TémoinsTémoins■■ Revue trimestrielle du s n j -c g t Nouvelle série – No 46 – Novembre – Décembre 2011 – Janvier 2012 – 2,30 €

Suppressions de postes à -Soir, aux Échos, à , au Parisien, dans les journaux du Midi, à RFI… journaliste espèce en voie de disparition

Syndicat national des journalistes CGT 263, rue de – Case 570 – 93514 Montreuil Cedex Téléphone 01 48 18 81 78. Télécopie 01 48 51 58 08. E-mail : [email protected] – Site Internet : www.snj.cgt.fr Humeur Témoins■ Nouvelle série, n° 46 - Novembre - Décembre 2011 - Janvier 2012 Journalistes intégrés… à la pub Pour un publicitaire, qu’est-ce qu’une bonne rédaction ? Celle qui « s’implique ». Sur son site Internet, Amaury Médias, la régie publicitaire du groupe Amaury (, l’Équipe, France SOMMAIRE Football…), vante ainsi une campagne de pub de juin dernier pour une marque de déodorant Rebelles dans les pages de l’Équipe pendant le tournoi de Roland-Garros. Deux semaines durant, les HOMMAGE Claude Candille, le témoin et le militant ue restera-t-il demain de la presse écrite Ne laissons pas faire. 2012 offre de belles lecteurs ont eu droit à une « rubrique “éphémère” en totale affi nité avec les valeurs de la ...... 4 marque », présentant une « stat » avec un petit commentaire. De quoi assurer « une prise de payante ? Des titres, des quotidiens occasions de démontrer que les journalistes sont parole originale et intégrée au contexte éditorial ». Cerise sur le gâteau : « Une implication de nos CONFÉRENCE NATIONALE rédactions, synergie print/Web » et « une intégration innovante, mi-rédactionnel, mi-publicitaire ». Le SNJ-CGT, une légitimité acquise au quotidien disparaissent ou sont en grand danger. attachés à la liberté d’information et qu’ils veulent Chez Amaury, l’imagination est au pouvoir...... 8 France-Soir, la Tribune mais aussi les exercer leur métier en toute indépendance. En PQN Échos, l’Indépendant de Perpignan, luttant pied à pied dans leurs rédactions pour Sujet sensible France-Soir, les deux pieds dans la Toile Le 3 octobre dernier, France 2 diffusait un très bon numéro de l’émission « Un œil sur la planète », ...... 10 Q le Parisien connaissent des coupes défendre l’emploi, pour exiger des conditions qui posait comme question : un État palestinien est-il possible ? Le contenu n’a visiblement pas plu au Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) et à l’ambassade d’Israël à Paris. Le Parisien adopte le « journalisme assis » claires drastiques dans leurs effectifs. Le secteur de travail compatibles avec la recherche et la ...... 12 Huit cents mails de protestation sont arrivés chez le médiateur de France 2 en cinq jours, un texte de l’audiovisuel n’est pas non plus à l’abri : vérifi cation de l’information. En luttant pour exiger d’insultes du Crif a circulé accusant la chaîne publique d’antisémitisme, et une contre-émission Les Échos et la Tribune : plans d'austérité dans la intitulée « Deux yeux sur la planète » a été visible sur le Web pendant plusieurs semaines avant presse économique suppressions de postes à France Télévisions et des droits nouveaux, collectifs et individuels. d’être retirée. Les syndicats de journalistes, à commencer par le SNJ-CGT, ont immédiatement ...... 13 dénoncé cette ingérence et les pressions exercées sur les journalistes du magazine. La SDJ de révision à la baisse des accords d’entreprise, Les rendez-vous électoraux seront l’occasion France 2 a réclamé et obtenu le soutien du directeur de l’information et du président de France PQR suppressions de postes à RFI. pour le SNJ-CGT d’interpeller les politiques une Télévisions. Ce dernier a reçu le Crif pendant une heure trente, puis l’ambassadeur d’Israël à Paris. L'Indépendant : quand l’Indép’ se rebiffe ...... 14 Rendez-vous tendu pour le premier, plus policé pour le second. Sans suite juridique en tout cas. Que restera-t-il demain de la liberté nouvelle fois sur la reconnaissance de l’équipe Voix du Nord et Nord Éclair : neuf mois de d’information ? La police débarque dans les rédactionnelle, sur de nouvelles lois garantissant négociations et toujours pas d’accouchement Un ministre très occupé ...... 15 rédactions, fouille les bureaux, embarque l’indépendance des rédactions face aux groupes Pour éviter de s’ennuyer, le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, distribue des breloques. Ainsi, Serge Dassault, son épouse et son groupe ont reçu les distinctions de Grand Donateur et AEF carnets de notes et ordinateurs. Les journalistes industriels propriétaires des titres et des chaînes de Grand Mécène « pour leur contribution exceptionnelle à culturelle de la France et à son Fusion RFI-France 24 : les rapports qui accusent rayonnement ». Comme il se doit, a rendu compte, en des termes élogieux, de ce moment ...... 16 sont sur écoutes, leurs communications ou garantissant le respect du secret des sources. historique. Ancien maire de Corbeil, Serge Dassault avait, en 2007, licencié onze professeurs MÉDIAS téléphoniques sont épluchées. S’agit-il de Les journalistes auront aussi, en cette année vacataires, le tiers de l’effectif du conservatoire municipal de musique. Un Les Nouveaux Chiens de garde au cinéma détail qui ne devait pas fi gurer sur les fi ches du ministre...... 17 lutter contre le terrorisme qui menacerait État 2012, à choisir leurs représentants à la On comprend que, occupé comme il est, Frédéric Mitterrand n’ait pas et citoyens ? Non : affaires de dopages, affaires Commission de la carte. Dans ce contexte de Témoins■ trouvé le temps de se pencher sur les dossiers France-Soir, Paru-Vendu, INTERNATIONAL Sipa Press et bien d’autres. Grèce : un quart des journalistes grecs ont perdu Bettencourt ou de rétrocommissions, tout est précarisation et d’atteintes au pluralisme et au Revue trimestrielle leur emploi du Syndicat national des journalistes CGT ...... 18 prétexte à bafouer la protection des sources. droit d’informer, voter sera un signal fort. Pour Responsable de la publication : Turquie : libérez nos confrères turcs ! Reportages bidonnés ou « sur commande », refuser le fatalisme de la crise, pour refuser de ...... 19 Emmanuel Vire. interventions plus ou moins subtiles des devenir des communicants, pour affi rmer être Ont collaboré à ce numéro : VIE SYNDICALE Textes : Dominique Candille, Fatigués, stressés, mais fi ers malgré tout services de communication, des ministères, des de ceux « qui portent la plume dans la plaie » Franck Cartelet, Martine Chevalet, ...... 20 Katty Cohen, Michel Diard, Ludovic Finez, actionnaires, on ne compte plus les ingérences, comme nous l’enseignait Albert Londres, bref, Alain Goguey, Jean-François Jousselin, Carton rouge au racisme Patrick Kamenka, Jean Tortrat, ...... 21 les pressions sur les rédactions. L’information pour être des rebelles. Alain Vernon. Les élections à… est sous contrôle. La rédaction de Témoins Photos : Claude Candille, Alain Panic, ...... 21 Thomas, Ribolowski Bernard Rondeau. Dessin : Babouse. DÉONTOLOGIE Gilles Jacquier : mort d’un journaliste émérite L'indépendance des rédactions, un enjeu prioritaire Révision : Francis Ambrois...... 22 C’est en plein bouclage de ce numéro que nous avons eu la grande tristesse d’apprendre Secrétaire de rédaction : la mort en Syrie de Gilles Jacquier, en reportage pour « Envoyé spécial » (France 2). Jean-Gérard Cailleaux. PRÉCARITÉ Décrit par le SNJ-CGT de France Télévisions comme « un reporter émérite de la chaîne, Misère des pigistes, pigistes de la misère apprécié de tous ses confrères, toujours prêt à enquêter sur les terrains diffi ciles où le Rédaction graphique : ...... 23 Bernard Rougeot. ■ EN CAS DE CHANGEMENT D’ADRESSE conduisait son métier », il avait notamment reçu le prix Bayeux des reporters de guerre Assistante : Nadia Amalou. Merci de bien vouloir transmettre le plus rapidement possible en 2010. Gilles a trouvé la mort dans une attaque contre une manifestation organisée Retrouvez d’autres articles sur notre site, par des partisans du président syrien, au cours de laquelle plusieurs Syriens ont été tués. Impression : Alliages (01 41 98 37 97) au syndicat – [email protected] ou 01 48 18 81 78 – tout changement www.snj.cgt.fr, en complément de ce numéro Gilles était présent avec d’autres confrères, dans le cadre d’une visite organisée par les Commission paritaire : d’adresse afi n de tenir à jour nos fi chiers et de vous envoyer au autorités. La Fédération internationale des journalistes (FIJ) a demandé à la Syrie des à la rubrique : Le syndicat / Publications / 0911 S 06290. N° ISSN : 1281-1343 explications « sur les mesures de protection » prises lors de ce déplacement. bon endroit Témoins ou tout autre document. Témoins / Témoins 46

