UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE

INSTITUT D’URBANISME DE GRENOBLE

Le développement local par la gestion de l’eau, quelle réalité pour le Liban ?

Le cas de la vallée de la Kadisha

Master II « Sciences du Territoire » Bousrez Adrian Septembre 2006 Directeur de mémoire : Monsieur E. Matteudi Mémoire

NOTICE ANALYTIQUE

AUTEUR BOUSREZ Adrian

Le développement local par la gestion de l’eau, quelle réalité TITRE pour le Liban ? Le cas de la vallée de la Kadisha

Organisme d’affiliation Directeur de mémoire :

IUG Emmanuel MATTEUDI Nb. de pages Nb. Annexes Référ. bibliographiques COLLATION 93 5 6 CONTRAT DE RIVIERE ; COOPERATION DECENTRALISEE ; REGION RHONE ALPES ; LIBAN ; MOTS-CLES VALLEE DE LA KADISHA ; DEVELOPPEMENT LOCAL ; POLLUTION ; EAU ; DECHETS SOLIDES.

BASSIN VERSANT ; AIRE URBAINE ; HYDROGRAPHIE TERMES

GEOGRAPHIQUES

Depuis la fin de la guerre en 1990, le Liban tente de se reconstruire. La désorganisation et déstructuration des services publics engendrent encore aujourd’hui d’immenses difficultés de rétablissement. Le secteur de l’eau n’échappe pas à la règle. Une réforme de ce secteur a été entreprise depuis 2000 mais les problèmes persistent. Afin de soutenir les Etablissement des Eaux dans cette période de transition difficile, la Région Rhône Alpes s’est immiscée au Liban pour développer ses démarches de coopération décentralisée. Sur ce processus, l’intermédiaire CORAIL (COdéveloppement Rhône Alpes InternationaL) tente sur place, RESUME d’appuyer le service de l’eau pour le renforcement de ses capacités. C’est dans ce contexte et dans l’optique d’un développement local qu’a été initié en 2006 un projet de « Contrat de Rivière » sur le bassin versant de la vallée de la Kadisha située dans le Liban Nord. L’objet du présent travail est de mettre en évidence la pertinence ou non d’une telle démarche et d’évaluer son potentiel dans la genèse d’un quelconque développement local.

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Remerciements

De sincères remerciements à Emmanuel Matteudi, mon Directeur de mémoire, pour son aide technique et morale très précieuse. Merci à toute l’équipe de CORAIL de m’avoir permis de vivre une expérience professionnelle et personnelle inoubliable et enrichissante, en particulier grâce à Alain Tidière par ses conseils et son efficacité incroyable, ainsi qu’à Joëlle Puig pour son aide et son soutien pendant toute la durée du stage. Un grand merci à la population de la vallée de la Kadisha pour son accueil chaleureux qui me laissait penser au quotidien que je faisais parti des leurs. Je remercie chaleureusement le Dr. Georges Geagea, Président de la municipalité de Bcharré, qui m’a soutenu, encouragé et fait confiance et qui m’a impliqué dans la vie locale avec la plus respectable affection et reconnaissance. Merci aussi à mes amis libanais, Aline, Joe, Charbel, Tony et les autres pour leur participation indispensable dans certaines de mes démarches et pour la culture libanaise qu’ils m’ont dispensé. Enfin, merci à toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à l’élaboration de ce travail.

Cadeau du Dr. Georges Geagea Une preuve de l’immense gentillesse du peuple libanais

3 LISTE DES ABREVIATIONS

AE RM & C Agence de l’Eau Rhône Méditerranée et Corse ARAL Assistance à la Réhabilitation de l’Administration Libanaise BM Banque Mondiale CAM Caisse Municipale Autonome CDR Conseil de Développement et de Reconstruction CE Commission Européenne CORAIL COdéveloppement Rhône Alpes InternationaL CR Contrat de Rivière CRC Comité Régional de Concertation CSEB Comité de Sauvegarde de l’Environnement de Bcharré DGU Direction Générale de l’Urbanisme EELN Etablissement des Eaux du Liban Nord EDL Electricité Du Liban FSP Fond de Solidarité Prioritaire JICA Japan International Coopération Agency LADE L’Association Libanaise pour la Démocratie des Elections MAE Ministère des Affaires Etrangères français ME Ministère de l’Environnement MEE Ministère de l’Eau et de l’Energie MERA Ministre d’Etat pour la Réforme Administrative MHE Ministère de l’Hydraulique et de l’Energie MIM Ministère de l’Intérieur et des Municipalités MRHE Ministère des Ressources Hydrauliques et Electriques OEB Office des Eaux de Beyrouth OMSAR Office of Minister of State for Administrative Reform ONL Office des Eaux du Litani OSI Organisme de Solidarité Internationale PAR Plan d’Aménagement Régional RRA Région Rhône-Alpes SDATL Schéma Directeur d’Aménagement du Territoire UN Nations Unies USAID United States Agency for International Development

4 TABLE DES ILLUSTRATIONS

Carte 1 : Les offices de l’eau avant la loi 2000………………………………………………...24 Carte 2 : Les offices de l’eau après la loi 2000………………………………………………...25 Carte 3 : Bassin versant de la Kadisha…………………………………………………………43 Coupe topographique Est-Ouest………………..……………………………………………...54 Schéma : Demande touristique dans la vallée de la Kadisha…………………………………..56

(Toutes les photos du rapport ont été prises durant la période de stage de mars à juin 2006)

Photo 1 : Constructions sur le littoral libanais…………………………………………………14 Photo 2 : En arrière plan, la nouvelle préfecture inachevée de Bcharré……………………….15 Photo 3 : Vallée de la Kadisha………………………………………………………………....18 Photo 4 : Amont de la vallée de la Kadisha…………………………………………………....48 Photo 5 : Atelier de travail du 16 Mai 2006 à Bcharré………………………………………..51 Photo 6 : Panoramas de la région Kadisha…………………………………………………….57 Photo 7 : Tuyaux d’alimentation en eau ………………………………………………………59 Photo 8 : Village de Bcharré (Alt. 1400m)…………………………………………………….62 Photo 9 : Source d’eau potable………………………………………………………………...63 Photo 10 : Vergers de pommiers et terrasses cultivées………………………………………...64 Photo 11 : Décharge sauvage d’………………………………………………………67 Photo 12 : Turbines électriques françaises datant des années 1950…………………………....69 Photo 13 : Les atouts paysagers de la vallée de la Kadisha……………………………………79

5 TABLE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Estimation de la fréquentation touristique annuelle dans le Caza de Bcharré…….58

Tableau 2 : Taux de payeurs de l’eau dans la vallée de la Kadisha (%)……………………….60

Tableau 3 : Quantité d’eau desservie par village (m³/j)…………………………….………….61

6 SOMMAIRE

Avant-propos ...... 9 Introduction générale ...... 10

1. Contexte ...... 12 1.1 Les avancées et problèmes généraux du Liban ...... 12 1.1.1 Polarisation de Beyrouth ...... 13 1.1.2 Une reconstruction souvent néfaste ...... 13 1.1.3 Impacts sur l’économie libanaise ...... 14 1.1.4 Services urbains défaillants ...... 16 1.1.5 Prolifération des études et inachèvement des projets ...... 16 1.2 Les défis libanais ...... 18 1.2.1 La protection des vallées et un littoral à protéger ...... 18 1.2.2 La problématique de l’eau au Liban ...... 19 1.2.2.1 Généralités ...... 19 1.2.2.2 Historique de la politique de l’eau ...... 22 1.2.2.3 La réforme du secteur de l’eau ...... 23

2. Les acteurs et les partenaires de la reconstruction ...... 27 2.1 Les préconisations des bailleurs de fonds, la « bonne gouvernance » et la décentralisation...... 28 2.2 Les acteurs impliqués ...... 28 2.2.1 Le Conseil pour le Développement et la Reconstruction ...... 28 2.2.2 Les Ministères ...... 29 2.2.3 Les Etablissement des Eaux et leurs antennes ...... 29 2.2.4 La Fédération de Municipalités ...... 31 2.3 Municipalités, acteurs principaux du développement local...... 32 2.3.1 Historique ...... 32 2.3.2 Le renouveau des municipalités ...... 33 2.3.3 Les barrières institutionnelles et politiques ...... 35 2.3.4 L’environnement dans les municipalités libanaises...... 36

3. La Coopération Décentralisée ...... 36 3.1 La coopération menée par la Région Rhône-Alpes et la Communauté d’Agglomération du Grand Lyon...... 37 3.1.1 Modalités et origine ...... 37 3.1.2 Les « accompagnateurs » de la coopération ...... 39 3.2 La problématique Kadisha ...... 41 3.2.1 Approche du problème ...... 41 3.2.2 Freins au projet ...... 43 3.3 Le Contrat de Rivière ...... 45 3.3.1 Le projet UNESCO ...... 45 3.3.2 Le Contrat de Rivière : rassembler les acteurs autour des problématiques de l’or bleu ...... 46 3.3.3 Le bassin versant ...... 48 3.3.4 Structure porteuse et chargé de mission ...... 51

4. Le stagiaire, un acteur intermédiaire dans une mission de coopération décentralisée...... 53 4.1 Mission (axes, objectifs, actions menées, calendrier) ...... 53

7 4.2 La vallée de la Kadisha ...... 54 4.2.1 Aspects socio-économiques ...... 55 4.2.2 Le potentiel Kadisha, des bases pour un développement économique prospère..... 55 4.2.3 Les caractéristiques de la vallée ...... 58 4.2.4 L’application de la législation ...... 70 4.3 Journée de ramassage des déchets et programme de sensibilisation ...... 71 4.4 Préconisations/orientations ...... 73

Conclusion générale ...... 77 Bibliographie : ...... 79 Annexes ...... 80

8 Avant-propos

Le présent rapport a été élaboré à la veille du nouveau conflit amorcé le 12 juillet 2006 opposant les factions du Hezbollah libanais à l’Etat israélien. C’est donc dans cette courte période entre le retrait des Syriens du territoire libanais, au début de l’année 2005, et cette nouvelle invasion israélienne que se sont faites nos investigations, objet de ce mémoire. Rappelons qu’après seize années de guerre (de 1975 à 1990) et vingt deux années d’occupation du Sud (de 1978 à 2000), le Liban a trouvé son nouvel élan par une normalisation, certes fragile mais tangible, de sa situation. Le tourisme international lié au développement d’autres activités a permis à ce pays meurtri de retrouver, en partie, son rayonnement d’avant guerre. Depuis le départ des troupes syriennes, le Liban s’est organisé sur de nouvelles bases dans l’objectif d’assurer son redressement économique et structurel. Malheureusement, le récent conflit a bouleversé le court de l’histoire :

- l’aviation israélienne a pilonné de façon intensive l’ensemble du Sud Liban et détruit les infrastructures vitales du pays. - Le réseau routier a été quasi intégralement endommagé, ce qui rend, bien évidemment, les échanges internes forts délicats. - Le Liban se retrouve, de nouveau, dans un état de dépendance accrue face aux financements internationaux.

Les améliorations menées ces quinze dernières années sont, pour la plupart, à redéfinir et réévaluer. Il faudra plus de cinq années de travaux et plusieurs milliards de dollars pour rétablir le paysage ravagé par quatre semaines de guerre. Il ne s’agira pas seulement de reconstruction économique. Les tensions entre partis politiques et les représentations des diverses obédiences vont se radicaliser. Ceci risque de constituer une conséquence directe de la détérioration du niveau de vie et de la dette que devra supporter le pays.

Dans ce contexte, brutalement dévoilé bien que souvent pressenti, l’ensemble du programme d’amélioration et de (re)construction doit être redéfini et adapté. De nouvelles concertations doivent être menées, de nouveaux axes prioritaires doivent être déterminés, même si la zone d’investigation faisant l’objet de ce mémoire (la vallée de la Kadisha) n’est pas la plus touchée par ce conflit. La petitesse de ce pays, sa localisation hautement stratégique, la répétition comme une litanie des guerres intestines et avec ses voisins, rendent particulièrement difficiles la prévision de son avenir et l’élaboration de projets à moyens et longs termes.

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Introduction générale

Le Liban, unique château d’eau conséquent du Proche-Orient, est confronté aux pénuries et à la pollution de l’or bleu. Le processus de reconstruction qui dure depuis 1990 au Liban est orienté sur la remise en état des infrastructures et sur la réorganisation du secteur de l’eau. Depuis ce moment là, l’Etat Libanais s’est engagé, sous l’impulsion de la Banque Mondiale à réformer sa politique de l’eau. Aujourd’hui, c’est au travers de la coopération décentralisée que le Liban Nord s’inspire de la démarche française de « Contrat de Rivière » dans le but d’améliorer la qualité de l’eau et son accessibilité afin de favoriser le développement économique de ses régions. La difficulté d’application d’un tel plan réside dans la nature et l’intensité des problèmes à régler, dans la structure défaillante de l’administration mais aussi et surtout dans la complexité des relations entre les acteurs libanais concernés. Quels sont ces problèmes ? Quelles sont les conséquences des activités humaines sur la ressource en eau ? Quelles en sont les modalités de gestion ? Que font les dirigeants locaux et centraux ? Comment anticiper l’aggravation de la situation déjà critique ?

Le Contrat de Rivière pourrait-il apporter quelques réponses à ces contraintes ? Il a pour vocation la gestion intégrée de l’eau à l’échelle du bassin versant et sur la base de la

10 concertation entre tous ses utilisateurs. La finalité du Contrat de Rivière est de protéger la ressource Eau en minimisant toutes les sources de pollutions et de planifier une répartition équitable de cette ressource sur un territoire donné, le bassin versant. Le développement économique d’une région est favorisé dès lors que l’eau n’est plus un élément de contrainte à la productivité économique. L’intérêt d’une telle démarche porte sur le fait que l’importance de la gestion l’eau est indiscutable d’autant plus qu’au Liban l’eau manque à cause du « gaspillage » et des pertes par les fuites. Les financements qui fonts défauts, les projets rarement réalisés et le manque de conscience écologique individuelle participent à cette fuite de l’eau. L’efficacité du Contrat de Rivière n’est plus à remettre en cause sur le territoire français et européen. Qu’en est-il de son application et au moins de son adaptation au contexte libanais ? Les recherches seront axées sur la question de l’applicabilité de cette démarche dans le contexte libanais. Est-ce que le Contrat de Rivière est une porte d’entrée légitime dans une mission d’aide au développement local Libanais ? Est-il une démarche pertinente pour contribuer à une telle politique ?

Les investigations ont était réalisées sur place, elles ont débuté par des entretiens (divers ministères, direction de l’urbanisme libanaise, école d’ingénieur…) permettant de se familiariser avec les subtilités du pays et de réunir une grande quantité de documents en rapport avec le projet. Elles ont été poursuivies durant trois mois en totale immersion sur le terrain chrétien libanais avec pour finalité de retirer le maximum d’informations caractéristiques du site et d’amorcer diverses actions concrètes sur place. L’immersion permet alors de confronter les notions théoriques de l’aménagement du territoire et de la gestion de l’eau aux réalités du terrain. En clair, il s’agit de déterminer les obstacles et les opportunités du terrain afin d’éviter les freins et au contraire de révéler les leviers permettant l’application optimum du Contrat de Rivière.

Les éléments historiques et les conséquences physiques et économiques de la guerre (1975- 1990) et de la reconstruction ainsi que les obstacles que rencontre le Liban dans son développement sont relatés dans une première partie. Le but étant de définir les défis que l’Etat doit relever en termes économiques et structurels pour pouvoir aspirer à une qualité de vie honorable. Dans un deuxième temps, nous présentons les démarches d’aides des institutions internationales et le rôle des acteurs dans le processus de développement du pays. La troisième partie se concentre sur la coopération décentralisée menée par la Région Rhône Alpes pour la mise en place d’un Contrat de Rivière sur le Liban Nord. Cette approche est ensuite abordée et explicitée au travers de l’étude de cette démarche initiée sur la vallée de la Kadisha suite à son classement au patrimoine mondiale de l’humanité.

11 1. Contexte

1.1 Les avancées et problèmes généraux du Liban L’une des principales avancées de la normalisation a été la reconstruction physique depuis la fin de la guerre (1975-1990) jusqu’à la guerre de l’été 2006. La conjugaison des efforts menés dans les domaines de la sécurité, de l’action sociale et de la reconstruction physique, a conduit à un net redressement de l’économie libanaise entre 1990 et 2006 malgré les difficultés actuelles liées à la crise des finances publiques et à une économie mondiale moins favorable. Les succès les plus remarquables concernent le réseau routier principal, le téléphone, la renaissance du centre-ville de Beyrouth et les multiples équipements tels que des écoles, bâtiments universitaires, hôpitaux, stades, …). Des progrès importants ont également été enregistrés dans l’adduction d’eau, l’irrigation, la production et la distribution de l’énergie électrique et la collecte et le traitement des déchets. Ces différents secteurs connaissent encore des difficultés mais leur situation actuelle est bien meilleure qu’à la sortie de la guerre. Si la reconstruction et le développement ont concerné une partie des régions libanaises, les efforts ont été concentrés sur la capitale et ses accès dans le souci d’un redémarrage plus rapide de l’économie. Malgré bien des manques qui restent à résorber, les régions libanaises ont aujourd’hui un niveau d’équipement généralement supérieur à celui des années 1970. Les principales difficultés qui persistent aujourd’hui concernent essentiellement les disparités et le manque d’unité entre régions, l’état critique de l’environnement et du littoral, la dégradation du potentiel touristique et agricole, l’absence de maîtrise du développement urbain, les défaillances des services urbains de base et finalement de l’administration en général.

Aussi, la plupart des localités libanaises n’ont pas encore retrouvé le niveau de mixité confessionnelle qu’elles avaient au début des années 1970, et nombre de régions se caractérisent par une couleur communautaire dominante (Hezbollah, Forces libanaises…). Cette division territoriale est entretenue par une amorce de déconcentration des services et des équipements et par la persistance du manque de cohésion dans les rapports sociaux. La perspective de mettre en place une forme de décentralisation administrative pourrait, si elle est mal conçue, accentuer cette division du territoire. A ces facteurs sociaux s’ajoutent des facteurs physiques liés au relief accidenté du Liban. Un réseau routier performant permettrait de surmonter ce handicap. Mais le réseau routier libanais est encore peu performant et, même lorsque l’Etat a entrepris la construction de voies rapides, celles-ci ont été détériorées par les constructions qui se sont édifiées à leurs abords et par le trafic local qui s’y est développé.

12 1.1.1 Polarisation de Beyrouth L’organisation du territoire libanais se caractérise par le poids centralisateur important de Beyrouth et de sa région par rapport aux autres pôles urbains du pays. La reconstruction physique a été davantage marquée à Beyrouth que dans le reste du pays. Dans le même temps, les agglomérations secondaires éloignées du Grand Beyrouth, qui ont connu une croissance démographique plus forte que celle de la région capitale durant la guerre, cumulent les difficultés économiques, sociales et d’équipement. La deuxième ville du pays, Tripoli, connaît encore aujourd’hui les plus grandes difficultés. Les disparités entre régions s’expriment également en termes d’opposition villes/campagnes. Les régions rurales les plus reculées du pays ne peuvent compter que sur les revenus de l’agriculture et parfois du tourisme auxquels s’ajoutent les salaires des fonctionnaires et les apports des émigrés. Les disparités entre le centre et les régions sont accentuées par le tourisme de luxe et l’hôtellerie qui sont largement responsables du creusement des ces écarts. D’autant plus que les secteurs de production ne peuvent pas encore assurer des revenus corrects à tous les Libanais. L’aire urbaine composée par le Grand Beyrouth et les villes touristiques avoisinantes est en effet le lieu quasi exclusif de concentration des activités financières et de cette forme de tourisme. Le niveau de vie est, de ce fait, très disproportionné d’une région à l’autre et surtout entre celle de Beyrouth et le reste du pays, d’autant plus qu’elle est le principal lieu d’habitat et de consommation des catégories aisées. Les autres régions bénéficient tant bien que mal de manière indirecte des retombées de ces deux sources de revenus, sous la forme de redistributions aléatoires opérées par l’Etat. L’enjeu est alors de permettrent aux autres régions de devenir indépendantes par le biais de ces redistributions. Comment des régions éloignées de la capitale pourraient-elles accéder à un développement autonome alors même que les pouvoirs centraux favorisent les grandes agglomérations littorales?

1.1.2 Une reconstruction souvent néfaste Les effets négatifs de la reconstruction du Liban sont ressentis particulièrement sur l’environnement et le cadre de vie. La construction de bâtiments et de routes ainsi que les avancées sur la mer ont nécessité des masses colossales de matériaux et conduit à l’ouverture de centaines de carrières à travers le pays. L’incapacité de l’administration à gérer correctement les autorisations d’extraction a fait que des sites d’extraction étaient illégaux et ne respectaient pas les normes légales. Nombre de paysages de montagne furent et sont encore dégradés, y compris dans des sites naturels protégés.

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Photo 1 : Constructions sur le littoral libanais

L’activité immobilière s’est concentrée sur le littoral et dans le Mont-Liban dans un mouvement spéculatif relativement violent qui a conduit à des dégradations importantes, au point que certains sites remarquables ont été dévastés et certaines régions rurales ont perdu leur caractère authentique. Des villes champignons ont surgi et restent non équipées et peu habitées. La situation du littoral libanais est également préoccupante. Outre la pollution permanente des milieux marins par les rejets des villes côtières et du versant ouest de la chaîne du Mont-Liban, le littoral est victime de plusieurs pratiques prédatrices. Les établissements balnéaires se sont multipliés sans aucune planification préalable, particulièrement au nord de Beyrouth, et ont conduit à une privatisation du domaine public maritime sur de très larges portions. Le littoral est aussi le lieu d’installation d’industries (chimie, ciment...), de dépôts pétroliers et de centrales électriques, lesquels ne sont que très peu restreints par des normes environnementales pourtant existantes mais rarement appliquées.

1.1.3 Impacts sur l’économie libanaise Les dégradations subies par l’environnement ont affecté de manière directe le potentiel touristique du Liban. Les constructions qui dénaturent les paysages, les carrières mal gérées qui les détruisent, l’absence de gestion correcte des espaces urbains, la dégradation des sites archéologiques et de leurs abords, l’aspect des nouvelles constructions généralement « inachevées », sont autant de facteurs qui altèrent l’attractivité touristique du pays, principale ressource économique du Liban. La caractéristique libanaise du profit à cours terme au détriment du profit à long terme est une attitude conjointe à celle de la satisfaction de l’intérêt individuel au détriment de l’intérêt collectif. Ces deux vérités, liées certainement à des habitudes de la guerre, sont responsables dans une large proportion des problèmes environnementaux et économiques du territoire. La reprise de l’activité immobilière a devancé les capacités techniques, humaines et financières des administrations chargées de gérer ce secteur. Les problèmes se sont accumulés dans le domaine de l’urbanisme conduisant à une absence de maîtrise du développement urbain : des villes surgissent sans infrastructures adéquates, des autoroutes sont transformées

14 spontanément en boulevards urbains, le mitage des zones agricoles et naturelles s’intensifie et des milliers de constructions ne sont pas achevées. L’une des manifestations les plus visibles de cette absence de maîtrise est la quantité considérable de chantiers inachevés que l’on peut observer sur tout le territoire.

Photo 2 : En arrière plan, la nouvelle préfecture inachevée de Bcharré

Le développement de la construction est due à l’insuffisante prise de conscience par les pouvoirs publics des effets dévastateurs de ce développement. La liberté de construire pratiquement partout sur le territoire avec des droits à bâtir de plus en plus élevés, les dépenses d’infrastructures et d’équipement généralement aux frais de la collectivité et la tradition des régularisations ont constitué, durant et après la guerre libanaise, une forme de redistribution opérée par l’Etat au bénéfice de toutes les couches de la population. Les superficies urbanisées, qui n’avaient pas atteint 250 km² après plusieurs millénaires de développement jusqu’au années 1960, passent les 600 km² en 2000 nécessitant une expansion de tous les réseaux d’infrastructure, ce qui n’a pu être fait correctement faute de moyens. Dans le même temps, cette expansion a entraîné les dégâts dont la réparation nécessiterait des masses financières considérables. Alors que dans la plupart des pays du monde, les Etats ont mis en place des politiques foncières, fiscales et d’urbanisme leur assurant une maîtrise des effets de l’urbanisation, les instruments de ces politiques sont très rudimentaires au Liban : aucune politique d’acquisition de terrains permettant d’éviter de financer ultérieurement des expropriations coûteuses existe, aucune politique fiscale limite l’action des promoteurs, les impôts locaux sont insuffisants pour financer l’entretien des réseaux d’infrastructure. Les tentatives de réglementer l’expansion urbaine par des schémas directeurs et des règlements locaux sont toujours timides : l’expansion urbaine depuis les années 1960 s’est faite aux deux tiers hors des périmètres des schémas directeurs décrétés sans égard à la nature des terrains où cette urbanisation avait lieu (agricoles, forestiers, etc...). Aujourd’hui encore, certaines municipalités veulent délivrer des permis en dehors des Schémas Directeurs édictés par l’Etat. La vallée de la Kadisha ne fait pas exception à la règle.

