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La Redoute d'Arbaud : une fortification passagère de la fin du dix-huitième siècle en

Tristan Yvon - DAC Guadeloupe, SRA - CNRS [email protected]

Resumé En 2010, un large fossé isolant une plateforme d'environ 670 m² a été découvert dans une zone boisée dans sud de la Basse-Terre en Guadeloupe. Situés sur une position topographique dominant la Grande Anse sur l'actuelle comme de Trois-Rivières, il a été émis l'hypothèse que ces vestiges correspondent à une fortification. La recherche menée en archives couplée à la réalisation de sondages archéologiques a permis de confirmer cette hypothèse. Il s'agit de la redoute d'Arbaud, fortification passagère construite à la fin du dix-huitième siècle. Elle s’insère dans un système défensif élaboré constitué des batteries côtières mais aussi de retranchements et d'autres redoutes destinés à empêcher les débarquements ennemis. Les sondages archéologiques ont permis d'étudier partiellement la porte de cette redoute ainsi que le fossé la défendant.

Abstract In 2010, a wide ditch surrounding a platform about 800 sq.yd was discovered in a wooded area in the south of Basse-Terre, in the island of Guadeloupe. Located on a topographic position overlooking the Grand Anse in the township of Trois-Rivières, it was hypothesized that these remains represent a fortification. This hypothesis was confirmed by research conducted in archives coupled with the realization of archaeological surveys. Named redoubt d'Arbaud, this small temporary fortification was built at the end of the eighteenth century. It belongs to a defensive system compound of coastal batteries and other redoubts and entrenchments designed to prevent enemy landings. Archaeological surveys have explored the door of this redoubt and the ditch defending it.

Resumen En 2010, una plataforma de unos 670 m² rodeada por un foso fue descubierta en una zona boscosa en el sur de Basse-Terre, en la isla de Guadalupe. Situada en una posición topográfica alta que domina la Gran Ensenada en el actual municipio de Trois-Rivières, se planteó la hipótesis de que estos restos representan una fortificación. Las investigaciones realizadas en los archivos, junto con la realización de estudios arqueológicos confirman esta hipótesis. Llamada reducto d'Arbaud, esta fortificación fue construida al final del siglo diez y ocho. Forma parte de un sistema defensivo compuesto por baterías costeras, y otros reductos y trincheras para impedir desembarcos enemigos. Estudios arqueológicos han explorado la puerta de este reducto y la zanja defensa.

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l'occasion d'une prospection pédestre réalisée en avril 2010 Recherche documentaire. A sur la commune de Trois-Rivières en Guadeloupe, un fossé de plus de 5 m de large est découvert dans une zone boisée à proximité Subodorant que le site découvert correspondait à un ouvrage de des ruines de l'habitation Grande-Anse. Il délimite une plateforme fortification, nos recherches ont été réalisées prioritairement dans quadrangulaire de 32 par 21 m, soit 670 m2 environ. Au nord de le fonds du Dépôt des fortifications des colonies (DFC) qui concerne l'enceinte, sur le bord extérieur du fossé, un muret de pierre sèche pour partie les Antilles et qui est conservé aux archives nationales long de 4 m est visible. Seul son parement tourné vers le fossé est d'outre-mer (ANOM). Elles nous ont permis de trouver un mémoire apparent puisqu'il contrebute les terres au nord. Faisant face à ce abrégé sur les Fortifications de la Guadeloupe d'auteur anonyme muret, de l'autre coté du fossé, quelques pierres maçonnées à la daté du 12 avril 1779, ainsi qu'une Carte de la basse-terre, Grande chaux affleurent sur le bord de l'espace enclos. Anse des trois rivières et des Cotes adjacentes établie la même Cette enceinte se situe sur un rebord de crête à 200 m de la mer à année. Le mémoire fait état des nouvelles fortifications qui ont été vol d'oiseau (Figure 1). Perchée à 60 m d'altitude, elle domine le mises en places à l'époque dans le sud de la Basse-Terre (ANOM, secteur : à l'ouest et au sud se trouve la baie de la Grande-Anse, DFC, c.28, n°350 et n°351). et à l'est la vallée encaissée de la rivière du même nom. Cette Ce renforcement des défenses militaires s'explique par la situation situation topographique remarquable nous a conduit a envisager politique : le 6 février 1778, la fait son entrée dans la guerre la possibilité qu'il s'agisse d'un ouvrage militaire à caractère d'indépendance américaine en signant un traité d'amitié et défensif. Les vestiges de murs découverts de part et d'autre du d'alliance avec les Provinces-Unies d'Amérique. Cette déclaration fossé pouvaient être le témoin d'un système de franchissement. de guerre implicite contre la couronne britannique est suivie le 10 L'ensemble du secteur est un des plus anciens foyers de juillet de la même année d'une déclaration de guerre officielle. Les peuplement formés par les colons français puisque la paroisse des possessions anglaises étant étroitement imbriquées aux territoires Trois-Rivières est fondée dès 1640. Elle comprend alors deux foyers français dans la mer des Antilles, la zone va donc devenir le théâtre distincts, celui du Carbet et celui de Grande-Anse, appelés à se d'opérations militaires. Il est urgent de préparer la défense de fondre progressivement (Adélaïde-Merlande 1986). la colonie, ce dont est chargé le Comte d'Arbaud, gouverneur de Des recherches en archives couplées à une campagne de sondages la Guadeloupe depuis 1775. Il s'appuie sur les compétences de archéologiques réalisée en décembre 2010 ont permis d'identifier Labbé de Talsy, ingénieur militaire en chef issu de l’École royale les vestiges découverts comme nous allons le voir. du génie de Mézières, en poste aux Îles depuis 1763 (ANOM, COL

Figure 1. Localisation du site (équidistance des courbes de niveau de 10 m).

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Figure 2. Extrait de la Carte de la basse-terre, Grande Anse des trois-rivières et des Cotes adjacentes, 1779 (ANOM, DFC, c.28, n°351).

