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Limoges, 1944-1947. Capitale Du Maquis

Limoges, 1944-1947. Capitale Du Maquis

LIMOGES 1944-1947 capitale du ancien PrésidentalberyCHAUDIER du Comité Départemental / de Libération de la Haute-Vienne

LIMOGES 1944-1947 capitale du maquis

éditions lavauzelle paris - limoges @ Editions Lavauzelle, Paris-Limoges 1980 Avant-propos

Il convient de rappeler une vérité première, fondamentale. Avant la libération de la France, il y eut, quatre années durant, ce fait dominant : la Clandestinité. Ce vocable mérite la majuscule. Il contient, il véhicule pour notre histoire, le flot ignoré, méconnu des choix décisifs, des options lourdes de périls individuels ou collectifs, les fidélités affirmées, les audaces et les vaillances qui répondirent, d'abord isolément, puis avec les armées de l'ombre et les réseaux civils de la Résistance, à l'appel d'un général de brigade, fraîchement nommé membre d'un gouvernement aux abois, dont le nom était encore totalement inconnu des Français le 17 juin 1940... Curieuse, unique, prodigieuse époque, durant laquelle dans la désolation et l'accablement de la patrie, écrasée de stupeur et d'humiliation, les uns déjà se résignaient à la défaite, d'autres « réa- listes » préparaient leur ralliement plus ou moins admiratifs aux vainqueurs d'alors, tandis que d'autres encore — si peu nombreux! — déjà s'empressaient, bravant les irritants brouillages de notre radiophonie muselée, tendant une oreille impatiente et vigilante à cette voix virile qui nous venait de Londres, qui osait ras- surer, qui osait prédire au bout d'un noir tunnel, l'éclat retrouvé d'un soleil de victoire ! Etrange époque aussi, où les familles, aux nombreux membres prisonniers dans les stalags ou les oflags, hésitaient, même entre pro- ches, à livrer leurs impressions, leurs opinions, ou, s'il était arrêté déjà, leur choix. On s'abordait au cours de rencontres fortuites, puis sur une intonation, sur un mot révélateur, on fixait lieux et heures de visites réciproques, fort de la réputation, de la loyauté reconnue de tel ou tel interlocuteur, on en arrivait à se constituer quelques relations solides entre gens de bonne compagnie, sans distinctions de « rang social », de métier, de culture ou d'âge. Et quel émoi! quelle exal- tante surprise quand on devenait, à propos d'un secret vital, absolu- ment sûrs l'un de l'autre ! Ainsi, entre autres exemples, fis-je la connaissance du gendre du maire de Limoges (1), M. Duché, dont les aléas de la vie, depuis des décades, m'ont séparé. Il devint après la libération, président de (1) M. Léon Betoulle destitué par Vichy et réélu d'ailleurs en 1947. (Photo Claude Lacan, Limoges.) M. CHA UDIER recevant des mains de M. le Maire la médaille de la Ville de Limoges à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de la Libération. l'importante chambre de commerce de notre ville. Nous ne tardâmes point à nous « comprendre » et, mutuellement, nous initiâmes à la confection de cartes d'identité fictives, rarissimes en 1940 encore qu'indispensables en quelques cas où la vie même des bénéficiaires était en jeu. Se rappellerait-il ces lointains et communs souvenirs? Cette première forme de notre action de Résistants eut lieu chez moi, dans mon propre cabinet de travail : Pour ma part je revois la scène avec une intense et grave précision... Et que dire de la visite stupéfiante, inconcevable en période nor- male de Jean Gagnant, socialiste sincère, entier, aux vues et convic- tions péremptoires, à la philosophie strictement figée en un anticléri- calisme qui englobait non seulement les aspects et les formes exté- rieures du christianisme, mais, quels qu'ils fussent, tous ceux qui s'en réclamaient. Il avait solennellement déclaré, avant la guerre, à qui voulait l'entendre, sorte de serment qu'il se prêtait ainsi à lui- même : « Jamais, vous entendez, jamais je ne mettrai les pieds chez un homme d'Eglise »! Stupeur pour moi. Peut-être aussi pour lui. Il était là, devant moi, dans ce même bureau, où tant « d'adversai- res » selon les conceptions en vigueur en 1939 devaient se succéder; tournant vers moi son honnête visagç, non sans un visible embarras reflétant sa surprise de trouver, face à lui « un homme comme les autres ». Quelle ne fut pas sa stupeur quand il m'entendit lui dire, tout de go « alors, mon cher camarade, qu'attendez-vous de moi? ». Il sortit de sa poche une liasse épaisse de tickets de pain, desti- née aux détenus « politiques » c'est-à-dire non conformistes aux inspirations de Vichy, sachant que je pouvais pénétrer dans la mai- son d'arrêt en ma qualité d'aumônier protestant. Peut-être ma véture aussi laïque que la sienne avait-elle le don de le rassurer? Nous étions si loin alors de Vatican II ! Cher, courageux Jean Gagnant, résistant aussi convaincu que socialiste militant... Je le revis de loin en loin sans qu'il éprouvât alors la moindre gêne, jusqu'au jour, pour lui funeste, où dans un bourg assez proche de Limoges, à la vue de soldats allemands cas- qués et armés qui approchaient du paisible café où il était attablé, triant peut être des papiers à préserver, il crut bon de gagner précipi- tamment un pré qui dévalait vers la proche rivière, déclenchant ainsi le tir de ses poursuivants soudain alertés et résolus à tout, jusqu'à ce qu'il tombât mortellement atteint. Oui, cher Jean Gagnant ! Une importante avenue de Limoges porte son nom. Et c'est bien là jus- tice rendue à la mémoire de l'un des premiers clandestins de la Résis- tance locale. Ainsi se succédèrent jours, semaines et mois. Tout s'édifiait sans bruit. Longtemps devait régner la méfiance. Entre trois per- sonnes groupées au hasard d'une rencontre, une gêne s'insinuait. Très vite d'ailleurs les colloques dépassant ce nombre furent interdits dans les rues. Pouvait-on être absolument sûr du troisième, ou même des deux autres? Pourtant entre gens droits, solides, au choix arrêté, une silencieuse entente se tissait. Après deux ou trois rencontres for- tuites, ou recherchées au gré des horaires de travail de chacun, nais- saient la confiance et des amitiés. Des réputations se propageaient sans écrits, sans même qu'elles fissent l'objet de commentaires assourdis. Le silence était roi. A travers une intonation, une excla- mation étouffée, la déception passait sur un visage comme une épaisse nuée voilant un bref instant l'éclat du soleil, autant de signes prudents de la connivence. Rares, infiniment, étaient les noms arti- culés, de possibles comparses furtivement évoqués. Une sorte d'immense chuchotement parcourait notre province limousine, comme d'autres on l'imaginait à coup sûr, d'où jaillissaient ici et là, on ne savait pourquoi, de prudentes renommées assez vite spontané- ment démenties lorsqu'elles paraissaient entraîner des risques... Telles furent, en 1940-1941, la consistance temporaire, la mon- tée lente, comme feutrée, de la résistance à l'envahisseur et à sa cau- tion vichyste. Il faut savoir aussi que le facteur « relations personnel- les » gardait sa primauté. C'est ainsi que, par la voie inattaquée de mon ministère confessionnel (1) j'entrai en rapport avec le propre frère de l'actuel sénateur-maire de Limoges, Louis Longequeue, ce qui tout naturellement aidait à nouer entre nous des liens de réciproque estime, de cordialité et d'amitié que d'ultérieures et légitimes diver- gences de nature politique n'ont jamais et ne pourraient jamais enta- mer. Aussi est-ce sans la moindre surprise que dès mon entrée au Comité Départemental de Libération de la Haute-Vienne j'appris qu'au sein du Comité Médical de la Libération, siégeait en tant que pharmacien de profession mon ami, futur maire de notre chef-lieu que je n'ai d'ailleurs pas hésité plus de trente ans après, à mettre à contribution pour m'aider, par l'apport de nécessaires précisions ou le rappel de dates oubliées, à la rédaction du présent volume, ce dont il m'est agréable de le remercier. Tout ce qu'il advint en août 1944 ne représente point, pour moi, une surprise. Je savais depuis fort long- temps le choix arrêté de Louis Longequeue dès le commencement des dures épreuves de la France enchaînée. Il y avait enfin des liens fortuits, nés des circonstances mêmes qui firent de Limoges une ville de repli. Parmi les quotidiens de Paris qui y cherchèrent refuge il y eut « La Croix » et son jeune, ardent et talentueux critique littéraire Luc Estang, qui assuma dans les événe- ments préparés et passés dans les faits le 22 août 1944 une part assez déterminante.

