La construction sociale de la « cyberdépendance » au Canada et au Québec

Thèse

Sandra Juneau

Doctorat en service social Philosophiae doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

© Sandra Juneau, 2017

La construction sociale de la « cyberdépendance » au Canada et au Québec

Thèse

Sandra Juneau

Sous la direction de :

Joane Martel, directrice de recherche

Résumé

Depuis plus de vingt ans, nombre d’acteurs sociaux revendiquent l’existence de la « cyberdépendance » comme nouvelle forme potentielle de « dépendance ». Or, l’idée de lier Internet et dépendance divise les différents experts au sein de différentes sphères d’influence (psychiatrie, médecine, psychologie, etc.), et ce, partout dans le monde. De telles divisions ont cours également au Canada et au Québec. L’enjeu est suffisamment important pour que les acteurs sociaux québécois et canadiens se mobilisent afin de définir, de formuler et d’imposer leurs revendications. Privilégiant une lentille constructiviste, nous avons cherché à documenter l’émergence de la « cyberdépendance » au Canada et au Québec en examinant, plus particulièrement, les rôles joués par différents acteurs sociaux dont les luttes visent à mobiliser l’attention publique dans différentes arènes publiques pour obtenir la reconnaissance officielle de leur version du « problème ». Une analyse qualitative de documents écrits, audios ou audiovisuels anglophones et francophones (2838 pages et 312 minutes d’audio et d’audiovidéo) a permis de documenter des confrontations discursives se déroulant simultanément et s’entrecroisant inévitablement dans les arènes publiques scientifique, psychosociale et médiatique.

Deux grandes écoles de pensée ressortent de ces analyses. La première comprend les contre-discours minoritaires d’acteurs refusant de reconnaitre la « cyberdépendance » comme étant une psychopathologie. À travers leurs revendications, les acteurs sociaux expliquent que l’utilisation d’Internet n’est pas un problème en soi, mais qu’elle est devenue une nouvelle tentative créée de toutes pièces par certains acteurs afin de stigmatiser et médicaliser des activités du quotidien et s’approprier un nouveau champ d’intervention. Parmi les militants du contre-discours, d’autres pensent que l’utilisation d’Internet même n’est pas en cause. Le problème proviendrait plutôt de certaines activités ou applications spécifiques qui ont un potentiel de dépendance et qui ont un effet sur les comportements des internautes. Tous ces contre-discours, qui ont émergé dans les différentes sphères publiques,

iii demeurent marginaux et minoritaires dans les analyses documentaires. La seconde école de pensée comprend les discours majoritaires qui prônent une reconnaissance pleine et entière de la « cyberdépendance » comme étant un problème réel. Parmi eux, certains acteurs sociaux proclament non seulement l’existence de la « cyberdépendance », mais en fabriquent une vision essentiellement moraliste alors que d’autres en construisent une vision principalement biomédicale — d’ailleurs davantage dominante. D’autres, experts cette fois-ci, s’interrogent sur les motifs, les conditions et les modalités qui rendent l’expérience virtuelle problématique. Ils tentent de trouver à quel moment le comportement de l’utilisateur « normal » devient pathologique. De là, deux discours s’articulent autour de la biomédicalisation de la « cyberdépendance ». Un premier pan de la médecine véhicule, d’abord, un discours de la maladie physique basée sur des théories scientifiques telles que la neurobiologie ou la génétique moléculaire — la dépendance à Internet aurait alors des causes physiques. Un deuxième pan articule sa construction de la « cyberdépendance » autour de la maladie mentale.

Le travail de documentation de la construction d’un discours a mis en exergue qu’à partir d’une simple présomption sans réel fondement, toute une construction discursive et professionnelle pouvait s’échafauder autour du concept de la « cyberdépendance ». Qui plus est, différents groupes d’acteurs sociaux continuent de débattre d’un problème qu’ils ont bâti de toutes pièces et pour lequel les chances de devenir dépendant semblent presque nulles aux yeux de plusieurs. Et pourtant, leur persévérance dans ce processus de construction sociale témoigne de la présence d’enjeux suffisamment cruciaux pour les inciter à poursuivre leur chasse aux « cyberdépendants ». Cette chasse permet, pour sa part — au terme d’argumentations, de répétitions, d’approbations par les pairs et de récupérations médiatiques — de se convaincre de l’existence objective de la « cyberdépendance », à un point tel que nous avons retracé des activités définitionnelles liées à la problématisation sociale de la « cyberdépendance », à sa structure identitaire, à ses causes et à ses conséquences et la création de stratégies d’intervention. Les joutes discursives entourant la construction sociale de la « cyberdépendance » se poursuivent et les défenseurs de iv

