : l'administration américaine d'occupation a atteint des sommets difficilement imaginables, d'abord dans le choix de responsables et d'intervenants totalement incompétents mais fidèles républicains du bord droit, dans les oppositions internes entre le Département d'Etat et la Défense (et les diverses autres factions politiques du gouvernement), ensuite dans la méconnaissance absolue du pays et de la région (et l'absence complète de volonté de la découvrir et de s'y adapter), et enfin par la paranoïa et l'enfermement complet des forces américaines dans la fameuse Zone Verte (dont même les personnels civils n'ont rapidement plus pu sortir pour aller voir ce qu'il se passait sur le terrain et rencontrer les irakiens, ce qui, pour mettre en place un gouvernement et reconstruire un pays donne forcément des résultats merveilleux). Bref, la chronique d'un désastre dans des proportions difficilement croyables mais suivant pourtant une logique d'intérêts politiciens et d'aveuglement inébranlable. C'est écrit de manière très lisible et agréable, ça passe tout seul, si ce n'est que ça donne vraiment envie de vomir, ou de bastonner un certain nombre de responsables, selon votre humeur du moment.

● Lu. I shall wear midnight. De Terry Pratchett.

Ouaip, encore, et cette fois pour le quatrième tome des aventures de Tiffany Achings, série pour jeunes lecteurs donc. Or donc, Tiffany grandit, et va continuer à devoir faire face à son statut de sorcière, mais surtout à la défiance de la population et

127 l'isolement de ce rôle. Du fait du thème, c'est forcément un peu plus sombre et moins pétillant que les précédents, et comme en plus, on est dans l'adolescence, voire le début de l'age adulte, et plus dans l'enfance, ça joue aussi. De manière générale, c'est encore une fois du bon boulot, avec des passages très drôles et d'autres très émouvants. Maintenant, je ne suis pas absolument persuadé par le rythme d'ensemble ni la manière dont l'intrigue se met en place et se résous. Disons qu'on est dans un entre deux entre un scénario fantastique et un scénario social basé sur l'image des sorcières et les réactions de gens, et du coup, même si les deux sont biens, ils sont tous les deux frustrants de ne pas être traités pleinement. Mais ça n'empêche pas de retrouver des personnages touchants et attachants, ainsi que des nouveaux, et de nombreux bons moments. Je me dis juste que pour tout traiter correctement, il aurait été mieux de réduire la voilure, ou alors de faire une bonne centaine de pages de plus. Bref, à lire sans grande hésitation si vous avez lu le reste de la série, sinon, vous pouvez commencer au début, et vous apprécierez quand même celui-ci sans problème quand vous y arriverez.

Lu. Transition. De Iain Banks.

Transition est un roman à ranger dans la catégorie « multivers », c'est-à-dire dans un monde composé de nombreux mondes, de nombreuses versions alternatives de la même réalité, tous accessibles à certaines personnes, et comprenant ici notre monde. Et ces personnes capables de passer d'une version à l'autre sont organisés en une sort de gouvernement aux objectifs qui vont justement être discutés. Voilà pour les bases. Et sur ces bases, Banks construit une sorte de grand bordel dans lequel il est parfois difficile de se retrouver, et donc je me demande encore si il n'aurait pas mieux fallu faire quelque chose de plus cohérent et de plus facile à suivre. En effet, on suit un certain nombre de narrateurs, dont les liens ne sont pas forcément très clairs, avec une intrigue de fond qui, si elle retombe sur ses pattes au final, n'est pas non plus d'une clarté absolue pendant tout le roman. Maintenant, c'est bien écrit et les personnages sont plutôt prenants, et, surtout, Banks case un nombre important de réflexions fondamentalement politiques, et parfois philosophiques dans tout ça. Et ces réflexions sont souvent très très intrigantes et prenantes, et donne de quoi réfléchir de manière très bienvenue, notamment autour de thèmes politiques contemporains et généraux. Mais ça reste confus et un peu tout mélangé. Alors si vous acceptez de vous faire balader dans tous les sens, ça a des chances de vous plaire, parce qu'il y a plein de bonnes choses, mais si vous n'aimez pas être sans

128 repères dans un truc dont on se demande longtemps où il va, ce n'est sans doute pas un livre qui vous conviendra.

Lu. Apostille au nom de la rose. De Umberto Eco.

Plus que d'un complément au roman qui en approfondirait certains aspects et qui répondrait à des questions précises, Eco propose ici, dans un texte assez court, des réflexions de fond sur la manière de construire un roman et les choix qu'il a fait. Dès le début, il est clair qu'il ne répondra pas précisément aux questions concernant le roman, puisqu'au contraire, il veut laisser les lecteurs libres de construire leur propre sens. Maintenant, il donne des clés importantes, non seulement sur ce roman mais sur son approche littéraire en général, ses choix et sa manière de construire un roman, ce qui m'a beaucoup intéressé. Comme c'est écrit de manière agréable et que c'est largement documenté et argumenté, avec notamment des analyses très intéressantes en termes d'histoire de la littérature et de l'écriture, ça ressemble plutôt à un travail d'universitaire, ce qui est le cas, mais en restant très lisible. Bref, pour les fans et/ou ceux que la littérature intéresse en général et Eco en particulier, c'est une bonne lecture assez rapide qui vous donnera sans doute un peu de grain à moudre.

Octobre 2010

● Lu. Little Brother. De .

Cory Doctorow a travaillé longtemps au sein de l'EFF (Electronic Freedom Foundation) donc le fait qu'il parle de technologie de l'information de manière pointue et de liberté d'expression et de communication de manière engagée (et de liberté tout court d'ailleurs) n'est pas en soi surprenant. Qu'il le fasse par contre avec autant de talent en termes d'écriture et de narration, par contre, l'est plus, et sert admirablement les messages de fond de ce roman qu'on ne peut que qualifié d'engagé. Attention, engagé ne veut pas dire chiant, et comme je le disais, c'est au contraire très prenant et agréable à lire, avec une vraie histoire et du suspense. Mais fondamentalement, c'est une prolongation des réflexions de Huxley sur le

129 basculement dans une société policière et ses mécanismes, notamment dans la tête des gens et dans le discours politique. Et c'est très actuel, puisqu'on parle des Etats- Unis d'aujourd'hui (enfin, d'un hier très proche, mais de là à dire que ce n'est plus d'actualité...), avec guerre en Irak en toile de fond et Département de la Sécurité Intérieure en protagoniste principal. On y suit les aventures d'un lycéen, hacker, que les circonstances vont amener à réaliser que sa ville (San Francisco) devient un état policier sous couvert de protéger le pays contre le terrorisme, et qui va choisir de s'y opposer. C'est terriblement crédible, c'est prenant et engagé, c'est presque didactique dans la construction et le lien fait avec tous les mouvements pour les droits civiques, bref, c'est un roman très bien foutu sur des contenus absolument essentiels. Avec, en prime, une bien belle bibliographie et des annexes importantes. J'essayais Doctorow suite à des échos lointains mais positifs et honnêtement, c'est une découverte marquante et importante.

Lu. The evolutionnary Void. De Peter Hamilton.

Voilà typiquement un livre dont je me demande si ça mérite que je le chronique. Non que ce ne soit pas un bon bouquin, ça l'est, mais comme c'est la conclusion, de 800 pages, d'une trilogie de science-fiction, je me dis que ça va surtout concerné des gens qui ont lu les précédents et qui du coup liront celui-ci pour finir. Pour ceux-ci, donc, et sans spoiler, je dirais que, globalement, c'est un très bon tome, mais que la fin me laisse un peu sur ma faim. Les multiples personnages font toujours plein de choses intéressantes, et, joie ! Bonheur !, les longs épisodes à Makkrathan reprennent beaucoup d'intérêt, même si je continue à les trouver longs. Mais, comme je disais, la fin non seulement est à mon sens un peu rapide et facile (même si l'idée est globalement bonne) et ne justifie pas d'avoir donné une telle ampleur à l'ensemble, et notamment pas d'avoir sollicité autant de personnages. Parce que ces personnages ont de l'ampleur, beaucoup pour certains, et qu'on s'y attache, pour qu'au final, pour une bonne part, ils ne servent pas à grand-chose. Alors, certes, l'épilogue permet d'avoir une mini-conclusion pour un certain nombre d'entre eux, ce qui compense un peu, mais quand même, c'est frustrant. C'est globalement le sentiment que j'en garde : c'est très très plein de bonnes idées, très bien écrit avec du rythme, des personnages, tout ce qu'il faut, mais la conclusion, sans être mauvaise, n'est pas à la hauteur de tout le reste. Maintenant, ça n'enlève rien au plaisir de la lecture de tout ce bon contenu, simplement au lieu de finir en se disant Waow, on finit en se disant : c'était drôlement bien mais c'est dommage que ça finisse aussi vite.*

130 Lu. Pygmy. De Chuck Palahniuk.

J'aime Palahniuk, notamment parce qu'il prend des risques, qu'il essaie des choses nouvelles et qu'il traite de sujets forts, alors qu'il pourrait avec talent remplir des pages sur des sujets plus mous avec succès. Pygmy est un bon exemple de cette recherche, autant dans la forme que le fonds. Dans la forme parce que l'histoire est racontée à la première personne par un jeune étudiant étranger (asiatique, sans que ce soit précisé, mais issu d'une dictature totalitaire anti-américaine (qui a dit Corée ?)) en échange scolaire pour six mois. Il ne parle pas bien anglais donc tout le bouquin est en petit nègre bricolé. (Si vous n'êtes pas très à l'aise en anglais, c'est mort). C'est un peu fatiguant par moment et on se dit que ça va devenir insupportable, mais en fait non : d'une part on s'habitue, et d'autre part, il y a une vraie poésie dans cette manière d'écrire, et une vraie manière de regarder les USA de l'extérieur qui fonctionne finalement très bien et qui fait une bonne part de la réussite du livre. Et dans le fonds, disais-je, car ce jeune étudiant, surnommé Pygmy par sa famille d'accueil, est un agent infiltré pour mettre en place avec ses semblables une opération terroriste de grande ampleur. C'est brut, comme souvent chez Palahniuk, avec un regard acerbe et très cynique sur la classe moyenne américaine, mais qui arrive à être souvent très drôle. En miroir, le regard porté sur les idéologies totalitaires et leurs méthodes n'est pas tendre non plus mais tout aussi drôle (dans un style grinçant et parfois horrible). Je me suis vraiment laissé prendre par le personnage, le style, le regard porté, au point que j'ai été déçu de trouver au bout de tout ça une fin que j'ai trouvé bien trop facile et conventionnelle. Hollywoodienne presque. En ce qui me concerne, avec une autre fin, ça aurait été un roman vraiment très marquant. Dans l'état actuel des choses, c'est un roman qui vaut le coup à différents niveaux mais qui n'arrive pas à tenir ses promesses et à constituer une fois lu un tout cohérent et fort.

● Lu. The Fuller Memorandum. De Charles Stross.

Troisième tome de la série, après The Atrocity Archive et The Jennifer Morgue, the Fuller Memorandum continue à explorer ce mélange d'espionnage JamesBondesque et de Fantastique Cthulesque qui fait le quotidien de la blanchisserie. On y retrouve le même personnage principal, ainsi que ses collègues, et surtout son patron, mystérieux et intrigant depuis un moment, qui va prendre une nouvelle dimension ici. Et tant mieux. Sans en révéler plus, disons qu'on retrouve bien tous les ingrédients

131 jusque là présent, avec peut-être un peu plus de rythme et de tension, ainsi qu'une bonne intrigue de fond. L'ayant lu en anglais, je dirais aussi que ça aide beaucoup, car la traduction alourdit beaucoup et fait perdre une partie des clins d'œil et référence de l'original. Ce qu'on découvre dans ce tome-ci donne accessoirement tout à fait envie qu'il y ait une suite et qu'on continue à explorer l'évolution des différents personnages. Même si ça reste du roman léger et amusant, c'est bien construit et plein de vraies références geek que certains apprécieront pleinement (notamment les passages sur l'iPod dans celui-ci, entre autres). Bref, du bon boulot, toujours drôle et décalé.

Décembre 2010

Lu. Les chèvres du Pentagone. De Jon Ronson.

Je vous avais parlé du film, que j'avais beaucoup aimé, et je me suis donc attaqué au livre dont il est inspiré. Il s'agit d'un livre d'enquête journalistique, et pas du tout de fiction, mené sur un certain nombre d'années et qui tente de percer à jour la place des programmes « paranormaux » de l'armée américaine. Le fait est qu'il n'arrive pas au bout, parce que justement, ce sont des programmes secrets, mais ce qu'il en découvre et expose est déjà passablement hallucinant. Pour ceux qui ont vu le film, quasiment tout ce qu'il y a dedans est vrai, ce sont simplement les personnages qui ont été compilés à partir de personnages réels et le scénario qui est ajouté. Le reste est vrai, oui, oui, même le général américain qui percute le mur de son bureau parce qu'il est persuadé qu'il peut passer au travers. Ceci étant, au-delà des programmes les plus guignolesques, ce qui apparaît de manière beaucoup plus significative, c'est la capacité et la volonté des services américains de développer de nouvelles techniques vraiment à gerber, notamment en finançant et en exploitant des programmes de gens plus ou moins hallucinés. Particulièrement dans le contexte de la guerre contre le terrorisme et des détentions en Irak puis à Guantanamo. Ce qui est beaucoup moins drôle que les espions psychiques pseudo-hippies des origines, et qui conduit le journaliste-auteur a émettre l'hypothèse que les seconds ont été mis en avant pour protéger les premiers, toujours d'actualité. Au final, une lecture passionnante, bien

132 que très incomplète, sur un sujet qui fait relativiser les limites de ce qu'on considère comme crédible et normal de la part de gouvernements et de services secrets.

Janvier 2011

Lu. Eastern Standard Tribe. De Cory Doctorow.

Je vous avais dit beaucoup de bien de Little Brother, du même auteur, et du coup je m'aventure dans le reste de ses productions. EST est un roman plus court et nettement moins ambitieux, mais néanmoins sympathique, de légère anticipation. Le fait est qu'il y a un vrai scénario, et un personnage central avec un travail très amusant et très cohérent en termes d'anticipation de la société actuelle. Par contre, le prélude annonce un thème fort, et manière assez amusante et brillante, sans cependant qu'il soit vraiment traité ou exploité par la suite, ce qui personnellement m'a quand même un peu déçu. Si, maintenant, on met de côté ces attentes clairement disproportionnées pour un petit roman qui ne se veut finalement pas si ambitieux, c'est quand même franchement sympathique et très agréable à lire. On y retrouve cette constante chez Doctorow qui est de se projeter dans un avenir proche de manière crédible et drôle, notamment en ce qui concerne la technologie, mais surtout ses usages et les mentalités qui vont avec. Pas un mauvais roman, donc, et même un plutôt bon roman mais qui m'a laissé sur ma faim et qui est bien en-dessous de Little Brother. Du coup, j'attaque le suivant et je vous en donne des nouvelles.

Lu. Les extraordinaires aventures de Pomponius Flatus. D'Eduardo Mendoza.

Pomponius Flatus est romain, de l'ordre équestre, et philosophe. Il parcourt la Galilée du premier siècle pour étudier la nature et trouver le fleuve magique qui rendra la jeunesse, tombe malade et erre jusqu'à un village dans lequel Joseph, charpentier, est accusé de meurtre. Le jeune Jésus vient embaucher Pomponius Flatus pour prouver l'innocence de son père mais l'affaire est moins simple qu'il n'y paraît. Sur cette base, Eduardo Mendoza concocte un petit roman policier, avec une vraie intrigue, mais celle-ci reste assez secondaire puisque c'est surtout l'humour des personnages et des situations qui fait le plaisir de l'ensemble. Les clins d'œil et les références bibliques

133 sont nombreux et franchement bienvenus et drôles, ce qui fait quand même une grande partie du sel du roman. Le tout se lit assez vite et de manière très plaisante mais ne laissera pas non plus de traces inoubliables. Au final, un petit roman très sympa pour un bon moment de distraction relaxant.

● Lu. . De Cory Doctorow.

Cory Doctorow est décidément un auteur qui me convient, autant dans ses références éminemment geek que ses propos de fonds. De fait, après avoir défendu de manière astucieuse et documentée la liberté individuelle et dénoncé les dérives des états policiers contemporains dans Little Brother, il parle ici de la nécessité de créer, d'inventer, de faire simplement, d'où le titre. Et il en parle dans le cadre de la société actuelle, et de celle du futur proche, dans laquelle la tendance est souvent le regroupement au sein de grosses sociétés qui gagnent finalement plus d'argent en exploitant des techniques existantes, voire en attaquant en justice qu'en inventant souvent de nouvelles idées. Il le fait beaucoup plus finement que je ne le résume, ceci dit, et avec autour de cette idée des personnages attachants et intéressants et surtout beaucoup d'idées inattendues et très séduisantes sur les évolutions possibles de nos sociétés et les développements technologiques à venir pouvant avoir un impact sur les manières de vivre ensemble, avec notamment la possibilité d'imprimantes 3D et la surabondance de puissance de calcul dans le moindre gadget. En bref, c'est de la très bonne anticipation, dans une Amérique proche, et avec un propos de fonds que je trouve largement motivant et réjouissant. Parce que oui, au- delà du fait que c'est une bonne lecture pleine d'idées originales, c'est aussi une lecture qui donne envie de trouver ou retrouver cette dynamique d'invention et de création, et je trouve ça largement réjouissant. Je continuerais à vous conseiller de commencer par Little Brother, par défaut, mais vous pouvez ensuite avec bonheur passer à celui-ci, voire commencer par Makers directement si le thème vous parle particulièrement.

134 Février 2011

● Lu. Vellum. De Hal Duncan.

On me le conseillait depuis un moment (merci Pounette) et je confirme : c'est une bonne claque. Et c'est une claque assez difficile à décrire tant c'est un roman riche, baroque et ambitieux. Flou aussi, mais c'est également un aspect que j'ai apprécié. Pour situer globalement : il s'agit d'un gros roman, construit en mosaïque dispersée, avec des morceaux qui se répondent sans que le comment soit forcément très clair, tout ça sur une thématique mythologique déroulée sur de nombreuses époques : contemporaine, première guerre mondiale, futuriste proche, antiquité (la plus haute). On pourrait donc dire que c'est du fantastique contemporain, mais c'est plus mythologique qu'autre chose, avec un éclairage de style fantastique contemporain, un peu à la mode d'un Tim Powers. Maintenant, dans l'écriture (en Vo en tout cas), c'est très ambitieux et, à mon sens, extrêmement bien écrit. C'est bien écrit dans la musique et le rythme déjà, avec des échos de textes mythologiques permanents, mais aussi dans la construction d'ensemble puisque toutes les scènes sont prenantes et fortes émotionnellement. A l'inverse, cette intensité est possible parce que tout ce qui pourrait ressembler à une transition est simplement absent, et qu'on passe d'une époque et d'une scène à l'autre directement. Du coup, oui, c'est franchement déroutant, et ce sera sans doute une torture si vous essayez de suivre en permanence le pourquoi et le comment des enchainements et de la structure de l'ensemble. L'effet produit est assez impressionniste, brossant un tableau d'ensemble par touches dissociées mais faisant écho les unes aux autres. En ce qui me concerne, ça fonctionne vraiment très très bien, autant sur la forme, dont le coté littéraire et ambitieux me séduit, que sur le fonds, dont l'argument scénaristique et l'érudition mythologique s'articulent très bien. A essayer si ce genre de choses vous tentent et si vous avez un peu de courage. Je vous en reparlerais de toutes façons avec la suite, qui est en fait la seconde moitié : Ink.

135 Lu. Created in darkness by troubled americans. Collectif.

MsSweeney est un site et magazine littéraire accueillant la production d'auteurs (très) divers et (très) variés, l'accent étant mis de manière générale sur l'originalité et l'expérimentation. Au sein de ce site, on trouve donc plein de choses, dont une catégorie humour. L'humour en question est à la mesure du reste du site : plutôt littéraire, décalé et travaillé, donc le plus souvent une idée idiote et rigolote tournée en petit texte bien foutu. C'est donc une compilation de ces textes qui a donné naissance à cet ouvrage. L'ensemble des textes est vraiment bon, et vraiment amusant, avec pas mal de références littéraires et/ou geek bien sur, mais aussi, tout simplement, des dialogues et des situations bien écrites et drôles. En conclusion, on trouve aussi une série de listes, une des spécialités du site, décalées, souvent très drôles et assez surréalistes, dont, par exemple : Panneaux dans le jardin de gens dont vous préférerez éviter le jardin, Bad names for boats, First lines to books I won't write. Tout cela se lit avec un grand plaisir, ce sont vraiment des textes et un humour qui me mettent facilement de bonne humeur, et qu'on peut picorer selon l'inspiration. Pour vous faire une idée, vous pouvez aller visiter le site, mais ce n'est pas non plus une mauvaise idée de profiter d'une compilation du meilleur directement.

Avril 2011

Lu. The trade of queens. De Charles Stross.

The trade of queens est donc le sixième tome de la série des princes-marchands de Charles Stross. Il s'agit d'une série démarrant sur la même base que Ambre (dont il s'inspire ouvertement), mais dérivant rapidement vers un scénario beaucoup moins fantastique, plus mafieux et surtout beaucoup plus politique, au sens large sur la fin puisqu'on s'intéresse de plus en plus aux différences entre les diverses sociétés et la manière dont elles peuvent se développer. Le tome précédent nous avait laissé sur un suspense assez palpitant, et le moins qu'on puisse dire est qu'on reprend en pleine action. Les événements sont de grande ampleur et Charles Stross a fait le choix de ne pas délayer, mais au contraire, de fournir une conclusion efficace à ce qui constitue

136 maintenant une première série complète (ce qui n'interdira pas une suite, au contraire, mais il faut bien dire qu'on a passé un cap). L'écriture est toujours agréable et vive, avec de nombreuses bonnes idées et du rythme. Pour tout dire, c'est même assez rapide tant il y a de choses à boucler, mais tant mieux, on ne perd pas de temps avec des détails en restant uniquement sur les scènes importantes (et ce n'est finalement pas trop frustrant puisqu'aucun des personnages importants n'est oublié). Même si l'ambiance est plutôt à la lecture de détente, Stross touche quand même à de vrais thèmes sérieux et pas tellement drôle, mais avec un équilibre que je trouve particulièrement efficace. Arrivé là, je ne peux que vous conseiller cette série si vous cherchez de la fiction/fantastique détendue, efficace et originale (et elle est maintenant disponible en français, en tout cas pour les deux premiers tomes).

● Lu. The corrections. De Jonathan Franzen.

J'ai eu envie de lire Jonathan Franzen, parce que j'en ai régulièrement entendu parler comme d'un des jeunes auteurs qui montent de l'autre coté de l'Atlantique. Effectivement, ça mérite d'essayer. The corrections est un roman familial, dans lequel on suit trois enfants largement adultes et leurs parents âgés, avec en toile de fond les préparations pour un dernier vrai Noël en famille (avant le déménagement des parents, mais pas que). Comme dans toute famille, les relations sont compliquées, et les vies des différents protagonistes aussi, dans des styles très différents. Les grandes parties du roman suivent l'un puis l'autre des personnages plus en profondeur, avec beaucoup de finesse et une attention aux détails et détours des différentes relations et évolutions personnelles. Franzen écrit très bien, non seulement en termes de style, mais aussi en ce qui concerne les personnalités de ses personnages et la manière dont on s'y attache. Chacun a en effet ses difficultés, ses réflexions et son humour, mais aussi une vraie évolution, un scénario par lequel on est très vite accroché et qui se tisse en fonction des autres personnages pour finir par un bien beau Noël. Un très bon roman, très touchant, sur le thème de la famille et des difficultés d'exister en étant soi-même.

Lu. Principe de précaution. De Mathieu Jung.

Je précise tout de suite : il s'agit d'un roman et pas du tout d'un essai concernant le principe de précaution. Et, accessoirement, d'un roman qui parle effectivement de la société actuelle et de ses dérives plus ou moins schizophrènes, mais pas uniquement

137 du principe de précaution, si ce n'est avec une interprétation assez particulière (et amusante, qui justifie le titre du roman sans forcément en donner une idée juste ceci étant). On suit en fait la vie et les interrogations, angoisses et difficultés quotidiennes d'un cadre financier, père de famille parisien. Et ce n'est pas complètement joyeux, puisqu'il s'angoisse beaucoup d'un peu tout, et particulièrement de la bêtise d'un de ses collègues de travail, gros lourd expansif et faussement amical. La tension monte, et s'ajoute le fait qu'il n'arrive plus à communiquer avec son fils adolescent, et pas tellement avec sa femme non plus. Bref, une vie quotidienne déprimante principalement par sa normalité, racontée de prêt et de manière prenante. Parce que oui, je me suis vraiment laissé prendre : c'est bien écrit, fin et stressant, et, bonne nouvelle, ça va quelque part, avec une vraie fin, acide et cruelle, comme l'ensemble du roman.

Mai 2011

● Lu. Le choeur des femmes. De Martin Winckler.

138 J'avais beaucoup aimé les premiers romans de Martin Winckler, en particulier la maladie de Sachs (dont le film vaut aussi largement le déplacement), mais j'avais moins accroché à ses oeuvres plus récentes. Ceci étant, le choeur des femmes m'a tenté, et grand bien m'en fit. En effet, c'est un roman qui m'a énormément touché et dans lequel je me suis complètement absorbé. On y retrouve très directement les thèmes chers à Winckler puisqu'on suit une étudiante de médecine, brillante chirurgienne en devenir, forcée de faire un stage au sein d'une unité de médecine des femmes à la réputation a priori pas très reluisante. Du point de vue d'une future élite du système de formation médical français tout au moins. Le fait est qu'elle y découvrira beaucoup, humainement et médicalement. C'est donc un roman à la fois extrêmement touchant et une mine de renseignements, découvertes et indignations autour de ce que la médecine impose aux femmes, notamment en termes de sexualité et de contraception, et, puisque c'est un des thèmes spécifiques de ce roman, aux nourrissons intersexués et aux personnes intersexuées en général. Il y a un talent certain, voire un génie, de la part de Winckler à marier ainsi un vrai roman émouvant et un pamphlet militant contre les dérives de la médecine, en particulier quand elle se propose de dicter aux patients leur sexualité et même leur sexe. De fait, ce n'est donc pas un roman reposant, mais c'est un roman marquant à plus d'un titre, et qui mérite de circuler et d'être mis en avant bien plus qu'il ne l'est. Le thème ayant peu de chances de ne pas vous toucher, je vous le recommande donc très très vivement.

Juin 2011

Lu. La solitude des nombres premiers. De Paolo Giordano.

La solitude des nombres premiers est un premier roman, certes, mais très réussi et très maitrisé, et qui trahit assez nettement les origines de son auteur, qui prépare son doctorat en physique théorique. Non que ça parle directement de thématiques scientifiques, mais ça parle d'inadaptation sociale, de décalage et de solitude. Pas seulement en rapport avec des personnages scientifiques, puisque ce n'est le cas que d'un des personnages principaux, mais de manière plus générale. Le propos est d'ailleurs relativement fin et touchant, avec des personnages certes assez typés, mais

139 pas non plus caricaturaux au point que je puisse trouver ça gênant. Et de toutes façons, il s'agit de parler de profils marginaux. La structure du récit est pour le coup plus risquée, mais à mon sens efficace et bien gérée, puisqu'on fait de grands sauts d'époque en époque, et la fin a le mérite de ne pas être inutilement niaise ou kitsch. Je ne dirais pas que c'est un roman exceptionnel mais c'est une vraie réussite malgré tout, prenant et réussissant à traiter son sujet avec finesse.

Juillet 2011

Lu. Black Hills, de Dan Simmons.

Autant Dan Simmons est un auteur d'horreur et de SF remarqué et remarquable, autant c'est quand il s'aventure à d'autres cadres que j'apprécie le plus son écriture. Et ici, si le pitch semble avoir des échos fantastiques, ça reste en fait une couleur annexe de l'histoire qu'il raconte. Le pitch étant : Paha Sapa, jeune indien, est présent à Little Big Horn pour la mort de Custer et le fantôme de ce dernier va se réfugier en lui et lui parler. Au final, si on suit bien la vie de Paha Sapa, ce n'est pas vraiment cette histoire de fantômes, mais bien le personnage et sa vie qui passionnent. De son enfance dans une tribu sioux, aux péripéties dues aux guerres indiennes, en passant par l'exposition universelle et en finissant à la construction des têtes géantes du Mont Rushmore, il y a énormément de contenu historique et culturel, mais amené dans le fil d'une histoire touchante et riche. C'est là notamment que je suis admiratif de Dan Simmons, dans sa capacité à lier un contenu très documenté présenté de manière fluide, et un personnage fort et touchant, dont on se préoccupe pleinement, et dont le parcours à aussi un vrai sens en termes de parcours personnel. Je me suis donc autant passionné pour le devenir de Paha Sapa et de son fantôme, que pour la culture sioux et les enjeux et tristesses des guerres indiennes et de la construction des Etats- Unis. C'est donc un gros roman, plein de choses variées et avec une vraie histoire, que j'ai largement apprécié et qui plaira probablement à ceux que ces cultures et thèmes intéressent.

140 Lu. Le déchronologue, de Stéphane Beauverger.

Stéphane Beauverger est un auteur français, classé en SF (ce qui est discutable dans le cadre de ce roman spécifiquement, mais ça reste cohérent), que je ne connaissais pas mais que j'ai pris plaisir à découvrir à travers ce roman baroque rempli de pirates, de caraïbes et de bateaux à voile. On y suit les aventures d'un capitaine corsaire, français et protestant nommé Henri Villon, dans les Caraïbes, à une époque qui, si elle est bien celle de l'age d'or de la flibuste, est floue. En effet, il ne s'agit pas d'un roman historique, mais d'une uchronie, ou, pour être plus précis, d'un passé dans lequel le temps déconne à pleins tubes. Pour des raisons que l'on découvrira progressivement, le temps se délite, des flottes du passé, puis du futur, font leur apparition sur les eaux caribéennes et on en vient à se demander si il va être possible de remettre tout ça en ordre ou tout au moins de finir avec un monde encore debout. L'ensemble est structuré en chapitres aux dates fluctuantes et pas forcément consécutives, mais une histoire se construit néanmoins de manière efficace et plutôt agréable à suivre, ménageant de vrais suspenses (auxquelles les réponses sont parfois amenées de manière bien plus tardives qu'on ne pense). Certains seront peut-être rebutés par cette non-chronologie, mais je m'y suis fait, à me laisser porter par les fragments d'une histoire qui se constitue progressivement. Les personnages sont intéressants même si, mis à part le personnage principal, ils sont traités rapidement alors que certains donnent envie d'en connaître plus. Et tout ça se dirige vers une vraie conclusion. C'est un roman sympathique et original, dans un contexte qui m'a bien plu, et qui a notamment le mérite de constituer un vrai tout cohérent, stylistiquement et narrativement.

Lu. The pillars of the earth, de Ken Follet.

Depuis le temps que j'en entends parler, ma soeur a eu la bonne idée de m'offrir les Piliers de la Terre. Et donc, j'ai lu ça en quelques jours, ce qui est toujours bon signe. Il s'agit donc d'un roman historique (encore que, pour être précis, il s'agit d'un roman de fiction dans des lieux majoritairement imaginaires, mais dans un cadre très historique) dans lequel on va suivre un certain nombre de personnages en parallèle, mais tous rattachés de près ou de loin à un monastère et à la cathédrale qui va y être construite. On pourrait parler d'un roman de bâtisseur de cathédrale, si ce n'est que ça ratisse sérieusement plus large, puisqu'on s'intéresse aussi à la politique royale, à la politique de l'Eglise, à la petite noblesse et aux problèmes familiaux et amoureux de

141 pas mal de gens. Et tout ça fonctionne bien, en ce qui me concerne. Certes, la structure n'est pas très originale, puisqu'on va d'obstacles en résolutions sur le chemin de la cathédrale, et, parfois, le retour systématique des méchants qui en veulent aux gentils pauvres et dans la merde est un peu lourd. Disons qu'on finit par se dire qu'ils s'en sortent à chaque fois (ce qui n'est pas complètement vrai pour le coup), et que, du coup, l'accumulation d'emmerdes et de moments glauques m'a parfois semblé moyennement justifiée. Ceci étant, je me suis tout à fait laissé séduire et j'ai vraiment pris plaisir à suivre les personnages et leurs différentes histoires. J'ai apprécié l'ensemble des personnages et le tableau qu'ils brossent de la vie médiévale, et j'ai trouvé particulièrement bienvenus un certain nombre de personnages féminins forts et indépendants. Du coup, je me dis que je jèterais volontiers un oeil à la suite, mais en attendant, je teste la série télé.

Aout 2011

● Lu. Rule 34, de Charles Stross.

Décidément, plus je lis Stross et plus j'apprécie. Je pense aussi qu'il va en s'améliorant. Jusque là, mon préféré était Halting State, et en voilà la suite, qui ne démérite pas, même si l'effet de surprise est pour le coup passé. On retrouve donc certains personnages, mais surtout le cadre futuriste proche et écossais, et le style de narration. En effet, la narration se fait toujours à la seconde personne du singulier, c'est à dire comme un manuel informatique, en s'adressant au lecteur comme s'il était le personnage, et ce en changeant de personnage principal de chapitre en chapitre. Et, comme l'avait prouvé le tome précédent, ça fonctionne. Je dirais même que ça fonctionne extrêmement bien : c'est très prenant et encore plus vif et drôle que du Stross habituel (ce qui est vraiment beaucoup pour le coup). Ne serait-ce que pour ça, je recommande cette série, en fait, même si je ne sais comment un tel style survivra à la traduction... Au-delà du style et de l'agrément de lecture, il y a un vrai scénario, touffu et complexe, d'anticipation informatico-policière et géopolitique, qui est très documenté et malheureusement raisonnablement réaliste pour une grande partie. Bien écrit, plein d'idées inédites, avec un vrai scénario, c'est du Stross et je le recommande à nouveau sans hésiter.

142 Lu. A dance with dragons, de George R. R. Martin.

Me voici donc au bout de ce cinquième tome du Trône de Fer (A song of ice and fire, en VO, ce qui a de plus en plus de sens par ailleurs), avec des sentiments partagés. Il est indiscutable que George Martin sait écrire, construire des personnages et des rebondissements, et la lecture de ce tome en est de fait, comme pour les précédents, agréable et prenante. C'est une lecture dense, cependant, et dont la fluidité est discutable pour les deux premiers tiers. En effet, les deux premiers tiers reprennent la structure du tome précédent : on suit quatre ou cinq personnages seulement, et alternativement. Ce qui fonctionne, certes, mais surtout parce que ce sont des personnages attachants, Tyrion en particulier, mais Jon Snow également (et Daenerys, égale à elle-même), car on peut largement leur reprocher de ne pas avancer des masses. Le dernier tiers rattrape le tome précédent et on retrouve donc tout le monde, et une intrigue qui se remet à avancer un peu. Oui, un peu seulement, et c'est ce qui me frustre le plus au final : on avance un peu sur la fin, mais sans que rien de ne débloque complètement. En fait, tout est en place pour la suite, avec des personnages (re)-construits et (re)-placés dans des situations porteuses, donc il se passera certainement plein de choses. Mais du coup, deux gros tomes juste pour passer d'une situation finale à une situation initiale bien calée mais pas tellement bouleversée, c'est quand même sacrément long à mon goût. Ce qui ne m'empêchera pas de lire la suite dès qu'elle sortira, hein, je suis pas comme ça...

Septembre 2011

Lu. Un homme sans patrie, de Kurt Vonnegut.

Kurt Vonnegut est un auteur important, et un auteur que j'apprécie beaucoup, autant pour son écriture que ce qu'il a à raconter. Il s'agit ici d'un de ces derniers ouvrages, et, plus que d'un livre, d'un journal regroupant différentes réflexions, humeurs et réactions à l'actualité. Certes, c'est assez décousu, il ne faut pas s'attendre à un ouvrage très cohérent ou suivi, mais ça n'empêche pas les différents chapitres d'être chacun à peu près structuré et plutôt bien écrit. Si on le prends donc comme une compilation d'articles, ça fonctionne bien. Le contenu, lui, est intéressant comme du Vonnegut, c'est-à-dire beaucoup, avec toujours cette acuité et cette finesse

143 iconoclaste qu'on trouve en trame de fond de tous ces romans. Certes, ce n'est pas hyper positif, mais ça date de la fin des années Bush, il y a de vraies raisons, mais ça tombe globalement très juste. Le titre donne d'ailleurs une idée de la direction générale. Au-delà de la politique, au sens large, on y trouve également de très beaux passages concernant l'écriture et la littérature. Rien de grandiose donc, ni d'essentiel, mais pour ceux que le personnage intéresse, c'est une vraie entrée dans ses réflexions hors roman et j'ai trouvé ça plaisant (et rapide, car ce n'est pas très long).

Lu. Les vieux de la vieille, de René Fallet.

J'ai eu envie de découvrir René Fallet grâce à l'expo Brassens (car ils étaient potes et leurs discussions sur les livres et les mots font carrément du bien). Grand bien m'en a pris : un bouquiniste haut-alpin en avait un, celui-ci donc. Pour le dire simplement : René Fallet est un écrivain, un vrai, c'est-à-dire qu'il a une maitrise des mots, des phrases, du rythme qu'on ne trouve pas souvent, de celles que n'ont que ceux qui cumulent un vrai talent et un travail de longue haleine. Donc, oui, dès la première phrase, j'ai été accroché par le style seul. Mais il se trouve que, pour le même prix, on a une vraie histoire, avec du fond. Une histoire touchante de vieux qui décident de quitter leur petit village du fond de la campagne de début de siècle pour aller à l'hospice. C'est un road trip donc, à la vitesse du vieil âne, des articulations qui grincent et des engueulades pour tout en pour rien. C'est coloré, parce que ce sont des dialogues, avant tout, et des dialogues de semi-patois de campagne, plein d'expressions amusantes et d'injures surannées. Et, pour bien finir, la fin vaut le coup justement, avec une orientation pas si attendue, et une conclusion réjouissante et touchante. Donc oui, René Fallet, ça vaut le coup, je vais en essayer d'autres.

● Lu. Kraken, de China Miéville.

Je n'avais jamais lu de roman de China Miéville, et pourtant, on m'en avait parlé depuis assez longtemps, en bien, en me disant que c'était un auteur qui avait des idées et des choses à dire. Effectivement, c'est le cas, et assez largement. Ici, il s'agit de fantastique contemporain, avec des sectes bizarres, des magies étranges, tout ça dans un cadre très contemporain, très urbain (londonien pour être précis) et assez sombre. Bref, on est loin du kistch de beaucoup de romans fantastiques, et plus proche de Tim Powers, ou d'Unknown Armies qu'autre chose. En ce qui me concerne, tant mieux, d'autant que Miéville, sur cette base plus si nouvelle, propose une masse

144 d'idées et de personnages assez impressionnante. Et fortes, marquantes, crédibles aussi pas mal donc dérangeantes, mais aussi parfois légères et dans le clin d'oeil (mais ça reste très ponctuel, on est loin de l'ambiance de Charles Stross, même si les références et la densité sont parfois communes). Je ne peux pas dire grand chose du scénario sans en révéler potentiellement trop, mais je dirais simplement que, d'une part, il y a de la matière : bien des auteurs auraient fait cinq romans avec les idées et changements de direction qu'il y a là-dedans, et, d'autre part, le propos final m'a vraiment beaucoup plu même si je ne l'ai pas tellement vu venir. En termes d'écriture, c'est dense, bien foutu et original (oui, c'est cohérent avec le fonds), mais je ne le conseillerais par contre pas à des lecteurs qui ne sont pas franchement à l'aise en anglais, et je ne sais pas dans quelle mesure les traducteurs s'en sortent. Au final, je suis très content de cette première rencontre avec China Miéville, j'ai trouvé un remplaçant à Tim Powers (et avec probablement plus de fonds et de complexité, plus de caractère aussi), et j'en ai déjà des autres en attente du coup (oui, je n'aime pas être pris au dépourvu, si par hasard la bise doit venir).

Octobre 2011

Lu. Freedom, de Jonathan Franzen.

Jonathan Franzen écrit remarquablement bien, et surtout il a une capacité à entrer dans le détail de ses personnages et des traumatismes et héritages familiaux tout à fait remarquable. Et un goût pour la chose, visiblement. Du coup, ses livres sont extrêmement bien tournés et agréables à lire mais toujours grinçants, un peu tristes, et parfois traumatisants tant on touche à des sujets universels mais pas tellement marrants. Comme dans son précédent, The Corrections (qui sera d'ailleurs bientôt adapté en série télé), on suit ici l'histoire d'une famille américaine, sur trois générations, avec ses difficultés, ses heurts et ses douleurs. On entrera tout à tour dans la tête des différents personnages, et tous sont vivants, extrêmement crédibles et touchants, même si ils ne sont pas toujours sympathiques ni heureux. Au-delà de cette trame de base, Franzen explore ici en détail les thèmes de la liberté individuelle et de l'écologie. Ce n'est pas un livre militant, les deux sujets sont abordés en filigrane, à partir de la vie des personnages, mais de manière excessivement

145 intelligente et réfléchie, ce qui amène aussi pas mal à réfléchir. Du coup, c'est aussi un livre qui parle beaucoup de ce que peut être le bonheur et le sens de la vie. Ce n'en est pas pour autant lourd, tant la narration coule et donne envie de suivre les personnages, d'avancer avec eux. Du vraiment bon boulot, de mon point de vue, qui fait de Franzen un auteur à suivre. Accessoirement, celui-ci est sorti en français il n'y a pas très longtemps.

Lu. Agatha H. and the Airship city, de Phil et Kaja Foglio.

Certains connaissent déjà Agatha par le biais des Bds qui racontent déjà ses aventures sous le titre de Girl Genius. Vous pouvez d'ailleurs les lire en ligne ici : http://www.girlgeniusonline.com/comic.php?date=20021104. En très résumé : un monde steampunk baroque, une Europe de révolution industrielle dirigée et mise en miette par des savants fous et leurs créatures idiotes, une héroïne pas nunuche, bien au contraire, des personnages secondaires variés et souvent hilarants et un vrai scénario prévu pour du long terme. Il s'agit donc ici de la même chose, mais sous forme de roman. C'est d'ailleurs le principal reproche qu'on pourra faire à ce livre : c'est la même chose que les premiers tomes de BD. Donc, pas tellement de nouvelles découvertes pour les aficionados, même si le format écrit permet des finesses et des informations supplémentaires (qui approfondissent un peu le contexte, mais ça reste anecdotique). On part du tout début, jusqu'à l'évasion depuis la cité volante de Wulfenbach. Au-delà de cet aspect narratif, c'est bien écrit, rapide et tout aussi plein d'humour et de bonne idées que la version dessinée, donc c'est un plaisir à lire. Pas très long, le plaisir, mais n'empêche, on ne va pas cracher dans la soupe. Au final, on en revient au reproche principal, on a surtout envie d'avoir la suite, pour rattraper la version dessinée et que l'histoire avance, parce que ces passages là sont très bons, mais ils ne font qu'annoncer un scénario à long terme.

146 Novembre 2011

Lu. Snuff, de Terry Pratchett.

Un nouveau Pratchett, ça me fait toujours plaisir. Il s'agit ici d'une nouvelle enquête, spécifiquement de Samuel Vimes, même si le reste de la garde intervient à la marge. A la marge seulement parce que Vimes part, contraint plus que de bon gré, en vacances à la campagne. Une part du plaisir de la chose vient de ce décalage justement : un personnage exclusivement urbain, dans son histoire comme dans sa manière de penser, qui découvre le monde rural (et on est bien dans un contexte de campagne traditionnelle anglaise, malgré le monde fantastique). Une occasion pour Pratchett, une nouvelle fois, de briller dans sa manière de décrire les gens, leurs manières de vivre et de penser. Au-delà de ça, il y a donc une enquête, qui se met en place progressivement, et de manière intéressante. Elle a pour principal intérêt, à mon sens, d'être une métaphore très directe de questions sociales et politiques, notamment en termes de racisme et de discrimination. Sans être révolutionnaire ou incroyablement surprenant, c'est plaisant et réconfortant, dans la tradition, finalement, de nombreux autres tomes du Disque-Monde. J'ai beaucoup apprécié de découvrir certains personnages secondaires, attachants et drôles, en particulier le majordome de Vimes, mais aussi Sybil et le jeune Sam. Bref, des personnages rodés, une écriture qui fonctionne toujours très bien : un bon Disque-Monde de plus, qui ne se distingue pas particulièrement à mon sens, mais enfin, vu le niveau de l'ensemble, c'est déjà très bien.

● Lu. Ink, de Hal Duncan.

Je me dois d'avouer que j'avais commencé Ink dans la foulée de Vellum, et que j'ai fait une très grosse pause au milieu. En effet, on y retrouve ce qui fait tout le sel de Vellum, puisque c'est la suite (et fin), mais j'ai un peu saturé. Hal Duncan écrit très bien, et il a plein de très bonnes idées, de personnes attachants, de références mythologiques et historiques variées, mais l'aspect déstructuré de la chose, sur la longueur, peut lasser. Le fait d'être à moitié perdu dans les différents développements fracturés, redites et erratas des différents chapitres, même si on sent que ça va quelque part, m'a donné envie de mettre ça de coté un moment avant

147 de retrouver l'envie de m'y perdre à nouveau. Car, comme Vellum, c'est un livre dans lequel on se perds, en se raccrochant là où on peut (et il y a de quoi faire, tant les références et recoupements des différentes trames, mondes et personnages sont nombreux). Un livre passablement chaotique, donc, mais toujours fascinant. Je me demande en fait si ça n'aurait pas été plus efficace en condensant un peu, ou en donnant un peu plus de repères au lecteur. Peut-être sinon qu'en le relisant... Bref, c'est une expérience de lecture que je recommande, si vous avez accroché au premier, parce qu'au moins on arrive à une vraie fin et que l'ensemble a effectivement une cohérence (ce dont on ne doute pas en le lisant, mais ça fait plaisir d'avoir une confirmation) et que, de toutes façons, c'est très bien écrit, avec des personnages vraiment enthousiasmants. Maintenant, ne vous y lancez pas pour une lecture reposante et facile, vous seriez vite déçus, et sans doute passablement perdus.

● Lu. The city and the city, de China Miéville.

China Miéville est vraiment un auteur étrange, et c'est un vrai compliment. Il propose ici, sur une trame d'enquête policière, la découverte d'un monde étrange, niché dans le monde réel : deux villes superposées aux règles étranges. Il y a une dimension fantastique, mais elle ne constitue pas l'argument central de l'histoire, elle ne sert finalement qu'à permettre un environnement étrange dans lequel on va surtout parler de frontières, de séparation entre les gens, les cultures et les histoires. Le thème et l'ambiance évoquent incontournablement Kafka, voire Philip K. Dick, dans la manière d'utiliser une excuse fantastique pour aborder l'altérité, l'étrangeté et l'étranger, particulièrement quand il est physiquement proche. Exercice réussi à mon sens, et intriguant. Au-delà de ce thème, qui est tout de même très central, on suit une enquête policière, avec ses rebondissements, ses personnages un peu attendus mais bien amenés et sa résolution. L'ensemble est bien construit et on découvre progressivement les bizarreries de cet environnement, avec leurs échos dans le monde réel, et on se laisse prendre au jeu de miroir de cette double-cité improbable. Le résultat est assez inclassable, mais fonctionne bien en ce qui me concerne.

Lu. Louvre secret et insolite, de Daniel Soulié.

Pour le dire rapidement, j'ai été assez déçu par ce petit guide. Sans doute en attendais-je trop, mais son titre et sa présentation promettent de l'insolite, des

148 anecdotes secrètes et inattendues, bref, annonce des surprises et du dépaysement. Or : pas tellement. Certes, ce n'est pas un guide visite linéaire du Louvre. Certes, on peut faire infiniment plus classique. N'empêche, il s'agit plus d'une visite des collections que d'une plongée dans les anecdotes et l'insolite. Enfin, j'imagine que c'est une question de point de vue. Pour un conservateur spécialisé en histoire de l'art, ce guide est sans doute terriblement insolite et iconoclaste, par les libertés qu'il se permet, à savoir : ne pas se limiter aux chefs d'œuvre les plus célèbres et reconnus. Maintenant, il présente tout de même, classés selon les différentes ailes du Louvre, des œuvres majeures, chacune avec une notice d'une page retraçant soit son parcours, soit ses origines, soit des anecdotes concernant sa découverte ou redécouverte. Alors, certes, ce n'est pas inintéressant, mais ça aurait pu s'appeler : guide pas trop chiant et traditionnel des collections du Louvre, j'aurais trouvé ça plus juste.

Décembre 2011

Lu. Drood. De Dan Simmons.

