8 Ecouter - Voir LUNDI 26 AOÛT 2019 L'ALSACE

NÉOCLASSIQUE HEAVY METAL Les joyaux du Big Four Paolo Fresu & Daniele di Bonaventura , la puissance thrash

Aux origines du thrash les principales causes du divorce. changements de personnels au- metal, Megadeth s’est recrute Kirk Hammett tour de Mustaine et du bassiste imposé tel un monstre vorace et sort son premier opus « Kill’Em Dave Ellefson, les deux seuls et incontournable. Le groupe All » sans Dave. membres originels à avoir « survé- Altissima Luce ● Laudario Di de pèse Le guitariste ne digérera jamais cu » aux différentes époques, Me- Cortona (Tuk Music) 38 millions d’ vendus sa mise à l’écart. Il fonde aussitôt gadeth ne baisse ni pavillon, ni vo- dans le monde. Les récentes Megadeth avec la ferme intention lume. Le format à l’italienne sied rééditions de United Abomi- de faire mieux que Metallica. La joliment à cet objet qui ren- guéguerre n’a jamais cessé. Mais Une reprise de Led Zep ferme grande musique et pro- nations, Endgame et jet expérimental. Le trompet- TH1RT3EN devraient permet- finalement, les fans de metal y ont Parallèlement, la discographie tiste sarde Paolo Fresu s’est tre d’ajouter quelques unités. trouvé leur compte puisqu’ils ont du groupe fait l’objet de rééditions associé au bandonéoniste désigné Metallica « et » Megadeth bonifiées, remastérisées, avec toscan Daniele Di Bonaventu- out a commencé dans la dou- pour rejoindre Slayer et Anthrax pressages vinyles à la clé. Trois ra pour convoquer le chœur Armoniosoincanto et l’Or- T leur d’une exclusion. Soliste au sein du « Big Four of thrash » opus subissent ce traitement cet chestre de chambre de Peru- historique de Metallica, Dave qui désigne les quatre meilleurs été. Onzième de Megadeth, gia. Michele Rabbia, fin per- Mustaine est brutalement écon- groupes américains du genre. « United Abominations » a mar- cussionniste, et Marco duit en 1983. Les affrontements qué les esprits – et les tympans fra- Bardoscia, bassiste subtil, entre musiciens, les ego contraires Vers les sommets giles – en 2007, d’autant qu’on évo- complètent le quartet jazz qui s’aventure en terrain mé- et les problèmes d’addiction « dro- Avec hargne, dextérité et des cor- quait une possible séparation du diéval. Ces airs sont inspirés gue + alcool » de Mustaine sont des vocales comme tressées dans groupe à l’époque. En bonus, la Megadeth en 2009, lors de la sortie de l’album "Endgame". DR des louanges de Saint-Fran- l’acide, Dave Mustaine aura con- reprise de « Out on the Tiles » de çois d’Assise provenant d’un duit Megadeth vers les sommets, tire un solide trait manuscrit du XIIIe siècle ar- chivé à Cortona. Les chants bien que restant un étage en des- d’union avec les dinosaures du sacrés, bien qu’ils soient sous de Metallica question popu- hard. S’ensuit « Endgame » en hors du temps, prennent ain- larité. Pour autant, la machine 2009, magistral de puissance. Puis si une dimension plus actuel- speed & heavy de Megadeth relè- « TH1RT3EN », 13e chapitre d’un le. Comme si Miles Davis avait croisé Astor Piazzolla ve de la mécanique parfaitement Megadeth toujours plus rageur, un sous la crypte d’une abbaye huilée, avec effets bombardiers en disque que les fans les plus exi- perdue. Superbe. rafale et prouesses techniques hal- geants considèrent comme une ré- lucinantes. surrection. Mais d’une façon géné- JAZZ En mars dernier, une anthologie rale, il faut l’admettre, Megadeth Virginie Daïdé de 3CD mettait tout le monde manque rarement sa cible. United Abominations. (BMG) d’accord. Malgré les nombreux Thierry BOILLOT Endgame. (BMG) TH1RT3EN. (BMG)

ROCK Deuxième vie POP ROCK L’ombre de Bowie AMERICANA Chris Robinson Ride Perry Farrell Brotherhood