cette nouvelle « pathologie » continuent de militer pour que la « cyberdépendance » soit reconnue comme entité universelle dans une prochaine version révisée du DSM (DSM-5.1). Nous concluons cette thèse en proposant quatre pistes de recherche pouvant documenter davantage la construction sociale de la « cyberdépendance ».

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Abstract

For more than twenty years, a number of social actors advocate for the acknowledgement of the existence of an “Internet Addiction Disorder” as a potential new type of “addiction”. Linking the Internet to addiction, however, creates a divide between experts from various influential fields (, medicine, , etc.) all over the world. Such divisions also take place in Canada and Quebec. The stakes are sufficiently high to entice Quebec and Canadian social actors to define, express and impose their own views of the situation. Adopting a social constructivist lens, we have sought to document the emergence of the “Internet Addiction Disorder” as a public problem in Canada and Quebec by scrutinizing, more specifically, the roles played by various social actors who seek to mobilize public attention in diverse public realms in order to obtain official acknowledgement of their own version of the “problem”. A qualitative analysis of English and French written, audio and audiovisual sources (2838 pages and 312 minutes of audio and audiovisual) brings to light a display of discursive clashes unfolding simultaneously, and inevitably intersecting in scientific, psychosocial and media domains.

Two major schools of thought emerge from these analyses. The first comprises the minority counter-discourses of actors who refuse to acknowledge “internet addiction disorder” as a psychiatric disorder. They demonstrate through their argumentation that the use of the internet is not in itself problematic, that the psychiatric disorder is completely fabricated in an attempt, by some actors, to stigmatize and medicalize everyday activities in order to claim a new field of practice. Other actors advocate that internet usage in itself is not the problem, that, instead, the problem stems from certain activities or specific uses that have the potential to create an addiction, and exert their effects on internet user behaviour. These aforementioned counter- discourses that have surfaced in various public realms remain marginal within our document analysis. The majority school of thought encompasses actors who support a complete recognition of “internet addiction disorder” as a real problem. Among them, certain social actors speak of the existence of “internet addiction disorder” in vi

moralistic terms, while others frame it primarily within a biomedical perspective. The latter position is becoming the most dominant. Others, experts specifically, seek to investigate the causes, predisposing conditions and modalities that make the virtual experience problematic. They attempt to draw the line where “normal” internet usage becomes pathological. From that point, two discourses address the biomedicalization of “internet addiction disorder”. The first is a discourse of physical illness based on scientific fields such as neurobiology or molecular genetics; internet addiction would stem, here, from physical causes. The tenants of a second discourse construct “internet addiction disorder” as a mental illness and promote its classification as one of either a distinct psychiatric disorder, an impulse control disorder or an obsessive compulsive disorder.

Documenting the construction of a discourse highlights how, from an objectively unsubstantiated assumption, an entire discursive and professional construct can be built around the concept of "internet addiction disorder". Far from over, a debate continues between various groups around a social problem completely fabricated by themselves and for which the likelihood of becoming addicted seems almost impossible, according to some. Their perseverance in this social construction nevertheless reveals stakes high enough to justify persisting in their hunt for “internet addicts”. This hunt allows us, through debates, repetition, peer approval and media coverage, to become convinced of the objective existence of an "internet addiction disorder", to the point where we have been in a position to trace definitional attempts related to the social problematization of "internet addiction disorder", to its identity structure, to its causes and consequences, as well as to the creation of intervention strategies. The discourses surrounding the social concept of “internet addiction disorder” persist, with believers in this new “disorder” advocating for “internet addiction disorder” to be listed as a universal entity in a future revision of the DSM 5 (DSM-5.1). We conclude this dissertation with a proposal of four research avenues to further document and reflect upon the social construction of “internet addiction disorder”.