(1) J'étais pasteur à Limoges depuis 1931. Les affinités sont indicibles. Nous ne nous connûmes pas d'emblée. Il fallut, après la période des premiers et anxieux tâtonne- ments évoqués plus haut, les événements de poids que furent le débarquement des Alliés en Afrique du Nord (1), l'organisation con- comitante, plus hiérarchisée mais plus secrète que jamais de la Résis- tance, avec ses responsables, ses réseaux coordonnés du mieux qu'il se pouvait, l'action décisive en France même de Jean Moulin, autant de facteurs qui activèrent entre gens faits pour s'entendre des ren- contres profitables en des lieux agréables et privilégiés. Ainsi en alla-t-il de mon premier dialogue avec Luc Estang. Un site ensoleillé : le beau jardin en terrasse de mes amis M. et Mme d'Albis, dominant la Vienne, étincelante en ce début d'été 1943. A ma vive surprise, bien que les participants eussent été triés sur le volet, comme on dit, il fut ouvertement question des luttes militaires entre l'armée du maquis d'une part, les S.S. et la Wehrmacht d'autre part. Il y avait là des personnes inconnues de moi, visiblement impressionnées et craintives à la pensée de tout ce qui était alors évo- qué. Le débat, ardemment conduit par mon nouvel ami de « La Croix » et les gens apeurés qui lui faisaient face, portait sur une « bonne » et « mauvaise » Résistance. Bien sûr ma conviction et mon adhésion allaient aux assertions non équivoques d'Estang « Mais non Madame, mais non Monsieur ! Dans la situation actuelle de la France, il y a LA Résistance tout court ! Nous ne pouvons faire les difficiles, il s'agit d'aider les armées régulières d'Afrique du Nord en harcelant sur le sol national lui-même les ennemis qu'on sent aux abois, et désormais ne l'oubliez pas, occupants de toute la France! » Les termes employés étaient d'ailleurs transparents, car il était clair que nombre de candidats sympathisants à la Résistance craignaient pour la sécurité de leurs biens... Pour moi, conquis depuis les premiers jours de notre défaite, j'étais sensible à la chaleur, à la vigueur avec lesquelles le jeune écri- vain disait sa conviction. Peu de temps après ce dialogue mémora- ble, il vint me voir. Il m'initia à la connaissance des deux fractions secrètes et encore à leurs débuts, de la Résistance civile : « Le Front National » auquel il appartenait (F.N.) et les « Mouvements Unis de Résistance (M.U.R.) qui devaient devenir plus tard le « M.L.N. » c'est-à-dire le « Mouvement de Libération Nationale ». Il me dit aussi sa sympathie pour la famille d'Albis, de nationa- lité helvétique par le père et dont le fils Jean allait assumer un rôle important, de par sa « neutralité » juridique dans l'évacuation de Limoges par les Allemands (2).

(1) 8 novembre 1942. (2) Chapitre I, page 13. Enfin nos réciproques informations confidentielles progressant, j'eus par lui confirmation des projets tendant à confier durant la toute première période de la Libération à des organismes provisoi- res, l'autorité et la vocation de suppléer à la disparition des rouages élus de 1939 et dissous de fait, ou nommés par le régime de Vichy dès le début de l'invasion nazie. Ainsi entendis-je parler pour la première fois des composantes syndicales, politiques et surtout « résistantes » déjà dosées qui allaient former ensemble les Comités Départemen- taux de Libération auxquelles pourraient s'adjoindre le moment venu deux individualités aux convictions et au comportement gaul- listes (1) sûres et reconnues mais choisies sans autres considérations et quelles que soient leurs professions. Les occupés depuis 1940 se trouvaient ainsi informés de prévi- sions connues du seul Conseil National de la Résistance clandestine et d'un petit nombre de collaborateurs du Chef du Gouvernement Provisoire de la République, mais ignorées des combattants, non moins méritants, de la France Libre luttant plus ou moins loin du territoire national. C'est pourquoi mon entrée au C.D.L. (2) le 22 août 1944 et le lendemain 23 celle effective de l'abbé Remlinger ne surprirent per- sonne, tout en étonnant peut-être quelques-uns. Ces projets d'organisation pour le jour J étaient l'œuvre du C.N.R. (3) on ne peut plus clandestin lui aussi, dont les instances secrètes portaient un peu partout les instructions préparatoires à l'entrée en jeu, le moment venu, des structures de cadres civils et militaires, aptes à prendre en charge, à tous les échelons, la relève de la puissance publique. Et l'inspirateur héroïque, le bâtisseur tenace, le Chef de ce C.N.R. il faut le redire, fut notre cher, notre admira- ble, notre inoubliable Jean Moulin qui agissait par pleine et entière délégation du Général de Gaulle. Ainsi s'achèvent ces indispensables explications. Il fallait évo- quer l'interminable clandestinité, tenter de représenter ses prudences étouffantes, les percées de son espérance, sa certitude de plus en plus assurée de la proche victoire. Nous avons planté le décor de l'exaltant dénouement. Mainte- nant peut commencer notre récit. Les responsables en charge de leurs attributions vont pouvoir agir enfin à la clarté triomphale, sous le ciel éblouissant de la Liberté.