15 1.1.4 Services urbains défaillants La dernière difficulté que connaît le pays, et non la moindre, est le niveau insuffisant des services urbains de base. A l’exception des moyens de télécommunications, presque tous les services connaissent encore une situation insatisfaisante. Il s’agit de l’alimentation en eau, de la distribution d’électricité, de l’assainissement ou de la gestion des déchets ou encore du faible niveau de développement et d’entretien de la voirie dans la plupart des localités. Le Liban a porté son effort sur la construction des centrales électriques mais le réseau de distribution n’a pas encore été suffisamment amélioré, peut-être parce que la moitié de l’énergie est consommée sans être payée. De fait, l’électricité continue à être rationnée dans la plupart des régions de manière cyclique et son prix de revient comme son prix de facturation sont très élevés. Ce prix est aujourd’hui un réel handicap à la compétitivité du pays : le tarif de l’électricité pour les établissements industriels est parmi les plus chers du monde. Quant à l’assainissement, et malgré de très lourds investissements, la situation a peu progressé. Plusieurs agglomérations ont modernisé une partie de leurs réseaux d’égouts mais les stations de traitement prévues n’ont généralement pas été réalisées et les quelques stations fonctionnelles ne sont pas raccordées aux réseaux d’égouts eux-mêmes souvent inexistants. La gestion des déchets a connu une évolution positive en ce qui concerne la collecte et le tri, à Beyrouth et dans les Cazas (districts composant le Mohafazat lui-même un département) limitrophes. Dans le reste du pays, la collecte demeure généralement défaillante. Mais le principal problème de ce secteur reste celui des centres d’enfouissement qui sont saturés dans le Grand Beyrouth et inexistants pratiquement partout ailleurs. Aussi, les déchets municipaux hors zone centrale continuent à être déversés dans des décharges sauvages.

1.1.5 Prolifération des études et inachèvement des projets Malgré des efforts d’équipement du pays en terme de service public, de nombreux projets pourtant indispensables restent inachevés. De ce fait, les équipements neufs (centrale électrique, station d’épuration, etc.) non encore mis en service pour cause de financement ou de non coordination auront des conséquences en termes de coûts très lourdes. De nombreux équipements continuent d’être réalisés et projetés sans être mis en service. Dans les conditions de financement de la reconstruction, une Livre Libanaise dépensée sur un équipement coûte cinq Livres dans la dette publique du Liban dix ans plus tard sans compter le coût de l’entretien de cet équipement tout au long de la période (SDATL). On peut donc imaginer l’impact sur les finances publiques et la situation économique du pays. Ce processus est en partie attribuable aux bailleurs de fonds, la responsabilité de leur politique s’exprime par le fait que les bailleurs édictent leurs propres priorités et qu’ils influencent les orientations étatiques en terme de développement des projets. Aussi, les bailleurs de fonds attribuent des financements pour un projet bien déterminé même si celui-ci

16 n’a pas fait l’objet d’une réflexion sur tout le « système » dans lequel il s’inscrit. L’action ponctuelle est donc favorisée par rapport à celle globale. Ce type d’équipements réalisés avant que les conditions de leur mise en service ne soient possibles, ne sont pas des cas isolés : équipements de centrales électriques qui n’ont jamais fonctionné et dont on sait qu’ils ne fonctionneront pas dans les dix prochaines années, hôpitaux publics à l’état de bâtiments non équipés et non opérationnels (notamment le Grand hôpital de Beyrouth), écoles publiques implantées dans des villages comptant très peu d’élèves scolarisables, ouvrages portuaires surdimensionnés, stations d’épuration non raccordées au réseau d’égout, etc. A titre d’exemple, la station d’épuration de Batroun a été inaugurée en Mai 2006, elle sera entretenue pendant deux ans par le constructeur puis sera récupérée par l’Etat libanais. Mais pour le moment aucun égout n’y est connecté puisque le réseau n’existe pas encore…

Beaucoup de projets évoqués trouvent leur origine dans l’application du principe de « développement équilibré »1 qui consiste à donner à chaque région ce que l’autre a reçu en dons comme en équipements. Pour d’autres projets, des obstacles administratifs ou politiques sont responsables de la non mise en service des équipements réalisés. Ce phénomène des équipements surdimensionnés ou excédentaires apparaît comme l’une des formes multiples de redistribution de revenus que l’Etat libanais a mis en place au lendemain de la guerre pour compenser l’incapacité de l’économie libanaise à assurer des revenus corrects à toutes les familles et à toutes les régions. Ces redistributions se sont faites à travers plusieurs mécanismes, comme les recrutements en surnombre dans les services de l’Etat (la conséquence en est que aujourd’hui il n’est plus possible de recruter de personnel dans le service public) qui ont été observés au lendemain de la guerre et jusqu’au milieu des années 1990, ou les subventions accordées à certains produits agricoles (betterave, blé, tabac..), ou les exonérations pour beaucoup du paiement des factures d’électricité et d’eau ou encore du financement des prestations sociales. Cette attitude de la part de l’Etat engendre aujourd’hui des comportements individuels irréversibles ou presque. En ce qui concerne le paiement des factures, l’habitude de ne plus les payer réside encore.

Toutes ces dépenses sont une contrainte au développement durable, elles permettent de palier aux problèmes sur le cours terme mais ne seront pas viables dans le temps.

1 Stratégie de l’état libanais pour compenser le favoritisme et le clientélisme

17 1.2 Les défis libanais

1.2.1 La protection des vallées et un littoral à protéger Une politique globale en faveur de la haute montagne, à partir de 1500 à 1600 mètres d’altitude, est une nécessité impérieuse. La montagne est le château d’eau du Liban et il est irresponsable de la pratiquer sans un minimum de règles pour les carrières, constructions, loisirs sauvages, véhicules tous-terrains, percement de nouvelles routes à l’utilité douteuse (exemple des routes de contournement des villages de la Kadisha) ou sur la multiplication des stations de ski avec leur lot de constructions et de remontées mécaniques. La chaîne du Mont- Liban ne peut, à un horizon de trente ans, accueillir de nouvelles stations de ski sans mettre en péril la viabilité économique des stations déjà existantes.

Les grandes vallées libanaises sont quant à elles des éléments majeurs du patrimoine naturel, touristique, paysager et agricole du Liban.

Photo 3 : Vallée de la Kadisha

Elles commandent aussi la qualité des cours d’eau et/ou participent à leur pollution. Il convient, pour toutes ces vallées, de mettre en place des règlements spécifiques pour sauvegarder le caractère naturel des vallées elles-mêmes et pour soigner l’urbanisme des villages qui les entourent. Ces orientations commencent à voir le jour à travers des démarches partenariales entres les municipalités qui partagent la vie de ces vallées. Le concept de fédération de municipalités est un outil pour construire ensemble des projets de développement touristiques, agricoles et environnementaux cohérents et de qualités. Mais jusqu’à aujourd’hui le regroupement des municipalités en fédération existe trop souvent que sur « papier ».

Le littoral libanais continu d’être fortement dégradé et fragilisé, pourtant sa mise en valeur est essentielle pour le développement touristique. Elle passe par un ensemble de mesures réglementaires, le traitement des eaux usées avant leur rejet en mer, l’élimination des constructions en bord de mer, le rétablissement de la continuité de l’accès aux plages, la

18 réglementation des établissements touristiques, la gestion des effluents provenant des nombreuses industries, etc. Il est possible, moyennant des efforts importants, de redonner au Liban une façade littorale qui devienne réellement un élément d’attraction majeur pour le tourisme, ouvrant ainsi des opportunités nouvelles pour un tourisme balnéaire de masse.

La maîtrise du développement urbain n’est pas une atteinte à la propriété privée mais plutôt une forme de combat collectif bénéfique pour tous à long terme. Selon les localités, leurs vocations, leurs caractéristiques, leur environnement général, les schémas et règlements locaux d’urbanisme doivent moduler les droits à bâtir et les règles de manière à préserver les atouts économiques et environnementaux et la qualité de la vie dans les diverses localités. Parce qu’il dégrade le potentiel agricole et touristique du pays, parce qu’il entraîne des coûts exorbitants pour les finances publiques, parce qu’il diminue l’efficacité des voies routières principales, le mitage des terres par les constructions dispersées doit être freiné. Les possibilités offertes pour y arriver sans léser le droit de propriété sont multiples. Il est possible de recourir à la dissuasion financière en obligeant les constructeurs d’immeubles éloignés des quartiers existants et des villages de financer la totalité des infrastructures et des services induits par leurs projets. L’obligation peut être instituée par simple interdiction à l’administration de délivrer les permis de construire et de lotir si les conditions ne sont pas remplies. Il est également possible d’édicter des règles, dans chaque grande zone (agricole, forestière, naturelle, etc.) définie par le Schéma Directeur d’Aménagement du Territoire Libanais (SDATL). Notons cependant que le SDATL (2003) n’a malheureusement pas été approuvé au parlement pour des raisons, semble-t-il, d’intérêt personnel. Trop contraignant pour certains, il n’a pu voir le jour ni sa mise en application.

La maîtrise du développement urbain doit également contribuer à l’objectif de préservation des ressources, du cadre de vie et du potentiel touristique. Les abords des grands sites naturels, en particulier les cours d’eau, les vallées, les sites naturels remarquables et le littoral sont concernés par cette orientation.

1.2.2 La problématique de l’eau au Liban

1.2.2.1 Généralités La répartition de l’eau au Liban est très hétérogène ce qui inflige aux populations des inégalités d’accès à l’eau très importantes. Des régions désertiques du Sud Liban à celles du Nord de la plaine de la Bekka est opposée une façade maritime très arrosée. Le Mont Liban, orienté Nord-Sud, crée une barrière montagneuse conséquente qui est soumise aux vents

19 dominants provenant de l’Ouest. L’association de ces deux phénomènes engendre des ascensions orographiques génératrices de pluies importantes. Elles s’étalent cependant sur une période concentrée (75% en 5 mois). De ce fait, les populations de la façade Ouest sont bien mieux loties que celles des autres régions. Cependant, la géologie du Liban majoritairement calcaire et faillée (75% de calcaires karstiques) limite beaucoup la « capture » et donc la mobilisation de l’eau sur tout le territoire.

Les villes littorales concentrent 70% de la population libanaise qui engendre des problèmes de surconsommation des eaux souterraines automatiquement polluées par les intrusions salines, à celles-ci s’ajoute une pollution colossale liée aux eaux usées jamais sinon presque collectées et épurées. Cette constatation permet de considérer que urbanisme et gestion de l’eau sont indissociables sur ce territoire.

Les régions libanaises bénéficient de précipitations annuelles moyennes variant de 200 à 1 600 mm par an. Le volume global des précipitations est estimé à 8 600 millions de m3 (Mm3) par an, en plus de la neige (environ 2 200 Mm3) 2. Et pourtant le Liban manque d’eau. Il est paradoxal que le Liban, connu pour ses ressources en eau, ne soit pas en mesure d’assurer un service correct et régulier pour alimenter les ménages, les industries et les besoins d’irrigation. La quantité captée et distribuée par les Offices des Eaux est pourtant, en théorie, suffisante pour satisfaire les besoins actuels. Mais d’une part, 10% des habitations demeurent non connectées aux réseaux, d’autre part 50% des eaux distribuées se perdent entre le captage et le consommateur du fait du mauvais état des réseaux, en troisième lieu l’essentiel de la quantité distribuée l’est entre janvier et juillet, alors que les mois de septembre, octobre et novembre sont toujours caractérisés par de graves pénuries. Le volume total actuellement exploitable est estimé à 1 700 Mm3 dont 400 Mm3 d’eaux souterraines. Ce volume pourrait cependant être accru à plus de 2 000 Mm3 si l’eau faisait l’objet d’une attention particulière (Sources : SDATL).

D’autres raisons expliquent ces pertes, les reliefs sont abrupts et favorisent le ruissellement, l’évapotranspiration est forte et les pays voisins reçoivent 650 Mm3 d’eaux de surface et une quantité indéterminée d’eaux souterraines en provenance du Liban. Cette dernière explication sous-tend l’idée que le Liban fait l’objet de toutes les convoitises de la part de ses voisins. L’eau est la cause des conflits au Proche-Orient depuis 1967 certainement avant. A ces contraintes d’origine dite « naturelles » s’ajoutent des problèmes « humains » de gestion de l’eau tant sur le plan écologique que sur les plans structurels, institutionnels et organisationnels. La détérioration de la distribution de l’eau durant la guerre et la persistance,

2 (Sources: Feasibility studies for the rehabilitation and modernization of small and medium irrigation schemes in , Bcharré region, Council for Development and Reconstruction, 1997, 141 p.)

20 jusqu’à ce jour, de larges périodes de pénurie en dépit des investissements réalisés, ont conduit la population et les entreprises à rechercher une certaine autonomie vis-à-vis des réseaux publics par le forage de dizaines de milliers de puits à travers tout le territoire. Parallèlement, en certains endroits, la multiplication des réseaux d’égouts conjuguée au retard dans la réalisation des stations de traitement prévues conduit à une concentration des rejets qui sont déversés dans la nature et qui rejoignent les mêmes nappes souterraines et cours d’eau sur lesquels sont installés les captages d’eau potable. S’y ajoutent les pollutions d’origine industrielle, les pollutions par les hydrocarbures et les pollutions liées à l’entreposage sans traitement de déchets domestiques et autres (industriels, hospitaliers) dans la nature dans la plupart des régions. Toutes ces formes de pollution dégradent dangereusement la ressource en eau. L’importance de la ressource Eau nécessite une politique de mise en valeur globale. Le Liban est en mesure d’accroître sensiblement les quantités et la qualité des eaux distribuées aux ménages, à l’agriculture et à l’industrie. Un objectif de réduction du taux des fuites et déperditions dans les réseaux est de passer de 50% aujourd’hui à 20% dès 2020 (SDATL). Cela permettrait d’éradiquer les situations critiques des villages non desservis, de distribuer l’eau correctement y compris en période d’étiage et de doubler les superficies agricoles irriguées. Elle devrait également permettre de mieux maîtriser les captages, enjeu de santé publique, et de mettre fin à la privatisation sauvage de la ressource par les particuliers et par le même temps de la pollution de ces captages.

Cependant, la solution immédiate et urgente est de gérer et économiser l’eau de manière réfléchie. Tout les libanais ne jurent que par l’idée du barrage mais la réduction des fuites, la rationalisation de l’utilisation de l’eau et la baisse des gaspillages offriraient déjà des quantités d’eau non négligeables. Ces actions semblent donc prioritaires par rapport à toutes réflexions alternatives telles que la construction de barrage. La direction des ressources hydrauliques libanaises semble être la seule à prôner le développement de ces retenues d’eau. Quelque uns des projets déjà émis peuvent paraître irréalistes aux yeux de certains et surtout comme un sujet de deuxième ordre pour la plupart. Les bailleurs de fonds vont, eux, dans le sens de la protection de l’eau et de la gestion des fuites avant toute réflexion sur les barrages.

La gestion rationnelle de la ressource en eau, la mise en valeur du potentiel touristique et la volonté d’améliorer la qualité de la vie conduisent à la nécessité de préserver et de mettre en valeur un ensemble d’espaces sensibles à travers le territoire. Depuis près d’un siècle et demi des lois se doivent de gérer le domaine de l’eau afin de réglementer et répartir les ressources de manière équitable mais l’histoire et les conflits successifs n’ont jamais permis une réelle application de ces principes.

21 Afin de comprendre l’état actuel du secteur de l’eau, il est essentiel de se donner quelques éléments historiques et contextuels sur la gestion de l’eau au Liban.

1.2.2.2 Historique de la politique de l’eau Sous le régime Ottoman pendant la deuxième moitié du XIXème siècle, les premiers réseaux d’eau sont crées et le système des concessions se généralise sous l’égide de l’Empire. En 1875 l’administration Ottomane promulgue le nouveau code civil qui structure les secteurs d’activité en général et celui de l’eau en particulier. Les réformes entreprises à cette époque sont pour la plupart encore en vigueur aujourd’hui notamment en milieu rural. Le mandat français (1920-1943) marquera un tournant dans la gestion des services publics puisqu’il incita l’implication du secteur privé et la mobilisation de fonds internationaux. Il sera aussi à l’origine de grandes réformes de la législation du Liban précisément sur la protection de la ressource. Cependant, la majorité des services de l’état sont dirigés plutôt par des grandes institutions financières reléguant de cette façon les pouvoirs publics en position de partenaire voire d’observateur. La seconde guerre mondiale va accentuer cette tendance.

La période suivante, l’indépendance, débute dans un climat économique très favorable inspirant les investissements privés. Se développent alors de multiples concessions sur le territoire libanais que l’état tente de récupérer ensuite avec l’aide des bailleurs de fonds. Par cet élan de nationalisation, l’Office des Eaux de Beyrouth (OEB) est crée ainsi que celui du Litani (ONL). Ce dernier avait pour vocation les projets hydroélectriques et agricoles et il a longtemps conservé la gestion de l’irrigation sur tout le territoire. Aujourd’hui, encore deux offices sont dépendants de l’ONL pour cette dernière compétence. Ensuite, un plan d’aménagement et de valorisation des eaux du Liban est alors élaboré. Mais celui-ci ne permet pas de pallier les inégalités du pays trop centralisé sur Beyrouth. En 1956, 70% des villages n’ont pas d’eau courante, la moitié de la distribution de l’eau est réservée à la capitale et il n’y a que 6% des surfaces cultivables qui bénéficie d’une irrigation correcte. Une nouvelle aire politique s’ouvre avec l’arrivée au pouvoir du président Chéhab (1958- 1965) et va être marquée par des tentatives plus intenses de la réduction des inégalités sociales et notamment d’accès à l’eau. La nationalisation et les investissements publics deviennent la règle d’or d’une intervention globale tant sur le plan géographique que sur l’éventail des domaines d’intervention. Le secteur de l’eau voit une avancée importante grâce à la création en 1966 du Ministère des Ressources Hydrauliques et Electriques (MRHE), aujourd’hui connu sous le nom de Ministère de l’Eau et de l’Energie, et de la constitution de dix offices des eaux répartis sur tout le territoire.

Et pourtant, toutes les initiatives et investissements de l’état libanais et des institutions internationales ne suffisent pas. Les inégalités se font de plus en plus importantes, l’eau est de

22 plus en plus rare et de plus en plus polluée, l’administration fonctionne mal et les divergences politiques entre offices et territoires s’accentuent. Le mandat Frangié (1970-1975) ne favorise pas non plus la baisse des inégalités, les régions lointaines de Beyrouth sont délaissées par les services publics et les projets de développement. Cependant, avant que la guerre n’éclate, le projet de loi de 1972 cadre le devenir du secteur de l’eau au Liban, elle propose la constitution de cinq offices de l’eau. Cette loi et les prérogatives en terme de gestion de l’eau sont oubliées pendant toute la période de guerre mais sont restées les bases de la réforme politique de l’eau d’aujourd’hui.

Ce n’est que depuis la fin de la guerre en 1990 que les pouvoirs libanais se penchent à nouveau sur le problème. Le processus de reconstruction engagé par l’état libanais au sortir de la guerre fut principalement orienté vers la remise en état des infrastructures et la réorganisation de secteur de l’eau. L’enjeu est de taille car le système de gestion est totalement désorganisé et fragmenté. C’est sur fond de conférences sur le développement durable (Rio 1992 jusqu’à Mexico 2006) et du concept de « bonne gouvernance »3 que le Liban va entreprendre des réformes dans le secteur de l’eau. La fin de la guerre laisse apparaître des dégâts considérables en terme d’infrastructures et de pollution bactériologique de l’eau (environ 70% des réseaux de distribution). C’est dans ce contexte de prise de conscience des problématiques environnementales que l’Etat tente aujourd’hui de pallier les carences administratives, institutionnelles et financières qui affectent le secteur de l’eau.

1.2.2.3 La réforme du secteur de l’eau La situation au sortir de la guerre laisse apparaître 21 offices de l’eau aux mains des différentes « milices » libanaises. Ceci induit un fonctionnement construit sur l’intérêt communautaire au détriment de l’intérêt général. Le retard et la déstructuration du secteur de l’eau sont accentués par la « lourdeur » de la gestion de l’eau assurée par ces 21 Offices jusqu’en l’an 2000. À ces 21 Offices s’ajoutent de très nombreux comités locaux se regroupant par type d’usage (eau industrielle, agricole, ou potable). Cette tendance ne fait que traduire la logique de fragmentation sociale et territoriale issue de la guerre, c’est donc une logique territoriale d’origine politique et confessionnelle.

3 La « bonne gouvernance » est la traduction opérationnelle des principes du développement durable (S.Ghiotti)

23

Carte 1 (S. Ghiotti, 2004)

Même si le nombre d’Offices correspond plus ou moins au nombre de cours d’eau pérennes du Liban, le découpage retenu ne s’appuie par pour autant sur le concept de bassin versant. C’est cette multiplication du nombre des offices au sortir de la guerre et le manque de coordination entres les différents protagonistes qui motivent l’état à chercher des solutions.

En 1992, l’état se dirige vers une logique de transfert en direction du service privé pour la gestion des services publics de l’eau comme il l’avait fait dans les années cinquante (cette option s’avérera être un échec). Ainsi, la solution serait d’aller dans le sens du modèle français de gestion déléguée. Pour cela, les offices seraient transformés en compagnies de l’état puis le secteur privé interviendrait pour assurer le processus de gestion déléguée. Les orientations choisies sont très largement inspirées par les nouveaux paradigmes du développement durable et la Banque Mondiale (BM) subordonne ainsi son aide à la mise en place d’une nouvelle organisation du secteur de l’eau basée sur le triptyque : un principe, l’instauration d’un prix pour l’eau – une méthode, la participation et la gestion décentralisée dans le cadre de la « bonne gouvernance », et enfin un territoire, le bassin versant. (S.Ghiotti)

24 Le découpage retenu pour les Offices répond à des logiques politiques et communautaires et reste circonscrit dans les limites administratives des Cazas. Ces dernières correspondent aux limites naturelles délimitées en général par le relief et particulièrement par les bassins des rivières. La particularité du Liban est que son découpage administratif est certes influencé par le bassin des rivières, mais ce sont ces dernières qui forment les limites et non le bassin versant. Ainsi, deux Cazas sont généralement séparés par une rivière qui coupe le bassin versant en deux zones distinctes. La réforme engagée par l’Etat en 1972 avait pour objectif de créer cinq offices de l’eau au Liban selon le découpage des Mohafazats. Ce découpage respecte en fait un certain partage du pouvoir à l’échelle nationale, puisque le nombre de Mohafazats et donc le nombre de Mohafezs (préfet) correspondent au nombre de communautés confessionnelles du pays, sunnite, maronite, grec orthodoxe, grec catholique. La communauté chiite ne sera représentée qu’en 1978.

Carte 2 (S. Ghiotti, 2004)

Sur l’inspiration de la gouvernance à l’échelle du bassin versant prônée par les bailleurs de fonds, le Liban adopte cette échelle territoriale pour appliquer sa politique de l’eau. La période qui s’ouvre en 1990 va s’avérer déterminante pour le contenu et la forme de la nouvelle politique de l’eau au Liban. Le problème perpétuel du financement voit des solutions

25 puisque le CDR (Conseil de Développement et de Reconstruction) qui canalise les fonds (Banque Mondiale, Banque Islamique…) les affecte à plusieurs programmes. La Lyonnaise des Eaux fournie une aide en 1993 en terme d’expertise technique dans le cadre d’un Protocole d’accord Franco-Libanais. Cette dernière reprend pour une très large partie les recommandations de la Banque Mondiale, c’est-à-dire la réorganisation institutionnelle et le partage ministériel des compétences, la promulgation d’une loi sur l’eau et une gestion par bassin versant. Le transfert de la gestion au secteur privé n’est pas opéré du fait des nombreuses incertitudes et craintes des responsables. Aujourd’hui, ce transfert semble être un réel échec. Positionnement temporaire du fait d’un Ministre HEZBOLLAH ou prise de conscience définitive ? Conséquence des conclusions du « Forum de Mexico » ou conséquence d’une opération pilote qui se révèle de plus en plus comme un échec (délégation de gestion du service public de l’eau à Tripoli) ? En tout état de cause, le mot d’ordre de « privatisation des services publics dans les plus brefs délais » émis dès la fin des années 90 par le Premier Ministre HARIRI semble aujourd’hui totalement abandonné. Même la privatisation d’EDL (Électricité du Liban) qui était pourtant la plus avancée, est actuellement totalement stoppée.