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Table des matières

RÉSUMÉ………...... III ABSTRACT...... VI LISTE DES TABLEAUX ...... XII ÉPIGRAPHE…………...... XIV REMERCIEMENTS ...... XV AVANT-PROPOS ...... XVIII INTRODUCTION ...... 1

Chapitre 1 : Problématique ...... 5 Introduction ...... 5 1.1 Problématiser un nouveau phénomène social ...... 8 1.2 Débattre de l’existence de la « cyberdépendance » ...... 11 1.3 Définir et diagnostiquer la « cyberdépendance » ...... 18 1.4 Classer les types de « cyberdépendance » ...... 24 1.4.1 Classification de profils d’utilisation d’Internet ...... 25 1.4.2 Classification liée aux différents contenus en ligne ...... 25 Conclusion ...... 28 1.5 Limites des études recensées ...... 30 1.6 Objectifs de la thèse ...... 32 1.7 Pertinence de la thèse ...... 33

Chapitre 2 : Cadre théorique ...... 35 2.1 Construction d’un discours sur la sorcellerie et les sorcières selon Kai T. Erikson ...... 35 2.2 Construction des problèmes sociaux selon Malcom Spector et John I. Kitsuse ...... 38 2.2.1 Modèle d’analyse séquentiel de l’évolution des problèmes sociaux ...... 40 2.3 Construction des problèmes publics selon Joseph Gusfield ...... 42 2.4 Médicalisation de la déviance selon Peter Conrad et Joseph Schneider ..... 45

Chapitre 3 : Démarche méthodologique ...... 51 3.1 Type d’étude ...... 51 Les trois arènes publiques influentes dans la construction sociale de la « cyberdépendance » ...... 53 3.2 Méthodes de collecte de données et analyse des données ...... 55 3.3 Corpus documentaire ...... 57 3.3.1 Critères de sélection ...... 57 3.3.2 Composition du corpus documentaire ...... 59 3.4 Analyse des données ...... 67 3.5 Les mesures prises pour garantir la qualité scientifique de l’étude ...... 70 3.6 Les limites et lacunes de la méthodologie privilégiée ...... 71

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Chapitre 4 : Débattre de l’existence de la « cyberdépendance » ...... 75 4.1 La naissance d’un nouveau concept : la « cyberdépendance » ...... 76 4.1.1 La naissance d’un nouveau concept : la « cyberdépendance » au Québec ...... 77 4.1.2 La naissance d’un nouveau concept : la « cyberdépendance » au Canada ...... 78 4.2 Les discours minoritaires de non-reconnaissance de la « cyberdépendance » comme un problème ...... 81 4.2.1 Les joutes propres à l’arène scientifique ...... 81 4.2.2 Les joutes propres à l’arène psychosociale ...... 85 4.2.3 Les joutes propres à l’arène médiatique ...... 89 4.3 Les discours majoritaires de reconnaissance de la « cyberdépendance » comme un problème ...... 97 4.3.1 La construction moraliste de la « cyberdépendance » ...... 97 4.3.2 La construction biomédicale de la « cyberdépendance » ...... 100 4.3.2.1 La « cyberdépendance » : Un mal physique? ...... 101 4.3.2.2 La « cyberdépendance » : la faute de mon cerveau ou de mon ADN? ... 102 4.3.2.3 La « cyberdépendance » : une maladie mentale ou un trouble mental? 109 4.3.2.3.1 La « cyberdépendance » : un trouble spécifique ou un trouble préexistant 110 4.3.2.4 La « cyberdépendance » : un désordre de dépendance? ...... 115 4.3.2.4.1 La « cyberdépendance » : une nouvelle dépendance ...... 116

Chapitre 5 : Classifier et identifier la « cyberdépendance » ...... 121 5.1 La « cyberdépendance », une terminologie controversée ...... 121 5.2 Classifier la « cyberdépendance » ...... 129 5.2.1 Classer la « cyberdépendance » comme trouble impulsif ou compulsif ...... 130 5.2.2 Classer la « cyberdépendance » comme substance ou comme dépendance comportementale ...... 132 5.2.3 Classer la « cyberdépendance » en fonction de profils d’utilisation d’Internet 139 5.2.4 Classer la « cyberdépendance » en fonction du contenu en ligne ...... 142 5.3 Identifier la « cyberdépendance » : un objet de savoir standardisé ...... 150 5.3.1 Établir des critères diagnostiques psychiatriques selon les tenants de la « maladie mentale »...... 151 5.3.2 Établir des critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du « désordre de dépendance » ...... 161 5.3.3 Établir des critères diagnostiques souples selon une approche quantitative ou qualitative ...... 167 5.3.3.1 Approche quantitative d’utilisation d’Internet ...... 167 5.3.3.2 Approche qualitative d’une souffrance significative et de conséquences 173