Dan Simmons écrit toujours aussi bien. On sent qu'il maîtrise parfaitement ce qu'il fait. Comme il s'agit ici d'une histoire se déroulant dans l'Angleterre de la fin du dix- neuvième siècle, et narrée par un auteur de l'époque, son style s'y adapte. Avec talent donc, même si on peut ne pas être non plus complètement séduit par ce type d'écriture. Dans mon cas, en termes d'écriture, non seulement ça fonctionne, mais je suis également assez impressionné. Au-delà de cet aspect de forme, cependant, je ne suis pas complètement emballé par le scénario lui-même. Le narrateur est Wilkie Collins, auteur célèbre à l'époque et proche de Dickens, opiomane, menant une vie dissolue (pour l'époque, hein), jaloux (de Dickens surtout) et complexe. C'est par son récit qu'on va suivre Dickens pendant ses dernières années, et un personnage fantastique, incarnation du mal (ou pas) qui fascine et terrifie le narrateur, entre autre. Maintenant, il ne s'agit pas réellement d'une histoire fantastique : le propos concerne plutôt l'obsession des deux auteurs pour ce personnage, leurs relations, et une peinture de leurs parcours et de la société anglaise de l'époque. Tout cela est mené avec talent, et l'ambiance est prenante et riche de détails et de moments tour à

149 tour poignants et amusants. Mais, si la fin est astucieuse et bien amenée, elle m'a quand même laissé une impression mitigée. Ce qui est une partie du propos finalement, et qui est tout à fait justifié, mais après un volume aussi important, quand même, je reste un peu sur ma faim. Maintenant, si vous vous intéressez à Dickens en particulier et à son époque en général, vous trouverez dans ce livre très largement de quoi vous satisfaire. Si par contre, ce genre de thématiques ne vous accroche a priori pas plus que ça, vous resterez probablement un peu sur votre faim, voire vous vous sentirez un peu floués. Donc au final, c'est un très beau livre, bien écrit, bien construit, mais qu'il ne faut pas prendre pour un roman fantastique ou un roman à suspens, mais bien comme un roman historique concernant Dickens et ses dernières années.

Pas complètement lu. Mr. De Emma Becker.

Il est assez rare que je ne finisse pas un livre, mais depuis le temps que celui-ci traine sur mon étagère, avec un marque-page au tiers, et que je n'arrive pas à m'y remettre, je me suis décidé à en faire le deuil. Mr est donc un roman qui a eu pas mal de presse lors de sa sortie, notamment du fait que l'auteure est jeune et qu'elle parle de sexe. Et qu'elle écrit bien, aussi, ce que pour le coup, je ne peux que reconnaître. On a présenté le livre comme le pendant de Lolita, la même chose mais vu du coté de la jeune fille. Ce qui n'est pas faux, au final, puisqu'effectivement, il s'agit d'une histoire d'amour, et de sexe, entre une jeune fille et un homme plus âgé. Maintenant, au-delà du fait que, même si elle écrit bien, je trouve assez exagéré de la comparer à Nabokov (il y a de la marge, quand même), c'est un point de vue que j'ai trouvé assez vite inintéressant. De fait, les états d'âme et les pâmoisons d'une jeune parisienne trop amoureuse d'un homme âgé et découvrant le sexe dans une relation déséquilibrée et complexe, ce n'est pas vraiment quelque chose qui me parle. J'imagine qu'en moi, la jeune parisienne faussement dévergondée et se voulant provocatrice n'a jamais existé ou bien est morte d'anémie depuis un petit moment. Bref, sans m'attarder plus, c'est un roman certes bien écrit, sur un sujet que certains pourront apprécier, mais qui n'est pas un chef d'œuvre qui convaincra tout le monde, et particulièrement pas ceux que ce type de personnage laisse indifférent (ou irrite, ce qui est possible aussi).

150 Janvier 2012

Lu. Elantris, de Brandon Sanderson.

Il faut vraiment qu'on me conseille un livre de fantasy de manière convaincante pour que je m'y remette. Ce fut le cas pour ce roman de Brandon Sanderson et je ne le regrette absolument pas. En effet, Sanderson écrit bien. Très bien. Et il ne fait pas de la fantasy classique, au point qu'on pourrait discuter du fait que c'en soit vraiment. Effectivement, l'intrigue est d'abord centrée sur un lieu, de plus énigmatique, la cote d'Elantris, anciennement demeure d'êtres supérieurs et devenue depuis une cité maudite peuplée d'humains condamnés par une maladie/malédiction spécifique. Mais elle est encore plus centrée sur des personnages riches, attachants et originaux. C'est une des forces de cet auteur, par ailleurs, que de construire des personnages marquants. Et, en particulier, des personnages féminins qui ne soient pas des greluches décoratives de second plan, mais bien des personnes intelligentes, complexes et capables d'avoir un impact majeur sur le monde qui les entoure. Et je trouve que ça fait particulièrement plaisir. L'intrigue de fond est, qui plus est, solide et tout à fait adaptée à un bouclage en un tome, avec de vraies révélations, mais qui reste logiques et partiellement anticipables. C'est un roman qui vous tiendra en haleine, et qui plaira aussi bien aux amateurs de fantasy qu'à ceux qui trouvent ça habituellement répétitifs et dépourvu d'imagination.

● Lu. The way of kings (The stormlight archive, tome 1), de Brandon Sanderson.

Elantris m'a tellement lu que j'ai plongé tout de suite dans un second roman du même auteur, pour voir si il tenait le même niveau. Et la réponse est non : c'est mieux. Bon, l'aspect frustrant est que c'est seulement le premier tome (en deux bouquins en poche) d'une série qui sera sans doute longue. Et que donc, après avoir avalé celui-ci très très vite, je vais devoir attendre pour la suite. Mais j'attendrais, et je ne pense pas avoir tout oublié d'ici là tant ce début de saga m'a absorbé et marqué. Je dirais même que ça fait longtemps que je n'avais pas été aussi pris par un roman. Il serait long et compliqué d'essayer d'expliquer le monde de Stormlight tant il est riche et plein d'idées originales et variées. Et pourtant, l'impression donnée est, derrière de

151 très nombreux mystères, d'un monde riche et cohérent dans lequel, au fil qu'on découvre, tout s'imbrique de manière très convaincante. Maintenant, si le monde est riche et prenant, dans un style grande saga fantastique, ce sont finalement les personnages qui marquent. Parce que oui, là encore, Sanderson impressionne. Les personnages sont complexes, très attachants (au point que même les nombreux flashbacks de leurs origines sont plus que bienvenus) et variés (personnages féminins compris, qui, même dans un monde qui joue sur les stéréotypes médiévaux occidentaux (en les décalant beaucoup ceci dit) trouvent des places cruciales et passionnantes). Au fil du livre, le suspense monte, et monte, et monte, pour un final sur les chapeaux de roue (je n'ai pas pu lâcher le bouquin et j'ai fini d'une traite) qui boucle de manière très satisfaisante tout en ouvrant sur une suite que je suis très impatient de lire.

Lu. Mistborn trilogy. De Brandon Sanderson.

Je continue ma découverte de Brandon Sanderson avec sa seule œuvre de grande ampleur actuellement terminée. Mistborn est une trilogie médiévale-fantastique, à peu de choses près, dans laquelle, partant d'un monde de merde dans lequel on réalise vite que lors de l'affrontement millénaire entre le bien et le mal, le mal a gagné, même si l'empereur immortel régnant depuis mille ans prétend le contraire. Sur cette base, on suit un groupe de roublards astucieux et plein d'humours qui se lancent dans un plan visant à mettre à bas l'empire. Ce qui pourrait sembler très manichéen l'est au fil du récit de moins en moins. Je vais éviter de spoiler mais le principal point fort de cette série est à mon sens justement ses revirements de scénario, bien montés et solides. Ce qui permet notamment de faire trois tomes solides et variés, et non une intrigue étalée sur trois tomes indistincts. Comme toujours chez Sanderson, les personnages sont fouillés et attachants, personnages féminins inclus. On retrouve également des formes de magie/pouvoir avec une base très cohérente et permettant des découvertes progressives très agréables. Sans être complètement révolutionnaire, c'est une série qui prend à contrepied bien des clichés et attentes de ce type d'univers, et qui est très agréable à lire. On pourra trouver des longueurs, mais je trouve qu'au final elles se justifient en ce sens qu'elles permettent d'approfondir les personnages, et de les confronter ensuite de manière crédible et prenante à de nombreuses questions de fonds importantes. Si ce n'est au final pas mon livre préféré de cet auteur, ça reste du très bon boulot que je conseille volontiers aux amateurs de med-fan qui veulent une série originale et un peu épaisse.

152 Février 2012

● Lu. Dresden Files, tomes 1 à 7. De Jim Butcher.

Harry Dresden est un magicien. Un vrai, aujourd'hui, à Chicago, où il a ouvert une agence de détective privé. Ce qui, d'une part, ne lui vaut pas l'amitié du monde surnaturel, qui préfère le secret, ni, d'autre part, le respect du reste du monde qui le prends pour un imposteur. Tout ça ne l'empêche pas de se retrouver rapidement confronté à des affaires policièro-surnaturelles des plus variées et cataclysmiques. En fait, chaque tome correspond à une vraie intrigue, un scénario regroupant éventuellement plusieurs trames/enquêtes parallèles, mais qui se boucle strictement à la fin du bouquin. Malgré ça, il y a une vraie continuité et une évolution importante de Dresden et de ses proches, et donc un scénario de fond à la série, qui va visiblement quelque part à terme, ce qui je trouve particulièrement bienvenu (même si ce n'est pas pour tout de suite la fin) tant les séries infinies me fatiguent un peu. Dans ce cadre-là, on suit donc Harry Dresden qui raconte ses aventures à la première personne, avec pas mal de tchatche et d'humour, dans un style détective privé grognon à l'humour acide et aux références geek plus qu'un style magicien mystique. Ce qui donne donc un ton léger et un rythme réjouissant. Autre point fort : le rythme. Effectivement, les emmerdes pleuvent, les intrigues s'enchaînent sans pause et il est difficile de poser un tome une fois qu'on l'a entamé. Ajoutez à tout ça un monde riche, plein de personnages secondaires sympathiques, d'idées recyclant de manière

153 intéressante tous les classiques du fantastique contemporain, et vous obtenez un cocktail des plus efficaces. Honnêtement, dans cette filière de fantastique contemporain, c'est d'une qualité remarquable, avec beaucoup de rythme et d'humour, et, sur les sept premiers tomes en tout cas, ça ne faiblit pas.

● Lu. Juste après dresseuse d'ours. De Jaddo.

Jaddo est une jeune médecin généraliste, avec des couettes, et elle tient un blog dans lequel elle raconte ses difficultés, ses amusements, ses irritations, ses doutes, et tout ce genre de choses qui font la vie d'un médecin, en tout cas d'un médecin qui travaille avec et pour des êtres humains et qui se considère aussi comme tel. Bref, dans la ligne de Martin Winckler, par exemple, qui d'ailleurs préface ce bouquin, pas par hasard du tout. Oui, pour le dire rapidement, Jaddo, c'est un peu Winckler, mais en fille, en plus drôle souvent, et avec des couettes (et fan de MMO plutôt que de séries américaines). Donc autant vous dire que j'aime vraiment bien. Cette compilation est constituée de chapitres plus ou moins petits, couvrant à chaque fois un thème ou une anecdote. C'est alternativement drôle, désespérant, touchant à en pleurer et énervant à mettre des claques, et bien souvent tout ça à la fois. Si vous voulez vous faire une petite idée, vous pouvez aller voir sur son blog pour commencer : www.jaddo.fr. Que dire de plus si ce n'est que ça se dévore, parce qu'en plus c'est bien écrit, et qu'on en ressort touché, de diverses manières. Si donc vous avez envie d'une plongée dans le versant très humain de la médecine, en plus rapide et drôle que Winckler, vous avez Jaddo.

Mars 2012

● Lu. Harry Dresden tomes 8 à 12, de Jim Butcher.

La suite des aventures d'Harry Dresden, magicien et détective privé à Chicago donc. Etant donné le rythme auquel je me les suis enfilés, vous comprendrez que j'ai trouvé ça pour le moins prenant. Mais ce n'est pas que de mon fait, soyons honnêtes. Butcher est en effet particulièrement doué pour maintenir un rythme palpitant et ininterrompu sur chacun de ses bouquins. En particulier, il a cette capacité, très

154 travaillée, de finir chaque chapitre sur un cliffhanger. Pas toujours un gros, hein, mais au moins une amorce de dialogue, une question, un quelque chose qui fait qu'on se dit que bon, on peut pas s'arrêter là et qu'il faut au moins entamer le chapitre suivant. Du coup, on ne s'arrête qu'avec difficulté. Mais c'est bon. Et dans chacun de ces tomes, on retrouve la formule gagnante d'une enquête/problème, qui se boucle certes, mais qui, et ce de plus en plus, alimente la trame de fond. Je dirais même qu'on quitte progressivement la formule détective pour passer à la formule grande saga autour des bouleversements du monde magique et des secrets du personnage principal. Et tant mieux, parce que les personnages sont attachants et que c'est d'autant plus plaisant que tout ça tourne de plus en plus autour d'eux. Sans empêcher de garder une intrigue complète à chaque tome. Le monde évolue donc, et les personnages aussi. Beaucoup même, à certains moments, ce qui fait d'ailleurs du tome 12 un bon endroit pour faire une pause. Il ne s'intitule pas Changes pour rien, c'est moi qui vous le dit. Maintenant, ce sont des changements que je trouve bien amenés, et qui évite à la série de s'endormir. Qui plus est, les tomes étant séparés par une année ou plus, les évolutions sont cohérentes, pour les personnages comme pour le monde. Bref, c'est toujours du bon boulot, toujours très prenant, qui donne très envie de continuer à suivre tout ça dans les années à venir. Vraiment une série de référence dans le domaine du fantastique contemporain, et qui tient la longueur, ce qui est assez rare pour être une nouvelle fois souligné.

Lu. Chronique du règne de Nicolas Ier, de Patrick Rambaud.

Patrick Rambaud sait écrire, et c'est une bonne part de l'intérêt de cette petite compilation couvrant la première année, donc, de celui qui est encore à ce jour, notre président à nous. Car, oui, il y a un gros travail de style : si le fond est une chronique des grands événements politiques (français) de cette année-là, centrée sur le personnage sus-nommé, la forme est celle d'une chronique pompeuse et irrévérencieuse calquée sur celles des grandes époques impériales. Oui, la couverture est raccord : c'est la vie de la cour qui nous est rapportée, avec le langage afférent. Et, comme je disais, c'est fait avec talent : fluide, léger (alors qu'on aurait put craindre une lourdeur dans une telle direction stylistique, mais non) et drôle. Parce que oui, si le fond ne donne globalement pas envie de rire, ou alors très jaune, la forme si. Les différents personnages de la cour sont affublés pour la plupart de noms à particules et de titre nobiliaires, et les formules ampoulées sont variées et souvent amusantes à elles seules. Et, comment dire... ça colle quand même remarquablement au fond de ce qui est décrit. On ne peut pas dire que ce soit un exercice de style gratuit, non,

155 c'est un ton et des références qui correspondent parfaitement aux tribulations et exactions du principal impétrant et de son entourage. Ceci étant, au-delà d'une valeur de distraction fort bien ouvragée, et qui a certainement un public de fans potentiels, je pense qu'il a, pour ce qui est du commentaire politique, comme de la distraction stylistique, des ouvrages qui me motiveront plus. Donc, oui, c'est bien, vraiment, mais je ne me lancerais pas dans la suite.

Avril 2012

Lu. The Eyre Affair, Lost in a good book et The Well of Lost plots, de Jasper Fforde.

Attention, livres étranges ! Ces trois romans sont le début d'une série partageant une héroîne commune : Thursday Next. Oui, Jeudi Prochain. Mais son père est agent secret du gouvernement britannique, à la section voyage temporel. Bon, il a été éradiqué avant sa naissance suite à des désagréments avec ses supérieurs. Mais il rend encore visite régulièrement, en arrêtant le temps, à Thursday. Qui travaille aussi pour les services secrets, mais dans la section crimes littéraires. Car, oui, ce n'est pas tout à fait notre monde. Disons qu'il y ressemble, mais avec quelques changements importants, qui contribuent à la bizarrerie et à l'originalité de l'ensemble. Un peu. Parce que question originalité et bizarrerie, ce n'est que le début. Thursday va passer dans les livres et y régler certains problèmes. Ce qui permettra de découvrir ce que font les personnages de roman hors des scènes écrites, entre autres choses merveilleuses. Je vous ai dit que Thursday avait un dodo comme animal de compagnie, et un inventeur fou dans sa famille ? Bref, ça foisonne de références et d'idées foutraques toutes plus amusantes les unes que les autres. C'est inventif, surprenant, et irrésistible pour tout amoureux des livres. Je ne nierais pas que, de livre en livre, on perd on peut de l'émerveillement de la découverte, mais ça reste vraiment très bon, tant qu'on est prêt à se laisser surprendre et balader dans tous les sens.

156 ● Lu. Side Jobs, de Jim Butcher.

Oui, en attendant la suite de la vraie série en poche, avec un suspense je vous raconte même pas, je me suis envoyé le recueil de nouvelles des Dresden Files. Et c'est très bien. Je vous dis ça alors que d'habitude, moi, les nouvelles, hein... Bon, l'attachement aux personnages fait beaucoup, c'est certain, mais pas seulement. Car si sur le fond des histoires, on retrouve le cocktail classique de Dresden : enquête, histoires personnelles et gros affrontement final avec des créatures surnaturelles, ce qui n'est déjà pas désagréable, s'y ajoute un élément qui pour moi a été des plus appréciables : le changement de perspective. Ce n'est pas systématique, mais certaines nouvelles ne sont pas écrites du point de vue d'Harry Dresden. Et ça change pas mal de choses. Certes, ça permet de découvrir de l'intérieur d'autres personnages, mais surtout, ça permet de découvrir Harry lui-même de l'extérieur, par le regard de ceux qui l'entourent. Et, oui, c'est assez différent et ça replace un certain nombre de choses. Comme, en plus, ce sont des personnages proches, Thomas et Murphy, leurs liens en sont aussi renforcés. Quant à la dernière, et la plus longue des nouvelles, elle se déroule après Changes, ses changements et son cliffhanger, et ça le fait bien bien. Je dirais même que, idéalement, ce recueil est à lire à ce moment-là.

Lu. Cyberabad days, de Ian McDonald.

M'a pris récemment une envie de replonger un peu dans les oeuvres de Ian McDonald, que j'avais beaucoup apprécié avec River of Gods et Brasyl. Donc, recueil de nouvelles se déroulant dans l'Inde de River of Gods, en même temps, voire après le roman en question. Bon, à choisir, hein, lisez le roman d'abord, quand même, mais ensuite, c'est un recueil qui vaut le coup. On y retrouve le talent remarquable de McDonald pour peindre une Inde futuriste terriblement crédible dans son mélange de traditions et de bonds en avant. Ce n'est toujours pas du cyber occidental, et tant mieux. Les nouvelles sont variées, autant en termes de thèmes que d'intérêt. On retrouve dans la plupart un humour qui, sans être omniprésent, n'est jamais très loin non plus. Et Ian McDonald en profite donc pour explorer des thèmes et personnages plus spécifiques : la course aux jeunes femmes dans une société où la sélection génétique a donné naissance à une génération de 80% de garçons dans la haute société, la guerre robotique vue de la rue, la guerre des grandes familles pour le contrôle de l'eau, une histoire d'amour entre une femme et une IA de soap-opera et,

157 surtout : Vishnu at the Cat Circus. Je dis surtout parce que c'est celle qui sort du lot, à mon sens, tant il s'agit plus d'une longue postface, sous forme de vrai récit prenant et touchant, à River of Gods. Bref, de bonnes choses pour ceux qui ont apprécié River of Gods.

Lu. Better than sex, de Hunter S. Thompson.

Comme La chasse au grand requin blanc le faisait pour l'élection de Nixon, Better than Sex est le récit de la campagne américaine de 92, qui vit l'élection de Clinton, par les yeux de Thompson. Et Thompson la suivit, en partie contre son gré, en participant, comme il le fit toujours. Bon, soyons honnêtes, c'est pas mal bordélique et décousu. Plus que d'habitude avec Thompson, j'entends. Au point de n'en être pas très facile à suivre. Vous êtes prévenu, si vous voulez quelque chose de structuré et qui se lit de manière un peu suivi, c'est pas le bon endroit. On alterne vrais textes, faxs hallucinés, collages et remarques en vrac. Maintenant, ce n'est pas dépourvu d'intérêt si on supporte la forme. D'une part parce que la forme elle-même raconte justement ce déroulement de campagne chaotique et décousu, en brosse par sa forme même un tableau qui a du sens. Et d'autre part parce qu'au milieu de ce bordel jaillissent des éclairs remarquables de lucidité, des clés de lecture de la politique et de ses acteurs, au delà de cette campagne même, qui méritent à eux seuls la lecture. La description des grands acteurs des campagnes électorales comme des junkies en manque est par exemple extrêmement convaincante et donne un éclairage tout autre à toute campagne électorale. Bref, c'est du Thompson, toujours aussi brillant mais pas mal plus bordélique que dans d'autres de ses écrits.

Mai 2012

Lu. The Dervish House. De Ian McDonald.

Je vous avais déjà parlé de Ian McDonald, qui mêle avec talent de l'anticipation et des cultures non-occidentales. Après l'intelligence artificielle et l'Inde, puis les ordinateurs quantiques et le Brésil, nous voici donc face à Istanbul et aux nanotechnologies. En 2037 donc, c'est-à-dire pas bien loin. Et une fois de plus, c'est du bon boulot puisqu'on plonge dans l'histoire, les mythes et la culture turque (enfin, stambouliote,

158 pour être précis, et ce n'est effectivement pas exactement la même chose), tout en touchant aussi aux perspectives de développement des nanotechnologies pour amplifier le fonctionnement cérébral humain et aux logiques financières à grande échelle. Et tout cela est tissé en une grande fresque dense et efficace. Oui, dense, et c'est finalement le seul vrai reproche qu'on pourrait faire à Ian McDonald : il écrit de manière assez compacte, et avec beaucoup de contenu, ce qui fait que ce n'est pas une lecture très rapide ni complètement de détente sans réfléchir. Ce qui n'est pas forcément un problème, au contraire, mais autant être prévenu, ce n'est pas à usage vidage de cerveau. Au-delà de ça, j'ai particulièrement apprécié le portrait d'Istanbul, qui est d'une certaine manière le personnage principal, qui est complexe, vivant et plein de références et de moments de vie quotidienne. Ce qui n'empêche pas que les personnages autres, et officiels, soient travaillés, touchants et variés, puisqu'on en suit cinq ou six en parallèle, qui finissent par se rejoindre plus ou moins. Oui, plus ou moins..; mais je ne veux rien révéler de la fin, qui, bien que n'étant pas vraiment ce que j'attendais, m'a beaucoup plu quand même. Un bon roman donc, à ajouter à ses prédécesseurs, et, si Istanbul vous parle plus que l'Inde ou le Brésil, vous pouvez tout à fait commencer par celui-ci.

Lu. Zones humides. De Charlotte Roche.

Zones humides est un livre étrange et intriguant. Parfois classé, à tort en ce qui me concerne, dans la littérature érotique, il n'appartient à mon sens à aucun genre aussi défini. Certes, il parle du corps, féminin en particulier, et du rapport à la dimension biologique. Aux humeurs, si je peux me permettre de médiévaliser un instant, au sang, aux sécrétions, à tout ce qui est normalement du domaine du sale et du tabou. Toute cette dimension rejetée par l'hygiénisme, qui enseigne un certain dégoût du corps et du biologique. Et ce sont ces dimensions biologiques par quoi la narratrice, jeune fille un peu barrée (mais pas tant), est au sens premier du terme fascinée. Avec une écriture vive et directe, Charlotte Roche explore donc le rapport au corps et au sexe dans ce qu'ils ont de plus directement biologique et sale. Et sans être dans la forme une réflexion sur ces questions, c'est tout de même bien de ça que ça parle et sur cette dimension que ça interroge. Je ne peux pas dire que ce soit forcément une lecture agréable ou relaxante, mais c'est un livre intriguant et fort par son étrangeté et les thèmes universels qu'il aborde. C'est cru, et ça peut être dérangeant dans la forme, mais dans le fond, c'est finalement éclairant et féministe dans la réappropriation du corps et de ses différentes dimensions.

159 Lu. Charly 9. De Jean Teulé.

Bon, Jean Teulé n'a pas une écriture tellement intéressante, et je ne pense surprendre personne en disant cela. L'intérêt de ses livres tient en général uniquement au personnage choisi, comme ce fut le cas avec le Montespan ou Villon. Alors, quand le personnage choisi n'a pas beaucoup d'intérêt et est traité de manière très superficielle et répétitive, ça donne un roman franchement décevant. Comme le titre l'indique, ici, il s'agit de Charles IX, roi de France responsable du massacre de la St Barthélémy. Qui, partant d'une personnalité déjà faiblarde (en même temps, faut voir sa mère...), en devient fou, strictement, et ne tient plus du tout la route. Or donc, sur un peu plus de 200 pages, c'est ce que va raconter Teulé. Charles IX partant en sucette, méprisé par sa mère, se réfugiant chez sa maîtresse et partant en sucette de plus belle. Deux cent pages un peu plates sur un roi de France qui meurt donc doucement en se décomposant. D'une part, ce n'est pas très réjouissant, d'autre part, c'est vite franchement plat. Ce que Teulé essaie sans doute de dynamiser en insérant quelques expressions et formules modernes, mais sans succès à mon sens, puisque ça tombe, au mieux, à plat, et au pire ça perturbe une lecture qui n'avait pas besoin de ça. Bref, si vous voulez mon avis : évitez Charly 9, il y a tant de choses plus intéressantes à lire, même si vous voulez lire du Jean Teulé.

Lu. Sexe, cuisine et (in)dépendance. De Françoise Simpère.

J'aime plutôt bien Françoise Simpère, quand à sa personne et ce qu'elle raconte en général. Quant à ce qu'elle écrit, par contre, je suis moins convaincu. Voire, et c'est le cas de ce court roman vaguement érotique, je peux trouver ça boboïsant et assez mal écrit. En effet, on va suivre une journaliste, parisienne (très parisienne en fait), qui se lance dans une série de reportages autour du monde après avoir convaincu son nouveau directeur en le chauffant. Et donc, elle envisage de sérieusement découvrir aussi ces différents pays sous l'angle sexuel. Non, mais ne vous enflammez pas, ça ne va pas être l'orgie. Et justement, si la narratrice se veut libérée, conquérante et drôle, elle est au finale pas franchement originale et revendique de manière un peu plate des positions pas tellement révolutionnaires. Comme l'écriture est elle-même assez plate, ça casse pas des barres. Et, pour clore le tout, les dialogues sont émaillées d'expressions vaguement à la mode de fausse-jeune bobo parisienne, qui m'ont d'autant plus énervées qu'elles sont tout à fait raccord avec la culture et l'état d'esprit du personnage, voire de l'ensemble des personnages. Donc ça m'a gentiment gonflé, puisque la narration est sans intérêt, et la dimension érotique tout autant. Du coup,

160 non, ne le lisez pas ; là encore, il y a tellement de choses mieux à lire, y compris dans la même catégorie.

● Lu. Zero history, de William Gibson.

William Gibson est vraiment un auteur remarquable. Il a lancé la mouvance cyberpunk il y a maintenant pas mal d'années, ce qui a pas mal marqué, et puis il a arrêté, pour reprendre plus tard avec une autre série qui explorait l'anticipation proche autrement. Il est maintenant dans ce que je considère être sa troisième série, sa troisième manière d'approcher le futur proche et la manière dont notre société évolue. Et il innove, une fois de plus, d'une manière que je trouve aussi étrange que passionnante. Et difficile à décrire, donc. Si il s'agit bien d'anticipation à court terme, elle se concentre sur la dimension personnelle et culturelle, sur la manière de penser et d'être, et pas tellement sur la technologie. Oh, il y a des gadgets technologiques, et des pointus et malins, mais c'est surtout dans la relation des personnages à la technologie qu'il se passe des choses intéressantes, et dans la manière de penser, parfois très étrange, de certains personnages. Et c'est à mon sens cette acuité qui fait toute la force de Gibson ici, plus que le scénario (qui pourtant existe) : les

161 personnages et la manière dont ils s'inscrivent dans un monde en changement, aux repères mouvants et complexes, à la limite justement de la modernité et de ce qu'elle implique dans le sens qu'on donne au monde et la manière dont on le perçoit et dont on s'y perçoit. Je me rend bien compte que cela peut sembler très abstrait, mais justement, Gibson arrive à aborder indirectement (mais de manière centrale) ces thématiques tout en tissant un scénario riche et complexe et en donnant de la consistance à des personnages auxquels on s'attache et qu'on commence à comprendre de l'intérieur. Bref, ça ne parlera peut-être pas à tout le monde, mais je suis personnellement assez impressionné par la complexité et la finesse de ce que Gibson écrit ici, et j'attends ses prochains avec beaucoup de curiosité et d'intérêt.

Lu. Warbreaker, de Brandon Sanderson.

Oui, plutôt qu'écrire la suite de sa série en cours que j'attends avec impatience, Brandon Sanderson écrit d'autres romans indépendants. On ne peut plus compter sur personne, je vous jure... Sauf que si, justement, on peut compter sur Brandon Sanderson pour faire du bon boulot, même si je commence à trouver que les formules de ses romans commencent à se ressembler pas mal. On retrouve en effet une fois de plus une intrigue centrée sur la découverte d'une forme de magie spécifique au monde, et organisée de manière rationnelle et structurée. Ce qui est sympa, en soit, cette fois ci, la magie se fait avec les couleurs, et avec des niveaux de compétence que si tu veux en faire un jeu de rôle, il y a déjà tout ce qu'il faut dans les annexes, mais à force, ça perd de sa fraîcheur. Au delà de la magie, on retrouve des personnages travaillés et riches, et féminins sans être quiches, bien au contraire, ce qui est toujours bienvenu. Et l'évolution des deux personnages principaux (deux soeurs) est intéressante aussi, même si je trouve qu'on s'y attache finalement bien moins que certains de ses autres personnages; peut-être parce qu'elles sont aussi moins pleines de secrets et de profondeur. Ce rôle là incombe en effet plutôt à des seconds rôles, autour desquels se construit un scénario qui, si il semble attendu, réussit quand même des révélations sympathiques. Maintenant, même sur cet aspect, autant c'est du bon boulot, autant ça ne m'a pas non plus entraîné autant que les précédents (mais ça m'a quand même bien absorbé, hein, ne nous trompons pas). Bref, du bon boulot, un roman solide mais certainement pas celui que je conseillerais pour commencer Sanderson.

162 Juin 2012

Lu. . De Ernest Cline.

Ready Player One est une apogée du roman geek, empli d'un bout à l'autre de références à la culture geek, et plus largement à ses origines dans les années 80. Pour ceux, donc, dont c'est la culture, c'est en soi un plaisir d'un bout à l'autre, une sorte d'orgie de clins d'oeils, bien choisis qui plus est, et replacés dans ce qu'ils ont aujourd'hui d'important culturellement. Et à part ça, c'est un très bon roman de quête dans un futur proche. Mais si vous n'appréciez pas les références geek, je ne suis pas sur que le reste fonctionne vraiment. Parce que même la trame de fond est une trame de référence geek : une chasse au trésor géante à travers des références geek des années 80, avec une résolution particulièrement maline, en ce qu'elle défends des valeurs des hackers/geeks des origines et du rapport à la réalité. Et, oui, il y aussi des personnages, du rythme, des rebondissements et des idées originales. C'est vraiment du très bon boulot, à tous points de vue, mais, comme je le disais en commençant, c'est tellement intégralement imprégné de culture informatico-ludico- geek qu'il faut quand même en avoir quelques notions pour entrer dedans (et sans doute un peu plus que ça pour en saisir la majorité des références). Donc, pour résumer : c'est un très bon bouquin et, pour les bons geeks, c'est un bonheur absolu à ne rater en aucun cas, une orgie de références et de clins d'oeil excessivement réjouissant sur une trame solide et bien menée.

Juillet 2012

Lu. Surface detail. De Iain M. Banks.

Bon, je ne vais pas vous refaire à chaque fois l'article de Iain Banks et du fait qu'il écrit bien et qu'il a avec la Culture ce qui est à mon sens un des plus riches et plus intelligents univers de science-fiction que je connaisse, vous retrouverez ça dans mes précédentes chroniques le concernant. Surface Detail est donc le dernier en date

163 dans cette remarquable série (après Matter, qui envoie sacrément). Et, en attendant donc beaucoup, je l'ai trouvé certes tout à fait correct, mais manquant quand même un peu de rythme et de souffle. On y retrouve de très bons moments avec des IAs de vaisseaux, des personnages colorées, mais pas assez à mon goût (même si, si c'est ce qui est toujours le plus plaisant, on ne peut avoir que ça sans que ça lasse, et que je comprends le besoin de doser avec retenue ces éléments). Et un scénario de fond donc l'idée, le propos, me plait beaucoup, mais qui reste là encore presque trop à l'arrière-plan pour donner toute la mesure qu'il aurait put avoir. Mon impression globale est que, en essayant de jouer de finesse pour ne pas aborder ces thèmes de fond directement, et de la même manière de ne pas mettre la Culture trop au centre de la narration, Banks y perd pas mal en force et en dynamisme. Alors ça reste du très bon boulot et je l'ai lu avec plaisir et sans retenue, mais il y manque le souffle et le rythme des meilleurs moments de la série. A côté de ça, il y au dernier mot une révélation qui, si elle ne change rien à l'ensemble, jette pour les fans de longue date une toute autre lumière sur un personnage, et donc sur certains chapitres, ce que j'ai très largement apprécié (et, donc, ne lisez pas la dernière page, ni même le dernier mot, avant que son tour n'arrive). En conclusion, du bon Banks, mais pas aussi excellent que nombre de précédents, et donc un peu décevant (mais surtout parce que la barre est très haute).

Lu. Perdido Street Station. De China Miéville.

Perdido Street Station est un roman massif, étrange et baroque, dont le personnage principal est une ville : New Crobuzon. Et la New Crobuzon, c'est un peu le Muppet Show : on y croise une race d'humanoïdes dont la tête est un gros scarabée, des hommes-oiseaux, des humanoïdes amphibies manipulant l'eau comme de la glaise et des hommes-cactus (oui, oui, comme je vous le dis). Maintenant, China Miéville donne assez de profondeur à l'ensemble, et de réalité à ses personnages et à ce qu'ils vivent, pour éviter un coté trop cartoon n'importe quoi. Ce qui, en soit, est déjà assez fort et donne un peu la mesure de la densité du monde qu'il construit, et de son aspect très réaliste à tendance crado. Car la New Crobuzon est une ville sombre, un peu nécrosée, une sorte de Londres pré-industrielle dirigée par une clique de puissants dont le bras armé est une police secrète des moins sympathiques. Et, comme je le disais, cette ville et son ambiance sont si présentes qu'elles forment un personnage propre, personnage central d'ailleurs et assez torturé. Il y a dans Perdido Street Station un côté roman social, même si il est dissimulé sous une riche couche de fantastique, de baroque mais aussi de personnages et de scénario. Car, oui, on trouve

164 aussi des personnages, humains et humanoïdes variés, profonds, confrontés à des questionnements ou des difficultés variées et riches, et un scénario de fond qui les relie. Ce dernier point, le scénario, même si il tient tout à fait la route, est sans doute au final le point qui m'a semblé le plus annexe par rapport à l'ambiance, aux personnages et aux nombreuses questions, sociales, personnelles et même un peu scientifiques soulevées sur le trajet. Perdido Street Station est donc, vous l'aurez compris, un roman massif, riche et étrange, que j'ai largement apprécié mais que j'ai du mal à situer au final, ou à recommander sans retenue.

Aout 2012

Codex Alera. De Jim Butcher.

Si Jim Butcher s'est lancé dans cette série sur la base d'un défi idiot (mais drôle, puisqu'il s'agissait de mêler La légion perdue avec Pokémon), il réussit à tisser une fresque certes de facture franchement classique, mais tout à fait efficace et avec des scénarios solides. Alera est un continent (ou presque) peuplé d'humains de tradition romaine, à peu de choses prêt, mais capables de manipuler des esprits des forces élémentaires : les furies. celles-ci leur confèrent des super-pouvoirs ou se manifestent sous une forme sensiblement équivalente à des sorts magiques traditionnels. Partant de là, le premier livre nous met dans les pas de Tavi, un jeune apprenti berger d'une vallée reculée dépourvu de furies. Il va se trouver pris dans une guerre de frontières consécutives de manoeuvres politiques mesquines et relativement élaborées dont on découvrira progressivement les liens avec les luttes pour le pouvoir impérial, l'Empereur étant âgé et sans descendants depuis que son fils a été tué dans une guerre de frontières sensiblement similaire à celle en cours. Tavi est un personnage sympathique et efficace qui compte sur son intelligence et son courage, faute de magie, et les autres personnages de la série sont également agréables et plutôt bien construits, avec suffisamment de profondeur pour justifier des questionnements malins et des échanges sociaux et politiques prenants. Butcher garde cette capacité à donner du rythme, à créer du suspense et finir en général en trombe, tout en traitant plusieurs personnages et sous-trames en parallèle, ce qui est du coup fort agréable et prenant à lire. Toute la série est ensuite du même tonneau, efficace et agréable, avec

165 suffisamment de surprises de formes et de rebondissements pour faire pardonner la trame de fond très très typique du médiéval-fantastique. On notera cependant une tendance à la militarisation croissante de l'ensemble, qui n'est certes pas ce qui m'a fait le plus plaisir, mais qui arrive à fonctionner cependant en ne prenant pas trop le pas sur les imbroglios politiques présidant aux opérations militaires en question. Sans spoiler, uniquement en regardant les titres, vous vous doutez bien que Tavi va monter progressivement en grade, et que tout celà va aller vers une conclusion dûment cataclysmique. Je regretterais simplement que l'épilogue ne soit pas plus long et plus soigné tant, après six tomes, j'aurais aimé avoir un peu plus de détails sur la mise au vert de chacun de personnages importants. Rien de grave cependant. Pour conclure, je cherchais en commençant cette série une pure distraction, et j'en ai été parfaitement satisfait. Elle n'a pas l'ampleur et la finesse de Dresden Files, mais elle fonctionne bien, elle est bouclée, et elle se lit très facilement. Le début existant en français, vous pouvez y goûter, vous serez fixé dès la fin du premier tome quant à savoir si c'est pour vous ou non.

● Ghost Story (The Dresden Files). De Jim Butcher.

Toujours Jim Butcher, mais il s'agit là du dernier tome en date des aventures de Harry Dresden. Et il va m'être difficile d'en parler sans trop spoiler ant on est ici à un tournant. Pour tout dire, ça commence à sentir la fin de la série. Oh, sans doute pas tout de suite, mais, après les bouleversements cataclysmiques du précédent, Changes, on est ici dans une grande transition, à de nombreux points de vue, qui réussit à retisser les divers éléments cruciaux du passé de Harry, et donc des nombreux tomes précédents. Et l'exercice est réussi avec brio : tout commence à prendre une cohérence des plus alléchantes, et dans le même temps, l'évolution du personnage, voire de l'ensemble des personnages importants, est elle aussi réussie, cohérente, et très engageante pour ce qui va suivre. Et tout cela est mené au sein d'un vrai scénario, comme d'habitude plutôt orienté enquête, comme d'habitude riche et complexe, mais pas comme d'habitude sur de nombreux aspects (mais je ne peux pas en dire plus sans spoiler vraiment sauvagement). Qui plus est, le suspense central est tenu jusqu'à la toute fin, et résolu d'une manière très satisfaisante et passablement maligne, du genre on avait beaucoup d'éléments pour deviner mais c'est assez riche pour qu'il soit franchement ardu de le voir vraiment venir. Accessoirement, la montée en puissance de l'ensemble fait une part plus grande à des personnages et créatures intrigants et là encore bien construits, ce qui n'est

166 jamais facile quand on parle de créatures immortelles et surpuissantes (des archanges par exemple), ce qui est là aussi réussit, toujours avec humour et originalité. Au final, après un Changes un peu traumatisant par son ampleur et les questions qu'il laissait en suspense, Ghost Story fait un excellent boulot pour relancer la série pour le grand final à venir (pas tout de suite, comme je le disais, mais on le sent quand même approcher doucement). Une série qui tient donc largement ses promesses, avec une qualité remarquable et un élan sur la longueur vraiment exceptionnel. Dresden, c'est bon, et ça va toujours en s'améliorant : mangez-en.

Novembre 2012

Lu. Vaches noires, de Roland Topor.

Aaah, Topor... Je ne m'en lasse pas. Chaque facette que je découvre de son travail, si il est différente des précédentes, est toujours complémentaire et toujours aussi plein de cette grâce et de cet humour si particulier et si profond. François Rollin parle de Topor comme d'un génie dans son introduction : je peux dire fièrement que je suis d'accord avec François Rollin. Ce recueil présente une série de courtes nouvelles (trois à quatre pages en moyenne) de Topor sur des thèmes variés. La musique de Topor est bien là, le décalage aussi, et la profondeur, la noirceur souvent. Chacun sera touché plus ou moins directement par les différents textes et les différents thèmes mais certains, notamment concernant la mort, me semblent universels et du coup incontournables. D'autres sont simplement tellement drôles et décalés que c'est juste un bonheur (Vaches noires notamment à mon sens). C'est le genre de recueils qui en ce qui me concerne réhabilitent l'art du texte court. Et pour ceux qui ne connaissent pas Topor (Téléchat ? Non?), ça peut du coup être une porte d'entrée dans son monde si particulier, dans son humour et ses obsessions.

Lu. Hideyoshi Seigneur Singe, de Shiba Ryotaro.

Voyez-vous qui est Toyotomi Hideyoshi ? Probablement pas, pour la plupart d'entre vous, et vous pouvez avoir intérêt à vous en faire une petite idée avant de lire ce bien bon roman, tant il est écrit pour des japonais, et donc dans l'idée que le lecteur sait de qui il s'agit. Bon, ça peut tout à fait fonctionner sans savoir, mais je pense qu'on y

167 perd. En gros, Hideyoshi est un des trois unificateurs du Japon, donc quelqu'un de passablement important, et qui, une fois le Japon unifié, a notamment envahi la Corée (et aurait probablement tenté d'envahir la Chine si il n'était pas mort avant). Ce livre raconte donc sa vie, ou plus exactement son ascension puisqu'il s'arrête une fois qu'il est arrivé au pouvoir suprême. Et son histoire est des plus étonnantes puisqu'il part de rien, fils de paysan pauvre, et qu'en plus il est très laid (d'où son surnom de singe). Mais il est très intelligent, et va s'élever dans la hiérarchie aux cotés d'Oda Nobunaga (le premier des trois unificateurs donc), avant de lui succéder. Et si la parcours est impressionnant, qui plus est quand on connaît la rigidité de la société japonaise, le personnage de Hideyoshi l'est plus encore tant il est vivant, drôle et iconoclaste. Et malin (oui, comme un singe...) Shiba Ryotaro raconte tout ça d'une manière très contée, en se permettant des parenthèses ou des discussions concernant le futur du protagoniste (qui, de toutes façons, pour un lecteur japonais, ne présente aucun mystère) et avec une écriture simple et fluide. C'est une lecture que je recommande aux amateurs de l'histoire du Japon en particulier, mais aussi à tous ceux qui sont intrigués par les personnages historiques hors du commun.

Décembre 2012

● Lu. Reamde, de Neal Stephenson.

Reamde est un gros volume, d'un auteur connu, et apprécié, pour ses fresques pleines de références historiques et techniques, et s'éloigne relativement de ce que j'attendais de lui, ce qui est finalement la seule chose que je peux vraiment lui reprocher. En effet, j'en sors avec un certain nombre de regrets, alors qu'objectivement, c'est un très bon bouquin. Si vous êtes tentés par un gros roman d'espionnage/action avec une petite sous-couche liée au monde du jeu vidéo en ligne, c'est même excellent. Pour tout dire, j'aurais préféré l'inverse, tant les idées que Stephenson commencent à développer concernant l'avenir des MMO et leurs dérives sont passionnantes. Mais elles passent vite au second plan, et disparaissent même complètement au final. Ce deuil fait, cependant, je redis que c'est un excellent roman, très rythmé et plein de rebondissements, très documenté et riche de détails (sur la chine, les armes, le terrorisme, les avions, etc etc), avec des personnages

168 variés, riches et amusants. Et attachants aussi, sans aucun doute, avec même des petits côtés conte de fée qui m'ont amusé (mais qui restent suffisamment fins pour bien passer à mon sens). Si, donc, vous avez envie d'une grosse lecture dépaysante et rythmée, vous pouvez y aller très tranquillement, c'est de la belle ouvrage, mais n'allez pas y chercher de la SF ou même trop d'anticipation technico-vidéo-ludique.

Lu. , de China Miéville.

Embassytown est un roman étrange et fascinant. Embassytown est un roman de China Miéville. Ces deux phrases sont dans mon expérience synonymes. Cette fois-ci dans un cadre de science-fiction, on retrouve les ambiances étranges qu'il aime développer et des personnages complexes et riches. C'est de la vraie science-fiction à plusieurs titres. D'abord parce que ça se passe loin dans l'espace et loin dans le futur, avec des aliens bizarres et tout ce genre de choses. Mais aussi, et surtout, parce que tout cela n'est qu'une excuse pour se projeter dans des réflexions à longue portée sur les tenants et les évolutions possible d'une science ou d'un champ scientifique. Ce qui est inattendu et particulièrement riche, c'est que la science en question, c'est la linguistique, avec donc de grandes interrogations sur ce qu'est le langage, et en particulier les métaphores et le mensonge. Partant de là, vous vous doutez bien qu'il ne va pas s'agir de se tirer dessus avec des lasers à travers l'espace, même si ça bouge largement. La principale difficulté de ce livre vient sans doute du fait qu'il faut réussir à entrer dedans, avec son vocabulaire et ses références nombreuses et bizarres, d'autant que China Miéville ne fait pas d'efforts démesurés pour tout expliquer au début (ce qui en termes de rythme et de qualité littéraire se justifie complètement ici). Maintenant, si vous réussissez à entrer dedans et que vous aimez les bouquins riches et originaux, vous en aurez pour votre argent. Et tout ça ne fait que me confirmer l'intérêt de continuer à explorer ce qu'a écrit China Miéville jusque là.

● Lu. Comme un automate dément reprogrammé à la mi- temps. De Laurent Queyssi.

Je ne connaissais pas du tout Laurent Queyssi et je remercie donc François pour cette découverte. Laurent Queyssi écrit de la science-fiction, et ce avec des idées et un style joyeusement barré et plein de références, notamment musicales, que je trouve largement réjouissantes. Il s'agit ici d'un recueil de nouvelles, dans des styles assez différents, mais toutes réussies et avec des thèmes forts. Et avec de l'humour aussi. Et

169 autant je lis finalement peu de nouvelles, parce que je trouve souvent la formule un peu mécanique et répétitive, autant là, je dois bien reconnaître que si la forme est maitrisée, elle est déclinée de manières variées, et avec des thèmes inattendus et suffisamment arrachés pour que ça se renouvelle largement. Vous pourrez donc voguer de voyages dans le temps (avec sale gosse égoïste et millionnaire inside), à un monde dans lequel chacun vit d'un sponsor produit (et éventuellement seulement de ça), à la résurrection d'un groupe de rock mythique, et ce toujours avec une écriture mouvante et renouvelée. Je pense donc que j'essaierais dans pas trop longtemps un format plus long de cet auteur.

Lu. The girl who couldn't come, de Joey Comeau.

Joey Comeau est l'auteur des textes du merveilleux blog A softer world (http://www.asofterworld.com/), exercice dans lequel il fait preuve d'un talent remarquable avec les mots. Et, sans surprise, à coté de ça, il écrit de manière un peu plus habituelle. Enfin, habituelle, c'est beaucoup dire. The girl who couldn't come est un petit recueil de nouvelles érotiques. Enfin, érotiques... érotiques comme l'est Bataille dans Histoire de l'Oeil par exemple, c'est-à-dire profondément dérangeant et questionnant. Touchant aux questions de désir et de sexe par des biais inattendus et parfois choquants. Pas choquantes par des ressorts faciles, mais par des bizarreries du désir et des passions humaines, de ce qui les provoque et ce sur quoi elles peuvent se fixer de manière plus ou moins maladives. Et pour autant, ce sont des nouvelles dynamiques, et très souvent drôles et pleines de second degré. Écrites avec le même sens des mots que dans ses autres textes, qui plus est, ce qui pour moi fonctionne à plein. Ce n'est donc pas un recueil de nouvelles érotiques pour une lecture qui réchauffe au coin du feu, mais une vraie lecture qui questionne et qui agite, aux nombreux sens du terme.