TÉMOINS TÉMOINS 2 N° 46 / Novembre - décembre 2011 - jaNvier 2012 N° 46 / Novembre - décembre 2011 - jaNvier 2012 3 Reporter-photographe Hommage à Claude Candille

Claude Candille nous a quittés début octobre, comme journalistes à part entière. Ce dossier 2 à l’âge de 60 ans1. Reporter photographe, rend hommage au travail de photographe de il travaillait depuis plus de trente ans pour Claude, à sa conception du métier, mais aussi la Vie ouvrière, devenue la Nouvelle Vie au syndicaliste, qui a siégé pendant dix-huit ouvrière (NVO), le magazine de la CGT. ans à la Commission de la carte d’identité des Son sujet de prédilection, c’était le social, journalistes professionnels (CCIJP). du travail, de la lutte syndicale. Mais 1. Lire aussi l'édito de Témoins n° 45. il se passionnait aussi pour la culture, le sport, 2. Nous remercions Claire Moucharafieh, qui s'était élevage de moutons de pré-salé à Morlay, en baie de Somme, 28 juin 1999. l’international. Claude était par ailleurs un occupée de la conception graphique de l'exposition e militant de longue date du SNJ-CGT, soucieux de présentée lors du 49 congrès de la CGT “Un regard à l'ouvrage - 30 ans de photojournalisme à la Vie la défense des précaires de la profession et de Ouvrière (1979-2009)”, d'où viennent la majorité Le témoin et le militant la place des photographes dans les rédactions de ces photographies.

[Claude] fut non seulement témoin mais aussi acteur, militant syndical, défenseur infatigable de la cause et des droits des pigistes et, dix-huit ans durant, représenta le SNJ-CGT à la Commission de la carte des journalis- tes. Sa conviction était qu’il n’y a pas de travail personnel qui ne s’inscrive dans un cadre collectif. Et que les pho- tographes, qui sont aussi des journalis- tes, participent à égalité avec tout autre à l’écriture du journal. […] De la pause des ouvrières chez Jil à Longwy à l’assemblée syndicale improvisée dans les vestiaires de la RATP, des conditions de travail dans la sidérurgie à celles des urgentistes à l’hôpital de , de la grève chez Peugeot au travail à la Normed, Sortie de Claude nous donne à voir ceux que manquait pas une occasion de nous le ment proportionnelle aux difficultés Fonderie l'usine l’on ne voit jamais, redonne dignité rappeler, est devenu aujourd’hui quasi d’y pénétrer. d'Ugine Usinor, à aux anonymes et nous lègue un patri- impossible. La raréfaction dans la Vie Extraits de l’article de Jean-François Jousse- Acier en Longwy, le moine inestimable. D’autant plus ouvrière des images prises en entre- lin paru dans la Nouvelle Vie ouvrière du Savoie. 2 juillet 1979. important que ce travail, et Claude ne prise en témoigne : elle est directe- 21 octobre 2011.

TÉMOINS TÉMOINS 4 N° 46 / novembre - décembre 2011 - janvier 2012 N° 46 / novembre - décembre 2011 - janvier 2012 5 Reporter-photographe

Le social, parent pauvre compliqué de photographier les chaî- Hormis quelques titres – l’Humanité, de la presse nes de montage », confie Bernard, qui la NVO, Ensemble... –, il ne croule pas Bernard se souvient d’un hors-série de se souvient du reportage de Claude à sous les sollicitations. Ce qui lui rap- photos publié par la NVO sur la bataille Renault Billancourt, à l’époque où on y pelle l’autre facette de Claude, celle du contre le CPE (contrat première embau- construisait des Renault 4. La raréfac- militant syndical : « Il se battait pour che) : « Il avait tout photographié... Il tion de ces reportages, c’est la dispari- qu’on soit tous salariés ; il avait raison. » y avait juste deux ou trois photos de tion des témoignages sur « la réalité des L’autre combat de Claude consistait l’AFP. » « La photo sociale, c’est un conditions de travail ». « Je me souviens à faire admettre « que les photogra- micromarché, même si je n’aime pas d’un reportage sur un chantier. Je suis phes sont de vrais journalistes », qui trop ce mot. Ça n’intéresse pas beau- arrivé avec un inspecteur du travail. J’y « apportent quelque chose de différent, coup de photographes. C’est compliqué suis allé au flanc. Et là, tu photographies une écriture par l’image ». « Au-delà à faire en dehors des périodes de conflit, un chantier sans barrières de sécurité, de la perte d’un ami, c’est la perte de quand les usines sont occupées. » Car avec des ouvriers sans casque... » quelqu’un qui a toujours défendu nos photographier le quotidien du travail Bernard est pigiste. Placer de tels repor- intérêts, et pas seulement financiers. est une autre histoire. « Il a toujours été tages dans la presse n’est pas évident. À nous de continuer. » L. F.

Le Guilvinec (29), pêche à la langoustine dans le golfe de Penmarch, à bord du Philippe-Martine, , CHU, service des urgences 6 juillet 1988. médicales et chirurgicales, 26 juillet 2008. “Les photographes sont de vrais journalistes” Portrait de Dulcie September (ANC) lors d'une interview pour la NVO, quinze jours avant son Quand Bernard Rondeau, reporter 21 mars 1991, Lunéville, usine de fabrication de remorques PL Trailor. assassinat à Paris le 29 mars 1988. photographe, passe une semaine au Festival de Cannes, ce n’est pas pour photographier les stars ni même les starlettes. Non, il s’intéresse au travail des « petites mains » du festival, celles qui font le ménage au milieu de la nuit, triment dans les arrière-cuisines, servent le beau monde... Ou encore ces grands gars baraqués qui assurent le service d’ordre : « Ils ont de beaux costards noirs mais sont sans papiers et sont payés une misère... » Bernard fait partie de cette petite famille, à laquelle Claude appartenait également, celle des photographes qui s’intéressent au social, qui témoignent de la vie quotidienne dans les entre- 28 octobre 1999, Paris, RATP, réfection des voies la nuit sur la ligne 9. prises. Ils se sont souvent côtoyés sur le terrain, en particulier dans les Bernard. Au départ des manifs, pour organisait la photo. À la première grands rassemblements syndicaux. photographier la banderole de tête, manif sans lui, on s’est dit avec les « Claude m’a toujours fait rire, raconte il était fort en gueule ; c’était lui qui copains : “Il y a un manque”. » Compay Segundo, musicien cubain, 2001. L'usine Wonder de Lisieux en 1985.

TÉMOINS TÉMOINS 6 N° 46 / novembre - décembre 2011 - janvier 2012 N° 46 / novembre - décembre 2011 - janvier 2012 7 conférence nationale Le SNJ-CGT, une légitimité acquise au Parmi les intervenants de cette journée, de haut en bas et de gauche à droite : Mouloud Aïssou (France Télévisions), Valérie Barbe (Radio France), Jean Tortrat (Prisma), Sabine Mellet (France 24), Michel Diard, Laurent Mardelay (le Figaro) et Dominique Candille.