Depuis 1995, les choix pris par l’Etat libanais visent d’abord à préparer la remise à niveau, notamment des infrastructures afin d’éviter tous les troubles potentiels et à terme de retirer le maximum de bénéfices de la réforme à l’occasion des futurs appels d’offres. Cette stratégie d’Etat pourra être parfois perçue de la part les bailleurs de fonds internationaux comme agaçante ou jugée comme une preuve de mauvaise volonté. La Banque Mondiale suspend en effet son aide en 1999.

Le principe d’un découpage par bassin versant comme le propose le modèle français de gestion de l’eau semble actuellement difficile à transposer tel quel dans le contexte libanais. D’autre part, concernant le prix de l’eau, la population paie (pour celle qui peut payer) déjà l’eau au prix fort depuis la guerre, étant obligée d’assurer son approvisionnement par des systèmes parallèles extrêmement onéreux (livraison par camion citerne, etc.). Dans la logique de la réforme telle que définie par les responsables libanais, l’objectif financier de la rentabilité occupe une place centrale. Le retour sur investissement et le souci de parvenir à l’équilibre du système, notamment pour les offices, est au centre des réflexions sur la réforme. La taille et le découpage des offices tentent de répondre à ces problématiques. En effet, les difficultés à surmonter sont multiples. Les besoins urbains en eau potable et en assainissement sont considérables. Il est donc nécessaire de pouvoir soutenir la demande sans rencontrer trop de difficultés techniques ou envisager des projets « titanesques ». Les Offices doivent regrouper sur leur périmètre une

26 population solvable afin de pouvoir dépasser le recouvrement des salaires de leurs employés et d’assurer les investissements et la maintenance des infrastructures. Par la réforme, les offices deviennent véritablement les opérateurs de la distribution de l’eau potable assurant l’ensemble des tâches, de la réalisation des projets jusqu’à la facturation. Enfin, pour que les principes du partage du pouvoir soient respectés, ce découpage des offices assure un relatif équilibre politique. La taille et les limites du découpage des offices répond aux logiques urbaines, financières et politiques et répondent également à des impératifs hydrauliques, techniques et financiers.

La loi sur l’eau de 2000 est la réponse à un processus engagé trente ans plus tôt. Afin de répondre aux multiples problématiques liées à l’alimentation en eau, la dimension territoriale de la réforme amène à faire correspondre les offices aux limites des Mohafazats. Cette mise en concordance s’explique aussi par la volonté politique de soustraire la gestion de la ressource aux Cazas au bénéfice des Mohafezs. La rationalisation du système est ainsi négociée par une perspective à plus grande échelle qui confère par la même occasion un pouvoir plus important à l’état libanais en terme de gestion de ces offices. Donc finalement, cette dernière remarque met en perspective une forme de centralisation du service de l’eau alors que l’ordre général vise à la totale décentralisation des services.

En fin de compte, les municipalités ont délégué la gestion de l’eau potable et l’assainissement aux nouveaux Offices, appelés aujourd’hui Etablissements des Eaux, créés par la loi de réforme de l’eau (loi 221 du 29/04/2000). Toutefois, ces derniers ne sont structurés que depuis 2005 puisque le gouvernement a attendu cinq années avant de la mettre réellement en application. L’assainissement est encore géré en pratique par les municipalités.

C’est dans ce contexte de reconstruction de l’Etat ainsi que de réforme du secteur de l’eau au Liban qu’ont commencé les aides internationales (prêts de la Banque Mondiale et financements de la communauté européenne…) ainsi que des relations franco-libanaises parfois construites sur la démarche de la coopération décentralisée.

2. Les acteurs et les partenaires de la reconstruction

Le processus de reconstruction de l’Etat libanais depuis la fin de la guerre en 1990 jusqu’à la nouvelle guerre de l’été 2006 faisait, fait et fera certainement intervenir une multitude d’acteurs libanais mais aussi, et pour une grande part, d’acteurs internationaux avec leur lot de préconisations.

27 2.1 Les préconisations des bailleurs de fonds, la « bonne gouvernance » et la décentralisation. Au Liban, les programmes d’aide internationale destinés au « local » ne constituent qu’une petite partie des fonds financiers alloués pour la reconstruction. La totalité, sinon presque, des apports financiers est réservée aux infrastructures principales situées généralement à proximité des grandes villes notamment Beyrouth. Le discours qui s’est mis en place chez les grands bailleurs de fonds est basé sur les principes de la gouvernance et de la démocratie. C’est un discours qui prône un Etat décentralisé, il privilégie le local comme base d’intervention adéquate car représente une dimension proche de l’individu qui permet de gouverner démocratiquement et de mieux gérer économiquement. L’Etat s’est déjà investi dans la décentralisation, il défini le local comme « l’espace utilitaire et fonctionnel pour la gestion des services, privilégiant cet échelon dans la vision du développement » (E. Le Bris, 2004). Le développement est aujourd’hui associé à la participation locale car il se base sur la connaissance locale et non allochtone. « La raison d’être économique du gouvernement local se résume aux « trois E » : l’efficacité, l’efficience et l’économie » (E. Le Bris, 2004). En effet, le gouvernement local semble le plus à même à prendre en compte les requêtes des populations et d’y répondre de manière pertinente.

Dans le texte, ces vérités semblent d’une simplicité éloquente mais la réalité en est toujours loin. Les bailleurs de fonds savent préconiser l’idéal mais au-delà des écrits il est indispensable d’agir sur « le terrain », au plus près des élus locaux et de leurs administrés.

2.2 Les acteurs impliqués

2.2.1 Le Conseil pour le Développement et la Reconstruction Il a été pensé comme un « super ministère » ayant la possibilité de passer outre les ministères et ainsi de court-circuiter les logiques partisanes et/ou clientélistes (S.Ghiotti). Ce conseil qui a vu le jour à la fin de la guerre fonctionne sur mode de gestion globale des problèmes libanais. Le Conseil de Développement et de la Reconstruction est responsable des plans directeurs pour tous les projets d’infrastructure, il prépare les programmes d’investissement pour les projets de reconstruction et de développement et recherche des sources de financement auprès des bailleurs de fonds. Dans les textes, il se doit de réunir tous les projets élaborés par les différents ministères afin de les étudier et de définir ceux qui sont prioritaires. Ensuite, le CDR fait valoir les projets qu’il estime être les plus urgents auprès des bailleurs de fonds dans le but de récolter des financements. Ainsi, il pourra répartir les sommes allouées selon les priorités prédéfinies à chacun des ministères demandeurs. Le CDR a donc un rôle de coordinateur des projets de

28 développement et de reconstruction depuis les années 1990. Bien qu’il obéisse aux prérogatives qui lui sont attribuées, il ne se contente pas de distribuer simplement les fonds aux ministères pour que ceux-ci fassent aboutir leurs projets, mais il opère souvent directement en passant outre. Le manque de personnels et de « compétences » de certains voir de la plupart des ministères favorise ce genre d’initiatives de la part du CDR. Malgré son rôle de superviseur des projets ministériels, il semble évident que la planification, la cohérence et la coordination entre chacune des démarches n’est pas une réalité optimisée. Il est difficile de déterminer avec exactitude l’entière légitimité et efficacité de ce conseil, car nombreux sont les projets entrepris par le CDR qui s’arrêtent en cours de réalisation pour des raisons indéterminées. Elles justifient en tout cas la difficulté des populations à retrouver une certaine confiance en l’action étatique.

2.2.2 Les Ministères De leurs cotés, les ministères tentent tant bien que mal de poursuivre leurs ambitions malgré les difficultés qu’ils rencontrent. Les ministères concernés par le secteur de l’eau sont principalement le Ministère de l’Eau et de l’Energie et le Ministère de l’Environnement (ME). Ces deux ministères étudient et planifient de nombreux projets sur tout le territoire notamment en terme d’irrigation, de barrage hydroélectrique ou encore de gestion des déchets. Ils sont dotés d’autant de prérogatives comparables à celles de la France, mais comme souvent au Liban elles sont bien trop nombreuses par rapport aux moyens humains et financiers dont disposent le Liban et ses ministères. Le ME confirme ce manque chronique, l’ingénieur hydrogéologue, Mr. Assaad S., affirme que les problèmes environnementaux sont gérer au coup par coup et généralement après une plainte : « Nous n’arrivons qu’à faire en sorte que la situation ne s’aggrave pas mais nous ne pouvons pas nous permettre de faire des projets ambitieux ». Dans le cadre de la réforme sur l’eau, le MEE voit ses taches et prérogatives modifiées, elle seront réduites et consisteront principalement en l’élaboration d’une politique nationale de l’eau et d’un plan directeur national de l’eau, de l’étude et l’exécution des gros projets hydrauliques dont l’extension dépasse l’implantation géographique des Etablissements des Eaux « régionaux ».

2.2.3 Les Etablissement des Eaux et leurs antennes Les Offices des eaux ou Etablissement des Eaux sont placés sous la tutelle du MEE. Selon les textes de loi et les décrets d’application, ces offices sont des établissements publics dotés de la personnalité morale et de l’autonomie financière et administrative. Leurs missions consistent en la gestion et l’exploitation des projets d’eau potable ainsi qu’en la répartition de la ressource dans ce cadre. Ils ont également la capacité de mener les travaux d’équipement de construction et d’entretien des réseaux. Les compétences accordées à ces offices sont précisées par le décret

29 de 1996 et concernent outre celle de l’alimentation en eau, l’irrigation et le traitement des eaux usées. Seuls les Offices de la Bekka et du Liban Sud n’ont toujours pas la compétence irrigation qui relève de l’Office des Eaux du Litani (OEL). Cependant, ces Etablissements ont toujours eu la compétence de l’exploitation tandis que le CDR s’octroi la compétence de l’exécution. Aujourd’hui il en est toujours de même alors que la nouvelle loi 221 de l’année 2000 confère au Etablissements des Eaux les prérogatives suivantes. Un Etablissement doit selon la loi précisée par le directeur de l’Etablissement des Eaux du Liban Nord, Mr. Jamal K., « étudier, exécuter, exploiter, maintenir et renouveler les projets d’eau, de distribution d’eau potable et d’irrigation et de collecter, épurer et évacuer les eaux usées ». Cette loi 221 votée en 2000 ne voit sont application effective que depuis 2005 à cause des difficultés rencontrée par l’administration pour s’approprier les principes de la réforme. Aujourd’hui encore, l’EELN ne se contente que de l’exploitation mais précise que ses objectifs pour l’avenir sont : de préserver le niveau de service, l’améliorer, récupérer les services locaux, s’occuper de l’adduction d’eau potable, de l’assainissement et enfin de l’irrigation. Tous ces objectifs ne pourront cependant être atteints que grâce à un soutien de l’administration et des apports financiers. Le secteur de l’eau est en déficit, les dépenses depuis 1997 s’élève à 1,5 milliards de dollars juste pour les études de projets et la restructuration de l’administration. Si bien qu’aujourd’hui le manque d’argent est insurmontable et l’amélioration du secteur difficile à percevoir. Toutes les difficultés auxquelles faisaient face les multiples offices du Liban Nord sont maintenant réunies dans un seul Etablissement. La difficulté de la tache pour l’EELN n’en est qu’amplifiée. Il se contente donc pour le moment de maintenir l’état actuel de la situation. Par conséquent, les abonnés ne veulent pas payer un service de mauvaise qualité, les Etablissements ne collectent donc pas assez de fonds pour pouvoir réagir en conséquence. C’est par l’intermédiaire de ses antennes locales, anciens offices et comités de l’eau, que l’EELN essaye tant bien que mal de contraindre ses abonnés à honorer leurs factures d’eau. Lorsque ceux-ci ne payent pas il est simple de couper l’eau jusqu’au règlement des factures mais pour des raisons politiques et/ou clientélistes il y a certaines zones où l’on ne « stoppe » jamais l’eau (cas de la vallée de la Kadisha).

Il semble évident que des financements extérieurs sont indispensables si l’on veut apporter une réponse à l’aphorisme de l’oeuf et de la poule, qui de l’usager ou du service public doit commencer à payer. L’élaboration d’un plan de gestion de l’eau très « solide » serait la clé pour accéder aux aides des grands bailleurs de fonds qui serviraient alors de levier.

30 Les antennes locales et/ou comités de l’eau sont d’une importance cruciale pour les Etablissements. En plus de récolter les factures, ils sont là pour rapporter tous les problèmes constatés. Ils servent aussi de lien entre les usagers et l’Etablissement auquel ils sont rattachés.

Les usagers ne sont, pour l’instant, pas impliqués et très peu questionnés sur les questions de l’eau et de l’environnement. Seuls quelques écologistes indépendants sont précautionneux de leur environnement. Jusqu’alors, les usagers étaient totalement mis à l’écart des activités du service public, mais sur ce volet, CORAIL a développé une coopération avec l’EELN dans le but de rapprocher le service public et les usagers de la ville de Tripoli.

Dans une procédure d’élaboration de projet lié à l’eau, il semble inévitable de faire participer les municipalités (les premières institutions concernées après l’usager) mais lorsqu’elles sont susceptibles de fonctionner, les fédérations de municipalités représentent une entité plus pertinente et influente. Les rapports de force dans des décisions face aux institutions centrales sont alors plus équitables. De plus, la Fédération représente une échelle plus pertinente et cohérente que la municipalité puisqu’elle est à même d’élaborer des projets plus globaux. Aussi, les investissements sont partagés et les coûts sont allégés lors des démarches communes.

2.2.4 La Fédération de Municipalités La Fédération s’apparente au concept connus en France sous le nom de Communauté de Communes ou de Communauté d’Agglomération selon le cas. La Fédération jouit d’un pouvoir de décision et d’un pouvoir d’exécution. Le Conseil de la Fédération est formé des présidents des municipalités membres. Il peut discuter les projets d’intérêt commun aux municipalités, élaborer des plans, établir les cahiers de charge et décider des expropriations nécessaires à l’exécution des projets d’intérêt commun aux municipalités de la Fédération. Il a le pouvoir d’établir le budget, de décider des emplois à pourvoir au sein de la Fédération ainsi que du plan urbain général. Les décisions prises par le Conseil s’imposent à celles des municipalités. Le financement de la Fédération est composé de 10% des revenus effectifs de chaque municipalité membre, d’un pourcentage supplémentaire du budget des municipalités membres qui profitent d’un projet collectif. Le pourcentage est défini par le Conseil de la Fédération avec le consentement du ministre de l’Intérieur. Il existe aussi des crédits, des revenus consacrés aux Fédérations par la Caisse Autonome des Municipalités, des fonds alloués par le budget public aux Fédérations pour des projets de développement ainsi que des dons. La Fédération peut donc surpasser les pouvoirs des municipalités qui la compose et constituer l’acteur le plus pertinent pour être l’interlocutrice directe de l’EELN dans un projet tel qu’un Contrat de Rivière, projet qui doit être global et commun à la totalité des municipalités d’un même bassin versant.

31

Les Comités locaux pour l’environnement sont d’autant plus important qu’ils sont nombreux et se sont souvent imposés comme des municipalités alternatives durant la période de 1990 à 1998. Aujourd’hui, ils sont encore présents et actifs au sein des conseils municipaux (Cf. § 2.3.4).

Enfin, les municipalités sont les principales concernées et intéressées dans des projets de développement puisqu’elles en sont les principales actrices. Dotées d’une multitude de prérogatives, elles sont en droit d’aspirer à leur autonomie. Malheureusement, elles peinent à honorer toutes les actions qu’elles se doivent d’accomplir. La totalité des subventions et des taxes qu’elles perçoivent suffisent à peine à maintenir les services de base sachant qu’ils ne comportent pas l’assainissement pour le moment. Et pourtant, la municipalité étant la seule institution locale relayant l’Etat, elle est l’outil « pilier » d’une politique de développement local et peut donc soutenir une démarche de Contrat de Rivière.

2.3 Municipalités, acteurs principaux du développement local.

2.3.1 Historique L’année 1864 marque la création du premier conseil municipal au Liban et dans le monde arabe. C’est par un ordre du conseil du Mutassarifiah sous l’empire Ottoman qu’est parut cette commission municipale à Deir-El-Kamar. A la suite de ce firman, en 1867, la municipalité de Beyrouth est créée. Les municipalités se développent alors et connaissent un essor important durant la période du mandat français de 1922 à 1943. Pendant et suite à cette période, les lois municipales sont largement calquées sur celles françaises. Cependant, le rôle des municipalités n’est réellement reconnu et opérationnel qu’au moment du mandat du général Chéhab. Les troubles politiques de 1958 annoncent les dernières élections municipales de 1963, jusqu’en 1998 il n’y eu plus aucune élection. Ce hiatus expliqué en grande partie par la longue période de guerre de 1975 à 1990 n’a fait qu’aggraver la situation économique et politique du Liban en général et des municipalités en particulier. Alors que l’expérience municipale date d’il y a un siècle et demi, les premières élections significatives sont celles de 1963 avec le vote de la nouvelle loi du 29 mai 1963 prévoyant un mandat de quatre ans pour les conseils municipaux. C’est à l’issue de ce dernier mandat que des lois prorogatives de mandats se sont succédées tout au long de la guerre et même après l’arrêt des hostilités de 1990. Pour des raisons et motifs divers et variés mais rarement valables, ces élections n’ont repris qu’en 1998 après que la dernière prorogation de 1997 eue été votée anti-constitutionnelle. C’est ainsi et grâce aux requêtes de la société civile que, trente cinq ans après les dernières municipales, de nouvelles élections sont organisées.

32 Durant les longues années de 1963 à 1998 les municipalités ont perdu toutes capacités de gouverner correctement. Parallèlement, Mohafezs et Caïmacans, les représentants déconcentrés de l’administration centrale libanaise, ont vu la multiplication et le renforcement de leurs pouvoirs, leurs permettant de contraindre énormément les instances municipales. Les élus municipaux ont été remplacés de force par les autorités déconcentrées du pouvoir central et les prérogatives ont été réorientées à l’avantage de l’Etat central. Le contrôle administratif a été rigidifié, les recettes diminuées dans les petites municipalités au détriment des plus grandes et les ressources humaines sont devenues insuffisantes du fait des salaires trop bas par rapport au secteur privé. Ce n’est qu’après la loi de 1977, remplaçante de la loi de 1963 trop rigide, que la législation permettait une plus grande implication et liberté d’action des municipalités dans la gestion du local sur un mandat ramené à six ans. Le principe de décentralisation s’en voit valoriser bien que la réelle application de la loi 1977 semble voir le jour que depuis 1998. Pendant toute la période précédente, la guerre, la constante prorogation des mandats et l’influence du pouvoir milicien ont bloqué le système municipal tenu par les « forces » reparties régionalement au Liban.

2.3.2 Le renouveau des municipalités La situation de blocage qui paralyse le gouvernement semble avoir une conséquence positive : le niveau national étant paralysé, c’est le niveau « municipal », qui s’octroie le rôle de relais des actions de réorganisation et de développement du pays, et de ce fait commence à prendre du poids, crédibilisant et renforçant ainsi le mouvement de « décentralisation », souvent annoncé mais peu suivi dans les faits. Peut-être de peur de prendre le risque du renforcement des milices ou ex-milices. Le Hezbollah est très actif, il tire une grande légitimité de son rôle d’acteur principal de la vie sociale dans le Beyrouth Sud. Relayé par des associations qu’il contrôle, il assure la fourniture des services collectifs aux populations tels que éducation, santé, eau, ordure, etc. Ainsi, il garde la main mise sur sa région. Un autre exemple concerne les Forces Libanaises, ex-milice chrétienne, qui a mandaté des experts en 2006 pour évaluer et étudier tous les problèmes environnementaux, les solutions d’assainissement et d’adduction d’eau dans le but de proposer au gouvernement un « schéma » de gestion global des problèmes environnementaux libanais à l’échelle du territoire libanais et peut-être de renforcer sa légitimité dans le pays. Ces études devaient être rendues publiques à la veille de la guerre 2006 mais le contexte a forcé au report du congrès.

Ce n’est que huit ans après la fin de la guerre en 1990 que l’on peut considérer qu’une véritable dynamique au niveau local s’installe, les nombreuses municipalités dissoutes se recomposent et de nouvelles se créent redorant ainsi la volonté de décentralisation édictée lors des accords de Taëf. L’espoir d’un renouveau de l’action locale et donc du développement

33 local n’a de légitimité que dans la relance du pouvoir municipal qui est, en outre, la seule forme institutionnalisée de décentralisation territoriale au Liban. C’est donc depuis 1998 que la reprise des textes de la loi de 1977 permet aux municipalités de jouir pleinement, non sans difficultés, de la gestion des démarches d’utilité publique. Les erreurs sont nombreuses du fait du manque de compétence et d’expérience municipale mais le désir généralisé dans la société civile d’intervenir sur son territoire est exemplaire. C’est grâce à la mobilisation et à la détermination de la population libanaise que les élections de 1998 ont eues lieu. En effet, quand le gouvernement libanais décide une nouvelle fois en avril 1997 de proroger le mandat des conseils municipaux les réactions ont été immédiates. L’Association Libanaise pour la Démocratie des Elections (LADE) initie une campagne anti-prorogation qui rassemble les Libanais autour d’une même bataille prônant la participation locale. Elle a aussi permis de motiver les citoyens à reconsidérer la force publique et à relancer un processus démocratique local par l’intermédiaire de leurs élus. La réforme entamée à partir de 1998 se démarque de la phase municipale antérieure par la légitimité de ses acteurs. La loi qui gouverne les municipalités depuis 1977, les ressources et les moyens techniques et matériels dont disposent les municipalités sont toujours les mêmes, mais les « gouvernants » locaux ne sont plus les mêmes (Ziyad Baroud, p.12).

Les projets dans les municipalités depuis 1998 sont tous menés dans un but d’amélioration de la qualité de vie, mais comme les ressources financières propres sont faibles, les municipalités sont forcement tributaires des financements provenant des grandes institutions. Cette situation limite l’action municipale alors que la loi de 1977 toujours en vigueur est très généreuse en terme de compétences et de prérogatives. Cependant, le conseil de fédération de municipalités ou encore le CDR sont d’autres instances qui peuvent limiter aussi la liberté d’action du conseil municipal, s’ajoutant ainsi au contrôle administratif drastique et aux finances déplorables. Depuis 1998, période qui recouvre presque deux mandats municipaux complets, les municipalités s’attèlent à la restructuration interne (administration, ressource humaines, comptabilité…). Cette démarche se doit de montrer au pouvoir central que les municipalités peuvent reprendre le dessus, elles s’équipent d’ordinateurs, forment leurs fonctionnaires, achètent des équipements et se dotent d’une police redorée. Une deuxième phase, celle du mandat qui a débuté en 2004, permet aux municipalités qui ont gagné en expérience de rétablir pour partie les infrastructures publiques (égouts, voies publiques, écoles…). C’est toujours sous l’impulsion et le contrôle des grands bailleurs de fond (Banque Mondiale, Union Européenne, Nations Unies…) que ces projets ont été entrepris, ils ont parfois aboutis mais ont souvent été abandonnés en cours de réalisation.

34 2.3.3 Les barrières institutionnelles et politiques Les rapports de forces et la hiérarchie sont des éléments très importants et contraignants pour la vie municipale. Les relations tendues et les divergences politiques entre les préfets de régions et les présidents de municipalités ou encore avec les présidents de fédérations sont fréquentes au Liban. Les présidents de municipalités ayant obtenu des pouvoirs autrefois aux mains du Mohafez et/ou du Caïmacan, ces derniers déchus de quelques fonctions se sentent moins influents. Ils gardent tout de même un droit de regard. Nombreux sont les obstacles institutionnels auxquels se confrontent les municipalités libanaises. Malgré les efforts du gouvernement pour l’allégement des contrôles administratifs, (principaux obstacles à l’action municipale) et la diversification des prérogatives, les municipalités sont freinées dans leur marge de manœuvre. En ce qui a trait au contrôle administratif, le ministre de l’intérieur et des municipalités, le Mohafez ou le Caïmacan ont un droit de regard exacerbé sur les démarches municipales, l’autonomie des municipalités est tout de même respectée au maximum.

Au sortir de la guerre, prés de la moitié des municipalités étaient quand même sous l’égide du pouvoir central. Par ailleurs, le contrôle s’effectue par le simple fait que les municipalités ne peuvent faire des projets de plus de 3 000 000 de Livres Libanaises (soit environ 1700 Euros) sans demander une autorisation au pouvoir de tutelle. La limite était fixée à 350 000 L.L jusqu’en 1999 alourdissant et bloquant alors tous projets. De ce fait, la liberté d’action municipale et l’autonomie sont régies par cette nouvelle limite. Une autre carence provient du fait que le conseil des ministres a interdit aux municipalités de recruter elles-mêmes leurs fonctionnaires. Au personnel déjà numériquement trop bas s’ajoute le problème des compétences. Une étude a montré que deux tiers des fonctionnaires municipaux étaient d’éducation primaire au début de la guerre. Le fait qu’un fonctionnaire municipal a au mieux un salaire deux fois plus bas qu’un salarié du secteur privé engendre une fuite du personnel. En terme des recettes des municipalités on constate que la grande quantité de prérogatives allouées aux municipalités est inversement proportionnelle aux moyens financiers disponibles. C’est pour cette raison que les recettes suffisent à peine à couvrir un fonctionnement plus que minimum des conseils municipaux.