(1) On désignait alors de ce terme très général sous l'occupation, tout ce qui s'opposait au Ille Reich agonisant et au régime de Vichy. (2) Abréviation vite devenue d'usage courant. (3) Conseil National de la Résistance. 1 Libération de Limoges

Le jour « J » : 22 août 1944. Première journée Au fond de la vaste cuvette où s'étire la cité, à la vive chaleur de ce 22 août 1944, Limoges a connu dès les premières heures du jour, la liesse débordante d'un premier réveil dans la liberté recouvrée. Les rues se sont animées presqu'instantanément dès que fut connue et répandue la nouvelle exaltante, et constatée la présence un peu par- tout de nombreux soldats du maquis, entrés cette nuit-même dans la ville. L'auteur de ce récit — qui ne pourra éviter le « Je » haïssable du témoin —, juché sur une bicyclette d'emprunt, était bien loin d'ima- giner, encore moins de pressentir ce qui allait lui advenir, tandis qu'il gravissait une côte particulièrement redoutable, par cette tempéra- ture torride, en direction du village de Landouge où devait se tenir la réunion constitutive du COMITÉ DÉPARTEMENTAL DE LIBÉ- RATION DE LA HAUTE-VIENNE, du moins selon la convocation orale qui l'avait touché, la veille au soir. Depuis treize années pasteur de l'Eglise Réformée de France à Limoges, j'avais opté pour la Résistance dont le nom-même était alors inconnu, dès la reprise de mon ministère, en août 1940, après une brève captivité (1). A l'époque, ces sortes de ralliements étaient purement individuels, aucune organisation secrète n'étant encore envisagée. Du reste, ma tâche pastorale exigeant une totale liberté d'action, il m'était impossible de m'agréger à l'un quelconque des futurs mouvements de lutte contre l'occupant, ses alliés et ses com- plices. Par contre, mon presbytère, admirablement situé au fond d'une allée montante de plus de quatre-vingts mètres, bordée de chaque côté d'arbres et d'arbustes, devint assez vite un lieu idéal de rencon-

(1) Aumônier du 12e C.A. dès le 3 septembre 1939, fait prisonnier dans les Vos- ges en juin 1940 et libéré par une décision générale de l'envahisseur intéressant tous mes collègues des autres cultes.

tre, pour des relais, des transmissions de renseignements ou de consi- gnes, de rapides entretiens, enfin pour de véritables réunions à la nuitée, entre camarades d'une extraordinaire disparité sociale, pro- fessionnelle, philosophique, politique ou religieuse, image-même, combien vivante, de cette société restreinte, silencieuse, encore inconnue des populations, qui allait prendre en main les tâches diffi- ciles, périlleuses et, pour certains hélas mortelles, dont l'aboutisse- ment devait être, au bout de quatre années, la Libération. En sorte qu'au fil des années 1941, 1942, 1943, j'eus le privilège de nouer d'indestructibles liens d'amitié confiante avec ceux qui, tour à tour, ou bien en petits groupes, franchissaient ma porte : mili- tant communiste ou père jésuite, responsable socialiste ou jeune patron, intellectuels et ouvriers, fonctionnaires et agriculteurs, ten- dus vers le même but, exaltés par l'accomplissement de la même tâche : la délivrance de la patrie enchaînée... J'obéissais donc, ce 22 août, à la mystérieuse convocation, non sans regretter, en ce jour glorieux, de m'éloigner ainsi de la ville aux rues familières, toutes bruissantes de cris joyeux, d'appels entraî- nants, de chants et de cortèges improvisés d'où jaillissaient les explo- sions d'une exubérance populaire sans mesure. Ma première surprise : à peine étais-je arrivé devant la villa où devait se tenir une réunion mémorable qu'un camarade inconnu de moi, Fernand Bricout (alias Gustave dans la Résistance) dont il sera bientôt question, m'accueille avec cordialité, mais aussi avec la gêne visible d'avoir à m'informer d'un contre-ordre : le Commissaire de la République nous attendait à l'Hôtel du Commerce, non loin de l'Hôtel de Ville, au centre de Limoges d'où précisément je venais ! La descente fut rapide jusqu'au lieu où nous attendait l'un des deux Délégués du Gouvernement Provisoire (1) chargé de la zone Sud, et dont je revois le visage affable et préoccupé à la fois, debout derrière une longue table ovale nappée de blanc et portant encore les traces d'un repas collectif tout récent. M. Pierre Corme (nom clandestin du Commissaire Régional de la République), res- pectueux des libres délibérations du Comité, se trouvait dans une pièce voisine.

(1) Il s'agissait pour Limoges de M. Serreules, Bouchinet Serreules pour ne plus tronquer un nom qui le fut pour nous de par la lancée des précautions d'usage dans la clandestinité. Une circonstance fortuite qui fut pour moi un privilège me valut trente ans plus tard, en 1974, de refaire à Paris sa connaissance et je lui sais gré tout particulièrement des renseignements précieux qu'il me communiqua sur les dis- positions arrêtées par le Gouvernement Provisoire de la République selon lesquelles un Délégué le représentait dans la zone Nord, un autre dans la zone Sud. M. Serreu- les était donc pour nous, en Haute-Vienne, le représentant autorisé du G.P.R.F. 9 La Libération de Limoges. Et je découvrais alors ces treize hommes aux visages inconnus de moi le matin-même, avec lesquels je devais vivre une sorte d'aven- ture, une expérience qui allait marquer ma vie. Ils auraient dû, d'ail- leurs, être quatorze, minimum statutaire susceptible d'élargissement ultérieur par cooptation. Seul donc manquait à ce premier débat le représentant de l'évêché, mon ami Remlinger qui n'avait pas encore reçu l'autorisation de siéger comme représentant du diocèse. Il faut savoir — et j'ignorais moi-même alors — qu'une dizaine de représentants des organismes, mouvements, syndicats et partis politiques engagés dans la Résistance s'étaient déjà réunis dans la nuit du 21 août à la mairie de Bosmie, petite commune proche de Limoges, sous la présidence de M. Robert Schmidt afin d'arrêter par un accord unanime la composition numérique du futur C.D.L. de la Haute-Vienne. La voici : 3 membres représentant les M.U.R. (Mouvements Unis de Résistance) plus tard le M.L.N. (Mouvement de Libération Natio- nale). 3 membres représentant le F.N. (Front National). 1 membre représentant le P.S. (Parti Socialiste). 1 membre représentant le P.C. (Parti Communiste). 1 membre du futur Mouvement Républicain Populaire (1). 1 membre représentant la Jeunesse française. 1 membre représentant l'Action ouvrière. 1 membre représentant les Agriculteurs. Cette composition devait être sensiblement modifiée dans la nuit, faut-il croire, puisque le 22 août, les deux Mouvements natio- naux de Résistance avaient leur trois délégués chacun (au lieu de deux la veille) et que je me trouvais en présence d'un représentant de la C.G.T. et de deux agriculteurs. C'est au cours de la réunion de Bosmie, je le présume, que se livrèrent les premières escarmouches verbales entre les porte-paroles respectifs du Parti Communiste et du Parti Socialiste dont je fus le témoin et m'improvisai non sans candeur l'arbitre, le petit scénario ainsi élaboré devant conduire dans l'esprit de ses auteurs, à ma désignation comme président! Première surprise en effet pour l'homme que j'étais alors, tota- lement étranger à la politique active : l'accrochage assez véhément entre le Communiste et le Socialiste, le premier proposant de choisir l'un de ses camarades de parti, très digne homme, résistant authenti- que aux traits marqués par les épreuves et la souffrance et fort sur- pris de se voir ainsi mis en cause... Réaction immédiate vigoureuse et tranchante du Socialiste qui souhaitait voir évitée une élection de caractère politique, et surprise désagréable pour les autres partici-