DNA, à Sud-Ouest, à l’Équipe... Avec, exigence découle de la légitimité CGT il devait y avoir, le SNJ-CGT très souvent, une baisse du nombre acquise par notre syndicat au quotidien exprime sa préférence pour « la consti- quotidien d’élus CGT et donc un affaiblissement dans les équipes rédactionnelles, dans tution d’une fédération de l’informa- de l’influence de la CGT dans son les organismes et négociations pari- tion et de la culture ». La résolution ensemble. Autant dire que nos débats taires et dans les débats de société », votée ce 9 novembre se fait même plus Début novembre, nous du 9 novembre ont été grandement proclame la résolution adoptée lors de précise : « Cette fédération de l’infor- avons réuni une conférence infl uencés par ce contexte. notre conférence nationale. Plusieurs mation et de la culture aurait l’avantage militants ont insisté sur les « fonda- de conserver sa particularité, celle de nationale pour discuter de mentaux » qui doivent animer notre fédérer des syndicats de métiers, aux différencier information pratique du syndicalisme, avec pour fortes particularités et aux statuts divers l’évolution des différentes et communication priorité la défense des consœurs et (artistes, musiciens, compositeurs, fédérations qui composent la Cette journée, à laquelle ont participé confrères en situation précaire. plasticiens, réalisateurs, journalistes, 51 délégués représentant 734 adhé- Les débats ont également porté sur les scénaristes, photographes, personnels CGT. L’occasion de réaffi rmer rents, a été l’occasion de réaffirmer contours de l’éventuelle future fédéra- techniques et administratifs, etc.). Elle des principes forts. Ainsi, l’unanimité tion à laquelle pourrait appartenir le aurait aussi de belles perspectives de quelques grands principes. se dégage pour que le SNJ-CGT SNJ-CGT. Les militants du SNJ-CGT développement dans des secteurs non demeure un syndicat national et « la insistent sur l’absolue nécessité de dif- (ou mal) couverts actuellement. » ■ Par Ludovic Finez* Photos : Thomas Ribolowski : Photos seule structure de la CGT pouvant férencier « information » et « commu- Les débats ont été animés par quatre membres du bureau national du SNJ-CGT : Maria syndiquer les journalistes ». « Cette nication ». Si nouvelle fédération de la * Membre du bureau national du SNJ-CGT. Carmona (AFP), Jean-François Téaldi (France Télévisions), le secrétaire général du syndicat Emmanuel Vire (Prisma) et Michèle Herzberg (les DNA). Engagement respecté nutile de le cacher : la « re- à (voir encadré), le SNJ-CGT a industries du livre, du papier et de la Dans la résolution n° 4, adoptée lors de son du périmètre de la future fédération [à laquelle des journalistes professionnels], la CPNEJ structuration des champs réuni à Paris une conférence nationale communication) et avec la Fédération 49e congrès à en décembre 2009, la CGT appartiendra le SNJ-CGT] tout comme nous [Commission paritaire nationale de l’emploi des syndicaux » n’est pas la ques- le 9 novembre dernier. nationale des syndicats du spectacle, demandait à ses syndicats de tenir avant fi n n’entendons pas fi ger la structuration actuelle. journalistes], la CPNEF-AV [Commission paritaire I 2011 « un congrès ou une assemblée générale Le SNJ-CGT préconise la création d’une nouvelle nationale emploi formation de l’audiovisuel], tion qui passionne le plus nos Actuellement, le SNJ-CGT est un de l’audiovisuel et de l’action cultu- des syndiqués, afi n, notamment, d’examiner s’il fédération des contenus. Mais parce que les vu la présence d’un syndicat corporatiste militants dans les sections du SNJ- syndicat national qui a rang de fédéra- relle. Discussions interrompues en convient de modifi er son périmètre professionnel journalistes ont un statut particulier, parce majoritaire dans la profession, le congrès CGT. Il n’empêche, pour être en tion. La CGT souhaite réorganiser ses 2010 en raison de l’attitude de la Filpac et territorial ». Lors de son congrès de mars qu’ils ont besoin d’un syndicat pour défendre du SNJ-CGT réaffi rme la nécessité pour le phase avec les orientations prises lors fédérations et notamment en diminuer dans certaines entreprises de presse : 2010 à Lille, le SNJ-CGT avait pris l’engagement leurs droits particuliers et représentatif pour syndicalisme défendu par la CGT de la pérennité des derniers congrès confédéraux de le nombre. À partir de 2009, le SNJ- syndicalisation de journalistes au sein de respecter ce délai. Nous résumions ainsi les siéger dans des structures spécifi ques comme et de l’autonomie du SNJ-CGT comme syndicat la CGT et les engagements découlant CGT a engagé des discussions avec la d’Info’Com, dépôt de listes concurren- enjeux : « Nous ne préjugeons pas de l’évolution la CCIJP [Commission de la carte d’identité national dans cette nouvelle structure. » de notre propre congrès en mars 2010 Filpac (Fédération des travailleurs des tes à celles du SNJ-CGT comme aux

TÉMOINS TÉMOINS 8 N° 46 / Novembre - décembre 2011 - jaNvier 2012 N° 46 / Novembre - décembre 2011 - jaNvier 2012 9 pQn France-Soir Les deux pieds DANS LA TOILE À nouveau dans la tourmente, France-Soir se retrouve une nouvelle fois confronté à un plan social d’une extrême violence, alors que l’actionnaire lui prédit un avenir 100 % Web. Par Franck Cartelet*

Le 14 octobre 2011, sur la « plus belle Présenté comme l’avenir du titre, le récemment la montée en puissance avenue du monde », le ciel est bleu et le site FranceSoir.fr compte 41 salariés, des Smartphone et autres tablettes fond de l’air est doux. Pourtant, au 100, dont 9 administratifs et 32 journa- numériques n’ont fait qu’achever ce avenue des Champs-Élysées, c’est un listes, qui seront consignés à faire titre emblématique. véritable drame humain qui va se jouer. du « bâtonnage » de dépêche. Le Mais emblématique de quoi ? De La direction du journal présente, en reportage deviendrait marginal et la crise de la presse ? Certainement comité d’entreprise extraordinaire, un ne dépasserait pas le périmètre du aussi. La complémentarité papier- projet de réorganisation de la société périphérique parisien. Web, qui est le modèle de la presse Photo : Alain Panic : Photo visant à ne conserver que le support quotidienne, a-t-il un avenir ou va- Le 14 octobre 2011, des journalistes de France-Soir manifestent devant le siège éditorial du journal, alors que la direction du titre présente en numérique du titre. Un choix cruel et t-on assister à la lente agonie du sup- comité d’entreprise son projet « 100 % numérique ». dévastateur, puisqu’il est adossé à un la valse des repreneurs port papier ? plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) Depuis 1999, France-Soir a subi une Ce qui est sûr, c’est que le numérique qui vise à détruire 89 postes. Cela ne valse de repreneurs, de lignes édito- va remettre en cause les métiers, les diffi cile unité syndicale France-Soir fragilise un peu plus la ceux qui prédisent à la presse papier vous rappelle rien ? En 2006, le titre, riales, de nouvelles formules, de nou- qualifications, les grilles de salai- Alors que la situation l’impose, on presse et son rôle d’utilité publique. une mort certaine. ■ en proie à de sérieuses dif- res, les accords de bran- aurait pu imaginer une réaction syn- Le pluralisme n’a jamais été autant fi cultés fi nancières, s’était che, et c’est une aubaine dicale la plus large possible. C’était en danger. Il est temps de se donner * Élu SNJ-CGT/SGLCE au CE de France- retrouvé en redressement “Comment maintenir sa diffusion pour les éditeurs de presse, sans compter sur les vieux réfl exes les moyens de mettre en difficulté Soir, délégué du personnel et délégué syndical. judiciaire. Le tribunal de qui y voient certainement d’arrière-garde. Alors que le SNJ- commerce de Lille avait quand le turn-over des journalistes une opportunité pour tout CGT et le SGLCE avaient obtenu à l’époque cédé le journal remettre à plat. un rendez-vous au ministère de la Le coup de force du 13 décembre au promoteur immobi- est la règle de management ?” Mais un signe ne trompe Culture et de la Communication, en Alors qu’un comité d’entreprise extraordinaire, inattendue avait pour but d’empêcher les élus de lier Jean-Pierre Brunois, pas : la situation de France- présence de la Direction générale jugé ultime par la direction, devait se tenir le mardi rendre un avis sur le projet de réorganisation et le avec, au passage, un « plan Soir n’attire désormais plus des médias des industries culturel- 13 décembre au siège de la rédaction de France- PSE défendus par la direction, qui programmaient social » qui avait frappé plus de 80 sala- velles maquettes, qui ont malmené de repreneurs. Mais pour M. Puga- les, ils pensaient pouvoir fédérer les Soir, l’inimaginable s’est produit. Une délégation la fi n du journal papier. Son seul effet a été riés. L’histoire se répète mais, cette fois, les lecteurs. Comment maintenir chev, un journal 100 % numérique différentes organisations syndicales d’une petite centaine de militants du comité inter l’incompréhension totale des salariés, puisque c’est aussi la fabrication du journal qui sa diffusion quand le turn-over des avec une équipe de journalistes très représentatives du journal. Mais, une CGT a décidé d’occuper la rédaction ainsi que les cette action n’a, à aucun moment, été débattue et est touchée, puisque France-Soir pos- journalistes est la règle de mana- réduite mais génératrice de clics et fois de plus, les « actions person- bureaux de la direction du journal afi n d’empêcher discutée en interne. Des méthodes fl oues, qui ne sède également une imprimerie comp- gement ? Les « gratuits », ainsi d’audience serait la dernière chance nalisées » ont pris le dessus. Pour- la tenue du CCE. Cette « action syndicale » feront qu’affaiblir la place de la CGT à France-Soir. tant une vingtaine d’emplois. que l’explosion d’Internet et plus offerte à France-Soir. tant, la disparition d’un titre comme