Chapitre 6 : Expliquer la survenue de la « cyberdépendance » ...... 177 6.1 Facteurs de risque selon les tenants du désordre de dépendance ...... 179 6.1.1 Facteurs prédisposants ...... 179 6.1.2 Facteurs facilitants et de renforcement ...... 186 6.1.3 Facteurs précipitants ...... 187 6.2 Facteurs de risque selon les tenants de la maladie mentale ...... 189 6.2.1.1 Troubles anxieux ...... 191 6.2.1.2 Troubles de l’humeur ...... 193 6.2.1.3 Troubles envahissants du développement et syndromes neurologiques . 196

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6.2.1.5 Troubles sexuels ...... 199 6.2.2 Axe II : Les troubles de la personnalité ...... 200 6.3 Répercussions liées à la « cyberdépendance » ...... 204 6.3.1 Répercussions physiques ...... 205 6.3.2 Répercussions psychologiques ...... 207 6.3.3 Répercussions familiales et conjugales ...... 208 6.3.4 Répercussions sociales ...... 210 6.3.5 Répercussions scolaires ou professionnelles ...... 213 6.3.6 Répercussions financières ...... 215 6.3.7 Répercussions judiciaires ...... 215

Chapitre 7 : Réagir à la « cyberdépendance » : la construction de pratiques de gestion et de régulation sociale ...... 221 7.1 Le premier moment de l’intervention : la prévention ...... 223 7.1.1 Prévention de la « cyberdépendance » : stratégies communicationnelles ...... 224 7.1.1.1 Prestations de type public ...... 224 7.1.1.2 Documentations écrites et visuelles sur la prévention de la « cyberdépendance » : rapports, publications et dépliants...... 225 7.1.1.3 Différentes plateformes médiatiques : écrites, audiovisuels et Web ...... 228 7.1.2 Prévention de la « cyberdépendance » : stratégies éducatives ...... 232 7.1.2.1 Ateliers préventifs sur l’utilisation d’Internet...... 233 7.1.3 Prévention de la « cyberdépendance » : stratégies environnementales ...... 234 7.1.3.1 Mesures politiques et législatives du contrôle de l’utilisation d’Internet 235 7.1.3.2 Mesures réglementaires et contractuelles de l’utilisation d’Internet ..... 236 7.2 Le second moment de l’intervention : le repérage systématique et l’intervention précoce ...... 238 7.2.1 Les outils de repérage de la « cyberdépendance » ...... 238 7.2.1.1 Outils de repérage quantitatifs ...... 238 7.2.1.2 Outils de repérage qualitatifs ...... 244 7.3 Le troisième moment de l’intervention : l’intervention curative ...... 246 Introduction ...... 246 7.3.1 Les ressources de traitement pour les « cyberdépendants » au Canada et au Québec 249 7.3.1.2 Les ressources publiques et leurs produits et services en « cyberdépendance » ...... 252 7.3.2 Les mécanismes de contrôle social : objectifs curatifs privilégiés par les intervenants sociaux pour traiter la « cyberdépendance » ...... 258 Conclusion : la médicalisation comme dispositif de contrôle social ...... 264

Chapitre 8 : Conclusion et pistes de recherche ...... 266

BIBLIOGRAPHIE ...... 297 Annexe A — Principales terminologies du phénomène de « cyberdépendance » 356 Annexe B — Classification en fonction de profils d’utilisation d’Internet ...... 369 Annexe C — Classification en fonction du contenu en ligne...... 376 Annexe D — Synthèse des critères diagnostiques inspirés du DSM selon les tenants de la santé mentale ...... 391 x