Février 2013

Lu. Something Rotten, de Jasper Fforde.

La suite, tome 4, des aventures baroques et brillantes de Thursday Next, donc. Pour rappel, Thursday vit dans un monde qui ressemble de loin au nôtre, sauf que l'histoire

170 ne s'est pas déroulée de la même manière, et elle travaille dans la police des livres. Celle qui agit à l'intérieur des livres, sur les infractions et évasions des personnages notamment. On la retrouve donc ici pour la suite de ses aventures, et un retour dans le vrai monde. Et je pense que finalement, c'est jusque là le meilleur de la série, d'assez loin d'ailleurs de mon point de vue. Ffforde a en effet non seulement trouvé son rythme, mais d'une part, il boucle ici sans vergogne de grosses trames et les relance avec brio (donc, de l'ampleur (toujours dans le n'importe quoi, mais avec de la tension et plein plein d'idées), et d'autre part, il fait bien plus de place à un commentaire politique satirique que j'ai énormément apprécié et qui est en filigrane tout le long du livre. Pour le coup, ça se rapproche de la qualité de certains Pratchett (ce qui est très flatteur de ma part). Autant les tomes précédents étaient plein d'inventivité et avait été d'une lecture plus qu'agréable, autant j'ai donc trouvé celui- ci un bon cran au-dessus. Maintenant, il ne faut pas pour autant commencer par celui-ci, vous auriez du mal à vous y retrouvez tant ça foisonne d'idées idiotes et de références. En prime, vous aurez de très beaux moments de Hamlet, mais aussi de Bismarck, et toujours des fausses pubs très réussies pour les diverses corporations présentes dans le livre.

Lu. Le bouffon des rois, de Francis Perrin.

Oui, Francis Perrin, oui, le même. Oui, il écrit. Non, pas tellement bien. Mais non, pas suffisamment mal pour que ça enterre ce bouffon des rois. Pour tout dire, le sujet choisi est quand même ce qui m'a convaincu, et en grande partie ce qui a fait que ça a raisonnablement marché me concernant. En effet, il s'agit de la vie de Triboulet, bouffon de Louis XII puis de François Ier, autant dire LE bouffon célèbre de l'Histoire de France. Bouffon au sens plein du terme : celui qui en toute impunité peut dire la vérité là où elle coûterait la vie à tout autre, celui qui peut et doit désacraliser le roi, mais tout ça tant qu'il reste drôle. Rôle d'équilibriste donc, lorsqu'il est tenu par un fou aussi sage que fou, et rôle au coeur même de la cour et de ses intrigues et bassesses. Un sujet en or donc, et une manière aussi de retracer les grands moments des règnes de deux souverains à l'articulation du moyen-âge et de la renaissance. Le contenu, plutôt bien synthétisé d'ailleurs, est donc passablement plaisant et riche. Et le personnage, bien sur, attachant. Maintenant, et c'est la limite ici, Francis Perrin n'est pas un écrivain, et ses lacunes sont regrettables, au sens en particulier où il case une introduction et une conclusion l'incluant plus ou moins (ou en tout cas incluant un acteur en déprime à qui Triboulet va raconter son histoire par le biais d'une marionnette retrouvée dans un placard (et, oui, c'est aussi insipide et mal amené que

171 vous pouvez l'imaginer, mais ce n'est pas bien long)); et au sens surtout où il est incapable de construire un dialogue un peu vivant, ce qui pour raconter un personnage sensé avoir de l'esprit et de la répartie créé un manque des plus regrettables. Au final, donc, un sujet qui aurait put donner une livre remarquable entre les mains d'un autre auteur et qui donne ici seulement un roman historique sympathique mais laborieux sur un personnage fascinant.

Lu. Remarquable, n'est-ce pas ? de Robert Benchley.

Robert Benchley était un journaliste anglais, de la bonne société mais passablement foutraque. Bon, cette présentation ne vaut pas celle qu'il a rédigé lui-même, où il épouse une princesse royale et finit enterré à Westminster. Cet ouvrage regroupe un grand nombre de petits textes sur des sujets divers et variés. Il s'agit de chroniques et de réflexions, sans lien entre elles si ce n'est l'humour très anglais et décalé de l'auteur. Et c'est ce qui fait tout le plaisir de la lecture d'ailleurs. Je classerais volontiers Benchley dans la même lignée qu'Alexandre Vialatte ou Desproges. Dans un style différent certes, mais avec cette même élégance dans l'écriture et cette même liberté de sujet associée à une tendance à s'égarer au gré d'idées lui passant par la tête et de considérations humoristico-philosophiques. S'ajoute à ça la dimension très anglaise, et très bonne société du dix-neuvième, de Benchley. Et si les textes méritent d'être lus pour leur qualité propre, je trouve que le caractère un peu suranné de l'écriture comme des situations décrites ajoute encore un peu au plaisir qu'on y trouve. Une belle découverte donc, et un précurseur de ce genre de textes, il me semble.

Avril 2013

Lu. Constellation Games, de Leonard Richardson.

Roman qui se définit comme « Soap Opera, d'un auteur inconnu, mais conseillé sur , Constellation Games a été pour moi un grand moment de plaisir. Si il s'agit bien de science-fiction, il ne s'agit pas d'un futur très lointain, du tout : en une année non citée mais plus ou moins contemporaine, les aliens débarquent. Premier contact, tout ça. Mais bon, ils ne viennent pas envahir, ce n'est qu'une

172 mission de contact, et, comme on le découvrira, plutôt une mission d'archéologues et ethnologues libertaires. Ce qui n'est pas forcément compris ou accepté par les gouvernements terriens. Mais ce n'est pas par leur biais qu'on suit l'histoire, mais par celle d'un geek un peu loser, concepteur de jeux vidéos (dont des jeux de poneys, pour dire comme il est fier de son boulot) et fan de jeux vidéos tout court. Et c'est par les jeux vidéos des aliens qu'il va essayer de les comprendre, par ce bout là de leur(s) culture(s). Et tout cela est mené de manière légère et dynamique, avec des personnages hauts en couleur et sonnant très vrai, mais aussi de vraies idées de fond étonnantes et profondes, sur les jeux comme élément culturel, mais aussi sur l'altérité, sur l'évolution des civilisations. Bref, de la vraie bonne science-fiction sur le fond, et une écriture savoureuse et amusante sur la forme. Franchement, une excellente surprise que je vous conseille vivement.

● Lu. The princess bride, de William Goldman.

173 J'imagine que vous connaissez le film... si ce n'est pas le cas, vous avez raté quelque chose de mémorable. Et donc : le livre. A noter que l'auteur est surtout auteur de scripts de séries et de films à l'origine, et que le passage du livre au film était tellement facile qu'on peut dire qu'il était anticipé dès le départ. Et le livre est tout à fait au niveau du film, voire meilleur, et a l'avantage de vieillir beaucoup mieux qui plus est. L'histoire est la même que celle du film, si ce n'est une longue introduction et une conclusions plus adultes et très bonnes. Par contre, sur cette même trame, s'ajoute à l'écrit de nombreuses notes et commentaires, un vrai second degré, que l'on ne trouve pas dans le livre. Et tout ça est écrit avec un talent évident. Donc, sans chipoter plus longtemps, je vous le dis : si vous avez aimé le film, le livre est un ajout quasiment indispensable. Un pur bonheur à n'éviter sous aucun prétexte.

Lu. Mirage, de Matt Ruff.

Roman conseillé par Boing boing (que je vous recommande tout court, mais notamment pour des idées de romans sortant du lot notamment), Mirage est un exercice risqué, étonnant mais au final franchement réussi. L'idée de départ est finalement simple : un monde inversé dans lequel le 11 septembre sera le fait de terroristes américains fondamentalistes (l'amérique étant une série de pays divisés et relativement sous-développés) contre Bagdad, ville majeure des Etats-Unis d'Arabie, la puissance dominante. Dans cet univers très bien construit et terriblement crédible (ce qui, en soi, est déjà très riche et questionnant), on s'intéresse à une équipe de policiers et agents des EUA qui vont tenter de comprendre le pourquoi des attentats, découvrir la corruption et les magouilles au sein de leur pays (avec une réutilisation des grands figures de l'histoire réelle de manière très amusante mais aussi très crédible) mais aussi le fait que certains se rappellent d'un autre monde, inversé. Lequel est le mirage ? Cette question servira de fil rouge mais c'est au final plutôt la construction du monde et ce que cet exercice éclaire que j'ai trouvé le plus prenant. Ce qui n'empêche pas les personnages et l'intrigue de bien fonctionner, malgré une conclusion qui, si elle fonctionne, ne m'a pas séduit tant que ça.

Lu. The coming of the terraphiles, de Michael Moorcock.

Michael Moorcock, auteur emblématique, a donc écrit un roman dans la série Doctor Who, monument de la culture anglaise. On ne peut pas dire, la rencontre est intrigante. D'autant que Moorcock ne se limite pas à écrire un épisode de Doctor Who mais prends la peine de mixer complètement les deux mythologies : notre

174 docteur va donc se retrouver pris dans des intrigues relatives aux équilibres entre Loi et Chaos, à la Balance Cosmique et tout ce genre de choses. Et il va croiser un certain Capitaine Cornélius, pirate de l'espace. Tout cela est riche de références et de clins d'oeil, et fonctionne globalement bien. Mais ce n'est pas au final ce qui m'a le plus convaincu dans tout ça. Ce que j'ai le plus apprécié, et finalement ce que j'attendais moins, c'est le talent de Moorcock pour caricaturer la culture anglaise aristocratique, dans un style très inspiré des meilleurs épisodes de Doctor Who. Parfois à la limite du clownesque, cette tendance satirique permet d'éviter de tomber dans des lourdeurs de scénario et de narration qu'on sent parfois pointer et de faire au final de cet épisode non seulement une curiosité mais une lecture agréable et amusante.

Avril 2013

Lu. Shades of grey, de Jasper Fforde.

Non, il n'y en a pas cinquante, c'est dans sans rapport avec le machin pseudo- érotique écrit avec les pieds qui a fait les unes de journaux. Non, non, là, il s'agit d'un très bon roman baroque et bien écrit. C'est même complètement de la science- fiction, même si il ne s'agit en rien de vaisseaux spatiaux ou de quoi que ce soit d'équivalent. Shades of grey est un roman dans un monde dystopique, dans un lointain futur où l'ensemble de la société est organisée en fonction des couleurs que chacun est capable de percevoir. On est bien dans la lignée de Brave New World ou 1984, il s'agit d'une société oppressive et absurde, et le propos est donc fondamentalement sérieux, même si le ton ne l'est pas du tout. En effet, on retrouve tout le talent d'écriture de Jasper Fforde (de la série Thursday Next, dont je vous avais parlé précédemment) et son humour très anglais et très fin. Le seul reproche que j'ai à faire à ce roman, qui est rythmé, drôle et plein de réflexions intéressantes, est qu'il invite fortement à une voire des suites, et qu'elles n'existent pour l'instant pas. En effet, si on commence à la fin du roman à découvrir un peu plus comment cette société a pu se mettre en place, ce n'est qu'un petit début. De la même manière, les personnages, très attachants, arrivent à une situation qui laisse le lecteur sur sa fin. Moyennant ce bémol, c'est vraiment un bon roman, dans la même veine que tout ce que j'ai lu d'autre de cet auteur.

175 Lu. Geek, de Nicolas Beaujouan.

Oui, enfin un livre sur la geekitude, et qui plus est, écrit par un vrai geek. Moi, ça m'a fait plaisir. L'auteur passe en revue les origines du mouvement geek, les profils spécifiques, et ensuite la littérature, les films, séries et musiques de référence. C'est un excellent moyen pour ceux qui ne sont pas complètement dans tout ça de découvrir de manièr large et compréhensible. C'est bien écrit et donc facile à suivre, en petits chapitres efficaces. Pour les vrais geeks, c'est aussi un plaisir de lire tout ça même si, bon, c'est un peu rapide, étant donné la taille du bouquin. Pour tout dire, j'aurais bien vu la même chose mais en deux ou trois fois plus gros, histoire de faire plus que citer rapidement un certain nombre de choses. Mais honnêtement, pour la taille du bouquin, c'est très bien fait et bien choisi. Et surtout, au-delà du fond, la forme du bouquin est excellente. Et c'est là que même les vrais vieux geeks trouveront leur bonheur. En effet, l'auteur est graphiste, et il a du coup composé des illustrations et surtout des pleines pages regroupant des titres, infos et des dessins, qui valent carrément le coup. Par exemple, un tableau des silhouettes des super- héros (toi aussi, retrouve les tous), de citations de films cultes, de comparaison de taille entre les différents destructeurs de monde (oui, Galactus pose problème), ou de comparaison entre Star Wars et Star Trek. Bref, un très agréable bouquin qui réussit plutôt bien une synthèse de la geekitude.

Mai 2013

The long earth, de Terry Pratchett et .

Les romans à quatre mains, surtout avec des auteurs que j'aime beaucoup, je suis toujours un peu méfiant, ce qui explique le temps que j'ai pris avant d'essayer The long earth, collaboration donc entre Terry Pratchett (que je ne vous ferais pas l'affront de présenter, tant j'en dis du bien souvent) et Stephen Baxter, auteur de science-fiction anglais très productif mais que j'ai peu lu. Si on ne retrouve pas le style littéraire de Pratchett ni ses rythmes, on retrouve par contre une partie de son humour et l'humanité de ses personnages, ce qui est déjà pas mal, et ceci dans une écriture tout à fait efficace et agréable à lire, et avec un scénario riche et amusant. Une fois de plus, c'est l'idée de multivers, de mondes parallèles, qui constitue le

176 centre de l'intrigue. Sans dévoiler d'aspects importants, disons que les auteurs jouent avec cette idée de manière poussée et sans timidité. L'humanité entière y a notamment très rapidement accès et du coup, ce sont plutôt des questions de politique et fuites massives qui se posent. De la même manière, les terres alternatives sont très très nombreuses et si on les passe en revue très rapidement, pour la majorité, cela permet d'explorer très vite beaucoup d'idées et perspectives scientifiques, ce que j'ai trouvé tout à fait plaisant. Certains à l'inverse, pourront regretter qu'on passe finalement de manière très superficielle sur de nombreuses idées. Le personnages sont attachants et riches, ce qui fait un fil conducteur prenant et drôle et la résolution finale n'est pas décevante, même si on pourra être frustré du fait qu'elle ouvre surtout sur la perspective d'un second tome. Au final, ce n'est pas du Pratchett mais c'est de la bonne science-fiction légère et rapide, avec de vraies touches d'humanité et d'humour, et c'est déjà pas mal.

Rainbow warriors, de Ayerdhal.

Voilà fort longtemps que je n'avais pas lu d'Ayerdhal et le thème de ce dernier roman m'a fait suffisamment envie pour y retourner. Rainbow Warriors est un roman contemporain, ou de très légère anticipation, dans lequel des riches (artistes, politiques, etc) décident de faire quelque chose de leur argent pour changer le monde et mettent sur pied une armée de LGBT pour aller renverser un dictateur africain particulièrement odieux, et en particulier envers les dites minorités. On va donc suivre la mise en place et l'entraînement de cette armée privée assez particulière, puis leur déploiement, le renversement du gouvernement, et surtout ce qui se passe ensuite. Et heureusement, car si on s'était arrêté à un dénouement victorieux et simpliste, ça aurait quand même été pas mal dommage. Or, non, Ayerdhal explore aussi la reconstruction du pays et le retour réactionnaire international ensuite. Non, sans une certaine finesse d'ailleurs même si l'ensemble est quand même plus à avancer qu'à se perdre dans des détours et des complexités (que ce soit en termes d'intrigues ou de personnages d'ailleurs et on évite pas un certain nombre d'effets et de personnages un peu faciles mais avec assez d'humour pour que ça fonctionne quand même bien). Une idée très sympathique donc, et mené à bon rythme, mais je ne peux pas dire que j'aime l'écriture d'Ayerdhal. Elle me laisse une impression de rythme anglais écrit en français, et j'en garde une impression discordante un peu maladroite. Mais que ça ne vous arrête pas non plus, c'est très personnel comme impression et son style n'est en tout cas ni lourd ni difficile à suivre. Un sympathique roman avec un propos fondamentalement politique tout en restant

177 une lecture de distraction, c'est quand même quelque chose que j'aimerais lire plus souvent.

The rapture of the nerds, de Cory Doctorow et Charles Stross.

Deux auteurs que j'aime beaucoup, et que je considère comme deux des voix les plus pertinentes et drôles de la science-fiction d'aujourd'hui, qui écrivent ensemble, vous vous doutez bien que je n'allais pas rater ça. Qui plus est, le thème est potentiellement très riche puisqu'il s'agit d'explorer le monde tel qu'il pourrait être après la singularité, c'est-à-dire après que l'humanité migre massivement vers une existence dématérialisée et ultra-rapide, avec des moyens de calcul et d'invention sortant totalement des contraintes actuelles et de toute linéarité. Autant dire, en explorant ce type de thème, ça ressemble rapidement à n'importe quoi. Et c'est le cas ici d'ailleurs, le monde est en grande partie incompréhensible, mais étant donné les auteurs, on garde une vraie cohérence de fond et beaucoup d'humour. Mais au final, effectivement, c'est baroque et ça part dans tous les sens, et il ne faut pas forcément essayer de retrouver des repères habituels, ce qui peut être déstabilisant, voire fatiguant. Mais. Mais c'est aussi strictement le propos de fond, d'explorer ce que pourrait être un tel chaos foisonnant, et surtout d'aller au fond d'un certain nombre d'idées liées à ces hypothèses de singularité et leurs conséquences. Notamment en termes de ce que signifie être humain. Et là, les auteurs ne déçoivent pas. Beaucoup d'idées, de projections qui posent des questions pertinentes même aujourd'hui. Du coup, en temps que roman, je ne suis qu'à moitié convaincu, même si on peut se laisser prendre, mais pour ce qui est d'explorer des idées variées et riches, par contre, je suis pas mal conquis. Maintenant, la question qui se pose est celle de savoir si ça n'aurait pas été plus efficace en tant qu'essai, quitte à toucher des gens vraiment motivés par le sujet.

178 Juillet 2013

The quantum thief et The fractal prince. De Hannu Rajaniemi.

Hannu Rajaniemi, inconnu jusque là, frappe fort avec ces deux premiers romans (qui auront une suite que j'attends avec impatience, tant tout cela n'est pas fini). Il s'agit de science-fiction, mais dans la catégorie transhumaine, voire post-singularité, c'est- à-dire très loin dans le futur, notre monde étant un vague souvenir, avec des factions humaines constituées notamment en fonction de leur rapport au virtuel, et surtout à la manière dont ils manipulent leur esprit (en faire des copies ou pas, le découper et lui ajouter des morceaux ou pas...). Et Hanni Rajaniemi fait un travail impressionnant. Il réussit à construire un monde complexe mais sans qu'on s'y perde, avec des personnages attachants et extrèmement complexes, mais aussi de vrais scénarios d'intrigues imbriquées et retorses qui donnent un crédit total aux personnages en question et à leur complexité, intellectuelle, mais aussi émotionnelle. Dans le premier tome, avec plutôt une thématique Arsène Lupin, qui fonctionne très bien et qui fait du personnage principal quelqu'un qu'on a envie de suivre, ce qui tombe vu qu'on le retrouve, avec d'autres, dans le second tome. Ce dernier est un hommage aux contes des mille et une nuits, entre autre nombreuses choses, et ajoute aux atouts du premier une poésie évidente, mais aussi une trame de fond philosophico-politique digne des grands classiques de la SF. Tout ça en restant vif et léger. Non, vraiment, ce sont deux bouquins excellents, et je n'attends que la suite, et éventuellement fin pour vous confirmer la nécessité de les lire.

● The Scar. De China Miéville.

The Scar est la suite, de loin, de Perdido Street Station. La suite au sens où il s'agit du même monde, et qu'il y a une continuité chronologique, mais de loin au sens où on va là faire du bateau et laisser New Crobuzon assez loin (même si politiquement, on en parle quand même). Mêmes points forts que le précédent : un monde riche et complexe, qui arrive à être puissamment baroque sans verser dans le ridicule (alors qu'avec des hommes cactus, hein, c'était quand même pas gagné) ; des personnages

179 fort ; de nombreuses surprises et créations étranges et sombres et poétiques et finalement pleines de sens (symbolique entre autre) ; et un scénario de longue haleine avec des tours et détours. Il a également les faiblesses de son prédécesseur : c'est dense, et il faut s'accrocher un peu pour passer les 50-100 premières pages et réussir à rentrer vraiment dedans. Mais ça mérite l'effort. En effet, c'est une vraie plongée dans un univers de pirates baroques, de plans dans les plans, de créatures marines pas tellement rassurantes, de manipulations, de trahisons, d'amours tordus et de rêves de refaire le monde. C'est du China Miéville donc, c'est riche, c'est fort, c'est torturé et ça ne laisse pas indifférent. Et, sans spoiler, son choix de fin est à mon sens très bien amené et fonctionne mais aurait pu, moins bien construit, tomber très à plat, ça s'est déjà vu. Bref, si vous avez aimé Perdido Street Station, vous pouvez continuer tranquillement avec celui-ci.

Septembre 2013

L'armée furieuse, de Fred Vargas.

Toujours Adamsberg pour ce nouveau polar signé Fred Vargas, et toujours autant d'humour, de finesse, d'érudition, mais aussi d'humanité et des petits riens qui font des personnages toujours originaux et baroques, mais jamais trop, jamais à basculer dans le trop fabuleux ou le pas crédible. Pourtant, les intrigues de fond touchent encore une fois au fabuleux, mais pour une partie seulement puisque, peut-être plus encore que les fois précédentes, différentes intrigues se mèlent, certaines traditionnellement historico-mythologiques, et certaines plus nettement contemporaines et politiques. Et Vargas brille dans les deux registres. Pour le reste, je ne ferais que vous redire à quel point j'aime, et même j'admire l'écriture de Vargas, son sens des dialogues, des silences et des personnages, et la construction de ses récits, avec tous les rebondissements qu'on peut attendre de bons polars (même si les chemins suivis par Adamsberg sont moins logiques et rationnels que souvent dans ce genre d'exercice, mais c'est quand même sa signature de pelleteur de nuages). Bref, que du bon, j'ai dévoré, et je vous conseille donc de commencer ou de continuer Adamsberg.

180 The wheel of time, tomes 1 et 2, de Robert Jordan.

Tiens, c'est pas souvent que je dis vraiment du mal de livres, mais là, quand même, ça mérite. En manque de lectures faciles et reposantes pour la rentrée, j'ai donc finalement essayé la Roue du Temps, puisqu'il paraît que ça fait partie de classiques de la fantasy. Le fait que Brandon Sanderson ait repris le flambeau pour les derniers tomes (12, 13 et 14 donc, pour vous donner une idée de l'ampleur) m'avait aussi adouci. J'ai eu bien tort. Non, vraiment, je ne vois pas grand chose à sauver. C'est de la fantasy très classique, avec de la prophétie millénaire (voire plus) dans tous les sens, un grand méchant très méchant des Ténèbres du Mal de la Corruption avec des flammes dans les yeux, des royaumes déchus, des pouvoirs cachés, et une tripotée de jeunes paysans niais mais attachants désignés par les prophéties pour être ceux qui affronteront le grand Méchant (14 tomes plus tard donc). Certes, je suis un peu méchant, il y a quelques touches de pseudo-originalité, des influences un peu orientales et des races qui ne sont pas exactement des elfes et des nains, mais ça reste cosmétique. Ce qui, surtout, m'a fait jeter l'éponge sans aucun scrupule (et déjà, en lisant deux tomes, je me dis que j'ai beaucoup exagéré), c'est le rythme : ça n'avance pas. Et ce n'est pas comme si les personnages étaient formidablement attachants, ou le style fabuleux, ou les dialogues exeptionnels, donc quand il ne se passe rien, c'est franchement long. Mais long. Pour vous donner une idée rapide, le tome 1, c'est 100 pages de vie paysanne pour poser les personnages, puis 500 à se faire poursuivre par des sbires du grand méchant à travers la campagne et apprenant de vagues bribes de prophétie (suffisantes pour se faire une bonne idée d'où on en arrivera après 14 tomes) et 100 pages avec un vrai truc qui se passe (et là, on se dit, ça va décoller, et on enchaine sur le tome 2, et en fait non, pas du tout, on recommence à parcourir la campagne). Bref, non, ne vous lancez pas là dedans. Il y a tellement de meilleures choses à lire, même en fantasy pas originale. Qu'on considère que ça fait partie du patrimoine historique de la fantasy, je suis prêt à l'entendre, mais de là à le comparer au Seigneur des Anneaux, non. Pourtant, je ne vénère pas Tolkien, mais il a le mérite de se tenir à trois tomes, entre autres avantages. Bref. Pour conclure, j'ai les deux premiers tomes, et je ne sais pas trop quoi en faire, parce que je ne trouverais pas tellement sympathique de les offrir...

181 Octobre 2013

● Lu. Iron Council, de China Miéville.

Iron Council est le troisième roman de China Miéville se déroulant dans le monde de Bas-Lag, après Perdido Street Station et The Scar. On y retrouve donc le même environnement baroque et foisonnant, mais aussi très adulte dans ses thématiques et sa noirceur, et la même écriture, dense et pas toujours facile d'accès. Disons que ce sont des livres qui méritent un certain effort, pour lesquels il faut s'accrocher un peu avant d'y entrer. Par contre, pas de regret, ils méritent largement cet effort. Certains prétendent que Miéville réinvente la fantasy, et je ne suis pas loin d'être d'accord. En tout cas, il crée vraiment quelque chose de nouveau, aussi bien dans le monde que le ton, et dans sa manière d'aborder au milieu de ce foisonnement des sujets de fond extrêmement riches et sérieux. Ici : la révolution. Assez directement au final, même si une grande partie de l'histoire tourne autour d'explorations et d'un train très particulier. Mais dans lequel se posent les questions de l'invention d'une nouvelle société, de parias et d'exclus, et de comment ils mettent en place des alternatives au monde civilisé et industriel de New Crobuzon. Comme toujours avec des personnages touchants et assez fascinants, et des bizarreries très inventives, très décalées, et pourtant au final très en phase avec les thèmes de fond de l'ensemble. Je ne vous spoile pas la fin mais. Mais là encore, China Miéville m'a surpris en bien, en ne cédant en rien à la facilité et en racontant du coup quelque chose de bien plus profond et bien plus fort que ce qui aurait été attendu. Il détourne, avec talent. C'est sans doute la roman de cette série (au sens lâche parce qu'il n'y a pas de continuité directe) qui m'a le plus plu, sans doute du fait de son thème, mais aussi grâce aux personnages principaux. Ce n'est, comme les précédents, pas un roman à aborder si on chercher quelque chose de léger et rapide, mais lorsque vous aurez envie de quelque chose de très décalé dans la forme mais dense dans le fond, pensez-y, ce sont des romans importants.

182 Décembre 2013

● Lu. Gagner la guerre, de Jean-Philippe Jaworski.

Gagner la guerre est récemment sorti en format collector très tentant, mais, ne connaissant pas l'auteur, je me suis lancé dans la version poche. Etant donné la qualité du livre, je n'aurais pas regretté l'édition collector (mais l'espace disponible sur mes étagères si;). Il s'agit d'un long roman qu'on pourrait légitimement qualifier de fantasy, mais qui a plus de lien avec de la fiction historique période renaissance, tendance intrigues politiques et assassinats qu'avec des héros bodybuildés, des

183 dragons et des magiciens. La narration, à la première personne, nous met d'entrée de jeu dans la confidence de l'homme de main et assassin du premier magistrat d'une république qu'on reconnaitra comme très vénitienne. Le narrateur a donc du caractère, un passé et un présent passablement gris moralement et une tendance aux détours et au maquillage de la vérité. Ce qui donne un charme certain à la narration. Le scénario est lui aussi largement à la hauteur, tissant un ensemble d'intrigues politiques malhonnêtes et pleines d'intérêts bien compris et de plans tordus, et réussissant à les mener à une conclusion que j'ai trouvée tout à fait satisfaisante. Un seul passage m'a finalement laissé relativement froid, celui qui renoue avec les canons de la fantasy, les elfes et les nains. Certes, c'est rapide et traité avec la même tonalité désabusée que le reste, mais l'intérêt m'échappe en grande partie, tout comme globalement les trames magiques dans leur ensemble. En fait, je trouve que la qualité d'écriture et de scénario aurait complètement permis de s'en passer mais tout le monde ne partagera pas mon avis. Une très bonne surprise donc que cette découverte : Gagner la guerre est de la belle ouvrage et je vous le conseille.

Lu. Dodger, de Terry Pratchett.

Dodger est un des rares romans récents de Terry Pratchett à ne se dérouler ni de près ni de loin dans l'univers du Disque-Monde. Chose rare, il se déroule même dans le Londres presque historique du début du règne de la Reine Victoria. Dans un Londres crasseux et réaliste, aux bas quartiers décrits e manière vivante et très détaillée, ce qui est d'ailleurs si ce n'est le sujet principal, en tout cas un des intérêts majeurs de ce livre. C'est d'ailleurs plus ou moins l'impulsion d'origine et ça donne plutôt envie de jeter un œil à la documentation d'époque que Pratchett site en cloture et dédicace. Dans ce cadre, on suite les péripéties de Dodger, jeune gratteur d'égouts plein de débrouillardise et de bagout qui se trouve mélé à des affaires politico-sentimentales. Et si le personnage est attachant et sympathique, et l'histoire pareil, j'ai quand même trouvé l'ensemble un peu simple et presque facile. En ce sens que le héros est un héros pour de vrai malgré les efforts faits pour lui donner des zones d'ombres (qui ne sont que circonstancielles, quoi qu'on dise), et que l'histoire, si elle n'est pas simpliste, est quand même assez cousue de fil blanc et relève plus du conte de fée que d'autre chose. Le fait que l'ensemble soit court contribue je pense à cette impression un peu légère et rapide. Maintenant, ça reste bien écrit et monté, mais on y retrouve à mon sens une version allégée de ce qui fait certains très bons disque- monde, sans y ajouter grand chose si ce n'est un environnement globalement

184 historique (avec quelques personnages sur lesquels on a envie de se documenter du coup).

Lu. The Last Dodo, de Jacqueline Rayner.

Il faut assumer son coté fanboy, parfois. Donc, oui, cette fois sans même l'excuse que ce soit écrit par Michael Moorcock, je me suis lancé dans un roman Doctor Who. Dixième Docteur, époque Martha pour ceux qui suivent. Et ben, c'était bien. Vraiment. Mieux que celui de Moorcock soit dit en passant. Parce qu'on y retrouve ici vraiment le ton, le rythme et l'humour des épisodes. L'histoire tourne, sans spoiler, autout d'un musée qui expose, vivant et en suspension temporelle, le dernier individu de chaque espèce. Donc déjà, vous vous doutez que ça ne va pas des caisses plaire au Docteur et que ça va rapidement le concerner assez directement. Le scénario rebondit joyeusement, avec un rythme agréable, et, sans non plus arriver à des révélations incroyables, fait le boulot de manière tout à fait satisfaisante. L'écriture, elle aussi, est très agréable et satsifaisante, puisqu'on alterne entre une narration neutre et des passages plus vivants narrés par Martha. Pour peu que vous ayez en tête les voix des personnages, on retrouve vraiment des dialogues vivants et complètement raccords avec la série avec des petites blagues et de l'humour. Accessoirement, BBC Books fait les choses bien puisqu'on a droit à une couverture rigide de fort bonne qualité dans un format poche. Bref, pour les fans qui ont envie d'un peu plus de docteur en ces périodes d'attente, c'est un très agréable moment de détente.

Lu. La Revue Dessinée, numéro 1.

La Revue Dessinée est un nouveau magazine, dans un format qui rappelle XXI ou 6 mois (et il est d'ailleurs en partie édité par la même équipe), mais en format portrait, et pas paysage (ça fait moins classe, certes, mais c'est aussi pas mal plus pratique. Et, donc, tout y est en bande dessinée. Petites chroniques, a priori récurrentes, autant que reportages. Premier point fort, il s'agit d'un vrai travail de journalisme, avec des enquêtes de fond, et pas un traitement superficiel d'actualités, ce que j'apprécie grandement. Second point fort : l'aspect BD fonctionne très bien, notamment parce que si les dessinateurs et scénaristes sont bons, ils sont surtout tous différents, chacun avec ses points forts, le plus souvent très adaptés au sujet qu'ils ont choisi de traiter. De manière générale, je trouve que pour lire de l'information de fond, c'est une solution qui fonctionne très bien, en allégeant la forme et l'impression

185 d'ensemble sans pour autant affaiblir le contenu. Quelques sujets sortent pour moi du lot, notamment celui de Marion Montaigne sur la ménagerie, et ceux sur la marine australe et les gazs de schiste. Bref, du bon boulot, que je vous invite à tester pour varier vos sources d'information.

Lu. Brulons tous ces punks pour l'amour des elfes, de Julien Campredon.

Oui, je l'ai acheté uniquement sur la foi du titre, et du quatrième de couverture qui est branque et drôle. Bon, on se demande dès le départ si par hasard, l'auteur ne va pas en faire des caisses un petit peu trop tout le long. Au final... oui, un peu, mais en ce qui me concerne, ça passe tout à fait, parce que c'est quand même bien écrit, et surtout parce qu'il s'agit d'un recueil court de nouvelles courtes, donc ça change et ça rebondit suffisamment pour ne pas devenir trop lourd ou répétitif. Dans ces diverses nouvelles, donc, de bonnes choses, avec des idées amusantes et décalées, qui marcheront plus ou moins selon les lecteurs. Typiquement, celle dont le recueil porte le titre ne m'a pas tellement passionné en terme d'histoire mais la métaphore des elfes est tellement juste quand on connait le milieu culturel que ça méritait à mon sens une nouvelle juste pour ça. C'est le principe, ce sont des nouvelles, avec une idée chacune, et dans l'ensemble, ça fonctionne bien. Je ne suis pas sur que j'aurais tenu la distance sur un format plus long, mais là oui. Après, hein, ceux que la mise en scène de l'auteur par lui-même dans une version décalée irrite auront intérêt à passer l'intro et la postface. Bref, je ne peux pas vous le conseiller à tout prix, mais ça mérite d'y jeter un œil : si le quatrième de couverture et le titre vous amusent, les nouvelles sont raccord donc vous pouvez y aller.

Janvier 2014

● A blink on the screen, de Terry Pratchett.

Faut-il vraiment que je vous fasse une fois de plus l'article de Terry Pratchett, de son talent et de tout le bien que j'en pense ? Je pense que non, je vais donc rester sobre et relativement factuel. A blink on the screen est donc un recueil de textes courts de

186 Pratchett, regroupés enfin en un seul tome après des publications d'origine dans différentes compilations, journaux professionnels et amateurs, etc. Si j'en avais déjà lu une partie, c'était loin d'être le cas de tous, alors que je suis plutôt du genre à faire des efforts pour ce type de textes. Donc déjà, pour les vrais fans, c'est l'occasion de compléter votre collection. Ceci étant, ce sont surtout de bons textes. Bons tout court pour la plupart, dont ceux concernant le disque-monde, et en particulier le dernier sur Granny Weatherwax, avec un bonus pour le coté nostalgie et complément concernant des personnages aimés. Et pour les plus vieux, bons aussi pour ce qu'ils montrent de l'évolution de Pratchett depuis ces premiers textes (qui valaient déjà honnêtement le coup, et qui dessinent le début de ce qui fera sa force). Et comme chaque texte est précédé d'une petite introduction de l'auteur, l'impression est vraiment de parcourir ses archives en sa compagnie et c'est des plus agréable. Bien sur, c'est surtout un ouvrage qui plaira aux déjà fans, mais en même temps, ça peut aussi être un moyen de découvrir du Pratchett par petits bouts pour ceux qui ne connaissent pas encore.

Février 2014

● Lu. Overqualified, de Joel Comeau.

Pour ceux à qui ça dit quelque chose, Joel Comeau est l'auteur des textes de A softer world, magnifique travail de triptyques photographiques surréalistes, émouvants et décalés que je vous conseille grandement d'aller savourer une fois de plus (il y a de quoi faire, ils n'ont toujours pas freiné). Et Joel Comeau a une maitrise de formes courtes impressionnante, ce qu'il démontre mieux que jamais dans ce petit volume étonnant. Formellement, il s'agit de lettres de candidature en réponse à des offres d'emploi. Mais. Mais dès la première, ça part en vrille. Pas forcément de manière comique et caricaturale. Loin de là d'ailleurs. De manière surréaliste, désespérée le plus souvent, de manière terriblement émouvante aussi, en peu de mots et peu de moyens. Certaines sont drôles quand même, et le principe est assez décalé pour l'être aussi, mais au fond, c'est plus dérangeant, émouvant et triste qu'autre chose. Parce que de lettre en lettre (signées d'ailleurs systématiquement du nom de l'auteur), se brosse un tableau de sa vie, de ce qu'il a traversé, de ce qui l'a amené là, à répondre à

187 des candidatures en racontant des instants de sa vie, des doutes et des émotions. Sans espoir que ces lettres aboutissent à quoi que ce soit, mais en les envoyant quand même. C'est un livre unique. Court, facile à lire et pas facile en même temps, fort et déstabilisant, mais fascinant.

● Lu. Cold days, de Jim Butcher.

Ah, Harry Dresden. Que dire de plus si ce n'est que tout continue pour le mieux. Enfin, pour le mieux... pour le lecteur, hein, pas pour Harry Dresden. Parce que de ce point de vue là, ça continue à se compliquer. Enfin, à se compliquer... Le personnage continue à grandir, à mûrir, en intégrant tout ce qu'il a traversé, et cette continuité depuis quinze tome donne une profondeur non seulement au monde, mais au personnage, qui garantit le fait que ça ne s'épuise pas. Comme le monde s'enrichit aussi, mais sans en rajouter des couches incohérents : en s'appuyant sur les petits détails et bizarreries qu'on se traine depuis longtemps, et qui prouvent que quand même, il y a un sacré vrai plan d'ensemble derrière tout ça depuis le début, et qu'il commence à se dessiner. Je dirais même qu'on est passé dans l'élan qui nous mènera vers un grand final un de ces jours. Après avoir cassé pas mal de choses dans les deux derniers tomes en effet, on est en phase de colmatage et donc de rééquilibrage, de recasage de rôles et de personnages secondaires, et ce d'une manière surprenante, touchante et efficace. Tout cela n'empêche pas qu'il y ait un scénario spécifique à ce tome, et une conclusion, mais j'ai l'impression qu'il est plus intégré au scénario de fond que certains précédents, parce qu'ils tournent plus autour des liens et de l'identité de Dresden sans doute. Et pour ce qui est de la forme, c'est toujours aussi fluide, toujours aussi parfaitement rythmé (au point que c'en est parfois un peu frustrant, puisque, les personnages et le monde s'approfondissant, je pourrais apprécier encore plus de dialogues et de discussions de fond (mais soyons honnêtes, il y en a effectivement bien plus, en gardant de l'action très largement)) et toujours aussi facile et addictif à lire. Rien à reprocher donc à ce nouveau tome, ni à cette série dans son ensemble, magistrale, si ce n'est que la traduction en français est interrompue, ce qui prive les non-anglophones d'une lecture vraiment exceptionnelle.

188 Mars 2014

● Hydrogen Sonata, de Iain Banks.

Il m'a été difficile de me lancer dans ce roman, comme il m'est difficile de le chroniquer, puisqu'il s'agit du dernier Iain Banks (en science-fiction, en tout cas, en roman classique, il m'en reste un mais je ne sais pas quand j'aurais le courage de m'y lancer). Mais, ces considérations sentimentales mises en partie de côté, ce fut, comme presque toujours, un pur plaisir de lecture. On retrouve donc l'univers de la Culture, avec une intrigue articulée autour de la fin d'une civilisation, sa Sublimation. On y parle donc de Sublimation, de la fin de civilisations et surtout d'héritages culturels, ce qui, en soi, avec le regard de Banks, est déjà riche et plaisant. Mais ce n'est que la toile de fond de ce qui est au final surtout une grande enquête impliquant des esprits de vaisseaux et des anciens de la Culture. Donc une très belle galerie d'excentriques de fort beaux gabarit. Et c'est sans doute ce qui m'a toujours le plus plu dans la Culture de Banks, et on en a ici une dose absolument remarquable, avec toujours la même finesse, le même humour et les mêmes références érudites mais jamais mises en avant de manière grossière. L'enquête erre et rebondit, et aboutit à une fin tout à fait satisfaisante, mais franchement, de mon point de vue, ce n'est pas vraiment l'argument central, en tout cas pas le plaisir central. Comme avec , c'est avant tout les personnages, leurs personnalités, bizarreries et dialogues qui font que j'ai eu tant de plaisir à la lecture de ce dernier roman de la Culture. Maintenant, il va falloir que je me fasse à l'idée qu'il n'y en aura pas de suivant...

Lu. La favorite, anonyme.

Oui, on me fait parfois des cadeaux magnifiques (merci Zog), et ce tome immortel en fait partie. Cinquième de la collection : les grandes pécheresses de l'histoire, il raconte donc la vie et les péripéties de la marquise de Montespan, favorite de Louis XIV. Je ne peux pas dire que j'abordais ce livre sans a prioris, mais il s'est révélé au final bien moins mauvais que ce que j'aurais pu craindre. Parce qu'en fait, il est quand même très raisonnablement bien écrit, bien que ce soit par un auteur resté anonyme. Bon, c'est une biographie rapide et pas forcément très très exacte ou documentée, mais rien d'aberrant, rien de vulgairement exagéré (ni de très explicitement sexuel

189 d'ailleurs, même si il est clairement évoqué ses amours, voire quelques moments ou elle montre ses miches). Et ce n'est pas très long, tout en retraçant globalement le parcours depuis la volonté de la marquise de grimper à la cour jusqu'à sa fin, donc ça reste relativement vif et entraînant. Bon, ce n'est pas une lecture que je peux honnêtement recommander directement, mais franchement, c'était une lecture amusante et sympa.

Mai 2014

Lu. Raising steam, de Terry Pratchett.

Oui, un nouveau Pratchett. Mais pour une fois, je ne vais pas dire encore la même chose, donc vous pouvez lire jusqu'au bout. Je ne vais pas pour autant en dire vraiment du mal, mais ici Pratchett, en termes de structure et choix narratifs, tente de nouvelles choses ce qui me laisse partiellement sceptique. Mais partiellement convaincu aussi. Le thème, vu aurez pu le deviner, est celui de l'arrivée du chemin de fer dans le disque-monde, ce qui nous place dans la foulée la banque, la poste, la presse écrite, abordés dans de précédents tomes. Et c'est un thème porteur tant effectivement cela suppose des bouleversements sociaux et poursuit l'évolution du monde vers une certaine modernité. Mais la manière de le traiter est différente des précédents. En effet, là où Pratchett mettait en scène un personnage central fort et une narration très fixée sur les personnes, avec des opposants là aussi personnalisés, ici il change de focale pour traiter l'arrivée de la vapeur à l'échelle plus globale. Non qu'on ne retrouve pas de nombreux personnages connus, et de nouveaux, mais il interviennent par petites touches, dispersés autour de cet objet commun en construction. L'inconvénient en est qu'on retrouve pas la dimension très humaine et émouvante qui fait en général la force de Pratchett. Pas autant, en tout cas. L'avantage est à l'inverse que le sujet est abordé à une échelle bien plus sociale et politique, ce qui permet aussi de dire et de montrer des choses qu'on ne montrerait pas de la même manière en étant le nez pointé sur un personnage et son parcours. Ce qui n'est pas non plus antinomique avec le propos d'ensemble sur ce que le chemin de fer change du monde non plus. Je ne peux donc pas dire que j'ai été déçu parce que c'est un bon roman, mais dans lequel une part centrale de ce qui fait la

190 force de Pratchett est mise plus en retrait pour faire de la place à un propos plus large. Vous me direz si vous trouvez que c'est une bonne idée, ou pas, je n'arrive pas à me décider.

Lu. Great North Road, de Peter Hamilton.

Peter Hamilton aime bien la grosse science-fiction, avec plein de technologies qui tiennent debout et qu'il détaille autant que possible, et il aime bien les grands mystères aliens cachés. Sans surprise, on retrouve ici ces deux thèmes. Mais. Mais ils ne sont pas du tout centraux au final. Car, pour une part, c'est un vrai roman policier, avec une enquête longue et compliquée, qui rebondit, s'embourbe, avance, mené par une équipe sympathique et loin d'être épargnée par les pressions politiques. Mais, pour une autre part, c'est une histoire de conspiration, et de survie, avec un personnage féminin fort et intriguant, plein de secrets que l'on découvre progressivement. C'est par contre un personnage que, malgré le fait qu'il soit au final le vrai personnage principal, je n'ai pas réussi à trouver particulièrement attachant ou enthousiasmant. Et ces deux trames, on pourrait même dire ces deux romans, convergent autour d'une histoire d'alien mystérieux. Les deux parties sont plutôt bien menées, même si honnêtement, c'est un peu long et lent, mais je leur reprocherais tout de même d'être toutes deux résolues, au final, par un Deus ex machina certes sympathiques et permettant de remettre un vrai bout de science-fiction solide, mais passablement frustrant en termes de narration. Parce que l'idée de fond est vraiment intéressante, mais tourner autour pendant 900 pages pour la voir expliquée par des gens trop forts qui débarquent de plus ou moins nulle part pour tout boucler proprement, ça reste pas très satisfaisant. Pour autant, c'est prenant et plein de petites et de grandes idées sympathiques, mais en terme de construction et de rythme global, je ne peux pas dire que je trouve ça réussi.

● Lu. Words of Radiance, de Brandon Sanderson.

Dans la famille des grosses séries dont on oublie la moitié des protagonistes en attendant la sortie du tome suivant, je vous présente donc The Stormlight Archives. J'avais vraiment aimé le premier tome, avec un monde original et varié, et surtout des personnages forts, marquants et émouvants. Qu'on retrouve donc, et finalement sans grande difficulté tant ils sont, sans être simplistes ou caricaturaux, archétypaux. On est dans du Brandon Sanderson, et plus largement dans de la fantasy, donc vous vous

191 doutez bien que, globalement, la fin du monde va arriver et que ce sera le retour des forces maléfiques. Il se trouve que ce tome se termine sur le coup d'envoi de la fin du monde donc. C'est-à-dire après plus de deux mille pages, et pour autant, en pratique, ça ne me pose pas de problème. Parce que d'une part la construction du monde et de la menace ne sont pas du tout aussi caricaturales qu'on pourrait croire, et surtout parce que, comme pendant le premier tome, les personnages sont vraiment très réussis et ce qui les anime importe. C'est sans doute ce que je trouve de meilleur ici de la part de Sanderson : il prend le temps de construire des personnages complexes et attachants, et leur caractère, leurs émotions, à une importance directe et cruciale sur ce qu'ils vont devenir et quels pouvoirs ils vont pouvoir manipuler. Oui, parce que comme dans chaque Sanderson, les personnages redécouvrent une forme de magie oubliée (mais très cohérente et logique, et avec un tableau récapitulatif digne des meilleurs jeux de rôle en annexe). Et je commençais à trouver ça un peu répétitif et formulaïque jusqu'à ce que j'apprenne qu'en fait, tous ces mondes font partie du même multivers et que tout ça doit un jour ou l'autre s'assembler de manière cohérente. J'attends bien sur la suite, mais je pense pouvoir dire quand même que c'est une vraie bonne série de fantasy (de fantasy un peu bizarre, certes, mais en général en bien), de grande ampleur et avec les atouts habituels de Sanderson (dont le fait d'avoir des personnages féminins forts et autonomes, et même dans le cas présent un monde où le sexisme prends des formes exotiques qui ne peuvent que rendre évident son absurdité général, sans avoir l'air d'y toucher).

Juin 2014

Lu. Machine of Death.