TÉMOINS TÉMOINS 10 N° 46 / Novembre - décembre 2011 - jaNvier 2012 N° 46 / Novembre - décembre 2011 - jaNvier 2012 11 PQN PQN Le Parisien Les échos et la Tribune Le Parisien adopte Plans d’austérité le “journalisme assis” Dans la bouche d’un patron de presse, le mot “modernisation” a de quoi effrayer. dans la presse Exemple au Parisien, où la montée en puissance du plurimédia remet en cause cinquante postes à la rédaction. Par Martine Chevalet* économique L’an dernier, le groupe Amaury, action- fins experts qui ont planché sur notre cas pages et les corriger, le tout sur une plage naire du Parisien-Aujourd hui en France, appellent cela le « journalisme assis ». Les horaire allant de 9 heures à 21 heures, car Alors que plusieurs dizaines de postes seront supprimés aux Échos, les mettait le titre en vente. À l’époque, il journalistes pédaleront toute la journée il n’y aura plus de secrétariat de rédaction fallait présenter un journal performant et dans des flux d’informations à orienter pour monter les pages des éditions dépar- salariés de la Tribune risquent un véritable dépeçage. économiquement désirable. Sans doute vers différents supports : papier (un peu), tementales. Les dix correcteurs disparaî- pas assez, puisque le Parisien a été retiré de sites Internet, applications iPhone, réseaux tront également. Les conditions sont donc la vente faute d’avoir trouvé un acquéreur sociaux, communautés payantes... créées pour qu’un jour, proche ou lointain, au prix demandé. L’actionnaire a retenu La direction veut boucler les négociations les éditions départementales du Parisien Crise publicitaire, crise économique, les conditions et les effectifs suivent, et en redressement judiciaire1. Il y eut de cet épisode qu’il était urgent de sacri- avant fin janvier et les discussions se font à soient entièrement numérisées. Plus de augmentation des coûts d’impres- des responsables de rédaction décidés alors cinq candidats déclarés à la fier au grand rituel de la modernisation marche forcée : en un mois, sept réunions papier ? Nos patrons en rêvent1. Quelle sion... les raisons ne manquent jamais a s’y intéresser. Moins de piges annon- reprise, dont le gratuit . des quotidiens en organisant leur passage sur la réorganisation des services et deux belle économie en perspective ! De quoi à un patron de presse qui décide des cées alors qu’elles avaient déjà été bien Ces repreneurs potentiels promet- au plurimédia. La « mariée » ne peut CE extraordinaires. L’éditorial passe au motiver un éventuel acheteur. suppressions d’emploi. Mi-décem- réduites, alors qu’on veut se dévelop- taient de perpétrer une véritable casse être belle qu’une fois convertie au numé- second plan. En revanche, on voit fleu- Au desk plurimédia « national », on tra- bre, le PDG des Échos, Francis Morel, per en régions ! Avec ce plan social, sociale, puisque aucun ne prévoyait rique, ce qui, aux yeux de nos patrons, a rir de vraies-fausses économies qui, en vaillera de 6 h 30 à 1 heure du matin. Les a ainsi annoncé « trente à quarante la direction ne pourra pas embaucher de reprendre plus de 46 salariés sur un immense avantage : qui dit numérique réalité, coûteront cher au journal. Ainsi, journalistes feront les 3 x 8. Même la direc- départs volontaires », un plan d’éco- pendant un certain temps. En ouvrant 165, dont 30 journalistes, sur une dit désindustrialisation du processus de le Parisien est l’un des derniers à avoir un tion admet que ces rythmes seront épui- nomies de « douze à quatorze millions un guichet, elle prend le risque que rédaction d’environ 80 personnes. fabrication, moins de prépresse, moins grand service photo en propre, avec treize sants, et veillera donc à ce que les intéressés d’euros », tout en promet- Quatre de ces cinq offres de correcteurs, moins d’ouvriers du Livre, personnes. Le projet prévoit d’en diviser n’y restent pas plus de trois ans ! tant « trois à cinq millions prévoyaient également moins de papier, moins d’imprimeries... les effectifs par deux, dont une moitié de d’investissements par an sur “Un Web 24 heures sur 24, nuit et jour et la disparition du support Moins d’emmerdements, en somme ! photographes voués à la vidéo. Argument Pas d’allergie au Web cinq ans ». « Vigilance ! », papier, pour n’offrir que Qu’importe si l’information plurimédia de la direction : « Une photo maison coûte Actuellement, les deux tiers de la rédaction lui a répondu le SNJ-CGT. week-end ? Il faut que les conditions et les des formats numériques. n’a pas trouvé son modèle économique 234 €, contre 81 € pour une photo achetée ont signé l’avenant concernant le pluri- Vigilance « sur les effectifs Le tribunal de commerce (à l’inverse de la presse papier) et si les à l’extérieur. » Ce raisonnement compta- média et contribuent de façon volontaire et les moyens, et la qualité Échos de Paris, qui avait fixé la éditeurs eux-mêmes ne savent pas où ble ne tient pas compte des recettes géné- au Web. Il n’y a donc aucun refus de la du contenu du journal ». effectifs suivent.” SNJ-CGT des date limite de dépôt des placer le curseur entre infos payantes et rées par les reventes des photos maison, les modernité dans la rédaction. Au contraire, Dans un communiqué, le offres au 6 janvier, devait gratuites. L’essentiel est de rentabiliser à parutions multiples et les photos utilisées celle-ci est largement convaincue que SNJ-CGT des Échos précise que « les certains éléments de qualité s’en aillent, examiner ces dernières et prendre court terme. sans surcoût sur le site Internet, sans même l’avenir passe par le multimédia. Mais pas à conditions de départ doivent être réel- que des services s’amaigrissent et que le une décision le 30 janvier. parler de qualité ni d’originalité. n’importe quelles conditions. La rédaction lement attractives » et qu’il « veillera travail se répartisse sur moins de sala- Au-delà du cas des salariés concernés, Orienter des flux d’informations Dans les éditions régionales (autre par- ne veut pas négocier à la baisse la qualité à ce qu’aucun des salariés ne soit riés. De plus en plus de salariés nous la disparition de la Tribune porterait On en est là au Parisien. La direction a ticularité du Parisien), on note la même du journal pour arrondir les fins de mois contraint [à partir] ». « Mais au-delà de déclarent une souffrance au travail. Ce un coup sévère au pluralisme de l’in- présenté un plan de modernisation qui recherche d’économies. Dans chaque édi- d’un actionnaire qui s’est alloué plus de ce guichet, quelle organisation avec de n’est pas avec moins d’effectifs, plus formation économique. ■ commence par délester la rédaction de tion, les équipes continueront de produire sept millions d’euros de dividendes. ■ telles réductions d’effectifs ? », poursuit de périmètres, plus de pressions que cinquante postes. Une perspective que pour le papier mais devront alimenter leur le communiqué. « Faire travailler plus celle-ci va s’atténuer. » 1. Rappelons qu’en 2008, pour pouvoir acheter le SNJ-CGT ne peut accepter et qui a propre plate-forme plurimédia. Chaque * Déléguée du personnel et déléguée syndicale les journalistes, les administratifs… Un les Échos, LVMH revendait la Tribune à déjà entraîné deux grèves d’avertisse- édition aura son desk. Un chef d’édition SNJ-CGT au Parisien. Web vingt-quatre heures sur vingt- Le numérique contre le papier Alain Weil, patron de NextRadioTV (RMC, ment. On peut parier que les journalistes devra, en plus de ses missions actuelles, 1. Le groupe Amaury, également propriétaire du quatre, nuit et jour et week-end ? Bien Quelques jours plus tard, le quoti- BFM, 01net, Micro Hebdo...). Ce dernier seront condamnés à rester devant leur superviser la saisie, faire tourner le desk quotidien l’Équipe, se déleste aussi de deux de ses sûr qu’un site doit être alimenté dif- dien la Tribune, jusqu’alors en pro- avait ensuite cédé le titre à Valérie Decamp, en écran plutôt que d’aller sur le terrain. Les plurimédia départemental, maquetter les sites d’impression en régions. féremment du papier, mais il faut que cédure de sauvegarde, était placé mai 2010.