Figure 3. Extrait du Plan topographique d'une partie de la Guadeloupe depuis la rivière du jusqu'à celle de la Grande Ance concernant la partie militaire pour la défense de l'île, 1793 (PRO (Kew), CO 700 – West Indies / 24).

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E 236, Dossier personnel de Labbé de Talsy, Lazare, lieutenant- qui est figurée sur la carte ; ce chemin correspond sans doute aux colonel au corps royal du Génie, employé à la Guadeloupe, 1748- vestiges des travaux de terrassement réalisés par les militaires 1782). Celui-ci est le principal stratège des travaux de fortification pour asseoir cette ligne de défense. Les sondages archéologiques qui débutent dès septembre 1778 et se poursuivent jusqu'en mars étaient souhaitables pour confirmer cette identification et collecter 1780. Les sommes engagées pour les réaliser sont considérables de nouvelles informations sur cet ouvrage (voir § 3.). puisqu'elles avoisinent les 900 000 livres pour l'ensemble de la La lecture du mémoire abrégé sur les Fortifications de la Guadeloupe. Certains secteurs stratégiques sont particulièrement Guadeloupe permet de comprendre la stratégie militaire mise en concernés, comme la Grande Anse de Trois-Rivières (ANOM, œuvre afin de s'opposer à un éventuel débarquement ennemi à DFC, c.28, n°367, Mémoire de la dépense qui a été faite pour la la Grande-Anse de Trois-Rivières : une première ligne de défense construction et continuation des ouvrages de campagne, tant est composée de batteries en bord de mer qui sont appuyées par aux environs de Fort Saint-Charles que sur les rivières des Pères, quelques retranchements composés de portions de fossé couplées de Sence, du Gallion, à la Point-à-Pitre, aux Trois-Rivières et aux à un parapet. Il s'agit, d'ouest en est, de la batterie de Cassecou, Saintes depuis la déclaration de guerre). de la batterie Quétel, de la batterie Grande-Anse, de la batterie Située à l'est de la ville de Basse-Terre, centre politique et de Bouillé, de la batterie Roussel et enfin de la batterie des Trois économique de la Guadeloupe, cette anse qui présente une grande Rivières1 (Figure. 2). Certaines de ces batteries côtières ont été plage facilement accessible par la mer est le lieu le plus propice de établies dès le début du dix-huitième siècle et sont représentées sur toute la Côte-au-vent à un débarquement. De plus, une fois à terre, la carte de la Guadeloupe établie par les Ingénieurs du Roi établie l'ennemi peut rejoindre assez facilement le plateau du Palmiste entre 1763 et 1768 (Service Historique de la Défense, Département dans les hauteurs de l'actuelle commune de . Il constitue Terre, 7B 123, Carte de la Guadeloupe levée par les ingénieurs des un vaste réduit bien défendu destiné à mettre à l'abri la population camps et des armées du roi de 1763 à 1768 à l'échelle de 6 lignes civile en cas de conflit armé dans le secteur de Basse-Terre. pour 100 toises). La carte de 1779 sus-mentionnée représente l'ensemble des Les nouveaux ouvrages de fortification établis de 1778 à 1780 ouvrages défensifs nouvellement construits à la Grande-Anse forment une seconde ligne de défense, plus en arrière sur les pour renforcer cette position. Des redoutes et des retranchements hauteurs : elle doit permettre de poursuivre le combat au cas où sont édifiés (Figure 2). Ces nouveaux ouvrages appartiennent à la l'ennemi réussirait à mettre pied à terre et déborder les batteries fortification dite de campagne ou passagère, par opposition à la côtières. Quatre postes principaux la composent : il s'agit à l'ouest fortification permanente. La fortification de campagne est destinée de la rivière de Grande Anse de la redoute d'Arbaud et à l'est de la à renforcer des positions devant être occupées momentanément, redoute Gagneron, de la batterie de Marre et de la redoute du Bois. pendant la durée d'une guerre par exemple. Si la fortification Le mémoire souligne l'importance de la redoute d'Arbaud dans ce permanente est construite en maçonnerie puisqu'elle est faite dispositif : pour durer dans le temps, la fortification de campagne utilise La redoute d'Arbaud non seulement appuye la droite de nostre préférentiellement des matériaux du type bois et terre qui sont plus seconde ligne, mais elle pourroit se défendre longtems encore rapides à mettre en œuvre. L'ouvrage de fortification de campagne après que les autres postes de cette ligne auroient été forcés. le plus commun est la redoute. La définition donnée dans l'ouvrage Elle est fort intéressante en ce qu'elle empêcheroit l'ennemi de de l'ingénieur militaire Cugnot traitant de la fortification de pénétrer dans les hauteurs du vieux fort et surtout dans le quartier campagne et publié en 1769 est la suivante : de Champfleury d'ou il pourroit se porter jusqu'au Val Canard On nomme redoute une espèce de petit fort fermé de toutes parts, (ANOM, DFC, c.28, n°350, 1779). que l'on fait ordinairement de figure carrée, et quelquefois de Un document trouvé dans le DFC et établi par le gouverneur figure ronde. On fait des redoutes de différentes grandeurs, et de d'Arbaud en 1779 recense les différentes pièces de canons et différents profils. Le parapet de peut guère avoir moins de six pieds mortiers armant ces différents postes. On sait ainsi que la redoute de hauteur, pour que les hommes, qui sont dans la redoute, ne d'Arbaud est défendue par une pièce de calibre 18 et deux pièces de puissent être vus d'aucun endroit de la campagne [Cugnot 1769 : 17]. calibre 6 (ANOM, DFC, c. 28, n°346, Distribution de l'artillerie pour Il apparaît que l'enceinte découverte en avril 2010 se situe très la défense de la Basse-Terre par le Comte d'Arbaud, 1779). Elle est précisément à l'emplacement de la redoute d'Arbaud. Elle est de plus protégée par la batterie De Launay armée de quatre pièces figurée sur la Carte de la basse-terre, Grande Anse des trois de calibre 18 qui se situe en arrière, sur une position plus élevée rivières et des Cotes adjacentes de 1779 par un quadrilatère (Figure. 2). Dans un mémoire rédigé en 1782, il est indiqué que entouré d'un large fossé présentant une interruption au nord les redoutes défendant Grande-Anse sont fraisées et palissadées qui correspond vraisemblablement à une passerelle. Cette (ANOM, DFC, c. 28, n°378, Critique sur les ouvrages militaires de représentation correspond donc en tous points aux vestiges la Guadeloupe, M. de la Barre, 1782). La fraise est « un rang de découverts. De plus, un chemin décaissé dans la pente existe pieux qui garnit une fortification de terre par dehors, vers le milieux aujourd'hui au nord-ouest de l'enceinte. Il reprend le même axe du talus, et qui présente la pointe à l'ennemi » (Dictionnaire de qu'une portion de retranchement destiné à renforcer la redoute l'Académie française 1776 :547) (Figure 7).

