Comment Définir La Sensibilité Des Nappes Aux Déficits Pluviométriques À Partir Des Chroniques Piézométriques ? Application Sur La Région Grand Est (France)
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Revue Géologues n°207, décembre 2020 Sécheresse hydrogéologique : comment définir la sensibilité des nappes aux déficits pluviométriques à partir des chroniques piézométriques ? Application sur la région Grand Est (France). ALLIER Delphine1, MANCEAU Jean-Charles1, BUSCARLET Etienne1, KLINKA Thomas1, CHABART Murielle1, MARLY Xavier2 Différents outils d’analyses des chroniques piézométriques ont été mis en œuvre et appliqués sur la région Grand Est, dans l’objectif de qualifier la sensibilité des nappes captées à la sécheresse météorologique. Ces outils, en particulier le périodogramme et la courbe de décharge seront décrits dans l’article, ainsi que les résultats obtenus sur la région Grand Est où l’on retrouve une assez grande diversité de dynamique. Introduction La sécheresse est définie par Jean Margat (1989) comme « une déficience conjoncturelle significative des précipitations - donc des apports d'eau météorique aux « systèmes d'eau » terrestres pendant une durée assez longue (saisonnière, annuelle, voire pluriannuelle) et sur une étendue assez vaste, par rapport aux moyennes (au moins pluri-décennales) ou aux occurrences médianes ». Un tel déficit prolongé des précipitations peut alors avoir des conséquences en cascade sur les sols, les eaux de surfaces puis sur les eaux souterraines. Ces conséquences ne sont pas toutes synchrones ni de même ampleur. Les sécheresses hydrogéologiques, que l’on définit comme l’impact des carences d’apports sur le régime naturel des eaux souterraines, sont en comparaison avec les sécheresses météorologiques, retardées dans le temps, atténuées mais également prolongées dans des proportions qui diffèrent grandement selon les nappes considérées. Les aquifères, en lissant les anomalies pluviométriques, jouent en effet un rôle de régulateur pour continuer à alimenter les cours d’eau dont ils assurent un débit de base, voire pour pallier des besoins en eau souterraine accrus. Ce sont donc des ressources en eau précieuses lorsque les apports pluviométriques viennent à manquer. Leur résistance est toutefois limitée et des sécheresses hydrogéologiques peuvent se produire en conséquence des sécheresses météorologiques. Se pose alors la question de la sensibilité des eaux souterraines à ces épisodes secs et de comment celle-ci varie d’une nappe à une autre. Utilisation des chroniques de niveau piézométrique pour traduire la sensibilité des nappes à la sécheresse De façon générale, la dynamique des eaux souterraines est dépendante de conditions externes (entrées et sorties d’eau), et de conditions internes au système aquifère (propriétés conductrices de l’eau, comme la transmissivité, et accumulatrices, comme l’emmagasinement). Les flux sortants (typiquement par des émergences ou par les cours d’eau) sont généralement plus continus et réguliers que les flux entrants (typiquement l’infiltration des eaux météoriques). Les eaux souterraines sont donc perpétuellement en régime d’écoulement non permanent (dissymétrie entre apports et exports) avec une évolution du stock en eau souterraine au cours du temps qui traduit le pouvoir de régulation des aquifères. Ce pouvoir de régulation, appelé parfois inertie, est directement dépendant de la transmissivité de l’aquifère, de son coefficient d’emmagasinement ainsi que de sa taille. La diversité des situations induit donc d’importantes différences avec des nappes très réactives et d’autres très inertielles. 1 BRGM, 3 av. Claude-Guillemin 45060 Orléans Cedex 2, France, [email protected] 2 DREAL Grand Est - Délégation de bassin Rhin-Meuse, 2 rue Augustin Fresnel 57071 METZ Cedex 03, France Revue Géologues n°207, décembre 2020 Les différents paramètres permettant de caractériser la dynamique des eaux souterraines sont individuellement souvent mal connus. Le niveau piézométrique est une variable bien plus accessible et qui traduit directement la variation de stock en eau souterraine dans le temps Cette variable semble alors la plus naturelle et la plus à même de traduire les conséquences des sécheresses météorologiques sur les eaux souterraines puisque la sensibilité d’une nappe dépend : 1- de la variation du stock en eaux souterraines lors des épisodes secs (i.e. ce stock va-t-il considérablement diminuer ?), et 2- de la vitesse de variation de ce stock (i.e. ce stock va-t-il rapidement diminuer ?). Typologie générique de la sensibilité des nappes à la sécheresse La sensibilité des eaux souterraines à ces sécheresses météorologiques est très variée. Les nappes captives, qui ne sont pas directement alimentées par les précipitations, sont très peu sensibles aux sécheresses météorologiques, si ce n’est indirectement dans les cas où le manque d’eau serait