TÉMOINS TÉMOINS 12 N° 46 / novembre - décembre 2011 - janvier 2012 N° 46 / novembre - décembre 2011 - janvier 2012 13 PQR L’Indépendant Effectifs divisés par deux liées au passage aux 35 heures, « les nous confiait Virginie le 11 décembre. en quinze ans CDD ont sauté » et « des rédactions Quelques jours plus tôt, on apprenait locales sont fermées le week-end », le départ anticipé de Pierre Jeantet Un élément du patrimoine dont l’his- explique Virginie. La locale de Quillan de la direction du Groupe Sud-Ouest Quand l’Indép’ se rebiffe toire récente, assez agitée, est résu- a carrément fermé, alors qu’elle est (GSO). Il sera remplacé par Olivier mée dans cette page spéciale : « 2004. pourtant en « forte zone de concur- Gerolami, directeur général de France Départ de la rotative à . rence » avec le Midi libre et la Dépêche Télé Numérique, ce qui ressemble Effectif de 260 salariés. 2006. Le Monde du Midi, remarque Virginie. « Il y a fort à un débarquement du fait des prélève 18 millions d’euros dans les toujours une page, mais faite par des actionnaires. Le nouvel arrivant a pour caisses du groupe [Journaux du Midi], correspondants et les SR de la locale mission d’engranger « des revenus dont la quasi-totalité à l’Indépendant. de Carcassonne », précise-t-elle. À l’In- significatifs à partir de l’exploitation Effectif de 219 salariés. 2008. Rachat dépendant comme dans de nombreux numérique des contenus ». « Exploi- par Sud-Ouest. Vague de départs en quotidiens régionaux et départemen- tation », le mot a probablement été clause de cession. Effectif de 187 sala- taux, on fait le même constat : « Moins soigneusement choisi. ■ riés. 2009. Vente du siège de Rivesaltes. de gens sur le terrain, c’est davantage L. F. Effectif de 180 salariés. » de pages à monter au bureau. » En rachetant puis en revendant le La mobilisation des salariés de l’Indépen- 1. Le plan touche l’ensemble du groupe Journaux groupe Journaux du Midi (le Midi libre, dant leur a au moins permis de peser un du Midi (Midi libre, l’Indépendant, Centre l’Indépendant, Centre Presse), le Monde peu face à la direction. « Des négocia- Presse...). Tel que présenté en octobre, il visait s’est comporté en véritable prédateur, tions ont commencé société par société. huit millions d’euros d’économies sur la masse siphonnant littéralement les liquidités. Nous serions sur des départs volon- salariale et concernait 158 postes, dont 123 CDI. Plus globalement, l’Indépendant a perdu taires et un gel des salaires pendant Les photographes étaient particulièrement visés la moitié de ses effectifs en quinze ans. trois ans. Plus aucune suppression de au Midi libre. Après quelques créations de postes services envisagée... pour le moment », 2. Le prénom a été modifié. Voix du Nord et Nord Éclair Neuf mois de négociations et Le 8 octobre, les salariés de l’Indépendant, en grève, ont reçu un large soutien. toujours pas d’accouchement Les salariés du groupe Journaux du Midi vont subir un lourd plan de Le développement du bimédia fait craindre une forte augmentation des charges suppressions de postes. La réaction a été particulièrement forte à l’Indépendant, de travail. Par Christian Furling* basé à Perpignan. et à Nord d’une surcharge de travail et d’un avril par la direction pour la rédaction Éclair, toute l’année 2011 éparpillement journalistique. Voix du Nord / Nord Éclair fusionnée. aura été consacrée à la La direction a rejeté le projet et l’inter- « Dans les Pyrénées-Orientales, il y a lisation contre l’annonce, en octobre, du journal, lit-on dans... l’Indépendant à négociation de l’accord Projet intersyndical alternatif syndicale a donc rompu les négocia- le Canigou, l’Usap et l’Indépendant. » d’un plan de trente-trois suppressions du 10 octobre. Les salariés avaient en sur le développement bimédia. Et Après un recours infructueux à l’ac- tions avant les vacances de Noël. Il paraît que ce dicton circule du côté de postes, soit 20 % de l’effectif, avec effet obtenu la parution d’une page, la conclusion n’a toujours pas été tionnaire principal, Rossel, l’intersyn- Côté patronal, on a proposé un coef- de Perpignan. Ainsi, le département la possible disparition des services rédigée par leurs soins et titrée « Pour- apportée. De véritables avancées ont dicale (SNJ-CGT et SNJ), élargie à ficient 160 pour les éditeurs et « laissé ne serait pas ce qu’il est sans son pic PAO, informatique et administration1. quoi l’Indép’ s’indigne ». Les photos en été obtenues à l’automne, quand la la Filpac-CGT, a décidé de revenir la porte ouverte ». Côté syndical, on de 2 800 m, très prisé des amateurs Ainsi, « élus de tout bord, de l’Aude témoignent : les dirigeants du groupe direction a accepté d’étaler sur trois à la question des effectifs, puisque la attendait « un geste de la direction sur de montagne, sans son club de rugby, et des Pyrénées-Orientales, acteurs du ont eu droit à un comité d’accueil très ans les charges de travail envisagées charge de travail ne pouvait être mieux les effectifs ». Au moment de boucler vainqueur du championnat de France monde économique, sportifs, syndi- fourni avant de débuter la réunion de et de revoir l’organisation de l’édi- cadrée. Une semaine avant la dernière ce numéro, les négociations devaient 2009, et sans son quotidien, l’un des calistes, mais aussi correspondants du comité d’entreprise. « Nous avons été tion en locale. Il a été bien plus dif- série de réunions, elle a formulé un reprendre le 23 janvier, sur la base d’ul- plus vieux de France, fondé en 1846. journal, anciens salariés et lecteurs ont les premiers surpris », reconnaît Virgi- ficile d’obtenir des garanties quant projet alternatif, demandant quinze times propositions de la direction. ■ Ce qui explique peut-être l’important manifesté leur soutien et participé dès nie2, journaliste à l’Indépendant. Elle y au cadrage des tâches nouvelles. Des postes supplémentaires, dont six rever- élan de solidarité dont ont bénéficié vendredi [7 octobre, date de l’annonce du voit la preuve que le journal « fait partie principes ont été écrits par la rédac- sés au prépresse (tâches jugées tech- * Délégué syndical SNJ-CGT à la Voix du les salariés quand ils ont lancé la mobi- plan] » à un rassemblement au siège du patrimoine local ». tion en chef, mais le risque demeure niques), sur les 362,6 postes fixés dès Nord.

TÉMOINS TÉMOINS 14 N° 46 / novembre - décembre 2011 - janvier 2012 N° 46 / novembre - décembre 2011 - janvier 2012 15 aeF

2. Le salaire d’Alain de Pouzilhac, 9. La fusion RFI-France 24, c’est-à- Hanotaux, le directeur général délé- Fusion RFI-France 24 37 000 €, est deux fois celui du pré- dire le siphonage du budget de RFI gué, “cette fusion RFI-France 24 sident de la République (pour une au profi t de la télévision, ne sera pas ne se fera pas sans l’adhésion du entreprise de 1 200 salariés, RFI plus suffisant pour imposer France 24 personnel”. » France 24). face aux centaines de télévisions déjà Reste à passer de la parole aux actes. ■ 3. La valse des directeurs à France 24 existantes dans le monde. L. F. et à RFI et leur indemnisation de 10. Cette fusion vient d’être rejetée départ a coûté 10 millions d’euros par 94,4 % de votants lors du réfé- 1. Les Échos ont interrogé Alain de Pouzilhac (rapport IGF). rendum [organisé par la CFDT, FO, le sur le rapport de Martine Martinel. Il a répondu Les rapports 4. L’AEF a vécu une incroyable affaire SNJ-CGT, le SNRT-CGT, le SNJ et aux critiques développées par... Didier Mathus. d’espionnage sur fond de lutte de Sud] ayant mobilisé 591 salariés de 2. Il s’agirait de rapprocher RFI (actuellement pouvoir entre Alain de Pouzilhac et RFI. Une participation record pour installée à la Maison de la Radio à Paris) des Christine Ockrent. l’entreprise. Or, pour M. Pierre locaux de France 24. 5. Un million d’euros sont déjà provi- sionnés en prévision des procès inten- tés par Mme Ockrent. La mobilisation est intacte 6. Le premier plan de départ de « La mobilisation des salariés contre la fusion Marie-Georges Buffet, membre de cette mission, qui accusent 206 salariés à RFI a coûté à l’État RFI-France 24 est intacte. » En suspendant le pointe « les dangers de ce mariage forcé » et 41,3 millions d’euros. 12 décembre la grève débutée le 28 novembre, les demande que, dans l’attente du rapport défi nitif, La fusion RFI-France 24 culturelles de l’Assemblée nationale. défi nir « une véritable gestion prévi- 7. Le déménagement à Issy-les-Mou- syndicats de RFI (CFDT, FO, SNJ-CGT, SNRT-CGT, « toute opération de fusion avec France 24 soit Elle y qualifi e la fusion RFI-France 24 sionnelle des emplois, des effectifs et lineaux2 s’élève à 24,5 millions, mais, SNJ, Sud) ont écrit au Premier ministre pour lui suspendue ». Alain de Pouzilhac, conclut-elle, « ne est une hérésie. Le de « réforme conduite à marche forcée des compétences ». selon le rapport de l’IGF, la somme demander « le gel de la fusion RFI-France 24 et peut gérer la troisième radio mondiale comme l’une et dont ni la nécessité ni l’utilité ne Avec la remise en cause du déménage- sera dépassée. l’ouverture d’états généraux à même de défi nir des salles de casino de Joagroupe, dont il préside déménagement de RFI à Issy- sont avérées ». Elle estime plus perti- ment et du PSE, ce sont deux piliers 8. Le prochain plan social de 126 sala- les contours d’un avenir clair et ambitieux pour aussi le conseil de surveillance ». les-Moulineaux est un gouffre nent d’intégrer RFI à Radio France et de la stratégie Pouzilhac que l’IGF riés affaiblira défi nitivement RFI, qui l’Audiovisuel Extérieur ». La mission parlementaire France 24 à France Télévisions. met à mal. L’estocade a été portée ne sera plus en mesure de délivrer une sur la réforme de l’AEF aurait dû présenter ses • Pour plus d'information : fi nancier. Le plan social à RFI lors de l’examen du projet de loi de information pertinente. Il coûtera à conclusions le 8 décembre dernier. Rendez-vous http://www.acrimed.org/article3725.html annulé en dernière . La députée (PCF) et http://rfi riposte.wordpress.com fi nances rectifi cative pour 2011 par l’État 27,5 millions (rapport Progexa). affaiblirait fortement la radio. Grand dérapage budgétaire le Sénat. Ce dernier a annulé près de Les salariés de RFI en lutte le Elle n’est pas la seule à éreinter la 45 millions d’euros de crédits consa- gestion de l’AEF. Le député socia- crés à ces deux dossiers. En tant que disent depuis des mois. Mais liste Didier Mathus, auteur d’un autre secrétaire de la commission de la Médias rapport, parle de « grand dérapage » Culture, de l’Éducation et de la Com- plusieurs parlementaires budgétaire1. « Actuellement, nous munication, la sénatrice (PS) Claudine aussi. attendons toujours le contrat d’ob- Lepage a pris une part active au débat. jectifs et de moyens d’AEF, pourtant Elle-même est l’auteur d’un rapport Les Nouveaux Chiens annoncé depuis trois ans », a-t-il souli- sévère sur l’AEF : « projet éditorial gné devant la commission des Affaires inabouti », « absence de stratégie », étrangères. « L’État estime ne pas être « fusion [de RFI et France 24] com- de garde au cinéma en situation de signer un contrat puis- plexe et hasardeuse »... que la trajectoire fi nancière reste opa- près les Chiens de garde de la réalisation de « ménages ». Les La « liste des errements de la direc- que et incertaine. C’est la raison d’être Paul Nizan en 1932, confl its d’intérêt des « experts » au un scandale de la république les tion est déjà suffi samment longue et de la mission confi ée à l’Inspection des A Nouveaux Chiens de garde discours libéral univoque, omnipré- la rupture de confi ance suffi samment fi nances », a-t-il ajouté. Toutes ces interventions mettent sur de Serge Halimi en 1997, sents dans les médias, jamais présentés consommée pour qu’il soit mis fi n au Certes, le rapport de l’Inspection la place publique des questions soule- voici les Nouveaux Chiens de garde de sous leurs fonctions d’administrateurs mandat de M. Alain de Pouzilhac. » générale des finances (IGF) met en vées depuis longtemps par les salariés Gilles Balbastre et Yannick Kergoat de grandes entreprises, de banques De qui, cet avis défi nitif sur le PDG avant une préconisation peu sympathi- de l’AEF, en particulier ceux de RFI, sorti au cinéma le 11 janvier. Le fi lm ou de sociétés d’assurance. Bref, les de l’Audiovisuel extérieur de la France que : le non-remplacement des départs qui ont mené une grève de quinze décrypte le discours et le fonction- convergences d’intérêts de ce petit (AEF), qui regroupe RFI, France 24 en retraite. Mais il démontre aussi jours en novembre et décembre (voir nement des médias dominants. Les monde, fait d’« élites » médiatiques, et la radio arabophone Monte Carlo que « le déménagement de RFI et de encadré). Dans une lettre aux médias confl its d’intérêt des grands groupes de grands patrons, de politiques. On Doualiya (MCD) ? D’une Christine MCD n’engendrera pas d’économies et aux parlementaires titrée « L’AEF, médiatiques, dont les activités indus- a beau savoir tout ça, l’accumulation À signaler, jeudi 19 janvier à l’Espace Ockrent – ex numéro 2 de l’AEF – de loyers mais des surcoûts », estimés un scandale de la République », ils ont trielles dépendent pour beaucoup des des exemples donne un peu le vertige, Saint-Michel (7, place St-Michel, revancharde ? D’un syndicaliste à la à 500 000 € par an. L’IGF juge égale- résumé en dix points la situation : dépenses publiques. Les confl its d’in- mais incite à poursuivre les combats Paris 5e), une projection du fi lm suivie dent dure ? Non, de la députée socia- ment que « la multiplication des PSE « 1. Son PDG a été le premier de térêt des présentateurs et journalistes qui sont les nôtres. ■ d’un débat sur les médias et le mou- liste Martine Martinel, dans un rapport [plans de sauvegarde de l’emploi] n’est pas l’audiovisuel public à être nommé par vedettes qui, pour une très grosse poi- L. F. vement social, avec Emmanuel Vire, présenté à la commission des Affaires souhaitable » et qu’il conviendrait de . gnée d’euros, se compromettent dans www.lesnouveauxchiensdegarde.com secrétaire général du SNJ-CGT.