Si je commence en vous disant que Machine of Death est décrit par Cory Doctorow comme de la comédie existentialiste, vous allez peut-être vous inquiéter un peu. Vous aurez à la fois raison et tort. Tort parce qu’il s’agit avant tout d’un amusement, sur lequel certes on peut mettre des grands mots tant il touche à des questions profondes, mais un amusement avant tout. En effet, cette grosse série de nouvelles part d’une idée farfelue apparue dans un webcomics de dinosaures parlants : et si nous vivions dans un monde où une machine toute simple était capable de prédire, à

192 partir d’une goutte de sang, comment nous allions mourir. Et si cette machine utilisait des formules courtes et parfois cryptiques se prêtant à des interprétations variées (si la machine me prédit que je mourrais de vieillesse, mourrais-je vieux ou renversé par une personne âgée ?). Sur cette base commune, de très nombreux auteurs proposent des variations. Certaines sont très drôles, d’autres assez sombres, certaines astucieuses de suspense, d’autres plus réflexives. Donc, des nouvelles variées, sur une formule qui se prête très bien à ce genre de format, et d’une qualité globale franchement bonne. Mais, et c’est là que vous aviez potentiellement raison de vous inquiéter : on parle bien en permanence de savoir comment on va mourir, penser qu’on va mourir et ce qu’on en fait. Ce qui n’est pas que drôle, vous en conviendrez, et qui donc, au milieu du plaisir de lecture ce ces nouvelles, plonge parfois dans des réflexions profondes. Parfois angoissantes également. Mais, je crois, fondamentalement saines. C’est en fait une lecture où l’on termine avec plus de légèreté les nouvelles terminant par un massacre que celles, plus quotidiennes, qui traitent de morts moins exotiques. Mais l’équilibre est bon, en tout cas pour mon goût, et c'est suffisamment inédit comme idée et comme démarche pour mériter le détour.

Lu. Conte de putes, de Laura Gustaffson.

Conte de putes était un essai un peu en aveugle, et ce n'est pas exactement une réussite en ce qui me concerne. Pour tout dire, je l’ai acheté sur la bonne foi de son quatrième de couverture, qui me laissait penser qu’il s’agissait d’une auteure dans la veine de Virginie Despentes, mais en plus halluciné et fantastique. De fait, ce résumé annonce l’arrivée d’Aphrodite auprès de deux prostituées, et d’un propos féministe trash rigolo. Ce n’est pas un mensonge, c’est bien de cela qu’il s’agit. Et, si je n’ai rien à reprocher aux intentions de fond, ni à ce que je peux percevoir globalement du propos développé, sur la forme, je n’ai vraiment pas du tout accroché. Je me demande en fait si le style de l’auteure m’est rédhibitoire tout simplement, ou si le finnois et sa traduction y sont éventuellement pour quelque chose. Lecteurs d’auteurs finnois, votre avis m’intéresse donc. En effet, le rythme est très haché, sans fluidité aucune, et déroule de manière brutale (stylistiquement, j’entends) une histoire qui, pour ne rien arranger en termes de déroulement, est elle-même chaotique, voire sans grand souci de linéarité ou de cohérence. On pourra dire qu’il s’agit d’un style s’appuyant sur les ressorts du conte et des logiques symboliques, ce que je ne nierais pas, mais en termes de plaisir de lecture, j’ai ramé. Les inter- chapitres, reprenant des fragments de mythologie revues à la sauce féministe trash

193 m’ont été moins douloureux, et leur propos plus évident et du coup beaucoup plus facile à apprécier. Pour le reste, je vous le dis franchement, je me suis forcé à finir en espérant un dénouement qui rattraperait un peu le bordel de l’ensemble, or : non. Dommage, parce qu’un certain nombre d’idées là-dedans, mises en mots autrement, auraient pu donner quelque chose qui m’aurait plu. Mais n’est pas Virginie Despentes qui veut et quand le style et la construction sont à ce point laborieux, je n’arrive plus à profiter du fond.

Septembre 2014

Pirate Cinema, de Cory Doctorow

Cory Doctorow est sans conteste un de mes “héros” pour tout le boulot militant qu’il fait, et tout ce qu’il diffuse d’idées géniales, et c’est aussi un auteur que j’aime beaucoup pour sa production de romans. Je vous avais parlé en particulier de Little Brother, qui est depuis en français et que je vous recommande à nouveau en passant. Pirate Cinema est dans la même veine : une histoire avec des protagonistes adolescents confrontés à la société contemporaine (ou à peine futuriste, mais vraiment à peine) de contrôle et s’y opposant avec des outils de geeks et de hackers. Ici, il ne s’agit pas de société policière mais de la législation sur le copyright et la propriété intellectuelle, en extrapolant à peine son fonctionnement actuel porté par les lobbies des multinationales du film et de la musique. Et il ne s’agit pas seulement de hacking mais de créativité et de lutte politique portée par la création artistique. Et si vous vous dites que pour un pitch de roman, ça semble très construit autour d’un propos militant, vous aurez raison, c’est l’impression que ça m’a fait. Non que le roman soit mal construit ou que les personnages ne soient pas attachants, mais on ne peut que difficilement ignorer que c’est avant tout un roman qui porte un message et qui essaient de rendre compréhensible des éléments techniques et politiques importants. Mais comme Doctorow est très pointu sur ces sujets-là, ça passe finalement bien. En termes de roman, ce n’est pas ce qu’il ait fait de mieux, mais ça fonctionne très honnêtement, et c’est très important en termes de propos et donc une bonne manière de s’y confronter de manière détendue.

194 ● Les saisons indisciplinées, d'Henri Roorda.

Encore un peu d’Henri Roorda, parce qu’il le mérite. Je vous avais parlé avec le roseau pensotant d’une petite sélection des chroniques du sieur Roorda, ceci est en une compilation beaucoup exhaustive, couvrant les années 1919-1923. On y retrouve bien sur toute la finesse déjà aperçue dans le Roseau pensotant, et la maîtrise impressionnante de la forme, du rythme et de la construction de chaque chronique, et on y retrouve également des chroniques très drôles et acérées. Mais pas seulement. Cet échantillon plus large permet aussi d’avoir des chroniques plus lentes, plus ancrées dans le quotidien et les états d’âme de Roorda. Chroniques dans lesquelles il ne perds rien de son acuité, mais elle est parfois plus acide, plus pessimiste. On sent à quel point la première guerre mondiale l’a marqué et à changé son regard sur le monde et l’humanité. C’est touchant et fort, en plus d’être drôle et plein d’idées inattendues. J’ai donc eu l’impression d’y découvrir plus pleinement Roorda, au-delà de sélections plus orientées sur les chroniques les plus drôles et les plus mémorables, et Roorda est un chroniqueur capable d’un éventail large de style et de perspective, du drôle et anecdotique au très profond. Accessoirement, au vu de la densité du volume, c’est un livre parfaitement adapté à un grignotage progressif, chaque chronique faisant deux pages. On y revient avec bonheur par petits morceaux, quand l’humeur se prête à cette plume rare.

Veuf, de Jean-Louis Fournier.

Ayant au fil des années chroniqués à peu près tous les livres de Jean-Louis Fournier, je me dis qu’il y a une chance que vous situiez le bonhomme (et si ce n’est pas le cas, allez donc lire “Il n’a jamais tué personne mon papa” pas plus tard que tout de suite). Ici, avec toujours le même format, c’est-à-dire des “chapitres” oscillant entre un paragraphe et deux pages, très rythmés et bien tournés, Jean-Louis Fournier raconte le deuil de son épouse. Ce n’est pas une narration au sens classique, peut-être encore moins que certains bouquins précédents, mais bien une série d’instantanés, d’émotions, d’images qui s'enchaînent, en kaleïdoscope. Comme toujours avec Fournier, c’est hyper-sensible et très émouvant, c’est doux-amer, parfois très triste, parfois drôle, parfois colérique, et très rarement dépourvu d’une étincelle de second degré. C’est très humain. Très intime aussi. Il y a quelque chose de brut dans ce qu’il livre, un refus d’en faire des caisses, un courage à dire les choses au plus près, sans

195 les habiller de longues phrases et de longs développements, que je trouve toujours admirable. C’est, encore une fois, un livre pour rire et pleurer. Et c’est bien.

No et moi, de Delphine de Vigan.

No et moi est un très beau roman, plein d’émotion et de finesse, et qui se paie de plus le luxe de ne pas finir en conte de fées niaisement joyeux. Delphine de Vigan y raconte, avec un écriture sobre, élégante et efficace, l’histoire d’une jeune surdouée de treize ans, un peu perdue, pas très à l’aise avec le monde. Cette dernière rencontre, à la faveur d’un devoir sur les sans-abris, No, une jeune paumée. Elle en devient amie et convainc ses parents de l’héberger et de l’aider à retrouver une vie moins abandonnée. Ce que ses parents acceptent et qui va changer quelque peu leur vie, notamment celle de sa mère, jusque là cloitrée dans le deuil d’un enfant. Si l’histoire peut sembler un peu simple, elle n’est pas traitée de manière facile, au contraire. Elle pose de nombreuses questions, avec une finesse dans le traitement des personnages qui touche profondément. J’ai eu plus d’une fois la larme à l’oeil et j’ai même fait plusieurs pauses dans la lecture de ce pourtant pas si gros roman. Sans doute aussi parce que ça me touche particulièrement, mais c’est de toutes façons un très beau roman, très touchant. Et facile à aborder, donc si vous voulez une belle lecture émouvante, je pense que vous pouvez y aller.

Les caresses, de Guy de Maupassant.

Un tout petit livre rempli de trois très joli texte, ça fait un cadeau parfaitement adapté à ma petite personne (Merci Amandine :). Je ne prétendrais pas connaître particulièrement Maupassant, ma culture classique étant franchement lacunaire, mais j’ai pris un vrai plaisir à lire ces trois textes. Le premier, les caresses donc, est un contre-pied plein d’un humour assez fin sur les caresses, le contact et le corps. Très bien vu, il m’a franchement parlé et amusé, et son côté daté ne l'empêche pas, au contraire, de fonctionner. Le second, sur les chats, est un pur amusement, très bien tourné et qui se lit avec légèreté. Le troisième est à l’inverse des deux précédents, une vraie nouvelle, si ce n’est fantastique en tout cas avec une ambiance de petit conte pour faire peur la nuit. L’ensemble est (évidemment ?) franchement bien écrit et facile à lire. Ce qui me fait dire que je rate sans doute des trucs en ne lisant pas plus de classiques...

196 Le roman de Louise, d’Henri Gougaud.

Ce roman est, sans grande surprise, une biographie chronologique de la vie de Louise Michel. Sans surprise non plus, il y a de quoi raconter pour bien plus qu’un roman. Le choix fait par l’auteur est d’adopter une narration sobre et plutôt poétique, en faisant des ellipses là où il l’estimait nécessaire. Je pense que c’est un assez bon choix pour ne pas rendre l’ensemble indigeste, mais ça a un coté frustrant au sens où j’aurais plutôt aimé m’immerger plus et avoir plus de détails. Maintenant, si on a envie d’un roman prenant plus que d’une biographie détaillée, ça fonctionne sans problème. Pour ce qui est du personnage, par contre, aucune hésitation : Louise Michel est une femme suffisamment exceptionnelle pour que ce soit passionnant. Impressionnant aussi quand on voit son parcours et les choix qu’elle a fait, que ce soit lors de la commune de Paris, pendant son séjour en Nouvelle-Calédonie ou ensuite. Et inspirant donc, forcément. Accessoirement, Gougaud a aussi la finesse de ne pas effacer les traits les moins faciles de la personnalité de Louise Michel, ni ses moments de difficulté. Il n’en fait pas une héroïne lissée, ce qui est pour le moins plaisant. Au final, un roman sympathique et plutôt réussi sur un personnage hors du commun. Rien d’inoubliable donc, mais pas désagréable pour autant.

Novembre 2014

The Magician’s land, de Lev Grossmann.

Après un premier tome passablement dense et intriguant, puis un second que j’avais trouvé longuet et trop consacré à des excursions au pays magique un peu premier degré, Lev Grossmann conclut avec ce tome sa trilogie des magiciens. Et c’est une conclusion que j’ai trouvée satisfaisante et maline. On retrouve les mêmes personnages principaux, en particulier Quentin, et on les renvoie dans le pseudo- Narnia pour une nouvelle couche de difficultés et de menaces sur le monde. Sauf qu’il ne s’agit plus là, comme dans le tome précédent, de menaces extérieures, mais d’un cycle de vieillissement normal. Lev Grossmann continue donc complètement dans la veine qui pour moi fait tout l’intérêt de la série : le rapport à la magie et à l’imaginaire comme métaphore du passage de l’enfance à une forme d'âge adulte. Et il s’en tire à

197 mon sens très bien. Je ne peux pas dire que la partie magique, Harry Potter croisant Narnia, me séduise tellement en elle-même, voire elle m’ennuie un peu, mais ce qu’il en fait et ce qu’il réussit à raconter grâce à ce matériau-là me séduit par contre complètement. J’imagine que si l’imaginaire en question vous parle autant que le propos de fond, ça peut faire une série vraiment exceptionnelle. A moins que le propos ne condamne de toutes façons l’imaginaire utilisé comme toile de fond à prendre un coté kitsch voire un peu doux-amer, c’est une question intéressante justement… Je ne sais donc pas vraiment si je peux conseiller sans hésiter cette série, mais je suis sur en tout cas qu’elle mérite d’être signalée et discutée.

The long war + The long mars, de Stephen Baxter et Terry Pratchett.

Le premier tome de cette trilogie m’avait, malgré l’estime que j’ai pour les auteurs, laissé une impression mitigée malgré de bonnes idées. Ces deux tomes prennent la suite, dans le même monde et avec en partie les mêmes personnages, pour pousser plus loin l’exploration de cet univers dans lequel l’humanité à découvert un moyen simple de faire un pas de côté et de passer dans une terre alternative. Puis une seconde, et ainsi de suite sur des millions de variations. Là où le premier tome se confinait à l’exploration avec une intrigue très science-fiction, le second étends le champ au politique et à des questions plus largement idéologiques. Ce qui a réveillé mon intérêt et que j’ai trouvé bien mené. Certes, la conclusion est un peu rapide, mais à raison étant donné les développements d’ensemble. On y trouve à mon sens quelques longueurs, mais qui finalement ont surtout pour usage de préparer le troisième et dernier tome. Ce dernier monte encore d’un cran en termes d’enjeux et d’exploration des possibles de la longue terre, sans timidité, mais il tente peut-être trop de choses à la fois. En effet, on a finalement deux histoires parallèles, qui n’aboutissent pas du tout ensemble. Et si d’un point de vue idées, et même personnages, il y a plein de bonnes choses, je ne trouve pas que ce soit réellement satisfaisant en termes de tension et de narration. Du coup, même si les idées développées sont intéressantes, je reste à nouveau sur un sentiment d’inachevé. Peut-être un quatrième tome viendra-t-il boucler tout ça de manière plus claire.

198 ● The book of Jhereg, de Stephen Brust.

Formellement, on peut dire que Stephen Brust écrit de la fantasy. De manière plus juste, on pourrait dire que Stephen Brust écrit des romans de conspiration et d’espionnage dans un univers habillé en fantasy. Mais de la fantasy dans laquelle on peut se téléphoner, on fait des analyses génétiques et tout ce genre de choses, par sorcellerie donc. Non que l’univers de fantasy proposé soit inutile ni même désagréable, mais ce n’est pas vraiment l’intérêt principal de ces romans. Il s’agit ici d’une compilation des trois premiers opus. Les deux premiers obéissent très clairement à la formule enquête/conspiration, avec découverte de pièces successives qui permettent de construire au final la résolution du mystère de départ. De manière très efficace et très agréable à lire, en s’appuyant sur une narration à la première personne pleine d’humour et de cynisme puisque le personnage principal est un assassin et un chef de la pègre. Si ce n’était que ça, ce serait déjà une distraction tout à fait agréable. Mais il se trouve que le troisième tome ouvre sur de tout autres questionnements et laisse penser que l’auteur est capable de surprendre mais surtout de nous emmener bien plus loin. Sans trop en dire, ce troisième tome prend à bras le corps les questions d’inégalités de races et de classes dans le monde en question, et la place notamment de transfuges de race/classe. Et sans faire dans le cliché facile. Je ne l’attendais pas mais ça m’a agréablement surpris et donné envie de voir la suite là où les deux premiers tomes me laissaient penser que ce serait une distraction sympathique à laquelle revenir éventuellement un jour mais sans urgence. Une série qui se lance donc sur un mélange d’efficace attendu et de surprenant et risqué, à ne pas forcément ignorer.

Necroville, de Ian McDonald.

Ian McDonald est un auteur que j’aime habituellement beaucoup, mais je dois avouer que j’ai eu plutôt du mal avec ce bouquin-là. Surtout pour des raisons stylistiques, finalement. J’ai trouvé la construction kaléidoscopique un peu trop confuse et partant dans tous les sens, et surtout l’écriture très hachée et difficile à lire de manière fluide. Non que ce soit inintéressant d’un point de vue littéraire, ni en termes de cohérence avec le propos, mais j’ai ramé sur la longueur, ça m’a empêché de plonger vraiment dans le récit. Ce qui est dommage parce que ceci étant, le propos de fond est très intéressant et très riche. L’idée est que, grâce à la nanotechnologie, les morts

199 peuvent être ramenés à la vie, mais ils n’ont alors plus de statut légal, ils n’existent officiellement plus mais doivent travailler pour rembourser la corporation détentrice de la technologie en question, au noir, dans un statut hypocrite et semi-officiel. Et la nuit, ils rentrent dans les nécrovilles. Et ils sont immortels. Ce qui, vous l’imaginez, soulève de nombreuses questions profondes, aussi bien individuelles que politiques, et McDonald s’y attaque joyeusement. Comme je le disais, un peu façon puzzle, avec beaucoup de mélanges puisqu’on suit cinq personnages, vivants et venant fêter le jour des morts dans la nécroville de Los Angeles, la première. Plein de bonnes choses, plein de bonnes idées, donc, mais dans un format et une écriture que j’ai trouvé difficile.

Décembre 2014

La servante du seigneur, de Jean-Louis Fournier.

Toujours dans le même format de petits chapitres courts et touchants, souvent poétiques, Jean-Louis Fournier continue son panorama biographique. Après avoir évoqué son père, ses fils, sa compagne, c’est ici sa fille qu’il évoque. Et la tonalité est plus amère, plus douloureuse. Parce que sa fille, après avoir été proche de lui, émotionnellement, mais aussi intellectuellement et artistiquement, s’est éloignée pour entrer en religion. Ou tout au moins dans un mode de vie fondamentalement centré sur la religion et le partage d’une perspective visiblement assez radicale avec son compagnon. Je n’irai pas jusqu’à sectaire même si c’est ce qu’évoque l’auteur, souvent indirectement, parce que justement le point de vue de Jean-Louis Fournier est tellement personnel et tellement teinté d’amertume et de reproches qu’il est difficile de se faire une idée claire. Non que ce soit nécessairement intéressant d’ailleurs. Et le mot de la fin, rédigé par sa fille, ne fait que renforcer cette impression de trouble. C’est au final là que se trouve à mon sens la dimension la plus prenante et touchante de ce livre, dans les émotions qui le traversent, dans cette relation père- fille pleine de douleurs, de reproches, et pourtant aussi d’amour. Les questions que cela soulève, sur les formes que peuvent prendre ou non une relation de ce type quand les valeurs et les modes de vie deviennent opposés, sont complexes et touchantes.

200 ● The book of Taltos + The book of Athyra + The book of Dragon, de Steven Brust

Après The book of Jhereg, qui compilait les premières aventures de Vlad Taltos, voici donc les suites, puisqu’il s’agit là encore de compilations de deux tomes en un à chaque fois. Le format général reste donc celui d’aventures relativement courtes mais de ce fait denses et rapides, ce qui pour une lecture de divertissement est un vrai avantage. Divertissement, ceci dit, ça se discute de plus en plus au fil des tomes. Le ton général reste drôle et léger, mais les thèmes abordés sont assez surprenant, et de belle manière. En effet, certains épisodes s’éloignent assez franchement des schémas classiques de l’heroic fantasy. En particulier, un tome tourne autour de révolutions populaires et de luttes de classes et de races, et avec talent et finesse, et un autre autour d’intrigues bancaires, d’arnaques pyramidales et de collusions avec les plus hautes autorités de l’Empire. Vous m’accorderez que c’est inattendu. Mais Brust réussit ces tomes là aussi bien que les autres et en gardant une cohérence de ton. Cohérence au sens large, puisque Brust expérimente aussi sur la forme : le style de narration change de livre en livre, de manière plus ou moins marquée, mais c’est agréable et amusant aussi. Au fil des tomes, une trame de fond commence à se dégager, avec des implications de très grande ampleur, ce qui est plutôt à mon goût et nous entraine dans des directions qui vont ressembler à de la mythologie, voire carrément à de la science-fiction si on continue comme ça. C’est donc une série qui continue à me surprendre, en bien, et qui réussit à être à la fois une vraie lecture de distraction et une série qui a des choses à dire.

Janvier 2015

The Phoenix Guards, de Steven Brust

Oui, encore du Steven Brust. Faites-vous une raison, il risque d’y en avoir encore dans un certain nombre de chroniques à venir. Maintenant, il y a un changement, ce ne sont plus les chroniques de Taltos, pour ce tome-là en tout cas, j’avais envie d’aller voir ce qu’il faisait d’autre. Bon, ce n’est pas si éloigné non plus puisqu’il s’agit du même monde, mais un bon millénaire avant. Changement de point de vue et de

201 personnages donc, mais surtout changement de style, parce que ce premier tome est un hommage marqué et assumé, presque un pastiche, des trois mousquetaires. Revisité mais sur la même trame, et surtout avec le même style alambiqué entrecoupé de dialogues qui déroulent longuement (ceux-là même où l’on sent que les auteurs étaient alors payés à la ligne) mais non sans vivacité ni sans esprit. C’est très réussi : l’hommage est assumé avec excès et avec humour, les personnages sont hauts en couleur, le rythme est soutenu et les considérations philosophico- historiques sont amusantes et pas si rarement pourvues d’un vrai fond. C’est un livre dans lequel on sent, à chaque page, que l’auteur se fait plaisir, mieux : s’amuse, et il est difficile de ne pas être entraîné. Une vraie lecture pour s’amuser de manière assumée, donc, j’aime vraiment bien.

Elle est pas belle la vie ? De Kurt Vonnegut.

Kurt Vonnegut est un auteur qui m’a marqué, et je suis loin d’être le seul, par ses idées, son anti-conformisme, son humour et son style. Eléments que l’on retrouve tous dans ces discours prononcés lors de diverses cérémonies de remises de diplômes universitaires, exercice dans lequel il était versé et apprécié. Ce recueil en reprends une dizaine, plus quelques citations d’usage général destinées sans doute à donner un peu plus d’épaisseur au volume. Parce que oui, ce n’est pas un très gros volume, et c’est présenté dans une typographie large et aérée, avec même quelques illustrations. Donc ne vous attendez pas à ce que ça vous occupe si longtemps que ça. Maintenant, au-delà de la quantité, la qualité elle est bien là : Vonnegut a des choses à dire et ne prends pas de pincettes, il ne fait pas dans la célébration niaise et ampoulée des diplômé-es, de leur avenir, de l’université ou de quoi que ce soit d’autre. Il pose des questions, il attaque là où ça fait mal et il propose quelques idées qui méritent un peu de réflexion. Comme je le disais, c’est aéré, donc c’est léger et facile à lire, mais on y trouve quelques pépites (répétées pour certaines, mais je ne m’en plains pas). Qui sont donc aussi dans des formes faciles à transmettre ou à faire circuler. Une petite gourmandise donc, en passant, pour s’aérer la tête de manière tout sauf niaise.

The discomfort zone, de Jonathan Franzen.

J’avais beaucoup aimé les romans de Jonathan Franzen que j’avais lu (Freedom et The corrections), et j’ai testé ce petit volume autobiographique. Il me laisse un peu dubitatif. Pas en termes de qualité, mais rapport à ce que j’en garde quelques temps

202 après la lecture, soit : pas grand chose. En effet, l’écriture est toujours aussi maîtrisé, facile d’accès et pleine de sensibilité, et c’est touchant à la lecture, mais d’une manière qui est restée pour moi assez superficielle. Franzen raconte en effet son parcours, familial, scolaire, sentimental et professionnel. Enfin, des fragments de son parcours. Et je constate que beaucoup ne font que peu écho en ce qui me concerne, alors qu’objectivement, ils pourraient. Parce qu’il parle de son inadaptation dans le milieu scolaire, de questionnements de normalité et de place. Mais peut-être avec trop de distance, peut-être dans un environnement dans lequel je ne me reconnais pas assez. Je ne sais pas, je suis dubitatif, mais je ne peux que constater que la lecture a été agréable, mais que ça ne m’a pas tellement touché. Ce qui ne m'empêchera pas de retourner un de ces jours à ses romans, notez bien, mais je ne vous conseille pas forcément ce volume-là.

Février 2015

The book of Dzur, de Steven Brust

J’avais prévenu que je n’en avais pas fini avec Steven Brust, je tiens donc parole. Il s’agit ici de la suite des aventures de Vlad Taltos, avec une compilation de deux tomes, une fois de plus. Et c’est du bon boulot, une fois de plus, même si ce ne sont pas les deux histoires que j’ai trouvé les plus originales ou les plus surprenantes. Dans la première, on retrouve la grande ville et les intrigues mêlant pègre, gouvernement et passifs personnels de Vlad. Nous dirons donc : du classique, bien exécuté, avec des rebondissements et de nouveaux personnages dont on sent bien qu’ils auront un vrai rôle dans les grands plans d’ensemble. La structure, qui change à chaque roman, est ici savoureuse puisque l’ensemble est articulé sur le plan d’un repas gastronomique. Dans la seconde histoire, qui se passe chronologiquement avant les deux précédentes (oui, c’est une habitude, mais on s’y fait bien globalement), Vlad retourne sur les terres de ses ancêtres, donc en dehors de l’Empire. Il va y chercher, notamment, les origines de sa mère. Et il va les trouver. Un peu. En fait, il va surtout trouver un paquet de problèmes qu’il n’a pas demandé. S’ensuivra donc une enquête/embrouille plutôt bien ficelée, mais dont je regrette qu’elle ne soit finalement pas plus en lien avec le reste de la série. Bon, il y a des liens, mais quand même pas si centraux que

203 ça. C’est une étape importante pour le personnage, mais pas forcément tant que ça pour le lecteur. Maintenant, hein, c’est toujours très agréable à lire. Donc oui, je continuerai la série.

Coeur d'Acier, de Brandon Sanderson

Brandon Sanderson est un auteur efficace. Peu importe le thème de ses romans, il sait construire une structure dynamique et prenante. Ici, il s’agit de super-héros, ou plus exactement de super-vilains. En effet, il s’agit de fiction post-apocalyptique, mais l’apocalypse en question a été l’apparition de super-pouvoirs. Si ce n’est qu’aucun de super-héros ainsi apparus n’est gentil, ils virent tous à la tyrannie et à l’exploitation sauvage des humains normaux. Et ils sont pour certains très très forts et invincibles. Les gouvernements ont donc baissé les bras puis disparu et les hommes et femmes encore vivants sont sous la coupe de super-héros ayant chacun sa plus ou moins grande enclave privée. L’histoire qui nous occupe se passe dans l’ex-Chicago, sous la coupe d’un super-héros particulièrement puissant et tyrannique nommé Coeur d’Acier. Et nous y suivons le parcours de résistants. L’idée est vraiment chouette, c’est plein d’action, et avec même quelques réflexions bienvenues (sans non plus être très profondes) sur le pouvoir et la société. Comme je le disais, c’est efficace, prenant et ça se lit vite. Avec une bonne conclusion, qui ouvre cependant sur une suite. Une fois de plus, mon seul reproche vis-à-vis de Sanderson est que la formule de construction se répète un peu de roman en roman et est à force un peu visible. En même temps, ça peut aussi servir de leçon de construction de roman, c’est pratique :P

Légion, de Brandon Sanderson

Légion est un tout petit livre, disons une nouvelle plus qu’un roman. Mais c’est une chouette nouvelle avec une chouette idée et le format permet à Sanderson de ne pas retomber justement dans ses formules habituelles. L’idée donc, sans spoiler plus que le quatrième de couverture : le narrateur, et personnage principal, est capable de se créer des aspects divers. Autrement dit : des personnages indépendant de lui, mais hallucinés au sens où lui seul les voit. Et ces aspects disposent de compétences et de connaissances qui dépassent les siennes, ce qui lui permet d’être excessivement brillant dans différents domaines. Sur cette base déjà intrigante, Sanderson construit une enquête autour d’une technologie temporelle nouvelle. C’est drôle, parce que ce personnage principal multiple est drôle, notamment dans ses dialogues avec ses différents aspects, mais aussi surprenant au niveau du scénario. Le format nouvelle a

204 bien sur un côté frustrant puisque assez rapide, mais je trouve que c’est une assez bonne chose dans le cas présent. Si vous avez un petit moment à tuer avec une nouvelle bizarre mais aux idées amusantes et étonnantes, je pense que c’est un livre qui s’essaie.

Mars 2015

● King Rat, de China Miéville.

Ce n’est rien de dire que China Miéville m’impressionne. Il me charme aussi, et me fait rire souvent. Pour ce qui est d’impressionner, il s’agit qui plus est de son premier livre. Je pense que peu de gens peuvent se comparer à Miéville pour ce qui est de fantastique urbain. J’entends par là : de fantastique articulé autour de la ville, de ses recoins, ses cultures cachées et ses zones d’ombre. Et de ses rats, puisque c’est le coeur du livre. Et de leur roi, créature fantastique mais pas tellement brillante, et pas tellement humaine. Autour de ce personnage, une intrigue dont les tonalités sociales et politiques sont évidentes sans pour autant jamais interférer ou prendre le pas sur l’ambiance et la narration. Et surtout les bas-fonds, le verso de Londres, fantastique mais aussi très réel et actuel, avec la scène musicale underground et ses jeunes plus ou moins en rupture. Ce n’est pas un livre ensoleillé, vous vous en doutez bien, mais c’est un beau livre. A tous points de vue. Avec un charme et une poésie qui ne choisit pas la facilité, mais qui au contraire creuse dans l’ombre, dans les zones abandonnées et dans ce qu’elles peuvent avoir de profondément romantique. D’une certaine manière, en premier ouvrage, ça annonce les thématiques de fond qu’on retrouve dans les ouvrages suivants de Miéville, mais de manière sans doute plus directe, moins baroque et alambiquée, ce qui peut en faire un bon point de départ pour ceux que le reste de son oeuvre peuvent intimider.

Iorich, de Steven Brust.

Vous commencez peut-être à en avoir un peu marre que je vous parle de Vlad Taltos et de Steven Brust, je ferai donc court. Cependant, si je continue à vous en parler, c’est que je continue à les lire et à y prendre plaisir, ce qui n’est pas non plus

205 complètement anecdotique. Avec ce tome, on reprends donc la chronologie à son point le plus avancé, et c’est plaisant de se dire que ça avance quand même un peu. C’est finalement mon reproche au point où j’en suis de la série : tous les tomes sont agréables et souvent surprenants, mais il y a une petite frustration à ne pas voir avancer plus vite la trame de fond qu’on sent bien se dessiner. Et après certains tomes assez gros budget de ce point de vue là, le retour à des aspects plus pragmatiques est parfois un peu frustrant. Un peu seulement parce que chaque tome, et celui-ci en particulier, explore une nouvelle facette du monde et des personnages, et dans un style différent. Ici, c’est le système judiciaire et ses détournements politiques qui est central, avec une fois de plus de très forts échos à la réalité. Ils ne sont pas spécialement mis en avant ou soulignés mais il est difficile de les rater. Et une fois de plus, c’est une dimension rare en fantasy et j’apprécie beaucoup. Et d’autre part, l’écriture et le scénario font que c’est plaisant en soi de toutes façons. Un ajout à la série qui ne bouleverse pas grand chose sur le fond mais qui remplit son contrat de faire une bonne histoire et un plaisir de lecture.

Five hundred years after, de Steven Brust.

Toujours Steven Brust, donc, mais cette fois-ci pour la suite de sa série prologue calquée sur Alexandre Dumas. Les plus érudits auront reconnu le parallèle dans les titres des deux séries, j’imagine. Cinq cent ans après ‘Les gardes phénix” (sachant que l’espérance de vie des personnages tourne autour de deux mille ans), on retrouve donc les mêmes protagonistes, l’un après l’autre, ayant évolué chacun selon sa voie. L’ambiance à la cour impériale est lourde et percluse de manipulations et d’assassinats, ça sent la fin de règne houleuse. De fait, et c’est quasiment pas un spoil tant tout celà est déjà annoncé et décrit dans la série Taltos, c’est de la fin cataclysmique du règne impériale qu’il s’agit. En soi, ça fait une histoire de grande ampleur très chouette, mais pour ceux qui ont lu Taltos, c’est en plus les racines d’importants et attachants personnages secondaires, et ça ajoute beaucoup d’intérêt. Si l’histoire est vraiment bonne, c’est, comme pour le précédent, le style qui fait finalement le plus au plaisir de lecture. On retrouve en effet le style ampoulé et caricatural de notre auteur virtuel, Paarfi, ses commentaires permanents sur ses choix d’écriture, sur le travail d’historien, sur tout et n’importe quoi, à l’excès, et les dialogues payés à la ligne avec leurs aller-retours incessants et objectivement inutiles. Inutiles sauf en termes de plaisir, car ça en devient un jeu des plus agréables. J’imagine bien que ça pourra en repousser complètement certains, qui préféreraient avoir une histoire qui avance plus vite et un style plus sobre. Finalement, ce n’est pas

206 du tout mon cas, et une fois qu’on abandonne ce type d’attentes, on peut prendre un plaisir indiscutable à ce style excessif mais tellement drôle. Pour autant, il faut se dire qu’on va devoir prendre son temps, et aussi qu’il est sans doute mieux de faire une petite coupure avant le suivant pour ne pas saturer.

Journal d’un écrivain en pyjama, de Dany Laferrière.

Voilà longtemps que je n’avais pas lu Laferrière, dont j’avais beaucoup apprécié les premiers romans pour m’en lasser un peu ensuite. Il propose ici un journal, donc une série de petites entrées numérotées, allant d’un paragraphe à quelques pages, sans ordre apparent, sur sa pratique de l’écriture et son rapport à la littérature, à ses auteurs de référence et au monde en général. Je l’ai lu à petites doses, par petits morceaux, et ça s’y prête parfaitement. Ses réflexions sont souvent amusantes, parfois éclairantes, et, pour quelqu’un-e qui aimerait ou aurait envie d’écrire un peu plus ou un peu mieux, comme c’est mon cas, pleines d’idées amusantes, rassurantes et intrigantes. L’ensemble est écrit dans un registre simple et direct, presque transparent parfois, qui crée une proximité voire une intimité avec l’auteur. L’impression est celle d’une discussion détendue étalée sur de nombreuses entrées, et pas celle d’un manuel ou d’un essai très sérieux sur la Littérature. Tout au contraire. Je pense d’ailleurs qu’à l’occasion, j’y retournerais piocher au hasard une idée ou un impression, quelques phrases de discussion légère mais pas dépourvue de fond.

Mai 2015

● Skin Game, de Jim Butcher

Quand un nouveau Dresden sort, je me le mets de coté patiemment, jusqu’au moment où je sais que je pourrais le dévorer en deux ou trois jours en en profitant vraiment. Parce que Dresden, c’est addictif, et ce nouvel épisode ne fait pas exception à la règle. Si vous n’avez pas lu les précédents, il va être difficile de donner une idée de ce qui se passe dans celui-ci, mais ce n’est pas très grave puisque si vous en êtes là, vous n’avez pas besoin de moi pour vous lancer dans Skin Game. Je dirais

207 simplement que la série suit son cours de manière toujours aussi efficace et riche. Qui plus est, dans cet épisode, on retrouve en plein certains personnages secondaires importants et attachants qu’on avait un peu mis de côté lors des détours précédents. Et le moins qu’on puisse dire est qu’ils rattachent Dresden à ses racines et prennent une ampleur pour certains inattendue (et pour d’autres attendue et bienvenue). Ce qui confirme la splendide construction de l’ensemble de la série et le fait que tout se met de mieux en mieux en place pour aller vers un final apocalyptique.Tout ceci sur une trame toujours tortueuse et alambiquée. Plus encore cette fois-ci, ce qui est complètement justifié au vu des protagonistes, mais parfois un peu difficile à suivre de manière complètement satisfaisante. Disons que ça donne envie de le relire un peu plus tard, avec la connaissance de l’issue de tout ça. Ce qui n’est pas non plus un grand mal, vous noterez. Donc oui, Dresden continue bien, et ne se perds pas même si on peut être impatient de voir toutes ces grandes préparations aboutir.

The Rhesus Chart, de Charles Stross

On retrouve Bob Howard et The Laundry pour un cinquième roman, donc, qui va faire avancer de manière assez importante la série avec un scénario et une forme assez complexes et inhabituels. Etant donné le délai entre deux romans (mais Stross a de bonnes raisons, il écrit plein d’autres bonnes choses), je ne trouve pas si facile de remettre en place tous les personnages secondaires en début de roman, et c’est un peu dommage, on perds ainsi quelques finesses. Maintenant, une fois relancé, on retrouve l’humour décalé de la série, les contraintes administratives et les horreurs venues de l’espace. A petites doses, pour les horreurs venues de l’espace puisqu’on est ici pas tant dans du cthulien que dans de l’intrigue vampirico-conspirationniste. Ce qui est tout à fait raccord avec l’ambiance de la série mais qui change quand même des précédents. Du coup, la structure est aussi plus confuse, avec un rythme moins évident, et des changements de points de vue fréquents pour suivre les différents volets des intrigues se déroulant. Et ça fonctionne, mais j’ai trouvé ça plus puzzle que les romans précédents, qui m’avaient laissé une impression plus linéaire (sans exagérer non plus, il y a de la marge) et plus dynamique. Maintenant, l’intrigue est tout à fait solide, bien qu’on la regarde plus par morceaux et de l’extérieur. Mais tout cela mène à un dénouement qui donne par contre fort envie de la suite. Je vais éviter d’en dire trop mais c’est quand même une étape conséquente pour le personnage principal et son environnement proche.

208 ● The Viscount of Adrilanka : The Paths of the Dead, The Lord of Castle Black, Sethra Lavode. De Steven Brust.

Plus je lis Steven Brust (et : ça commence à en faire une sacrée série), plus j’y prends plaisir. Lui aussi, d’ailleurs, ce qui contribue largement à la légèreté et la gourmandise de sa narration. Brust se fait plaisir en racontant, sur la forme comme sur le fond, et c’est contagieux. On retrouve ici les personnages des deux précédents, mais surtout la génération suivante : la nouvelle impératrice, le fils de Khaavren, etc, et les grands personnages secondaires habituels qui prennent ici un rôle assez central (Sethra et Morollan en particulier). Le rythme est soutenu, et le style toujours aussi caricatural et grandiloquent, ce qui, en tout cas sur cette série-là, est loin de me lasser (je conseille de ne pas rater les fausses interviews en épilogue, elles donnent une idée claire et enthousiasmante de ce que l’auteur vise, et c’est réjouissant et inspirant). L’intrigue est attendue, en grande partie, mais pleine de rebondissements, et pleine aussi de satisfaction à dérouler avec saveur les moments les plus attendus (notamment des dialogues qui méritent le détour). Donc, c’est un plaisir à lire tout court, mais pour ceux qui ont lu la série Taltos, le fait de découvrir le passé et les détails des grands personnages du monde est un pur délice et une motivation en soi. Donc, oui, fans de Steven Brust, c’est une série annexe qui vaut largement le coup.

Enigmes de Lugdunum, de Alain Eck

Un tout petit bouquin pour compléter mes collections d’anecdotes historiques sur la ville de Lyon. Un peu trop petit au final, mais pas inintéressant du tout. L’auteur y passe en revue une douzaine de monuments antiques dont il ne reste pas beaucoup de traces et les grandes hypothèses sur leur existence, leur rôle et leur localisation. C’est largement illustré, ce qui est bienvenu, aussi bien avec des photos de fragments archéologiques que de plans et de dessins de reconstitution, ce qui donne vie à l’ensemble. Le lien avec les grands moments d’histoire antique est également tout à fait bienvenu en ce qui me concerne : fonctionnement administratif de la gaule, politique impériale, liens avec Rome, etc. Du coup, ça remet de manière très pédagogique dans le contexte et ça donne du sens. Maintenant, comme je le disais, c’est très court, donc ça fait un petit bouquin agréable mais un peu cher au vu du contenu. Pour l’usage que j’en ai, en documentation, c’est pas mal du tout. Pour de la

209 lecture autonome, je pense que c’est un peu frustrant si on y cherche plus qu’un interlude rapide.

Juin 2015

, de Neal Stephenson.

Attention, Neal Stephenson ne fait pas les choses à moitié : Seveneves est un gros roman de SF qui est au final plus ou moins une trilogie en un volume. Et avec une ampleur non-négligeable. Je vais spoiler un peu, mais pas tellement plus que sur le quatrième couverture, donc si vous voulez la surprise, lisez-le directement, ça mérite. Le point de départ : la dislocation inexpliquée de la Lune. Jusque là, c’est rigolo. Mais très vite, le monde réalise les conséquences : les débris vont finir en pluie de météorites qui va stériliser entièrement la Terre, et pour longtemps. La première partie donc : comment en urgence mettre en place de quoi assurer la survie d’au moins un petit échantillon de l'espèce humaine, en orbite. Avec de chouettes personnages, et une découverte solide et détaillée de l’ISS, de plein de technologie et d’un bon bout de politique. Et c’est très prenant. La seconde partie : comment ça se passe une fois la catastrophe arrivant. Et c’est encore plus de la même chose, et beaucoup plus de tension, de rythme, de surprises, et de science (notamment pas mal de mécanique orbitale). Certes, le sujet n’est pas réjouissant, il y a de quoi vouloir de temps en temps des pauses pour digérer, mais le rythme et la tension sont telles que je l’ai dévoré. Un vrai bonheur de SF apocalyptique ultra-documentée. Et ensuite, une troisième partie très différente : cinq mille ans plus tard, où en est l’humanité. Et on est alors dans de l’anticipation un peu lointaine avec une narration et un déroulement presque plus proche de la fantasy que de la SF. Ce qui n’est pas déplaisant mais j’ai trouvé la transition, après la tension extrême de la partie précédente, un peu difficile en termes d’ambiance et de fil narratif. Mais c’est joli et plaisant quand même, et ça permet de finir sur une note beaucoup plus légère et optimiste. Au final, j’ai vraiment bien aimé, je suis toujours impressionné par Stephenson, mais en étant passionné par les deux premières et beaucoup moins par la troisième (que je trouve cependant nécessaire, mais à la fois trop et pas assez).

210 ● Railsea, de China Miéville.

Plus je lis China Miéville, plus je suis séduit et admiratif. Et je placerai Railsea dans le haut du panier en plus. Annoncé pour jeunes adultes, Railsea est vraiment un pur roman d’aventure pour tout le monde, et tout simplement un petit bijou d’écriture et d’inventivité. D’écriture d’abord parce que China Miéville se fait plaisir dans chaque détail de son texte, dans chaque dialogue, description, ponctuation même. C’est de l’artisanat de l’écriture dans le sens le plus noble, avec une attention joueuse et perfectionniste aux mots et aux phrases. Qui plus est, c’est dans la forme comme dans le propos bourré de références aux grands auteurs de romans d’aventure des

211 siècles passés, mais là encore avec toute la vitalité et la légèreté propre au genre. Mais au-delà de la forme, c’est aussi un bijou en termes d’imagination : un monde baroque, décalé et plein de surprises aussi abracadabrantes que plaisantes. La base même du monde : un monde de rails infinis et entrecroisés, formant une mer d’acier parcourue de trains de toutes sortes, au-dessus d’un sol meuble et dangereux dans lequel une mégafaune extraordinaire est à la fois danger et ressource : on suit pour commencer un jeune apprenti sur un train chasseur de taupes géantes dont la capitaine est obsédée par la poursuite d’une taupe albinos qui lui a dévoré un bras (vous avez dit Moby Dick ? Ce n’est qu’un début, les références et le jeu avec ces références va bien plus loin et est bien plus drôle). Et dans cet univers, l’histoire serpente et s’amuse, mais à un rythme calqué sur la course permanente des trains. On y retrouve l’émerveillement et le sourire des grands romans d’aventure, sans retenue et sans honte. Ce serait déjà beaucoup, mais c’est China Miéville : la conclusion de l’intrigue est en plus magnifiquement étonnante et pleine de sens (politique et philosophique). Une petite merveille complètement hallucinée.

Juillet 2015

Lu. Même pas mort, de Jean-Philippe Jaworski.

Il y a une première chose qu’on ne peut pas reprocher à Jean-Philippe Jaworski : il sait écrire. Vraiment. Comme dans son roman précédent (Gagner le guerre, que je recommande), l’écriture est foisonnante, inventive et très évocatrice. Le texte même, le rythme, font une part non négligeable de l’intérêt du livre, en plus de l‘histoire racontée. Et si il y a une histoire, et une plutôt bonne histoire, ce n’est même pas ce que je mettrais en second. En second, je mettrais la plongée dans la culture et la mentalité de la gaule pré-romaine. Une période peu documentée donc, et assez mystérieuse. Je ne sais comment l’auteur s’est documenté mais l’impression que j’en retire est franchement bonne en termes de cohérence historique. Et surtout, la manière dont il raconte, dont ses personnages pensent et nous font donc penser est superbement dépaysante et intrigante. L’impression est vraiment celle d’une plongée dans un ailleurs, pas si différent mais très différent, étrange, décalé. Effet qui est très largement amplifié par la structure étonnante de la narration. La narration n’est pas

212 linéaire, et mêle surtout des temporalités différentes, réelles et spirituelles, ce qui au début m’a un peu frustré, mais au final, une fois accepté ce fonctionnement, qui a vraiment contribué à cette impression de plongée dans une autre époque et une autre culture, avec d’autres manières de considérer la réalité. En plus de ça, comme je le disais, il y a une vraie histoire, de vrais personnages, qui me donnent envie de me lancer dans les deux prochains tomes de ce qui est annoncé comme une trilogie. Jean-Philippe Jaworski est donc un auteur qui continue à m’étonner et me séduire, ce qui n’est pas si fréquent, en particulier chez les auteurs français, je vous recommande de jeter un oeil à au moins un de ses romans (selon vos préférences en termes d’ambiances historiques et de bizarrerie, celui-ci ou Gagner la guerre).

Lu. The Mongoliad (3 tomes…), collectif.

The Mongoliad est issue d’un processus expérimental intriguant : une écriture à six auteurs, sous forme de feuilleton multimédia dans un premier temps, sur une trame approximativement historique. Dans ces auteurs, il y a Greg Bear et Neal Stephenson, ce qui m’a convaincu d’essayer. Comme je ne sais pas m’arrêter en cours de route, et qu’il s’agit d’un roman coupé en trois plus que d’une trilogie, je suis allé au bout (encore qu’il y a deux suites en fait et pas mal de textes périphériques puisque c’est le principe de l’expérience de départ), mais je n’en sors pas convaincu. Deux aspects m’ont vraiment déplu au final. Le premier, sensible tout le long : le rythme. De fait, ça n’avance pas vite, notamment les trames les plus centrales, et la multiplication des points de vue, et des fils narratifs, rends l’ensemble assez laborieux, d’autant que certaines trames arrivant en cours de route n’ont quasiment aucun lien avec le reste. Le second point, c’est que, même à l’issue des trois tomes, où la trame motrice de l’ensemble se boucle, il reste un très grand nombre de personnages et d’intrigues laissés en plan. Mais complètement en plan, avec des mystères avec lesquels le lecteur est appâté depuis le début qui ne trouve juste aucune résolution. Et c’est quand même très frustrant. Pas au point de lire un tome de plus, notez bien, mais je reste très largement sur ma faim. A côté de ça, il y a quand même des personnages intéressants (mais dont beaucoup ne servent au final pas tellement), des descriptions très détaillées des techniques de combat médiévales, orientales comme occidentales (et a priori très justes vu le niveau de maniaquerie sur le sujet de l’ensemble des auteurs, ce qui sera un vrai atout pour les passionnés, mais pour les autres, ça rappelle plus Les chevaliers du zodiaque avec des combats qui durent des pages, décrits geste par geste), et un cadre historique riche et bien documenté. Comme le titre l’indique, l’ensemble se déroule en 1241, soit la fin de la grande vague des

213 invasions mongoles en Europe, et la découverte de l’ampleur de la chose, et de la culture mongole sont intéressantes, mais ça ne sauve quand même pas l’ensemble. A part donc si le combat médiéval et cette période vous passionnent, ce n’est pas une lecture que je recommande.

Octobre 2015

● Lu. My real children, de Jo Walton.