De plus, la perception de ces taxes est plus ou moins efficace et suffisante selon les régions et l’autorité des élus. Les difficultés économiques du pays sont la principale cause de l’incapacité de la majorité des individus à honorer ces taxes. Les municipalités perçoivent bien une aide de la Caisse Municipale Autonome (CAM) émanant de l’Etat mais le manque de régularité de distribution de ces subventions empêche toutes projections et planifications financières. On peut alors se demander comment les municipalités pourraient être en mesure d’assurer des services de bases de qualité.

35 2.3.4 L’environnement dans les municipalités libanaises. L’« écologie » dans les municipalités libanaises s’est développée depuis la fin de la guerre en 1990. Les questions écologiques ont été et sont encore prisent en charge par des associations ainsi que par le secteur privé. Cet élan d’écologie s’inspire généralement des discours des organisations internationales et des bailleurs de fonds, il est un véritable atout pour la mise en place d’un Contrat de Rivière. A la sortie de la guerre, les ministères en charge de l’environnement et de l’eau sont démunis et les municipalités sont incapables de développer l’idée d’une quelconque écologie tellement elles sont occupées à redresser leur situation catastrophique. Seuls quelques écologistes essaient d’imposer au sein des municipalités ou de manière indépendante une philosophie écologique de base. Ainsi, ce sont les écologistes qui « tiennent » en partie le rôle des municipalités durant la période de 1990 à 1998.

En 1998, les élections municipales sont de nouveau organisées après plus de trente années d’inexistence. Les mouvements écologistes sont alors relativement déstructurés mais finalement mis en avant lors des campagnes. En effet, ils renforcent la légitimité des élections de conseils municipaux en mettant en avant que l’écologie fait partie de l’avenir des collectivités locales. Par la suite, les municipalités, toutes déchues de leurs compétences, s’inspirent de l’action associative pour tout ce qui concerne les services de ramassage des ordures, de reboisement, de réfections des égouts et canalisations, la pollution et même le tourisme. « Les municipalités apparaissent comme les héritières des associations écologiques au niveau de la prise en charge de ces services » (E. Le Bris, p.177). La « concurrence » entre les acteurs municipaux et associatifs se traduit par des négociations des rôles de chacun faisant apparaître une forme nouvelle de gestion de l’espace communautaire. Malgré quelques conflits, ce mode de gestion amène les protagonistes municipaux et « écologistes » à trouver des terrains d’entente pour une gestion collective de l’environnement.

Afin d’améliorer sa situation difficile et ses problèmes chroniques, le Liban entreprend des coopérations décentralisées en plus des démarches opérées par le gouvernement libanais grâce aux grands bailleurs de fonds. Ne pouvant plus faire face aux difficultés, la plupart des « régions » libanaises sont demandeuses d’aides de la part des pays étrangers.

3. La Coopération Décentralisée

La faible capacité d’action des acteurs locaux est l’un des principaux obstacles au développement local. Or, dans ce domaine, la coopération décentralisée peut apporter un savoir-faire particulier, que ce soit pour renforcer les acteurs décentralisés (municipalités) ou

36 encore les services déconcentrés de l’État lorsqu’ils exercent une compétence spécialisée sur un territoire (ex : Établissements des Eaux ). Depuis plus de dix ans maintenant, des collectivités, notamment françaises, mettent en place de multiples coopérations décentralisées avec le Liban. Certaines sont plutôt centrées sur le renforcement des capacités des services municipaux sur le plan social tel que l’appui à l’insertion sociale (Ville d’Eybens), d’autres construisent des projets de gestion globale et durable des résidus urbains (Lille Métropole), enfin la Région Rhône-Alpes (RRA) et la Communauté d’Agglomération du Grand Lyon se sont engagées dans une coopération décentralisée en appui au secteur de l’eau depuis 1998. Pour soutenir la réforme du secteur de l’eau engagée par le gouvernement libanais en 2000, le Ministère des Affaires Etrangères français (MAE) a signé une convention avec le Ministère de l’Eau et de l’Energie libanais. Par cette dernière, le France procure une assistance technique financée sur le Fond de Solidarité Prioritaire (FSP).

3.1 La coopération menée par la Région Rhône-Alpes et la Communauté d’Agglomération du Grand Lyon.

3.1.1 Modalités et origine La Région Rhône-Alpes (RRA) et la Communauté d’Agglomération du Grand Lyon se sont engagées dans une coopération décentralisée en appui au secteur de l’eau depuis 1998. Elle a pour finalité l’appui au renforcement des capacités du secteur public de l’eau du Liban. Pendant les premières années cette coopération avait pour priorité de venir en appui à l’Office des Eaux de Beyrouth (OEB) sur un projet de gestion de la principale source qui alimente la capitale. Depuis le début de cette coopération, les thématiques ont évolué ce qui implique que la Région Rhône-Alpes et le Grand Lyon ont multiplié et diversifié leurs activités et leurs champs d’action. Contenus sur le territoire Beyrouthin à leurs débuts, la RRA et le Grand Lyon ont signés de multiples conventions avec d’autres Offices des Eaux et collectivités territoriales notamment au Liban Nord. Les échanges d'informations et la concertation entre les différents acteurs d'un même territoire, démarche indispensable au développement local, ne sont que très peu pratiqués au Liban, pays encore très centralisé. C’est pourquoi la RRA et le Grand Lyon ont contribué à mettre en place, au Liban Nord, un Comité de concertation locale rassemblant : l’Établissement des Eaux, certaines municipalités, des universités et des représentants de l’État (MEE et CDR). C’est sur fond de concertation et échanges d’expériences que vont être édictées les priorités d’action.

37 Les collectivités françaises mènent chacune leur coopération de manière indépendante, mais afin d’optimiser leurs démarches, elles affirment la volonté de rechercher l’efficacité au travers de la complémentarité des champs de compétences de chaque type de collectivité française (loi de 92) et de poursuivre les échanges d’informations et de méthodologies avec les autres collectivités impliquées au Liban.

Dans ce texte nous nous concentrerons sur l’un des thèmes de la coopération décentralisée menée par la RRA au Liban Nord bien qu’il s’inscrive au sein d’un vaste programme d’appui au service public de l’eau. Ce programme est subdivisé en plusieurs parties toutes inter reliées entre elles et dépendante l’une de l’autre.

En 2005, la RRA et l’Etablissement des Eaux du Liban Nord (EELN) ont signé officiellement une convention les reliant et ont défini le cadre de cette coopération.

Elle est composée de deux projets "structurants" : - Appui à la mise en place d'un Comité Régional de Concertation (CRC), aux fins de faciliter la circulation de l'information entre les niveaux nationaux, régionaux et entre les différents acteurs. - Appui à la mise en place d'un système d'information, en complément avec celui qui existe déjà au sein de la Communauté urbaine de Faya.

De projets sectoriels "applicatifs" : - Appui à l'émergence d'un organe représentatif des usagers du service public de l'eau.

- Appui au développement la région du Akkar, sur le "modèle" d'un parc naturel régional.

- Appui à la gestion de la rivière Kadisha, sur le modèle d'un Contrat de Rivière (CR).

- Appui à l'insertion professionnelle, notamment sur la municipalité de Beddaoui

Et d’un projet en phase d'émergence, avec la Fédération de communes de Koura qui a récemment intégré le cadre de coopération régional, et qui est en phase de recherche d'idée de projets.

38 Parmi tous ces projets, le thème qui nous concerne est l’appui à la gestion de la rivière Kadisha, sur le modèle d'un « Contrat de Rivière » que nous expliciterons par la suite.

3.1.2 Les « accompagnateurs » de la coopération Afin d’asseoir, de suivre et d’animer sa coopération décentralisée au Liban, la RRA a recours à l’association CORAIL (COdéveloppement Rhône Alpes InternationaL). Cette dernière a pour vocation l’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage et au management de projets de développement durable dans les pays du Sud sur les problématiques d’aménagement du territoire (eau, environnement, infrastructures, urbanisme…).

¾ CORAIL Considérée comme une structure d’appui aux acteurs du développement durable, CORAIL est une association Loi 1901 fondée en 1999 dans le but de participer au renforcement des capacités des services publics. Ceci consiste en l’accompagnement dans la conception de projets depuis la phase d’émergence à l’aboutissement dans une optique d’autonomisation des requérants. L’association est dotée d’une longue expérience dans la gestion des réformes institutionnelles dans le domaine de l’eau sur le pourtour Méditerranéen. Les principes de fonctionnement de CORAIL s’appuient tout d’abord sur une démarche inductive, c'est-à-dire que l’association répond à un besoin formulé par les acteurs locaux. Son rôle est d’apporter un soutien pour le renforcement des capacités des acteurs publics et privés du pays qui l’a mobilisé pour un projet. Contrairement à la pratique des grandes institutions telles que les Nations Unies (U.N), cet Organisme de Solidarité Internationale (OSI) intervient selon le principe de « down top », du bas vers le haut. Autrement dit, CORAIL réfléchit avec les acteurs locaux aux réponses potentielles à apporter aux problèmes sans jamais imposer des idées allochtones. Cet OSI coordonne donc la coopération décentralisée initiée par la Région Rhône Alpes. Avec l’aide de ses représentants permanents répartis dans les différents pays, il mène les projets de coopération décentralisée en rapprochant les acteurs publics et privés de la Région Rhône-Alpes et de la Communauté d’Agglomération du Grand Lyon avec les acteurs homologues des pays demandeurs. Les pays demandeurs accèdent alors une aide au renforcement des capacités de leurs secteurs public et privé selon un échange d’expériences avec les secteurs Rhône Alpins. CORAIL coordonne tous ces projets de coopération, elle relie tous les acteurs sur place au Liban, l’objectif étant de mettre en place avec les locaux des projets « solides » permettant favoriser l’autonomisation des structures par un échange d’expériences dans un premier temps et de solliciter des fonds auprès des bailleurs de fond dans un second temps.

39 Dans la démarche de CR, décrite plus loin, qui a débutée au début de l’année 2006, CORAIL organise des ateliers de travail à intervalles réguliers réunissant tous les acteurs concernés. Des restitutions des travaux préalables sont effectuées, des réactions sont alors discutées et des recherches de solutions sont entreprises. Entre chaque atelier de travail les partenaires travaillent selon les directives déterminées ensemble afin de passer aux étapes suivantes lors des restitutions successives.

¾ Agence de l’Eau RM&C Depuis la loi sur la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l’eau dans les domaines de l’alimentation en eau et de l’assainissement, les agences de l’eau ont la possibilité de développer des partenariats à l’international. C’est pourquoi, l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée et Corse (AE RM&C) a intégré les projets de gestion de l’eau sur le territoire libanais afin de faire part de son expérience fiable et reconnue. L’appui que fournira l’Agence de l’Eau RM & C au secteur de l’eau sur le Liban Nord, sera focalisé sur « l’assistance/conseil » au développement de l’opération d’appui à la concertation pour la protection et le partage des eaux de la rivière Kadisha. C’est elle qui guide et donne les orientations pour la mise en application du projet. Depuis la création du concept de CR il y a vingt ans, l’AE RM&C élabore des projets de bassin en France. C’est elle qui est la mieux placée et la plus performante pour décider des choix et des priorités d’action lors de l’élaboration d’un CR. Elle conseille et définit les étapes à suivre par les municipalités de la fédération qui seront accompagnées par CORAIL sur le terrain.

Ces participations étrangères sont légitimes à partir du moment où elles se contentent d’apporter un soutien technique aux acteurs locaux déjà actifs. Cependant, ils sont nombreux et la multiplicité des acteurs qui entrent en compte dans le système libanais, autant en terme de quantité qu’en terme de diversité, apparaît à priori comme un frein dans l’aboutissement des projets. Les oppositions politiques et les enjeux de pouvoir entre les administrations locales et celles centrales sont très présents et contraignants.

Dans le cas de la Kadisha, un acteur imposant joue un rôle incontournable. L’Ordre Maronite, principal propriétaire terrien, possède toute la vallée que les villages surplombent et polluent. Impliqué d’une manière très importante dans le classement de sa vallée, l’Ordre Maronite, à tout intérêt à la protéger. Or les nuisances proviennent en majeure partie des villages alentours plus que des touristes qui viennent visiter les couvents et ermitages.

40 C’est pour cette raison qu’il espère voir des changements rapides. Le poids politique que représente cet acteur, surtout au sein du « Comité de Protection de la Kadisha »4, oblige son intégration totale dans le processus de Contrat de Rivière. L’une des idées maîtresses du CR étant de générer du développement, principalement grâce au tourisme dans la cas de la Kadisha, il y aura de rudes négociations avec l’Ordre Maronite qui à plutôt des idées orientées vers la conservation de la vallée. Conservation qu’il associe plus particulièrement à l’idée d’interdiction de la fréquentation de la vallée.

3.2 La problématique Kadisha Alors que le président de l’EELN a signé en 2005 une convention de coopération avec la RRA, la deuxième conférence de Tripoli de janvier 2006 a permis d’éclaircir les préoccupations et les insatisfactions des municipalités en particulier en terme d’eau et d’assainissement.

Les principales revendications portaient sur :

- le développement de l’assainissement, y compris au sein des petites Municipalités ;

- la protection et la valorisation des ressources en eau du Liban Nord ;

- l’instauration d’un dialogue entre les usagers et le service public de l’eau.

Afin de traiter la seconde requête, le choix était alors de mettre en place un projet de gestion de l’eau s’inspirant du « Contrat de Rivière » sur le bassin versant du Nahr5 Abou Ali, principal fleuve de la région Nord.

3.2.1 Approche du problème Lors de cette conférence, le président de la municipalités de Bcharré (village le plus reculé et le plus haut du bassin versant) à sollicité l’attention pour expliquer que régler le problème de la pollution de l’eau sur le bas du bassin versant ne servirait à rien si l’on ne commençait pas par endiguer les problèmes de l’amont. Effectivement, après une visite de la délégation française dans le Caza de Bcharré, l’évidence de prioriser une action dans cette région faisait l’unanimité. La décision prise alors

4 Ce comité réélu il y a dix mois est composé de 3 Maires du Caza de Zghorta, 5 Maires du Caza de Bcharré, le Patriarcat, 2 prêtres locaux et de 4 ingénieurs de qualifications différentes. 5 Equivalent du fleuve

41 était de démarrer un projet « pilote » d’une démarche s’apparentant au Contrat de Rivière sur cette partie amont du bassin versant du Nahr Abou Ali.

Carte 3 : Bassin versant de la Kadisha (Source : FUSAGx)

Le constat sur place est clair, la pollution est « omniprésente » et tous les habitants en subissent les conséquences. Ces atteintes au cadre de vie influent sur tout un système économique. La grande quantité de détritus jetés à terre, les engrais et les eaux usées rejetées sans traitement, polluent l’eau et le paysage. Le résultat en est alors que les populations locales détruisent le potentiel touristique, altèrent leur productivité agricole et mettent leur vie danger. Tout ce « problème » ne relève pas, bien entendu, d’un comportement désinvolte, il est certes lié à un manque de financements et un manque de conscience « environnementale », mais il est surtout fortement entretenu par l’inexistence de concertation entre les divers protagonistes locaux.

La force du projet de Contrat de Rivière provient de la méthode de concertation et de communication sur laquelle il se base. C’est cette approche que CORAIL entend bien soutenir et développer avec les municipalités de la région. Par le travail de concertation sur un thème commun « indiscutable » et incontestable, en l’occurrence l’eau, il est possible dans le temps de générer une dynamique autonome de concertation entre les acteurs pour tout nouveaux

42 projets touchant à l’eau puis peut-être à d’autres secteurs. L’objectif est donc bien de promouvoir le concept de concertation autour du consensus afin qu’il devienne à terme une habitude commune à tous les « utilisateurs » d’un même cours d’eau. Dès lors, l’EELN, principal acteur demandeur et initiateur du projet, et les municipalités sont maintenant les partenaires et interlocuteurs clés de CORAIL pour l’aboutissement de cette démarche.

Les protagonistes français et libanais veulent chercher, dans une finalité commune, à contribuer au fait que les populations du Caza disposent durablement d’une eau potable de qualité et en quantité suffisante, à contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des populations du Caza et pour cela au développement économique de la vallée, à préserver et valoriser cette vallée connue dans le monde entier pour son patrimoine historique et religieux.

Bien qu’elle paraisse simple et directement applicable, cette démarche importée regorge de subtilités et doit être adaptée au contexte local et aux contraintes très souvent dissuasives.

3.2.2 Freins au projet Ils sont principalement d’ordre administratif, ils sont beaucoup d’ordre économique et assurément d’ordre relationnel.

Sur le plan économique, il est évident qu’à l’échelle du Liban en général et du Nord Liban en particulier, les financements manquent. Mais dans un projet d’ampleur quel qu’il soit, les financements sont souvent une des dernières choses à laquelle il faut penser. Un projet bien « ficelé » et la démonstration de la motivation des instigateurs sont généralement les clés pour obtenir, finalement, des financements de la part des bailleurs de fonds. Malgré tout, il faut bien admettre qu’en terme économique, l’EELN ne peut honorer facilement ses objectifs et qu’il arrive juste à maintenir l’état actuel des choses. A cela s’ajoute des complications administratives, l’impossibilité de recruter du personnel oblige l’EELN à fonctionner avec moins de cinq employés pour un territoire correspondant au quart du Liban.

Dans la Kadisha, les difficultés de mise en place de projets résulteraient dans les multiples « petits » conflits entre les présidents de municipalités. Le Caza de Bcharré compte pourtant seulement onze villages dotés de municipalités et donc de onze présidents. Les onze autres villages, plus petits, sont sous la tutelle des municipalités les plus proches. Le rassemblement en une Fédération de Municipalités, il y a un peu plus de deux ans, va dans le sens du partage et de la planification commune des projets. Mais de l’aveu du Président de la Fédération des Municipalités du Caza de Bcharré, Mr. Naufel C., « il faut faire trois pas en arrière avant de pouvoir en faire un vers l’avant ». Ceci pour des raisons internes de jeux de pouvoirs mais aussi et surtout à cause du contrôle trop lourd et trop lent de l’administration

43 centrale qui bloque tout sans raison toujours valable. Le président admet être ravi de sa double réélection à l’unanimité mais laisse paraître son désarroi quant à la liberté trop restreinte qui lui est offerte et qui limite l’anticipation et la fluidité dans la gestion du territoire (L’administration est très méfiante à cause des dérives trop fréquemment observées lorsque la totale liberté était donnée à certains individus).

La seconde difficulté que l’on doit prendre en compte, c’est la multitude d’acteurs présents sur un territoire aussi restreint (élus, comités de l’environnement, ordre maronite…). La vallée appartient à l’Ordre Maronite et le pourtour est parsemé de villages. L’interrelation qui existe entre ces entités, notamment en terme de tourisme, de qualité des eaux et de pollution, impose des rapports entre le Patriarcat et les municipalités. Or, la classification par l’UNESCO6 en 1998 à l’initiative du Patriarcat a crée des relations incendiaires avec les municipalités. Aujourd’hui encore les tensions sont vives et constituent une réelle contrainte pour l’évolution du projet de gestion de l’eau. D’autant plus que chacun reste campé sur ses positions et ne semble pas être réellement en mesure d’entamer calmement des discussions constructives. Notons cependant que les municipalités et le patriarcat sont les membres principaux du comité de protection de la vallée.

Enfin, il y a aussi des freins que l’on pourrait considérer comme étant issus du comportement et des perceptions individuels libanais. La caractéristique libanaise est que les individus n’ont pas une conscience soutenue de l’intérêt collectif. En ce sens que chacun tente de satisfaire ses besoins, certes vitaux, indépendamment des interférences et des impacts que cette satisfaction personnelle peut engendrer sur les autres. Dans la Kadisha, l’exemple des rejets de déchets solides dans la rivière et qui affectent beaucoup les exploitants d’hydroélectricité est éloquent. L’agissement n’est certainement pas fait par malveillance intentionnelle mais plutôt par ignorance des impacts d’un tel geste. Cette attitude s’explique, ou du moins est souvent expliquée, comme étant le résultat de l’inaptitude du peuple libanais à se projeter dans l’avenir et que donc il ne se pose pas de question sur les conséquences de ses actes sur le futur (sur le plan environnemental). En effet, beaucoup disent vivre au jour le jour « car demain une nouvelle guerre peut éclater, on ne sais jamais ». À cela, s’ajoute que les jeunes ont le « rêve » de l’occident en tête. Souvent, ils espèrent finir rapidement leurs études et partir à l’étranger. Peut-être est-ce une raison du manque d’attention qu’ils portent à leur pays. Il existe cependant des personnes adorant leur terre, dans la Kadisha tout au moins, qui croient en un avenir prospère pour le Liban. Ces personnes donnent beaucoup pour faire évoluer cette lueur d’espoir et attendent énormément du projet de Contrat de Rivière.

6 Cf. § 3.3.1

44

3.3 Le Contrat de Rivière C’est dans un but de protection de la richesse culturelle, patrimoniale et environnementale que la vallée de la Kadisha s’est vue décerner le titre de Patrimoine de l’Humanité. Cette démarche ne faisant pas l’unanimité il a fallu définir un projet, en l’occurrence un « Contrat de Rivière », susceptible de rallier et satisfaire tout le monde.

3.3.1 Le projet UNESCO Sous l’impulsion de l’église Maronite, principal propriétaire des terres de la Kadisha, cette vallée a fait l’objet d’une « classification au patrimoine de l’humanité » en 1998. La démarche commanditée par l’UNESCO, réalisée par des cabinets internationaux, débouche sur un « Plan d’Aménagement Régional (PAR) » à l’élaboration duquel les Municipalités n’ont jamais été associées. Ces dernières s’opposent aujourd’hui avec véhémence à ce plan, lui reprochant de vouloir « mettre la vallée sous cloche » entravant les aspirations légitimes des habitants à un redémarrage du développement économique local. Les habitants sont très attachés à leur vallée, le classement du site comme Patrimoine Mondial de l’Humanité est souvent perçu comme une atteinte à leur intimité et un risque d’ingérence dans la gestion de leur propriété privée. Mais les autorités locales semblent mal informées quant aux potentialités et aux responsabilités sous jacentes à cette reconnaissance. Ceci est souvent dû à l’ignorance de l’importance et de l’intérêt d’un tel classement. Les différentes réglementations imposées par ce classement, sont souvent ressenties comme des contraintes et non pas comme des opportunités de développement. A ceci vient s’ajouter l’insatisfaction causée par certains interdits non compensés comme les restrictions du droit à la construction. C’est par ailleurs la raison pour laquelle les présidents des onze Municipalités du Caza de Bcharré ont financé un contre plan d’« urbanisme» au plan proposé par la Direction Générale de l’Urbanisme en 2003.

Cependant et malgré la reconnaissance du site et son classement dans la liste mondiale du patrimoine de l’UNESCO, aucune action concrète n’a été entreprise pour la protection ou la conservation du lieu. Cette inscription n’apporte pas de protection supplémentaire par rapport aux dispositions prises par la réglementation libanaise. Elle a cependant valeur d’engagement moral et d’incitation à conduire des programmes de mise en valeur. La vallée de la Kadisha et la forêt des Cèdres qui la surplombe sont les deux derniers des six sites libanais qui ont été inscrits à la liste du patrimoine mondial culturel et naturel tenue par l’UNESCO : - Aanjar, ville arabe de l’époque des Omeyyades, inscrite en 1984. - Baalbek, ensemble majeur de la civilisation romaine, inscrit en 1984. - Byblos, une des plus anciennes cités encore habitées dans le monde, inscrite en 1984

45 - Tyr, ancienne ville phénicienne, inscrite en 1984. - La vallée de la Kadisha, espace de concentration de lieux de culte et refuge de nombreuses communautés, inscrite en 1998. - La Cédraie de Dieu, citée dans les livres saints, ancien lieu de pèlerinage, témoin de la couverture du Liban par les cèdres, inscrite en 1998.