Annexe E — Critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du désordre de dépendance ...... 393 Annexe F — Critères diagnostiques inspirés du DSM selon les arènes scientifique et psychosociale ...... 404 Annexe G — Critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du désordre de dépendance ...... 412 Annexe H — Critère diagnostique souple : approche quantitative d’utilisation d’Internet ...... 431 Annexe I — Synthèses des facteurs de risque de la cyberdépendance ...... 436 Annexe J — Internet Addiction Test — Internet Addiction Scale — Indices de Détection de Cyberdépendance — Generalized Problematic Internet Use Scale — Test d’Orman — Tests retrouvés sur Internet ...... 440

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Liste des tableaux

Tableau 1 ...... 16 Principales appellations du « problème » de « dépendance » à Internet ...... 16 Tableau 2 ...... 23 Définitions conceptuelles de la « cyberdépendance » et propositions de critères diagnostiques ...... 23 Tableau 3 ...... 27 Constructions scientifiques des catégories de « cyberdépendance » ...... 27 Tableau 4 ...... 65 Corpus documentaire dans les différentes arènes publiques ...... 65 Tableau 5 ...... 357 Principales terminologies du phénomène de « cyberdépendance » dans l’arène scientifique ...... 357 Tableau 6 ...... 360 Principales terminologies du phénomène de « cyberdépendance » dans l’arène psychosociale ...... 360 Tableau 7 ...... 362 Principales terminologies du phénomène de « cyberdépendance » dans l’arène médiatique ...... 362 Tableau 8 ...... 365 Synthèse des terminologies dans les trois arènes ...... 365 Tableau 9 ...... 370 Classification scientifique en fonction de profils d’utilisation d’Internet ...... 370 Tableau 10 ...... 374 Classification psychosociale de profils d’utilisation d’Internet ...... 374 Tableau 11 ...... 375 Classification médiatique de profils d’utilisation d’Internet ...... 375 Tableau 12 ...... 377 Classification scientifique en fonction du contenu en ligne ...... 377 Tableau 13 ...... 382 Classification psychosociale liée aux différents contenus en ligne ...... 382 Tableau 14 ...... 387 Classification médiatique liée au contenu offert sur Internet ...... 387 Tableau 15 ...... 392 Synthèse des critères diagnostiques inspirés du DSM selon les tenants de la santé mentale ...... 392 Tableau 16 ...... 394 Classification scientifique de critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du désordre de dépendance ...... 394 Tableau 17 ...... 397 Classification psychosociale de critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du désordre de dépendance ...... 397 Tableau 18 ...... 400 Classification médiatique de critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du désordre de dépendance ...... 400 xii

Tableau 19 ...... 432 Construction psychosociale du critère diagnostique souple selon l’approche quantitative d’utilisation d’Internet ...... 432 Tableau 20 ...... 433 Construction médiatique du critère diagnostique souple selon l’approche quantitative d’utilisation d’Internet ...... 433 Tableau 21 ...... 437 Synthèse des facteurs prédisposants des trois arènes ...... 437 Tableau 22 ...... 438 Synthèse des facteurs facilitants et de renforcement des trois arènes ...... 438 Tableau 23 ...... 439 Synthèse des facteurs précipitants des acteurs des trois arènes ...... 439

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Épigraphe

Les seules limites à mes réalisations dans la vie sont celles que je m’impose.

— DENIS WAITLEY

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Remerciements

C’est avec fébrilité et grand soulagement que je termine cette très longue aventure. Pour moi, ce fut presque l’ascension du mont Everest! La réalisation de cette thèse de doctorat fut l’aboutissement d’un téméraire défi lancé, il y a plus de dix ans. Pourtant, rien dans mon parcours professionnel n’indiquait qu’un jour, j’allais réaliser des études doctorales, mais il faut croire que naturellement, après avoir consacré une quinzaine d’années au travail de terrain comme intervenante sociale auprès d’une clientèle présentant des problèmes de dépendance, je me devais te tenter une pareille ascension. Après avoir relevé tous les défis, un à un, me voici à la fin de cette montée vertigineuse. La rédaction de cette thèse a certes été le projet le plus ardu de ma vie, mais c’est avec de tels défis que la vie prend un sens. Or, un tel exploit ne se réalise pas seul, je sais. Sans de nombreuses personnes, à qui je veux adresser mes remerciements, cette thèse n’aurait jamais vu le jour.