TÉMOINS TÉMOINS 16 N° 46 / Novembre - décembre 2011 - jaNvier 2012 N° 46 / Novembre - décembre 2011 - jaNvier 2012 17 international international Grèce Turquie

Avec le SNJ-CGT, soutenez Dogan Yurdakul, détenu dans une prison Un quart des journalistes Libérez nos turque depuis mars 2011 Une centaine de journalistes sont actuel- lement détenus dans les prisons turques, grecs ont perdu leur emploi confrères turcs ! victimes de la répression dans leur pays. Le SNJ-CGT, répondant à la campagne Philippe Leruth, vice-président de la Fédération de la Fédération européenne des journa- Les journalistes grecs, en particulier listes (FEJ), comme Amnesty International européenne des journalistes (FEJ), vient de rentrer le fait pour les prisonniers d’opinion, a ceux de la télévision publique, font partie décidé d’« adopter » un journaliste détenu des premières victimes des mesures d’une mission en Turquie, en solidarité avec les en Turquie, Dogan Yurdakul. Dogan Yurdakul, journaliste turc travaillant pour d’austérité qui frappent le peuple grec. journalistes turcs emprisonnés. le site Internet OdaTV, a été arrêté le 3 mars Propos recueillis par Patrick Kamenka 2011 dans le cadre des lois antiterroristes prô- Interview de Georgios Savvidis, président nées par le gouvernement d’Ankara. Après son arrestation et celle de ses collègues du site, de la Fédération des syndicats grecs de Témoins : Une mission de la FEJ s’est rendue incarcérés ne le sont pas en raison de leur travail il a été emmené à la prison de Silivri, où il est en Turquie à l’occasion de l’ouverture d’un journalistique mais pour des infractions aux enfermé depuis. journalistes (PFJU). Le SNJ-CGT a pris l’initiative, dans le cadre de la Propos recueillis par Patrick Kamenka* procès contre certains des soixante journalistes lois antiterroristes et au code pénal turcs. Nous turcs emprisonnés. Quel rôle la délégation a- avons néanmoins obtenu qu’une proposition campagne lancée par la Fédération européenne t-elle pu jouer ? de session spéciale du Parlement, consacrée à des journalistes (FEJ), de « parrainer » Dogan, afi n de lui témoigner notre solidarité et de tout Philippe Leruth : La première chose qu’elle a la liberté de la presse, soit envisagée et que les mettre en œuvre avec les syndicats turcs de pu faire, c’est exprimer publiquement sa soli- partis d’opposition envoient tous des parlemen- journalistes et ses défenseurs pour qu’il puisse Témoins : Quelle est la situation des entreprise d’État darité avec les journalistes traduits en justice et taires aux futurs procès de journalistes, qu’ils au plus vite recouvrer la liberté et reprendre son journalistes en Grèce et quelles menaces et transformer ses son indignation face aux atteintes à la liberté de suivront comme témoins. activité professionnelle. pèsent sur le service public ? salariés, journalistes et techniciens, en conduire, à terme, à la dissolution des la presse en Turquie, devant le palais de justice Nous appelons l’ensemble de la profession, les Georgios Savvidis : Depuis que la crise fonctionnaires, ce qui menace l’indé- organisations de journalistes. d’Istanbul. Elle a également assisté aux débats, Comment la FEJ compte-t-elle aider ces jour- syndicats, et tous les citoyens qui refusent que les a éclaté en Grèce, un quart des jour- pendance des journalistes. Cela s’ac- ce qui lui a permis de voir les conditions déplo- nalistes à obtenir leur libération, par exemple autorités turques musellent la presse et bâillon- nalistes grecs ont perdu leur emploi. compagne d’une baisse sensible des La Fédération européenne des journalis- rables dans lesquelles ce procès se déroulait. au niveau de l’Europe ? Quels actes concrets nent les journalistes sous le fallacieux prétexte de La majorité de ceux qui travaillent ne rémunérations des salariés. tes (FEJ), la Fédération internationale Enfi n, elle a rencontré les familles de détenus et mettre en place ? lutte antiterroriste, de faire parvenir de nombreux perçoivent pas de salaire depuis au des journalistes (FIJ) et les syndicats de les vice-présidents des groupes parlementaires Les proches des journalistes ont beaucoup messages pour exiger la liberté pour Dogan et moins trois mois, voire cinq. Si, avant Quelles sont les conséquences des mesu- journalistes en Europe peuvent-ils vous turcs au parlement d’Ankara. insisté sur la nécessité de maintenir la pression pour quatre-vingt-dix autres journalistes embas- tillés dans les geôles turques. la crise, certains de nos confrères devai- res d’austérité pour les journalistes ? apporter un soutien ? sur les autorités turques, notamment les autori- • Messages (pensez à préciser dans l’objet : ent cumuler trois emplois pour pouvoir Les lois d’austérité entraînent la réduc- Personne n’est seul dans cette crise. Il y a Y a-t-il eu des rencontres avec les autorités ? tés judiciaires, par une présence aux procès qui « Soutien Dogan Yurdakul ») à adresser boucler leurs fi ns de mois, aujourd’hui, tion de la protection sociale qui était besoin d’une action commune des jour- Avec les prisonniers ou leurs avocats ? doivent encore avoir lieu. Dans la mesure du à [email protected]. Site du syndicat : www.snj.cgt.fr. le salaire perçu équivaut à de l’argent garantie par les conventions collectives nalistes en Europe pour créer un front Nous n’avons malheureusement pas pu ren- possible, nous nous efforcerons d’envoyer des de poche. De plus, nous assistons à la et dont bénéfi ciaient tous les salariés commun et permettre au service public contrer les prisonniers eux-mêmes. En mai représentants à chaque audience. Nous pour- fermeture des médias les uns après les jusqu’à présent. Une nouvelle loi donne de rester le sanctuaire du pluralisme et dernier, d’ailleurs, l’accès à la prison de Silivri, à suivrons par ailleurs notre travail d’information autres. Les mesures d’austérité frap- la priorité aux accords d’entreprise sur de l’indépendance, mais aussi pour faire une centaine de kilomètres d’Istanbul, m’avait auprès des instances européennes, même s’il est pent également le service public de la les accords de branche, même si l’an- échec aux plans visant à mettre en cause été refusé en raison de ma nationalité étran- clair que l’adhésion éventuelle de la Turquie à télévision. ERT est une société ano- cien accord de branche était plus favo- les valeurs fondamentales, les droits des gère. Mais nous avons rencontré longuement l’Union européenne a été renvoyée tellement nyme détenue par l’État grec, dont le rable aux salariés. Un principe fonda- travailleurs. Nous devons aussi défendre les familles des journalistes détenus. Cela leur loin que ces instances ne peuvent plus guère financement est assuré par une taxe mental a ainsi été remis en cause. Peu les conventions collectives, les emplois, a manifestement été d’un grand soutien. La peser sur le processus politique en cours en (environ 50 €) prélevée annuellement à peu, jusqu’en 2015, le ministère du et les principes éthiques du journalisme. rencontre avec les autorités, malheureusement, Turquie. Enfi n, nous allons proposer à nos syn- sur les factures d’électricité et par Travail va geler l’extension des conven- Notre fédération (PFJU) a pris l’initia- a été moins favorable. Notre demande de ren- dicats membres d’« adopter » des journalistes d’autres ressources comme la vente de tions collectives d’un même secteur tive d’organiser une manifestation de dez-vous auprès du ministre de la Justice avait turcs emprisonnés, à la manière dont Amnesty produits audiovisuels. Le service public ou d’une même profession à tous les journalistes à Bruxelles en réponse aux été ignorée et les représentants des partis poli- International soutient des prisonniers d’opinion est rentable, avec un chiffre d’affaires salariés de ce secteur économique ou politiques d’austérité en Europe contre tiques que nous avons rencontrés ne nous ont dans le monde entier. Enfi n, nous appuierons en hausse. Le gouvernement prévoit de la profession, même en l’absence la profession, en accord avec la FIJ. ■ pas paru très pugnaces. Du côté de l’opposition, le combat mené en Turquie par notre syndicat une réduction des activités d’ERT, ce de négociation avec les syndicats. Les on se réfugiait de manière trop rapide derrière membre turc, dont il faut saluer la combativité. qui entraînera un affaiblissement du employeurs n’auront donc plus de rai- * Militant au SNJ-CGT et membre du la position archidominante du parti majoritaire, Le combat sera long, on ne peut en douter, mais Dogan Yurdakul, dans la prison turque où il service public. Il veut également modi- son de participer aux négociations des comité directeur de la Fédération européenne l’AKP. À l’AKP, on a brandi l’argument – qui la libération des journalistes turcs mérite à coup est enfermé depuis mars 2011. fi er le statut d’ERT pour en faire une conventions collectives. Cela pourrait des journalistes. n’abuse personne – selon lequel les journalistes sûr qu’on s’y engage, et qu’on le poursuive. ■