(1) Il s'appelait à l'époque de la Libération : la Démocratie chrétienne (D.M.). pants qui considéraient comme peu engageant le ton de la discussion et d'assez mauvais augure quant au climat futur de nos délibéra- tions. Porté naturellement à la conciliation, je fis observer qu'en un pareil moment, tandis que parvenaient jusqu'à nous, éclatants, les échos de la joie populaire, nous avions mieux à faire qu'à nous affronter de la sorte, qu'en une heure aussi exaltante l'accord devait et pouvait être aisément réalisé : « Messieurs, dis-je, il y a parmi nous, six représentants des deux grandes organisations nationales de la Résistance : les M.U.R. et le F.N., trois pour chacune, qui ont sur- monté toutes les divergences d'opinions durant la lutte obstinée, périlleuse et souvent tragique qui s'achève par la victoire de ce jour. Eh bien ! désignez l'un d'eux qui, en dehors et au-dessus de toute préoccupation politique, saura nous unir pour l'œuvre constructive, comme il a su, en liaison avec tous les combattants de la clandesti- nité, participer fraternellement dans le péril, à l'action libératrice ». Parlant ainsi, et croisant les regards de ces auditeurs apparem- ment impassibles, je n'échappais pas à l'impression qu'il y avait der- rière l'opposition ouverte ainsi étalée, une sorte de connivence, comme un piège amical qui allait se refermer sur moi... Comme pour justifier cette prescience et à ma profonde stupé- faction, la forte voix de Fernand Bricout, le Délégué du Parti Com- muniste, dans un silence total s'éleva pour déclarer : « Vous avez rai- son, Monsieur le Pasteur. Il y a ici un homme qui sera capable d'impartialité, qui calmera nos véhémences, arbitrera nos éventuels différends, dominera nos légitimes divergences pour nous rappeler les impératifs de l'action commune, tolérante et fraternelle, au seul service et pour le bien des populations qu'à des titres divers, nous représentons tous ici... Cet homme c'est vous-même ! Chers camara- des, je vous propose la désignation à main levée et, je veux croire, à l'unanimité, du pasteur Chaudier comme Président du COMITÉ DÉPARTEMENTAL DE LIBÉRATION de la Haute-Vienne ! » J'étais atterré. Les secondes qui suivirent me parurent d'une durée et d'un poids insupportables. Je commençai par défendre mon ministère pastoral qu'il faudrait interrompre en cas d'acceptation pour un temps indéterminé et, afin de gagner quelques minutes, je posais la question de durée probable de mon mandat. « Bah ! s'exclama l'un des représentants les plus écoutés des Mouvements unis de Résistance, il y en a pour quinze jours à trois semaines tout au plus ! » Mais l'expression de son visage démentait le , ton assuré de son affirmation, tandis que, dans un silence pesant, je voyais s'affronter du regard, muets mais résolus, Bricout, le respon- sable communiste et Parrot, celui du parti socialiste. Or, je connaissais depuis plus de six mois, l'ampleur croissante de l'influence communiste dans le département, la popularité du chef militaire, lui aussi communiste, le lieutenant-colonel Guin- gouin, placé à la tête des forces du maquis, plus de dix mille hommes qui allaient bientôt investir et libérer Limoges. Je savais la valeur de certains de ces hommes nouveaux, résistants authentiques et disci- ples de Marx. Je ne pouvais ignorer ni leur dynamisme ni leur sens du prosélytisme... J'entrevis alors en un éclair que je risquais, par mon refus, de livrer passage à un membre, si estimable et si valable qu'il soit, du parti de , pour la conquête d'une présidence et, du même coup — pour quelques jours ou quelques semaines, pouvais-je savoir? — du pouvoir préfectoral (1), et à la faveur de laquelle par la pente des options partisanes, il serait enclin à suivre des consignes au lieu d'harmoniser, d'aplanir, de dominer des divergences, toujours secondaires et même dérisoires en combat clandestin, toujours dan- gereuses si elles redeviennent primordiales dans les œuvres construc- tives de la paix... Au terme de ce débat intérieur de quelques interminables secon- des, je m'entendis répondre devant le Délégué du Gouvernement Provisoire resté silencieux et en me tournant vers Fernand Bricout, auteur de la proposition : « J'accepte, Messieurs ». Graves, intéres- sés, curieux, délivrés? Comment percer le secret des visages que je vis alors se tourner vers moi, tandis que les mains droites de ces douze électeurs se levaient, avec une sorte de solennité pour un vote unanime ? C'en était fait. Je me trouvais engagé, sans opposant, envers ces inconnus qui m'accordaient leur confiance pour une tâche dont je ne pouvais estimer ni l'ampleur ni le poids. Quant à sa durée, cher Charles Bach, notre doyen de ce temps- là, où sont les quinze jours, les trois semaines que, rassurant, vous aviez assignés à ma présidence? Elle ne devait s'achever officielle- ment qu'après les élections cantonales du 30 octobre 1945! Plus d'une année, et quelle année? Précédés par le Délégué du Gouvernement, nous nous rendons auprès du Commissaire de la République à qui est communiqué le résultat du vote. Il m'examine d'un regard indéfinissable... Un peu surpris? Un peu inquiet? Un peu amusé? Savoir... Pensez donc ! Un pasteur, Président du C.D.L.! Et dans un département... rouge! Enfin... Il me félicite poliment.

(1) En effet, le ou les préfets désignés pour la Haute-Vienne (il y en eut deux, paraît-il) n'ayant pas rejoint leur poste au jour « J », leurs fonctions revenaient à titre provisoire au Président du C.D.L. Regagnant ensemble « notre » salle, j'y présidais la séance inau- gurale dont le procès-verbal tient en une seule page ronéotypée. Nous décidons la création de cinq commissions dont la composition sera fixée ultérieurement : « Ravitaillement - Municipalités - Infor- mation - Epuration - Elargissement ». Soudain, au moment où j'allais lever cette brève réunion, une rageuse mitraillade, amplifiée d'échos assourdissants et de ripostes, éclate sur le boulevard-même et dans les rues avoisinantes. A la fenê- tre de notre premier étage, nous apercevons des maquisards casqués, rasant les murs en tirant, de chaque trottoir vers les toitures des maisons opposées, multipliant les rafales désordonnées, en proie à un énervement encore accru par l'ignorance totale de la cause initiale d'un tel déchaînement panique... Un envoyé de je ne sais qui, venant je ne sais d'où, me remet alors un papier sur lequel un message tracé au crayon de la manière la plus anonyme affirmait qu'un retour offensif de la garnison alle- mande remettait tout en question et conseillant aux nouvelles autori- tés de prendre toutes les précautions de rigueur en pareille éventua- lité, c'est-à-dire, sans plus tarder, de... se mettre elles-mêmes à l'abri ! Manœuvre grossière d'adversaires attardés? Premier coup de feu involontaire, fauteur d'affolement? Cette fausse alerte, incident mineur fort heureusement, appelle tout naturellement des précisions sur les circonstances du départ des troupes d'occupation. Il faut préciser qu'elles étaient fortes de 1400 hommes dont deux compagnies de S.S. armées de lance-flammes, réparties en plu- sieurs ceintures de blockhaus et tenaient un réduit central très solide. L'encerclement progressif et résolu de la ville par les dix mille maquisards du lieutenant-colonel Guingouin devenait décisif. Mais de quel prix, de quel second et monstrueux ORADOUR aurait été payé un ordre d'attaque irréfléchi? Là se reconnaît, quoi qu'on ait pu dire et penser de Georges Guingouin — nous revien- drons sur ce sujet — le sang-froid d'un chef militaire responsable au moment de la plus grave, de la plus redoutable décision. Il repoussa de toute sa conscience résolue, le sacrifice évitable à ses yeux, de très nombreuses vies humaines, la certitude, aussi, d'énormes destruc- tions inutiles, conséquences certaines d'un assaut précipité. Aussi accepte-t-il d'engager avec l'état-major du général alle- mand Gleiniger, par l'intermédiaire de mon ami M. Jean d'Albis, chargé d'affaires de Suisse, des pourparlers menés par les représen- tants de nos Alliés, le major Staunton pour les Anglais, le capitaine Brown pour les Américains auxquels s'étaient joints le capitaine Vigier des F.F.C. et le capitaine Guéry des F.F.I. Cette prudente et ferme négociation aboutit à un protocole d'accord réglant la retraite sans combat des troupes du Reich, après que le lieutenant-colonel Guingouin eût reçu de deux officiers de l'état-major ennemi, la reddition du général Gleiniger, au lieu même qui était depuis novembre 1942 son quartier général au nom prédes- tiné : l'Hôtel de la Paix ! Ainsi, le 21 août, à 21 heures, les comman- dants régionaux et les chefs départementaux des F.F.I. entrèrent dans Limoges et s'installèrent provisoirement à la Préfecture. Du côté allemand la convention ne fut pas intégralement obser- vée. Par un coup de force déloyal, bien avant l'heure convenue, les S.S. réussirent à enlever leur général et s'enfuirent avec lui. On assure que les auteurs de ce rapt, rassurés quant à leur propre sort mais toujours fanatiques du Führer, firent descendre leur chef devenu leur prisonnier et l'abattirent d'une rafale de mitraillette sur le bord de la route. II Georges Guingouin : le soldat du maquis