Mes premières pensées s’arrêtent tout naturellement à ma directrice de thèse madame Joane Martel, à qui je tiens à exprimer toute ma gratitude. Depuis 2007, elle a su me guider par ses conseils précieux et constructifs. Merci d’avoir cru en moi, d’avoir repoussé mes limites à leur maximum pour aller chercher tout le potentiel et la persévérance qui se cachaient tout au fond de moi. De m’avoir fourni tous les outils nécessaires afin que je puisse parcourir les diverses pistes de cette montage sans trop m’égarer. Je te remercie de toutes ses heures consacrées à la lecture et la relecture afin de me faire part de tes corrections, tes suggestions, tes questionnements et tes commentaires afin de me pousser à aller plus loin dans mes réflexions et mes analyses. Merci pour ta rigueur professionnelle et surtout de me l’avoir transmise.

Je remercie les membres de mon comité de thèse messieurs Michel Dorais et Stéphane Leman-Langlois pour leurs lectures et leurs commentaires constructifs ainsi que madame Sylvia Kairouz d’avoir a accepté d’évaluer cette thèse.

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De plus, je souhaite remercier mon employeur actuel, l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), pour l’octroi de deux années de perfectionnement qui m’ont permis d’avancer la rédaction de cette thèse en toute quiétude. Quel privilège d’avoir pu consacrer du temps à la lecture pour nourrir ma réflexion! Merci à madame Jennifer MacLean pour la traduction anglophone du résumé de cette thèse. Un merci tout spécial à ma marraine Jacqueline Boivin qui m’a fait un cadeau inestimable et d’une grande générosité en acceptant de consacrer plusieurs heures, et ce, à deux reprises à la révision linguistique de cette thèse afin de s’assurer de la qualité de la langue française. Tous, vous avez été d’une aide déterminante.

Réaliser des études doctorales exige de faire des sacrifices pour soi-même, mais aussi pour les proches qui partagent notre vie. Par moment, notre vie sociale et familiale est parsemée d’embuches. Un énorme merci à tous mes proches qui ont su comprendre et respecter cette réalité. À mes parents et mon frère pour leur amour et leur appui. À ma belle-famille, mes beaux-enfants et leurs familles respectives. À toi ma chère Dominique, ma petite sœur de cœur, qui a toujours été là pour m’encourager, me tenir la main lors des moments plus difficiles où tout me semblait insurmontable, dans les moments de doute tu as toujours cru en moi, même dans les heures où le doute devenait insupportable. Tu as aussi en toi tous les possibles, tout ce que tu voudrais être, toute l’énergie pour accomplir ce que tu veux réaliser. Toi, chère Anne-Marie, je te suis reconnaissante d’avoir pris soin de ma santé mentale et physique, et ce, chaque semaine. À ma communauté virtuelle, merci de vos beaux mots d’encouragement et de votre appui indéfectible.

Le dernier des remerciements s’adresse assurément à mon mari, Réjean. Tel un phare illuminé sur le bord de la mer, tu as su me guider tout au long de cet interminable voyage afin que j’évite de perdre mes repères. Parfois, nous avons dû naviguer dans des eaux troubles, traverser vents et marées et même faire face à quelques tempêtes, mais nous nous en sommes toujours bien sortis. Nous avons plusieurs fois évité le naufrage, tantôt en accrochant le fond et parfois en frappant un creux de vague, mais cela nous a permis d’apprendre à naviguer, à surfer sur chaque vague de la vie, pour xvi

finalement arriver à bon port, ensemble. Tu as été mon plus fidèle lecteur. C’est avec toi que j’ai eu le plus souvent l’occasion de débattre de mes idées pour pousser plus loin ma réflexion. Merci pour ta patience et ta compréhension d’avoir accepté de me voir passer un nombre incalculable d’heures devant mon écran d’ordinateur. Merci de tes encouragements et ton soutien inconditionnel dans toute cette aventure. Sans toi et ton amour, je n’y serais certes jamais arrivée.