Plusieurs critiques, que je trouve habituellement de fort bon conseil, disaient le plus grand bien du dernier livre de Jo Walton. Je ne tournerai pas autour du pot : ils ont amplement raison, c'est un livre qui mérite très largement le détour. Il ne s'agit pas de science-fiction, mais d'un magnifique récit intimiste sur la vie qui passe, l'amour et la vieillesse. Patricia Cowan est très vieille, et très confuse, ainsi que l'écrivent les médecins sur les avis de visite au pied de son lit. Elle ne sait plus si elle a eu deux enfants ou quatre, si elle a eu une vie ou l'autre. Et nous allons suivre le récit de ces deux vies possibles, des ces deux alternatives issues d'un choix de jeunesse. Ces deux vies sont racontées en parallèle, et toutes les deux sont riches de joies et de tristesses, de doutes, de réussites, de peurs, bref, d'une humanité terriblement touchante, profonde et simple, sans que l'auteur ait jamais besoin d'en faire des tonnes. Car l'écriture est simple, claire et sobre, ce qui ne fait qu'ajouter à la force du récit et des personnages. Sans doute les thèmes de fond, sur la place des femmes dans la société en particulier, ont-ils particulièrement aidé à ce que je soit conquis, mais je pense que ce sera le cas de beaucoup de monde. C'est un double-récit dans lequel on s'attache aux personnages profondément, dans leurs différentes versions d'ailleurs pour certains, dans lequel on s'amuse aussi, car ce n'est pas dépourvu d'humour, et dans lequel on pleure, avec bonheur d'ailleurs tant les moments de tristesse sont beaux et aussi pleins de vie et d'humanité que les moments réjouissants. Vraiment un livre splendide d'une richesse et d'une finesse remarquables.

214 Lu. Nexus, Crux, Apex, de Ramez Naam.

Une grosse trilogie de science-fiction, c'était tout à fait ce qu'il me fallait pour les vacances, et j'en ai eu pour mon argent. Il s'agit de science-fiction proche, la prémisse étant simple mais très riche de conséquences : et si était mis au point un système de nano-éléments s'installant dans le cerveau et sur lesquels il serait possible de faire fonctionner un système d'exploitation connecté au dit cerveau. Je spoile un tout petit peu mais c'est annoncé dès le quatrième de couverture, donc bon. Cette nouveauté va donc provoquer pas mal de paniques, de changements et de basculements vers un monde potentiellement transhumain, voire franchement posthumain. Sur trois tomes, on va même passer en revue de manière assez exhaustive les questions techniques, mais surtout éthiques et politiques autour de ce genre de technologie. Ce qui est un point fort d'ailleurs, à mon sens, de cette trilogie : je ne suis pas nécessairement d'accord avec l'auteur, au final, mais je trouve qu'il fait un franchement bon boulot de passer en revue et confronter les différents points de vue et dilemmes autour du trans et posthumanisme, avec finesse et honnêteté. Voilà pour la thématique de fond, qui est quand même pas mal importante. Pour la forme, maintenant, on est plutôt dans un format thriller, avec pas mal de scènes d'action et un rythme franchement soutenu et plein de suspense dans tous les sens. Du coup, oui, ça se lit vite et c'est difficile de le lâcher. Les personnages sont globalement bien construits et assez facilement attachants, en évitant de tomber trop dans les stéréotypes, même si on y échappe pas toujours complètement. Un point fort dans la construction du récit est à mon sens sa dimension globale, c'est à dire en intégrant des cultures différentes, en particulier asiatiques, et en ne centrant pas le récit et les enjeux sur une dimension spécifiquement américaine. Ce qui est d'une part beaucoup plus crédible, et d'autre part beaucoup plus riche en termes de rapports à ces possibles technologies et à leurs usages (en particulier, la place faite à la méditation et au bouddhisme sont particulièrement bien vues et intéressantes). L'ensemble est donc à la fois une réflexion, dans les meilleures traditions de la science-fiction, sur les impacts possibles de ce type de technologie et de modification de l'humain, et à la fois une histoire prenante, tendue et dynamique dont on suit les péripéties avec joie.

215 Lu. Garrett PI, Omnibus 1 et 2, de Glen Cook.

Attention, si vous avez lu la série Dresden de Jim Butcher (que je recommande d'ailleurs vivement), vous allez avoir de grosses impressions de déjà-vu. En tout cas, c'est l'impression que ça m'a fait, mais c'est une impression que j'ai réussi à dépasser, ce qui est à porter au crédit de Glen Cook. Ces deux volumes compilent chacun trois histoires, trois enquêtes de Garrett. Garrett est détective privé, dans la plus claire tradition des romans noirs : il boit, il est grognon, sarcastique, pas du matin, perspicace mais grâce à sa persévérance plus que son génie propre, dur quand il faut mais avec un bon fond, surtout quand c'est une blonde pulpeuse qui vient lui demander son aide. Et Garrett vit dans un monde médiéval-fantastique, avec des elfes, des vampires, des magiciens, et tout ce genre de choses. Contrairement à Dresden, il ne fait pas de magie, mais c'est bien la seule différence importante au départ. Chaque histoire est donc une enquête, plus ou moins tordue, mais toujours bien construite et pleine de plus ou moins grosses surprises. L'écriture est très agréable et souvent drôle, même si, en ce qui me concerne, les répétitions trop systématiques des clichés du roman noir peuvent être un peu trop fréquentes (en particulier les demoiselles en détresse à gros seins et à longues jambes, quelque soit l'usage qui en est fait). Sur la longueur, le personnage prends de la profondeur mais ça ne donne pas vraiment l'impression qu'il va y avoir un scénario de fonds (après, hein, on est pas à l'abri d'une bonne surprise). Le mélange entre les deux genres fonctionne franchement bien et la magie et les créatures fantastiques font de bonnes complications de scénario et alimentent les surprises et les retournements amusants. C'est clairement une lecture de distraction, pour s'amuser sans se prendre la tête (même si on peut réfléchir avec plaisir aux enquêtes) et l'objectif est parfaitement rempli. A tester si ce genre de bizarreries vous tente.

Lu. The just city, de Jo Walton.

J'ai découvert Jo Walton avec ce roman, et si ce n'est pas un chef d'oeuvre que je conseillerai à tout le monde, c'est une chouette idée qui m'a donné envie d'explorer un peu plus ses œuvres. The just city est un roman étrange, qui use d'artifices SF/Fantastiques pour explorer de manière légère l'idée de la Cité Juste de Platon. Athéna, donc, recrute un certain nombre de personnes, à travers les différents âges de l'histoire (futur y compris), et les établit dans une cité isolée du reste du monde pour qu'ils mettent en œuvre pour de vrai le grand plan décrit par Platon, qui devrait

216 donc permettre d'aboutir à une génération de rois-philosophes. On va donc suivre dans la mise en place de ce projet plusieurs des résidents de la cité, et découvrir comment à la fois certaines choses fonctionnent et d'autres ne fonctionnent pas du tout (ce qui permet de dauber assez librement sur Platon, sur des aspects très justifiés, tout en explorant vraiment les questions qu'il soulève à l'origine). La rédaction est agréable et on s'attache raisonnablement aux personnages même si ce n'est quand même pas l'intérêt principal de l'histoire. Disons que ça permet d'avoir du coup une vraie histoire agréable et prenante, et pas seulement une exploration d'idées abstraites, ça incarne. Et bien sûr, tout ne se passe pas comme prévu. Mais sans non plus avoir de surprises abracadabrantes ou de retournements de situation flashy, juste ce sont des gens et ça devient compliqué. Et c'est ce qui fait que c'est très agréable au final. Sauf que : c'est frustrant parce que la fin n'est pas une vraie fin satisfaisante. C'est à moitié une fin seulement. Ce qui ne gâche pas complètement parce que l'ensemble est chouette, mais ça invite franchement à attendre la sortie de la suite, qui sera bienvenue.

Lu. , de .

John Scalzi part d'une idée rigolote et accrocheuse, et qui parlera immédiatement à tout geek ayant quelques repères en Star Trek : et si les morts systématiques des membres d'équipage de base (ceux avec des tenues rouges donc) lors des expéditions d'exploration n'étaient pas dues au hasard ? On ne peut que lui accorder que, étant donné la fréquence des dites morts, il y a de quoi se poser des questions. C'est donc sur cette idée là que va se construire Redshirts, en suivant, bien sur, un petit groupe de ces membres d'équipage. Le scénario est sympathique, et les personnages plutôt aussi, et je dirais que la dimension très méta, qui ne va qu'en s'amplifiant, avait a priori tout pour me plaire. Maintenant, sur ces bonnes bases, je n'ai pas trouvé que la mayonnaise prenait tant que ça. Je pense que c'est pour une bonne part dû à l'écriture, que je trouve finalement assez plate. Rien d'horrible, mais ça manque de rythme, de vivacité pour donner la pleine mesure de ce qu'est l'idée de départ. Même les moments touchants, et il y en a largement, ne fonctionnent pas entièrement en ce qui me concerne. C'est peut-être simplement dû à une ambition un peu trop grande : cumuler des moments vraiment Star Trek, des moments décalés et méta, et des moments touchants autour des personnages. Au final, je me suis toujours senti un peu en décalage, sans réussir à rentrer vraiment pleinement dans l'une ou l'autre des ambiances. Sans doute qu'il y en a simplement trop pour que tout prenne vraiment. Maintenant, je ne dirais pas que c'est mauvais, loin de là, ça fait malgré tout une

217 lecture de distraction très sympathique et légère, mais qui aurait pu être vraiment plus avec toutes les idées et perspectives qu'il y a dedans.

Janvier 2016

● Lu. The peripheral, de William Gibson.

Je l’ai déjà dit, je le répète : je suis profondément impressionné par l’excellence de la production de William Gibson depuis plusieurs années. Je pense qu’il mérite le titre ronflant de maître, au sens où ce qu’il produit est absolument maîtrisé dans tous ses aspects, que ce soit sur la forme de l’écriture, le fond de son propos ou la tension et le rythme de sa narration. Et on peut y rajouter une dimensions réellement visionnaire dans la manière dont il arrive à projeter des évolutions crédibles et sensées à plus ou moins long terme, d’une manière extrêmement éclairante sur les enjeux actuels. En bref, oui, c’est un trrrès bon roman. Par contre, ce n’est pas de tout repos. Parce que oui, d’une part, l’écriture est dense et rythmée, donc ce n’est pas un livre à bouquiner avec une demi-attention, sinon on perds le fil en une demi- page. Pour autant, ce n’est pas lourd, c’est écrit de manière très vive et très rythmée. Très concrète aussi, au sens où, en peu de mots, Gibson arrive à brosser des personnages et des environnements crédibles, mais surtout vivants, habités, avec du grain, de la texture, quelque chose qui donne une impression toute opposée à l’anticipation froide et abstraite. Et puis, c’est prenant, du coup. Parce que les personnages sont prenants, parce qu’on a très envie en permanence d’en découvrir plus sur ces mondes qu’il imagine, et aussi parce que son scénario est plein de suspense, de surprises et de découvertes. Et, oui, en prime, l’histoire qu’il raconte est aussi un commentaire, une réflexion sur notre monde actuel et ses évolutions. Sans trop donner l’impression d’y toucher, ce que je trouve d’autant plus admirable. C’est de la science-fiction pour les moments où vous avez envie de réfléchir, d’être surpris et de vous prendre quelques claques, donc un peu à l’opposé d’aller voir un Star Wars, par exemple (soit dit sans méchanceté pour Star Wars, d’ailleurs), mais c’est de la science-fiction qui mérite cet effort parce qu’elle ne déçoit pas. Magistralement.

218 ● Lu. The Shepherd’s crown, de Terry Pratchett.

J’ai une vraie difficulté à chroniquer ce livre. Tout comme j’ai eu une vraie difficulté à me lancer dans sa lecture. Pour la même raison : c’est le dernier Pratchett. Tout court. Point. En ce qui me concerne, ce n’est pas rien, puisque, pour ceux qui suivent, Pratchett est un de mes auteurs préférés. Assez loin devant beaucoup d’autres. Pour son humanité, évidemment, mais aussi pour une élégance dans la manière de la vivre et de l’exprimer. Ce qu’il aura fait jusqu’au bout puisque c’est un livre qui parle de Tiffany Aching, bien sur, mais aussi de la mort d’un autre personnage, passablement important dans le Disque-Monde. Sans en faire des caisses accessoirement. De manière touchante mais très apaisée, très simple, et très espiègle. Ce qui est beau. Maintenant, il y a aussi autour de ça une histoire, des personnages, de l’humour, bref, du Pratchett quoi. Donc oui, c’est bien. De manière tout à fait détachée des considérations ci-dessus, ce n’est sans doute pas le plus lissé, le plus abouti ou le plus rythmé des romans du Disque-Monde, ou de la série Tiffany Aching d’ailleurs (mais c’est un peu la même chose). Pas au point de gâcher quoi que ce soit ou de se remarquer pendant la lecture, notez, seulement après coup. Et ça ne gâche rien en ce qui me concerne, parce que c’est une vraie belle fin, et que ça coupe court finalement à toutes les envies de chipotage qu’on pourrait avoir en d’autres circonstances. Je le relirai. Sans doute plusieurs fois, mais c’est une habitude depuis bien longtemps, déjà, avec certains Pratchett :)

Lu. Tiassa, de Steven Brust.

Oui, je vais faire court, parce que j’ai déjà pas mal parlé de tout le début de la série (Vlad Taltos) et de sa série parrallèle (The Viscount of Adrilankha), et que si vous ne vous êtes pas lancé dedans, ça ne va pas forcément vous avancer beaucoup plus d’entendre parler en détail de celui-ci. C’est donc la suite des aventures de Vlad, mais mélée d’échos et de personnages de sa série parallèle. Donc, si vous voulez vous faire toute la série, vous vous arrêtez avant celui-ci pour lire la série parallèle, et l’assemblage fonctionne très bien. C’est un très chouette épisode, avec une forme en mosaïque et des narrateurs différents, des époques différentes aussi, mais tout cela s’assemble donc parfaitement, avec toujours autant de rythme et de légèreté, mais toujours aussi un vrai scénario. C’est donc un retour en grande forme, qui remet tout ça en train dans une direction déjà annoncée mais néanmoins motivante. Pour ceux qui se sont lancés dans la série, donc, les indicateurs sont au vert, ça continue très

219 bien, avec du renouvellement dans la forme et les personnages, mais une direction d’ensemble toujours aussi chouette et une qualité qui ne faiblit pas.

Lu. , de .

Cherie Priest est vendue comme une des figures incontournables du steampunk. Bon,je dirais méchamment qu’il n’y a de toutes façons pas non plus une concurrence colossale dans le domaine. Mais enfin, j’ai voulu essayer. Et, certes, c’est du steampunk, avec des bonnes choses, mais je ne suis globalement pas très convaincu. D’abord parce que c’est le coté steampunk qui me tentait et qu’au final, il n’est pas si présent que ça dans ce roman. Enfin, ça en est, c’est l’ambiance générale, mais on passe au final plus de temps dans des problématiques et des ambiances de zombies qu’autre chose. Et moi, hein, les zombies… Je trouve ça dommage d’ailleurs, parce que ce qu’on voit de cette amérique alternative a des côtés séduisants, avec des dirigeables et tout ce qu’il faut, mais on en profite peu. En plus de ça, j’ai trouvé la narration un peu lente, avec beaucoup de descriptions et de temps passé sur des choses pas très essentielles. Mais si on aime l’ambiance zombies, j’imagine que ça passe mieux aussi. Après, je ne dis pas que ce n’est pas bon, mais ce n’est en tout cas pas tellement à mon goût sur ce premier essai. J’en ferais peut-être un second un de ces jours, mais en m’assurant que c’est une intrigue dans une ambiance moins close et plus sur un sujet qui m’amuse.

Lu. Trop, de Jean-Louis Fournier.

Jean-Louis Fournier en a marre de l’excès permanent du monde, en particulier du monde commercial (mais pas que). Et il s’y attaque donc avec son style habituelle, en petits billets de une à trois pages, bien tournés et drôles, avec souvent une chute amusante. Et, oui, ça fonctionne, mais non, je ne suis pas persuadé qu’il y avait là de quoi faire tout un livre. Disons que ça donne quand même une impression de répétition, surtout quand on est convaincu dès le départ du propos. Accessoirement, si on ne l’est pas, je me demande si ça a un intérêt quelconque. Bon, après, ça se lit très vite et ce n’est pas désagréable. Juste, ça reste très anecdotique et on n’en garde pas vraiment de traces. Mais que ça ne vous empêche pas de lire du Jean-Louis Fournier, en commençant par “Il a jamais tué personne mon papa”, ou pas “Où on va papa” si vous voulez pleurer encore plus. Tout en riant d’ailleurs. Ne lisez celui-ci que si vous avez épuisé les autres et que vous voulez un petit rab.

220 Février 2016

● Lu. Among others, de Jo Walton.

Je n’en suis qu’au début de ma découverte des oeuvres de Jo Walton, et je commence par ceux dont tout le monde dit du bien, ce qui fait que je suis assez impressionné. Among others est un roman étonnant, très fin, tout à fait dans la lignée de My real children. C’est du fantastique, quasi-contemporain, mais le fantastique sert finalement de moteur, d’excuse, de couleur, pour un roman qui est un roman d’apprentissage adolescent extrêmement touchant et délicat. Et un roman de geek, de fan de science-fiction. En effet, l’héroïne est une jeune galloise envoyée dans une école anglaise de la haute société, dans laquelle elle ne s’intègre pas du tout, du fait à la fois d’un handicap physique, et d’une sociabilité de geek fan de livres de science- fiction. Et avec ça, il y a de la magie. Mais au final, c’est de la magie qui parle surtout de relations familiales et de rapport à la réalité, à la sortie de l’enfance justement, et pas tellement de la magie pour de la magie pour faire des jolies couleurs et faire rêver de pouvoirs cosmiques. Et tant mieux, dirais-je, tant Jo Walton fait de belles choses émouvantes avec ce parti-pris. Pour moi, ça rentre vraiment dans cette catégorie qui fait toute la grandeur de la SF, voire du fantastique (mais c’est plus rare) : utiliser une excuse fantastique pour réussir avec légèreté un roman très profond et très fin. Et très émouvant. Accessoirement, en bonus, ça donne envie de reprendre tous les classiques de la SF mentionnés dans le livre (mais, et c’est mon seul reproche : il n’y a pas de bibliographie à la fin alors que franchement, j’aurais trouvé ça très utile). Bref, un autre magnifique roman de Jo Walton, que je vous recommande sans la moindre hésitation.

Lu. Looking for Jake, de China Miéville.

Je ne suis pas très fan de nouvelles et de formats courts habituellement, mais je suis tellement fan de China Miéville que je me suis lancé dans ce premier recueil de ses formats courts. Et j’ai bien fait, parce que Miéville réussit systématiquement quelque chose que je trouve souvent faillible dans des formats courts : poser tout de suite une ambiance et un ton dans lesquels on plonge. Les nouvelles sont variées en termes de sujet et de rythme, et de taille aussi d’ailleurs, mais sont globalement toutes dans une

221 veine très typique de China Miéville, mêlant des ambiances urbaines sombres, des menaces venues d’autres dimensions (et autres monstres des coulisses du monde) et un regard social aiguisé. Certaines m’ont vraiment marqué, en particulier la dernière, The Tain, dont j’en suis même venu à regretter que ça ne soit pas devenu un roman entier (l’idée est relativement connue, mais l’interprétation de Miéville est parfaitement dérangeante et inattendue). Globalement, pas grosse surprise, donc, c’est juste du bon boulot. Si vous aimez les nouvelles et que vous voulez découvrir Miéville, ça peut faire un bon point d’entrée par exemple.

Lu. L’aurochs rouge,

M’offrir des livres que je n’ai pas lu n’est pas toujours facile, ma petite soeur a donc trouvé un auteur local auto-édité pour mon cadeau de Noël, histoire d’être sûre (Merci Marion :). C’est du médiéval-fantastique, pas terriblement original, mais qui a réussi à me tenir tout le long sans grande difficulté malgré tout, ce qui n’est pas négligeable. Globalement, c’est un univers assez classique, avec un royaume unifiant des maisons différentes, une menace barbare venue du Nord, et un ordre de templiers élémentaires mystiques. Une partie de la construction du monde est un peu trop schématique pour me convaincre complètement, un peu trop propre et systématique (un peu background de jeu de rôle, quoi), mais il y aussi quelques idées et formes amusantes, en premier lieu les barbares, qu’on appelle gueules parce qu’ils se battent avec des masques de gueules d’animaux. Et dans tout ça, sans surprise, les barbares reviennent à l’assaut, les nobles s’entredéchirent et ne se fédèrent pas, quelques jeunes se rendent compte qu’il se passe quelque chose de plus mystérieux que d’habitude… et malheureusement, et c’est au final mon principal reproche, on n’avance pas tant que ça dans ce premier tome. Pour un format classique, ça fonctionne plutôt bien, moyennant certaines maladresses et facilités, mais ce n’est quasiment qu’une mise en place pour une suite qui se voudra sans doute plus épique et plus mouvementée. Je l’ai lu de manière plutôt plaisante, sans me trouver bloqué par les défauts mentionnés, mais j’en sors un peu frustré, j’aurais aimé que ça avance plus, que ça prenne plus de risques.

222 Mars 2016

Random acts of senseless violence, de Jack Womack

Il est des classiques de la science-fiction, comme celui-ci, que j’avais raté, mais dont j’entends trop reparler pour ne pas finalement m’y mettre. Dans le cas présent, j’en suis bien content, même si on peut sérieusement discuter le fait de classer ça dans de la science-fiction. Certes, c’est de l’anticipation, et ça pose un contexte utile et marquant, mais l’important du livre n’est pas vraiment là. C’est avant tout un roman sur la construction de soi, le passage à l'âge adulte, et la découverte d’un monde qui bascule dans une violence effectivement insensée. Mais banale, urbaine, sans artifices. C’est écrit à la première personne, comme un journal intime, et on y suit Lola, jeune adolescente new-yorkaise. Dans un New York de presque maintenant, dans des Etats-Unis de presque maintenant qui vont progressivement glisser dans un chaos politique et urbain malheureusement très crédible. Chaos dont on ne verra qu’un petit morceau, celui du quotidien de Lola qui va passer des quartiers riches aux quartiers pauvres, des amis riches aux amis de la rue, et qui va devoir survivre et se construire avec ça. Et c’est triste, mais c’est aussi magnifique, de finesse, de sensibilité, d’humour aussi parfois, de justesse. C’est un roman qui a une forte dimension sociale et politique, mais traitée à travers le regard et la construction d’une jeune adolescente, donc de manière indirecte et profondément incarnée. Ce n’est pas exactement à lire pour se distraire et s’aérer mais c’est à lire si vous voulez quelque chose de fort. D’autant qu’en plus, c’est terriblement bien écrit, et les basculements du personnages et du monde sont rendus palpables par le glissement du vocabulaire et du registre de langage.

The Republic of thieves, de Scott Lynch.

Bon, Scott Lynch a pris son temps pour écrire la suite des Salauds gentilhommes, et moi pour la lire, ça fait donc un sacré délai entre le précédent et celui-ci. Pour rappel, j’avais beaucoup aimé le premier, et trouvé le second franchement décevant. Et je dois bien avouer que ce tome renoue plus clairement avec le premier, autant en termes de qualité que d’ambiance et de narration. De fait, on retrouve les mêmes personnages principaux, et tant mieux, toujours aussi inventif, malhonnêtes et

223 brillants, et également toujours autant dans la merde aussi systématiquement. Le cadre est à nouveau urbain et politique, et il est toujours question de monter des arnaques de haut-niveau, ce qui est réjouissant et toujours aussi bien construit. A ceci se rajoute d’une part une thématique théâtre, bien mieux menée et plus cohérente avec le thème que celle des pirates dans le tome précédent, traitée dans une série de flashbacks que j’ai trouvé parfois un peu longs, mais globalement réussis ; et une trame de fond dans la continuité du premier tome qui nous prépare le tome suivant et donne enfin une direction à l’ensemble de la série. Et autant dire que le cliffhanger de fin, même si il n’est pas complètement innovant, donne envie du tome suivant. Globalement, donc, un retour à la qualité du premier tome, que je conseille clairement, et donc j’attends la suite qui ne devrait a priori pas trop tarder.

Juin 2016

The annihilation score, de Charles Stross

Série The Laundry, la suite donc. Rappel rapide, c’est une série qui sur une parti-pris décalé et rigolo (les services secrets ont une section spéciale dédiée aux menaces cthulhiennes), fait un vrai boulot de scénario, de personnages, de clins d’oeil rigolos, mais aussi de vraie horreur dans le droit fil de Lovecraft, juste en moderne et avec de l’humour en plus. Nous avions jusque là l’habitude d’y suivre Bob Howard, informaticien devenu agent de terrain puis nécromancien, en lutte contre diverses indicibles. Lequel Bob était sorti du précédent tome dans un état un peu piteux. Comme c’est un série qui a de la cohérence, nous suivons dans ce tome son épouse, Mo O’Brien, agent de tout aussi haut vol, avec des moyens occultes passablement plus inquiétant, en proie à des menaces cosmiques croissantes. Le scénario est très réussi, avec ce coup-ci une thématique super-héros pleine de second degré et de dérision, et un fond d’horreur cosmique complètement attendue mais néanmoins efficace. J’ai bien aimé le changement de narrateur-trice, le changement donc à la fois de ton et de perspective, et le fait que du coup on continue à suivre non plus seulement un personnage, mais le couple (qui n’est pas sans ses difficultés par ailleurs). Et ce que ça permet comme avancée de fond pour la série est tout à fait

224 réjouissant et donne très envie de la suite. Je continuerai donc à suivre ça de prêt, Charles Stross au final, déçoit peu.

The windup girl, de Paolo Bacigalupi

J’aime vraiment les romans de SF (au sens large) qui s’aventurent dans du bizarre et de l’exotique. Et là, j’ai été tout à fait servi. Il s’agit d’anticipation, à pas très long terme, et dans un contexte qu’on pourrait presque qualifier de post-apocalyptique. Mais il ne s’agit d’une apocalypse militaire ou nucléaire, mais climatique et écologique (avec en particulier l’impact de plantes OGM non-maîtrisées). D’une société donc, reconstruite après ces conséquences-là. Et en particulier de la société Thaï, qui a réussi à se préserver bien mieux que de nombreuses autres, du fait de son organisation politique et sociale, et de son ancrage religieux également. Dans ce cadre très dépaysant, et très bien posé et exposé, on va suivre plusieurs personnages, dont un central, qui donne son titre au roman : une femme mécanique, artificielle, créé par l’industrie japonaise pour servir de secrétaire/assistante haut de gamme mais qui a été abandonnée dans le royaume Thaï. On suit d’autres personnages très intéressants, dont un officier du ministère de l’écologie, mais c’est elle qui donne sa thématique et sa saveur à l’ensemble. Et c’est aussi par son biais que les éléments les plus profonds du propos du livre sont exposés, notamment en termes de relations de domination (sexuelle en particulier). C’est donc un livre qui est plein de choses inattendus, foisonnant et intriguant. Mais, du coup, pas de tout repos. C’est dense. C’est un beau voyage, mais ça demande un peu d’attention et d’efforts. Si vous avez envie d’ailleurs, culturellement, temporellement, thématiquement, c’est un beau choix.

The three-body problem, de Cixin Liu

Cixin Liu est auteur de SF chinois, à grand succès, et qui a notamment remporté un prix Hugo. J’avais du coup envie d’essayer pour voir ce que ça avait de potentiellement différent. Et c’est du bon boulot, même si au final, je trouve ça assez classique. Il s’agit de ce qu’on qualifie de Hard Science, donc de SF basée principalement sur des projections dans le champ des sciences dures. Dans le cas présents, d’astronomie, de voyages spatiaux et de considérations sur l’évolution de la vie et de l’intelligence dans des systèmes stellaires différents. Ce qui pourra rappeler à certains et certains les grands auteurs de SF occidentaux d’il y a trente ans et plus. Et c’est d’ailleurs du même niveau, donc ça mérite d’être lu quand on aime ce style.

225 S’y ajoute tout de même une trame qui tourne d’abord en partie autour d’un jeu vidéo très particulier (mais qui relève plus de l’énigme scientifique qu’autre chose), et un contexte très chinois. En effet, les personnages vivent en Chine, et donc dans un cadre politique (et universitaire) particulier, et ont vécu, eux ou leurs parents, la révolution culturelle. Ce qui est traité d’ailleurs de manière assez directe et critique, sans être non plus très très engagé politiquement. Non, vraiment, ça m’a rappelé, dans un version un peu plus moderne, et chinoise, des ambiances et des types d’intrigue de fond à la Arthur Clarke par exemple.

Hard Magic+ Spellbound, de Larry Correia

Voilà une autre série avec des couvertures moches mais un contenu réjouissant, pour continuer ma tendance du moment. Ce sont les deux premiers tomes d’une trilogie rythmée et distrayante, et j’attends le troisième avec appétit. C’est une série à l’intersection du genre Roman Noir, années 40, avec espions, trenchcoats, blondes incendiaires ; et du genre super-héros (tendance explication magique et système cohérent de pouvoirs). Et le mélange fonctionne bien. Notamment parce que l’auteur ne se prends pas au sérieux et tient un rythme soutenu. Il joue avec les différents clichés des deux genres, avec notamment un personnage principal taiseux et dur à cuire mais avec un bon fond. Mais il les détourne aussi en partie. Et surtout, il construit un vrai monde alternatif. Parce que Hitler a été mis face à un peloton d’exécution dès qu’il a commencé à professer des idées un peu trop dangereuses. Donc pas de seconde guerre mondiale et pas de nazis. Par contre, un Empire japonais menaçant les Etats-Unis. Et cette construction du monde reprend beaucoup de personnages et de situations historiques mais en les tordant et les retournant de manières variées, mais toujours intéressantes et amusantes. C’est de la lecture de distraction, certes, mais avec plein d’idées et de clins d’oeils rigolos. L’écriture étant vive et amusante, les personnages variés, et l’action dynamique et prenante, ça se lit bien et avec plaisir. Et il y a même de vrais scénarios, avec une trame de fond plus ou moins apocalyptique, mais pas trop clichée, qui permet d’anticiper une vraie fin.

● Libriomancer + Codex born + Unbound, de Jim C. Hines

Une belle série de trois romans originaux et inventifs, mais avec des couvertures moches… en ce moment, je fais une série dans ce style là, mais je ne vais pas me plaindre, c’est infiniment mieux que l’inverse. Libriomancer part d’une idée simple

226 mais prometteuse : des magiciens dont la magie consiste à tirer de livres des objets. La geste d’Arthur, hop : excalibur. Dans la limite où ça passe physiquement dans le format du livre. Bon, déjà, quand on aime à la fois les livres et le fantastique contemporain, c’est assez vendeur. Mais en plus, Jim Hines en fait de très bonnes choses, très vite et très fort. Il ne se contente pas de profiter de cette chouette idée et de l’exploiter de manière confortable, il en envoie dans tous les sens. Du coup, en trois tomes, il se passe un tas de gros trucs, dans tous les sens, et au final, on en arrive à un gros point de bascule (oui, parce qu’il y a un quatrième tome, mais j’attendrais qu’il sort en poche). Et il se fait aussi plaisir avec des tas de références littéraires, en grande partie en SF et fantastique, mais pas que, et des références historiques très drôles (le grand chef de libriomanciens, c’est Gutenberg, devenu immortel en extrayant le Graal de son premier tirage de la bible). Donc, on s’amuse, c’est une évidence et un plaisir. Mais on s’attache aussi, parce que les personnages sont bons, dont le geek principal mais pas que. Parce que, mine de rien, Hines a aussi un discours assez fin et intéressant sur les rapports de séduction/domination et les fantasmes de puissance dans ce cadre là, voire sur les modèles de couple et de relation. Ce n’est pas central, mais c’est quand même plus qu’esquissé. Au total, ça aura été pour moi un vrai plaisir, de la lecture de détente assumée et foisonnante, mais intelligente aussi sans se prendre au sérieux.

UnLunDun, de China Miéville

Un Lun Dun est un livre destiné aux jeunes adultes (et aux grands enfants, et tout autant aux adultes tout court). Un Lun Dun est un pur China Miéville, autant par le style que par le thème et je trouve que c’est un petit bijou. On y reconnaîtra une inspiration, avouée, piochée dans le Neverwhere de Neil Gaiman puisqu’il s’agit là aussi d’une plongée dans un envers fantastique de Londres, une cité cachée qui accueille les rebuts et les oubliés de la “vraie” Londres. Mais c’est au final plus foisonnant, plus créatif, plus fou mais aussi plus sombre que Gaiman. Et l’ensemble est porté par un scénario magnifiquement joueur, tant il détourne les codes de ce qui est à première vue une quête héroïque très classique, à base de grande prophétie. Et il les détourne non seulement pour s’amuser, mais aussi avec un message, fin et résolument politique comme toujours chez Miéville, et dans une très grande cohérence avec le thème d’ensemble. Et il se trouve que c’est aussi très très joliment écrit, avec un jeu sur les mots et le langage permanent et plein d’inventions. Au point que je me demande dans quelle mesure la traduction arrive à s’en sortir pour la version française. Bref, au total, encore une raison d’adorer China Miéville, et

227 d’admirer ce qu’il fait, mais celui-ci est sans doute beaucoup plus facilement abordable et facile à lire que certains autres, si tant est que la simplicité (trompeuse) du registre jeunes adultes ne vous freine pas trop.

+ Ancillary Sword + Ancillary Mercy, de

Le premier tome de cette trilogie a remporté le Hugo et le Nebula, donc les deux plus prestigieux prix de littérature de SF (et le prix Arthur Clarke, et le BSFA…), autant dire qu’il est recommandé. Et à raison. Contrairement à ce que les couvertures laissent penser, il ne s’agit pas de SF militariste avec des vaisseaux qui font pan pan, c’est beaucoup, beaucoup plus fin et intéressant que ça. Pour l’ensemble de la trilogie d’ailleurs. L’ensemble a lieu dans un monde de SF futuriste, avec des vaisseaux pilotés par des IA qui utilisent des corps humains comme soldats pilotés à distance (oui, des ennemis capturés et sacrifiés). Ces vaisseaux font partie d’une culture dominante conquérante et militarisée (et si ça vous rappelle des bouts de Iain Banks, c’est à raison, et c’est une comparaison flatteuse et méritée de mon point de vue). Au sein de cette culture, on va suivre les péripéties d’une IA de vaisseau, à qui il va arriver des trucs passablement importants et remettant en cause sa vision et notre vision de pas mal de choses. J’essaie de ne pas trop en dire parce que le premier tome prends le temps de tout bien mettre en place, mais ça permet de poser des bases solides pour construire toute la suite de manière brillante. Le propos de fond est largement politique et amené et traité très finement et très profondément, ce qui, ajouté à des

228 intrigues soignées et des personnages très profonds, est une recette très agréable et très efficace. En plus de tout ça, ou plutôt en lien et en soutien de tout ça, je me dois de souligner un aspect très marquant que j’ai trouvé magnifique : la culture dominante, de référence de la majorité des personnages donc (et du narrateur-trice) n’accorde aucune importance au sexe ou au genre socialement. Tous les personnages sont donc décrits et pensés avec des pronoms grammaticalement féminins. Et les occasions de rencontre avec des cultures avec des rôles sociaux sexués apparaissent comme des étrangetés difficilement compréhensibles et pleines de pièges grammaticaux et sociaux. C’est au départ un peu déstabilisant, mais ça devient tellement facile et évident que c’en est fascinant et que ça pose plein de questions sur la manière dont on y réagit. Rien que pour ça, je pourrais vous recommander la lecture de cette trilogie. Comme en plus c’est de l’excellente SF intelligente, profonde et drôle, vous comprendrez que c’est une recommandation forte et à de nombreux titres.

Juillet 2016

The Demi-Monde (4 tomes : Winter, Spring, Summer et Autumn) de Rod Rees

Le Demi-monde est une plutôt grosse série, que j’hésite à classer vraiment dans la SF tant c’est n’importe quoi, en cours de traduction en français accessoirement. Oui, le principe de départ est plutôt SF : un monde virtuel créé pour l’armée américaine, dans un futur proche, qui part en sucette et garde des gens prisonniers, dont la fille du Président. Ce monde virtuel s’appelle le Demi-monde et a été conçu pour entrainer les sections spéciales de l’armée à la guerre asymétrique, donc surtout à la guérilla urbaine, aux situations d’insurrections et aux groupes sectaires/fanatiques/autres. Donc c’est un monde très dense et urbain, reprenant des bouts des grandes capitales mondiales, dans lequel les tensions raciales, sexuelles, religieuses et politique ont été exacerbées, et pour faire bonne mesure, on y a simulé quelques uns des grands psychopathes de l’histoire pour faire des leaders crédibles. Déjà, vous m’accorderez que ça part pour n’importe quoi, mais ce n’est que la toute petite partie émergée de l’iceberg. Parce que si il y a une chose qu’on ne pourra

229 retirer à Rod Rees, c’est qu’il a des idées, plein, dans tous les sens. Presque trop, parfois, mais du coup, on va de découverte en découverte, et sans que ce soit jamais complètement dissocié du monde réel puisque le demi-monde en est une parodie noire et tordue. Mais drôle aussi, parce que Rod Rees a vraiment de l’humour. Noir, souvent, mais pas que. Et il a également une approche des questions sociales et politiques qui a le mérite de poser plein de questions et de s’amuser. Et il sait aussi s’amuser avec les mots et les néologismes d’une manière que j’ai trouvé splendide (mais je ne sais pas comment ça survit à la traduction par contre). Voilà pour tous les bons points, et ça en fait quand même pas mal. Mais bon, pour ce qui est de l’histoire de fond… ça part sur un bon rythme, mais ensuite d’une part ça tombe dans un découpage un peu artificiel dans chaque tome, un peu forcé et pas très fluide, ou tout au moins répétitif, et d’autre part, l’histoire de fond m’a pas mal déçu. Bon, ce n’est pas catastrophique mais ce n’est vraiment pas au niveau du reste, et c’est bien dommage. C’est un peu simple et facile, alors que la qualité de l’ensemble me faisait attendre quelque chose de vraiment bien. Et je dis que ce n’est pas catastrophique parce que je n’ai pas envie de vous parler de l’épilogue, mais là, vraiment, pour moi, c’est le moment vraiment décevant et raté. Bon, j’ai quand même pris plaisir à l’ensemble, mais je vous conseille de tester le premier tome pour voir tout ce qu’il y a de bien et de ne vous engager dans le reste que si vraiment vous accrochez et que vous êtes prêts à pardonner quelques errances.

Monster Hunter International, de Larry Correia

Bon, alors j’avais quelques doutes avec la série précédente, mais là, je n’en ai plus : j’ai vraiment des divergences de vues profondes, politiquement, avec Larry Correia. Et, oui, dans ce roman-là, je l’ai vraiment senti, et ce sera sans doute une raison suffisante pour ne pas continuer cette série. Pourtant, c’est efficace et distrayant. L’idée est simple : les monstres existent, de nombreuses formes différentes, et le gouvernement américain n’est pas le seul à les chasser, il existe aussi une agence privée, une firme familiale américaine vraie de vraie, qui s’en occupe. On suit donc une nouvelle recrue de Monster Hunter International, qui va rapidement se retrouver pris dans une histoire de très gros monstres, avec conquistador immortel et puissances cthuliennes en arrière-plan. De quoi faire du bon pulp nerveux et détendu, et c’est le cas. Maintenant, le coté libertarien affirmé, voire défendu ouvertement, l’amérique profonde et le culte du flingue poussé à ce point (parce que oui, outre se moquer du gouvernement, on parle quand même pas mal de modèles de flingues et de customisations diverses, et on sent l’auteur avoir l’eau à la bouche autant que ses

230 personnages), ben non, moi ça me fait un peu trop. Si ça ne vous bloque pas, voire que ça vous plait, c’est du bon pulp efficace pour se distraire. Si ça vous bloque, ne serait-ce qu’un peu, mieux vaut ne pas y aller du tout, ça va vous faire grogner.

Dans la dèche au Royaume Enchanté, de Cory Doctorow

Et une fois qu’on aura suffisamment pour satisfaire à tous nos besoins matériels, qu’est-ce qu’on fera ? Surtout si on ajoute le fait de pouvoir se cloner et se réincarner en cas de problème ? Et comment s’organisera la société, selon quelles hiérarchies ? C’est cet horizon que Cory Doctorow explore ici, celui d’une société basée sur une économie de la réputation. Et ce, ce qui est assez peu surprenant quand on connaît l’auteur, dans le cadre de Disney World. Et pour les allergiques, je compte Cory Doctorow pour le plus grand fan de Disney que je connaisse mais aussi pour son critique le plus fin, ce qui vous dira un peu de ce qu’on trouve dans ce roman, même si ce n’est pas le coeur du propos. Le coeur du propos, à travers un personnage en décrochage, c’est bien la question du sens qui reste dans une telle société, de ce qui donne envie de faire, de s’investir, de vivre. C’est un chouette roman, avec un intrigue qui avance, mais qui n’est pas très importante au final, l’intérêt est plus de découvrir ce futur possible, avec ses attraits et ses travers. Ce n’est clairement pas le Cory Doctorow que je trouve le plus marquant ou le plus abouti (mais c’est un de ses premiers, ce qui n’est donc pas surprenant), mais c’est un bon roman quand même.

● Aurora, de Kim Stanley Robinson

Il y a des auteurs qu’on croit connaître, dont on prend un bouquin en se disant que ce sera de la bonne SF classique sans surprise. Et puis on prend une bonne claque dans la gueule. Voilà ce qui m’est arrivé avec Aurora, le dernier Kim Stanley Anderson. Kim Stanley Robinson est notamment l’auteur de la trilogie martienne (Rouge, Bleue, Verte), et dont j’attendais donc quelque chose du même tonneau : de la SF un peu à l’ancienne, très fondée scientifiquement, avec des vaisseaux, de la colonisation de planètes, pleins d’idées et des personnages pas forcément très profond là pour faire avancer une histoire très intelligente mais pas forcément très émouvante. Et il y a tout ça, en fait, mais il y a aussi bien plus. Il y a, d’abord, une structure narrative que je n’ai pas forcément vue venir, qui se concentre sur l’histoire plus que sur les personnages (encore que…) mais avec une histoire qu’on ne voit pas forcément venir. En tout cas, moi, avec tous mes a priori, je ne l’ai pas vu venir et ça a été une très

231 bonne surprise. Et il y a, ensuite, un propos de fond très malin et passablement émouvant. Que je ne vais pas pouvoir commenter trop, mais vraiment, c’est marquant. Enfin, moi, ça me trotte joyeusement en tête depuis que j’ai fini. Alors oui, c’est du Kim Stanley Robinson, avec tout comme avant, mais avec plus et mieux, avec de l’humain (ou pas d’ailleurs) terriblement bien amené.

Septembre 2016

The Female Man, de Joanna Russ

Je ne connaissais pas du tout Joanna Russ, mais grace aux bons conseils de Tor.com et à la collection Masterworks of SF, j’ai pu découvrir, et ça a été une sorte de claque. Joanna Russ est d’abord militant féministe, depuis les années 70, et ensuite auteure de SF. Ou l’inverse, il faudrait lui demander, mais la dimension féministe est tellement centrale et bien exposée dans ce roman que j’aurais tendance à la mettre en premier. C’est un roman très bien écrit, mais très chaotique. Ceux et celles qui ne supportent pas les structures confuses et montées façon puzzle et qui ont besoin d’une narration linéaire peuvent malheureusement passer leur chemin, donc. Car l’idée de base est le croisement de quatre femmes issues de périodes, et surtout de sociétés, très différentes, en particulier dans la place des femmes dans ces dernières. En particulier, une des protagonistes est issue d’un lointain future dans lequel la société humaine est exclusivement féminine (et très avancée, scientifiquement et socialement). Sa découverte, en particulier, des modes de fonctionnement d’une société plus au moins américaine des années 50-60 permet un contraste très révélateur et qui plus est vraiment drôle. Parce que oui, c’est bien écrit. En particulier certains dialogues. Et certains monologues et exposés également. Au point que parfois, l’aspect didactique saute aux yeux. Ce qui ne m’a pas gêné le moins du monde, ceci dit. Je ne sais pas si on peut dire que l’histoire va complètement quelque part, encore plutôt si, mais par contre le propos de fond oui, et il tape assez fort. J’ai vraiment beaucoup aimé et je vous recommande de tester.

232 ● Shaman, de Kim Stanley Robinson

Je ne suis pas le seul à avoir lu “Les chamanes de la préhistoire”, visiblement, Kim Stanley Robinson aussi. Et tant mieux, vu ce qu’il en fait. Shaman est un roman préhistorique donc, pendant l’age glaciaire, et sans doute situé, même si ce n’est pas dit directement, autour de la grotte Chauvet. Comme à son habitude, Robinson s’est très sérieusement documenté, et c’est un roman qui mérite très clairement la qualification de science-fiction. On s’y retrouve réellement et puissamment plongé dans la vie d’une tribu de la préhistoire. Avec ses difficultés à gérer les stocks de nourriture pendant toute l’année, ses questionnements scientifiques, techniques et spirituels, mais aussi sociaux. Avec ses rites de passage également puisqu’on suit en particulier un jeune garçon, Loon, appelé à devenir shaman. Je suis très admiratif de la manière dont Robinson arrive à créer une ambiance riche et crédible, et à donner une place évidente, mais aussi incontournable et poétique à la nature. C’est aussi un roman dans lequel j’ai eu longtemps l’impression qu’il ne se passerait rien si ce n’est la vie habituelle de la tribu. Et, honnêtement, ça m’aurait largement suffit. Sauf que non, il se passe quand même pas mal de choses. Et c’en est d’autant plus prenant, et émouvant. Parce que c’est vraiment un roman dans lequel je me suis laissé complètement emporter, un roman dont on se prends à rêver, qui laisse un trace pas complètement verbalisable. A ne pas rater.

● Dark Lord of Derkholm, de Diana Wynne Jones.

L’idée de départ de ce livre est simple et amusante : et si un monde traditionnel de fantasy se trouvait colonisé par l’industrie du tourisme de notre monde. Chaque année, pendant trois mois, des groupes de touristes sont accompagnés sur des itinéraires d’aventure où ils vont rencontrer de nombreuses péripéties, trouver des éléments de prophétie, traverser de grandes batailles et au final abattre le Sombre Seigneur. Et, oui, chacun des groupe devra vivre l’ensemble, ce qui suppose donc une logistique et des dégâts collatéraux considérables. Mais l’organisateur des tours tient, par un moyen qu’on ne connaît, les plus grands magiciens, les seigneurs nains, les dragons, etc. Bref, ils sont obligés, mais ça ne plait à personne. Jusqu’au jour où la cheffe des magiciens décide d’aller consulter l’oracle pour savoir comment mettre fin au tourisme… Et tout ça, aussi bizarre que ça semble, fait un excellent roman. C’est écrit de manière simple mais très efficace, et souvent touchante, ce qui va avec le fait

233 que DIana Wynne Jones est d’abord une auteure jeunesse. Les personnages sont variés, très variés, et vraiment touchants et bien amenés. Et le scénario de fond est surprenamment plein de surprises et de bonnes idées. Vraiment un roman à découvrir si vous aimez la fantasy un peu décalé et drôle.

Year of the griffin, de Diana Wynne Jones.

Je ne vais pas vous surprendre en vous disant que, ayant beaucoup aimé Dark Lord of Derkholm, j’ai lu le tome suivant. Et, bon, j’ai été un peu déçu. Pas complètement, c’est resté une lecture plaisante, mais tout de même, ce n’est pas du tout du même niveau que le précédent. D’une part, et ça explique une partie de ma déception, ça se passe dans le même monde, mais pas vraiment avec les mêmes personnages. Alors que honnêtement, le fait de les retrouver faisait partie de mes motivations. Bon, on les voit passer quand même un peu, mais ils sont en arrière-plan. Et d’autre part, je n’ai pas trouvé le scénario très convaincant. Il y a plein d’idées rigolotes et inventives, mais le fil rouge de l’ensemble est un peu inexistant et mène à une fin pleine de surprises qui n’en sont en fait pas tellement elles sont téléphonées. De fait, on suit un groupe d’étudiants en magie, pendant leur année d’université, et chacun à ses casseroles familiales. Au final, ils finissent tous les uns avec les autres et tous leurs problèmes familiaux se résolvent en se croisant et se complétant. Probablement que ça a une chance de bien marcher avec un public plus jeune qui voir moins venir l’ensemble...