Groupe phare du rock britanni- Si Jane’s Addiction avait secoué que du début des années 90, avec la planète en 1990 avec « Ritual de Dream Jobim. (DSY) deux albums (Nowhere et surtout lo Habitual », qu’en est-il en 2019 ) qui en firent de son chanteur Perry Farrell, qui a Au cœur de l’été, on ne résis- l’un des plus beaux orchestres à mis 18 ans à pondre son second te jamais aux sons du Brésil. guitares de l’époque, Ride s’était effort solo : « Kind Heaven ». Cet- Saxophoniste inspirée, Virgi- séparé en 1996, reformé en 2001 – te fois, Perry partage le micro avec nie Daïdé a choisi de rendre hommage au grand Tom Jo- le temps d’un documentaire sur son épouse Etty Lau et invite ses bim (1927-1994) dans la con- Sonic Youth, référence évidente – fils Hezron et Izzadore à chanter Servants of the Sun (SilverArrow) tinuité d’un projet mené avec puis une deuxième fois en 2014. les chœurs sur le prophétique le guitariste Léonida Fava. Premier album depuis 21 ans, « Let’s All Pray For This World ». À la première écoute, l’horri- Les titres choisis dans le ré- suivit en 2017, Tout tient en 31 minutes et le projet Kind Heaven. (BMG) ble son des synthétiseurs vin- pertoire du pionnier de la tage donne envie de fuir. avec un bilan mitigé : se sachant (Wichita/[PIAS]) a de l’allure, d’autant que la pro- Mais il s’agit de Chris Robin- bossa nova ne sont pas tou- attendu, Ride semblait avoir un duction a été confiée à Tony Vis- nimeux « Where Have You Been jours les plus connus (point son, âme des Black Crowes, de Girl from Ipanema ni de peu trop réfléchi. This Is Not a Safe tros sont aussi grandioses qu’il y a conti, metteur en sons pour David All My Life ». Même s’il abuse de alors on s’accroche. Avec rai- Desafinado ici), mais reflè- Place montre aujourd’hui le quar- trente ans. Ride ne tourne pas ca- Bowie dont l’ombre plane cons- toutes sortes d’effets, Perry maîtri- son. Le folk électrifié de Chris tet plus libéré, et prouve que la réu- saque, mais montre une meilleure tamment. Tout ce qui colle aux se- se son affaire, multipliant les clins se nourrit de guitares lumi- tent fidèlement l’univers de neuses et de cette voix affû- Jobim. Virginie Daïdé s’est nion, en plus de durer, s’avère fé- maîtrise de ses capacités, davanta- melles de Perry Farrell, aujour- d’œil à Bowie. Notamment sur tée pour trancher dans la bru- entourée de musiciens che- conde. Le côté « noisy », ge au service des chansons, tour à d’hui sexagénaire, se retrouve l’orientalisant « More Than Could me des marais. Nous sommes vronnés, dont le trompettiste composante majeure des débuts, tour plus pop ou plus « adultes ». dans ce fourre-tout de chansons in- I Bear » que n’aurait sans doute quelque part entre Bob Dylan Tom Harrell, qui donnent une est évacué dès l’entame, avec ses Les fans de la première heure de- classables entre électropop, funk pas renié Ziggy Stardust. L’ultra et Grateful Dead, dans l’Amé- couleur chaleureuse et très chœurs noyés dans la bouillie so- vraient adhérer sans sourciller, et baroque et music-hall rock. À l’ar- dansant « Spend The Body » achè- rique des grands espaces. organique à ces « mélodies CCR est certes moins rock intemporelles ». S’y fondent nore, façon My Bloody Valentine. une nouvelle génération pourrait rivée, on se promène dans un for- ve de convaincre. Le fondateur du que les « corbeaux noirs » deux compositions de Virgi- Les guitares restent centrales, sou- les rejoindre, le rock de Ride midable bastringue bombardé de Lollapalooza est décidément un mais délivre une country ré- nie, Song for Tom et Dream vent saturées, gorgées d’effets, ou n’ayant pas pris une ride. puissants missiles comme « Pirate festival à lui tout seul. inventée teintée de psyché- Jobim, à la hauteur du maître. hypermélodieuses – certaines in- O.Br. Punk Politicians » ou du plus ve- T.B. délisme. On est transporté.