compensé par des prélèvements plus importants dans ces nappes. Concernant les nappes libres, plusieurs configurations peuvent être rencontrées : - Les nappes libres fortement soutenues par conditions de potentiel imposées à leurs limites (cours d’eau, voire plan d’eau), configuration qui entraîne une relative stabilité des niveaux piézométriques qui varient peu en fonction des apports. Cela peut être le cas de certaines nappes alluviales, mais également de nappes libres drainées par un réseau hydrographique très dense. Les variations en matière de recharge se traduiront rapidement par des variations du débit de drainage. Ces nappes sont donc peu sensibles aux sécheresses météorologiques, mais les cours d’eau seront alors fortement impactés (il ne faut donc pas confondre sensibilité de la nappe aux sécheresses météorologiques, et conséquence d’une sécheresse météorologique sur les cours d’eau, la première pouvant être faible et la seconde forte pour un même épisode de déficit en précipitations) ; - Les nappes libres, à relativement faible réserve, et débitant par un exutoire de type source. Cela peut être le cas de nappes perchées, mais également de plateaux karstiques ; par exemple ces nappes sont très sensibles aux sécheresses météorologiques saisonnières qui peuvent aller jusqu’au tarissement des sources ; - Les nappes libres, à réserves importantes, étendues et souvent à faible densité de drainage : selon leurs caractéristiques intrinsèques, ces nappes auront une inertie plus ou moins importante, ce qui se traduira par un déséquilibre plus ou moins important à l’échelle annuelle entre apports et exports. Sur les niveaux piézométriques représentatifs de la nappe (c’est-à-dire éloignés de l’influence des limites), se superposent donc aux variations annuelles, des variations pluriannuelles correspondant aux successions d’années sèches ou humides. Différents cas de figure existent : o inertie importante : les variations pluriannuelles sont prédominantes, les nappes sont alors surtout sensibles aux sécheresses météorologiques pluriannuelles (i.e. à la succession d’années sèches) ; o inertie moyenne : les variations annuelles et pluriannuelles sont du même ordre : les nappes sont alors sensibles aux deux types de sécheresses saisonnières et pluriannuelles ; o inertie faible : les variations annuelles sont prédominantes : les nappes sont alors surtout sensibles aux sécheresses météorologiques saisonnières. Sensibilité des nappes de la région Grand Est aux déficits pluviométriques : description des piézomètres retenus Sur la région Grand Est, les dernières années 2018, 2019 et 2020 ont été marquées par une situation de sécheresse prolongée entraînant la mise en place de mesures de restriction d’eau. Pour caractériser la sensibilité des nappes à ces situations de déficit et plus globalement pour améliorer les indicateurs Revue Géologues n°207, décembre 2020 piézométriques, une analyse a été menée sur toutes les chroniques piézométriques disponibles de la région Grand Est (hors nappe d’Alsace) (Manceau et al., 2020). Les chroniques piézométriques étudiées sont issues du portail national d’accès aux données sur les eaux souterraines (https://ades.eaufrance.fr/) et respectent les critères suivants : ouvrages localisés dans la région Grand Est (hors nappe d’Alsace), chroniques contenant au moins 120 données entre la première et la dernière date d’acquisition, chroniques caractérisées par une durée entre la première et la dernière date d’acquisition supérieure à 10 années. Les mesures ayant été qualifiées comme « incorrectes » et « incertaines » sont exclues de l’analyse. Une première évaluation des chroniques piézométriques disponibles, menée à partir de la connaissance et de l’expertise hydrogéologique régionale, a permis d’écarter : - des ouvrages directement influencés (par des champs captants ou par des exhaures minières), ces ouvrages étant peu représentatifs de la dynamique de la nappe captée ; - des ouvrages captant des nappes captives, et donc indifférents aux sécheresses météorologiques ; - des points de mesure désormais abandonnés, et donc inutilisables pour évaluer de futures sécheresses hydrogéologiques ; - des ouvrages sujets à caution quant à la fiabilité du suivi. La dernière date de mesure considérée dans cette étude est le 30/03/2020. La suite de l’analyse a donc porté sur 83 chroniques piézométriques pour un total de 490 144 mesures journalières (Fig. 1). Figure 1 : Ouvrages retenues pour l’analyse des chroniques piézométriques, région Grand Est (France) Outils d’analyse des chroniques piézométriques Pour analyser de manière automatique i) la variation du stock d’eau souterraine et ii) la vitesse de variation de ce stock, pour les chroniques piézométriques sélectionnées, différents indicateurs ont été calculés. Il s’agit : du battement de la nappe, de la vitesse de décharge et du mode de variabilité dominant.