Le moment est donc venu d'évoquer le jeune chef de guerre qui par sa ténacité depuis 1940, son patriotisme, son choix français face à l'ennemi tout-puissant, a popularisé, aux jours dont nous com- mençons le récit, son nom jusqu'alors murmuré chez les clandestins. On comprend aisément que le personnage ait causé quelqu'émoi. Il représentait, cela est certain, pour qui ne le connais- sait pas dans ses possibilités et dans ses limites, un redoutable dan- ger. Avec un effectif égalant celui d'une division, des armes et des munitions, une renommée populaire de meneur d'hommes conquise au prix d'incroyables risques acceptés avec bravoure, il aurait pu s'emparer par la force du pouvoir... total! Il est vrai que son nom terrifiait classe moyenne et bourgeoisie, habituées à la peur des occupants et de la sinistre milice de Darnand, et qui tremblaient, du jour au lendemain, devant les « avant-gardes des troupes communistes » comme on disait alors. A coup sûr, il aurait pu se permettre toutes les tentatives d'un coup de force, avec probabilités de réussir. Mais le narrateur des faits, le témoin qui a vu, entendu, abordé l'homme, est obligé par la plus élémentaire honnêteté de dire ce qui fut et non ce qui aurait pu être, et de tenter d'expliquer pourquoi des entreprises redoutables et à juste titre redoutées ne sont point passées dans le réel. Aujourd'hui encore, en 1977, lorsqu'on parle, en témoin, de la libération de la région de Limoges, on ne saurait manquer de recueil- lir, en réaction immédiate, avec toute une gamme d'intonations diverses, depuis l'apeurée jusqu'à la tragique en passant par la confi- dentielle, soupçonneuse (peut-on vraiment parler de lui ???) « Ah oui! Guingouin? » Eh bien, il est en effet impossible d'évoquer la Haute-Vienne de • la guerre et de la victoire sans s'arrêter, auditeur, lecteur et a fortiori narrateur devant un homme à propos duquel on a beaucoup glosé et qui fut porté de par ses qualités, son choix résolu, son courage et les circonstances au premier plan de la Résistance départementale, clan- destine, essentiellement militaire, puis par le suffrage universel au fauteuil de premier maire élu de Limoges du 29 avril 1945 au 17 octo- bre 1947. Il convient de ne pas se contenter d'une mention rapide teintée d'un rien de pudeur effarouchée, comme dans certaines familles dra- pées d'honorabilité on précipite le débit d'une conversation à propos d'un parent plus ou moins éloigné qui aurait « mal tourné ». Son livre « Quatre ans de lutte en Limousin » (1) est une rela- tion honnête, minutieuse, presqu'au jour le jour et de caractère essen- tiellement militaire, de ce que fut sans conteste la grande aventure de sa vie. Promis aux tâches appliquées, attentives, consciencieuses d'un instituteur de campagne, il a vu son destin tout à coup con- fronté aux conséquences combien douloureuses et humiliantes de la défaite de la France en 1940, désastre qu'il eut le mérite — rare à l'époque — de considérer comme provisoire. On pourrait faire tenir l'essentiel de son caractère et de son comportement dans une expression que les malins assortissent d'une teinte d'ironie : un pur. Tel il m'apparut de prime abord lorsqu'il détenait une autorité de fait incontestée et plus tard quand la norma- lisation fut acquise dans la cité et le département sans heurts graves ni graves secousses pourtant prophétisés avec abondance par des nostalgiques du récent passé. Ma première entrevue avec lui fut conseillée et ménagée de part et d'autre par François Fontvieille-Alquier, militant du parti commu- niste, membre du Front National et Vice-Président du Comité Départe- mental de Libération. Elle eut lieu à l'état-major du colonel Guin- gouin, installé dans une riche demeure que je connaissais bien, au bas de l'ancienne avenue de Juillet (devenue pendant quatre ans « du Maréchal-Pétain ») et enfin, par décision du conseil municipal dès août 1944, « l'Avenue de la Libération ». N'étant pas au fait des habitudes en usage dans les sphères diri- geantes communistes — locales, départementales ou nationales — je croyais qu'il s'agissait d'un tête-à-tête. Mais je dus me rendre tout de suite à l'évidence. L'ami qui était l'introducteur en la circonstance était et devait rester témoin de la rencontre, ce qui eut pour effet de provoquer entre mon interlocuteur en uniforme et moi-même une sorte de gaucherie qui ne put se dissiper vraiment tout à fait. Sans doute était-ce là un protocole de rigueur dans lequel il était aisé de discerner la dose de cordialité et la dose de méfiance qu'il compor- tait.