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Cependant, le dispositif de défense mis en place à Trois-Rivières Les servants des batteries Grande-Anse, Quétel, et Cassecou, est largement critiqué par de La Barre de Carroy, chef de brigade du inutiles, ont ordre de se replier sur les hauteurs à la batterie second bataillon du régiment de Metz en charge du commandement De Launay. Cette batterie et la redoute d'Arbaud sont toujours de l'artillerie de la Guadeloupe de 1780 à 1782. Selon lui tous ces défendues par des soldats bien qu'une partie d'entre-eux ait ouvrages sont inutiles et constituent un gaspillage financier. Il va préféré abandonner ces postes. Il ne reste alors à la redoute même jusqu'à remettre en cause les compétences de Labbé de d'Arbaud qu'une partie des effectifs de la compagnie du capitaine Talsy qui les a imaginés, non sans une certaine verve : Roger, et une partie des chasseurs de la compagnie du capitaine Icard, laquelle est désormais commandée par un certain Tous ces travaux sont de purs colifichets pour amuser les enfants, Belonneau, Icard étant passé à l'ennemi3. Dès le lendemain, le 18 des petites redoutes qui ont l'air de nids d'oiseaux, des petits avril, la totalité des effectifs encore présents à la redoute d'Arbaud redans, tous petits moyens, enfants avortons d'un génie rétrécie se replient au Morne Boucanier, sorte d'avant-poste du réduit du qui n'est étayé par aucune connaissance. Lorsqu'on arrive dans ces Palmiste, au nord du quartier de Champfleury. L'escadre anglaise ouvrages, on croit être sur le théâtre des marionnettes de la foire débarque ses hommes au Val de l'Orge à Baillif, ce qui précipite à la représentation de quelques sièges (ANOM, DFC, c. 28, n°378, la défaite française. Quelques jours plus tard, le gouverneur Collot 1782). capitule et quitte la Guadeloupe pour les Etats-Unis, les Anglais Le 3 février 1783 un traité de paix est signé entre la France deviennent maîtres de l'ensemble de la colonie. et la Grande-Bretagne. Il est suivi par le traité de Paris du 3 Cependant, si la redoute d'Arbaud est bien mentionnée par Collot septembre 1783 signé par les Britanniques et les représentants dans son récit du déroulement de l'attaque anglaise de 1794 comme des treize colonies américaines, lequel met un terme à la guerre nous venons de le voir, une carte conservée au Public Record Office d'indépendance des États-Unis. Le traité de Versailles signé le de Londres prouve que cet ouvrage de fortification n'est alors plus à même jour par la France, l'Espagne et la Grande-Bretagne est son sa place initiale et a été reconstruit quelques centaines de mètres pendant : aux Antilles, il permet à la France de conserver les îles plus à l'ouest, en bord de mer (PRO Kew, CO 700 – West Indies / de Guadeloupe, Martinique et Sainte-Lucie et de récupérer l'île 24, Plan topographique d'une partie de la Guadeloupe depuis de Tobago. Malgré la paix revenue, la redoute d'Arbaud semble la rivière du Baillif jusqu'à celle de la Grande Ance concernant toujours fonctionnelle en 1785 puisqu'elle est décrite dans un la partie militaire pour la défense de l'île, Anno 1793, document mémoire réalisé par le lieutenant d'artillerie Thouvenot comme transmis par J.-S. Guibert). En effet cette carte datée de l'année « un quarré irrégulier à la droite duquel correspond une branche 1793 fait apparaître la redoute d'Arbaud entre deux ravines, à de retranchement qui fortifie le coteau dans cette partie » (ANOM, l'ouest de la batterie Quétel (Figure. 3). L'emplacement initial de DFC, c. 28, n°398 , Itinéraires des routes que pourrait tenir une la redoute d'Arbaud a donc été abandonné et les nombreuses ennemi qui attaquerait la Basse-Terre par le côté du Baillif ou les autres redoutes et retranchements construits entre 1778 et 1780 Trois-Rivières, M. Thouvenot, 1785). ont disparu. Cela expliquerait pourquoi Collot ne mentionne pas La révolution française réactive les troubles, notamment dans dans son récit la redoute Gagneron par exemple, située pourtant à les Antilles : une coalition de puissances européennes dont proximité immédiate de la redoute d'Arbaud en 1779. fait partie la Grande-Bretagne se forme en 1792 contre la France Ce changement traduit certainement une évolution de la stratégie révolutionnaire (Première coalition 1792-1797). En 1794 les Anglais militaire employée pour la défense de la Grande Anse, même si attaquent la Guadeloupe. Les différents ouvrages défensifs du nous n'avons pu trouver aucun document à ce sujet dans le DFC. secteur de la Grande-Anse de Trois-Rivières ne seront pas d'une Les batteries côtières sont toujours présentes mais la seconde grande utilité. ligne de défense a été abandonnée. Après le débarquement de plus de 3000 hommes en Grande-Terre La nouvelle attaque anglaise contre la Guadeloupe en 1815 lors au Gosier, le gouverneur Collot