TÉMOINS TÉMOINS 18 N° 46 / Novembre - décembre 2011 - jaNvier 2012 N° 46 / Novembre - décembre 2011 - jaNvier 2012 19 Vie syndicale Vie syndicale Fatigués, stressés, mais fiers malgré tout Carton rouge L’enquête menée par le SNJ-CGT du Nord-Pas-de-Calais sur la santé au travail des journalistes livre ses premiers enseignements. Par Alain Goguey* au racisme Le SNJ-CGT a activement pris part à l’organisation d’un colloque européen, à Lille, intitulé « Media et antiracisme dans le sport ». Par Alain Vernon* Lancée au printemps et mise en ligne légèrement plus important chez les travail parce qu’ils sont sollicités pour cet été, l’enquête réalisée par la section femmes que chez les hommes (40 %). d’autres tâches. régionale Nord-Pas-de-Calais du SNJ- Ce sentiment de dégradation de l’état Ils sont 76 % à confier que l’organisa- CGT sur la santé au travail des jour- de santé est fondé sur des éléments tion du travail a des incidences impor- C’est à Lille, les 14 et 15 novembre, de la diversité et du racisme. Deux d’une indépendance des rédactions nalistes a suscité un intérêt certain. On tangibles : 51 % souffrent de troubles tantes sur leur vie privée. Ici, pas de sur- que le Conseil de l’Europe avait décidé documents déjà diffusés par France 2 pour créer les conditions d’un plura- estime à 900 le nombre de journalistes du sommeil, 41 % de maux de tête, et prise : les femmes y sont plus sensibles de démarrer son programme « Media ont servi de soutien aux débats, aux- lisme réel. Sans oublier un appel au dans le Nord-Pas-de-Calais. 650 ont 54 % de troubles musculo-squeletti- (82 %) que les hommes (72 %). et antiracisme dans le sport » (MARS), quels ont participé une trentaine respect de la Convention collective été sollicités et 134 ont répondu, soit un ques. La quasi-totalité des journalistes Enfin, 86 % des journalistes ayant qui se poursuivra partout en Europe : de journalistes et de représentants des journalistes. taux de réponses d’un peu plus de 20 %, ayant répondu à l’enquête déclarent répondu estiment que leur charge de Espagne, Pologne, Danemark et Bul- du monde des médias. Ces deux La situation de la presse belge a par- à parts quasi égales entre hommes et être « parfois » ou « souvent » fatigués travail a augmenté. Les deux tiers en garie. Et c’est à Birmingham, en mai journées de travaux, avec ateliers et ticulièrement retenu l’attention des femmes. Cette enquête est basée sur la ou stressés par leur travail. À cette ques- rendent responsables le manque d’ef- 2012, que le Conseil de l’Europe en séances de synthèse, ont permis de participants, avec la présentation perception de son propre état de santé. tion, ils sont même 59 % à répondre fectifs, la polyvalence et l’organisation tirera les conclusions. s’interroger sur les pratiques pro- d’une étude universitaire menée dans Une rencontre sera organisée à Lille « souvent ». Plus de la moitié (54 %) se du travail. Les deux tiers (65 %) ressen- But de cette rencontre lilloise, en fessionnelles concernant les pro- ce pays. L’accent a également été mis en février pour présenter les enseigne- sentent soumis à une pression excessive tent une dégradation de leurs conditions partenariat avec la Fédération euro- blèmes de discrimination. Il en est sur la nécessité de mieux recruter les ments de cette enquête et échanger sur et 20 % ont même été confrontés à des de travail, principalement due selon péenne des journalistes (FEJ) et trois notamment ressorti la nécessité de journalistes issus des minorités visibles la situation de la presse quotidienne agressions verbales, des menaces ou du eux à des horaires atypiques ou décalés syndicats de journalistes (SNJ-CGT, mieux former les journalistes sur les et de mieux les préparer à l’entrée dans régionale, en plein mouvement de res- chantage. Conséquence : trois journa- (46 %), aux pressions de la hiérarchie SNJ et USJ-CFDT) : favoriser les thèmes de la diversité, d’améliorer les écoles de journalisme. ■ tructuration et de concentration, phé- listes sur cinq reconnaissent parler du (44 %), au travail sur écran (42 %), à conditions d’un meilleur pluralisme les conditions de travail pour mieux nomène qui se traduit toujours par une travail avec leur médecin traitant. une mauvaise ambiance (34 %) ou à des dans les médias sur les questions appréhender le terrain, et le besoin * Membre du bureau national du SNJ-CGT. dégradation de la santé des salariés. Les Cette enquête fait également apparaî- problèmes d’aménagement des locaux premiers enseignements de l’enquête tre que 17 % disent avoir fait l’objet ou du poste de travail (31 %). peuvent cependant être déjà présen- d’un arrêt de travail de plus de quinze Il y a quelques raisons tout de même tés. La répartition par classes d’âge des jours pour dépression ou burn out dans de ne pas désespérer. Si 54 % seule- journalistes ayant répondu est assez les cinq dernières années. ment estiment être toujours « journa- équilibrée : un tiers de 25-34 ans, 40 % listes » (3 % estiment ne plus l’être ; de 35-44 ans et un quart de 45–59 ans. Pas assez de temps 43 % estiment ne plus l’être à certains Les élections à… Ils sont 79 % à vivre en couple et tra- On sait que « sens du travail » et « santé moments), 77 % sont fiers de leur vaillent en presse quotidienne régionale au travail » sont étroitement liés. Là où travail et 80 % ont le sentiment de pour plus de la moitié (58 %). le travail perd son sens, le travailleur faire un travail utile et intéressant. Ils perd sa santé. Ils sont ainsi 58 % à esti- sont également 77 % à estimer avoir • La Montagne • PGV Maison • L’Humanité Troubles du sommeil, mer ne pas disposer du temps nécessaire la possibilité de refuser une demande Lors des élections à la Montagne, le Chez l’éditeur de magazines Les élections qui ont eu lieu à l’Humanité se sont maux de tête... pour faire correctement leur travail. Ils contraire à leur éthique, 60 % à béné- SNJ-CGT a obtenu deux sièges au CE spécialisés PGV Maison traduites par un fort taux de participation (supérieur Premier élément inquiétant : 47 % sont même 69 % à juger que l’équipe ficier d’une bonne ambiance de travail (deux aussi pour le SNJ) et deux élus (Système D, Bricothèmes…), à 80 %). Le SNJ-CGT recueille 65 % des voix. Il estiment que leur santé s’est dégradée dans laquelle ils travaillent n’a pas les et 76 % à pouvoir compter sur le sou- délégués du personnel (quatre pour le le SNJ-CGT a décroché obtient ainsi trois représentants titulaires plus trois au cours de ces cinq dernières années. moyens ni les effectifs pour faire face à tien de l’équipe et des collègues. ■ SNJ). Le SNJ-CGT dépasse la barre les deux sièges de délégués suppléants au CE (un titulaire et un suppléant pour Parmi ces derniers, 90 % pensent que la charge de travail qui lui est confiée. de 50 % des voix pour les titulaires au du personnel, titulaire et le SNJ). Le SNJ-CGT obtient par ailleurs deux cette dégradation est liée à leur travail. Par ailleurs, 90 % se disent souvent ou * Membre de la section Nord-Pas-de-Calais du CE, l’élection sur laquelle se base la suppléant. délégués du personnel titulaires et deux suppléants Ce sentiment de santé dégradée est régulièrement interrompus dans leur SNJ-CGT. représentativité des syndicats. (un titulaire et un suppléant pour le SNJ).