(1) Collection Hachette littéraire. Il m'était donc facile d'observer, tout en meublant de mon mieux les silences, le visage du colonel, d'ailleurs souriant et embar- rassé comme chez beaucoup de timides. Il me souvient, en évoquant cette visite, de l'épithète déjà énoncée qui s'imposa à moi : un pur. Plus de trente-cinq années ont passé, et je revis plusieurs fois Georges Guingouin depuis cette première rencontre et je persiste à maintenir le qualificatif avec tout ce qu'il comporte de positif, de noble. Il n'est pas jusqu'au regard et au sourire de cet adversaire acharné du nazisme, de ce fervent militant du marxisme qui n'expriment une certaine candeur au plein sens du mot sincérité. Etait-ce le coude à coude périlleux qu'il avait vécu dans le maquis, en responsable traqué, dont la tête fut mise à prix et qui, de ce fait, à tout moment, devant tout visage de recrue nouvelle dans ses formations clandestines, se demandait « s'il fallait faire con- fiance » ou non? Etait-ce une disposition naturelle, dans le climat redoutable et la proximité constante de combattants inconnus la veille, à refuser même la possibilité d'une trahison? Pur, il l'était aussi par tout l'absolu de sa conviction politique. Formé dans les écoles normales d'avant 1939, il avait une tendance à confondre la vérité philosophique, scientifique, politique avec ce qui était écrit dans les manuels qu'ils fussent destinés à l'école ou distri- bués dans les cellules du parti. Quand il avait laissé pénétrer en lui une conviction qu'il estimait vitale, elle s'incorporait effectivement à la trame de son existence comme de son jugement. Un aliment à la fois méprisé, haï et roboratif devait être donné dès 1940 à la capacité et à la faim de certitude qui l'habitait : la per- sonne, la doctrine, les actes et les paroles d'Adolf Hitler. De toute l'ardeur de son expérience (son père mort pour la France en 1914-1918 — lui-même sérieusement blessé en juin 1940) il semble bien avoir été mû par un réflexe de douleur et d'humiliation en constatant que les hautes instances de son parti semblaient vou- loir effectuer un « virage » pour lui impensable, impossible en fai- sant demander à Otto Abetz, pour le journal « L'Humanité » une autorisation de reparaître. Son instinct, comme sa réflexion, lui dicta attitude et décision. Dès 1940 il sera, par tous les pauvres moyens dont il pourra disposer un opposant farouche au régime de Vichy et, cela va de soi, à l'occu- pant. Dès le 1er mai 1941, il « prend le maquis ». A partir de là toute sa vie intensément active de combattant, de recruteur, de chef va s'ordonner. Tout s'organise à mesure que progressent le regroupe- ment des combattants volontaires de l'ombre, la complicité de nom- breux amis, puis d'indispensables et sûrs agents de liaison. Il est bientôt permis de prévoir et fixer des points de rassemblement occa- sionnels, des entrepôts cachés de matériel, des abris de rechange, des porteurs de messages. Des sous-officiers et des officiers peu à peu se dégagent des unités provisoires... Que de fois n'ai-je pas déploré que des officiers de carrière, appartenant à la triste, la morne « armée de l'armistice » aient per- sisté à se terrer dans l'humiliante inaction tandis que, déjà si nom- breux et si ardents, les gens de la base, soldats de fortune ou d'infor- tune pourrait-on dire, ne demandaient « qu'à être commandés » comme ils disaient non sans inquiétude ! Quoi d'étonnant alors à ce que des garçons de ferme, des métayers, des menuisiers ou des plombiers-zingueurs, à l'heure exal- tante pour eux de la victoire des Forces françaises de l'Intérieur, réapparurent avec les galons de capitaines, de commandants, de colonels ! On pourra dire et ressasser ce que l'on voudra sur les incidents ou affaires regrettables advenues çà et là de par l'insuffisante forma- tion de ces officiers improvisés sous la poussée des urgences! La démonstration de l'inévitable éclate au grand jour de la Libération : un instituteur de village, seul et tenace, tenace mais seul, se retrou- vant le 21 août 1944 colonel, commandant un effectif équivalant à celui d'une division ! Un colonel dont l'autorité sur sa troupe dispa- rate n'était pas contestée et qui était obéi au point d'arracher, sur un ordre diffusé par haut-parleur, ses soldats épars dans la ville à leur liesse légitime et d'obtenir en moins d'une heure qu'ils se regroupent dans leurs différents casernements ! En bref, les éléments divers de cette armée partie de rien (*) autour d'un homme seul, A.S. - O.R.A. - F.T.P. (1), en proportions certes très inégales ont bel et bien constitué une force suffisante d'abord pour impressionner les gens de la honteuse milice (les pre- miers à s'enfuir de Limoges), puis la garnison allemande elle-même jusqu'à contraindre son chef le général Gleiniger de négocier pour sa reddition et son départ sans combat !

(*) Il serait bien injuste, en effet, d'ignorer des minorités — de par l'obédience politique — qui œuvraient dans le même sens d'opposition farouche à l'occupant et à ses complices. D'autant que certains de ces minoritaires ont payé de leur vie leur qualité d'authentiques maquisards. Comment oublier l'affaire de Grandmont au cours de laquelle le commandant Denay, le capitaine Simon, l'adjudant Lamarque, les combattants Laplagne et Georges Lemoine furent tués. Ce petit groupe, par une erreur tragique inspirée par la certitude d'arrêter un groupe de soldats allemands, mais fourvoyé par des indications incomplètes quant aux effectifs ennemis, fut fauché depuis un chemin creux dominant la route. Pas un seul survivant. (Voir « Quatre ans de lutte sur le sol limousin » de Georges Guingouin, pages 198 et 199.) (1) A.S. Armée secrète, de nuance S.F.I.O. - O.R.A. (Organisation de Résistance de l'Armée) et F.T.P.F. (Francs Tireurs et Partisans Français), d'obédience généralement communiste. Si le mérite d'un tel aboutissement revient pour l'essentiel à Georges Guingouin, c'est parce que, dans sa simplicité, son manque de « panache », comme disent dédaigneusement certains de ses détracteurs aux airs apitoyés, il garda et affermit sa forte conviction de répondre par des initiatives à l'attente angoissée d'une population hostile à tout ce qui figurait et rappelait l'humiliation de la France. Dès que furent connues son initiative et son entreprise solitaire — bientôt puissamment secondée par Pierre Laval lui-même, créateur et propagandiste du S.T.O. (1) — devait grossir assez vite la petite troupe originelle dont, en assez grande majorité, les effectifs furent portés au compte des F. T. P. Il faut y insister et ne s'en point étonner. Georges Guingouin dont la réaction immédiate, résolue, active contre l'esprit de résigna- tion à la domination nazie était et ne s'en cachait point membre et militant du parti communiste. « Pur » aussi à cet égard, il apportait à sa tâche de recruteur, d'entraîneur, de franc-tireur, le sérieux, le dynamisme, l'ardeur qui caractérisent ses camarades en politique. Et il arriva tout naturellement que son comportement résolu, l'ardeur de ses convictions de patriote, l'ascendant qui de ce fait s'exerçait sur ses partisans, tout cela fortifiait le crédit de la formation politi- que à laquelle il appartenait. Rien là de très surprenant et pour s'incliner devant le fait, il n'est que de comparer les situations res- pectives et les résultats obtenus en Haute-Vienne avant et après la guerre et l'occupation de 1939-1941, à l'occasion de diverses consul- tations électorales. On constate une progression massive de l'électorat du parti communiste sur celui de la S.F.I.O. imputable pour une grande part, notamment dans les milieux ruraux à l'influence quotidienne du maquis. Si l'on y ajoute celle indéniable du préfet communiste Jean Chaintron, puis du député de la Haute-Vienne et Ministre commu- niste de la Production Industrielle, M. Marcel Paul, il est explicable, il était même prévisible que la liste municipale de Limoges, intelli- gemment composée avec l'esprit encore tout puissant de la Résis- tance, l'ait emporté dès le premier tour en mai 1945 avec Georges Guingouin, premier maire de Limoges pour plus de deux ans après la victoire. Ce combattant d'hier réputé pour son courage physique dans les coups de main, source de son ascendant sur ses compagnons de lutte et sur les populations rurales, fut certainement moins à l'aise en ce poste civil que dans ses maquis. Il faut dire que cette apogée d'une carrière foncièrement désintéressée, fut aussi sans qu'on le soupçon- nât dans le plubic, pour ce Compagnon de la Libération, le commen-