tente d'organiser la défense de la de la Septième coalition vient confirmer l'importance stratégique Basse-Terre, et notamment le secteur de Trois-Rivières qui nous de la plage de la Grande-Anse puisque 5000 soldats anglais y intéresse. Mais dès le 16 avril, les servants de la batterie Grande débarquent. Les trois compagnies de soldats français massées Anse abandonnent leur poste après avoir encloué les canons et sur la côte pour tenter de s'y opposer doivent se replier devant la jeté leurs munitions à la mer (ANOM, DFC, c. 29, n°449, Journal des puissance de feux de l'armée ennemie mais aussi en raison du opérations durant le siège, gouverneur Collot, 1794). Ce même jour, « terrain découvert et sans abri » (Boyer-Peyreleau 1823 :385). Il craignant probablement un débarquement anglais à la Grande- semble donc qu'à cette époque, aucune redoute ni retranchement Anse, Collot ordonne à un lieutenant accompagné de ce qu'il n'ait été rétablis dans ce secteur. reste de la compagnie de Roger2 de prendre position à la redoute Une carte de 1845 issue du DFC représente l'ensemble des d'Arbaud. Parallèlement, plusieurs compagnies de chasseurs sont fortifications aux environs de la ville de Basse-Terre. Elle a comme postées sur les hauteurs de Trois-Rivières. Le lendemain, une particularité de mentionner également en pointillé les ouvrages de escadre de navires anglais se présente devant la Grande-Anse mais fortification qui ne sont plus utilisés. A la Grande-Anse de Trois- poursuit sa route en direction de Vieux-Fort, dépasse le Fort Saint- Rivières, les redoutes d'Arbaud, Gagneron et Du Bois ainsi que Charles de Basse-Terre et se dirige vers Baillif. plusieurs batteries comme De Launay et Bouillé font partie de cette 492 Actes du 24e congrès de l’AIAC - 2011 Tristan Yvon catégorie. Il est fort probable qu'à cette époque, des vestiges de ces Le sondage 1 anciens ouvrages référencés sur la carte subsistent encore. Seules D'une superficie totale de 10 m2, ce sondage a mis au jour un les batteries côtières de Cassecou, Quétel et de la Grande-Anse plan incliné rectiligne constitué de gros galets de rivière. Large sont toujours en fonction (ANOM, DFC, 931 A, Plan des environs de au maximum de 0,75 m et présentant un angle de 30 degrés par la Basse-Terre, par S. Durand, 1845). rapport au sol, il traverse l'ensemble du sondage suivant un axe globalement nord/sud (Figure 5 et 6). Il constitue une séparation entre deux unités stratigraphiques différentes : à l'ouest, quelques Les sondages archéologiques centimètres seulement sous le niveau du sol actuel, un radier composé exclusivement d'éclats de pierres aux arêtes vives associé Les sondages archéologiques réalisés avaient pour objectif premier par endroit à du mortier de chaux est apparu (US 1001). A l'est, une de confirmer que le site découvert correspondait bien à la redoute couche de terre argileuse indurée venant butter contre la base du d'Arbaud comme le suggérait le résultat de la recherche historique plan incliné a été mise au jour (US 1002). en archives. Il s'agissait aussi de vérifier la présence d'un dispositif Différentes hypothèses doivent être examinées pour interpréter permettant de franchir le fossé au nord de l'enceinte et d'en cette structure. Tout d'abord le plan incliné peut correspondre au déterminer la nature. En outre, Il paraissait important de sonder le bord intérieur d'un parapet : en effet, suivant leur hauteur, les fossé afin d'avoir son profil originel et d'en étudier le comblement. parapets sur les retranchements de campagne sont contrebutés Un sondage était également envisagé dans l'enceinte afin de côté intérieur par une, voire deux banquettes. Le bord de ces vérifier la présence d'éventuelles vestiges de bâtiments du type banquettes est incliné afin de pouvoir y monter facilement corps de garde et poudrière, ou de structures liées à des batteries. (Figure.7). Or le plan incliné mis au jour se situe à 8,50 m du bord Enfin, le matériel archéologique recueilli était susceptible de du fossé. Cette distance est beaucoup trop importante pour retenir vérifier la période d'utilisation de cette fortification. cette hypothèse puisqu'une largeur aussi conséquente du parapet Trois sondages archéologiques ont été ouverts afin de tenter de réduirait considérablement l'espace intérieur de la redoute. répondre à ces différentes questions (Figure 4). Une mini-pelle Il est probable que le radier constitué d'éclats de pierre soit un mécanique a été en partie utilisée pour réaliser le sondage dans apport destiné à niveler le terrain. En effet, le rocher volcanique le fossé, les deux autres sondages ayant été réalisés entièrement (substrat) apparaît partiellement dans le sondage au sein manuellement. du radier. Le radier serait donc destiné à obtenir une surface relativement plane pour pallier aux irrégularités du rocher naturel.