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Avant-propos

Cette thèse de doctorat, qui porte sur la construction sociale de la « cyberdépendance » est construite en huit chapitres. Deux manuscrits ont été insérés dans la présente thèse. Le premier manuscrit, à être incorporé, a pour titre La « cyberdépendance » : un phénomène en construction. Il a été publié en septembre 2014 dans la revue Déviance et Société (2014/3, vol. 38, 285-310). Cette revue scientifique, de stature internationale, a été lancée en 1977 et est dédiée à la publication de travaux originaux portant sur des recherches concernant les normes et les déviances ainsi que des débats (prises de position contrastées sur des problèmes d’actualité). De plus, elle publie des analyses — à travers les courants de recherche les plus récents —, des phénomènes de société tels que l’insécurité, les drogues, la délinquance, la prostitution, la corruption, la criminalité organisée ou encore les peines privatives de liberté. L’outil bibliométrique Google Scholar Metrica lui confère en 2015 un H-index de 7 sur les cinq dernières années, ce qui en fait la revue la plus citée de la criminologie francophone. Elle est dotée d’un comité scientifique et est publiée en langue française quatre fois par année. La doctorante est l’auteure principale de cet article rédigé en collaboration avec madame Joane Martel, directrice de recherche. L’objectif principal de ce manuscrit est de présenter les aspects théoriques sur la « cyberdépendance ». La majeure partie de cet article a été insérée dans le premier chapitre de la présente thèse aux pages 5 à 31 et une portion plus modeste a été intercalée au cinquième chapitre à la page 138. Six modifications mineures ont été apportées à l’article original pour l’insertion dans la thèse. Tout d’abord, le mot « article » a été remplacé par « chapitre ». Ensuite, les cinquième et sixième paragraphes, qui constituaient la méthodologie, ont été retranchés puisqu’ils n’étaient pas pertinents à la structure interne de la thèse (p. 8 à 9). La conclusion originale de l’article a été divisée en deux parties. La première partie se retrouve dans les deux premiers paragraphes de la section 1.5 sur les limites des études recensées aux pages 30 à 32 alors que la deuxième partie se situe à la page 138 du cinquième chapitre. Dans la thèse, deux points ont été ajoutés à la suite de l’article original afin d’y introduire les objectifs de la thèse et la pertinence de cette dernière. Ainsi, les xviii

sections 1.6 à 1.7 servent à mettre en exergue les limites des études recensées, à situer les objectifs de la thèse et à exposer la pertinence scientifique et sociale (p. 32 à 34).

Le cinquième chapitre, présentant les résultats d’analyse, est divisé en deux parties. La première partie respecte les règles d’une thèse classique sauf qu’à la fin de la discussion au point 5.2.2, un paragraphe de la conclusion du manuscrit a été ajouté (p. 138). Le septième chapitre, consacré également aux résultats d’analyse, est scindé en deux. La première partie respecte les normes d’une thèse classique alors que dans la deuxième partie, un second manuscrit a été inséré aux pages 243 à 262.

Ce deuxième manuscrit inséré dans la thèse s’intitule Les dispositifs de contrôle social en matière de « cyberdépendance » au Québec et au Canada. Il a été soumis à la revue scientifique Drogues, santé et société. La doctorante est l’auteure principale de ce manuscrit rédigé en collaboration avec madame Joane Martel, directrice de recherche. L’objectif principal de ce manuscrit est d’analyser l’intervention de type curatif en « cyberdépendance » au Canada et au Québec et il a été inséré dans le septième chapitre au point 7.3 de la présente thèse (pages 246 à 265). Quelques modifications mineures ont été apportées au manuscrit pour l’insertion dans la thèse. Tout d’abord, le mot « article » a été remplacé par « troisième point » puisque l’insertion de ce manuscrit suit deux premiers points argumentaires présentant la prévention et le repérage systématique et l’intervention précoce de la « cyberdépendance ». Ensuite, les trois premiers paragraphes de l’introduction (p. 246-247), la recension des écrits (p. 247) et les trois premiers paragraphes sur les considérations méthodologiques (p. 246-248) ont été supprimés puisqu’ils n’étaient pas pertinents à la structure interne de la thèse. De plus, la numérotation des titres et sous-titres de ce manuscrit a été arrimée à l’ensemble de la thèse.

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Introduction

Nous constatons qu’Internet occupe de plus en plus d’espace dans la vie des internautes québécois. Selon des données préliminaires de 2015, plus de 86,2 % des ménages québécois sont branchés à Internet. Cette proportion a connu une hausse de 11,2 points de pourcentage au cours des cinq dernières années. En 2015, les internautes québécois passent en moyenne 22,2 heures par semaine à naviguer sur le Web, soit 1 h 42 min de plus qu’en 2014. Les données québécoises révèlent, au même titre que celles du Canada, que l’âge et le revenu sont des variables importantes dans la fréquence d’utilisation d’Internet. Ainsi, la majorité des utilisateurs réguliers se retrouvent parmi les répondants âgés de 18 à 24 ans et la fréquence d’utilisation quotidienne diminue en fonction de l’avancée en âge (CEFRIO, aout 2015).