The Gospel of Loki, de Joanne Harris

Ah, la mythologie scandinave, les nains, les haches, le poil, tout ce genre de choses… Non, justement, Joanne Harris se fait plaisir, et fait plaisir au lecteur, en proposant une lecture décalée de la mythologie scandinave, puisqu’on la découvre par les yeux de Loki, le dieu pas comme les autres, menteur, manipulateur, exclu, etc. Il s’agit donc d’un roman avec une tonalité plutôt satirique, mais sans virer dans le vraiment comique ou dans le clownesque. Il y a même une dimension franchement tragique dans la manière dont Loki ne sait pas faire autre chose que ce qu’il est et de comment il n’arrive donc jamais à être en paix avec les autres dieux et à se sentir accepté et accueilli quelque part. Parce que même en étant narratif, Loki n’est pas exactement un personnage sympathique. Drôle, oui, touchant, oui, mais on n’a pas vraiment envie de l’avoir comme pote. Accessoirement, Joanne Harris suit vraiment la trame et le récit de la mythologie classique et ne s’en éloigne pas. Vous aurez donc, bien

234 qu’avec un point de vue particulier, la mythologie scandinave des débuts jusqu’au Ragnarok. C’est une lecture que j’ai trouvé tout à fait plaisante, mais finalement, une fois le ton donné, pas suffisamment surprenante ou satirique pour que je n’ai pas l’impression de lire de la mythologie, avec ses intérêts et ses limites.

The Quarry, de Iain Banks

Le dernier Iain Banks, donc. Le vrai dernier. En pas SF. Je me le gardais depuis longtemps et ça m’a fait un petit bout des vacances. Que dire si ce n’est que c’est effectivement du Banks, sans la moindre question. Sans doute pas le meilleur, mais certainement pas le moins bon non plus. En Angleterre, aujourd’hui, un jeune adulte, autiste, vit seul avec son père en phase terminale d’un cancer. Un père qui a mené une vie de débauche et de ruptures, d’éternel étudiant provocateur. Et ce père convoque ses amis d’université pour un dernier week-end, avec comme prétexte/chantage une cassette vidéo de leur jeunesse. Qui pourrait nuire à leurs carrières, pour ceux qui en ont une. Et c’est donc une fois de plus des personnages vivants, complexes, drôles et décalés qui vont discuter, s’engueuler et se révéler, comme Banks sait si bien le faire, dans un huis clos à la fois débauché, nostalgique et inquiet. Dans lequel, bien sur, on parle et on tourne beaucoup autour de l’idée de la mort, et de ce qu’est une vie satisfaisante. Avec un finesse évidente, et sans faire trop de manière. C’est globalement un roman que j’ai trouvé assez nostalgique, assez triste sur le fond, tout en gardant une forme vivante et pleine de petites étincelles. Bref, rien d’inattendu, et rien de décevant : c’est le dernier Banks.

Novembre 2016

● Photo de groupe au bord du fleuve, d’Emmanuel Dongala

Méréana est une jeune femme africaine, contrainte temporairement de travailler à casser des cailloux au bord du fleuve. Elle en fait des graviers, qu’elle vend ensuite, comme ses collègues, en sacs, à des entreprises de construction. Lorsqu’elle apprend que les prix s’envolent depuis que le président a décidé de faire construire un nouvel aéroport, elle propose au groupe de femmes d’augmenter leur tarif en conséquence.

235 Et ce ne sera pas, justement, sans conséquences. Un jour nouveau se lèvera sur cette décision, et un collectif va se souder et s’affronter aux logiques de pouvoir de leur pays. C’est un roman sur un thème tout à fait sérieux, voire grave, mais c’est un roman joyeux, énergique, qui donne envie. Ce n’est pas un conte de fée, au contraire, c’est très fin et réaliste dans ce que ça décrit de la place des femmes et du fonctionnement de la société. Et c’est très bien écrit, avec un style qui m’a vraiment plu, du rythme, de l’émotion, et, donc, beaucoup d’humour. Une belle histoire de lutte, qui part de tout en bas pour arriver assez haut. C’est un roman qu’on ne lâche plus une fois qu’on est entré dedans, un roman dans lequel on s’attache aux personnages, nombreux, et à leurs histoires. On ne peut qu’admirer ces femmes en lutte et avoir envie de les voir aboutir. Vraiment une lecture que je vous recommande.

The Aeronaut’s windlass, de Jim Butcher

Jim Butcher fait une nouvelle infidélité à Dresden en se lançant dans une nouvelle série de Steampunk. Et, autant j’ai pris plaisir à lire ce roman, autant j’aurais largement préféré qu’il écrive son Dresden Files annuel, parce que tout de même, ça commence à durer. Mais bon, parlons plutôt de The Aeronaut’s windlass. Pour être bref, c’est du steampunk, du vrai, avec tous les clichés et les passages attendus, avec donc tout ce que ça peut avoir de drôle et de coloré, mais aussi avec tout ce que ça a, justement, de cliché et de répétitif. Alors, certes, c’est un monde post-apocalyptique, avec visiblement quelques idées derrière sur les dessous de l’apocalypse et les enjeux cosmiques qu’on commence seulement à effleurer dans ce premier tome et qui feront, certainement, le coeur de la suite, mais ça ne suffit pas vraiment à en faire quelque chose de très original. Certes, j’ai confiance en Butcher pour que ce ne soit pas au final complètement bateau, mais n’empêche, ça ne s’annonce quand même pas révolutionnaire, en tout cas pour ce qu’on en perçoit dans ce premier tome. Et pour le reste, c’est assez classique, avec des bonnes manières victoriennes, des oppositions de classe, des vaisseaux volants, des capitaines pas tout à fait pirates parce qu’ils ont bon fond mais quand même un peu anti-establishment, des mystiques de l’ether à moitié fou, et des chats qui parlent. Oui, oui, des chats qui parlent, ce qui n’est pas si anecdotique dans le récit d’ailleurs. Donc c’est amusant, et Butcher écrit toujours bien, avec des personnages colorés et beaucoup de rythme, mais ça reste du steampunk assez classique. Si vous aimez le steampunk, vous pouvez donc y aller les yeux fermés, et si ce n’est pas le cas, je ne suis pas sur que ça suffise à

236 vous convaincre. Personnellement, j’en sors amusé et distrait mais quand même assez mitigé.

● The ocean at the end of the lane, de Neil Gaiman

Il y a toujours chez Neil Gaiman une forme de poésie et de flottement que je qualifierais facilement d’enfantine. Une facilité à retrouver une douceur et une naïveté, un regard sur le monde à la fois très optimiste et très cruel dans la mesure où cette naïveté et cette douceur se confrontent au monde tel qu’il est et aux gens tels qu’ils sont. Dans The Ocean, non seulement on retrouve ces éléments, mais ils sont mis en scène bien plus directement et bien plus explicitement que dans la plupart de ses autres romans. C’est en effet un roman d’enfance, qui est autobiographique sans l’être du tout, une plongée dans une manière de penser l’enfance et son rapport au magique, au merveilleux, à l’ailleurs d’un monde qui reste à découvrir. Le narrateur revient effectivement sur les lieux de son enfance pour se rappeler d’une aventure magique et fantastique qui l’a défini. C’est très joli, très doux, mais aussi cruel. Il y a quelque chose d’universel dans cette manière de vivre l’enfance, même si l’histoire est spécifique. C’est un beau roman, un peu flottant, nostalgique et tout à fait prenant.

A slip of the Keyboard, de Terry Pratchett

Encore un bouquin de Pratchett réservé aux fans de l’auteur puisqu’il s’agit d’une compilation de ses écrits hors-fiction. Donc principalement d’articles, de discours et de courriers piochés dans l’ensemble de sa carrière d’écrivain (et même un peu avant pour les plus anciens). Pas de bonus avec les personnages du disque-monde ou quoi que ce soit de ce genre, donc. Mais pour autant, il y a vraiment de quoi y prendre plaisir, et encore plus de quoi réfléchir. Parce que Pratchett était quand même quelqu’un qui réfléchissait, et qui avait des choses à raconter, c’est le moins qu’on puisse dire. L’ensemble de ces petits textes est organisé en différentes chapitres thématiques, qui n’ont rien de surprenant, mais qui permettent d’avoir une cohérence bienvenue. On y trouvera comme toujours de beaux passages humanistes mais pas niais du tout, des moments amusants et flippants notamment concernant les centrales nucléaires (Pratchett a été responsable de la communication de centrales anglaises avant de vivre de l’écriture), bien sur pas mal de choses sur l’écriture elle-même, mais aussi sur les tournées de dédicaces et la vie d’un auteur sur

237 la route, et enfin, et ce n’est pas le moins intéressant, même si ce n’est pas le plus joyeux, de nombreuses considérations sur sa maladie et surtout sur le fait de choisir sa mort, et donc sur la place du suicide médicalement assisté dans nos sociétés. Tout cela est bien sur bien écrit et vivant, et pour le coup, ça donne à réfléchir. Donc, quand on est fan de Pratchett, il n’y a absolument pas de quoi hésiter.

Howl’s moving castle, de Diana Wynne Jones

J’avais vu le film, par le Studio Ghibli, mais j’ai donc découvert qu’il y avait derrière un roman de Diana Wynne Jones. Et, oui, le film est une adaptation assez fidèle du roman. Roman pour jeune lecteurs par ailleurs, donc l’ambiance est vraiment raccord avec l’impression laissée par le film. Certes, tout n’est pas exactement semblable, et il y a certainement un peu plus de profondeur dans les personnages et les détours de scénario dans le roman, mais on se sent pour le coup vraiment dans le même univers. Je dirais même que, ayant vu le film, il est difficile de ne pas se représenter les personnages comme ceux de Miyazaki. Mais ce n’est pas une mauvaise chose. D’autant que c’est très agréable à lire. C’est même assez léger à lire, en termes de style, plutôt dans une ambiance de conte très créatif et fourmillant d’idées et de références. Ce qui peut donner une impression très flottante, tant les lieux, les personnages, les pays ne sont pas nécessairement reliés entre eux. Et, de la même manière, l’évolution de l’histoire relève plus du conte que du roman classique en termes de progression et de logique. Mais ça fonctionne tout à fait. Et ça rend tout à fait logique le fait que ça ait été adapté par Miyazaki, tant leurs univers et leurs modes narratifs se ressemblent. Et, accessoirement, le personnage de Howl est bien plus complexe et intéressant que ce qu’on en attend au début. Il y a des suites, mais je ne sais pas si je les lirais. Maintenant, si vous êtes fan de Miyazaki, je pense qu’il faut vraiment essayer au moins ce roman.

238 Janvier 2017

Burton et Swinburne : The strange affair of Spring-heeled Jack, et The curious case of the clockwork man, de Mark Hodder.

Mark Hodder entame sa carrière de romancier avec cette série de romans steampunk et on ne peut qu’être grandement admiratif de la qualité de ce qu’il propose. De fait, c’est extrêmement bien construit et rythmé, avec un intrigue élaborée (c’est le moins qu’on puisse dire, mais il est difficile d’en parler sans spoiler. Alors je dirais simplement que le thème de l’histoire alternative est vraiment bien exploité et dans une perspective narrative bien plus SF que Steampunk). D’autre part, l’auteur joue d’une part avec les codes du steampunk de manière réjouissante et détendue, mais surtout en s’appuyant de manière très documentée et maline sur des personnages et des mystères de l’époque victorienne. A ceci, on peut ajouter des personnages principaux drôles et variés (un explorateur arabophile à réputation de brute et un poète masochiste de petit gabarit alcoolique), qui ne donnent pas l’impression de s’enfermer trop dans les clichés victoriens mais de s’en amuser. Dans le premier tome, sur une base d’intrigue policière, avec des personnages inattendus, on se laisse embarquer dans un scénario très tordu et élaborée mais au final très satisfaisante, et qui se trouve poser les bases d’un monde très intriguant et donc d’une série qui s’annonce finie (tant mieux). Dans le second, on poursuit avec une intrigue plus ouverte et plus politique mais tout aussi bien construite, et sur des bases historiques que je connaissais moins. Ce qui nous mène à un troisième tome qui devrait être la conclusion et donc je vous parlerais bientôt. Mais vraiment une excellente surprise que cette série, je vous la recommande d’autant plus que son début est traduit en français.

239 Mars 2017

● Altered carbon + Broken angels + Woken furies, de Richard Morgan

Cette série de Richard Morgan habite un entre-deux, tout à fait réussi, entre de la science-fiction et du roman noir. De fait, le cadre est largement futuriste, avec une humanité qui a colonisé un certain nombre de planètes d’une part, et qui est capable de se transférer d’un corps à l’autre, ou sur support informatique avec une virtuelle d’autre part. Les deux étant liés, puisque le fait de pouvoir se télécharger dans un nouveau corps permet de se rendre sur une autre planète sans contrainte de durée de trajet et de vitesse de la lumière. Dans ce cadre, on suit dans cette trilogie Takeshi Kovacs, un ancien agent spécial/commando/espion du gouvernement interplanétaire. Un baroudeur, extrêmement compétent pour plein de choses, mais avec une conscience et un passé douloureux, bref, un vrai profil de personnage principal de roman noir. Tout en gardant de l’humour et une certaine finesse, on reste dans les codes mais sans tomber dans le cliché non plus. Ce qui fait qu’il en est attachant. Chaque roman est construit comme une enquête, voire comme un enchaînement de complots et de manoeuvres plus ou moins politiques. Et ce sont des scénarios passablement élaborés et retors, mais qui sont agréable à suivre parce que le rythme et l’écriture sont prenants, et que même si on n’arrive pas à anticiper les grands plans, ils sont bien amenés et au final très cohérents et solides. En soit, ça suffirait déjà à en faire de très bons romans. Mais en plus, il se tisse au fil de ces trois romans quelque chose qui ressort vraiment de la science-fiction au sens classique du terme, avec des découvertes et révélations sur le monde, sur le comment de la colonisation des planètes et sur les martiens (je ne vous en dit pas plus, mais c’est chouette). Ajoutez à ça une dimension politique fine et bien construite et argumentée, et vous avez la recette pour une trilogie qui m’a beaucoup plu et dont j’attends idéalement une suite.

240 Expedition to the mountains of the moon, de Mark Hodder.

Voici donc le troisième et dernier tome de Burton et Swinburne, dont j’avais vraiment aimé les deux premiers opus. On retrouve donc les mêmes personnages, et presque le même contexte, sauf qu’assez rapidement, en fait non, pas vraiment. De fait, toute cette série est construite (attention, spoilers mais pas trop) sur des questions de voyage temporel, et il s’agit bien d’une série cohérente, pas d’un empilement d’épisodes, donc tous les éléments précédents montent en puissance et s’agencent pour arriver à une situation bien plus compliquée et cruciale que ce qui est simplement annoncé : une expédition aux sources du Nil pour retrouver le dernier joyau. Et de fait, ça fonctionne tout à fait en termes de scénario, ça tient debout et a mène à une fin bien construite et satisfaisante. Mais. Mais du coup, le chemin parcouru dans ce troisième tombe est beaucoup moins enjoué, voire carrément sombre pour une bonne partie, ce qui fait que je n’y ai pas retrouvé la légèreté et le plaisir que j’ai eu en lisant les précédents. Ce qui n’est pas vraiment une critique, parce que ça fonctionne bien, mais ce qui est en tout cas une vraie différence de ton et d’ambiance qu’on peut plus ou moins apprécier selon les goûts. Certes, il y a encore de l’humour, et plein de références historiques malines. Certes, on y retrouve les personnages auxquels on est attaché. Mais pas avec le même plaisir ni la même légèreté.

Avril 2017

● The steel remains + The cold commands + The dark defiles, de Richard Morgan

Plus je lis Richard Morgan, plus je l’apprécie. Non sans une certaine retenue parce que c’est un auteur que je trouve ambigu. Mais je pense qu’il l’est volontairement, et de manière très réfléchie et maline pour le coup. En particulier dans son traitement de la violence et de l’héroïsme. Et pour le coup, cette trilogie enfonce le clou sur ces thèmes-là. C’est même le propos central de l’ensemble, et il est abordé d’une manière déstabilisante, mais que je trouve franchement brillante. De fait, il s’agit de

241 fantasy, avec tous les clichés inhérents au genre, notamment en termes de violence et d’héroïsme individuel. Sauf que, dès le départ, on sent bien que ça ne va pas se cantonner à un registre traditionnel puisque le héros est certes un vétéran avec une grosse épée magique, mais il est gay. Et avec une sexualité active, et décrite de manière tout à fait directe (donc, oui, c’est pour adulte, avec cette touche que j’aime beaucoup d’être sans doute illisible par qui que ce soit d’homophobe). Et ce n’est pas tout, puisque le déroulement est une déconstruction franche, mais progressive des trames héroïques traditionnelles. Jusqu’au bout, car la conclusion est déstabilisante en termes d’habitudes narratives, mais redoutablement efficace en ce qui me concerne. J’ajouterai que l’ensemble est bien écrit, mais très sombre, on pourrait sans doute classer ça dans la dark fantasy. Et de nombreux thèmes sociaux sont abordés, souvent violemment, mais de manière de mon point de vue pertinente et efficace.Je vous signale également, sans spoiler plus, qu’il est à mon avis bienvenu de lire d’abord la trilogie Takeshi Kovacs, du même auteur. C’est une série qui me laisse un goût en partie amer, mais ce n’est en rien une critique, et qui m’a pas mal marqué. Si vous aimez la fantasy autant qu’elle vous gonfle, que vous supportez la violence et les moments sombres dans la mesure où ils apportent quelque chose et que vous voulez tenter une trilogie un peu hallucinée mais marquante, c’est un bon choix.

Alcatraz Smedry, de Brandon Sanderson.

Une fois n’est pas coutume, je lis Sanderson en français, et sur papier bible puisque ce volume regroupe quatre tomes originels des aventures d’Alcatraz Smedry, une série pour ados/jeunes adultes. Certes, c’est pour ados, et ça l’est pleinement, mais c’est drôle. Enfin, dans la mesure où vous supportez les apartés permanents avec de l’humour d’ado. Parce que le narrateur est ado et c’est pour le moins bien rendu. Mais ce n’est pas que pour faire des blagues, c’est aussi pour faire de la pédagogie puisque tout en rigolant, ces apartés expliquent aussi comment l’histoire est construite, comment les personnages évoluent et tout un tas de choses de ce genre. Et certes ça prend de la place, mais je trouve que ça passe bien. Pour le reste, c’est n’importe quoi et c’est très réussi. En effet, Alcatraz découvre, et nous avec, que le monde est gouverné en secret par la secte des infâmes bibliothécaires, et que s’opposent à eux les royaumes magiques, dont la magie est à base de lunettes. Et qu’il fait partie de la lignée Smedry, qui a des pouvoirs puissants et passablement idiots comme arriver en retard, se lever avec une tête de déterré, ne pas savoir compter, etc. Et tout ça se tient suffisamment pour faire de vraies histoires, ce qui n’est pas étonnant de la part de Sanderson. Plutôt courtes, parce qu’avec moins de

242 trois-cent pages par tome et beaucoup d’apartés, ça reste limité, mais efficaces et pleines d’inventions. Si vous avez envie d’une lecture de vacances, légère et juvénile, ou si vous cherchez un bouquin rigolo pour ados ou grands enfants, c’est tout à fait adapté. Moi, en tout cas, je me suis bien amusé.

Planesrunner, de Ian McDonald.

J’aime bien Ian McDonald, en tout cas quand il écrit pour adultes, mais ici, je dois avouer que cette excursion dans la littérature ado/jeunes adultes ne m’a pas complètement séduite. Bon, peut-être que la comparaison avec Alcatraz Smedry a joué, c’est bien possible. Car là où Sanderson joue la carte du n’importe quoi assumé et délirant, McDonald fait plutôt une version allégée d’un roman finalement assez classique de Steampunk/Multivers. Et, du coup, c’est probablement bien pour des lecteurs plus jeunes, mais en ce qui me concerne, ça ressemble surtout à du classique, avec rien de plus, et du rythme et de la densité en moins. Ce qui n’en fait pas un mauvais roman, parce qu’il y a quand même pleine d’idées sympathiques, mais ce n’est pas très marquant. Ce qui est dommage parce qu’il y a aussi des personnages pas si classiques et que j’aurais aimé apprécier plus. Peut-être que ça va en s’améliorant dans la suite de la trilogie, maintenant que les bases de l’univers sont posées, mais ça ne me semble pas garanti. Ce qui fait que je ne lirais pas la suite pour le moment, mais je ne vous le déconseille pas pour autant.

Black Man, de Richard Morgan.

Toujours RIchard Morgan, et toujours les mêmes tendances, et j’aime toujours, même si ça vient titiller des choses pas toujours confortables. Il s’agit ici d’un roman autonome, dans un futur plutôt proche, et centré sur la question de l’influence de la génétique et de ses futures manipulations. Ce qui est croisé brillamment avec des questions politiques et sociales plus larges, notamment l’évolution des sociétés occidentales, et américaine en particulier, au sujet de la violence, des formes de domination masculines, du racisme et de la religion. Encore une fois, c’est un excellent roman d’enquête et d’action, avec du rythme, du suspense, et des personnages aussi intriguant et riches qu’attachants. Et encore une fois, sous cette couche d’action et de violence, il y a une réflexion profonde et très fine qui relève profondément de la science-fiction, volet fiction politique et conséquences sociales d’évolutions technologiques. Et encore une fois, ce n’est pas exactement réjouissant, malgré pas mal d’humour. Mais sans faire du tout donneur de leçons ou grands

243 discours, je trouve que l’auteur réussit à tisser beaucoup de réflexions de fond et d’apport dans ce qui reste un thriller futuriste terriblement efficace.

Juillet 2017

Lu. Neptune’s brood, de Charles Stross.

Charles Stross écrit principalement des séries, et avec grand talent d’ailleurs, mais il écrit également des romans indépendants, comme celui-ci. C’est de la science-fiction, accessoirement dans un futur assez lointain, mais la science sur laquelle est centrée son travail d’anticipation est la science économique. En particulier : les systèmes monétaires et les systèmes de dettes. Oui, il a lu David Graeber, et ça se sent bien quand on l’a lu aussi. Et il en fait quelque chose de très inattendu mais de très réussi. Le roman est construit sur une trame plutôt policière, d’enquête, mais d’enquête autour de questions financières, et d’arnaques à très très grande échelle. Et le rythme est bon, la construction efficace. Tout ça dans un monde baroque et bizarre, orienté transhumanisme et post-humanisme dans la manière dont les personnages ne sont plus humains, dans des proportions plus ou moins différentes et plus ou moins visibles. Pour le même prix, comme toujours avec Stross, c’est plein d’allusions et de réflexions politiques et sociales franchement bien amenées et convaincantes. Et étant donné le sujet de fond, il y a de quoi faire. Pour finir, je préciserais que, et c’est important, c’est franchement amusant comme monde et comme lecture en général, c’est plein de bizarrerie et d’exotisme. Ce qui permet d’avoir une thématique de fond potentiellement aride traitée de manière au contraire colorée et rythmée.

● Lu. The dark forest et Death’s end, de Cixin Liu.

Vous vous souviendrez peut-être, pour les plus attentif-ve-s, du fait que j’avais lu le premier tome de cette trilogie (The three body problem) et que j’en étais sorti avec une impression plutôt mitigée. Ce qui ne m’a pas empêché de finalement me laisser tenter par la suite. Et j’ai bien fait. Parce que sur la base posé dans le premier tome, Cixin Liu construit ensuite une saga absolument impressionnante et qui m’a complètement absorbé.Impressionnante par son ampleur, tant on va rapidement

244 passer de la Terre au système solaire, puis à la galaxie et plus, en termes de préoccupations. Et pareil, voire plus, en termes d’échelle de temps. Donc, oui, il voit grand, mais il voit grand avec beaucoup d’adresse et énormément d’idées étonnantes et captivantes, aussi bien sur les aspects classiques de technologies et de développement, que sur les aspects sociaux, politiques et surtout philosophiques. Honnêtement, je n’ai pas souvent lu de science-fiction qui balayait aussi large et qui envoyait autant d’idées en une seule histoire. Et c’est très honnêtement rythmé, avec de vraies surprises, plus ou moins brutales, mais qui relancent toujours l’histoire de manière intéressante. On continue d’ailleurs à avoir cette couleur particulière du fait d’être centrés sur le monde chinois, ce qui change quand même pas mal de choses, et de manière amusante d’ailleurs. Bon, les personnages sont par contre certes sympathiques et pour la plupart assez bien posés, ce n’est pas par l’attachement qu’ils créent que cette trilogie brille le plus. Rien de terrible, mais ce n’est pas le plus central. Pour conclure, je dirais que ça vaut largement le coup de s’accrocher pendant le premier tome pour arriver à ces deux-là.

Lu. The nightmare stacks, de Charles Stross.

La suite de The Laundry, donc, avec toujours le même monde et les mêmes enjeux, mais, changement important pour ce tome-ci : un autre narrateur. Pas de bob ce coup-ci, mais un jeune vampire/analyste financier issu du tome précédent et recruté par The Laundry. Ce qui donne d’une part un peu de respiration et un changement de perspective sur l’ensemble, et d’autre part permet de s’intéresser à une histoire plus spécifique et moins liée aux grands enjeux de la série (même si c’est complètement raccord et que ça va reboucler parfaitement avec le prochain). Au final, j’aurais même tendance à dire que c’est presque un conte de fées. Bon, en fait non, parce qu’on est toujours dans les invasions de créatures extra-dimensionnelles, avec éventuellement des tentacules. Mais n’empêche, les personnages et leurs parcours, et leur fraîcheur, voire leur naïveté, donne une vraie légèreté et la conclusion va d’ailleurs dans ce sens. C’est donc aussi malin et drôle que le reste de la série, mais avec une fraîcheur bienvenue. Et accessoirement, la suite reprendra avec Bob mais vu ce qu’il s’est passé là, ça va valoir le coup.

245 Aout 2017

● Lu. Mahabharata, de Carole Satyamurti

Oui, ça peut sembler étrange de mettre un nom d’auteure pour le Mahabharata. Mais c’est ici complètement justifié étant donné la qualité et la quantité démesurée du travail réalisé. Pour mémoire, le Mahabharata est le grand récit mythologique de l’Inde, composé de dix-huit livres et considéré comme le cinquième livre sacré de l’hindouisme après les Vedas. Un monument donc. Il s’agit ici d’une version résumée (il faut pour réciter oralement l’ensemble de l’original sanskrit autour de trois mois) mais ça reste un beau morceau. Traduit en anglais donc, et dans une nouvelle traduction qui vise à retrouver la dimension poétique aussi bien que la dimension mythologique et narrative de l’original. Certes, je n’ai pas lu l’original, mais je trouve que question poésie, c’est franchement réussi. Et passablement impressionnant au vu de la taille du texte. C’est du vers libre anglais, donc sans nécessairement de rime, mais avec un rythme et une musique très réussis. Et c’est donc une très belle manière de découvrir une fresque mythologique exceptionnelle. On y trouve de tout, et même, selon le texte, tout ce qui mérite d’être discuté et réfléchi tout court. Fondamentalement, c’est l’histoire de la famille des Bharatas, au sein de laquelle deux fratries vont être amenées à s’affronter et vont par ce biais fonder le monde tel qu’il est aujourd’hui. Enfin, dans la perspective de l’Inde traditionnelle, s’entend. C’est donc plein de batailles, certes, mais surtout de personnages et de récits foisonnants et emboîtés les uns dans les autres. Il y a une vraie dimension labyrinthique, mais dans laquelle on réussit quand même à se retrouver. Et puis, le destin de tous ces personnages est conditionné par le Dharma et les influences divines. C’est donc aussi un récit de sagesse et de spiritualité, de réflexions profondes sur l’existence (la Baghavad Gita, pour ceux et celle qui situent, est un chapitre du Mahabharata par exemple). On peut donc y trouver avec bonheur tout ça, ainsi bien sur qu’un dépaysement certain et une découverte des racines de la pensée indienne. Etant fan de la version théatro-filmique de Peter Brook depuis longtemps, je suis très content d’avoir enfin lu une version texte, et tout particulièrement celle-ci que j’ai trouvée très réussie.

246 Lu. The abominable, de Dan Simmons

J’aime beaucoup Dan Simmons, et je suis admiratif de sa technique d’écriture et de narration, mais il faut bien reconnaître qu’il y a du bon et du moins bon. Pour The Abominable, de mon point de vue, on est plutôt dans le moins bon. Alors certes, du moins bon Dan Simmons, ça se lit quand même bien et on y trouve des choses agréables, voire marquantes, mais ça n’a pas la dimension marquante et parfaitement calée de ses meilleurs (Hypérion, Olympos, Les fils de ténèbres, par exemple). Ici, on suit des alpinistes. Enfin, surtout un, avec un intro classique du genre “j’ai récupéré un vrai manuscrit et je le publie” qui a beau être très bateau, est très bien réalisée et amenée. Et ces alpinistes vont, en 1924, entreprendre l’ascension de l’Everest. A l’époque, les quelques grandes expéditions anglaises ont échoué, notamment celle de Mallory, juste au début du bouquin. Et tous les passages concernant la montagne, les difficultés de ces altitudes et globalement les questions techniques m’ont passionné. Et le fait est que ça occupe les deux tiers du bouquin, donc oui, il y a des choses que j’ai vraiment apprécié. Pour le dernier tiers, moins. D’ailleurs, attention : SPOILERS. Est plutôt annoncée une histoire d’abominable homme des neiges. Ce qui est très classique, mais connaissant Simmons, je me disais que pourquoi pas. Sauf que non, pas du tout, c’est une feinte, c’est au final beaucoup plus terre-à-terre, et montagnard, et politique. Mais d’une manière que je n’ai pas trouvée tellement prenante ou convaincante. Un peu facile en fait. Ce qui amène à une fin honnête mais là encore, un peu facile, un peu rapide et qui tombe en partie à plat de mon point de vue. Du coup, au final, j’aurais préféré qu’on en reste à la montagne, voire aux yétis.

Lu. Into thin air, de Jon Krakauer

Ayant envie d’en lire plus sur des aventures himalayennes, j’ai suivi les bons conseils de mon papa et j’ai lu Jon Krakauer (qui est également l’auteur de Into the wild). Et c’est vraiment passionnant. Pas réjouissant, mais il est difficile de lâcher le bouquin une fois qu’on est dedans. D’une part parce que c’est une histoire vraie avec un suspense terrible, d’autre part parce que c’est fascinant et à la limite de l’incroyable. Jon Krakauer est journaliste et écrivain, mais aussi fervent amateur de montagne et d’alpinisme. Et le magazine Outside lui a proposé en 1996 de rejoindre une expédition commerciale pour faire l’ascension de l’Everest. Avec le meilleur guide de l’époque, et une équipe de clients prêts à payer cher pour faire l’ascension, malgré des compétences d’alpinistes pas nécessairement au niveau. Enfin, certainement pas au niveau pour le faire de manière autonome, mais avec un guide qui leur garantissait

247 que c’était possible en le faisant avec lui. Et il raconte comment ça s’est passé. Et ça s’est mal passé. Ce qui fait qu’on a à la fois la dimension de découverte de ces expéditions qui se confrontent tout de même à des conditions absolument extrêmes, ce qui est en soi fascinant, et une dimension de suspense, et presque d’enquête pour comprendre ce qu’il s’est passé qui a fait que ça a tant merdé (on sait dès le tout début que ça a mal fini, d’où le fait que je me permette de spoiler). C’est dramatique, au final, comme récit, comme aventure, mais c’est scotchant. Et c’est écrit de manière efficace et directe, tout à fait agréable à lire. Et c’est une histoire qui reste en tête. Si vous êtes un tant soit peu curieux-se de ce genre de conditions extrêmes, je recommande fortement.

Lu. Lovestar, de Andri Snaer Magnason

Lovestar est mon premier roman islandais, mais je ne pense pas que ce soit forcément représentatif. Encore que, peut-être. Peut-être que toute la littérature islandaise est complètement fantasque et délirante. Et politique aussi pourquoi pas… Lovestar est un roman étrange, mais assez marquant. C’est de l’anticipation, proche, mais de l’anticipation poétique et politique, et pas du tout de l’anticipation scientifique. Enfin, ça fait un tout petit peu semblant par moment mais ce n’est vraiment pas le propos. Du coup, je vais avoir du mal à décrire sans que ça ressemble à n’importe quoi. Disons qu’il y a là-dedans des communications sans fil directement au cerveau et donc des gens qui louent leur temps de cerveau pour diffuser oralement de la publicité, ou des rappels à leurs voisins (sur les émissions de télé par exemple), du marketing intégral et ultime, une entreprise géante qui gère tout ça mais aussi l’envoi des corps dans l’espace pour qu’ils retombent en étoiles filantes. Et puis des oiseaux et des papillons, le grand méchant loup (qui est une louve), la fin du monde et dieu. Et une histoire d’amour contrariée par l’entreprise géante qui est maintenant capable de calculer pour chaque être humain son seul et unique amour. Le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est étonnant. Et plein de métaphores, en particulier sur le capitalisme à outrance. Seul bémol, en ce qui me concerne, je n’ai pas été outre mesure accroché par le style d’écriture. Mais c’est quand même suffisamment original et inattendu pour mériter d’y prêter attention.

248 Novembre 2017

● The chronicles of the Black Company, de Glen Cook

Si le contexte de cette trilogie (qui devient ensuite une série un peu fleuve) peut sembler au départ assez classique en termes de Fantasy, c’est en fait une impression assez trompeuse. D’une part parce que les intrigues relèvent largement plus de l’enquête, et surtout de la manoeuvre politique que de quêtes héroïques ou d’opération de sauvetage du monde. D’autre part parce que l’échelle de narration est au niveau individuel, et d’individus pleins de doutes, d’humanité, et donc de difficultés, voire de traumas à faire face à un monde dans lequel ça bastonne, ça trucide, et éventuellement, au loin, ça fait de la magie du genre à réduire des populations à néant dans d’atroces souffrances. Ce qui est du coup un prisme que je trouve particulièrement intéressant pour explorer un monde de fantasy, d’autant plus en suivant les aventures d’une troupe de mercenaires qui n’ont pas non plus envie de n’être que de méchants, juste de survivre. De fait, les personnages sont très humains, on ne tombe pas dans le stéréotype héroïque, ni chez les gentils, ni au final, et c’est une bonne surprise, chez les méchants. Et on s’attache donc grandement aux personnages en question, qui ont de la profondeur et une réalité rare dans ce type d’univers. Au-delà de cette question de traitement, les scénarios sont très élaborés, riches et malins, avec moults rebondissements et finesses. Et l’écriture est vivante, agréable et pleine d’humour. Du coup, oui, j’aime vraiment beaucoup. En particulier, cette première trilogie (ici en un time, mais en trois volumes de poches français facilement trouvables également) constitue une unité scénaristique très cohérente, avec une belle conclusion (qui ouvre certes sur des suites, mais il y a une vraie césure) à tous points de vue.

The books of the South + The return of the Black Company, de Glen Cook

Les suites de la compagnie noire, donc, puisqu’il restait des choses pas finies et un certain nombre de personnages dont on pouvait avoir envie de connaitre la suite. Et il y a de quoi faire, largement. Si vous aimez la première trilogie, vous avez toutes les

249 chances d’apprécier ces suites, qui, même si elles renouvellent le type d’intrigues, de narration et d’environnement, restent dans le droit fil. Les trois livres regroupés dans The books of the South constituent une continuation et un bouclage de plein de choses de la première série, tout en y apportant de la nouveauté. Dans le style de narration pour certains livres, dans la découverte d’aspects vraiment nouveaux du monde pour d’autres. J’ai eu l’impression d’avoir pour la plus grande partie affaire à un super bonus de la première série qui clorait pas pas mal de choses laissées en suspens, et à une ouverture sur autre chose ensuite. De fait, les livres de The Return sont plus orientés, tout en gardant un lien dans certains personnages, vers une nouvelle direction en termes de scénario et d’enjeux. C’est un peu le “après la fin”. Et ça relance vraiment. Avec des moments bizarres, notamment en termes de narration pour un des livres, et une exploration de fantasy dans un cadre non-européen que j’ai trouvée très bienvenue. Et ces trois livres n’arrivent qu’à une semi-issue, puisqu’il y a encore une suite. Qui une fois de plus semble clore certains aspects mais pas d’autres, et il y aura donc sans doute encore une suite de suite. Quand on aime, c’est une bonne nouvelle, mais d’aucun-e-s pourraient trouver que cette absence de vraie fin définitive est lassante. Moi non, d’autant que je trouve ça très cohérent avec le fait de traiter des personnages humains, et non des stéréotypes, et donc des histoires qui n’ont pas une fin globale bien nette.

Le sur-vivant, de Reinhold Messner

Reinhold Messner est une légende de l’alpinisme, et de la montagne en général. Je vous dis ça, je ne suis pas spécialiste, mais quand même, il y a des parcours et des exploits qui restent indiscutables (les sommets de plus de 8000, en solo et sans oxygène également, traversée de l’antarctique, du désert de Gobi…). Dans ce livre, Messner ne raconte pas spécifiquement ses exploits, il l’a fait largement dans un certain nombre d’autres ouvrages. Ici, il raconte plutôt son parcours émotionnel, ses évolutions et sa philosophie. C’est chronologique mais relativement décousu, avec de petits chapitres thématisés par émotions. Et c’est raisonnablement bien écrit, sans que j’ai été particulièrement charmé par le style. Ceci étant, il y a plein de choses intéressantes. Sur la civilisation et le sens que Messner donne à son exploration de l’autonomie et de la survie en milieu extrême. Sur la construction de confiance et de l’individu. Sur la cohésion d’un groupe ou d’une société. Et puis, aussi, sur les relations de Messner avec les clubs alpins et un certain nombre d’alpinistes célèbres. Relations pour le moins tendues, voire franchement conflictuelles, dans des proportions qui ont visiblement laissé des traces pour Messner, qui, tout en disant

250 qu’il ne veut plus en discuter, en parle beaucoup. Et il y a derrière tout ça non seulement des questions de personnalité, mais surtout des questions de classe sociale et d’ancrage politique. Parce que Messner est d’origine très rurale et se revendique anarchiste, et sa confrontation à un milieu de références différentes a été aussi un éclairage que j’ai trouvé très riche et intéressant.

La mort suspendue, de Joe Simpson

Toujours dans la thématique montagne, mais là, c’est de la vraie aventure à suspense qui fait peur. Sans trop spoiler, il s’agit du récit, autobiographique, du parcours de deux alpinistes, en haute montagne, au Pérou. Pour la première d’un sommet, tous seuls loin de tout. Et non, ça ne se passe pas bien. Du tout. Et l’auteur s’en sort, puisqu’il écrit ce livre, mais on se demande bien pendant la plupart du bouquin comment il va survivre. C’est donc, au sens premier du terme, incroyable. Mais vrai. Et du coup, ça se lit vraiment d’une traite. Autant le premier tiers peut se lire de manière assez détendue, autant ensuite, ce n’est plus possible de le lâcher tant c’est tendu. Bon, le fait de savoir que ça finira “bien” soulage un peu, mais pas tant que ça. Parce que c’est bien écrit. C’est efficace et agréable à lire, et très prenant et émouvant sans sombrer dans le pathos ou en faire des caisses. Au contraire. Et cette relative sobriété est un atout, à mon sens, pour l’efficacité du récit. Si vous avez envie d’une histoire vraie incroyable, tendue et donc en partie terrifiante, ça me semble être un très bon choix. Accessoirement, il y a eu un film adapté de ce livre, intitulé Touching the void.

Décembre 2017

Lu. The many deaths of the Black Company, de Glen Cook.

Bon, on ne peut pas dire que ce soit vraiment la fin de la Compagnie Noire, parce qu’il y a moyen que ça continue, mais c’est en tout cas, comme le titre l’indique, un certain nombre de fins. Et, en ce qui me concerne, une vraie clôture pour l’essentiel de ce long cycle. On y retrouve la même qualité d’écriture et la même variété de personnages que dans les précédents, en en rajoutant, mais pas trop, ce qui permet d’ailleurs de boucler certaines choses et tant mieux. Ce sont à nouveau deux tomes

251 avec beaucoup de déplacements, de va-et-vient, et d’aller-retours, ce qui m’a parfois donné l’impression que ça n’avançait pas tellement vite. Du coup, j’ai un peu trainé pour finir, et je dirais qu’en termes de rythme, ce ne sont vraiment pas les meilleurs. Mais quand on en arrive à ces deux derniers tomes, de toutes façons, on est déjà dedans jusqu’au cou donc ça ne va pas nous arrêter. Et, pour le coup, il y a une chose qui rend l’ensemble satisfaisant malgré le rythme : on arrive à une vraie fin, bien tournée, bien bouclée, pour un grand nombre de personnages et d’intrigues. Et ça, ça fait franchement plaisir, depuis le temps. Je ne sais pas si je me lancerais dans la suite quand elle existera, mais je suis content de l’ensemble de ce cycle, même si je ne conseille de dépasser la première trilogie qu’à celles et ceux qui aiment quand ça dure et ça délaie.

Janvier 2018

Lu. The Rise and fall of DODO, de Neal Stephenson et Nicole Galland

Voilà un Neal Stephenson étonnant, ce qui s’explique en partie parce que c’est une collaboration avec Nicole Galland et qu’on sent bien les influences des deux auteur-e- s. Et pour le coup, le mélange prend bien, en ce sens que ça ne donne pas des parties séparées ou des styles en conflit, mais bien un intermédiaire. On retrouve donc certains aspects classiques de Stephenson, avec un scénario de grande ampleur, et en particulier des passages par de nombreuses périodes historiques. Mais c’est moins documenté, moins dense, et du coup, aussi, moins austère et moins abscons qu’il ne peut l’être parfois (même si, à titre personnel, j’adore ça, je dois bien reconnaître qu’il n’est pas toujours d’un accès confortable). Et, grâce à cette nouvelle légèreté, c’est aussi largement plus drôle, plus varié, et avec plus de personnages et d’enjeux relationnels. Enfin, relationnels… disons qu’il y a beaucoup de dimensions très drôles mais très critiques du fonctionnement institutionnel (universitaire notamment, mais globalement bureaucratique en général, notamment dans ses versions de management moderne). Une vraie dimension satirique donc. Ce qui fait un très bon livre, distrayant, plein de surprises et des chouettes idées. Mais si je trouve ça bon, je ne trouve pas ça aussi enthousiasmant que d’autres Stephenson. En particulier parce

252 que j’ai trouvé ça un peu lent comme rythme. L’impression donnée est qu’au final, c’est presque entièrement un tome de mise en place, avant d’arriver à des suites qui me feraient à la limite plus envie. Ce qui pourrait bien être le cas, au vu de la manière dont ça se finit.

Février 2018

● Lu. Norse mythology, de Neil Gaiman.

253 Un corpus : la mythologie scandinave (viking, de fait). Un auteur : Neil Gaiman. On savait, pour celles et ceux qui le pratiquent, le goût et l’érudition de Gaiman pour la mythologie en général et celle-ci en particulier. Rien de surprenant à cette association donc. La démarche peut l’être plus puisqu’il s’agit simplement pour Gaiman de raconter une série de récits centraux des mythes vikings. Sans y ajouter ou broder dessus des histoires supplémentaires, ni même d’ailleurs des transitions qui feraient de ce recueil de fragments un tout unifié et linéaire. On reste dans ce qui est connu historiquement : des récits épars qui ne sont qu’une toute petite part de ce que devait être l’ensemble de ce corpus mythologique. Gaiman fait donc uniquement un travail de conteur, un travail d’écriture, et pas un travail de scénariste ou d’auteur. Ce qui permet de se rendre compte à quel point il est bon. Sans déconner, c’en est intimidant. De facilité, de légèreté et de clarté. C’est maîtrisé sans donner l’impression d’un quelconque effort. Ce qui est donc délicieux à lire, et qui met en lumière la qualité, la variété et l’humour, aussi, de cette mythologie qu’on croit parfois austère et sans surprises. Elle est au contraire pleine de surprises, et finalement aussi familière qu’exotique, tant on en connaît des morceaux tout en étant surpris de ce qu’elle raconte et de la manière dont elle dépeint le monde. Je n’imagine pas de meilleure manière de découvrir ou de redécouvrir ce corpus qu’avec ce recueil. Accessoirement, les récits sont courts, et la langue est facile, pour celles et ceux qui voudraient se confronter à la version anglaise (ce qui, dans ce cas, me semble hautement recommandable). Dernier point, accessoire mais très agréable en ce qui me concerne : c’est une très belle édition, même en softcover, ce qui est fait un beau livre à tous points de vue.

254 Avril 2018

● Lu. Walkaway, de Cory Doctorow.

Cory Doctorow est un romancier qui se bonifie avec l’âge. Nettement. Pour tout dire, ce roman me fait l’impression d’un aboutissement dans ce qu’il a écrit jusque là, voire d’une oeuvre majeure, sans vouloir sembler en faire des caisses. Avec toujours cet équilibre entre une vraie histoire, avec de vraies personnages, et un propos de fond réellement politique (au sens large, et en particulier sur l’anticipation des impacts des technologies et des changements de culture et de société). Equilibre ici parfaitement respecté, et fonctionnant très bien, alors qu’il y a assez de contenu et de réflexions pour un essai largement respectable. Le fait que les enjeux de scénario et leurs

255 résolutions se jouent sur le terrain de la pensée et de la discussion, et pas sur le terrain de l’action et du gros flingue, permet ceci, et d’une très belle manière. Le tout se déroule dans une futur pas si lointain, où nos sociétés capitalistes ont simplement abouti à une forme qu’un voit déjà poindre, avec des ultra-riches possédant tout, et le reste de la population leur étant inféodée. Mais la technologie ayant un poil avancé, et pas tant que ça finalement, il est envisageable de quitter la société, et de vivre en marge tout en vivant dans l’abondance (globalement, accès à toutes les données techniques, plus ou moins comme maintenant, et accès à des technologies de type imprimantes 3D un poil plus avancées notamment sur des questions de chimie, médicaments, etc). Les personnes qui font ce choix sont des walkaways et tentent de créer, par l’expérimentation, une, voire des, formes de sociétés nouvelles et meilleurs, des sociétés de l’abondance et pas de la rareté. Ce qui, quand ça fonctionne, est passablement mal vu des ultra-riches. Voilà le contexte, et le propos central. Sachant qu’il est traité de manière, comme je le disais, documentée, pensée et argumentée, ce qui le rend passionnant et enthousiasmant. Et qu’il est traité dans un vrai roman, avec des personnages, des rebondissements, de l’émotion (des larmes notamment, mais pas que). A la fois roman poignant, plaidoyer pour une autre société et presque mode d’emploi sur certains aspects, c’est une totale réussite de mon point de vue, et à ce jour, l’oeuvre de référence de Cory Doctorow (que j’aimais déjà beaucoup beaucoup avant).

Lu. Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires), de Lizzie Crowdagger.

Pas de surprise, enfin si, mais justement, c’est annoncé dès le titre, ce roman a un côté ovni. Ce qui, vous vous en doutez, n’est pas sans me plaire, ne serait-ce que par principe. C’est un roman court, constitué en fait de trois nouvelles consécutives, avec les mêmes personnages et la même narratrice. Narratrice transsexuelle donc, qui va entrer en contact et se lier avec une communauté de vampires/motardes/lesbiennes (dans un monde où les vampires ont une existence officielle, mais pour tout le reste, c’est la france d’aujourd’hui (et, plus précisément, ça se passe à Lille)). Et c’est drôle. Et c’est rentre-dedans et punk (avec des harley-davidson et des coups de batte pour quand la discussion n’est plus possible). Mais c’est aussi fin et intelligent, dans les personnages autant que dans la manière dont ça permet de mettre en lumière des questions d’identité, d’acceptabilité sociale et de discriminations (plus ou moins violentes). Parce que oui, la métaphore du vampire, sur les questions de

256 transformations et d’identité, mais aussi de marginalité, ça colle quand même tout à fait bien. J’ai trouvé l’écriture tout à fait agréable et dynamique, et pleine de références de contre-culture et de culture populaire des minorités (bien amenées, accessoirement, c’est à dire sans gros sabots et sans que ça fasse plaqué). Et si les scénarios sont finalement assez classiques, ils fonctionnent très bien et le contexte et les personnages font que l’originalité du scénario n’est pas vraiment un enjeu. Pour tout dire, je trouve que ça se lit tellement vite que je regrette que ce ne soit pas des histoires plus longues où qu’il y ait une suite, il y aurait matière. En résumé, si vous aimez, au hasard, Virginie Despentes et les vampires, ou que le titre même vous intrigue : oui, ça vaut largement le coup d’y aller. (Merci, Mélanie, pour le cadeau :).

Lu. Plaguers, de Jeanne-A Debats.