(1) Service du Travail Obligatoire (en Allemagne!). cement d'une longue et cruelle épreuve qui devait le marquer et le torturer moralement des années durant. Il avait d'ailleurs consenti à accéder à la responsabilité de maire, contre ses préférences, par dis- cipline de militant politique. Reprenons la chronologie des faits. Le premier qui doit être mis à son actif, on l'a vu (1) est le refus catégorique opposé par lui à ses chefs dans le parti communiste avant la Libération, lui donnant l'ordre de s'emparer de Limoges investie, ce que les forces placées sous son commandement pouvaient peut-être (?) réussir militaire- ment encore que ce fût bien aléatoire, mais risquant ce que garnison allemande et milice réunies pouvaient faire redouter à juste titre : un second, un colossal Oradour-sur-Glane. Devant une telle menace Guingouin n'hésita pas. Lui, le baroudeur téméraire, l'homme des opérations de force fut inébranlable dans son opposition. L'immense service alors rendu par le chef des « assaillants » français à la ville de Limoges fut d'obtenir en négociant et au moin- dre danger, notre libération par évacuation consentie et minutée des troupes ennemies. Les électeurs « limougeauds » de mai 1945 devaient s'en souvenir. Preuve est ainsi faite que l'énergie, la témé- rité du refus pouvaient s', chez Georges Guingouin, à la raison froide et au bon sens. Mais, on le verra des années après, les instan- ces supérieures de son parti ne devaient pas l'oublier... à son détri- ment.

(1) Voir page 13 la reddition de la garnison allemande. III Présence du Pouvoir civil Après cette nécessaire digression, les souvenirs, à trente-cinq ans d'intervalle, me replongent dans l'ambiance inoubliable des rues bruissantes de « Marseillaises » et de « Chants du départ », d'appels et de cris de joie, toute l'allégresse d'une population longtemps bâil- lonnée, longtemps contrainte, tapie dans le silence d'un attentisme anxieux ou pour certains — les moins nombreux ! — acharnés aux tâches périlleuses de la résistance active. Hélas ! comment s'en étonner après ces quatre années oppres- santes — il y eut en même temps l'autre spectacle, celui de scènes déplorables et avilissantes, de toute une agitation vengeresse, attisée par des meneurs douteux, anonymes, incontrôlés, aussi proches sans doute des vaincus de ce jour qu'empressés à détourner sur des inno- cents l'attention publique, multipliant leurs incitations aux déborde- ments de la vindicte gratuite et aux obscènes mascarades d'une pré- tendue justice populaire... Mais il me fallait, sans m'attarder, en venir à de très urgents devoirs. Le premier de ceux qui m'incombaient comme Président du C.D.L. et Préfet intérimaire consistait à imposer, tout au moins symboliquement, à la Préfecture de la Haute-Vienne, la présence d'une autorité civile, reconnue par les militaires eux-mêmes comme elle devait l'être par les cadres administrtaifs. Le plus pressé donc se trouvait être, du même coup le plus déli- cat quant à ma sensibilité et à mes sentiments personnels : convoquer dans le vaste bureau préfectoral, en vue de cet indispensable face à face, un homme qui a mérité et conservé mon estime, bien que nous fussions aux antipodes quant à nos choix respectifs en matière de jugement politique de cette guerre, le dernier Préfet Régional de Vichy à Limoges : M. Freund-Valade. Fils du pasteur Freund, de Strasbourg, l'un des plus fervents patriotes d'Alsace, par conséquent mon coreligionnaire, fidèle pra- tiquant de mon Eglise, il m'était arrivé assez souvent de lui deman- der audience lorsqu'il s'agissait de la lamentable clientèle adminis- trative de ce temps-là : résistants traqués, israélites, nationaux de pays en guerre avec le Reich (Anglais, Américains, Russes). Il m'écoutait toujours avec sympathie et souvent m'apportait une aide efficace. Des relations amicales s'étaient ainsi établies entre nous. Je le connaissais dans l'accomplissement de son devoir professionnel qu'il s'efforçait de concilier avec les impératifs d'un patriotisme resté très proche, au fond, de celui de son père. Arrivé très vite d'un Secrétariat Général de Préfecture à ce haut poste de « Régional », il était très apprécié de tous ses subordonnés et, s'il ne se fût fourvoyé dans une carrière aussi rapidement ascen- tionnelle — et sous un tel régime — il était destiné à devenir un très grand commis de la République. Aussi bien passait-il déjà, en moins d'un an de séjour pour un grand préfet, au témoignage de ses colla- borateurs immédiats, à commencer par le préfet délégué de la Haute- Vienne M. Mecheri. Il refusait audience avec mépris, lorsqu'ils tentaient de se pré- senter à son cabinet, à de sinistres sbires venus accomplir, dans l'enceinte de la maison d'arrêt de Limoges les plus vils assassinats, qu'on appelait sous le manteau, « les tueurs de Pierre Laval » et dont la venue ne lui était jamais signalée à l'avance (1). Au lendemain de l'inconcevable massacre d'Oradour-sur- Glane, il condamna sa porte avec hauteur au général allemand Gleiniger et se rendit avec Mgr l'Evêque de Limoges et moi-même devant la tombe des martyrs et y prononça un bref, digne et coura- geux discours. Tel était l'homme, évincé de fait dans la nuit du 21 au 22 août, que j'avais mission d'évincer officiellement en lui signifiant ma qua- lité récente, acquise par élection et les pouvoirs préfectoraux qui, en l'absence d'un préfet désigné, m'étaient dévolus. Sur le chemin de la Préfecture, vers 18 heures, je fus témoin d'un petit événement qui me donna la mesure de l'autorité, de l'ascendant du lieutenant-colonel Guingouin sur ses troupes. Au milieu du tourbillon de foules où les maquisards entrete- naient avec des libations partagées au hasard des rencontres, des remous parfois inquiétants, s'éleva tout à coup, tonitruante au- dessus du vacarme la voix démesurément amplifiée d'un haut- parleur émergeant d'un toit de voiture automobile, en pleine circula- tion dans le centre étouffant de la ville, proférant et répétant : « Ordre est donné aux militaires de tous grades, officiers, sous- officiers et soldats de regagner immédiatement les cantonnements prévus dans les casernes. Exécution dans l'heure qui suit. Ordre du colonel Guingouin ». Eh bien ! comme si, tout à coup un magicien invisible avait eu pouvoir de créer la semi-immobilité de l'écoute déjà attentive et le silence (relatif) d'un commencement d'exécution, le tumulte perdit (1) Il en sera question dans la suite de ce récit. de son intensité, les militaires s'interpellaient pour former des grou- pes en marche vers des lieux de rassemblement. En moins d'une heure, l'ordre était exécuté et la cité tout entière trouvait à sa légi- time allégresse des modalités d'expression plus mesurées. Enfin, je pénétrai dans la Préfecture et me mis en devoir de gravir les trois hauts étages — alors sans ascenseur — qui menaient jusqu'aux bureaux préfectoraux. Des cris joyeux, des jurons reten- tissants, des bribes de chansons à boire me parvenaient, plus sonores à mesure que je progressais. Aucune présence humaine là où d'ordinaire se tenaient les huis- siers. Ils avaient disparu, terrés on ne savait où et probablement ter- rorisés. Par contre d'autres présences se manifestaient avec une rare intensité sonore derrière la porte du bureau affecté au Préfet délégué de la Haute-Vienne. A la faveur d'une seconde de relative accalmie, je frappai à la porte qui s'ouvrit brutalement, encadrant un militaire abondamment galonné (avait-il moins de six rangs dorés sur les man- ches? Je n'en jurerais pas...) Hirsute, le visage charbonné, la che- mise ouverte sur un torse bronzé à la pilosité impressionnante, l'haleine imprégnée des rudes senteurs d'un vin rouge de qualité cou- rante, l'œil à la fois dominateur et enfantin, tel m'apparut, à jamais inoubliable le colonel R... dont je devais apprendre bientôt qu'il commandait un demi-régiment de maquisards. Son regard pesa sur moi avec la pointe de condescendance dédaigneuse du soldat, hier encore combattant sur le qui-vive, pour ce quadragénaire surgi inopinément dans cette préfecture « con- quise » douze heures auparavant qui déclinait tranquillement sa qualité toute nouvelle : « Mon colonel, je suis le Président du Comité Départemental de Libération et je cherche un employé, huis- sier ou autre, pour m'introduire auprès de l'ancien Préfet Régional. » Devant ce souci des bons usages qui, à bon droit j'en conviens, le déconcertait en un pareil jour, il éclata d'un rire énorme et bon enfant et, apitoyé, il proféra avec un accent du Languedoc souli- gnant gaiement son ironie : « Oh ! Monsieur le Prrrésident, le prrro- tocole, vous savez, maintenant, vous savez!... (il prononçait prôtô- côle). Allez donc et intrôduisez-vous vous-même! ». Et calmement, lentement, fermement, il referma « sa » porte, me laissant savourer cette rencontre, tandis que me parvenaient, coupés de rires, des com- mentaires peu à mon avantage. Seul donc, au palier préfectoral, impatient de rencontrer mon « prédécesseur », je me saisis d'un téléphone vacant offert à mon . initiative, appelai le concierge de la partie administrative du bâti- ment, le priai de rechercher le jeune chef de cabinet de M. Freund- Valade et, s'il avait la chance de le découvrir, de l'envoyer aussitôt à son collègue de la partie résidentielle où je me trouverais bientôt. Tout s'arrangea assez vite. Je rencontrai donc à l'endroit fixé, pâle et défait, les traits marqués par un certain effroi, l'un des pro- ches collaborateurs de l'ancien « patron » que je le priai de convo- quer de ma part, dans la vaste pièce où j'étais venu souvent en solli- citeur pour les persécutés des années sombres. L'empressement craintif du jeune homme me fit mal. Je le rassurai quant à ma mis- sion immédiate et sur mes intentions futures. Il devait devenir pen- dant les trois semaines qui allaient suivre, l'un de mes deux « chefs de cabinet » et me rendit alors les plus grands services en assurant une indispensable mission de liaison avec le palais de Justice où se déroulaient les audiences du tribunal militaire. Sur mes propos ras- surants, il s'éclipsa et gravit très vite les larges escaliers qui condui- saient aux appartements préfectoraux. Peu après, je franchissais la double porte de l'immense pièce en rotonde où m'attendait, grave, les traits creusés, très pâle, M. Freund-Valade. Il était debout, non pas derrière mais devant le large bureau, meuble-symbole de son ancien pouvoir et, tout de suite, vint à moi, me serrant la main avec sa cordialité d' « avant » sans marquer d'ailleurs un empressement qui ne se fût point accordé au sentiment de sa dignité. Ses premières paroles furent : « Cher ami, avant tout j'estime que c'est une chance de vous compter au premier rang des nouvelles autorités qui vont assumer l'administra- tion de ce département ». Nous nous assîmes sur les sièges réservés aux visiteurs. Il m'exprima ses inquiétudes, après la nuit précédente où il fut invité, non sans raideur, par les nouveaux responsables à quitter son bureau, après cette journée où le tumulte de la joie populaire, mêlé à certaines explosions prévisibles de la violence le laissait soucieux pour le proche avenir. Je lui dis à mon tour ma confiance en une France délivrée du cauchemar et de la réalité d'un asservissement que le nazisme, à tra- vers les vociférations de son chef bientôt terrassé, lui promettait « pour mille ans ». Evoquant l'énorme labeur qui nous attendait, mes amis de la Résistance en Limousin et moi, comme tous nos pareils sur l'étendue du territoire national au fur et à mesure de sa libération, je lui posai quelques questions concernant la marche des services de la Préfecture, les hauts fonctionnaires d'encadrement dont il était le chef, le Préfet Délégué Chérif Mecheri, le Secrétaire général Maxime Mignon, le Secrétaire général aux affaires économi- ques Henri Yrissou puis au niveau du travail quotidien d'exécution, les chefs de division. Il me donna de très utiles indications pour mon entrée brusquée dans le monde de l'administration départementale dont j'ignorais 1 CONDITIONS DE REDDITION DES TROUPES ALLEMANDES DE LIMOGES