DVD La sélection de la semaine Vélo Désir Résilience Casanova Corruption Narcotrafic

Raoul Taburin a un secret. (Pathé) Blanche comme neige. (Gaumont) Nos vies formidables. (Memento) Dernier Amour. (Diaphana) El Reino. (Warner) Les oiseaux de passage. (Diaphana)

Quand l’univers de Sempé fait Cinéaste rompue à tous les Margot, 32 ans, cassée par Giacomo Casanova arrive à Homme politique influent, « La marijuana est le bonheur un tour sur le grand écran. On genres, Anne Fontaine se ris- l’abus d’alcool et de substan- Londres, une ville dont il Manuel Lopez-Vidal est pris du monde… » Dans les années connaissait le petit Nicolas. que, avec « Blanche comme ces toxiques, arrive dans une ignore tout. Il y croise Marian- dans un dossier de corruption 70, en Colombie, dans une Voici Raoul Taburin, répara- neige », à l’adaptation du con- institution où elle doit tout ne de Charpillon, une jeune qui menace tous les membres famille d’indigènes Wayuu, la teur de vélos dans le petit te des frères Grimm… Jeune abandonner pour tenter de se prostituée qui l’attire irrésis- de son parti… Avec « El Rei- jeune Zaina va se marier. Pour village de Saint-Céron. S’il y fille d’une grande beauté, reconstruire… Autour d’elle, tiblement. Mais La Charpillon no », Rodrigo Sorogoyen, re- l’épouser, Rapayet doit offrir jouit d’une certaine réputa- Claire est l’objet de la jalousie se trouvent des hommes et se dérobe toujours à ses avan- marqué en 2016 pour l’excel- une grosse dot. Un ami lui tion, Raoul cache aussi un quasi-criminelle de Maud, sa des femmes, entre 18 et 50 ces. Spécialiste des portraits lent « Que Dios nos suggère de passer du com- de femmes, Benoît Jacquot perdone », met en scène un gros secret. De ceux qui vous belle-mère. Sauvée par un ans, que les addictions ont évite, dans « Dernier amour », haletant et efficace thriller merce du café à celui, plus pourrissent toute une vie. homme mystérieux, Claire se mis à mal… Dans « Nos vies la reconstitution historique sur la corruption en Espagne. lucratif, de la marijuana. Avec « Raoul Taburin a un se- réfugie dans sa ferme et va formidables », titre évidem- (nous sommes au XVIIIe siè- Même si on ne saisit pas tous Bientôt le trafic de drogue va cret », Pierre Godeau transpo- mettre le feu aux tempes de ment ironique, Fabienne Go- cle) pour dresser celui de les enjeux de l’aventure, le prendre de l’ampleur. Avec se, avec finesse, le trait de sept hommes archétypaux. det réussit une belle série de l’éternel séducteur dans un film réussit un portrait remar- « Les oiseaux de passage », Sempé au cinéma. Et il peut Avec Lou de Laâge et Isabelle portraits de patients incarnés jeu du chat et de la souris qui quable d’un politique (Anto- les cinéastes colombiens Ciro pour cela s’appuyer sur un Huppert en tête d’affiche, voi- par de bons comédiens. Voici, le déstabilise. Face à Stacy nio de la Torre, excellent) Guerra et Cristina Gallego si- solide duo avec Benoît Poel- ci une variation teintée d’hu- sur la résilience, une œuvre Martin, une Marianne diapha- coincé dans un piège implaca- gnent une belle fresque qui voorde en Taburin et Edouard mour sur un conte fameux et généreuse qui évite le pathos ne et sensuelle, Vincent Lin- ble et lâché par ses anciens approche la question du nar- Baer dans la peau de Figou- aussi une réflexion initiatique pour glisser qu’on s’en sort don campe un conquérant dé- amis. Lopez-Vidal décide cotrafic à travers une famille gne, le photographe. Une pe- où une « enfant » devient probablement mieux à plu- confit face au mystère de alors de tout déballer dans les et ses traditions ancestrales tite comédie charmante. femme et s’éveille au désir… sieurs que tout seul… l’amour… médias. Remarquable ! et presque mystiques…

TTA-GE1 08