On pourrait classer Plaguers dans la science-fiction, puisqu’il s’agit effectivement d’un roman se passant dans un futur relativement proche. Le contexte est post- apocalyptique, en l’espèce une catastrophe écologique globale, avec un air irrespirable, l’extinction de toutes les espèces animales ou peu s’en faut, etc. Mais au final, ceci ne fait que donner un contexte, dans lequel ce que le roman nous raconte relève plutôt, d’une part, de l’adolescence et du questionnement identitaire (notamment en termes de sexe, de sexualité et de genre) et, d’autre part, de la vie et de la pulsion vitale dans une perspective plutôt spirituelle. Et ça fonctionne plutôt bien, en faisant un roman dynamique et agréable. Assez léger, dans mon impression, au final, malgré des thèmes qui ne le sont pas. Concrètement, on suit plusieurs jeunes adultes, envoyés de force dans une réserve pour personnes touchées par la Plaie, ou, en d’autres termes : ayant développé des super-pouvoirs (d’invocation animale, végétale ou élémentaire) sans les contrôler. Et ce sont leurs évolutions, questionnements, et surtout relations, sociales et amoureuses (et ne se limitant pas du tout à des modèles hétérosexuels, tout au contraire, c’est même une thématique centrale) qui vont faire l’essentiel du récit. Avec en moteur et toile de fond le pourquoi de ces pouvoirs, qui nous amènera à une conclusion jolie mais dans un genre spirituello-magique bien plus que scientifique. Et tout celà est bien écrit et très agréable à lire, rythmé et avec des personnages crédibles, complexes et touchants. A mon sens, c’est au final un bon roman, sans avoir quoi que soit d’exceptionnel, si ce n’est qu’il a le mérite de toucher à des thèmes pas si souvent traités de manière intéressante.

257 Mai 2018

● Lu. Le club des punks contre l’apocalypse zombie, de Karim Berrouka.

Bon, le titre annonce la couleur, non ? Mais il n’annonce pas nécessairement à quel point c’est drôle. Et à quel point c’est référencé. De fait, Karim Berrouka est la chanteur de Ludwig 88, autant dire que question punks, il ne fait pas semblant de connaître. Ce qui fait une partie du sel de ce roman, dans lequel on suit donc un groupe de punks (aux profils variés : punks drogués destroy, féministe anti-plein de choses, freegan, anarcho-maoïste et punks à chien forment la fine équipe d’un squat, une sorte de club des cinqs moderne donc) qui se trouvent parmi les rares survivants d’une apocalypse zombie, en plein Paris. Que faire face à une apocalypse zombie, quand on est une bande de punks : d’abord des conneries. Et de belles conneries, drôles et inattendues. Mais ce ne sera pas tout, puisque des visions d’anges tout aussi destroy et décalés qu’on pourrait imaginer, vont s’en mêler. Puis les survivants du Medef. Et, je le redis, c’est vraiment drôle dans le n’importe quoi qui n’en est pas complètement. Avec une belle fin à la con. Une fin de punks, quoi. S’y ajoute le fait que Karim Berrouka écrit vraiment très bien. Dans un style assez parlé et plein de commentaires, mais j’ai vraiment beaucoup apprécié. Le fond autant que la forme donc. Si vous appréciez le n’importe quoi bien tourné et drôle, et que vous avez en plus au moins des petits bouts de culture punk ou assimilée, c’est vraiment une lecture qui vous fera passer une très bon moment.

● Lu. Desproges par Desproges.

Il y a eu, depuis sa mort, beaucoup de manières de retrouver Desproges, et rares ont été celles qui ont été satisfaisantes. Je pense en particulier aux livres d’hommage regroupant des textes et commentaires de personnes n’ayant finalement pas grand chose à dire de plus que “Je le connais bien, je lui ai touché la main” ; ou, pire, aux multiples reprises de ses textes mal jouées et mal dites par des acteurs et actrices variées. Ici, fort heureusement, il s’agit de tout autre chose, puisque c’est sa fille qui est à l’écriture et à la compilation, et qu’elle propose un portrait, en 300 et quelques

258 pages, fin, riche et réussi. Un portrait à la fois professionnel, avec de nombreux textes, notes et autres éléments peu ou pas connus (enfin, il y a bien quelques classiques, mais ils sont à leur place) ; et personnel, avec des archives privées et des récits plus intimes (mais pas trop intimes non plus, on retrouve complètement la retenue et la distance qu’aurait pu avoir Desproges et c’est bien plaisant). Les illustrations et textes sont chouettes et variées. Et puis, surtout, les textes sont parfaits. C’est de l’orfèvrerie : des extraits d’interviews et de textes de Desproges tissés avec de petits rajouts pour leur donner une unité et une fluidité. Du coup, on a finalement plus l’impression de lire Desproges qu’un ouvrage le concernant. Et c’est du coup un pur plaisir que d’avoir aussi bien l’impression d’être en accord avec ce que Desproges aurait fait lui-même tout en en découvrant autant. De mon point de vue, c’est vraiment un sans faute. Et il y a de quoi s’occuper un bon moment, ce n’est pas un petit volume. Et c’est qui plus est assez dense. Donc, oui, si vous aimez Desproges, vous pouvez foncer sans la moindre hésitation.

Lu. Enfants de mars et de vénus, de Lizzie Crowdagger.

De la même auteure qu’Autobiographie transsexuelle (avec des vampires), donc, avec les mêmes grands ingrédients, mais cette fois dans un format plus travaillé et visiblement plus abouti. De fait, il s’agit là d’un vrai roman, avec une intrigue construite et développée, et une progression comme une écriture plus maîtrisées. Ce qui est une bonne chose, clairement, et en fait une bonne lecture, mais on y perds paradoxalement une petite partie du côté foutraque et joyeusement bordélique du précédent. Pas beaucoup, hein, on continue dans le contemporain mâtiné de fantastique, avec lesbienne butch en moto, transsexuelle et bastonage de fafs et autres conservateurs masculinistes violents, pas d’inquiétude. Comme je le disais, il y a un vrai scénario à suspense, qui s’annonce frontalement dès le départ, et qui fonctionne franchement bien, puisque si je me suis bien douté qu’il y aurait un retournement, je n’avais pas identifié lequel. Ce qui est ceci étant lié au seul reproche en termes de rythme que je ferais : on prends le temps de découvrir les personnages et de poser le cadre, et au final, les découvertes vraiment rigolotes et efficaces sont beaucoup tassées à la fin. Ce qui fonctionne pour l’effet de surprise, mais j’aurais eu envie de plus de ce genre de choses dans la première partie (avec mention spéciale au couple parental de lesbiennes sorcières fantômes). Pour le reste, l’écriture est à nouveau tout à fait agréable et vivante, et un peu plus lissée, donc plus fluide. J’y ai trouvé tout à fait le même genre de plaisir et d’intérêt que le précédent, avec plus de

259 roman au sens traditionnel, et plus de structure. Avec ça, vous pouvez lire les deux ou choisir le style qui vous accroche le plus.

Lu. The world of Poo, de Terry Pratchett.

Attention, je vais vous dire du bof sur un livre de Terry Pratchett, c’est pas tous les jours. The world of Poo est un livre pour enfants, d’abord cité comme livre fictif dans le roman Snuff, puis écrit effectivement par Pratchett. Le titre français est : Le monde merveilleux du caca. Ce qui fait un beau thème et un beau titre pour un livre pour enfants. Mais, au final, ce que j’ai trouvé décevant, c’est qu’on ne parle pas assez de caca. En fait, on suit l’histoire d’un petit garçon venu en visite chez sa grand-mère à Ankh-Morpork, et qui se prends de passion pour le caca, se met à le collectionner et à faire un musée du caca. Ce qui est l’occasion de visiter plusieurs haut-lieux de la ville pour y collecter du caca. Certes, ça fait des clins d’oeil rigolos à des personnages auxquels je suis attaché, mais finalement de manière assez lointaine et assez plate. L’histoire globalement m’a semblée courte et assez peu prenante, pour autant qu’il y ait vraiment une histoire. S’y mêlent bien sur des anecdotes sur le caca, mais trop peu, alors qu’on en attendrait justement plus. Après, peut-être qu’en le lisant avec un petit enfant que le thème fait rigoler et qui suit du coup aussi l’histoire sans en demander forcément plus, ça fonctionne très bien. Je vous dirai ça dans quelques années, mais pour ce qui est de le lire moi tout seul, au final : plutôt bof.

Lu. Fils du Feu, de Guy Boley.

Je sors de la lecture de Fils du Feu avec une impression mitigée, mais ça en dit sans doute au moins autant sur moi et mes goûts que sur le livre en lui-même. Il s’agit d’un roman, très littéraire, au sens classique, ce n’est pas édité chez Grasset pour rien. C’est vraiment très bien écrit. En fait c’est très écrit tout court, avec un style très travaillé et très présent. Et, au final, sans doute trop pour moi. Parce que ça prend le pas sur ce qui est raconté en ce qui me concerne et ça en devient presque parasite. Accessoirement, c’est un très beau style, mais qui ne me provoque pas forcément d’émotion directement, et qui ne réussit pas forcément non plus à me faire ressentir de manière efficace les émotions des personnages. Alors qu’il y en a. Autant la première moitié concerne des souvenirs d’enfance sans forcément de direction narrative (mais c’est une belle description d’une enfance compliquée dans un milieu populaire, ce que j’ai pour le coup apprécié), autant la seconde est assez dense en événements et en événements plus ou moins traumatisants (décès, déni de grande

260 envergure, etc). C’est même assez fort, sur ce qui arrive aux personnages. Mais là encore, d’une part l’écriture me tient un peu à distance, et d’autre part l’épure et donc la rapidité des enchaînements ne m’aident pas à rentrer dans un vrai vécu narratif. Comme je le disais, c’est d’abord parce que c’est un format qui n’est pas tellement le mien, parce que c’est bien écrit et que ça aborde des thèmes forts et intéressants.

Juin 2018

Lu. Fées, weed et guillotines, de Karim Berrouka.

J’avais beaucoup aimé le Club des punks contre l’apocalypse zombie, je continue donc à explorer les écrits de Karim Berrouka. Ici, c’est donc un mélange entre roman noir, avec détective bourru et efficace inside, fées arrachées et passablement grossières et déconnades variées, notamment historiques. C’est donc plutôt plus construit que le Ckub des punks, en termes de récit, puisqu’il y a une enquête, des retournements de situation, de la politique, tout ce genre de choses. Bon, en termes de conclusion, ça partage le côté lacunaire et incomplet, mais c’est une choix qui génère une frustration somme toute gérable. Par contre, c’est thématiquement plus décousu et bordélique. Ce qui, sur une intention de ce type, ne me gène pas beaucoup, faut pas déconner, d’autant que tout se raccroche plutôt pas mal à l’enquête générale. Le fait est cependant que ça m’amuse moins que les punks et les zombies, et que les personnages sont de la même manière plus classique et donc moins attachants et moins marquants. Je dirais donc que c’est un très honnête roman, construit de manière compétente, et rempli de trucs rigolos et bordéliques, mais sans touchés à quoi que ce soit de vraiment exceptionnel ou très inattendu.

261 Juillet 2018

Lu. The delirium brief, de Charles Stross.

Ah, la suite de The Laundry, c’est toujours un plaisir. Et une drogue, parce que ça se lit beaucoup trop vite et qu’il va encore falloir attendre la suite un moment. Et quand je dis trop vite, c’est aussi parce que finalement, je pense que je manque un certain nombre de finesses dans la construction du scénario et des liens entre bouquins. Mais je m’amuse trop, et j’ai trop envie de connaitre la suite. Bref, c’est toujours aussi bon. Et maintenant, je vais spoiler a minima, mais spoiler quand même. On continue après les événements du précédent, qui ont eu un impact considérable : la Laverie est donc maintenant connue du public, et du gouvernement. Ce qui la met sous le feu de réformes, et en particulier d’une volonté d’optimisation des coûts et, au final, de privatisation de ses activités. Etant donné que ses activités sont d’empêcher les invasions de Grands Anciens et que les astres sont en train de s’aligner, vous imaginez bien que ça ne peut que très mal finir. Ce tome poursuit donc la tendance amorcée dans le précédent : on quitte le côté services secrets dans monde d’aujourd’hui pour passer dans une apocalypse mondiale progressive qui n’est plus du tout cachée vu son ampleur. Et c’est franchement amusant de se permettre comme ça d’y aller pleinement et de tout casser. En tout, moi, ça m’amuse, et visiblement Stross aussi. Si vous avez lu ne serait-ce que le début de cette série, ceci est donc un franc encouragement à continuer.

Lu. Tooth and Claw, de Jo Walton.

J’aime vraiment bien Jo Walton, et c’est en partie dû au fait qu’elle ne se répète pas, voire qu’elle surprend presque systématiquement, avec des sujets et des styles très variés. Ici, on est vraiment dans de l’inattendu, voire du bizarre puisqu’il s’agit d’un roman victorien avec des dragons. Oui, oui, genre Jane Eyre, avec une histoire d’héritage, de mariages, de fiançailles, de bonnes manières… mais dont les personnages sont des dragons. Dont un qui est pasteur, pour vous dire. D’une religion de dragons, certes, mais enfin ça reste dans un esprit très très victorien à tous points de vue. Et, oui, ça fonctionne. Parce qu’il y a suffisamment d’éléments spécifiquement dragons pour qu’on n’ait pas à faire d’efforts pour se le rappeler. Et

262 parce que c’est fait avec légèreté et humour, avec un scénario qui tient vraiment la route. Des rebondissments, des déchirements, des atermoiements, beaucoup de rougissements de jeunes dragonnes prudes aussi, mais qui se libèrent tout à fait de leur conditionnement et prennent de l’autonomie. Bref, oui, tous les éléments classiques d’un roman victorien, bien agencés, et du tout coup, en tout cas dans mon expérience, tout à fait émouvants au final. Oui, je sais, ça peut sembler étrange, mais je me complètement laissé prendre et ça a fonctionné pleinement à tous points de vue pour moi. Donc si vous voulez de l’inattendu qui fonctionne, une nouvelle fois, je vous invite à découvrir du Jo Walton.

Aout 2018

● Lu. The goblin emperor, de Katherine Addison.

The goblin emperor est un livre à côté duquel j’aurais pu passer aisément tant il n’a l’air de rien, et tant son auteure m’était inconnue (c’est d’ailleurs son seul livre sous ce pseudo, étonnamment). Il se trouve qu’il a tout de même été sélectionné pour le Hugo et le Nebula. Et c’est mérité. On y suit les péripéties de Maia, un gobelin (ici une sous-famille d’elfes, pas forcément très valorisée), fils rejeté de l’empereur des elfes. Suite au décès tragique de son père et de tous ses frères, il se trouve tiré de sa retraite forcée pour monter sur le trône. Ce qui ne sera pas aisé tant c’est un gentil garçon et tant il a été élevé loin de tout et de manière abusive. C’est donc un roman d’apprentissage, d’arrivée à l’age adulte, qui est touchant et très bien écrit. Et, oui, le personnage principal est attachant et suffisamment profond pour que le roman fonctionne sur cet aspect uniquement. Mais c’est aussi un vrai roman de politique, au sens de politique byzantine interne à une cité impériale renfermée sur elle-même et sa cour. Il se trouve que cet aspect là fonctionne aussi très très bien, et que je suis franchement client de ce genre de choses. Je peux ajouter que le monde est intéressant et bien construit, avec même un peu de steampunk, mais de loin et en arrière-plan, et quand même pas mal d’humour. C’est donc riche et prenant. Et émouvant même. Surtout émouvant au final, puisque je me suis vraiment laissé prendre aux enjeux relationnels et de construction du personnage principal. C’est

263 vraiment une lecture dont je garderais un très bon souvenir et je vous le recommande largement, dans la catégorie des gemmes cachées.

Lu. Les réquisitoires du tribunal des flagrants délires, intégrale, de Pierre Desproges.

Bon, je ne vais pas vous faire l’article de Pierre Desproges, de son écriture, de son humour, je pense qu’on n’en est pas là, hein. Simplement, ça faisait un moment que je ne l’avais pas relu et, oui, c’est toujours autant un plaisir et un émerveillement. Ici, on trouve une intégrale de ses réquisitoires du tribunal des flagrants délires, alors que je pense que je n’avais lu jusque là que des sélections. C’est toujours aussi bon, je me répète, mais ce qui est intéressant dans une édition intégrale de ce type, c’est de voir aussi comment certains éléments se répètent, d’autres s’affinent, et d’autres, enfin, sont des prototypes de ce qui deviendra des textes de scènes, notamment, beaucoup plus finalisés. C’est particulièrement vrai quand Desproges ignore l’invité-e pour parler d’autre chose. Quand il ne l’ignore pas, la plupart du temps, il lui en colle largement pour son argent, et avec certains, ça fait quand même particulièrement plaisir. Sur la forme, c’est un chouette livre, joli et agréable, agrémenté de quelques photos. A un détail près. Après chaque réquisitoire, une mini-note resitue qui est l’invité-e. En essayant de faire drôle. En essayant de faire du Desproges plus exactement. Et c’est raté. Non, ça se voit que ce n’est pas de lui. Mais ce n’est pas signé, bien que je soupçonne fortement le postfaceur et compilateur. C’est certes un détail, mais un détail un poil irritant cependant.

Lu. The last dragonslayer, de Jasper Fforde.

Je m’étais un peu essoufflé sur la longueur de la précédente série de Jasper Fforde, Thursday Next, tout en l’ayant trouvée excellente. Je retrouve ici avec bonheur ce qui faisait à mes yeux la force de cet auteur, mais dans une nouvelle série, plus légère et rapide : un monde reconnaissable mais joyeusement décalé et un peu absurde (de manière très anglaise à mon sens), une écriture efficace et drôle, des références et des blagues bien amenées et pas si anodines que ça, et une héroïne attachante et maline. Jennifer Strange est une orpheline, de bientôt seize ans, placée par la mère supérieure (très étrange au demeurant) dans une maison de magie, un refuge pour magiciens losers. Bon, tous les magiciens le sont, parce que la magie a beaucoup baissé, et a été très encadrée légalement. Du coup, elle prends des contrats pour déboucher des égouts, changer des plomberies et livrer des pizzas en tapis volant, et

264 elle fait tous les papiers nécessaires au bon fonctionnement. Tout ça dans un monde contemporain, mais avec un Royaume Désuni (en petits royaumes absurdes), de la magie, et, donc, des dragons. Enfin, un dernier dragon, et c’est le sujet du scénario. Et le scénario est bien, malin, rapide, surprenant, tout ce qu’il faut. Ce qui fait la moitié de l’intérêt, l’autre étant dans la découverte du monde, de ses bizarreries, et de l’humour de l’auteur. C’est donc vraiment un plaisir à lire. Pas tout à fait comparable à du Pratchett, mais quand même, on peut le mettre dans la même famille. Et c’est compatible pour lectrices et lecteurs un peu jeunes.

Lu. Contes et légendes de Sixt Fer-à-Cheval et de la vallée du Giffre, de Jean-François Deffayet.

Jean-François Deffayet est conteur, mais un peu spécialisé, puisqu’il collecte et conte des histoires et des légendes de la vallée de Sixt Fer-à-Cheval (en s’aventurant au plus loin jusqu’à Samoëns, mais bon, c’est déjà presque un autre pays). Ce sont des contes et des légendes courts, et pour la plupart très simples. Ce qui est tout à fait cohérent avec leurs origines et la pratique orale, mais un peu déstabilisant et rapides pour nos habitudes actuelles de récits écrits. Il y est question d’ours et de loups, mais aussi de fées, du genre à exaucer un voeu par an sous une cascade et de géants des montagnes. Pour ce qui est du fantastique. Parce qu’il est aussi question de se faire la cour, de rivalités, et puis de moines plus ou moins recommandables et surtout d’or et de cupidité. Parce qu’il y aurait de l’or caché dans les montagnes du Fer à Cheval, bien sur. Ce sont des histoires amusantes et parfois surprenantes, mais qui en elle-mêmes ne sont pas non plus forcément marquantes. Bon, ceci étant, je parle de leur lecture, parce que contées dans de bonnes conditions, c’est sans doute une toute autre histoire. Mais ce qui m’a beaucoup plu, même à la lecture, c’est que ça donne comme impression de l’imaginaire et du mode de vie de ces pays de montagne dans les siècles passés. Il y a vraiment quelque chose qui se dégage des préoccupations, des peurs et des projections d’une société très repliée sur elle-même dans une environnement passablement hostile. Et étant attaché à ce coin-là, c’est une découverte et une immersion qui m’ont plues.

Lu. Frank Zappa, biographie, de Guy Darol.

J’aime beaucoup Frank Zappa, autant pour sa musique d’ailleurs que pour son activisme et son positionnement politique et social. Guy Darol en propose ici une biographie qui est certes agréable à lire et globalement instructive mais dont je sors

265 finalement relativement frustré. Sur la forme, pas de grande surprise, c’est une biographie, donc on parcours en ordre chronologique la vie de Zappa. Mais la difficulté vient du fait qu’il y a bien plus à raconter que le format ne le permet. Une fois passée la partie concernant son enfance et sa toute jeunesse, qui était pour moi une vraie découverte, on enchaîne de manière rapide, et donc assez lacunaire, le reste de son parcours, musical comme militant. J’aurais tendance à penser, avec les limites de mes compétences sur le sujet, que le décryptage de ses influences et de sa construction musicale est pertinent et assez fin. En tout cas, je l’ai trouvé éclairant sur la logique d’ensemble de son parcours. Mais ça reste un éclairage synthétique étant donné le nombre d’oeuvres concernées. Et par contre, sur le plan politique, social et médiatique, j’ai trouvé ça franchement trop synthétique et court. Parce que c’est une partie qui m’intéresse particulièrement, certes, mais aussi parce qu’il n’y a vraiment pas la place de le développer au-delà du minimum. Si c’est une agréable lecture synthétique, c’est donc à mon goût un peu court, mais je ne crois pas qu’avec un format aussi réduit, il eut été possible de faire autrement.

Septembre 2018

Lu. Lud-in-the-mist, de Hope Mirrlees.

Lud-in-the mist est un roman de fantasy, prédatant les écrits de Tolkien, et dont l’auteure n’a malheureusement pas été beaucoup reconnue. Alors que ça aurait bien mérité de lui faire une place depuis longtemps dans les pionnières du genre, et dans les grandes auteures tout court d’ailleurs. Elle a été en partie tirée de l’oubli par Neil Gaiman, qui a notamment écrit une introduction à ce volume et qui défend que c’est un des grands romans de fantasy tout court. Ce en quoi j’aurais tout à fait tendance à le rejoindre. D’une part, parce que c’est magnifiquement écrit. Il n’y a rien de la lourdeur qu’on retrouve parfois dans le style de l’époque, dans Tolkien notamment, et il y a au contraire une légèreté, et même un humour très fin mais très présent dans la voix de la narratrice. D’autre part, parce que c’est une histoire prenante et pleine de symboles, d’ambiances et d’inattendu. On y retrouve du fantastique, mais qui n’est en rien ressemblant aux ambiances et aux clichés de la fantasy post-Tolkien. C’est autre chose, et c’est très rafraichissant. Enfin, parce que c’est aussi un roman

266 qui a des choses à dire, qui utilise la fantasy comme métaphore, en particulier sur la société bourgeoise et l’imaginaire, le dyonisien. Ce qui rend tout à fait approprié, et inhabituel, d’avoir comme personnage principal un bon bourgeois âgé et respectable. Bref, c’est beau, c’est original et c’est malin. Et ce n’est pas du tout enfantin, du coup, au contraire, c’est parfois doux-amer, un peu dérangeant, tout en restant drôle et entraînant. C’est un roman qui mérite très largement d’être lu, et d’être lu en prenant son temps, en savourant. Je conclus en rejoignant Neil Gaiman : c’est le roman que je connaisse qui a été le plus injustement oublié.

Lu. Black god’s drums, de P. Djéli Clark.

Un tout petit roman, à peine plus qu’un grosse nouvelle, et une vraie réussite. P. Djéli Clark est un auteur de fantasy, voire de steampunk, qui, avec d’autres, explore une fantasy aux racines africaines. De fait, il est noir. Pour les amateurs de catégories, ça se classe donc dans Soul and Sorcery. Le moins qu’on puisse dire est que j’ai vraiment aimé ce petit opus, que j’ai du coup trouvé trop court. On y suit l’aventure d’une jeune habitante d’une Nouvelle Orléans uchronique, prise entre les feux d’une guerre de sécession qui ne se termine pas, et dans laquelle se mêlent dirigeables et divinités importées par les esclaves africains. La ville est un personnage en soi, dans un monde surprenant et nouveau, qu’on aurait envie d’explorer plus. L’histoire est bien menée, bien que courte, et se termine en beauté, et avec émotion. Mais surtout, en ce qui me concerne, il y a la langue. Non pas la langue de la narration, même si elle est effectivement parfaitement efficace et entrainante, mais la langue des personnages, des dialogues. Les langues plus exactement, puisque ce sont des variations de créoles, de cajun et de vocables caraïbes. J’aime en général ce genre de jeux sur les langues, et ici cela donne vraiment une voix spécifique et fascinante à chacun des personnages. Plus que le décor, c’est cette langue qui pour moi a donné chair à cet univers et à cette histoire. Et c’est ça qui m’a fait regretter la courte durée de l’aventure.

Lu. The song of the Quarkbeast + The eye of Zoltar, de Jasper Fforde.

Après The last dragonslayer, nous retrouvons Jennifer Strange pour de nouvelles aventures. Ici, les dragons passent très largement à l’arrière-plan et on va plutôt se préoccuper de rois imbéciles et malveillants, de guerres avec les Trolls, d’exploration de royaumes sauvages dédiés au tourisme à risque et surtout de problèmes entre

267 magiciens. En particulier de vieux magiciens mégalomanes et pas particulièrement moraux. Mais point d’inquiétude, Jennifer ne va pas se laisser faire, et les surprises seront nombreuses et bien amenées. Oui, on retrouve toute la verve et l’enthousiasme de Jasper Fforde avec un monde qui, en s’étoffant, n’en devient que plus baroque et bizarre (mais toujours avec cette tonalité d’humour anglais où le n’importe quoi raconte quand même quelque chose de très cohérent et pertinent). On retrouve également un rythme soutenu et une écriture extrêmement facile et agréable. C’est drôle, c’est léger, c’est vraiment parfait pour se détendre en s’amusant. Par contre, seul regret, ce n’est pas fini, et il faudra attendre le prochain tome pour avoir, sans doute, une sorte de vraie conclusion à l’ensemble.

Novembre 2018

Lu. Who fears death, de Nnedi Okorafor.

Techniquement, je suppose qu’on peut classer Who fears death dans la science- fiction, puisque le cadre est post-apocalyptique. Mais le scénario est tellement une histoire de fantastique, mais surtout de personnages et d’évolution que finalement, le classement en question n’a pas beaucoup de sens. Il s’agit d’un roman fort, marquant, et très original. Parce qu’il est écrit par une femme africaine, en grande partie, et que ça change des références occidentales masculines, aussi bien dans l’écriture, le scénario, mais aussi et surtout le contexte culturel. On y suit en effet l’évolution d’Oniesonwu, une jeune fille, née d’un viol de guerre, et métis (d’une manière très particulière qui rend identifiable les conditions de sa naissance). Donc, non, ce n’est pas un roman léger et rigolo. Et ce n’est pas un défaut, loin de là, mais mieux vaut être prévenu-e. Elle va être confrontée à son statut de pariah, à une société qui la rejette, mais aussi à la guerre qui se rapproche. Et elle va se découvrir des pouvoirs magiques, et tenter de les apprivoiser. La trame du scénario est finalement très classique, avec une initiation progressive puis un voyage, et ce n’est pas dans la forme de la narration que se trouve l’important. L’important est dans les thèmes traités, dans le monde, et dans la puissance d’évocation et d’émotion de l’ensemble. Comme je le disais, c’est un roman fort, qui marque par ses personnages et les sujets qu’il réussit à aborder. Et c’est un roman dépaysant, par son écriture, son

268 style narratif et son contexte. On y est finalement bien plus ailleurs que dans une grande partie de la fantasy classique. Accessoirement, ce roman a gagné le World Fantasy Award et a été nominé pour le Nébula, de manière je trouve très méritée. Donc, oui, si un changement de contexte avec un roman fort (mais pas drôle) vous tente, allez-y sans hésiter. Sachant qu’il est depuis sorti en français et en poche.

Lu. Celle qui n’avait pas peur de Cthulhu, de Karim Berrouka.

Troisième roman de Karim Berrouka, on s’attaque ici au mythe de Cthulhu dans un cadre contemporain et détendu. On y retrouve l’écriture facile et drôle de l’auteur, avec toujours du rythme et une lecture des plus agréables et facile. La trame est assez simple (et je vais spoiler sérieusement, vous êtes prévenu-e-s) : l’héroïne a été choisie, bien malgré elle, comme point central du grand rituel millénaire pour éveiller Cthulhu. Ou l’élminier. Ce qu’elle ne va comprendre que progressivement, pourchassée et convoitée par diverses sortes de cultistes et autres illuminés. Et, globalement, tout ça, ce n’est pas spécialement son truc. Mais il s’agit de sauver le monde donc il faut bien s’y coller. Base rigolote, donc, mais finalement assez classique. Ce qui est finalement ce que je pourrais reprocher, peut-être à tort, à ce roman. C’est finalement une déclinaison de plus du mythe de Cthulhu, certes plus détendue et distanciée que la moyenne, sans vraiment de dimension horrifique, mais pas grand chose de plus. On y retrouve les grands anciens traditionnels et les cultistes, tout la quincaillerie habituelle en fait. Et j’attendais quelque chose de plus décalé, de plus fou, dans la veine de l’Apocalypse zombie. Maintenant, ne nous méprenons pas, c’est un bon roman de détente, tout à fait raccord avec le mythe, et dans un cadre moderne. Donc ça fonctionne, bien même, mais en ce qui me concerne, ça ne me fait pas rêver tant que ça.

269 Décembre 2018

● Lu. The fifth season, de N. K. Jemisin

Bon, quand une auteure remporte trois prix Hugo de suite, pour les trois tomes d'une même trilogie, c‘est plus qu'un bon signe, c'est que c'est une série et une auteure, exceptionnelles. Effectivement, ce premier tome est impressionnant. À tous points de vue, en fait. D'abord, au niveau de l'écriture, qui est vivante, rythmée et variée (oui, le style change selon les chapitres, ce qui réussit à renouveler sans perdre en cohérence). Je dirais même que j'y retrouve, dans la finesse de l'humour et la voix de la narratrice, quelque chose de Pratchett ou de Gaiman. Ensuite la structure du récit est brillante. Il y a un vrai travail de construction et d'imbrication, parfaitement exécuté et très fin là aussi. Dans un monde vraiment original et profond qu'on découvre au fur et à mesure (et c'est loin d'être fini). Enfin, et c'est là que je suis le

270 plus conquis (et admiratif): c'est d'abord un roman sur des personnages et la manière dont un vécu d'oppression les forme, les déforme et leur permet de survivre tant bien que mal en se rafistolant. Ce qui en fait un livre étonnement profond et touchant. Mais, par contre, pas toujours drôle. Voire pas drôle du tout par moments, ce qui est d’ailleurs bien visible dès le début, mais toujours avec raison et avec finesse. J'ai donc vraiment beaucoup aimé et je vous en recommande la lecture, en prenant le temps de vous laisser emporter et toucher.

Lu. The psychology of time travel, de Kate Mascarenhas

The psychology of Time Travel est un roman étonnant, dont le titre dit finalement l'essentiel. Le principal élément de scénario est l'invention, dans les années 60, par quatre jeunes chercheuses, du voyage dans le temps ce qui donne ensuite lieu à la mise en place d'une entité/corporation maîtrisant exclusivement la technologie en question. Entité qui forme et abrite donc une communauté très spécifique de voyageuses (et de voyageurs) temporelles à la culture et aux valeurs très particulières et pas complètement saines ce qui nous rapproche du cœur du roman : l'impact psychologique du voyage dans le temps de manière régulière. De fait, ce n'est pas de développements technologiques, de paradoxes ou de quoi que ce soit de classiquement traité en Sf qu’on va ici se préoccuper, mais bien de ce que ça provoque individuellement et collectivement. De ce que ça modifie dans le rapport à la mort en particulier, et aux autres en général, les deux se combinant dans une sous- culture élitiste malsaine. De fait, vous vous doutez bien que les personnages sont travaillées assez finement, ce qui permet à l'ensemble de très bien fonctionner. L'ensemble du récit est, sans surprise, raconté de manière non-linéaire sur plusieurs périodes, et avec plusieurs actrices principales, le tout sur une trame d'enquête policière avec une bonne intrigue et un vrai suspense. Et un fond toujours très lié à la psychologie des personnages. Vous aurez noté que les personnages sont quasi exclusivement féminins, et que ce sont des scientifiques et globalement des personnages complexes et étonnantes, ce qui est fort agréable aussi. Notez également que c'est le premier roman de l'autrice, ce qui en fait une belle réussite, pour peu que le parti pris vous aille et que vous ne soyez pas frustré-e-s par le fait que les questions classiques de Sf liées au voyage dans le temps soit laissés largement en arrière-plan. Personnellement, j'ai justement trouvé ça rafraîchissant et bienvenu.

271 Lu. Invisible planets, de Hannu Rajaniemi.

J'avais lu les romans de SF lointaine et baroque de Rajaniemi et j'avais été surpris mais peut-être un peu saturé sur la longueur. Ici, j'ai retrouvé le même effet de surprises face à des idées de mondes, de personnages et d'intrigues étranges et marquants, mais rien de la saturation étant donné le format nouvelles. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que Rajaniemi maitrise la nouvelle et les formes courtes en général. C'est tout à fait brillant, et étonnant. Avec des styles et surtout des thématiques et des mondes variés. Majoritairement de la SF, bien sur, qui va de cyber plus ou moins punk (à chat et à chien d'ailleurs) à du vaisseau spatial pas très classique à du post-humain et post-singularité. Tout ça avec de l'idée et de l'émotion. Ce qui serait déjà très bien, mais s'y mêlent aussi des vrais morceaux finlandais, ce qui ajoute une dimension de décalage culturel amusante. Dans certaines nouvelles de SF, mais aussi certaines sur la mythologie et la culture finlandaise. Si vous aimez les nouvelles et/ou la SF lointaine et parfois bizarre, ce recueil me semble un bon choix.

Lu. Lagoon, de Nnedi Okorafor

De la Sf plutôt classique dans le principe puisqu'il s'agit d'un débarquement d'extra- terrestres, aux intentions à départ un peu opaque. Et Le déroulement en est également plutôt classique, même si c'est tout à fait bien mené. Ce qui fait la particularité de Lagoon, et de mon point de vue tout son intérêt, c'est que l'arrivée des aliens se fait dans la mer au large de Lagos, au Nigéria. Autant dire qu'on est donc loin, au niveau des personnages comme du contexte politique et institutionnel, des classiques occidentaux. Ce qui est dépaysant et réjouissant. Se mêlent de la science traditionnelle (avec une océanologue dans les personnages centraux), des croyances animistes, des évangélistes (avec un vrai propos sur le puritanisme et les sorcières), un gouvernement bancal, de l'exploitation pétrolière capitaliste et une situation sociale de pauvreté explosive, voire insurrectionnelle. Et tout ça fonctionne honnêtement bien. Comme je disais, rien d'exceptionnel sur le fond, mais une base efficace dans un contexte inhabituel et avec des références étonnantes pour l'occidental que je suis. En soi, ça en a pour moi justifié la lecture et je suis de plus en plus friand de fictions de ce type, qui traitent de thèmes de Sf dans un contexte culturel sortant des classiques américains ou européens.

272 Janvier 2019

● Lu. The obelisk Gate, de N. K. Jemisin.

Second tome de la trilogie Broken Earth, The obelisk Gate reprend exactement à la fin du tome précédent et poursuit de manière tout aussi brillante et saisissante. C’ est le tome du milieu, donc c'est celui dans lequel l'histoire avance finalement assez peu. Mais ce n'est en rien un problème tant les deux dimensions centrales sont parfaitement traitées : découvrir les secrets de la construction du monde et atteindre le point de bascule de l'évolution des personnages principaux. En effet, c'est dans ce tome que j'ai réellement pris la mesure de la profondeur du monde qu'a construit Jemisin (ce qui, sans trop spoiler, classe clairement cette trilogie dans la science- fiction, même si on est loin des modalités classiques). C'est très malin, bien structuré, et c'est surtout brillant quand à ce que ça mobilise comme enjeux symboliques : dans Le rapport entre l'humanité et la planète, la domination et l'oppression, et aussi, voire surtout, sur les émotions et l'amour parental. Ce qui fait parfaitement lien avec l'autre dimension très forte de ce tome (mais du précédent également), ses personnages. Leur évolution est à la fois forte et touchante, et surtout très finement construite psychologiquement. Ce que l'écriture de Jemisin réussit à rendre parfaitement lisible et explicite sans jamais verser ni dans le pathos, ni dans quelque chose de trop démonstratif ou scolaire. Ce qui est un tour de force. Enfin, l'ensemble est un tour de force. Que j'ai donc lu avec gourmandise et avec concentration, mais pas trop vite : pour ne pas gâcher et pour ne pas faire une overdose (parce que c'est puissant et dense).

● Lu. The Stone Sky, de N.K. Jemisin.

Bon, le troisième tome ne fait que confirmer ce que je pensais des précédents : c'est une série à ranger dans les grandes œuvres de la et qui mérite donc tout à fait son brelan de prix Hugo. Je vais essayer de ne pas spoiler et de ne pas trop me répéter mais ce n'est pas si facile. Je peux confirmer qu'on est pleinement dans la Sf, plus encore dans ce tome, avec ce qu’elle a de meilleur : un cadre de fiction pour mettre en lumière des enjeux très réels : ici surtout d’exploitation, de racisme et

273 d'orgueil malsain et dangereux des colonisateurs. Et malgré tout, dans ce cadre et avec ce propos, c'est foncièrement d’humanité qu'on parle. De souffrance et de blessures mais aussi d'amour et d'espoir. Et de famille (d’ailleurs, la postface est courte mais incontournable). Toujours avec beaucoup de finesse, sans tomber dans la facilité ou la niaiserie. Et en bouclant sur une fin des plus satisfaisantes et avec un suspense réel (et entièrement lié aux relations entre les personnages). Ça commençait fort, et triste, et ça termine fort et pas triste. Avec un chemin parcouru, à tous points de vue, qui mérite trois tomes. Donc oui, je vous encourage fortement à lire l'ensemble. Qui est disponible en français, d'ailleurs. Non, non, vraiment, c’est à ne pas rater.

Février 2018

Lu. Le discours, de Fabrice Caro

Fabcaro (auteur et dessinateur du fabuleux Zaï zaï zaï zaï, donc) ne fait pas seulement de la BD, il écrit aussi des romans, et il s'agit ici de son second. Adrien, quarantenaire dépressif, est coincé dans un repas de famille au cours duquel son beau-frère lui demande, sans tellement lui donner le choix, de faire le discours du mariage de sa sœur. Ce qui le met déjà relativement en panique. Et d'autre part, il est obnubilé par un début d'échange de SMS avec son ex, qu'il espère bien ne pas être complètement ex. On suit donc, exclusivement, ses pensées, ses angoisses, paniques et autres névroses avec, bien sur, un certain nombre de flashbacks. C'est écrit de manière légère et assez drôle, avec du rythme et au final un format assez court. C'est drôle comme l'est fabcaro en mode dépressif, c'est-à-dire un peu, avec quelques jolis traits, mais pas tant que ça. Je crois en fait que c’est surtout moi qui ne suis plus tellement client de ce genre de choses, si je l'ai jamais vraiment été. Je crois que l'introspection dépressive et névrosée me fatigue, même avec de l'humour. D'autant qu'il n'y a ici pas de trouvaille particulière ou de valeur ajoutée essentielle. C'est bien foutu, dans ce style, mais le style lui-même ne me motive pas tellement.

274 Mars 2019

Lu. The signature of all things, d’Elisabeth Gilbert.

Je découvre Elizabeth Gilbert (connue pour Eat, pray, love notamment) avec ce livre, et je dois bien dire que je suis séduit. Une chose est immédiatement évidente : elle sait écrire. Le style est vraiment très beau, très travaillé et sans aucune lourdeur, bien que l’ensemble soit rédigé d’une manière très dix-neuvième, en cohérence avec le récit. L’autre chose qui se dégage au fil du livre, c’est un talent également très évident pour la construction de personnages, et notamment de personnages féminins complexes. En particulier Alma, dont on va suivre la vie tout au long du livre, mais pas seulement. En effet, après un flashback assez détaillé et très prenant quant au parcours chamarré et impressionnant de son père, ce sont les grandes étapes de son parcours que l’on va suivre. Et c’est une vie très particulière, inattendue également. Qui tourne autour de la botanique (et accessoirement, à l’époque, c’est à la pointe de la recherche scientifique et commercial, et c’est très amusant d’en prendre la mesure) et qui va connaître des rebondissements imprévus (oui, parce que pendant longtemps, ça semble tout tracé). Et de manière étonnante, le seul moment que j’ai trouvé un peu longuet et pas très rythmé est celui où elle voyage finalement le plus. Alors que j’ai trouvé le reste complètement passionnant et absorbant et que sur la première moitié j’ai eu vraiment du mal à le poser. Mais à ce bémol près, j’ai vraiment trouvé ça très prenant, très touchant et plein de finesse, et plein de découvertes historiques amusantes (même si c’est une fiction). Jusqu’à la fin, qui est vraiment jolie et émouvante, et non dénuée d’une douceur amère. Le moins que je puisse dire est que je ne regrette pas de m’être égaré hors de mes habitudes actuelles de lectures de fantasy et de SF. Parce qu’à ce niveau de qualité, finalement, on s’en fout de la catégorie dans laquelle ça tombe ;)

Lu. Hawk, de Steven Brust.

Nous en voici donc au “je ne sais plus combientième” tome des aventures de Vlad Taltos. Oui, j’ai un peu perdu le compte : le fait que les tomes ne suivent pas un ordre chronologique et changent grandement de style de l’un à l’autre n’aide pas. Et autant les changements de style me plaisent toujours beaucoup, autant le côté non-linéaire

275 est un peu frustrant. Parce que Vlad Taltos, c’est à la fois une base plutôt policière (mais côté pègre) et un scénario de fond basé sur les secrets cosmiques du monde et des affinités avec des ami-es et allié-es balaises et dans des considérations de haut niveau. J’ai beaucoup aimé pendant tout le début la dimension crapulerie et montage de plans tordus et compliqués, pleins de fourberies et de ressources malins. Mais sur la longueur, j’ai beaucoup plus eu envie de voir avancer la trame de fond et de continuer à découvrir les secrets du monde et les dénouements des mystères et prophéties annoncées depuis un moment. Parce qu’il y a un vrai beau potentiel d’idées et de personnages, et ça s’annonce complexe et plein de surprises. Mais dans ce tome, foin de tout ça, on revient justement aux fondamentaux. Et donc, je trouve ça frustrant. D’autant plus qu’il s’agit de suivre Vlad qui monte un grand plan tordu pour se sortir de la merde. Et qu’il n’explique pas le plan tout le long du livre, seulement la préparation. Et non, il n’y a pas moyen de devenir ce qu’il va faire de tout ce bazar. Enfin, pour moi. Du coup, il reste surtout le plaisir des dialogues et des personnages, ce qui n’est pas rien, parce que oui, Brust est très bon pour tout ça, mais c’est un peu insuffisant. Pas du tout un mauvais livre, donc, mais au vu de là où en est de la série, ce n’est pas ce que j’attends. Et le suivant, dans l’ordre d’écriture, est avant, dans la chronologie, donc ma frustration ne va sans doute pas retomber tout de suite. Mais je ne lâcherai pas la série, elle est vraiment bien.

● Lu. How long til Black future Month, de N-K. Jemisin.

Un recueil de nouvelles donc, le premier de N-K. Jemisin. Avec un titre brillant, mais il n'y a pas que le titre, pour tout vous dire. L'autrice confirme ici clairement la haute place qu'elle a acquise dans mon estime. Car, oui, outre des séries multi-volumes qui moissonnent des Hugo, elle sait également écrire des nouvelles. Avec la même tonalité d'ensemble, c'est-à-dire une priorité donnée au point de vue des dominé-es et une saine colère, politisée, vis-à-vis de ce qu’elles et ils vivent, subissent et ressentent. Pour autant, ce n'est en rien monotone ou répétitif (pas plus que Banks, ou Asimov, ou tout autre auteur avec un regard spécifique) tant elle a d'imagination et de variété dans les univers et les contextes abordés et exploités. Mais il y a toujours de la vie et de la tension, et en général de l'humour. L'ensemble des nouvelles est de mon point de vue excellent, avec bien sur des variations. Certaines sont vraiment puissantes et marquantes (et ont fini de me convaincre, s'il était besoin, de mettre tout le reste de ses livres dans mes piles à lire pour dans pas trop longtemps), d’autres sont "seulement" très bien. Certaines pour celles et ceux qui ont

276 lu La cinquième saison, parce qu'on y voit la genèse de son style ou de certaines idées. Et puis, oui, il y en a que j'ai trouvé oubliables. Genre : deux sur une trentaine. Et je n'ai pas peiné à les lire, juste j'ai enchaîné sur la suivante sans souffler. Alors que toutes les autres : non, j'ai fait une pause pour digérer, pour savourer. Vous pouvez y aller sans hésiter, et en sachant que Jemisin ce n'est jamais anodin. Mais c'est bien bien bien, et je compte bien bien bien tout lire d'elle.

Avril 2019

Lu. Theatre of the Gods, de M. Suddain.

Existe en français : Le théâtre des dieux. "A mad bastard of a book" annonce la couverture, et je ne peux pas lui donner tort. De fait, c'est un livre fou, qui part dans tous les sens, avec un côté vraiment de roman picaresque. Les personnages sont hauts en couleurs, inattendus et fous, de manière amusante et riche. Notamment le personnage principal, persuadé de pouvoir passer d'un univers à l'autre. Et leurs passés, qui donnent lieu à de nombreuses digressions, tout autant. Le monde pareil, avec une science-fiction victorienne hallucinée (incluant le pape du Saint Empire de Néon), des flottes de bateaux spatiaux avec des mousses orphelins et des officiers très anglais, des planètes artificielles, des créatures improbable. Tant et plus. Presque trop, au final. Enfin, j'aurais trouvé ça excessif mais satisfaisant (planète peuplée de plantes carnivores, tribus de cannibales et homoncules compris) si le scénario avait réussi à retomber sur ses pattes et à aller quelque part. Or, non. Enfin, en partie, mais il reste tellement de questions non- résolues qu'on se demande si il n'y aura pas un second tome. En l'état, c'est frustrant. Ce n'est pas mauvais pour autant, très loin de là, tant il y a d'idées étonnantes, drôles et des situations abracadabrantes. Et elles sont plaisantes à lire. Maintenant, il faut supporter, voire apprécier, l'enchaînement frénétique et souvent sans queue ni tête. Je me suis ou final majoritairement amusé en le lisant mais j’en sors un peu frustré par la longueur et la résolution incomplète.

277 Mai 2019

● Lu. The killing moon et The shadowed sun (Dreamblood chronicles), de N.K. Jemisin.

Je continue donc ma lecture des oeuvres complètes de Jemisin, à l’envers chronologiquement. Et je confirme que c’est une bonne idée, à l’envers ou pas d’ailleurs. Nous sommes ici dans un contexte de fantasy, mais pas médiévale, clairement antique, avec de très forts échos égyptiens. Ils ne sont d’ailleurs pas cachés dans l’introduction et la postface de l’autrice, mais ils sont suffisamment digérés et intégrés avec une culture et une magie cohérente que ça ne fait pas du tout mauvaise copie ou voyage dans le temps maladroit. C’est une société et un monde cohérent, avec une impression de densité et de profondeur tout à fait satisfaisants. Dès le premier tome, par ailleurs. Je dirais même que j’avais plutôt oublié l’influence égyptienne et que je l’ai reconvoquée un peu volontairement pour me faciliter la mise en image de certaines tenues et de certains bâtiments. Bref. Dans ce monde une ville-état domine les autres, appuyée sur sa richesse (avec les crues annuelles du grand fleuve) mais surtout son temple et ses prêtres dont la magie est réelle et puissante. Et entièrement basée sur les rêves et la capacité à s’y projeter et à y opérer activement. Pour soigner, en particulier, mais aussi pour tuer. Enfin, dans la logique culturelle en question, il ne s’agit pas de tuer, mais de collecter l’essence et de garantir le repos éternel à l’âme. Quand la personne est corrompue en particulier, ou qu’on l’honore en fin de vie. Oui, on sent bien le décalage culturel, et il est bien amené, avec une exploration du sentiment religieux et de ses conséquences tout à fait efficace. Et on ajoute à ça,sans surprise pour du Jemisin : des personnages touchants et profonds, et une vrai scénario construit et solide. Et plein de moments émouvants et difficiles, parce qu’elle ne fait pas dans la facilité. Mais c’est bien. J’ajouterai que l'enchaînement des deux tomes est particulier : ce sont vraiment deux histoires différentes. Qui s'enchaînent, certes, mais c’est moins une suite qu’on pourrait croire. Chronologiquement, c’en est une. Mais le premier tome se clôt véritablement, et de manière vraiment bouclée. Le second reprend avec d’autres personnages centraux, et une seconde histoire, certes inscrite dans la conséquence directe de la première, mais à la tonalité et aux enjeux bien différents. Il m’a fallu un

278 peu de temps pour la transition, mais au final, je pense que j’ai préféré le second tome, moins évident, moins attendu aussi dans le sujet et la manière de le traiter. Enfin, je dis le sujet… le sujet ce sont toujours les personnages et leur évolution, avec finesse, chez Jemisin. Ce qui parfois donne lieu à des résolutions de scénario surprenantes et osées mais je suis assez convaincu des priorités que se donne l’autrice. C’est une série qui me laisse une impression très agréable et un goût très particulier et spécifique, très exotique finalement. Assez onirique et doux, mais avec un nostalgie et une amertume (parce que oui, Jemisin ne s’épargne pas non plus ici la confrontation avec des sujets importants mais vraiment pas drôles). Non, je confirme, je continue en lisant bientôt la série que je n’ai pas encore lue, et ensuite j’attends ses prochains, je ne compte pas en rater.