Figure 4. Plan d'ensemble du site avec localisation des trois sondages archéologiques.

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Figure 5. Relevé en plan du sondage 1.

Figure 6. Vue vers le sud du sondage 1, plan incliné fait de gros galets de rivière.

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Plusieurs indices nous amènent à penser qu'une structure de bois Le sondage 2 reposais sur ce radier. Sa nature n'est tout d'abord pas adaptée Le sondage 2 implanté dans le fossé et a été réalisé partiellement à à la circulation des personnes, en outre sa fouille a permis de la mini-pelle mécanique. Le premier travail effectué manuellement découvrir de nombreux clous en fer forgé. Le mortier de chaux a consisté à dégager le muret de pierre sèche bordant le fossé. qui affleurait avant le commencement de la fouille constitue une D'une élévation maximale de 0,70 m, il a été monté sur un remblai surface bien plane. Le plan incliné marque donc la séparation très compact d'environ 0,40 m d'épaisseur probablement destiné entre un espace de circulation à l'est, et peut-être une structure à obtenir une surface d'assise bien plane (US 2003). Ce remblai en bois aujourd'hui disparue à l'ouest. Or nous savons par les repose sur le substrat constitué par le rocher dans lequel le fossé archives que la redoute d'Arbaud était armée de plusieurs canons à été creusé (Figure. 9). D'ailleurs les traces de pics sont encore qui reposent en général sur une plateforme faite de madriers de très nettement visibles. Sur le bord sud du fossé, les traces d'un bois. Cette dernière n'est pas obligatoirement très élevée s'il s'agit autre outil ont également été relevées : elles suggèrent cette fois d'une batterie à embrasure : des ouvertures sont pratiquées dans non pas un geste du haut vers le bas comme pour les traces de le parapet afin de pouvoir tirer au travers. Ce genre de plateforme pics, mais plutôt horizontal. Il s'agit probablement d'un outil de est de grande dimension puisqu'elle est souvent aussi large que tailleur de pierre utilisé afin d'aplanir le rocher. Une fois décapée le parapet lui-même. L'exemple figuré dans l'ouvrage de Cugnot la surface de terre végétale, le comblement supérieur du fossé est présente une plateforme de 3 toises de longueur (5,85 m) par 1,5 à apparu. Il est constitué dans la partie nord du fossé d'un mélange 2,5 toises de largeur (2,90 à 4,90 m) (Figure.8). Ainsi, le plan incliné compact argileux de terre orangée provenant du substrat et de terre découvert correspondrait à l'extrémité d'une plateforme de tir, côté brune ne comprenant que peu de pierres (US 2004). Cette couche intérieur de la redoute. Composé de solides pierres, ce plan incliné résulte en grande partie du comblement progressif du fossé par faciliterait le hissage du lourd canon sur la plateforme. colluvionnement. On note la découverte d'une balle de mousquet Une batterie à embrasure fouillée sur une fortification passagère de 16 mm de diamètre. à Québec il y a quelques années, au fort Jacques Cartier, constitue Dans la moitié sud du fossé, le comblement se compose de un élément de comparaison : en arrière de l'embrasure d'un nombreuses pierres de moyen module (US 2005). Elles sont parapet, un radier comparable à celui que nous avons découvert associées à de très nombreux fragments de mortier de chaux, est interprété comme une assise de plateforme en bois pour un parfois pulvérulent. La densité de pierres et de mortier la plus canon (Santerre 2008:98-102). De nombreux clous en fer forgés ont importante se situe au pied de la paroi rocheuse (Figure. 10). De là aussi été découverts lors de la fouille du radier. nombreux gros fragments de briques ont également été trouvés. Ce comblement résulte de la destruction de la porte dont le sondage 3

Figure 7. Exemple d'un parapet fraisé de redoute ( d'après SHD/DAT, 1 VR 80, c.32, dossier 14, Mémoire sur différents objets de campagne par Desbordes, 1747).

Figure 8. Parapet à embrasures et plateformes à canon, d'après Cugnot (Cugnot 1769:144, planche VII)

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Figure 9. Vue vers le nord du sondage 2, muret de pierre sèche reposant sur un remblai compact (US 2003).

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Figure 10. Relevé de la coupe stratigraphique nord/sud (GF) du sondage 2. Figure 11. Relevé du sondage 2 en plan et profils, fondations de la passerelle d'accès à la redoute et tranchée d'implantation d'une palissade défensive.