Cette inscription entraîne des obligations de préservation et de mise en valeur. Certains des sites classés sont effectivement protégés et valorisés tels que les ruines de Baalbek ou la ville de Byblos d’autres sont laissés quasiment à l’abandon, c’est le cas de la Vallée de la Kadisha… Le classement au patrimoine est un titre qui peut être remis en cause en cas de non-respect de la Convention passée avec l’UNESCO. Cette dernière menace effectivement les municipalités de la Kadisha de revoir ce classement si la pollution (déchets solides et rejets des eaux usées) et les constructions n’étaient pas stoppées rapidement. Cette vallée classée au patrimoine mondial de l’humanité depuis 1998 pour ses ressources patrimoniales et paysagères requiert une attention particulière notamment pour garder ce statut qui est un atout pour le développement économique de ce site. Les préventions et protection préconisées par l’UNESCO sont rarement établies ni respectées. La vallée de la Kadisha a tous les atouts favorables à un avenir prospère mais le manque de conscience entraîne des résultats inverses. La volonté des municipalités de la vallée de profiter de ce classement pour en faire un levier du développement local est contrée par les instigateurs du classement, l’ordre Maronite, qui espère non pas l’effet inverse mais éviter la fréquentation du site. Il est donc urgent de trouver des solutions qui pourraient mettre tout le monde d’accord.

Compte tenu du contexte conflictuel généré par la démarche de l’UNESCO, il nous a semblé nécessaire d’aborder la problématique du développement local de cette vallée au travers d’une approche aussi objective et consensuelle que possible : à savoir la nécessité de contribuer à la préservation environnementale de cette vallée et notamment à la préservation de ses ressources en eau, nécessité reconnue par tous les acteurs ! La stratégie proposée était donc de développer une opération d’appui à la mise en place de dispositions nécessaires à la protection de l’environnement et des ressources en eau de la vallée, opération s’inspirant de la démarche française intitulée « Contrat de Rivière ».

3.3.2 Le Contrat de Rivière : rassembler les acteurs autour des problématiques de l’or bleu Démarche contractuelle à l'échelle locale, la procédure tire sa force de sa capacité à constituer un lieu de débat entre l'ensemble des acteurs du milieu aquatique et à en animer la réflexion pour aboutir à des objectifs partagés. Mais si la définition des objectifs est essentielle,

46 la mise en place des modalités de fonctionnement propre pour assurer la réalisation l'est tout autant. Il convient également de bien communiquer sur la gestion de la ressource pour mieux sensibiliser l'ensemble des usagers à cette nécessité.

Le Contrat de Rivière est une démarche constitutive de l'aménagement d'un territoire, il suppose donc un portage politique fort et une animation technique efficace afin de garantir que les actions mises en œuvre et les objectifs poursuivis trouvent un écho dans l'ensemble des politiques des collectivités actrices de développement sur le bassin considéré. La question de l'organisation intercommunale n'est pas neutre et elle constitue souvent un obstacle et une démarche conflictuelle pendant des délais plus ou moins longs. La répartition des compétences entre les structures existantes et le choix de l'organisation à adopter pour animer le contrat sont donc déterminants. La démarche "Contrat de Rivière" est avant tout une démarche ascendante, il appartient aux acteurs locaux et en particulier aux élus de définir les objectifs poursuivis et les moyens de les atteindre (en particulier le mode d'organisation le plus adapté au contexte local). La démarche de gestion de l’eau à l’échelle du bassin versant préconisée depuis plusieurs années au Liban par les bailleurs de fonds, la Banque Mondiale en particulier, se concrétise par une proposition d’adaptation ou au moins d’inspiration de la démarche française de « Contrat de Rivière » au contexte libanais. Cette démarche a fait ses preuves en France depuis plus de vingt ans au point qu’elle est devenue une directive cadre pour l’ensemble de l’Europe. C’est sur les principes de la participation et de la concertation sur une superficie délimitée que cette philosophie fait l’unanimité.

Par cette méthode tous les acteurs concernés par l’eau, gestionnaires et pollueurs, sont mobilisés afin d’opter pour une démarche commune de protection et de gestion de l’eau et donc des pollutions qui l’affectent. En fin de compte tous les acteurs, du Ministère de l’Eau et de l’Energie aux usagers, sont concernés et sollicités. Le Contrat de Rivière se défini comme l’outil de gestion concertée de l’eau entre tous les acteurs, c’est un outil territorial de gestion de l’eau et de programmation des actions sur une période donnée. Afin de débuter une telle démarche, le principe est de trouver des élus déterminés et une structure porteuse fédératrice d’un bassin versant. La suite est basée sur la mobilisation et la concertation de tous les acteurs locaux, élus, usagers, industriels, agriculteurs sur un projet commun, la protection de l’eau. La difficulté réside dans l’adaptation du processus de Contrat de Rivière à un pays comme le Liban car il n’a pas de réelle expérience en la matière et il est surtout ralenti par de grandes lacunes en terme de communication et de coopération entre les instances locales et centrales. Il en résulte que le travail de la part du Liban doit s’orienter vers la prise de conscience de l’intérêt collectif au dépend de celui individuel. Par conséquent, la question fondamentale réside dans la méthode à adopter pour faire évoluer une attitude confortée par trente années de

47 guerre. La gestion de l’eau basée sur le concept du bassin versant est une des adaptions à entreprendre mais elle n’est pas sans difficultés. Avant de mesurer toutes les contraintes, il est nécessaire de s’approprier la notion de bassin versant.

3.3.3 Le bassin versant Dans son acception « occidentale», la gestion de l’eau s’applique à l’échelle de bassins versants, cette notion est appliquée aux eaux de surface. Dans ce cas, la définition d’un bassin versant désigne le territoire, délimité par les lignes de partage des eaux, sur lequel les eaux s’écoulent toutes vers un même point appelé exutoire. Mais le bassin versant comprend également les activités naturelles et anthropiques qui s’y passent. En ce sens, les sols, la végétation, les animaux et les êtres humains font partie d’un bassin versant. Ce dernier remplit des fonctions à la fois hydrologiques, écologiques, sociologiques, économiques et touristiques. Or, tel que nous l’avons montré dans le paragraphe (§ 1.2.2.3), les logiques communautaires et politiques vont difficilement en faveur de cette notion de bassin versant d’autant plus que le peuple libanais a des difficultés à prendre en compte l’intérêt collectif. L’exemple de l’opération dont il est question dans ce texte et qui porte sur la seule vallée de la Kadisha est éloquent. Cette vallée bien individualisée constitue, à elle seule, un grand sous bassin versant contenant 25 villages.

Photo 4 : Amont de la vallée de la Kadisha

Près des trois quarts de ces villages appartiennent au Caza de Bcharré (17 villages et 1 station de villégiature) :

- Les Cèdres (station de villégiature) - Hadath el Jobbé - Bcharré - Qhaiouer - Bekaa Kafra - Beit Menzer - Bqerqacha - Tourza - Bazaoun - Ouadi Qannoubine

48 - Hasroun - Bane - Kfarsaroun - - El -Brissat - - Haret el Qam

Les autres font parties des Cazas de Koura à l’Est (Kousba et Rechdibbine) et de Zghorta au Nord (Karm Saddé, Seraal, Aarbet Qozhaiya, Edhen, Aintourine, Kfar Sqhab). Ces trois Cazas limitrophes ont donc des limites administratives sur un même bassin ou sous bassin versant mais ils sont aussi et surtout de confessions et de bords politiques différents. Et ce bassin ne fait que 35 km² de superficie. Les divergences s’en ressentent déjà mais lorsqu’il faudra intégrer les populations du bassin versant dans sa globalité, ce seront musulmans, chrétiens maronites ou encore grecs orthodoxes qui décideront des objectifs communs en terme de gestion d’eau. Effectivement, cette vallée ne constitue pas la totalité du bassin versant de la rivière Kadisha. La rivière devient le Nahr Abou Ali à l’aval. Il est en réalité le fleuve principal de la région et du bassin versant. Pour cette raison on devrait parler du bassin versant du Nahr Abou Ali, qui est bien plus conséquent et porteur de sources de pollutions d’autant plus diverses et volumineuses qu’elles proviennent de multiples activités (station de villégiature, cultures maraîchères, industries alimentaires, industries du bois et du papier, production d’huile…). A cela s’ajoute une forte population (principalement dans la plaine) qui utilise des réseaux et des traitements d’eaux usées défectueux voir inexistants.

Compte tenu de la superficie du bassin versant du Nahr Abou Ali (env. 400km²) et du « poids » des populations (>60 000 hab. sans compter Tripoli), il était nécessaire dans un premier temps de le subdiviser en aux moins deux entités, le bassin versant de la rivière Kadisha et la plaine de Tripoli et ses alentours. De cette manière on peut obtenir une meilleure lisibilité du terrain. La vallée de la Kadisha n’est que la principale partie amont de ce bassin mais pour des facilités d’action nous avons décidé, sur préconisation du président de l’EELN, prendre la vallée comme projet pilote. Ce projet sera en suite étendu sur la partie aval puis à tout le Liban s’il fait ses preuves (il durera quatre ans minimum sur la Kadisha).

Dans le contexte de la Kadisha, la gestion concertée de l’eau doit forcement passer par la coopération des acteurs principaux que sont les Municipalités du Caza de Bcharré, l’EELN, les ministères concernés (MEE et ME), Electricité Du Liban et le Patriarcat Maronite. Viennent ensuite les associations de protections de l’environnement, les agriculteurs et les usagers. Les

49 principaux problèmes auxquels doivent s’attacher les acteurs pour une gestion plus rationnelle de l’eau sont l’absence d’infrastructures de collecte et de traitement des eaux usées et des déchets solides domestiques. La méthode de contrat de rivière serait peut-être une solution pour pallier à tous ces problèmes, encore faut-il avoir toutes les cartes en mains pour pouvoir optimiser cette option. Pour cela il faut procéder par étapes successives régulièrement réajustées suivant le contexte ainsi que les possibilités et compétences offertes par les protagonistes libanais. Les étapes à suivre débutent par un état des lieux exhaustif du bassin versant pour pouvoir ensuite définir les problématiques. On définit alors les objectifs et les ordres de priorité puis les coûts que leur réalisation engendrerait. La recherche de la structure porteuse et le choix d’un « chargé de mission » sont les étapes suivantes pour rendre opérationnel le calendrier des actions à entreprendre.

A l’origine du projet, l’Agence de l’Eau a définie les phases successives de développement de l’approche susceptible de conduire à un « Contrat de rivière » ou à un « S.A.G.E.

Les phases de travail successives suivantes ont été recommandées par l’Agence :

1- Réaliser un travail préliminaire de recueil de données (voir liste non exhaustive ci-dessous) ; 2- Rencontrer les différents « acteurs » pour réunir le « groupe initial de travail » 3- Constituer un « Comité restreint » composé des acteurs « leaders » 4- Avec ce Comité restreint : ¾ Travailler à la définition de la problématique ; ¾ Travailler à la définition de la démarche ; ¾ Travailler à la définition du périmètre concerné. 5- Elaborer le « Dossier Sommaire de candidature » (voir ci-dessous la liste des points à aborder dans ce dossier) 6- Sur la base de ce dossier, constitution du « Comité de bassin »

Afin d’honorer l’étape numéro un de la démarche de Contrat de Rivière nous avons procédé à l’élaboration d’un état des lieux7 qui met en évidence les caractéristiques de la vallée, toutes les atteintes à la ressource eau et les aspects institutionnels qui régissent le domaine de l’eau. Cette première étape fut retranscrite lors du premier atelier de travail (16 Mai 2006)8 organisé

7 Cf. § 4.2 8 Cf. Annexe 1 (Discours d’introduction du président de l’EELN pour cet atelier)

50 pour établir les bases du projet et son déroulement entre l’EELN, CORAIL et les municipalités, premières entités concernées.

Photo 5 : Atelier de travail du 16 Mai 2006 à Bcharré

Elle a aussi permis de solliciter l’attention sur le besoin impérieux de déterminer une structure porteuse du projet et de rechercher un chargé de mission.

3.3.4 Structure porteuse et chargé de mission Pour être cohérent, pérenne et efficace dans le temps, le projet de Contrat de Rivière requiert forcement un cadre structurant et un moteur (ou coordonnateur) qui suit le projet continuellement

¾ La structure porteuse Elle est une entité administrative capable de porter le projet de Contrat de Rivière d’une manière efficace, de le représenter avec vigueur et de lui donner tous les moyens d’aboutir. Le Contrat de Rivière est une démarche commune à tous les utilisateurs de l’eau sur un même bassin versant, il concerne donc toutes les municipalités qui y sont contenues. La complexité du choix de la structure relève d’une question de choix d’échelle. La préoccupation étant de satisfaire le maximum d’individus d’un même bassin versant, il semble naturel de solliciter la structure porteuse dont l’influence recouvre la plus grande superficie possible. Cependant, la gestion d’une « région » trop grande est difficile à honorer au regard de l’accroissement et de la multiplication des problèmes d’ordres physiques, techniques, administratif et confessionnels dans le cas du Liban. Ainsi, les instances locales sont à privilégier, elles connaissent parfaitement les difficultés qui les freinent dans leur développement et sont, avec des financements, les acteurs les plus pertinents pour agir sur le territoire.

Le projet pilote de Contrat de Rivière sur la Kadisha incite finalement à solliciter le soutien de la Fédération des Municipalités du Caza de Bcharré, non seulement pour des questions

51 d’échelle mais surtout parce que la Fédération constitue la totalité ou presque du sous bassin versant décrit plus haut.

¾ Le chargé de mission Sans un chargé de mission, le projet n’est rien. Après avoir posé les premiers jalons de la démarche, après avoir réglé certains aspects administratifs et rendue intelligible le CR, il faut passer à l’action. Pour cela, le recrutement et la formation d’une personne qui mènera le projet de bout en bout doivent être entrepris avec soin et discernement. Le chargé de mission réalise le projet de Contrat de Rivière. Il a un rôle de coordination, de gestion et de suivi des études et des actions inscrites au contrat, de communication sur ces actions et d’animation du contrat. Après la réalisation du projet, il veille au respect des objectifs du contrat et en assure le bon fonctionnement. Il est l’interlocuteur pour tout projet sur le périmètre défini dans le contrat.

Pour ce faire, il doit satisfaire plusieurs champs d’activités : Animation : relation avec les différents acteurs concernés - relais entre tous les acteurs de son terrain d’intervention, - assurer la dynamique du CR, - faciliter la concertation entre les partenaires, - conseiller les élus et les riverains

Coordination, gestion et suivi des études et des actions du contrat : - recenser les études existantes participant à la mise œuvre du CR, - rédiger les cahiers des charges et suivre les études nécessaires à l’élaboration du contrat définitif, - coordonner et contrôler techniquement ces études, - suivre la réalisation des travaux en s’assurant de leur cohérence avec le contrat, - assurer le suivi administratif (dossier bilan et programmations annuels) et financier, - suivre les demandes de subventions.

Communication : - mettre en œuvre le plan de communication, - participer, organiser et animer l’information (élus, scolaires, population…).

Pour mener à bien toutes les préconisations précédentes, le chargé de mission doit répondre à plusieurs compétences tant en terme de management et communication qu’en terme

52 de connaissances techniques transversales (à définir pour le cas du Liban) et de connaissances techniques spécifiques aux milieux aquatiques (lois sur l’eau, écosystèmes, acteurs de l’eau…).

4. Le stagiaire, un acteur intermédiaire dans une mission de coopération décentralisée.

4.1 Mission (axes, objectifs, actions menées, calendrier) Afin d’élargir son potentiel et sa précision d’action sur le terrain, CORAIL mobilise des stagiaires sur place. La mission officielle préliminaire qui était préconisée dans l’opération de « Contrat de Rivière » sur le bassin de la Kadisha était:

- de réaliser un inventaire des données, études et projets d’aménagement relatifs à cette vallée;

- de faire l’inventaire des différents acteurs locaux directement ou indirectement impliqués dans les problématiques de protection de l’environnement de cette vallée;

- d’organiser une première « opération médiatique » de ramassage des déchets solides jonchant et défigurant la vallée;

- de concevoir et mettre en place une organisation sur laquelle nous pourrions nous appuyer pour développer des campagnes de sensibilisation scolaires à la préservation de la nature en général et de l’environnement de la vallée en particulier.

La mission du stagiaire dans une mission telle qu’elle apparaît ici a deux composantes. La première relève d’une démarche officielle de recueil de données basées sur des chiffres, des réalités et des faits tangibles et observables. Elle se caractérise aussi, sur le plan opérationnel, de quelques actions ponctuelles nécessaires à la poursuite du projet de Contrat de Rivière. La seconde est plutôt d’ordre officieux, c’est-à-dire issue de perceptions, d’anecdotes relevées sur le terrain, de l’observation du degré de sensibilité des individus aux questions environnementales, du niveau de motivation à agir sur leur cadre de vie…

Dans un premier temps, la mission nous a amener à parfaire notre connaissance du terrain par une démarche auprès des Ministères (ME et MEE), des Etablissements des Eaux, de professeurs d’hydrogéologie et d’acteurs opérationnels sur la Kadisha ainsi que par la création d’un corpus bibliographique. Dans un second temps, nous avons organisé une journée de

53 ramassage des déchets et démontré l’importance de la sensibilisation auprès des populations. Enfin, les trois mois de totale immersion nous permettent de donner quelques orientations quant à l’attitude à adopter pour poursuivre le Projet de CR.

4.2 La vallée de la Kadisha La zone montagneuse du nord Liban est marquée par des vallées profondes et allongées qui trouvent leur origine près du plus haut sommet du Proche-Orient (Mont Kornet-es-Saouda, Alt.3081m). Connue dans le Caza de Bcharré sous le nom de Ouadi Qannoubine ou de vallée sainte, elle conserve sa renommée internationale sous le nom de « Vallée de la Kadisha ». Véritable canyon, elle est taillée dans le calcaire de la chaîne du Mont-Liban dans sa partie la plus élevée, elle débute à la plus célèbre forêt des Cèdres (Horsh Arz el-Rab) à 1 800m d’altitude, au pied du Mont Al-Makmal (Alt. 2 800m), et débouche à l’Ouest dans la plaine de Tripoli, ville côtière de la façade maritime.

(Coupe topographique Est-Ouest, OMSAR, 2005)

Les premiers Chrétiens Maronites occupèrent la montagne libanaise au milieu du VIIème siècle. La vallée de la Kadisha, refuge séculaire des Maronites au cours des différentes persécutions dont ils ont été régulièrement victimes au cours de l’histoire, recèle un patrimoine historique et religieux très riche, dans un écrin naturel exceptionnel. Elle fut le berceau de la religion Maronite au Liban et fut le principal refuge des populations et religieux au cours des invasions Arabes, Mamelouks et Ottomanes. La grande majorité des terres sont devenues la propriété du patriarcat maronite, de l’ordre libanais Maronite mais aussi de l’ordre Mariamite libanais. Certains villages couronnant la vallée y possèdent également des terrains. Cette vallée constitue aujourd’hui le fief des « Forces Libanaises » inféodées à Samir Geagea, ferme opposant à la Syrie. De ce fait, tout au long de la guerre et jusque récemment, la vallée à été investies par les forces syriennes qui ne se sont effectivement retirées que début 2005, abandonnant un territoire exsangue et déserté.

Avant la guerre, cette vallée était non seulement l’objet d’un tourisme important (tourisme religieux et station de ski), mais également le lieu de résidence estivale de tous les habitants aisés de Tripoli fuyant les fortes chaleurs côtières. Ces deux formes de « tourisme » ont été totalement annihilées par la guerre.

54 4.2.1 Aspects socio-économiques Le Caza de Bcharré est l’entité administrative la plus étendue sur la vallée de la Kadisha. En effet, il couvre plus des 3/4 de la superficie du bassin versant défini plus haut. Il rassemble 22 villages disséminés pour la majeure partie le long des falaises qui délimitent la vallée. La population du Caza est approximativement composée de 20 000 âmes résidentes permanentes et de la même proportion d’habitants vivants à l’étranger. Pendant les périodes estivales, le nombre d’habitants du Caza fait plus que doubler et peut atteindre les 50 000 personnes. Cependant, toute la population ne vit pas sur le bassin versant, six villages (5 000 habitants environ) surplombent le Caza de Koura vers l’Ouest et ne sont donc pas comptabilisés comme appartenant au bassin versant. Ce point sera à éclaircir pour savoir si le Contrat de Rivière s’en tient à la définition stricto sensu du bassin ou si ces villages peuvent être intégrés à la démarche. Dans la vallée et donc sur le bassin versant de la Kadisha s’ajoutent à la population du Caza de Bcharré, les populations des villages du Caza de Zghorta et de Koura. Ainsi, le nombre d’habitants sur tout le bassin versant de la rivière Kadisha atteint facilement les 60 000 individus lors des périodes de vacances notamment celles d’été. Le village de Edhen, l’un des trois plus important du bassin, est très particulier du fait qu’il est une sorte de maison secondaire de la ville de Zghorta située dans la plaine côtière. En clair, le village est déserté pendant la semaine et bondé les week-ends d’été et pendant les vacances. Il en résulte une difficulté d’évaluation du nombre d’habitants au regard du rythme des fluctuations.

La distribution de la population active au sein du Caza de Bcharré peut être divisée en trois groupes, les travailleurs rémunérés (34,1%), ceux non rémunérés en devise (26,5%) et les non travailleurs (enfants, étudiants et chômeurs) qui représentent 39,4% de la population totale. Parmi les 34,1% de la population qui gagne un salaire, on compte 43,5% d’agriculteurs, 37,9% d’employés dans le secteur du tourisme principalement, 11,9% de commerces (55 petit détaillants au total) et enfin 7,3% de personnes qui travaillent « occasionnellement ». L’agriculture représente 60% des activités économiques de la région dont 40% correspondent à la culture de pommes, les manufactures (principalement la literie) constituent 8,9% des activités locales et l’industrie en rapport à la construction équivaut à 31,8% (Sources : JICA).

4.2.2 Le potentiel Kadisha, des bases pour un développement économique prospère La vallée de la Kadisha recèle un potentiel énorme grâce auquel les fondations du développement économique peuvent être confortées. En effet, tous les éléments potentiellement générateurs d’un développement prospère sont déjà présents localement. Le potentiel de la vallée repose essentiellement sur des atouts culturels, paysagers et dans une moindre mesure sur l’agriculture, aujourd’hui trop délaissée.

55

C’est donc pour des activités touristiques que la vallée est intéressante et c’est autour de cela qu’elle s’organise. Du fond de la vallée aux sommets des montagnes la région attire les populations libanaises et étrangères. Parmi les activités culturelles priorisées se distingue la visite des nombreux couvents et ermitages vieux de dix siècles que l’on observe « accrochés » dans des falaises majestueuses. Aujourd’hui quelques uns d’entre eux sont encore habités.

Le tourisme se concentre aussi autour des activités récréatives de montagne aussi bien hivernales qu’estivales. Celles-ci se attirent de plus en plus mais ne constituent pas encore l’attraction prioritaire de la vallée.

Demande touristique dans la vallée de la Kadisha

L’hiver régulièrement très neigeux offre aux amateurs de ski des opportunités dignes des grandes chaînes Alpines. Les infrastructures (remontes pentes) sont certes minimes mais elles sont récentes et en voie de développement. Le site, un cirque grandiose, présente les meilleures conditions imaginables pour l’implantation d’une station d’hiver de grande ampleur. Une étude est en cours pour la réalisation de cette opportunité choquante pour certains mais appréciée par la plupart.

En période estivale, les randonnées sont la principale activité de montagne, les hauts sommets (2300 en moyenne) offrent des panoramas sur la mer à l’Ouest et sur la plaine de la Bekka à l’Est sur fond de limite entre la Syrie et le Liban, la chaîne montagneuse de l’Anti- Liban. Les autres activités de plein air sont le parapente, les randonnées en moto et quatre roues ou encore l’incontournable forêt des Cèdres qui demeure l’attraction far de la vallée, elle concentre les plus vieux Cèdres du monde parfois âgés de 3000 ans. Les amateurs de botanique découvriront, ici, un large panel de fleurs endémiques.

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Vallée de la Kadisha Cirque de la forêt des Cèdres

Col enneigé entre l’Est et l’Ouest du Liban Silene makmeliana

Photo 6

À ces activités touristiques sont associées les nombreux hôtels/restaurants de la station de villégiature, El-Arz, qui jouxte la forêt des Cèdres. Mis à part les deux grands hôtels et les quelques restaurants du village de Bcharré ainsi que la station El-Arz, la vallée ne compte pas beaucoup d’hôtels et restaurants fonctionnant à un régime viable. La proximité avec les villes côtières induit un temps de trajet pour les touristes relativement cours pour rejoindre Bcharré, le village autour duquel se concentrent les attractions touristiques (accès aux ermitages, station de ski, magasin de souvenir). Il y a ainsi, une sous fréquentations des villages qui sont traversés et donc une économie principalement centrée sur Bcharré. Les autres villages sont principalement composés de résidences secondaires.

La difficulté pour le secteur du tourisme de cette vallée relève aussi du fait qu’il n’est pas continu entre les saisons. Le tourisme a lieu pendant les vacances et les week-ends, pour le ski l’hiver et les randonnées l’été, mais entre ces deux saisons il n’y presque pas de touristes. L’enjeu est de diversifier les activités afin d’arriver à attirer les populations tout au long de l’année.