Remises le 21 août 1944 au Major-Général GLEINIGER commandant les troupes allemandes de Limoges.

1 - Les unités allemandes déposeront leurs armes et leurs ceinturons immédia- tement et sans délai et se rendront, encadrées par des éléments de la garde et des F.F.I. au camp de Saint-Paul d'Eyjeaux où elles seront internées et soumises au régime des prisonniers de guerre, conformément au droit international. 2 - Les officiers, qui auront le droit de conserver leur arme individuelle, seront transportés par camions à une résidence d'internement qui leur est affectée ex- clusivement. 3 - Le major-général Gleiniger indiquera à la commission interalliée l'emplace- ment et la composition de tous les dépôts d'armes de toutes catégories, de mu- nitions et de carburants existant à Limoges et dans le département de Haute- Vienne et s'engage à remettre tout le matériel intact, ainsi que tous véhicules blindés de combat et véhicules de transport, ainsi que le matériel de laboratoire. 4 - Une compagnie allemande désarmée restera provisoirement à Limoges sous le commandement d'officiers alliés pour charger sur les camions F.F.I. le matériel de guerre décrit au paragraphe précédent. 5 - Tous les prisonniers militaires ou politiques ainsi qu'éventuellement les ota- ges, détenus par les forces allemandes militaires ou civiles seront immédiatement et sans délai remis entre les mains de la commission interalliée et libérés. 6 - Le major-général Gleiniger donnera l'ordre à toutes les unités allemandes et assimilées, stationnées en Haute-Vienne, et notamment aux troupes de Saint- Léonard-de-Noblat et de la mine adjacente, de déposer les armes dans les mêmes conditions que celles de Limoges. Il facilitera le passage des officiers alliés, chargés de transmettre cet ordre à l'officier commandant les dites troupes. 7 - Les officiers alliés formant la commission donnent leur parole d'honneur de soldats que le traitement des prisonniers de guerre sera assuré à toutes les for- ces allemandes déposant les armes sur l'ordre du major-général Gleiniger. 8 - Les Forces françaises de l'Intérieur n'entreront à Limoges qu'après le départ des troupes allemandes, exception faite des éléments chargés de l'enca- drement mentionné au paragraphe 1 . La compagnie allemande désarmée mentionnée au paragraphe 4, sera évacuée sur le camp d'internement dès le tra- vail de chargement sur camion terminé. 9 - La Milice n'est pas incluse dans la présente offre.

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