497 Actes du 24e congrès de l’AIAC - 2011 Tristan Yvon a pu montrer qu'elle était maçonnée (voir infra). Cette unité verticale. Le préalable à son implantation est en effet selon Cugnot stratigraphique repose directement sur le substrat rocheux. On la réalisation d'une tranchée de 3 à 4 pieds de profondeur, soit de note toutefois la présence d'une interface peu épaisse constituée 0,97 à 1,30 m, ce qui correspond bien aux vestiges que nous avons d'une terre sableuse brun-clair comprenant très peu de pierres découverts. La palissade doit logiquement se retrouver sur tout le (US 2006). Dans cette couche, un fond de bouteille carré en verre pourtour du fossé. D'ailleurs De la Barre de Carroy précise en 1782 typique d'une fabrication française de la deuxième moitié du dix- que les redoutes de Trois-Rivières sont palissadées même s'il ne huitième siècle a été découvert, ainsi qu'une pièce cassée en rentre pas dans le détail (ANOM, DFC, c. 28, n°378, 1782 ). bronze qui n'a pu être identifiée. Une fois cette couche fouillée, le La tranchée 2 est à mettre en relation avec la passerelle qui rocher est devenu visible dans l'ensemble du sondage. Cependant, enjambait le fossé à cet endroit. Les creusements observés deux traces linéaires large d'une trentaine de centimètres chacune correspondent à l'emplacement de poteaux verticaux sur lesquels sont apparues. Elles se coupent à angle droit, l'une étant parallèle elle reposait : la grande largeur du fossé ne permet pas en effet au bord du fossé et l'autre perpendiculaire. Elles correspondent à d’asseoir une passerelle de chaque côté du fossé sans poteaux des creusements verticaux réalisés dans le rocher. Dans le niveau porteurs intermédiaires. Le creusement le plus au nord de forme supérieur du comblement de ces deux tranchées qui on pu être carré est à peine marqué, profond seulement d'une dizaine de fouillées, un boulet de canon de petit calibre a été mis au jour à centimètres. (TP 3, Figure. 11). Il est possible que le poteau soit l'endroit où elles s'intersectent. Il mesure 9 centimètres de diamètre ici ancré peu profondément afin de pouvoir, en cas de danger, le pour un poids de 2553 g. Le calibre du canon étant déterminé par faire tomber et rendre inutilisable la passerelle. Le sondage n'a mis le poids du boulet en livres (1 livre = 489,5 g), il est donc destiné à au jour qu'une des deux rangées de poteaux qui supportaient la un canon de calibre 5. Or sur l'ensemble des 225 pièces d'artillerie passerelle : une seconde existe certainement plus à l'ouest. utilisées pour la défense de la Basse-Terre en 1779, un seul canon de ce calibre non réglementaire est mentionné (ANOM, DFC, c. 28, Le sondage 3 n°346, 1779). Il s'agit d'une pièce de campagne, destinée donc à équiper un régiment mobile. Si la redoute d'Arbaud en 1779 est Le sondage 3 avait pour objectif d'étudier les vestiges du parapet équipée d'une pièce de calibre 18 et deux pièces de calibre 6, il est de la redoute mais aussi de la porte suggéré par la présence possible que sa défense ait été ponctuellement renforcée par une d'une passerelle enjambant le fossé. Un parement maçonné ou plusieurs pièces de campagne comme le suggère la découverte correspondant au côté ouest de cette porte qui s'ouvre dans le de ce boulet. parapet a été découvert. Les pierres de module variable sont La fouille des deux tranchées creusées dans le rocher a dû être liées au mortier de chaux. Le sommet de ce mur est apparu effectuée entièrement manuellement en raison de leur faible immédiatement sous la surface du sol actuel, certaines pierres largeur. Leur comblement très meuble est sableux comportait de étant déjà affleurantes (Figure 12). Le comblement du fossé dans nombreux petits éclats de pierres (US 2007). La première tranchée le sondage 2 est composé de pierres résultant de la destruction située au milieu du fossé et parallèle à ses bords est profonde de de la maçonnerie de la porte, mais la découverte de nombreuses 0,95 m et présente un fond plat (Figure. 10). Les traces de l'outil briques tend à prouver que ce matériau a également été utilisé utilisé pour la creuser sont très nettement visibles : elles forment dans sa construction. Le côté ouest de la porte est actuellement des croisillons bien marqués. Elle se poursuit vers l'est et vers totalement inaccessible par la fouille puisque situé sous un arbre l'ouest puisque son creusement est observable dans les coupes du de belle taille. sondage. La fouille menée à l'est du mur a permis de retrouver le niveau La deuxième tranchée a un fond moins régulier puisque trois originel de circulation à 0,60 m de profondeur par rapport au surcreusements sont nettement observables : le premier, collé sol actuel. Il correspond au substrat rocheux qui, selon tout contre la paroi rocheuse sud qui constitue le bord du fossé, a une vraisemblance, a été taillé pour être aplani. Aucune tranchée de profondeur de 1 mètre par rapport au sommet du substrat (TP 1, fondation n'est visible, le mur reposant directement sur le rocher. Figure 11). Il se poursuit vers l'ouest, hors sondage. Le deuxième A l'extrémité sud du sondage, une pièce de bois prise dans la surcreusement de forme oblongue est profond de 0,80 m par maçonnerie a été mise au jour. Elle correspond à une planche ou rapport au sommet du substrat (TP 2). Le troisième dans la partie une poutre large de 0,10 m et dont la longueur apparente est de 0,40 nord de la tranchée est beaucoup moins marqué que les deux m. Comme la maçonnerie, elle se poursuit en dehors du sondage précédents (TP 3). vers le sud : faute de temps, nous n'avons pu malheureusement Comment interpréter ces deux tranchées? La tranchée 1 tout agrandir le sondage dont la longueur totale est de 3,80 m. d'abord située au milieu du fossé est sans doute destinée à Au bord du fossé, dans le prolongement du parement du mur, un l'implantation d'une palissade défensive. Comme Cugnot le précise creusement rectiligne et régulier taillé dans le rocher est apparu : dans son ouvrage traitant de la fortification de campagne, il est large de 0,20 m, long de 0,50 m et profond de 0,10 m, il correspond possible de l'implanter dans le fossé verticalement ou inclinée sans doute à l'emplacement d'un madrier de bois appartenant à la (Cugnot 1769:145-150). Au regard du profil de la tranchée qui passerelle qui enjambait le fossé (Figure 12). Cette hypothèse est est droit, il est probable que l'on est affaire ici à une palissade renforcée par la prise de niveaux à la lunette de chantier puisque