57 Tableau 1 : Estimation de la fréquentation touristique annuelle dans le Caza de Bcharré

Haute saison Basse saison 28 000 7 000 Visiteurs/an (35 000 à 50 000) à à 40 000 10 000

153 38 Visiteurs/jours à à 220 55 380 95 Visiteurs/week-ends à à 540 135 (Sources : JICA) En dehors de ces activités florissantes et parfois trop destructrices depuis une dizaine d’année, la vallée ne concentre que très peu d’activités productives permettant des revenus intéressants. Seule l’activité agricole peut encore générer des revenus honorables pour les travailleurs de la région de Bcharré. Bien que cette vallée soit d’une valeur patrimoniale et paysagère exceptionnelle, les problèmes chroniques du Liban n’en sont pas plus pris en compte pour préserver ce site. D’autant plus que l’éloignement et les oppositions politiques ont accentué le phénomène de délaissement de la part de l’état. Au final, toutes les sources de pollution de l’eau et leurs impacts dans la vallée de la Kadisha sont les mêmes que partout au Liban.

4.2.3 Les caractéristiques de la vallée A l’effigie du Liban, on constate en pénétrant dans la vallée de la Kadisha que toutes les dégradations environnementales et paysagères sont les mêmes que sur la totalité du territoire. Les déchets, les fuites d’eau et les égouts sont gérés, bien ou mal, de la même façon que sur le littoral ou même Beyrouth. La guerre a eu, dans cette vallée très reculée, les mêmes impacts qu’ailleurs.

¾ L’eau Dans la vallée de la Kadisha il est impératif d’associer l’hydrologie et l’hydrogéologie, de considérer les eaux de surface et les eaux souterraines. Le réseau hydrographique est ramifié en Nahrs (cours d’eaux permanents) et Ouadis (cours d’eaux temporaires). Le Nahr Kadisha qui prend sa source à la grotte Kadisha est rejoint par de nombreux affluents (Ouadis en majorité).

58 Tous ces affluents se caractérisent par un débit relativement soutenu, lié semble t-il à la fonte des neiges, mais en période d’étiage la majorité finissent par s’assécher. La région Karstique implique, comme presque partout au Liban, une infiltration des eaux qui ressortent dans le fond de la vallée privant d’eau les villages qui n’ont pu capter les sources d’altitude (les villages se situent pour la majorité entre 1400m et 1500m d’alt.). En effet, ces infiltrations réapparaissent souvent à des hauteurs des niveaux de base (horizons géologiques imperméables ou la mer). Si la pollution affecte l’eau de cette région, ci-elle est susceptible de réapparaître très loin dans le pays. La légende maintien qu’un traçage de l’eau à partir du sommet du Liban aurait réapparu près de la frontière israélienne à quelques centaines de kilomètre plus au Sud. Cette légende depuis longtemps mise en doute ne remet pas en cause le fait que l’eau qui s’infiltre dans les montagnes libanaises ressort très rapidement dans la mer quelques 40km plus loin. Une étude actuelle essaye de mettre en évidence qu’une source partirait de la Kadisha pour réapparaître à Chekka (ville littorale) sous forme d’une résurgence sous marine. Cette anecdote veut simplement montrer l’interrelation forte qu’il y a entre les usagers de l’eau sur un territoire tout entier Dans le Caza de Bcharré on compte sept villages qui n’ont pas d’eau provenant des réseaux d’adduction. Quatre sont reliés à des sources et sept autres sont reliés au réseau « légal », ils sont donc les seuls soumis à une tarification de l’eau. Tous les réseaux datent de 1950, faute de moyens ils n’ont été partiellement rénovés que 45ans plus tard entre 1995 et 1998. Outre les nombreuses fuites, les coupures d’eau dans la majorité des villages du plateau qui bordent la vallée de la Kadisha sont liées aux besoins d’irrigation et à la monopolisation de l’eau vers d’autres lieux. En effet, certains villages de la vallée Kadisha sont soumis à des restrictions d’eau en été comme en hiver et les coupures peuvent parfois durer plus de douze heures. Un des problèmes majeur en ce qui concerne l’économie de l’eau est la manière dont l’eau est acheminée aux maisons ou aux terrains agricoles. Beaucoup de petits tuyaux collectent l’eau en de multiples sources. Tous ces tuyaux comportent des fuites plus ou moins grosses ce qui entraîne une perte d’eau colossale.

Photo 7 : Tuyaux d’alimentation en eau traversant la route des villages non raccordés au réseau

59 Une collecte et une dispersion plus réfléchie pourraient générer des économies importantes. À ces fuites, s’ajoute un comportement classique des régions montagnardes à savoir que les habitants laisse couler l’eau en permanence l’hiver pour éviter que le gel ne casse les canalisations. Enfin, l’eau est délivrée selon une tarification forfaitaire calculée sur l’année et pour 1m³/jour/maison. C’est une des causes du manque de conscience quand à l’importance de l’économie de l’eau. En été, il semble que la majorité des personnes laisse les robinets ouverts afin que l’eau reste toujours fraîche. Cette tarification s’élevait jusqu’à cette année à 68 000LL/an dans le Caza de Bcharré, entre 55% à 65% des personnes raccordées au réseau payaient leurs factures en 2005. En 2006, la tarification de l’eau est devenue unique au Liban est équivaut à 210 000 LL/an. Ce nouveau prix de l’eau incite beaucoup de monde à ne pas et ne plus payer l’eau, surtout dans les zones où l’eau n’était pas chère. A Bcharré, le prix de l’eau a plus que triplé alors qu’à Koura il n’a même pas doublé. Effectivement, les Cazas de Koura et de Zgharta situés sur la partie la plus aval du bassin versant payaient respectivement 158 000 LL/an et 166 000LL/an et 75% des abonnés honorent leurs factures d’eau.

En réalité tous les villageois du Caza de Bcharré ne paient pas uniformément leur eau.

Tableau 2 : Taux de payeurs de l’eau (%)

Bcharré 20 Hadchit 40 Beka Kafra 20 Bazaoun 80 Hasroun 70 Hadath El Joubbeh 60 Qnat 70 (Données de l’office de l’eau de Bcharré, 2006)

Au total, 3 776 maisons s’alimentent avec 4 433 m³/j sur le réseau municipal du Caza. Afin d’alimenter tous ces villages il existe de nombreuses sources répertoriées avec leurs caractéristiques hydrodynamiques dans « Etude de faisabilité pour la réhabilitation et la modernisation de l’irrigation au Liban, Bcharré et les alentours, CDR et Ministère de l’eau et de l’énergie, 1997». Les deux principales sources de la vallée sont situées prés de Bcharré, quelques centaines de mètres en amont. Le débit de la source Kadisha (Nabaa Qadisha) est de 57 830m³/jour en Juin, 37 056m³ en Juillet et 29 305m³ en Août. Celui de la source St Simon

60 (Nabaa Mar Semaane) est respectivement 8 307m³/jour, 4 128m³ et 3 653m³ (Mesures de Jouzy & Haskoning, 1996).

Tableau 3 : Quantité d’eau desservie par village (m³/j)

Logements m³/j Bcharré 1239 1774 Hadchit 568 595 Beka Kafra 293 299 Bazaoun 208 214 Hasroun 638 725 Hadath El Joubbeh 609 625 Qnat 221 228 (Données de l’office de l’eau de Bcharré, 2006)

D’après l’hydrogéologue de l’université de Montpellier, Mr Michel B., la quantité d’eau sur place ne peut être la cause des pénuries souvent constatée. Il est vrai que la réparation des fuites et une gestion raisonnable de l’eau permettrait à priori de satisfaire l’alimentation en eau potable de tous le Caza mais aussi de l’irrigation. Et pourquoi pas de quelques populations de l’aval.

En 1997, le bureau technique pour le développement a produit une étude et des plans pour l’adduction d’eau potable et l’évacuation des eaux usées sur tout le territoire du Caza de Bcharré, soit les onze municipalités. Ces plans ont été élaborés pour le compte du Ministère de l’Hydraulique et de l’Energie (MHE) mais ils n’ont jamais été mis en œuvre sur le terrain.

La qualité de l’eau des sources du Caza de Bcharré est mesurée régulièrement à la fontaine centrale du village de Bcharré et à la source Kadisha mais des relevés d’eau à différents lieux tout au long de la rivière datent de 2003 (Cf. Etude pour le développement touristique de la Japan International Coopération Agency (JICA), volume 2 (Master Plan Report), Annexes 30 à 40, 2003). Tous ces résultats ne semblent pas alarmants malgré l’intense pollution provenant des villages et surtout des hôtels de la station de villégiature situés à quelques dizaines de mètres juste à l’aplomb. De nombreuses études sur la qualité de l’eau sont indispensables ne serait-ce que pour avertir les personnes locales et le gouvernement qu’une pollution existe probablement. Il parait improbable que l’eau soit de bonne qualité dans la plupart des sources et cours d’eau aux vues de la géologie locale et de la nature et quantité de la pollution qui pénètre les eaux de surface et certainement celles souterraines. Cependant, la région est très certainement favorisée et épargnée par rapport à de nombreuses autres zones du Liban. Dans la

61 vallée, il n’existe pas d’industries polluantes, l’eau est relativement abondante hiver comme été et les quelques pollutions émises quittent probablement la vallée pour gagner les zones côtières planes où elles s’accumulent.

¾ L’urbanisation Les 6 892 maisons individuelles du Caza de Bcharré constituent une bande urbanisée continue le long d’une route de 30 km environ (Etude de faisabilité pour la réhabilitation et la modernisation de l’irrigation au Liban, Bcharré et les alentours, CDR et Ministère de l’Eau et de l’Energie 1998, p.140) L’urbanisation se développe de plus en plus haut sur les flancs des montagnes et de plus en plus près des falaises qui surplombent la vallée de la Kadisha. Le caractère attractif, sur le plan touristique du terme, de la Kadisha s’est fait aussi sur les atouts esthétiques des constructions et sur l’aspect rural des villages. Ces deux remarques ont de moins en moins lieu d’être du fait du manque de précaution à l’égard de l’aspect visuel. Les constructions d’antan restaient concentrées et possédaient des toits rouges qui offraient un caractère typique de la vallée. Aujourd’hui elles sont parfois des vestiges de la guerre mais la plupart ne sont que des bâtiments inachevés. Bien que les financements sont une cause du non achèvement, il réside une culture propre de l’esthétisme. La majorité des habitants du Liban et de la vallée ne sont pas forcement « choqués » du caractère non fini de leur demeure, à cela s’ajoutent que les préoccupations sont autres et que les salaires sont affectés à d’autres choses prioritaires.

Photo 8 : Village de Bcharré (Alt. 1400m)

Au delà de la pollution visuelle, les problèmes de ces constructions anciennes ou nouvelles sont qu’ils ne sont pas raccordés au égouts. Les réseaux d’égouts sont inexistants et les maisons nouvellement construites ne sont pas équipées d’un système de traitement des eaux efficace. Aucun périmètre de protection n’est observé à l’égard des sources d’eau potable, les constructions sont très souvent à moins de dix mètres des sources elles-mêmes à « ciel ouvert ». Les forages privés se multiplient sans aucune

62 mesure de précaution. La géologie très faillée et la pédologie très inefficace en terme d’autoépuration des eaux usées sont deux choses qui facilitent l’écoulement souterrain d’eau polluée. Ainsi, une eau polluée en montagne se retrouve très rapidement dans la mer. Finalement, ces contraintes visuelles ou de santé publique ne sont qu’une infime partie des difficultés auxquelles les municipalités seront confrontées lorsque des infrastructures pour l’épuration des eaux seront construites. En effet, la mise en place des réseaux d’égouts coûtera bien plus chère que si elles avait été faites en même temps que la construction.

La Direction Générale de l’Urbanisme (DGU) a élaboré un plan d’urbanisme en 2005 concernant tous les villages de la Fédération des municipalités de Bcharré sans aucune concertation ni mise au courant. Ces dernières, considérant que ce n’est pas aux autorités centrales de décider des restrictions et de la manière d’aménager la Kadisha, s’attellent à élaborer un « contre » plan d’urbanisme suite au refus qu’elle a énoncé. Le plan de la DGU prévoyait effectivement des restrictions draconiennes en terme de surfaces constructibles, en limitant à 1% la superficie encore constructible. Cependant, une étude plus approfondie de ce plan (version Arabe) pourrait révéler que les zones non autorisées à la construction correspondent en majeure partie aux falaises. Hors, il est évident que la construction y est déjà impossible. L’alternative des municipalités est de proposer leur propre plan selon leurs désirs. Pour ce faire, elles sollicitent actuellement le bureau d’étude d’un des Maires du Caza. Ce bureau d’étude est reconnu pour ses qualités dans le domaine de l’architecture mais jamais il n’a joué un rôle dans l’élaboration d’un plan d’urbanisme. Et cette remarque a rapidement montré sa légitimité. Non seulement la prise en compte de la localisation des sources d’eau potable semble aléatoire mais en plus les constructions sont autorisées à des altitudes considérables (1600 à 1800m) au niveau même de l’apparition de la quasi-totalité des sources.

Photo 9 : Source d’eau potable

Finalement, il semble essentiel, non pas de contredire ce plan, mais de pointer les risques qui pourraient affecter l’espace montagnard très fragile, de faire pendre conscience de ces

63 risques aux protagonistes de la démarche afin qu’ils intègrent, dans leur plan, les données sur l’eau. D’autant plus que depuis quelques mois un état du « golfe », Dubaï, envisage d’investir 500 millions de dollars pour un projet touristique dans tout le cirque des Cèdres. Cet investissement semble n’être qu’une petite partie de ce que Dubaï sera en mesure d’investir ensuite. Le projet consistera en un développement d’activités touristiques diversifiées devant être attractives toute l’année. Pour ce faire, toute sorte de loisir est envisagé : centre équestre, golf… Un tel projet, s’il abouti, serait certainement une opportunité pour le développement économique de la vallée mais sans un plan global et une concertation de tous les « locaux », il semble peu probable qu’il ne s’accompagnent pas de conséquences dramatiques pour l’environnement en premier lieu et pour l’économique et le social de la vallée ensuite.

¾ L’agriculture, la deuxième source de revenus après le tourisme. L’agriculture, notamment la culture de pommes, faisaient la fierté et la relative fortune de la vallée jusqu’à aujourd’hui. La pomiculture est la principale activité agricole, elle occupe 90% des 2000 ha de surface agricole de la vallée. La culture de vignes et d’oliviers sont confinées au fond de la vallée mais ne représente pas de retombées économiques significatives. Les ventes de pommes génèrent des revenus intéressants mais la tendance semble être à la baisse depuis quelques années.

Photo 10 : Vergers de pommiers et terrasses cultivées

L’agriculture anciennement rémunératrice est mise à mal, soit à cause de la concurrence des grandes industries agricoles du littorale, soit à cause d’une mauvaise gestion dans les cultures notamment la gestion de l’eau et des engrais. Une des causes de ce déclin relatif provient de la démarche des agriculteurs. Ils utilisent une quantité excessive et irraisonnée d’engrais chimiques, pesticides, herbicides et fongicides (principalement des substances organochlorées). L’utilisation de ces produits limite alors beaucoup l’exportation des fruits et légumes car seuls les pays « pauvres » qui n’ont pas

64 développés de normes répressives les achètent. Ainsi la vallée et le Liban perdent de grands marchés avec les pays « riches » du golfe. L’importante source de pollution que représente l’agriculture de la vallée est liée à la concentration conséquente des produits utilisés. Sous l’incitation presque forcée des grandes industries qui fabriquent tous ces engrais et pesticides, les agriculteurs achètent beaucoup de produits sans vraiment savoir ce qu’ils achètent. Parfois ils utilisent deux fois le même agent actif en pensant répandre deux produits différents. De plus, ils traitent de manière aléatoire les cultures en multipliant 4 à 7 fois les pulvérisations et l’amendement de la terre sans réelle nécessité. Il semble cependant que la condition de la région de Bcharré est bien raisonnable par rapport à des régions telles que la Bekka où la culture maraîchère est généralisée. Il faut noter que les entreprises productrices d’engrais semblent avoir un pouvoir très important. Sous l’oppression Syrienne et de leurs firmes agrochimiques, les agriculteurs ont été habitués à surconsommer tous ces produits « imposés » (Sources : Ingénieur agronome de Worldvision). Depuis, l’habitude de la modération est difficile à acquérir. Il semble important de se concentrer sur une modification des pratiques d’amendement des terres et d’entretien chimique des plantations pour parvenir à un mode de culture rationnel et raisonné. Sur place, l’organisation internationale « Worlvision » financée par « l’église » américaine et canadienne en partenariat avec USAID travaille déjà à ce changement de comportement vis-à-vis des engrais. Cette organisation développe l’agriculture biologique à Bcharré, aide les agriculteurs locaux à modifier leurs pratiques d’utilisation des engrais, accueille des enfants pour les initier aux vertus du biologique, diffuse les produits biologiques locaux, aide et finances parfois les associations locales de préservation de l’environnement.

L’irrigation et la pollution par les engrais sont les principales composantes qui agissent directement sur la dynamique, la quantité et la qualité de l’eau des cours d’eau de la vallée. Il va de soit que la réduction des pollutions liée à l’agriculture doit être endiguée mais il faut aussi se concentrer sur les modalités d’irrigation. La conservation généralisée des canaux datant de la période Ottomane permet aujourd’hui encore d’irriguer les terres. Ces réseaux de canaux sont efficaces en terme d’arrosage mais engendrent un gaspillage certain. La modernisation jouant, certains agriculteurs se sont munis de tuyaux en « plastique » voir de goutte à goutte pour irriguer localement. Mais ces dernières techniques sont encore très peu usitées. Il existe cependant des gardiens de l’eau qui décident des priorités d’arrosage et des quantités allouées afin de rationaliser la distribution de l’eau.

65 ¾ Les stations essences Elles doivent faire l’objet d’une attention particulière car elles sont très polluantes. Principalement du fait qu’elles soient aussi des garages automobiles. La gestion des huiles de vidange est rationalisée à Bcharré depuis environ 6 ans. Le Comité de Sauvegarde de l’Environnement de Bcharré (CSEB, Dr. Youssef T.) avait pris en charge la collecte des huiles des stations et des particuliers (l’armée est autonome) pour ensuite les acheminer vers la seule usine de traitement située à Chekka. L’achat (≈15$ le baril de 200litres) et la collecte étaient en partie financés par la municipalité. Depuis un an environ le comité ne s’occupe plus de cette activité. Le prix du fuel domestique augmentant, les usines du Liban ont commencé à faire fonctionner leurs machines avec l’huile de vidange. Ainsi, les gérants de stations essences et les particuliers peuvent vendre leurs huiles beaucoup plus chères aux usines. Ce sont les usines qui les collectent elles-mêmes. Cependant, la plupart des stations essence pratiquent des vidanges peu soignées et répandent au sol une quantité relativement importante de liquides sans en connaître les conséquences.

¾ La Gestion des déchets Au Liban, un des problèmes les plus contraignants réside en la gestion des déchets. Ce service est certainement celui qui est le moins bien développé sur tout le territoire. Pourtant, le gouvernement libanais a adopté en septembre 2001 une stratégie de réforme de l’administration publique qui bénéficie du soutien de la Commission Européenne (CE). Cet appui est apporté à travers le programme d’assistance technique ARAL (Assistance à la Réhabilitation de l’Administration Libanaise). ARAL a vocation à intervenir auprès des instances Centrales, des Ministères et des Municipalités. Les actions de ce programme sont préparées et suivies par l’OMSAR (Office of Minister of State for Administrative Reform). Les modalités pratiques d’utilisation des financements ont été définies par un Protocole d’Accord signé le 16 décembre 2003 par le Ministre d’Etat pour la Réforme Administrative (MERA), le Ministre de l’Intérieur et des Municipalités (MIM), le Ministre de l’Environnement et le Chef de Délégation de la Commission Européenne. Il est prévu d’utiliser cette dotation pour la mise en œuvre de projets se rapportant à la gestion des déchets solides, ce qui correspond à une des premières priorités exprimées par les municipalités. La sélection de projets présentés par les municipalités fut opérée à travers une manifestation d’intérêt, lancée et gérée par l’OMSAR. Cet appel à manifestation d’intérêt était ouvert à toutes les municipalités ou Fédérations de municipalités.

Pour permettre aux intéressés d’exploiter au mieux les possibilités offertes par cet appel à manifestation d’intérêt, une campagne nationale d’information a été organisée en janvier 2004. Elle avait pour objectifs de sensibiliser les élus municipaux sur les différents systèmes de

66 gestion des déchets solides, les options techniques disponibles et leurs avantages et inconvénients, les normes et règlements à respecter, les contraintes financières, etc. Cependant, il n’y a pas eu beaucoup de suites, parfois à cause du changement des municipalités en 2004, ce qui fut le cas dans la vallée de la Kadisha. Certains Maires n’étaient pas même au courant de ces démarches initiées par ARAL.

Dans la Caza de Bcharré, certaines municipalités collectent les déchets et les envoient vers les décharges de Tripoli et de Chekka sur la façade maritime. Mais le coût d’une telle opération représente une somme non négligeable pour les municipalités libanaises. Bcharré est une des rares municipalités à évacuer ses ordures vers la décharge de Chekka. Cette opération coûte, à elle seule, la somme de 1 500 000LL/mois (environ 1 000€). Pour des raisons économiques, les autres municipalités déversent les déchets dans la vallée, parfois même directement dans la rivière, ou les brûlent à ciel ouvert. Non seulement, ces déchets polluent directement l’eau, soit parce qu’ils gagnent le lit de la rivière dans sa totalité par flottaison, soit parce qu’ils rejettent du lixiviat9 qui regagne l’eau et en pollue une quantité énorme.

Photo 11 : Déchets jonchant le sol de Bcharré - Décharge sauvage d’Hasroun

Lorsque l’on brûle les déchets, solution interdite en France depuis longtemps, il faut les incinérer à très haute température pour minimiser les risques de pollution mais surtout ceux de toxicité. En effet, des déchets brûlés à même le sol à des températures basses (600 à 800°c) produisent des particules très nocives qui s’envolent et retombent lentement sur de grandes superficies. Elles sont alors inhalées ou se mêlent à la terre pour repartir dans le cycle de l’eau. Inodores et invisibles, ces particules ne produisent pas de maladie à court terme mais affectent grièvement les individus avec le temps. Et la « tradition » de brûler les déchets persiste depuis bien longtemps… Aussi les carcasses provenant des abattoirs sont déposées sur les flancs de la montagne près des villages et des cours d’eau. Il n’existe pas au Liban de structures en charge de ce domaine.

9 Liquide ou « jus » provenant des déchets, il est extrêmement polluant et nocif pour l’homme comme pour le monde animal et végétal.

67 Toutes ces carcasses sont traitées sur place de façon rudimentaire avec de la chaux ou des bactéries.

Un projet avait quasiment abouti en 2004, le village de Tourza situé dans la partie la plus aval de la vallée de la Kadisha possédait un terrain sur lequel tout était prés pour traiter les déchets de la fédération de municipalités de Bcharré, il ne manquait que les machines. Mais lors du changement de municipalité en 2004, le nouveau maire de Tourza a fait avorter le projet selon la loi universelle du « je veux bien tant que ce n’est pas chez moi ». Depuis, des pourparlers ont vu le jour entre la fédération des municipalités du Caza de Bcharré et celle de Zgharta (ville situé dans la plaine de Tripoli) pour trouver une entente commune de gestion des déchets. Il n’y a pour le moment aucune concrétisation du fait des conditions financières et peut-être aussi politiques. Il est bien difficile à ce jour de pronostiquer une quelconque solution rapide pour endiguer ce secteur défaillant.

L’Etat à céder la collecte des déchets à des opérateurs privés dans les plus grandes villes (Sukleen à Beyrouth) mais ne peut assurer la gestion dans les régions reculées. Peut-être serait- il utile de commencer par des alternatives telles que le tri des déchets organiques et ceux inorganiques, enterrer les uns, brûler certains autres et évacuer le reste. Mais la situation semble bien difficile malgré les efforts des comités locaux de protection de l’environnement. Bien que les municipalités locales ne s’opposent pas directement à ces comités elles ne semblent pas pour autant favoriser ou au moins soutenir véritablement leurs actions. (Le simple tri du métal, matériau encombrant, faciliterait le travail des « récupérateurs » qui vont vendre le métal après une journée à le trier dans les décharges. L’activité n’est pas légale mais finalement très efficace et utile. Toutes les alternatives devraient être prises en compte pour améliorer la situation). A cela, s’ajoute l’inconscience des individus locaux ou étrangers qui jettent leurs déchets à même le sol. La sensibilisation est une des composantes clé d’un projet de gestion des déchets. Dans la vallée de la Kadisha, nous avons su mettre en place une journée de ramassage des déchets en collaboration avec les municipalités et les écoles locales. Cette journée très favorable à permis de démontrer aux yeux des maires l’importance d’une telle action et surtout de constater l’engouement de chacun dés lors qu’ils ont été sollicités pour agir sur leur territoire et lieu de vie. Il est important de se concentrer sur les problèmes environnementaux par le biais de cours dispensés à l’école. La quasi-totalité des écoles du Caza de Bcharré affirment ne pas s’attarder sur ces questions.