Juin 2019

Lu. Edgedancer, de Brandon Sanderson.

Edgedancer est une petite friandise, un petit plaisir léger et acidulé en attendant le prochain tome de sa série géante du monde de Roshar (Ok, selon la longue et le format, c'est déjà disponible). Ce court roman (ou cette longue nouvelle, selon vos préférences) relate les aventures de Lift, personnage jusque là secondaire, mais marquant, de la série principale. Et tout pourrait reposer uniquement sur le caractère et l'humour de cette narratrice enfantine et taquine (et très innocente sur certaines choses, beaucoup moins sur d'autres). En particulier, sa relation avec son Spren est très drôle et dynamique, et c'est d'ailleurs celle-ci qui structure et motive toute son évolution, et donc le cœur de l'histoire. C'est donc vraiment léger et drôle dans la forme, on sent que l'auteur se relâche et s'amuse, et du coup nous aussi. Pour autant, ce n’est pas une histoire juste pour blaguer, c’est aussi une vraie histoire qui contribue à faire avancer certaines intrigues de fond, et en particulier deux personnages. Lift elle-même bien sur, qui devrait être beaucoup moins secondaire dans la suite, à mon avis. Et puis un autre gros personnage qui vit une évolution majeure, mais j'évite de spoiler. Ajoutez à ça quelques éclaircissements magico-

279 mystiques et quelques mystères en plus, et vous avez un petit roman bien rempli. Si vous lisez la série principale, ça vaut vraiment le coup d'y intercaler ce petit plaisir.

Lu. La Rolande, de Rolande Déchavassine.

A ma connaissance, ce petit livre autobiographique n'est disponible qu'au Relais des 2 vallées, au col de Joux-Plane, à côté de Samoëns. Parce que c'est le récit de sa fondatrice. Du coup, peu de chances que vous mettiez la main dessus. Et en même temps, si vous n'avez pas rencontré Rolande directement, ce n'est pas forcément motivant de se lancer dans l'histoire de sa vie. Ceci dit : quoique. Parce que la vie de Rolande méritait d'être racontée. Pour son parcours, qui est courageux et réjouissant. Et volontaire, parce qu'une femme seule, issue du milieu rural, ne monte pas simplement son resto à 1800 m d'altitude au milieu de rien. Ni sans être passée par quelques épreuves non plus. Rien de follement aventureux, notez, mais justement, c'est de vraie vie, à la fois normale et exceptionnelle, qu'on parle. Et c'est justement intéressant aussi pour tout ce que ça raconte de son enfance, de son éducation et de comment on vivait dans le milieu paysan de haute montagne il y a quelques décennies. En un mot : durement. Pour moi qui aime bien la région et qui suis toujours curieux d'histoire et de culture populaire, c'est vraiment instructif et très concret. La forme contribue d'ailleurs à cette dimension très directe et concrète : c'est une rédaction par une écrivaine publique à partir d'entretiens. Dans un style assez concret et pudique, qui colle bien au personnage mais qui fait que l'émotion est assez distanciée. Elle ressort pourtant par endroits, et en particulier grâce aux nombreuses photos au final. C'est une lecture courte mais touchante que j'ai appréciée.

Lu. The hundred thousand Kingdoms + The broken kingdoms + Kingdom of the gods, de N-K. Jemisin.

Me voici donc au bout de ma lecture des œuvres de Jemisin, avec cette trilogie qui fut sa première publiée. C'est une trilogie finalement assez lâche, en termes de structure, avec trois tonnes à des époques assez espacées et des narratrices et narrateurs différents. Ce qui est assez riche en termes de variété de points de vue, mais pas forcément évidents en termes d'investissement et d'attachement-aux personnages. Il y a du commun, bien sur, en particulier au niveau des dieux et déesses. C’est d'ailleurs le sujet central : la famille des dieux et déesses de cet univers, leurs embrouilles et secrets de familles et leurs liens et impacts sur l'humanité. Une fois de

280 plus, en termes de scénario, de révélations successives et de métaphores sur la famille, le pouvoir et les dominations, c'est très solide et bien pensé. De manière sans doute un peu moins fine que dans The broken earth, mais ça reste très au-dessus du lot. Le premier tome est raconté par un prisme très humain, et par l’étrangère au système plongée dans un microcosme de pouvoir autocratique consanguin particulièrement malsain. Ce qui fonctionne très bien pour découvrir un monde riche et original et pour dérouler un scénario très convaincant au fil des révélations. La narratrice étant de plus très attachante, c'est un tome qui a pour moi vraiment bien fonctionné et qui m'a donné très envie de la suite. Le second tome démarre assez loin en termes de suite (mais ça se accroche), avec une intrigue très politico-policière. Sous laquelle se cache finalement un fond très psychologique concernant les deux personnages principaux. Et on a envie de se plonger dedans vu les personnages en question. La narratrice en particulier est très chouette, et elle est également aveugle, ce qui introduit des questions mais aussi une manière de raconter très intéressantes. Je ne peux pas nommer le second protagoniste sans spoiler mais disons qu'il est en soi intéressant et en plus incontournable vu sa place dans l'ensemble du bordel. On y retrouve aussi les personnages du tome précédent, suffisamment pour raccrocher correctement mais assez peu pour que ce soit quand même un peu frustrant. L'ensemble, et la fin, sont assez nostalgiques. Le troisième tome continue bien plus tard, et avec un nouveau narrateur, un dieu cette fois, le dieu de l'enfance. J'ai trouvé le changement de narrateur un peu difficile, parce qu'il est pour moi moins facile de s'y identifier et moins touchant. Mais drole et assez fascinant, oui. Par contre, j'ai vraiment trouvé qu'on passait trop de temps sur lui et ses problèmes, à tourner sur trop peu de personnages. Pour ensuite en réintroduire plein, en fait tous ceux qu'on attendait, mais sans avoir forcément assez de place pour en profiter pleinement. Ce qui amène à une conclusion satisfaisante en termes de logique mais trop rapide pour moi et avec certains personnages trop peu exploités. Donc, oui, globalement, je suis un peu déçu par le dernier tome. Mais je reconnais que vu l'ampleur du scénario et des thèmes, elle s'en sort tout de même très honnêtement. Et les deux tomes précédents sont vraiment bien, et la nouvelle ajoutée à la fin de l'édition que j'ai fait bien plaisir, donc je reste sur une impression globale tout à fait positive. Je pense juste que c'est à lire une fois le reste de Jemisin épuisé. Vous avez commencé, d'ailleurs ?

281 Aout 2019

● Lu . Brief cases, de Jim Butcher.

Je ne vais pas vous refaire tout un chapitre sur tout le bien que je pense de la série Dresden files mais ça va en s'amplifiant au fil des tomes. Ici, ce n'est pas vraiment un nouveau tome, ça ne fait pas avancer l'histoire principale, c'est un recueil de nouvelles qui s'insèrent entre plusieurs des tomes précédents. Elles concernent des personnages divers, et pas forcément Harry Dresden, ce qui permet de changer de ton et de regard, ce qui est en soi bienvenu, d'autant que c 'est tout aussi bien écrit, quelque soit le style et le narrateur ou la narratrice. Ce qui est vraiment remarquable, c'est l'humanité et la finesse avec laquelle sont traité-es et mis-es en lumière tou-tes les personnages. Sous couvert de fantastique et d'aventure, ce sont systématiquement des nouvelles très touchantes et qui donnent de la profondeur et de l'émotion à des personnages déjà connus et largement apprécié-es. L'ensemble fait un peu boite de bonbons : un assortiment de douceurs variées, Certaines complètent en plus trames et intrigues de la série principale, alors que d'autres lèvent simplement le voile sur des à-cotés plus ou moins inattendus (la trilogie sur le fils de Bigfoot est à ce titre un vrai bonheur). J’ajouterai une mention spéciale pour la nouvelle dont le narrateur est le chien de Dresden, Mouse, qui est tout à fait exceptionnelle, à plusieurs titres d’ailleurs Enfin, les commentaires de Butcher sur le contexte d'écriture de chaque nouvelle sont tout à fait réjouissants. C'est donc un recueil à la fois complètement anecdotique et absolument indispensable pour les fidèles de la série.

Lu. 16 ways to defend a walled city, de K.J. Parker.

Il y a comme ça des livres qu'on essaie sur la foi l'un quatrième de couverture, sur un ton, des détails. Comme le fait que le narrateur est ici ingénieur dans une armée médiévale. Parce que ça a l'air de changer. Et, oui, ça change et l'ensemble est une très bonne surprise. Le narrateur est chef-ingénieur dans le génie de l'armée d'un empire très byzantin (c'est un monde de fiction, mais sans fantastique et très très calqué sur le déclin de l'empire byzantin (ce qui, étant donné mon goût pour cette période et sa rareté en fiction, était en soi un vrai plaisir pour moi)). Le narrateur est

282 également malhonnête, magouilleur et menteur. Mais touchant. Et racisé et discriminé (en tant que blanc dans une société dominée par un Empire à peau noire, ce qui est assez finement amené et traité). Il se trouve rapidement pris dans le siège de la capitale et en charge de la défendre, dans une situation désespérée et avec très peu de moyens. Ce qu'il va faire avec beaucoup de rouerie et d'intelligence. C'est le premier gros point fort : une intrigue qui progresse à coups d'ingéniosité et d'ingénierie. C'est rafraîchissant et, de plus, passionnant si on est sensible aux techniques antiques et médiévales (ou à la technique tout court). Le second point fort, c'est que tout ceci se fait au rythme des échanges et relations entre un personnage central complexe et attachant et un tas d'autres, colorés et étonnants. Et ceci aussi est scénarisé finement autour de son évolution, ses doutes et des révélations nombreuses sur son passé (trouble et maltraitant). On pourra reprocher certaines accélérations, et une fin un peu abrupte, mais pour une histoire en un tome, je trouve que ça permet au contraire un rythme soutenu et une vraie conclusion marquante et thématique. Comme je disais, une chouette surprise bien écrite, rafraîchissante et prenante, je m'en vais de ce pas voir ce que cet auteur a écrit d'autre.

Lu. Sorceleur 1 : le dernier vœu, d'Andrzej Sapkowski.

Sorceleur (aka The Witcher à l'international) est une série de fantasy polonaise, best- seller et à l'origine d'une série de jeux vidéo à grand succès. Et bientôt d'une série télé. Pour le principe de me maintenir à jour dans le domaine, je me suis lancé dans le premier tome. En français, ce qui est rétrospectivement une erreur. Parce que oui, c’est le premier gros problème que j'ai eu : c'est vraiment mal traduit. Vraiment. Au point que certaines phrases sont bancales et que d'autres n'ont pas de sens dans le contexte (je soupçonne de la traduction littérale d'expressions ou d'allusions polonaises dans certains cas). Et le ton et le registre sont généralement peu cohérents. Ajoutez que la traductrice n'a visiblement aucune référence de fantasy ou de médiéval (tout le monde utilise exclusivement des glaives (par ailleurs décrits comme différents types d'épée) et s'en sert exclusivement pour des bottes). J'insiste mais ça rends la lecture laborieuse et hachée. C'est d'autant plus dommageable que l'ensemble est construit comme une série de courtes nouvelles très rapides et compactes. Ce qui, avec une écriture efficace et serrée doit bien fonctionner. Là, beaucoup moins, j’ai plutôt eu de grands moments de confusion / relecture pour saisir certains enchaînements. Il y a cependant un aspect que j'ai apprécié : c'est l'usage de vrais contes et mythes médiévaux bien recyclés et d'une ambiance

283 culturelle qui fait moins fausse et moins anglo-saxonne que souvent. C'est convaincant et ça aurait pu me donner envie de tester la suite (en anglais ou même en français puisque l'éditeur a changé de traducteur-trice à chaque tome (c'est un signe, je crois....). Mais. Mais le héros, quoi. Mystérieux, taciturne, taiseux mais sarcastique, jamais pris au dépourvu mais un peu désabusé, bourru mais très moral avec un bon fond et... vous l'aurez deviné, finissant au pieu avec toutes les filles (qui sont jolies, voire plus, et décrites avec complaisance) parce que. Et à la fin il tombe amoureux et ce sera compliqué et tragique. Je… je ne peux plus, ce genre de cliché, surtout quand c’est aussi marqué et pétri de fantasmes adolescents. Donc non, je ne lirai pas la suite.

284 Table des matières

Chroniques compilées...... 1 Lectures 2000-2019...... 1 Avant 2000...... 2 ● Quelques essentiels pré-chroniques...... 2 Février 2000...... 2 Lu. Alexandra, de Jacqueline Dauxois et Vladimir Volkoff...... 2 Lu. L'écume des jours de Boris Vian...... 3 Lu. Le pense-bête de St François d'Assise, de Jean-Louis Fournier...... 3 Lu. Prelude to Dune : House Atreides. De Brian Herbert et Kevin Anderson.....3 Avril 2000...... 4 Lu. Les Catilinaires. Amélie Nothomb...... 4 Lu. Extension du Domaine de la Lutte. Houellebecq...... 4 Lu. Mauvaises Fréquentations. Je sais plus l'auteur...... 4 Lu. Les Gages. Rochelle Fack...... 4 ● Lu. Le soleil et l'acier. Yukio Mishima...... 5 Lu. Un homme qui dort. Georges Pérec...... 5 Lu. L'école de la chair. Yukio Mishima...... 5 Lu. Bananes de Konigsberg. Alexandre Vialatte...... 6 ● Trilogie NightDawn. En traduction, deux tomes sortis sur six. De Peter F. Hamilton. Robert Laffont. Ailleurs et Demain...... 6 ● Lu. The Naked God. Peter Hamilton...... 7 Comment voyager avec un saumon ? De Umberto Eco. Livre de Poche...... 7 ● Le Samourai Virtuel. De Neal Stephenson. Livre de Poche SF...... 8 Spinoza encule Hegel. De Jean-Bernard Pouy. Folio Policier...... 9 ● Les Chiennes savantes ; Baise moi ; Les jolies choses. De Virginie Despentes. J'ai Lu Poche...... 9 ● Nouvelles Pensées Echevelées. De Stanislav Jerzy Lec. Rivages Poche / Petite Bibliothèque...... 10 Septembre 2000...... 11 Factoring humanity de Robert J Sawyer ...... 11

285 Frameshift de Robert J Sawyer aussi...... 11 Salomé d¹Alexandre Vialatte...... 11 Escape from Kathmandu de Kim Stanley Robinson ...... 12 Espedair street de Iain M. Banks...... 12 ● Le Nu Perdu de René Char...... 12 Novembre 2000...... 12 Lu. The Scorpion. Justin D. Sullivan...... 12 Lu. The Unicorn. A. D. Lassieur...... 13 Lu. La cité des étoiles d'automne. De Michael Moorcock...... 13 ● Lu. The fifth Elephant. Terry Pratchett...... 13 Lu. Snow White and the Seven Samurai. Tom Holt...... 14 Lu. Si encore l'amour durait, je dis pas...... 14 ● BD. La mémoire et la boue. De PtiLuc...... 14 Lu. Pensées et anecdotes. Jean Yanne...... 14 Juillet 2001...... 15 ● The Business, de IAIN M. BANKS...... 15 La conférence de Cintegabelle, de Lydie Salvaire...... 15 ● Cryptonomicon, de NEAL STEPHENSON...... 15 Samarcande, d'AMIN MAALOUF...... 16 Deux garçons bien sous tout rapport, oublié l'auteur aussi...... 16 Swiss Trash, chez Baleine Ultimes, oublié l'auteuse...... 16 Août 2001...... 17 Les Vierges Suicidées, de Jeffrey Eugenides...... 17 Clerks. Le script...... 17 Septembre 2001...... 17 Lu. Le sabotage amoureux d'Amélie Nothomb...... 17 Lu. Les roubignoles du destin de Jean-Bernard Pouy...... 18 Août 2002...... 18 Marilyn la Dingue et Kermesse à Manhattan. Jérome Charyn. Folio Policier.. 18 Les croix de paille. Philippe Bouin. J'ai Lu Policier...... 19 L'Or du Roi. Arturo Perez-Reverte. Seuil...... 19 Fallen Dragon. Peter Hamilton...... 19

286 ● Métaphysique des tubes. Amélie Nothomb...... 20 Stupeur et tremblements. Amélie Nothomb...... 21 Avril 2005...... 21 Lu. Pandora's Star. De Peter F. Hamilton...... 21 Lu. Hell's Angels. De Hunter Thompson...... 21 Lu. Vodka Cola. De Irina Denejkina...... 22 Lu. Politique. De Adam Thirlwell...... 22 Lu. Le sang des Borgia. De Mario Puzzo...... 22 Lu. Les Larmes de Machiavel...... 23 Lu en BD. Du sang pour le pape. De Manara et Jodorowsky...... 23 ● Lu (par petits bouts). Chansonbricole. De Bobby Lapointe...... 23 Lu. Oeuvres érotiques. de Baffo...... 24 Lu. Rag-time. De Louis Calaferte...... 24 Lu. La malédiction d'Edgar. De Marc Dugain...... 24 Lu. Antéchrista. D'Amélie Nothomb...... 25 Lu. Happy Birthday Jack Nicholson. De Hunter S. Thompson...... 25 Lu. The Medici, godfathers of the renaissance. De Paul Strathern...... 25 Lu. Bonjour tristesse. De Françoise Sagan...... 26 ● Lu. A Hat Full of Sky. De Terry Pratchett...... 26 Juin 2005...... 27 Lu. Entre courir et voler, il n'y a qu'un pas papa. De Jacques Gamblin...... 27 Lu. Apporte-moi de l'amour. De Bukowski, illustré par Robert Crumb. (Merci Jérôme)...... 27 Lu. L'industrie du sexe et du poisson pané. De Emmanuel Pierrat...... 27 ● Lu. Quicksilver. De Neal Stephenson...... 28 Lu. Le toucher de la hanche. De Jacques Gamblin...... 28 Lu. En votre aimable règlement. De Bruno Léandri...... 29 Lu par petits morceaux. Corps et biens. De Robert Desnos...... 29 Lu. Magnus numéro 2...... 29 Juillet 2005...... 30 ● Lu. Olympos. De Dan Simmons...... 30 Lu. (presque) Tout Topor. De Laurent Gervereau...... 31 Aout 2005...... 31

287 Lu. Harry Potter and the half-blood prince. De J. K. Rowling...... 31 Lu. April blood, the plot against the Medici. De Lauro Martines...... 32 Lu. Les amants de Mata-Hari. D’Alexandre Vialatte...... 33 Lu. Matin Brun. De Franck Pavloff...... 33 Septembre 2005...... 34 Lu. The Confusion. De Neal Stephenson...... 34 Lu. Ulik au pays du désordre amoureux. De François Lelord...... 35 Octobre 2005...... 35 ● Lu. Lettre au Gréco. De Nikos Kazantazaki...... 35 Lu. Kiffe kiffe demain. De Faiza Guene...... 36 Lu. Le pays où l'on ne meurt jamais. De Ornela Vorspi...... 37 Lu. Max Lampin. De Roland Topor...... 37 Lu. The Algebraist. De Iain Banks...... 38 Lu. Going Postal. De Terry Pratchett...... 38 Lu. Billie Morgan. De Joolz Denby...... 39 Lu. Hardcase. De Dan Simmons...... 39 Novembre 2005...... 40 ● Lu. The system of the world. De Neal Stephenson...... 40 Décembre 2005...... 41 Lu. Les rois maudits : Le roi de Fer, la reine étranglée et les poisons de la couronne. De Maurice Druon...... 41 Lu. Laurent le magnifique. De Jack Lang...... 42 Janvier 2006...... 42 Lu. La loi des mâles, La louve de France, Le lis et le Lion et Quand un roi perd la France. De Maurice Druon...... 42 Lu. Je laisse aux chiens l’exploit de nous juger. De Paul Marchand...... 43 Février 2006...... 44 Lu. A feast for crows. De George R. R. Martin...... 44 Lu. 1492. De Jacques Attali...... 44 Lu. L’évangile selon Pilate. De Eric-Emmanuel Schmitt...... 45 Lu. La part de l’autre. De Eric-Emmanuel Schmitt...... 45

288 Lu. Partouz. De Yann Moix...... 46 Lu. Hard as nails. De Dan Simmons...... 46 Lu. L’oeillet ensorcelé. De René Depestre...... 47 Mars 2006...... 47 Lu. L'amérique m'inquiète. De Jean-Paul Dubois...... 47 Lu. Hell. De Lolita Pille...... 48 Lu. Les nouveaux bijoux de chez Carlier. De Guy Carlier...... 48 Lu. In cold blood. De Truman Capote...... 48 Juin 2006...... 49 Lu. Le gentilhomme au pourpoint jaune. De Arturo Perez-Reverte...... 49 Lu. Impuretés. De Philippe Djian...... 49 Lu. Mon dernier cheveu noir. De Jean-Louis Fournier...... 50 Aout 2006...... 50 Lu. La dernière tentation du Christ. De Nikos Kazantzaki...... 50 Lu. Vie et mort de la jeune fille blonde. De Philippe Jaenada...... 51 Lu. Attila. De Eric Deschodt...... 52 Septembre 2006...... 52 Lu. The Great Shark Hunt. De Hunter Thompson...... 52 Lu. Histoire de l'Oeil. De Georges Bataille...... 53 Lu. Le Hussard. De Arturo Perez-Reverte...... 54 Lu. Le nombril de femmes. De Dominique Quessada...... 54 Octobre 2006...... 55 Lu. Thud. De Terry Pratchett...... 55 Novembre 2006...... 55 Lu. Hey Rube. De Hunter S. Thompson...... 55 Lu. Borrowed Light. De Joolz Denby...... 56 Décembre 2006...... 57 Lu. Les grands mots du professeur Rollin. De François Rollin...... 57 Lu. La belle du Caire. De Naguib Mafouz...... 57 Lu. Carlier Libre. De Guy Carlier...... 58

289 Février 2007...... 58 ● Lu. Anansi Boys. De Neil Gaiman...... 58 Lu. Eloge des femmes mûres. De Stephen Vizinczey...... 59 ● Lu. Wintersmith. De Terry Pratchett...... 59 Mars 2007...... 60 Lu. Cocaïne nights. De JG Ballard...... 60 Lu. Ce que j'aime en toi. Les carnettistes tribulants...... 60 Lu. La dernière tribu. Eliette Abécassis...... 61 Lu. Hunters of Dune. De Brian Herbert et Kevin Anderson...... 61 ● Lu. I am Legend. De Richard Matheson...... 62 Avril 2007...... 63 Lu. J'ai peur. De Christophe Siebert...... 63 Lu. Valérie ou la semaine des merveilles. De Vitezslav Nezval...... 63 ● Lu. Epigrammes obscènes. De Martial...... 64 Juin 2007...... 64 Lu. Lolita. De Nabokov...... 64 Lu. Les forces de l'invisible. De Tim Powers...... 65 Lu. Super-positions. De Ana Alter et Perrinne Chervèche...... 65 Juillet 2007...... 66 ● Lu. The Lies of Locke Lamora. De Scott Lynch...... 66 Lu. Boys, boys, boys. De Joy Sorman...... 67 Lu. The drawing of the dark. De Tim Powers...... 67 Lu. Les plus beaux dimanche après-midi du monde. De Plonk et Replonk...... 68 Lu. Le Dictionnaire. De Topor...... 68 Lu. Manuel de sérigraphie. De elshopo...... 69 Aout 2007...... 69 Lu. Harry Potter and the Deathly Hallows. De J.K. Rowlings...... 69 Lu. La trilogie Steampunk. De Paul Di Filippo...... 70 Lu. Le Festin Nu. De William Burroughs...... 70 Septembre 2007...... 71 Lu. La défense Lincoln. De Michael Connely...... 71

290 Lu. Jonathan Strange et Mister Norrel. De Susanna Clarke...... 71 Lu. Acide Sulfurique. De Amélie Nothomb...... 72 Lu. The Black Echo. De Michael Connely...... 72 Octobre 2007...... 73 Lu. Red Seas under Red skies. De Scott Lynch...... 73 Homère, Iliade. De Alessandro Baricco...... 73 Lu. The Black Ice. The Last Coyote. Trunk music. Angels Flight. De Michael Connelly...... 74 Octobre 2007...... 74 Lu. Les belles lettres du Professeur Rollin...... 74 Novembre 2007...... 75 Lu. Les grand-mères. De Doris Lessing...... 75 Décembre 2007...... 75 Lu. Breakfast of Champions. De Kurt Vonnegut Jr...... 75 Lu. I am Charlotte Simmons. De Tom Wolfe...... 76 Janvier 2008...... 77 Lu. Les Royaumes du Nord. De Philip Pullman...... 77 Février 2008...... 78 Lu. Super-Cannes. De JG Ballard...... 78 ● Lu. Chroniques Japonaises. De Nicolas Bouvier...... 79 Mars 2008...... 79 Lu. Empire of the Sun. De JG Ballard...... 79 Avril 2008...... 80 Lu. Desproges est vivant. Coordonné par François Rollin...... 80 Lu. Dans un bocal avec des thons et des requins. De Guy Carlier...... 80 Lu. The steep approach to Garbadale. De Iain Banks...... 80 Mai 2008...... 81 ● Lu. Matter. De Iain M. Banks...... 81 Lu. Le bizarre incident du chien pendant la nuit. De Mark Haddon...... 82

291 Lu. The Dreaming Void. De Peter Hamilton...... 82 Lu. Dans les bois éternels. De Fred Vargas...... 83 Juillet 2008...... 83 Lu. Making Money. De Terry Pratchett...... 83 Aout 2008...... 84 Lu. Snakes and earrings. De Kanehara Hitomi...... 84 Lu. Une situation légèrement délicate. De Mark Haddon...... 84 Septembre 2008...... 85 Three days to never. De Tim Powers...... 85 The accidental Time Machine. De Joe Haldeman...... 85 Un lieu incertain. De Fred Vargas...... 86 Spook Country. De William Gibson...... 86 ● The girl with the dragon tattoo (Millenium I). De Stieg Larsson...... 86 Octobre 2008...... 87 Lu. Neverwhere. De Neil Gaiman...... 87 Lu. Encore des mots à découvrir. De Alain Rey...... 87 ● Lu. Halting State. De Charles Stross...... 88 Novembre 2008...... 88 ● Lu. The Night Watch. The Day Watch. The Twilight Watch. De Sergei Lukanyenko...... 88 Lu. The Terror. De Dan Simmons...... 89 Lu. Où on va, papa ? De Jean-Louis Fournier...... 90 Lu. Raw Spirit. De Iain Banks...... 90 Décembre 2008...... 91 Lu. Accelerando. De Charles Stross...... 91 Lu. Crépuscule d'Acier. De Charles Stross...... 91 Janvier 2009...... 92 Lu. Dead until dark. Living Dead in Dallas. Club Dead. Dead to the world. Dead as a doornail. Definitely Dead. De Charlaine Harris...... 92 Lu. The Last Watch. De Sergai Lukyanenko...... 93

292 ● Lu. A softer world. De Emily Horne et Joey Comeau...... 93 Février 2009...... 94 Lu. Choke. De Chuck Palahniuk...... 94 ● Lu. Gonzo. Une biographie illustrée de Hunter S. Thompson...... 94 Mars 2009...... 95 Lu. Les brutes. De Philippe Jaenada et Dupuy-Berberian...... 95 Avril 2009...... 96 ● Lu. Nation. De Terry Pratchett...... 96 Lu. The girl who played with fire (Millenium II). De Stieg Larsson...... 97 Mai 2009...... 97 Lu. From Dead to worse. De Charlaine Harris...... 97 Juin 2009...... 98 Lu. Ni d'Eve ni d'Adam. D'Amélie Nothomb...... 98 Lu. Death at Koten. De Shawn Karman...... 99 Lu. Les mots des riches, les mots de pauvres. De Jean-Louis Fournier...... 99 Juillet 2009...... 100 Lu. Le Dernier Shogun. De Shiba Ryotaro...... 100 Lu. Encyclopédie du dérisoire, tome 4. De Bruno Léandri...... 100 Aout 2009...... 101 Lu. L'élégance du hérisson. De Muriel Barbery...... 101 Septembre 2009...... 102 ● Lu. Le vide et le plein. De Nicolas Bouvier...... 102 ● Lu. Cette histoire-là. De Alessandro Baricco...... 102 Lu. The Geek's guide to world domination. De Garth Sundem...... 103 Lu. The Temporal Void. De Peter Hamilton...... 104 Lu. Journal d'Aran et d'autres lieux. De Nicolas Bouvier...... 104 Octobre 2009...... 105 Lu. Anathem. De Neal Stephenson...... 105 Lu. River of Gods. De Ian MacDonald...... 106

293 Lu. Le bureau des atrocités. De Charles Stross...... 107 Lu. Jennifer Morgue. De Charles Stross...... 107 Lu. Brasyl. De Ian McDonald...... 108 Lu. Donjon de Naheulbeuk : la couette de l'oubli. De John Lang...... 108 Novembre 2009...... 109 Lu. Baudolino. De Umberto Eco...... 109 Lu. La reine de Saba. De Marek Halter...... 109 Lu. Cthulhu 101. De Kenneth Hite...... 110 Lu. The kindness of women. De J.G. Ballard...... 110 Lu. Milarepa. De Eric-Emmanuel Schmitt...... 111 Lu. The speed of dark. D'Elizabeth Moon...... 111 Lu. Le festival de la couille (et autres nouvelles). De Chuck Palhniuk...... 112 Février 2010...... 113 Lu. Man in the dark. De Paul Auster...... 113 Lu. La Horde du Contrevent. De Alain Damasio...... 113 Lu. The graveyard book. De Neil Gaiman...... 114 Lu. Blanche Neige et les Lance-missiles. De Catherine Dufour...... 115 ● Lu. Kaamelott, saison II. De Alexandre Astier...... 116 Mars 2010...... 116 ● Lu. The Yiddish Policemen's Union. De Michael Chabon...... 116 Lu. The Family Trade. The Hidden Family. De Charles Stross...... 117 Lu. The Clan Corporate. The Merchant's War. De Charles Stross...... 118 Avril 2010...... 119 Lu. Sandworms of Dune. De Brian « Fumisterie » Herbert et Kevin « Absence totale de talent » Anderson...... 119 Lu. The Revolution Business. De Charles Stross...... 120 Mai 2010...... 120 Lu. Stone Baby. De Joolz Denby...... 120 Lu. Métronome. De Lorant Deutsch...... 121 Lu. Le Montespan. De Jean Teulé...... 122 Lu. Dead and gone (Sookie Stackhouse). De Charlaine Harris...... 122 Aout 2010...... 123

294 Lu. The girl who kicked the hornet's nest (Millenium III). De Stieg Larsson...123 Lu. This is not a game : you don't get a second life. De Walter Jon Williams.124 Lu. Unseen Academicals. De Terry Pratchett...... 124 Lu. La mythologie du musée. De Bernard Deloche...... 124 Lu. Le Fait du Prince. D'Amélie Nothomb...... 125 Lu. Poète et paysan. De Jean-Louis Fournier...... 125 Lu. 60 days and counting. De Kim Stanley Robinson...... 126 Lu. Snuff. De Chuck Palahniuk...... 126 Septembre 2010...... 127 Lu. Green Zone. De Rajiv Chandrasekaran...... 127 ● Lu. I shall wear midnight. De Terry Pratchett...... 127 Lu. Transition. De Iain Banks...... 128 Lu. Apostille au nom de la rose. De Umberto Eco...... 129 Octobre 2010...... 129 ● Lu. Little Brother. De Cory Doctorow...... 129 Lu. The evolutionnary Void. De Peter Hamilton...... 130 Lu. Pygmy. De Chuck Palahniuk...... 131 ● Lu. The Fuller Memorandum. De Charles Stross...... 131 Décembre 2010...... 132 Lu. Les chèvres du Pentagone. De Jon Ronson...... 132 Janvier 2011...... 133 Lu. Eastern Standard Tribe. De Cory Doctorow...... 133 Lu. Les extraordinaires aventures de Pomponius Flatus. D'Eduardo Mendoza.133 ● Lu. Makers. De Cory Doctorow...... 134 Février 2011...... 135 ● Lu. Vellum. De Hal Duncan...... 135 Lu. Created in darkness by troubled americans. Collectif...... 136 Avril 2011...... 136 Lu. The trade of queens. De Charles Stross...... 136 ● Lu. The corrections. De Jonathan Franzen...... 137 Lu. Principe de précaution. De Mathieu Jung...... 137

295 Mai 2011...... 138 ● Lu. Le choeur des femmes. De Martin Winckler...... 138 Juin 2011...... 139 Lu. La solitude des nombres premiers. De Paolo Giordano...... 139 Juillet 2011...... 140 Lu. Black Hills, de Dan Simmons...... 140 Lu. Le déchronologue, de Stéphane Beauverger...... 141 Lu. The pillars of the earth, de Ken Follet...... 141 Aout 2011...... 142 ● Lu. Rule 34, de Charles Stross...... 142 Lu. A dance with dragons, de George R. R. Martin...... 143 Septembre 2011...... 143 Lu. Un homme sans patrie, de Kurt Vonnegut...... 143 Lu. Les vieux de la vieille, de René Fallet...... 144 ● Lu. Kraken, de China Miéville...... 144 Octobre 2011...... 145 Lu. Freedom, de Jonathan Franzen...... 145 Lu. Agatha H. and the Airship city, de Phil et Kaja Foglio...... 146 Novembre 2011...... 147 Lu. Snuff, de Terry Pratchett...... 147 ● Lu. Ink, de Hal Duncan...... 147 ● Lu. The city and the city, de China Miéville...... 148 Lu. Louvre secret et insolite, de Daniel Soulié...... 148 Décembre 2011...... 149 Lu. Drood. De Dan Simmons...... 149 Pas complètement lu. Mr. De Emma Becker...... 150 Janvier 2012...... 151 Lu. Elantris, de Brandon Sanderson...... 151

296 ● Lu. The way of kings (The stormlight archive, tome 1), de Brandon Sanderson...... 151 Lu. Mistborn trilogy. De Brandon Sanderson...... 152 Février 2012...... 153 ● Lu. Dresden Files, tomes 1 à 7. De Jim Butcher...... 153 ● Lu. Juste après dresseuse d'ours. De Jaddo...... 154 Mars 2012...... 154 ● Lu. Harry Dresden tomes 8 à 12, de Jim Butcher...... 154 Lu. Chronique du règne de Nicolas Ier, de Patrick Rambaud...... 155 Avril 2012...... 156 Lu. The Eyre Affair, Lost in a good book et The Well of Lost plots, de Jasper Fforde...... 156 ● Lu. Side Jobs, de Jim Butcher...... 157 Lu. Cyberabad days, de Ian McDonald...... 157 Lu. Better than sex, de Hunter S. Thompson...... 158 Mai 2012...... 158 Lu. The Dervish House. De Ian McDonald...... 158 Lu. Zones humides. De Charlotte Roche...... 159 Lu. Charly 9. De Jean Teulé...... 160 Lu. Sexe, cuisine et (in)dépendance. De Françoise Simpère...... 160 ● Lu. Zero history, de William Gibson...... 161 Lu. Warbreaker, de Brandon Sanderson...... 162 Juin 2012...... 163 Lu. Ready Player One. De Ernest Cline...... 163 Juillet 2012...... 163 Lu. Surface detail. De Iain M. Banks...... 163 Lu. Perdido Street Station. De China Miéville...... 164 Aout 2012...... 165 Codex Alera. De Jim Butcher...... 165 ● Ghost Story (The Dresden Files). De Jim Butcher...... 166

297 Novembre 2012...... 167 Lu. Vaches noires, de Roland Topor...... 167 Lu. Hideyoshi Seigneur Singe, de Shiba Ryotaro...... 167 Décembre 2012...... 168 ● Lu. Reamde, de Neal Stephenson...... 168 Lu. Embassytown, de China Miéville...... 169 ● Lu. Comme un automate dément reprogrammé à la mi-temps. De Laurent Queyssi...... 169 Lu. The girl who couldn't come, de Joey Comeau...... 170 Février 2013...... 170 Lu. Something Rotten, de Jasper Fforde...... 170 Lu. Le bouffon des rois, de Francis Perrin...... 171 Lu. Remarquable, n'est-ce pas ? de Robert Benchley...... 172 Avril 2013...... 172 Lu. Constellation Games, de Leonard Richardson...... 172 ● Lu. The princess bride, de William Goldman...... 173 Lu. Mirage, de Matt Ruff...... 174 Lu. The coming of the terraphiles, de Michael Moorcock...... 174 Avril 2013...... 175 Lu. Shades of grey, de Jasper Fforde...... 175 Lu. Geek, de Nicolas Beaujouan...... 176 Mai 2013...... 176 The long earth, de Terry Pratchett et Stephen Baxter...... 176 Rainbow warriors, de Ayerdhal...... 177 The rapture of the nerds, de Cory Doctorow et Charles Stross...... 178 Juillet 2013...... 179 The quantum thief et The fractal prince. De Hannu Rajaniemi...... 179 ● The Scar. De China Miéville...... 179 Septembre 2013...... 180 L'armée furieuse, de Fred Vargas...... 180

298 The wheel of time, tomes 1 et 2, de Robert Jordan...... 181 Octobre 2013...... 182 ● Lu. Iron Council, de China Miéville...... 182 Décembre 2013...... 183 ● Lu. Gagner la guerre, de Jean-Philippe Jaworski...... 183 Lu. Dodger, de Terry Pratchett...... 184 Lu. The Last Dodo, de Jacqueline Rayner...... 185 Lu. La Revue Dessinée, numéro 1...... 185 Lu. Brulons tous ces punks pour l'amour des elfes, de Julien Campredon....186 Janvier 2014...... 186 ● A blink on the screen, de Terry Pratchett...... 186 Février 2014...... 187 ● Lu. Overqualified, de Joel Comeau...... 187 ● Lu. Cold days, de Jim Butcher...... 188 Mars 2014...... 189 ● Hydrogen Sonata, de Iain Banks...... 189 Lu. La favorite, anonyme...... 189 Mai 2014...... 190 Lu. Raising steam, de Terry Pratchett...... 190 Lu. Great North Road, de Peter Hamilton...... 191 ● Lu. Words of Radiance, de Brandon Sanderson...... 191 Juin 2014...... 192 Lu. Machine of Death...... 192 Lu. Conte de putes, de Laura Gustaffson...... 193 Septembre 2014...... 194 Pirate Cinema, de Cory Doctorow...... 194 ● Les saisons indisciplinées, d'Henri Roorda...... 195 Veuf, de Jean-Louis Fournier...... 195 No et moi, de Delphine de Vigan...... 196 Les caresses, de Guy de Maupassant...... 196

299 Le roman de Louise, d’Henri Gougaud...... 197 Novembre 2014...... 197 The Magician’s land, de Lev Grossmann...... 197 The long war + The long mars, de Stephen Baxter et Terry Pratchett...... 198 ● The book of Jhereg, de Stephen Brust...... 199 Necroville, de Ian McDonald...... 199 Décembre 2014...... 200 La servante du seigneur, de Jean-Louis Fournier...... 200 ● The book of Taltos + The book of Athyra + The book of Dragon, de Steven Brust ...... 201 Janvier 2015...... 201 The Phoenix Guards, de Steven Brust...... 201 Elle est pas belle la vie ? De Kurt Vonnegut...... 202 The discomfort zone, de Jonathan Franzen...... 202 Février 2015...... 203 The book of Dzur, de Steven Brust...... 203 Coeur d'Acier, de Brandon Sanderson...... 204 Légion, de Brandon Sanderson...... 204 Mars 2015...... 205 ● King Rat, de China Miéville...... 205 Iorich, de Steven Brust...... 205 Five hundred years after, de Steven Brust...... 206 Journal d’un écrivain en pyjama, de Dany Laferrière...... 207 Mai 2015...... 207 ● Skin Game, de Jim Butcher...... 207 The Rhesus Chart, de Charles Stross...... 208 ● The Viscount of Adrilanka : The Paths of the Dead, The Lord of Castle Black, Sethra Lavode. De Steven Brust...... 209 Enigmes de Lugdunum, de Alain Eck...... 209 Juin 2015...... 210

300 ● Seveneves, de Neal Stephenson...... 210 ● Railsea, de China Miéville...... 211 Juillet 2015...... 212 Lu. Même pas mort, de Jean-Philippe Jaworski...... 212 Lu. The Mongoliad (3 tomes…), collectif...... 213 Octobre 2015...... 214 ● Lu. My real children, de Jo Walton...... 214 Lu. Nexus, Crux, Apex, de Ramez Naam...... 215 Lu. Garrett PI, Omnibus 1 et 2, de Glen Cook...... 216 Lu. The just city, de Jo Walton...... 216 Lu. Redshirts, de John Scalzi...... 217 Janvier 2016...... 218 ● Lu. The peripheral, de William Gibson...... 218 ● Lu. The Shepherd’s crown, de Terry Pratchett...... 219 Lu. Tiassa, de Steven Brust...... 219 Lu. Boneshaker, de Cherie Priest...... 220 Lu. Trop, de Jean-Louis Fournier...... 220 Février 2016...... 221 ● Lu. Among others, de Jo Walton...... 221 Lu. Looking for Jake, de China Miéville...... 221 Lu. L’aurochs rouge,...... 222 Mars 2016...... 223 Random acts of senseless violence, de Jack Womack...... 223 The Republic of thieves, de Scott Lynch...... 223 Juin 2016...... 224 The annihilation score, de Charles Stross...... 224 The windup girl, de Paolo Bacigalupi...... 225 The three-body problem, de Cixin Liu...... 225 Hard Magic+ Spellbound, de Larry Correia...... 226 ● Libriomancer + Codex born + Unbound, de Jim C. Hines...... 226 UnLunDun, de China Miéville...... 227

301 ● Ancillary Justice + Ancillary Sword + Ancillary Mercy, de Ann Leckie...... 228 Juillet 2016...... 229 The Demi-Monde (4 tomes : Winter, Spring, Summer et Autumn) de Rod Rees229 Monster Hunter International, de Larry Correia...... 230 Dans la dèche au Royaume Enchanté, de Cory Doctorow...... 231 ● Aurora, de Kim Stanley Robinson...... 231 Septembre 2016...... 232 The Female Man, de Joanna Russ...... 232 ● Shaman, de Kim Stanley Robinson...... 233 ● Dark Lord of Derkholm, de Diana Wynne Jones...... 233 Year of the griffin, de Diana Wynne Jones...... 234 The Gospel of Loki, de Joanne Harris...... 234 The Quarry, de Iain Banks...... 235 Novembre 2016...... 235 ● Photo de groupe au bord du fleuve, d’Emmanuel Dongala...... 235 The Aeronaut’s windlass, de Jim Butcher...... 236 ● The ocean at the end of the lane, de Neil Gaiman...... 237 A slip of the Keyboard, de Terry Pratchett...... 237 Howl’s moving castle, de Diana Wynne Jones...... 238 Janvier 2017...... 239 Burton et Swinburne : The strange affair of Spring-heeled Jack, et The curious case of the clockwork man, de Mark Hodder...... 239 Mars 2017...... 240 ● Altered carbon + Broken angels + Woken furies, de Richard Morgan...... 240 Expedition to the mountains of the moon, de Mark Hodder...... 241 Avril 2017...... 241 ● The steel remains + The cold commands + The dark defiles, de Richard Morgan ...... 241 Alcatraz Smedry, de Brandon Sanderson...... 242 , de Ian McDonald...... 243 Black Man, de Richard Morgan...... 243

302 Juillet 2017...... 244 Lu. Neptune’s brood, de Charles Stross...... 244 ● Lu. The dark forest et Death’s end, de Cixin Liu...... 244 Lu. The nightmare stacks, de Charles Stross...... 245 Aout 2017...... 246 ● Lu. Mahabharata, de Carole Satyamurti...... 246 Lu. The abominable, de Dan Simmons...... 247 Lu. Into thin air, de Jon Krakauer...... 247 Lu. Lovestar, de Andri Snaer Magnason...... 248 Novembre 2017...... 249 ● The chronicles of the Black Company, de Glen Cook...... 249 The books of the South + The return of the Black Company, de Glen Cook..249 Le sur-vivant, de Reinhold Messner...... 250 La mort suspendue, de Joe Simpson...... 251 Décembre 2017...... 251 Lu. The many deaths of the Black Company, de Glen Cook...... 251 Janvier 2018...... 252 Lu. The Rise and fall of DODO, de Neal Stephenson et Nicole Galland...... 252 Février 2018...... 253 ● Lu. Norse mythology, de Neil Gaiman...... 253 Avril 2018...... 255 ● Lu. Walkaway, de Cory Doctorow...... 255 Lu. Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires), de Lizzie Crowdagger...... 256 Lu. Plaguers, de Jeanne-A Debats...... 257 Mai 2018...... 258 ● Lu. Le club des punks contre l’apocalypse zombie, de Karim Berrouka.....258 ● Lu. Desproges par Desproges...... 258 Lu. Enfants de mars et de vénus, de Lizzie Crowdagger...... 259 Lu. The world of Poo, de Terry Pratchett...... 260

303 Lu. Fils du Feu, de Guy Boley...... 260 Juin 2018...... 261 Lu. Fées, weed et guillotines, de Karim Berrouka...... 261 Juillet 2018...... 262 Lu. The delirium brief, de Charles Stross...... 262 Lu. Tooth and Claw, de Jo Walton...... 262 Aout 2018...... 263 ● Lu. The goblin emperor, de Katherine Addison...... 263 Lu. Les réquisitoires du tribunal des flagrants délires, intégrale, de Pierre Desproges...... 264 Lu. The last dragonslayer, de Jasper Fforde...... 264 Lu. Contes et légendes de Sixt Fer-à-Cheval et de la vallée du Giffre, de Jean- François Deffayet...... 265 Lu. Frank Zappa, biographie, de Guy Darol...... 265 Septembre 2018...... 266 Lu. Lud-in-the-mist, de Hope Mirrlees...... 266 Lu. Black god’s drums, de P. Djéli Clark...... 267 Lu. The song of the Quarkbeast + The eye of Zoltar, de Jasper Fforde...... 267 Novembre 2018...... 268 Lu. Who fears death, de Nnedi Okorafor...... 268 Lu. Celle qui n’avait pas peur de Cthulhu, de Karim Berrouka...... 269 Décembre 2018...... 270 ● Lu. The fifth season, de N. K. Jemisin...... 270 Lu. The psychology of time travel, de Kate Mascarenhas...... 271 Lu. Invisible planets, de Hannu Rajaniemi...... 272 Lu. Lagoon, de Nnedi Okorafor...... 272 Janvier 2019...... 273 ● Lu. The obelisk Gate, de N. K. Jemisin...... 273 ● Lu. The Stone Sky, de N.K. Jemisin...... 273 Février 2018...... 274

304 Lu. Le discours, de Fabrice Caro ...... 274 Mars 2019...... 275 Lu. The signature of all things, d’Elisabeth Gilbert...... 275 Lu. Hawk, de Steven Brust...... 275 ● Lu. How long til Black future Month, de N-K. Jemisin...... 276 Avril 2019...... 277 Lu. Theatre of the Gods, de M. Suddain...... 277 Mai 2019...... 278 ● Lu. The killing moon et The shadowed sun (Dreamblood chronicles), de N.K. Jemisin...... 278 Juin 2019...... 279 Lu. Edgedancer, de Brandon Sanderson...... 279 Lu. La Rolande, de Rolande Déchavassine...... 280 Lu. The hundred thousand Kingdoms + The broken kingdoms + Kingdom of the gods, de N-K. Jemisin...... 280 Aout 2019...... 282 ● Lu . Brief cases, de Jim Butcher...... 282 Lu. 16 ways to defend a walled city, de K.J. Parker...... 282 Lu. Sorceleur 1 : le dernier vœu, d'Andrzej Sapkowski...... 283 Table des matières...... 285

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