498 Actes du 24e congrès de l’AIAC - 2011 Tristan Yvon une différence de seulement 0,27 m existe entre le fond de ce pu trouver lors de notre recherche. Il faut ensuite faire une moyenne négatif de poutre et le sommet du muret de pierre sèche situé de entre les deux côtés puisque la redoute est plutôt rectangle que l'autre côté du fossé, ce qui rapporté à la distance de 8 m séparant carrée. Nous aboutissons à un côté intérieur inférieur à 11 toises, les deux est tout à fait négligeable. On peut en conclure la fonction soit une capacité totale pour la redoute de 115 hommes environ, ce du muret au-dessus duquel la passerelle reposait sur le bord nord qui fait de la redoute d'Arbaud un ouvrage de taille moyenne pour du fossé : il contrebute les terres pour obtenir une assise solide et ce type de fortification. éviter l'érosion qui risquerait de déstabiliser l'ouvrage. La longueur Il est peu probable que ces hommes soient cantonnés en considérable de la passerelle, plus de 8 m, explique aussi la permanence dans l'ouvrage ou à proximité. La rareté du mobilier nécessité d'employer des poteaux porteurs. archéologique découvert tend d'ailleurs à le démontrer. La redoute doit être occupée à son maximum de capacité en cas de risque sérieux d'attaque. Cet ouvrage doit néanmoins être régulièrement Interprétations et perspectives entretenu afin qu'il soit en permanence opérationnel. Les sondages 2 et 3 ont permis de confirmer l'existence d'une porte La redoute d'Arbaud, par sa taille, est un ouvrage relativement au nord-ouest de la redoute, et d'une passerelle enjambant le fossé. important pour ce type de fortification. En effet, d'après De la Mamie Sur le plan de 1779, les angles de tirs de canons figurés montrent Clairac, ingénieur militaire auteur d'un traité sur la fortification bien que la face nord-ouest de la redoute est la moins exposée au passagère, les redoutes les plus petites ont 6 toises de côté feu de l'ennemi, d'autant plus que sa protection est renforcée par intérieur (11,70 m) et les plus grandes 16 toises (31 m) (De la Mamie un retranchement linéaire orienté nord-ouest/sud-est. Il est donc Clairac 1757:14-15). La surface enclose conditionne bien entendu logique que l'accès soit positionné à cet endroit, permettant une le nombre d'hommes qu'elle peut abriter. Cet auteur propose une retraite ou l'arrivée de renforts de manière sécurisée. manière simple de calculer la capacité d'une redoute : il suffit de Au niveau de la porte, le sondage 3 a prouvé que la base du parapet mettre au carré la longueur en toise d'un côté intérieur du parapet, est conservé sur 0,60 m d'élévation. Il est maçonné à la chaux mais ce qui donne le nombre d'hommes qu'elle peut accueillir. Même si il est possible que cela résulte d'un traitement différencié dans ce nous ne connaissons pas avec précision la largeur du parapet de la secteur particulier : il est nécessaire d'éviter que le bord du parapet redoute d'Arbaud qui est nécessaire pour déterminer la longueur ne s'érode et vienne obstruer le passage. L'emploi de la maçonnerie du côté intérieur, il est tout de même possible de l'estimer grâce pour la porte peut aussi faciliter l'implantation de la barrière qui aux exemples de mesures d'ouvrages comparables que nous avons

Figure 12. Vue d'ensemble du sondage 3 vers le sud, vestiges du mur ouest de la porte de la redoute d'Arbaud (remarquer le négatif de poutre taillé dans le rocher).

499 Actes du 24e congrès de l’AIAC - 2011 Tristan Yvon ferme l'accès de la redoute. Le reste de bois découvert au sein fossé afin de vérifier sa présence. Ce sondage permettrait aussi de du mur peut d'ailleurs appartenir à cette barrière : l'exemple que vérifier si le profil du fossé est identique à celui observé au niveau nous avons pu trouver dans les archives du service historique de la de la passerelle ou non. De plus, il serait intéressant de rechercher défense montre une barrière de redoute solidement ancrée dans les éventuelles traces d'une fraise, puisque d'après De la Barre le parapet. Il serait utile d'étendre ce sondage vers le sud afin de de Courroy, les redoutes défendant la Grande-Anse en étaient le vérifier, ce qui permettrait également de déterminer la largeur équipées (ANOM, DFC, c. 28, n°378, 1782). totale du parapet. La réalisation d'un nouveau sondage au bord de la plateforme dans un autre secteur serait utile : il permettrait d'observer les vestiges éventuels du parapet et de vérifier si son Conclusion mode de construction est identique puisque habituellement les auteurs anciens décrivent l'utilisation de fascines (Le Cointe Les recherches d'archives menées parallèlement aux sondages 1759:40-41). Il s'agit de fagots de branchages longs de 2 m environ ont permis d'identifier le site découvert en avril 2010 comme (une toise) fixés les uns sur les autres et destinés à remplacer en étant un ouvrage de fortification passagère du type redoute de quelque sorte un parement de pierres : les terres viennent combler campagne. Mieux encore, elles ont permis de lui donner un nom, l'espace délimité par ces rangs de fascines. Cette technique permet redoute d'Arbaud, et d'en retracer une partie de l'histoire. Elle a été de maintenir efficacement les terres et de limiter l'érosion du construite en 1779 et n'a pas perduré au-delà de 1792. On soulignera parapet. Il est peut-être possible de retrouver la trace des piquets au passage l'importance de coupler la recherche de terrain à celle qui ancraient au sol ces fascines. d'archives pour les chantiers d'archéologie concernant la période Une interrogation reste prégnante : comment expliquer historique afin de ne pas se priver de la potentialité de trouver des qu'aujourd'hui, aucun micro-relief correspondant aux vestiges du informations capitales. Les sondages ont confirmé l'identification parapet ne soit visible sur le pourtour de l'enceinte? Il est évident réalisée par les études d'archives et ont permis d'étudier le système qu'une partie des terres le composant a pu être lessivée et venir de franchissement du fossé et la porte de la redoute. Des vestiges combler partiellement le fossé. Or, comme les auteurs anciens pouvant correspondre à une plateforme de canon ont également traitant des fortifications passagères le précisent, le parapet est été mis au jour. De nouveaux sondages seraient à envisager pour édifié avec les terres extraites du fossé. Il n'est donc pas logique vérifier plusieurs hypothèses et compléter les informations sur qu'il présente encore aujourd'hui une telle profondeur si la totalité cette fortification passagère du dix-huitième siècle dont très peu des terres le composant a repris son emplacement initial. Plusieurs d'ouvrages comparables ont été fouillés à ce jour en France. hypothèses sont donc à envisager : s'il est possible que le parapet Si différentes études portant sur les batteries ont été réalisées ait été arasé lors de l'abandon définitif de la redoute, cela en Guadeloupe, parfois récemment, elles n'ont pas réellement n'indique pas le devenir de l'important volume de terre aujourd'hui abordé la question des fortifications passagères (Kissoun 1999 et manquant. Une autre explication serait l'utilisation de ces terres à Vidal 2007 & 2008). Or des retranchements et des redoutes sont une date postérieure, lors de l'installation de l'habitation Grande- parfois venus renforcer ponctuellement les ouvrages de fortification Anse qui jouxte le site au sud. L'installation de cette habitation a permanente dont les batteries côtières avec parapet maçonné nécessité un important terrassement et nivellement du terrain, au constituent sans doute l'exemple le plus commun dans l'archipel. cours duquel d'ailleurs le fossé de la redoute a été comblé dans ce Ces deux types de fortification ne doivent pas être dissociés l'un de secteur. La date précise d'implantation de cette habitation demeure l'autre puisqu'ils font le plus souvent partie d'un même système inconnue mais semble tardive : aucune des cartes du dix-huitième défensif, comme c'est le cas pour la Grande Anse de Trois-Rivières. consultées ne la mentionne. Il paraît de toute façon évident que La découverte de la redoute d'Arbaud a notamment permis de l'existence d'une habitation à l'époque du fonctionnement de démontrer que des vestiges d'ouvrages de fortification passagère, la redoute aurait rendu inefficace cette position défensive : elle même s'ils sont faits majoritairement de terre et de bois, ont aurait obstrué partiellement la vue en direction de la mer, et ses pu parvenir jusqu'à nous. Pour le secteur qui nous intéresse de bâtiments auraient constitué autant d'abris pour les ennemis lors Grande-Anse, des prospections seraient à mener pour tenter de d'une attaque. Cette habitation n'étant toujours pas représentée trouver par exemple des vestiges de la redoute Dubois ou de la sur la Carte des environs de la Basse-Terre établie en 1845, elle redoute Gagneron, bien que l'urbanisation galopante du secteur est donc de toute façon postérieure à cette date (ANOM, DFC, 931 les ait peut-être déjà fait disparaître. A, 1845). Le sondage 2 a permis d'observer le profil du fossé et les aménagements destinés à asseoir la passerelle : les trous creusés dans le rocher correspondent à l'emplacement d'une partie des poteaux qui la soutenaient. La tranchée découverte au milieu du fossé est plutôt à mettre en relation avec une palissade défensive qui devrait alors se retrouver sur l'ensemble du pourtour de la redoute. Il serait utile de mener un sondage dans autre endroit du