Sur le plan énergétique, le Liban en général et la Kadisha en particulier manquent cruellement d’électricité. Celle-ci est produite soit par des turbines qui fonctionnent au pétrole, soit par des usines hydroélectriques. Mais peu de cours d’eau permanent sont suffisamment

68 conséquent pour offrir cette opportunité et trop peu d’individus payent leur facture pour que EDL (Electricité Du Liban) puisse augmenter ses capacités de production.

¾ Les usines hydroélectriques Au nombre de cinq, ces usines hydroélectriques sont disposées le long du Nahr Kadisha à intervalles régulier depuis Bcharré jusqu’à Kousba, à l’aval. Elles sont reliées entre elles afin de fournir une quantité d’électricité juste suffisante aux villages de la vallée, La production est 20 000Mwatt et serait de 200 000Mwatt (d’après des techniciens d’EDL) avec de nouvelles turbines avec la même quantité d’eau, soit dix fois plus. EDL ne se préoccupe pas de l’entretien des cours d’eau mais uniquement de la régulation du débit à l’entrée de ses canaux grâce à des bassins et des verseurs de trop plein. EDL ne se préoccupe pas non plus de récupérer les déchets récoltés sur les « filtres » positionnés à l’entrée des canaux, et se contente de les nettoyer en rejetant les déchets dans le cours d’eau. Un développement touristique accru entraînerait des consommations d’eau de rivière trop élevées pour pallier aux manques en énergie électrique. Dans ce cas, le « débit de réserve »10 serait dépassé et les cours d’eau ne seraient plus en mesure de subvenir au processus d’autoépuration. Le changement des turbines et surtout une gestion plus efficace des écoulements de l’eau dans les rivières permettraient une production plus importante en terme de quantité d’énergie ce qui amènerait finalement à une décroissance du prix des factures encore très dissuasifs puisque parmi les plus cher au monde.

Photo 12 : Turbines électriques françaises datant des années 1950

Toutes ces atteintes à l’environnement constituent parfois un obstacle de taille pour le développement local. Par exemple, les déchets induisent des problèmes de flottants affectant la société de production hydroélectrique, les rejets humains entraînent une pollution bactériologique de la ressource (sous la cote 1500m) et des problèmes paysagers. Les débits des rivières sont très réduits par les prélèvements à la source pour l’eau potable et les pompages pour l’irrigation ce qui engendre des dérégulations écologiques dans les cours d’eau.

10 Quantité minimum d’eau qu’il faut laisser circuler pour ne pas perturber la « vie » des cours d’eau.

69 Afin d’éviter ces entraves, la protection et la préservation des conditions environnementales sont régies par une multitude de lois libanaises susceptibles de « sauver » le territoire si elles étaient appliquées. Mais en plus de cette non application, ces lois ne sont pas respectées du fait des carences dans la culture environnementale commune.

4.2.4 L’application de la législation La quasi-totalité des lois11 libanaises est de près ou de loin héritée du code français édicté lors du mandat de 1920 à 1943. Les lois qui régissent la protection de l’environnement et de l’eau sont nombreuses et peuvent être très contraignantes et efficaces. Mais fautes de moyens financiers et humains, l’Etat Libanais est dans l’incapacité de faire respecter la majorité de ces lois. L’interdiction de recruter du personnel dans les municipalités fait que l’équipe municipale et celle des policiers « municipaux » sont réduites. Ainsi, il est impossible de se préoccuper des histoires d’écologie lorsqu’il est déjà si difficile de s’occuper de services de base tel que la sécurité. A ces difficultés s’ajoutent les comportements individuels désinvoltes face à la propreté de l’espace public. Les rejets permanents de déchets solides sur le sol sont permanents et devenus un réflexe, ils doivent être endigués et pour cela la sensibilisation est la seule solution avant la répression, de toute manière inexistante. Cependant avec un travail laborieux, les libanais pourraient acquérir un comportement « écologique » minimum mais le comportement inverse est favorisé par l’Etat n’offrant pas de services compétents. Dans la localité de Bcharré l’écologiste Dr. Youssef T. avait réussi à générer un triage pendant la période de 1990 à 1998 mais le nouveau conseil municipal de 1998 n’a pas suivi cet élan, allant même à détruire les conteneurs prévus pour le tri des déchets. De plus, les individus ne veulent pas trier puisque ils savent que tous les déchets seront automatiquement mélangés pour être incinérés ou entassés dans les décharges. Finalement, l’Etat libanais se doit d’adopter une stratégie concernant la sauvegarde de l’environnement basée sur l’alternance de la sensibilisation et de la répression12. Mais il est évident que les contraintes sont nombreuses et les changements très lents.

11 Toutes les lois libanaises sont sur www.lebaneselaws.org

12 La protection de la vallée de la Kadisha est régie par une liste de loi concernant l’eau, la forêt, l’environnement, l’urbanisation, les stations de villégiatures, les déchets… Ces lois sont d’ordre général pour une partie et certaines sont plus spécifiques à la vallée. Par exemple, la vallée de la Qadisha étant sur la liste des sites naturels selon l’arrêté du Ministère de l’Environnement n°1/151 du 17/10/1997, tout projet de construction est interdit dans un périmètre de 500m de chaque coté de la rivière Kadisha et toute installation de carrière et usine est interdite à moins de 1500m.

70

Selon les priorités d’action définies par l’AE RM&C et suite à l’état des lieux constaté sur place et exposé plus haut, nous avons élaboré une proposition de programme de sensibilisation aux problèmes des déchets et organisé une sortie sur le terrain afin de d’en collecter le maximum.

4.3 Journée de ramassage des déchets et programme de sensibilisation ¾ Le programme de sensibilisation (Cf. Annexe 2) Nous avons soumis un programme de sensibilisation qui relève de la pure proposition. Il n’est qu’une incitation à la réflexion sur une manière de dispenser une culture « écologique ou de l’environnement » à la jeune population. Afin de minimiser les attitudes néfastes à l’égard de l’environnement nous avons pensé que tous les acteurs actifs dans le domaine de l’éducation pouvaient jouer un rôle considérable en la matière. Le choix de se concentrer sur la jeune génération provient du fait que les enfants semblent plus attentifs à ces problèmes de pollution, surtout les jeunes de 15 à 25 ans, que la génération adulte (>25 ans). Ils seront plus à même de corriger les adultes qui sont, eux, imprégnés de réflexes souvent trop bien ancrés.

Le principe serait de fonder une équipe qui, rémunérée par la Fédération des municipalités du Caza, étudierait, organiserait et coordonnerait des actions de sensibilisation de manière continue dans le temps et sur une période indéfinie. Les actions de sensibilisation à proprement dites sont à définir. Elles peuvent apparaître sous forme d’affiches (Cf. Annexe 3 et 4) disposées dans les écoles et les lieux publics, mais aussi sous formes de cours dispensés à l’école ou bien pendant des « week-end » de classe verte13.

Après avoir soumis cette ébauche de programme aux Comités locaux (Comité des Amis des Cèdres, Comité du Tourisme, Comité pour la Sauvegarde de l’Environnement de Bcharré) à la quasi-totalité des écoles et aux 11 présidents des municipalités du Caza, nous avons pu constater l’engouement de chacun pour cette idée. Les plus pessimistes considéraient le projet comme vital mais difficile à mettre en place surtout pour des raisons de financement, les autres pensent qu’il faut simplement trouver une personne motrice et obtenir le soutien total des municipalités, chose faisable. Finalement, ce programme peut voir le jour à travers la démarche du Contrat de Rivière car il en est une partie constituante. Il faut certes, mener des actions « techniques » pour la préservation de l’eau, mais le volet éducatif est inévitable.

¾ Le programme de ramassage (Cf. Annexe 5)

13 L’Ecoclub des Cèdres organise des séjours avec des enfants du Liban autour de thèmes liés à l’écologie. Ces séjours sont subventionnés en partie par Worlvision.

71 Une journée de ramassage des déchets était, quant à elle, une des prérogatives initiale émise par l’AE RM&C pour débuter le projet. Nous avons pu organiser une journée de ramassage des déchets dans la vallée avec les enfants de tous les villages du Caza de Bcharré avec accord unanime et l’encouragement de toutes les municipalités de la Fédération. Pour atteindre cet objectif, il a fallu démarcher au sein des écoles, convaincre les dirigeants et soumettre l’idée de cette journée à chaque classe afin de comptabiliser le nombre de participants potentiels. Nous avons pu constater la motivation de chacun à participer au ramassage des déchets de leur vallée mais nous avons aussi mis en évidence que tous ne connaissaient pas la nécessité d’une telle action. Le réflexe de jeter les déchets au sol était bien ancré. Au point même qu’au repas de la mi-journée, après trois heures de ramassage, des enfants et adolescents jetaient les emballages de leur repas dans la rivière alors que les sacs poubelles se trouvaient à un mètre devant eux. Ce comportement nous a offert une bonne opportunité pour dispenser de brèves notions sur l’environnement et les agressions que l’homme peut lui faire subir. Il a surtout renforcé l’idée qu’il fallait absolument continuer par une démarche de sensibilisation.

Une journée comme celle-ci ne pouvait avoir lieu sans la participation financière et humaine offerte par les municipalités. L’encadrement par les policiers locaux, les scouts et certaines personnes du Comité de Sauvegarde de l’Environnement de Bcharré ont facilité le déroulement de cette démarche. A l’avenir, ce genre d’action, très efficace, devra être entrepris avec plus de soin en ce qui concerne la définition des taches et la durée de la collecte. Cette première programmation a permis de mettre en lueur les difficultés pour conserver une organisation rationnelle d’un groupe de jeunes dès lors qu’ils ne sont pas occupés de manière continue. Aussi, aurions nous pu raccourcir le temps d’action à une « longue » demi journée si l’attribution des taches à accomplir était mieux planifiée. Il en résulterait une meilleure efficacité du travail et l’enthousiasme individuel serait maintenu jusqu’à la fin de cette courte période. Finalement, cette journée serait à réitérer sur ce site commun à tous les villages mais il faudrait élargir cette action à tout le Caza et surtout arriver à impliquer le soutien spontané de toutes les Municipalités. Au commencement de l’idée d’une journée de ramassage, les présidents des municipalités les plus grandes proposaient des services (repas, bus, …) qui devaient être à la charge de chacun. Leur participation était alors fonction du nombre d’écolier qu’il pouvait mobiliser. Finalement, le projet commun de ramassage des déchets dans la vallée sainte a été pris en charge en totalité par la Fédération des municipalités du Caza.

72 Au delà du simple fait que cette mission permet d’éclaircir la lisibilité du terrain et de débuter quelques actions concrètes, elle permet de positionner une personne supplémentaire qui relie les différents protagonistes et maintien l’idée du projet d’une manière continue. En effet, la présence permanente d’un stagiaire sur place est une façon satisfaisante pour répandre la « rumeur » d’une action provenant des institutions publiques (en l’occurrence l’EELN et les municipalités). Dans un pays où la confiance en l’état et la communication entre institutions sont tout à fait relatives, il est important qu’une personne extérieure « favorise » les relations. Ceci ne veut pas dire que l’on réussit à effacer les tensions entre chacun des acteurs en organisant un dîner de courtoisie, mais le fait de rapporter, à l’un et à l’autre, les faits et gestes de chacun permet une mise en confiance et une transparence tangible. Car même si la coopération décentralisée sous-tend l’idée que ce sont les locaux qui prennent en charge le projet avec un simple appui de la part du coopérant, il est nécessaire de prouver, par une présence, la continuité du projet. Dans le cas du projet Kadisha, les maires ne connaissaient que partiellement l’EELN, parfois que le nom, et ne soupçonnaient même pas les prérogatives dont il bénéficie. Le projet de Contrat de Rivière que l’EELN expérimente aujourd’hui et la démarche de coopération dans laquelle le projet s’inscrit se devaient d’être explicités à chacun et rappelé au fur et à mesure que les étapes avançaient.

L’élaboration de cet état des lieux et les actions entreprises permettent de déterminer quelques orientations préalables qui sont peut-être fondamentales pour renforcer les bases nécessaires au lancement du projet de Contrat de Rivière. Avant de penser aux investissements les plus pertinents à faire, avant de définir les infrastructures qui seraient les mieux adaptées, il est indispensable de remédier aux problèmes « simples » et peu coûteux que sont la sensibilisation, la coordination et la communication.

4.4 Préconisations/orientations En conclusion d’un travail tel que celui que nous avons accompli, nous sommes en mesure d’apporter quelques éléments simples et préliminaires à toute action onéreuse. Ces orientations sont de deux ordres principaux. Les premières portent surtout sur un aspect technique, la manière de gérer localement les déchets, l’étude approfondie des risques sur l’environnement lors de délivrance de permis de construire (importance du périmètre de sécurité), l’application de sanctions pour les pollueurs indélicats, etc. Les autres préconisations sont liées à la philosophie du Contrat de Rivière qui est de favoriser la communication et la concertation autour de projets communs sur le bassin versant.

73 L’agence de l’eau a émis, dès le début du projet, des orientations pour les actions habituelles à mener dans le processus de Contrat de Rivière. Certaines ont été déjà réalisées, d’autres plus complexes doivent être entreprises :

- Réaliser une étude hydrologique du bassin versant (l’Association Française de Développement serait susceptible de la réaliser an 2007) ; - Faire un état des lieux exhaustif de la situation locale ; - Mettre en place un questionnaire à l’attention des Municipalités aux fins de les amener à exprimer leur vision de la problématique ; - Faire une étude comparative entre deux options qui pourraient être adoptées pour le traitement des eaux usées du bassin versant (assainissement collectif ou assainissements individuels).

¾ Gestion et protection immédiate de l’environnement La protection de l’environnement et notamment celle de l’eau sont le propre de l’esprit de Contrat de Rivière. La volonté de protéger l’eau, de manière qualitative et quantitative, passe forcément pas une gestion « forte » des sources de pollution (les déchets solides, les engrais et pesticides, les eaux usées,…). Les conditions environnementales de la Kadisha sont préoccupantes même si elles sont bien meilleures que dans la majeure partie du pays. L’attention indéniable que l’on doit porter à cette région vient du fait qu’elle est « la » zone de précipitations pluvieuses et neigeuses du Liban. Ainsi, elle constitue le réservoir d’eau du territoire. L’environnement a su trouver une légitimité au sein des municipalités, il a même renforcé la légitimité des municipalités elles-mêmes sur le plan de la gestion des services de base. Même si les pouvoirs municipaux sont loin de réussir à opérer des changements significatifs, faute de moyens financiers, la prise en charge des problèmes environnementaux semble indispensable aux yeux des présidents de municipalités. Il faudrait, pour cela, développer les infrastructures de collectes de déchets et chercher à diminuer les risques de pollution de l’eau. Dans la Kadisha, quelques solutions fondamentales sont susceptibles d’améliorer la situation « environnementale » locale.

On peut citer quelques exemples indicatifs : - Eviter les multiples décharges sauvages localisées trop souvent aux alentours de 1600- 1800m d’altitude, lieu d’apparition de la plupart des sources d’eau potable. Eviter notamment de déposer les carcasses d’animaux provenant des boucheries. - Empêcher le brûlage des déchets car il engendre des conséquences graves sur la santé humaine.

74 - Multiplier les journées de ramassages avec les enfants. - Favoriser l’action des Comités pour l’environnement qui tentent d’imposer la pratique du tri sélectif. - Déléguer plus de pouvoirs aux gardes de la vallée pour qu’ils puissent faire respecter les lois environnementales. - Augmenter le nombre de poubelles et rationaliser leur localisation. - Sensibiliser les populations à la dégradation de l’environnement par les déchets. - Interdire les permis de construire s’il n’y a pas de système de traitement des eaux (projet à l’étude à Bcharré)

¾ Les stagiaires suivants Au Liban, les régions sont très différenciées, notamment en terme culturel mais aussi en terme relationnel. Certaines régions, la Kadisha en est l’exemple, sont composées de personnes en majorité francophone. Cependant, la facilité de dialogue n’est pas la même qu’à Beyrouth. Les difficultés rencontrées sur la Kadisha dans la quête aux informations n’étaient pas insurmontables mais dans une région telle que la partie aval du bassin versant du Nahr Abou Ali, zone qui fait partie, à terme, du projet de Contrat de Rivière, est bien moins propice à la collecte de données. Dans cette partie du Liban, la majorité des individus ne sont pas francophones. Finalement, pour pallier à ce problème, il est crucial dès le début de distinguer une personne motrice qui ouvrira fera tomber les barrières de la langue et de la rétention d’information. Au Liban, il est indispensable de confronter toutes les informations reçues car elle sont bien souvent divergentes et induisent en erreur bon nombre de jugement personnel. L’objet du travail en faveur de la mise en place du Contrat de Rivière requiert la participation de tous les acteurs concernés. Bien souvent, l’intérêt personnel et la volonté de garder la main mise sur le projet engendre fait que les informations sont dirigées ou occultées volontairement. Il est donc indispensable d’agir avec discernement et de solliciter tout le monde sans se laisser « manipuler » ni orienter…

¾ Etude précise du plan d’urbanisme de la DGU (version Arabe) pour connaître les véritables points qui font conflit Lorsqu’en 2004, la DGU soumet le plan d’urbanisme qu’elle a élaboré à l’égard des municipalités du Caza de Bcharré et même à toutes celles du bassin versant de la Kadisha, le refus à été unanime. Refus qui est, non pas une question de principe, mais qui a été peut-être un peu rapide et catégorique. La version du plan que nous avons pu obtenir est en langue Arabe, ce qui n’a pas encore permis d’en étudier toutes les subtilités en profondeur. Sur ce

75 point, il semble évident que des démarches de concertation de la DGU auprès des présidents de municipalités seraient légitimes. La contre proposition de la Fédération est une réaction honorable, démontrant une réelle implication des acteurs locaux, mais elle est faite, semble t- il, dans un état d’esprit d’opposition et non de construction avec la DGU.

Enfin, il semble primordial de rendre transparente la notion de « Contrat de Rivière ». Le constat sur place permet de se rendre compte que la méthode ne soit pas appropriée intégralement. Certes la notion est très difficile à assimiler dans ses moindres détails, mais la compréhension de l’axe central est indispensable. En France, on considère que la durée moyenne d’un CR est de cinq ans, c’est-à-dire que le chargé de mission est présent pendant cette période au minimum. Or, il apparaît que la majorité des intéressés n’est pas encore acquis la méthode de ce contrat, même la président de l’EELN pense qu’un « bon » chargé de mission terminerai le travail en trois mois. Il est donc évident que la familiarisation avec ce concept est une des clés de la réussite.

76 Conclusion générale

Le Liban possède une quantité d’eau très importante mais il n’est pas en mesure d’endiguer le gaspillage et la pollution qui la concerne. Les fuites d’eaux et la mauvaise gestion de la pollution sont le fruit du défaut de financements et de planifications des projets. L’inachèvement chronique des projets qu’il faut reprendre ou supprimer génère un cercle vicieux de l’endettement qui se généralise au Liban et se perpétue encore par la multiplication des infrastructures jamais utilisées ni utilisables. Le pays concentre une multitude de personnes qualifiées et un nombre indéfini d’études de toutes sortes mais la déstructuration de l’administration, le communautarisme et parfois le clientélisme annihilent tous ces potentiels. De plus, un projet même mené de manière légale et efficace du début à la fin peut péricliter sur simple défaut d’humeur de la hiérarchie centrale.

Le Contrat de Rivière permet d’impliquer les usagers, échelon fondamental de la hiérarchie des acteurs sur le territoire, dans la prise en main de leur environnement et il permet de favoriser dans une certaine mesure la légitimité de l’action des municipalités. La participation locale semble être une volonté individuelle instinctive dés lors qu’elle est sollicitée. La confiance très relative dans l’administration centrale et l’agacement de voir un pays « bloqué » participe à cet élan d’implication de la part des citoyens et des municipalités. Si le communautarisme est bien ancré au Liban, le Contrat de Rivière n’est pas moins susceptible d’apporter des solutions pour l’unité du pays, tout au moins à l’intérieur des Mohafazats, puisque ces derniers correspondent aux territoires gérés par des Etablissement des Eaux. La notion de bassin versant du CR impose parfois l’implication de plusieurs communautés religieuses qui n’ont parfois pas d’affinités entre elles. La démarche consensuelle de la gestion de l’eau peut pallier aux clivages entre organisations confessionnelles et même rapprocher tous le monde autour d’un projet commun favorable à tous. L’intégration d’une globalité de domaines dans la démarche de Contrat de Rivière est une opportunité de résoudre conjointement « tous » les problèmes et d’accéder ainsi à un développement économique relativement prospère. La concertation, maître mot de cette démarche, permet déjà de réunir les acteurs locaux. L’appropriation et l’habitude de cette état d’esprit permettra de faire les bons choix sur les priorités d’actions, des investissements pertinents à mobiliser sur le territoire et les usages auxquels ils seront affectés. La planification du projet et sa mise en valeur sont la clé de l’acquisition de financements finalement indispensables pour la résorption de ces problèmes. Même si le projet est une initiative trop récente pour qu’il soit possible d’en critiquer les retours concrets, il est évident que toutes les caractéristiques nécessaires à son application sont présentes sur place. L’EELN soutient la démarche, les municipalités sont réunies en une

77 fédération, les élus sont motivés pour changer le cadre de vie de leurs administrés, les comités pour l’environnement attendent, tous, le feu vert pour faire part de leurs expériences et les usagers commencent à faire entendre leur mécontentement. La démarche semble faire l’unanimité, nous pouvons d’ores déjà féliciter la motivation de chacun à ce stade du projet, les élus ont fait part de leur détermination et de leur désir de poursuivre immédiatement.

Malheureusement, pour les raisons de conflits entre le Hezbollah et Israël, cet atelier qui devait avoir lieu en septembre sera reporté à une date ultérieure. Une fois de plus le Liban a subit les humeurs de la guerre. Cet été 2006 l’a de nouveau contraint à la reconstruction et aux tensions entres les communautés. L’unité du pays est une fois encore fragmentée. Quelles seront les nouvelles priorités de l’état ? Quelles seront les affectations prioritaires des financements ? Quelles devront être les adaptations des projets déjà en cours ? Dans sa course au développement, le Liban doit demeurer conscient du handicap majeur que constitue, pour lui, la persistance du conflit du Proche-Orient et l’incertitude quant à un aboutissement plus ou moins lointain à une paix durable dans la région. Le Liban peut-il s’engager dans un projet fondé sur l’hypothèse d’une paix durable au Proche-Orient tout en adaptant ce projet, en première phase, aux contraintes du conflit ?

Photo 13 : Les atouts paysagers de la vallée de la Kadisha

78 Bibliographie : - Guide de la coopération décentralisée, Echanges et partenariats internationaux des collectivités territoriales, Commission Nationale de la Coopération Décentralisation, 2006, 178 p. - Schéma D’Aménagement du Territoire Libanais (SDATL), 2003, Conseil du Développement et de la Reconstruction. - BAROUD Z., 2004, Gouvernance locale et réforme institutionnelle au Liban, Les municipalités, un outil d’innovation ? 23 p. - Feasibility studies for the rehabilitation and modernization of small and medium irrigation schemes in Lebanon, Bcharré region, Council for Development and Reconstruction, 1997, 141 p. - GHIOTTI S., 2004, La réforme de la politique de l’eau au Liban, Les enjeux territoriaux de la réorganisation institutionnelle, 61 p. - LE BRIS E. (dir.), 2004, Les municipalités dans le champ politique local, Pouvoirs locaux et décentralisation en période de reconstruction étatique, le cas du Liban, 208 p.

Sites Internet :

- Site du Higher Concil for Privatization : www.hcp.gov.lb - Site du Ministère de l’Environnement : www.moe.gov.lb - Site du Conseil De la Reconstruction (CDR) : www.cdr.gov.lb - Site du Ministère de l’Intérieur : www.lebaneselaws.org - Site fait par Lille Métropole : www.localiban.org

79

Annexes

80 Annexe 1 : Introduction du président de l’Etablissement des Eaux du Liban Nord sur l’opération pilote de protection et valorisation de l’eau dans la vallée Kadisha

A l’OPÉRATION PILOTE D’APPUI A LA PROTECTION ET LA VALORISATION DES RESSOURCES EN EAU DE LA VALLEE KADISHA

ATELIER DE TRAVAIL N°1 DU 16 MAI 2006

INTRODUCTION DU PRESIDENT DE L’ETABLISSEMENT DES EAUX DU LIBAN NORD M. JAMAL K.