TÉMOINS TÉMOINS 20 N° 46 / novembre - décembre 2011 - janvier 2012 N° 46 / novembre - décembre 2011 - janvier 2012 21 Déontologie Précarité

L’indépendance des rédactions blèmes. On le constate dans l’audiovi- suel public, où elle est pourtant recon- nue. Les chaînes publiques ne sont pas Misère exemptes de tout reproche.

Reconnaissons toute de même que les dérapages sont moins fréquents dans l’audiovisuel public que dans le des pigistes, Un enjeu secteur privé… Oui, mais c’est aussi grâce à l’extrême vigilance des syndicats, et en particu- lier du SNJ-CGT, premier syndicat dans cette entreprise. À France Télé- pigistes de visions, les journalistes sont représen- tés au comité d’entreprise et ils ont des délégués qui se préoccupent de ces prioritaire questions. Car les problèmes de prati- ques professionnelles et de déontologie la misère Après l’échec de la Commission des sages chargée de plancher sur une charte sont aussi du ressort des CE, du simple “Coacher” les journalistes pigistes qui galèrent ? déontologique, voilà que l’idée d’une “veille déontologique”, composée de fait que c’est toute l’entreprise qui est concernée par la qualité du média. C’est la solution qui a été préconisée lors d’un journalistes-sages, de membres de la société civile-sages et d’associations Aux Échos, où tu es journaliste, quel “apéro” dans un café parisien. essaie de faire son chemin. Katty Cohen, déléguée syndicale SNJ-CGT aux Échos type d’intervention avez-vous porté Par Jean Tortrat* et élue à la CCIJP, était présente aux Assises du journalisme à Poitiers, où cette en CE ? Dernièrement, nous avons été alertés question a été débattue. Interview. par le fait qu’une directrice générale de eudi 3 novembre s’est tenue une mon scepticisme quant à l’efficacité de la Propos recueillis par Dominique Candille* la régie publicitaire affirmait imposer à étrange et inquiétante initiative méthode (pour être modéré !), j’y ai aussi la rédaction la réalisation de dossiers aux de la part de l’association Pro- parlé d’éthique, en dénonçant le fait de thématiques ciblées et répondre ainsi J fession Pigiste. Elle avait orga- tenter de gagner de l’argent avec le déses- aux attentes des annonceurs. C’était clai- nisé un « apéro pigiste » dans un café pari- poir des pigistes. Les réponses oscillaient Témoins : La déontologie est sans cesse que garantissant leur indépendance part qu’un grand nombre de journalis- rement mettre la rédaction aux ordres sien, dont l’invitation proclamait : « Baisse entre la gêne et la colère : « Si cela ne t’in- appelée à la rescousse, présentée comme vis-à-vis des actionnaires, toutes les tes n’ont pas les moyens de bien exercer de la publicité. Nous avons interpellé la des piges ? Coachez-vous. » Une journaliste, téresse pas, tu peux t’en aller ! Personne ne le remède à la perte de confiance des chartes peuvent être contournées. leur métier. De récentes affaires d’écou- direction à ce sujet en CE, lui deman- qui a travaillé vingt-sept ans à RFI et dit s’en t’oblige à rester ! » J’avais très nettement citoyens vis-à-vis de l’information et des tes téléphoniques mettent par exemple dant de faire respecter l’indépendance être « sortie personnellement » grâce au la sensation d’être présent à une assemblée journalistes. Qu’en penses-tu ? Les lecteurs, les téléspectateurs estiment en lumière les difficultés d’enquêter en des journalistes. La directrice s’est fait coaching, a présenté à la cinquantaine de de recrutement pour une secte. Katty Cohen : Comment répondre aussi que les journalistes, les médias qui toute indépendance. Sans parler des tancer, nous a-t-on répondu. Mais une participants ses objectifs. Ces séances, dixit Que des charlatans trouvent sur le terrain aux attentes des lecteurs, auditeurs, ne remplissent pas bien leur mission ne pressions économiques, politiques et vigilance s’impose à tout moment, et l’invitation, visent à « permettre de clarifier de la misère et de la carence d’emplois téléspectateurs ? Comment diffuser sont jamais sanctionnés. Cette « impu- commerciales sur les rédactions. tous les salariés de l’entreprise doivent ses objectifs, mettre à jour ses contradictions des victimes pour gagner de l’argent, une information vérifiée ? Pourquoi nité » accentue leur défiance vis-à-vis de aider les journalistes à rester indépen- et tracer une feuille de route : un bon anti- rien de plus logique dans notre société une telle défiance ? Ce sont effec- l’information... Pourtant, le SNJ-CGT, comme d’autres dants. Les syndicalistes ne sont ni des dote à la perte de confiance en soi ! » marchande. Qu’ils arrivent à trouver des tivement des questions essentielles, Mais les sanctions existent déjà. Un syndicats de journalistes, est favorable donneurs de leçons ni des juges. Ils sont Ainsi, les pigistes qui ne trouvent pas de tra- cautions dans leur entreprise, c’est beau- que nombre de journalistes et de journaliste « fautif » peut être sanc- à l’annexion de la charte de Munich là pour défendre les intérêts matériels et vail le devraient à leur « perte de confiance » coup plus gênant. Les organisateurs vont syndicalistes se posent au quotidien. tionné par sa hiérarchie. À lui de se de 1971 à la convention collective. Les moraux des salariés. Et obtenir tous les en eux ? L’invitation précise également que même jusqu’à préciser que les pigistes Créer une « veille déontologique » ne défendre, s’il conteste la réalité de la syndicats patronaux, eux, s’y opposent moyens nécessaires à une bonne prati- « la démarche s’adresse à des personnes tiennent, grâce au coaching, « une occa- répond pas à ces problèmes. Il ne suf- faute, devant la commission arbitrale farouchement… que de l’information. Nous ne sommes dont les revenus sont inférieurs ou égaux sion à ne pas manquer : trouver sa force, fit pas de constater les « dérapages », et/ou les prud’hommes. Par ailleurs, les Effectivement, beaucoup de journalis- pas seuls dans cette bataille pour une à 1 000 €. Moyennant une cotisation de au-delà de la crise ! » il faut surtout comprendre pourquoi citoyens, les personnalités, les organi- tes – et surtout les jeunes entrant dans information de qualité. Il existe des asso- 30 €, les “coachés” peuvent bénéficier de Pour sa part, le SNJ-CGT a choisi de ils se produisent. Tant qu’on ne règle sations qui s’estiment mis en cause par la profession – souhaiteraient avoir un ciations de lecteurs ou de téléspectateurs, cinq à dix séances de coaching, étalées au défendre sur le terrain les salariés pré- pas les questions des conditions de des articles de presse ou des reportages texte de référence opposable à leurs de critique des médias qui partagent nos maximum sur six mois. » caires, les pigistes, dont les droits sont travail, de la précarité de plus en plus diffusés à la télévision ou à la radio ont employeurs. Ils ont souvent l’impres- exigences. Mais nous sommes les seuls à bafoués tous les jours. Notamment en forte dans la profession, des droits la possibilité de porter plainte devant sion d’être seuls face aux pressions. pouvoir intervenir au quotidien dans les menant campagne avec FO et la CNT des journalistes, tant qu’on n’empê- les tribunaux ou de demander un droit L’annexion de la charte de Munich à rédactions pour que le droit d’informer Et l’éthique dans tout ça ? pour l’abrogation du protocole d’étape che pas les conflits d’intérêt entre de réponse. La loi française punit la dif- la convention collective peut en partie ne soit pas bafoué. ■ Présent à cette réunion, j’y ai posé quel- pigistes (voir Témoins n° 45). ■ publicité et rédactionnel, tant que les famation avérée ou les atteintes à la vie répondre à leurs attentes. Mais cette ques questions qui ont visiblement gêné rédactions n’ont pas de statut juridi- privée. Le SNJ-CGT estime pour sa annexion ne résoudra pas tous les pro- * Membre du bureau national du SNJ-CGT. l’assistance et les organisateurs. Outre * Membre du bureau national du SNJ-CGT.

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