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Notes 1. Seules la batterie Cassecou et la batterie de la Grande-Anse conservent 3. Joseph Icard est un métis libre tailleur d'habits à Basse-Terre qui est nommé encore aujourd’hui des vestiges de leur parapet. par Collot capitaine de la 3e compagnie du 2e bataillon le 24 janvier 1794. Il déserte le 16 avril 1794 (Adélaïde-Merlande et al. 2002 :74). 2. Jean Roger est un militaire originaire du Languedoc qui participa en tant que membre du régiment de la Guadeloupe au siège de Savannah en 1779 durant la guerre d'indépendance des États-Unis. En 1791, il est capitaine commandant une compagnie de chasseurs dans le régiment de la Guadeloupe. Elle dispose alors de 76 hommes ( ANOM, D2C, 281, Régiment de la Guadeloupe 1772-1793).

Références citées

Dictionnaire de l'Académie française Le Cointe, Jean-Louis 1776, tome I, Lyon, chez Joseph Duplain. 1759 La sciences des postes militaires ou traité des fortifications de campagne, à usage des officiers particuliers d'infanterie qui Adélaïde-Merlande, Jacques sont détachés à la guerres : Dans lequel on a compris la manière 1986 Histoire des Communes Antilles-Guyane, vol. 6, Point-à- de les défendre et de les attaquer, Paris, Dessaint et Saillant, p. Pitre, Pressplay. 40-41. Lesueur, Boris Adélaïde-Merlande, Jacques, 2009, La garnison de la Guadeloupe sous l'Ancien Régime. Bulletin René Belenus, Frédéric Régent de la société d'histoire de la Guadeloupe 154 : 29-58, Basse-Terre. 2002 La rébellion de la Guadeloupe 1801-1802 : recueils de textes commentés, Gourbeyre, Archives départementales de la Santerre, Simon Guadeloupe, 356 p. 2008 Histoire et archéologie du fort Jacques-Cartier : 1759-1760. Son rôle dans la défense de la colonie après la prise de Québec, Boyer-Peyreleau, Eugène-Edouard mémoire de maîtrise en archéologie non publié, université de Laval 1823 Les Antilles françaises, particulièrement la Guadeloupe, (Québec), 230 p. depuis leur découverte jusqu'au 1er janvier 1823, vol. 3, Paris, Brissot-Thivars, p. 385. Vidal, Jonhattan 2007 Défense côtière de la Guadeloupe du XVIIeme siècle au mi- Cugnot, Nicolas-Joseph lieu du XIXeme siècle : les batteries de la Grande-Terre, étude et 1769 La fortification de campagne théorique et pratique ou trai- inventaire, 2 tomes, rapport non publié n°362, Service régional de té de la science, de la construction, de la défense et de l'attaque l'archéologie de Guadeloupe. des retranchements, Paris, Jombert, 341 p. 2008 Défense côtière de la Guadeloupe du XVIIème siècle au Se- cond Empire : les batteries d'artillerie de la Côte au Vent et du De La Mamie Clairac, Louis-André Sud Basse-Terre, rapport de prospection, rapport non publié n°394, 1757 L'ingénieur de campagne, ou traité de la fortification pas- Service régional de l'archéologie de Guadeloupe. sagère, Paris, Jombert, 248 p.

Kissoun, Bruno 1999 Prospection thématique : inventaire des batteries de la Guadeloupe proprement dite, communes de Trois-Rivières à Pointe-Noire, 2 tomes, rapport non publié n°130, Service régional de l'archéologie de Guadeloupe.

Remerciements Je remercie la direction des affaires culturelles (DAC) ainsi que le Conseil régional de Guadeloupe pour leur participation financière qui a permis la réalisation des sondages archéologiques, ainsi que les différents bénévoles de l'Association Archéologie Petites Antilles (AAPA) qui y ont pris part, particulièrement Franck Bigot.

501 la publicationdecevolume CDaétépossible grâceausoutiende retour p1 518 Découverte, miseenvaleuretdiffusiondu patrimoine archéologiqueantillais Ouacabou Association loi1901

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