Messieurs les Présidents des Municipalités du Caza de BECHARREH ; Mesdames et Messieurs, représentants de collectivités du Liban Nord ; Mesdames et Messieurs experts des collectivités et acteurs publics Rhône alpins ; Mesdames et Messieurs

Lorsque en janvier dernier, au cours de la « Deuxième conférence de Tripoli », nous avons sollicité votre avis sur ce qui vous apparaissait comme priorité pour le Liban Nord en matière d’eau et d’aménagement du territoire, vous nous avez indiqué trois préoccupations, prioritaires à vos yeux :

- le développement de l’assainissement, y compris au sein des petites Municipalités ;

- la protection et la valorisation des ressources en eau du Liban Nord ;

- l’instauration d’un dialogue entre les usagers et le service public de l’eau.

Forts de vos indications, nous nous étions alors engagés, avec nos partenaires Rhône alpins, à travailler concrètement, avec votre participation, au développement de ces trois thématiques, et à la mise en application des résultats de ces travaux.

Le fait que nous soyons réunis aujourd’hui à BECHARREH, montre que vous comme nous, tenons nos engagements et entrons ensemble dans la phase concrètes de mise en œuvre de nos travaux communs.

Mais j’irai plus loin, pour vous montrer que nous tenons nos engagements sur les trois domaines de travail que vous avez sélectionnés lors de la Conférence de Tripoli:

- peut-être certains d’entre vous ont ils participé à l’atelier de travail organisé début avril avec la Direction de l’Eau du Grand Lyon, concernant l’assainissement. Pour ceux qui n’y étaient pas, sachez qu’au cours de cet atelier, nous avons commencé à travailler sur la présentation de solutions alternatives de développement de l’assainissement, qui permettront peut être aux petites collectivités de commencer se doter d’équipements d’assainissement sans attendre des financements internationaux qui risqueraient de tarder. Sachez également qu’un deuxième

81 atelier, prévu fin juin ou début juillet, développera cette thématique en travaillant à la mise au point d’un guide qui permettra aux élus des petites collectivités de définir si ces solutions alternatives sont applicables et sont avantageuses ou non à leur municipalité.

- Toujours pour répondre à votre demande de fin janvier, nous avons organisé, hier, à Tripoli, le premier atelier de travail concernant l’instauration d’un dialogue entre les usagers et le service public de l’eau. Cette journée de travail, nous a permis de comprendre comment les populations ressentaient et comprenaient les efforts consacrés à l’amélioration du service de l’eau à Tripoli : ainsi nous pourrons de la manière la plus efficace combler nos lacunes de communication et améliorer nos relations avec le consommateur. En outre, cette journée de travail nous a amenés à définir avec les participants, les méthodes et les dispositifs qui nous permettront d’entrer en contact avec les usagers de l’eau, de les sensibiliser aux logiques qui justifient nos programmes, mais également de comprendre quelles sont leurs propres priorités pour pouvoir les prendre en compte dans l’élaboration de nos programmes. Ces dispositifs expérimentaux seront mis en œuvre dans les plus brefs délais.

- Enfin nous sommes réunis aujourd’hui pour tenir nos engagements et répondre à la troisième préoccupation que vous nous avez désignée comme prioritaire : la nécessité de protéger et de valoriser nos ressources en eau. ********************

Puisque vous me faites l’honneur d’entamer cette journée de travail, permettez moi de commencer par vous faire part d’une réflexion personnelle qui me semble être un fondement de la démarche que nous démarrons aujourd’hui ensembles.

Il m’apparaît que nous avons tous tendance à penser que si nous ne parvenons pas à améliorer l’efficacité de nos services aux populations, et notamment la protection de nos ressources en eau, c’est principalement à cause de l’insuffisance de moyens financiers. Nous invoquons toujours l’absence de moyens financiers, or je pense que nous nous trompons.

Je ne veux pas dire que la mobilisation de moyens financiers n’est pas nécessaire. Ces investissements sont indispensables bien entendu ! Mais il m’apparaît qu’ils ne sont pas forcément suffisants, et que ce n’est pas forcément par là qu’il faut commencer.

Peut être faut-il commencer par agir sur d’autres plans, qui ne nécessitent pas des dépenses faramineuses, mais qui permettront d’amorcer les solutions à nos problèmes, qui permettront de préparer le terrain pour faire en sorte que les investissements futurs soient aussi efficaces et durables que possible.

Je vais prendre un exemple qui nous ramène à nos préoccupations d’aujourd’hui.

Nous savons tous que nos ressources en eau sont aujourd’hui en danger. Nous savons que, chacun pour des raisons différentes, nous avons besoin de cette eau, nous avons besoin qu’elle soit économisée, nous avons besoin qu’elle soit protégée : - les populations des villages du Caza ont besoin d’eau potable ; - les agriculteurs ont besoin d’eau pour irriguer ; - les hôtels de la station des cèdres ont besoin d’eau pour leurs clients ; - EDL a besoin d’eau pour faire tourner ses turbines ; - enfin quel serait l’attrait touristique de la vallée sainte si la rivière qui la rafraîchit était à sec et son lit jonché d’ordures ?

82

Or quel constat peut on faire ?

On constate que chacun se préoccupe de l’eau sous la forme qui l’intéresse directement, mais que rares sont les personnes qui se préoccupent de l’eau sous la forme qui intéresse les autres utilisateurs:

- celui qui a besoin d’eau potable pour la boire est susceptible de jeter ses ordures au fond de la vallée, sans se rendre compte qu’ainsi il empêche le développement touristique de la KADISHA ;

- l’agriculteur qui a besoin d’une eau propre pour irriguer ses cultures ne sait pas forcément que les quantités d’herbicide ou de pesticide qu’il emploie détériorent gravement la qualité de la ressource en eau qu’il va boire ;

- l’hôtel qui a tellement besoin d’eau potable pour ses clients rejette ses eaux usées sans traitement dans le sol, abîmant de ce fait, non seulement l’eau qu’il pourrait proposer à ses clients, mais détériorant également les stalactites de la grotte KADISHA qui justement attirent ses clients ;

- et peut être que les habitants de la Kadisha préfèreraient disposer d’un peu moins d’électricité, mais par contre d’un peu plus d’eau dans la rivière qui séduirait ainsi les touristes et les inciterait à revenir plus souvent, contribuant ainsi au développement économique de la vallée.

Entendons nous, il n’est pas question pour moi de faire ici le procès de quiconque. Je suis bien certain que personne n’agit ainsi par malveillance intentionnelle. Par contre, je pense que nous agissons tous ainsi le plus souvent par ignorance.

Nous ignorons les préoccupations des autres utilisateurs de l’eau. Chacun ignore qu’il peut nuire aux intérêts des autres, nuire à l’intérêt général, et donc en retour, nuire à ses propres intérêts.

Et c’est sur ce point, que je reviens au type d’actions, peu coûteuses mais tellement efficaces, que nous pourrions développer.

Si nous commencions par combler ces ignorances. Si nous commencions par définir ensembles les conditions de l’intérêt général. Si nous nous concertions ! Voilà peut être la première clé pour la résolution de nos problèmes communs : LA CONCERTATION ! Si nous nous concertions, travaillant ensembles à définir les compromis qui permettront d’atteindre les objectifs d’intérêt général tout en respectant au mieux les intérêts de chacun de utilisateurs.

Parce qu’en définitive, que cherchons nous tous ? Je pense qu’on peut déjà se mettre d’accord sur le fait que tous nous poursuivons trois objectifs complémentaires :

- nous souhaitons tous que les populations du Caza puissent disposer durablement d’une eau potable de qualité et en quantité suffisante ;

83 - nous souhaitons tous contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des populations du Caza et pour cela au développement économique de la vallée ;

- enfin nous souhaitons tous préserver et valoriser cette vallée, connue dans le monde entier pour son patrimoine historique et religieux.

Alors mettons nous tous autour d’une table et commençons à travailler ensembles à la définition de nos objectifs communs et à la définition d’une démarche qui nous permettra de les atteindre.

C’est bien sûr facile de le dire et probablement beaucoup moins facile à réaliser. C’est pour cela que vous, Présidents des Municipalités du Caza de BECHARREH et moi même, avons fait appel à nos amis français.

Ils vont nous expliquer au cours de la journée, que les mêmes problèmes se posent en France. Ils vont nous expliquer que pour faire face à ces problèmes liés aux intérêts souvent contradictoires des utilisateurs de l’eau, ils ont essayé de mettre au point une méthode de travail qu’ils appellent « contrat de rivière » et qui a déjà donné des résultats probants sur une centaines de cours d’eau. Ils vous diront, j’en suis sûr, que cette méthode n’est pas parfaite et qu’elle n’est probablement pas directement applicable, tel quel, au cas de figure libanais. Il vous proposerons que nous travaillions avec eux à améliorer cette démarche.

Cette méthode du « contrat de rivière » n’est pas parfaite et elle n’est pas directement applicable au contexte libanais, mais au moins disposerons nous, au travers de l’expérience qu’ils proposent de partager avec nous, d’une base de travail, d’une sorte de « guide line » à laquelle nous pourrons nous référer tout au long du travail de concertation que nous réaliserons ensembles.

Monsieur Bruno R. est le représentant de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, mais je sais qu’il est également Président d’une Municipalité de la Région lyonnaise, il est donc en mesure de comprendre vos préoccupations d’élus. Monsieur R., nous présentera cette méthode au cours de la journée, il nous en expliquera les phases successives, mais également les difficultés et les contraintes. Monsieur R. est bien placé pour nous accompagner dans la mise en œuvre d’une telles démarche : il anime des contrats de rivière sur le quart sud-est de la France depuis bientôt une vingtaine d’années.

Madame Sandrine D. est chargée de mission du Département de l’Eau et de l’Environnement du Conseil Régional de Rhône Alpes. A ce titre, elle a également participé au développement de nombreux « contrats de rivière ». Elle s’attachera à nous expliquer pourquoi et comment une telle démarche peut être indispensable pour favoriser le développement économique d’une région, et notamment une région à vocation touristique. Elle nous fera état d’un exemple qui ressemble beaucoup au cas de figure de la KADISHA.

Enfin Monsieur Adrian B., détaché à BECHARREH par CORAIL, poursuit depuis deux mois une mission de collecte de données, une sorte d’état des lieux à partir duquel ont été définies, avec Monsieur R., différentes actions prioritaires à mener. Il vous fera une synthèse de ses travaux, vous exposera les actions prioritaires et les efforts déployés pour commencer à les mettre en œuvre.

84 Sur ces bases, la parole vous reviendra, pour que vous puissiez poser toutes les questions que vous souhaitez à ces experts qui se sont engagés à nous accompagner et soutenir nos efforts sur les années qui viennent.

En fin de journée, un débat s’ouvrira, destiné à commencer à bâtir un plan de travail commun qui nous rapprochera progressivement des objectifs que nous aurons fixés. Dans ce programme de travail, qui s’étalera probablement sur plusieurs années, chacun aura sa place, chacun pourra exprimer son point de vue, mais chacun aura aussi sa charge de travail .

Et si nous nous engageons totalement aux côtés de nos amis français, il n’y a aucune raison que nous ne parvenions pas aux résultats qu’ils obtiennent en France, il n’y a aucune raison pour que nous ne parvenions pas à atteindre les objectifs communs que nous aurons fixés.

Si nous ne nous dérobons pas à nos engagements, si nous sommes capables de soutenir nos efforts sur les années qui viennent, nous ferons ensembles un exemple pour le Liban : nous ferons de la vallée KADISHA un phare auquel pourront se référer les autres régions libanaises.

Enfin, parce que je me suis déjà imprégné de cette démarche qu’ont bien voulu m’expliquer nos amis français, je sais que si nous l’adoptons, nous saurons, avec leur appui, sélectionner avec discernement, les investissements les plus pertinents, les procédés et les infrastructures les mieux adaptées aux spécificités de la KADISHA, nous saurons réaliser les investissements qui sont indispensables et éviter ceux qui sont peu efficaces. Et j’ai reçu l’assurance que les experts de la Région Rhône Alpes comme les experts de l’Agence de l’Eau nous renforceront de leurs conseils pour réaliser les bons choix pour la KADISHA.

Je finirai donc cette introduction en remerciant une fois encore, en votre nom à tous, nos ami Rhône Alpins pour leur soutien continu et sans faille depuis deux ans, et en souhaitant que cette collaboration leur soit aussi profitable qu’elle l’est d’ores et déjà pour nous.

Merci à tous de votre attention, et je vous souhaite bon courage pour la suite de cette journée de travail.

Le P.D.G. de l’Etablissement des Eaux du Liban Nord M. Jamal KRAYEM

85 Annexe 2 : Proposition de programme de sensibilisation aux problèmes des déchets.

COdéveloppement Rhône Alpes InternationaL

Organisme de Solidarité Internationale

OBJET : Programme de sensibilisation à l’impact des déchets solides et à la pollution de l’eau dans le Caza de Bcharré.

DATE : le 03 mai 2006

Elaboration : ƒ Charbel Hsein T. : Ingénieur Agronome (Worlvision/Bcharré) ƒ Adrian B. : Stagiaire CORAIL

Avec la participation de : Aline T. : Comité de Sauvegarde de l’Environnement de Bcharré Joe R. : Comité de Sauvegarde de l’Environnement de Bcharré

Diffusion : ƒ Les municipalités du Caza de Bcharré par l’intermédiaire du Dr. Georges GEAGEA (municipalité de Bcharré) ƒ Alain T. (Directeur de CORAIL) ƒ Bruno R. (Chargé de mission Liban, agence de l’eau RM&C) ƒ Joëlle P. (Chargée de mission CORAIL permanente au Liban)

______

La coopération décentralisée entre la Région Rhône-Alpes et l’Etablissement des Eaux du Liban Nord a pour objectif d’accompagner les acteurs du développement local de la vallée QADISHA, dans la mise en place d’une démarche de concertation apparentée à ce que l’on appelle en France un « Contrat de Rivière » et ce dans une double finalité :

- contribuer à la valorisation et la protection de la ressource en eau du Caza de Bcharré;

- et ce dans une perspective de développement local du Caza de Bcharré.

La pénurie de l’eau annoncée sur la planète impose une réflexion globale sur la protection et la valorisation de l’or bleu. Gestion et protection de l’eau passent bien sur par l’amélioration de l’adduction de la source au robinet et par le traitement des eaux usées avant le rejet dans l’environnement mais aussi et surtout par une sensibilisation des usagers aux impacts des déchets solides et produits toxiques disposés dans la nature. Il est nécessaire de faire prendre

86 conscience aux individus que les rejets de déchets (concentrés ou dispersés), l’utilisation excessive de produits agricoles (pesticides, engrais…) et ménagers (liquides vaisselle…) engendrent des conséquences irréversibles et à long terme sur les ressources en eau. Les sources de pollution de l’eau sont multiples dans le Caza de Bcharré, les eaux usées non traitées qui sont directement rejetées dans l’environnement naturel, les décharges « non contrôlées » ou « sauvages » qui polluent l’air et l’eau, les huiles de vidange parfois répandues sur le sol, les engrais et pesticides agricoles qui saturent le sol et les fruits, les carcasses d’animaux entassées en plein air et enfin les déchets que les touristes et les populations locales jettent chaque jour à même le sol. Il est difficile de changer son propre comportement vis-à-vis de la nature surtout lorsque les habitudes sont encrées depuis des décennies. C’est pour cela que des actions de sensibilisation aux problèmes de la pollution sont bien plus efficaces sur les jeunes (enfants et étudiants) que les adultes. Dans cette optique, il serait judicieux de développer un programme durable de sensibilisation tout au long de l’année au sein des écoles en priorité mais aussi des paroisses et des populations directement.

OBJECTIF GENERAL

Sensibilisation des populations aux effets nocifs de la pollution des déchets solides sur l’environnement et de l’impact sur le développement local ; aboutir à une prise de conscience généralisée à tout le Caza ; amélioration concrète de la propreté de la vallée et du Caza dans sa globalité.

PROPOSITION DE METHODE

Constituer une équipe dirigée par une personne qualifiée qui sera en charge de mener des activités de sensibilisation dans tout le Caza de Bcharré et ce tout au long de l’année. Une action unique et ponctuelle serait inefficace voire inutile. Cette équipe aura aussi la tache de relier les acteurs concernés pour permettre une cohérence et un bon déroulement des opérations. Le statut de cette équipe doit être éclairci et « institutionnalisé » afin de rendre la démarche légale et durable dans le temps.

ROLE DE L’EQUIPE EN CHARGE DU PROJET

L’équipe qui conduirait ce projet devra :

ƒ S’entretenir avec certains professeurs de chaque école afin de voir comment ils pourraient adapter quelques heures de cours aux questions de la préservation de l’environnement, donc de l’eau. Voir aussi, si les professeurs peuvent aménager la structure de leurs cours dans le but de proposer des travaux pratiques et des sorties de terrain orientés sur le thème de la protection de l’environnement et de l’eau.

ƒ Actualiser les messages à faire passer par les « églises » selon les démarches entreprises sur le moment. Pour ce faire, elle contactera régulièrement les évêques, les prêtres…

87 ƒ Organiser deux campagnes par an (au minimum) de ramassage des déchets dans le Caza de Bcharré. Lors de ces campagnes, l’équipe pourrait apporter des notions de bonne conduite du « citoyen moderne ». Car faire ramasser des déchets doit être accompagné d’explications de l’utilité et de la nécessité de ce geste. « Ne plus jeter de déchets c’est ne plus avoir besoin de les ramasser ». Les périodes proposées sont la fin du printemps et le début de l’automne.

ƒ Participer à l’organisation des activités et sorties de terrain suscitées par les écoles. Si certains professeurs sont motivés pour entreprendre des sorties de terrain avec leurs élèves, l’équipe peut aider au déroulement de la journée, permettre de réunir plusieurs classes de différentes écoles, et ce dans une finalité multiple : - Réduire les coûts de transport - Sensibiliser le maximum d’enfants - Permettre aux enfants de se rencontrer (favoriser les échanges d’expériences et les activités communes, engendrer ou favoriser une réflexion commune sur le sujet du « civisme » ; une personne qui jette un papier au sol impose aux personnes suivantes la vue du déchet)

ƒ Lier les acteurs concernés c’est-à-dire tenir au courant de manière permanente et perpétuelle les différentes personnes qui participent aux démarches entreprises.

ƒ Organiser des mini-conférences dans les écoles des différents villages et peut-être même des conférences destinées directement aux populations locales.

ƒ Elaborer des affiches éducatives rappelant les dangers de rejets de déchets sur la qualité de l’eau potable.

ƒ Dans l’avenir, élargir le nombre des thèmes abordés (à définir).

ROLES DES ACTEURS/PARTENAIRES

ƒ Fédération des municipalités : - Diffusion de l’information à tous les villages. - Soutien juridique et financier.

ƒ Municipalités : - Nommer une personne de la municipalité qui sera l’interlocuteur permanent de l’équipe. - Soutien juridique, financier et matériel.

ƒ Ecoles : - Favoriser l’intervention de l’équipe (liens entre les professeurs, élèves et équipe). - Favoriser la diffusion des informations. - Inciter les professeurs à adapter certains travaux scolaires et certaines heures de cours.

ACTEURS/PARTENAIRES COMPLEMENTAIRES

ƒ Comités : - Comite de sauvegarde de l’environnement de Bcharré

88 - Comité des amis de la forêt des Cèdres - Comité du développement touristique - Comite de protection de la vallée - Comité de Gibran

ƒ Scouts : Appuis/soutiens aux actions commanditées par l’équipe.

ƒ Etudiants universitaires de Bcharré

ƒ Paroisses : Devraient être en mesure d’aborder l’importance de la vallée « Sainte » et de la prise en compte de l’environnement et de l’eau « source et maintien de la vie » à travers les prêches.

ƒ Organisme de sensibilisation aux questions de l’environnement qui dépend du Ministère de l’Education Nationale.

ƒ Tous les comités, associations, ONG des villages du Caza de Bcharré.

89 Annexe 3 et 4 : Exemple d’affiches éducatives proposées aux écoles

90 Annexe 5 : Compte rendu de la journée de ramassage des déchets solides dans la vallée de la KADISHA le 21 Mai 2006

COdéveloppement Rhône Alpes InternationaL Organisme de Solidarité Internationale

OBJET : Compte rendu de la journée de ramassage des déchets solides dans la vallée de la KADISHA le 21 Mai 2006.

DATE : le 24 mai 2006

Afin d’amorcer la mise en place du « contrat de rivière » par une action concrète, Corail à voulu organiser cette journée de ramassage dans la vallée de la Kadisha. Plus qu’une action symbolique, cette démarche s’inscrit dans un processus à long terme de protection de la ressource « eau ». L’organisation, la participation, l’engagement et la motivation de chacun ont été les clés du bon déroulement de la journée et la preuve de la volonté de chacun d’agir en faveur de son environnement et de la protection de l’eau. Le site de la vallée a été choisi pour la valeur patrimoniale et religieuse qu’il représente aux yeux de chacun des habitants de la région du Caza de Bcharré et parce qu’il est une zone commune à presque tous les villages du Caza. Ceci met bien en évidence le rôle collectif que les municipalités ont à jouer dans la mise en place, le soutien et le suivi du « contrat de rivière ».

Organisation préliminaire: ‐ La réussite de la collecte ne pouvait être totale sans la présence de nombreux jeunes du Caza. C’est pourquoi il a fallu préalablement démarcher dans les écoles pour connaître la motivation et le nombre des participants potentiels. Le projet a toujours été très bien accueilli par les directeurs et directrices des écoles, ils ont montré tout leur enthousiasme et leur implication en diffusant le programme et en sollicitant les enfants de leurs écoles. Des listes de noms ont été très rapidement fournies à Corail, facilitant ainsi la suite de l’organisation de ce dimanche 21 Mai.

‐ La suite s’est déroulée avec les municipalités afin de prévoir et négocier toutes les modalités de la démarche. Les municipalités ont montré leur engagement et leur motivation en mobilisant du personnel, du matériel, des pick-up et des bus pour le transport, certains présidents n’ont pas hésité à se déplacer pour encourager les jeunes bénévoles (Un remerciement particulier au Muktar de Bcharré et aux Présidents des municipalités de Bcharré, Bqerqacha et Hadchit présents dans la vallée ce 21 Mai). Les déjeuners (sandwichs, jus de fruits, fruits…) ont été financés et distribués par les municipalités.

‐ Les « étudiants universitaires de Bcharré » ont organisé et participé activement à l’encadrement des jeunes avec l’aide des Scouts de Bcharré.

91 ‐ La Croix Rouge a fait part de ses services dès notre première requête, elle a ainsi mobilisé un camion dans la vallée.

Déroulement de la journée : Le départ était prévu à 8h30, à partir de chaque village participant, pour aller au point de rendez-vous au fond de la vallée. Cinquante jeunes étaient présents, à 9h30 des groupes de 13 personnes ont été formés, le matériel distribué à chaque groupe et les sites à nettoyer attribués aux 4 groupes. Chaque groupe s’est alors rendu sur les lieux pour commencer la collecte. Les jeunes ont permis le ramassage d’une quantité importante de déchets le long de la route, de la rivière et sur les places très fréquentées par les touristes. Le nettoyage des places de « pique- nique » et des abords de la route à montré son utilité, une réelle différence dans le paysage peut dés lors être perçue par les promeneurs. Après 3h de ramassage tous les jeunes et le personnel des municipalités ont déjeuné au bord de la rivière.

(Les « travailleurs » avant la pause déjeuner)

L’importance de sensibiliser les jeunes aux problèmes des déchets a pris tout son sens lorsque, à la fin du repas, des jeunes ont jeté par « réflexe » les papiers de sandwich et les boîtes de jus de fruit. Pourtant des poubelles étaient devant eux à ce moment là et depuis 3h nous ramassions les déchets les plus sales. Cette aventure a tout de même eu l’effet positif de pouvoir leur faire prendre conscience de ce geste absurde.

Après le déjeuner, tous les déchets ont été déversés dans les pick-up de la municipalité de Bcharré pour être évacués, les jeunes en ont profité pour vider les poubelles de la fédération des municipalités placées tout le long de la route en terre de la vallée. Même si l’action fut efficace et utile, il reste des déchets et en particulier dans le lit de la rivière. Des moyens « professionnels » sont requis pour pouvoir les extraire.

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(Les déchets dans l’un des 2 pick-up mobilisés pour la journée)

Avant de terminer cette journée de ramassage, Joe R. (Ecoclub) a expliquer aux enfants pourquoi une telle démarche est importante pour les inciter à réfléchir avant de jeter les déchets dans la nature.

(Les enfants écoutant les explications de Joe R.)

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