Les dernières statistiques démontrent que les internautes canadiens et québécois sont classés parmi les plus assidus et les plus réguliers de la planète. Faut-il s’en inquiéter? Est-il possible que l’utilisation d’Internet puisse poser problème pour certains d’entre eux? L’intérêt des chercheurs pour ces questions ne date pas d’aujourd’hui. Certains chercheurs ont voulu établir la fréquence des utilisateurs « problématiques » d’Internet auprès de multiples échantillons. Cette fréquence varierait de 5,9 % à 30 % des utilisateurs d’Internet (et non de l’ensemble de la population, une mesure nécessaire à la mesure de la prévalence) (Greenfield, 1999; Kaltiala-Heino et Rimpelà, 2004; Morahan-Martin, 2005; Parsons, 2006, cités dans Goyette et Nadeau, 2008). Aucune enquête épidémiologique comportant un échantillon représentatif d’une population n’a été menée à ce jour sur l’utilisation « problématique » rendant impossible l’établissement d’une réelle mesure de prévalence (Goyette et Nadeau, 2008). Or, les écarts observés sont attribuables à trois principaux facteurs : les variantes au niveau de la définition même de la problématique à étudier, le nombre limité de répondants et les biais méthodologiques visant le recrutement des échantillons et la sélection des sujets (Greenfield, 1999; Johansson et Gôtestam, 2004; Widyanto et Griffiths, 2006, cités dans Goyette et

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Nadeau, 2008). Garneau (1999a, novembre) ajoute un quatrième facteur soit la qualité du questionnaire de recherche afin de ne pas biaiser les réponses recueillies. À notre connaissance, aucune étude jusqu’à ce jour ne nous permet de tracer le portrait de la situation au Canada et au Québec.

Ce n’est qu’au milieu des années quatre-vingt-dix que des spécialistes en santé mentale se sont intéressés à la possibilité de développer une « dépendance » à Internet. Ainsi, l’année 1995 est centrale dans la construction sociale de la pathologisation de l’utilisation d’Internet puisque c’est à cette date qu’une première définition clinique et scientifique biomédicale est proposée. À cette époque, le psychiatre américain Ivan K. Golberg imagine une nouvelle pathologie (qu’il qualifie lui-même de ridicule) pour mettre en exergue la fascination de notre société pour ses propres dépendances et pour parodier le système de classification du DSM. Ainsi, ne s’appuyant sur aucun fondement scientifique, mais uniquement sur le modèle nosographique du jeu pathologique, il fabrique un nouveau trouble mental l’Internet Addiction Disorder. En ce qui concerne le Canada et le Québec, les premiers récits au sujet de ce « désordre » sont apparus un an plus tard soit en 1996. Bien qu’aucune recherche n’ait établi scientifiquement l’existence de la « cyberdépendance », sa reconnaissance soulève de vigoureux débats. La recherche présentée dans les pages qui suivent met en exergue le processus de construction sociale de la « cyberdépendance » au Québec et au Canada. En effet, nous verrons comment les différents acteurs sociaux en débattent dans trois arènes publiques (scientifique, psychosociale et médiatique). Certains tentent d’y faire reconnaitre l’utilisation dite excessive d’Internet comme un problème public alors que d’autres cherchent le contraire. Cette recherche est motivée par plusieurs interrogations. Depuis quand parle-t-on de la « cyberdépendance »? Comment est-elle définie? Quels sont les intérêts et les enjeux des différents acteurs à la faire reconnaitre comme un nouveau trouble pathologique? Ces questions orienteront la démarche de la présente thèse qui saisit le phénomène de « cyberdépendance » selon une perspective constructiviste, organisée en huit chapitres.

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Tout d’abord, la présente thèse constitue une thèse par insertion d’articles. Celle-ci comporte des chapitres traditionnels, tout comme des chapitres qui constituent à proprement parler, des articles ayant été soumis à des fins de publication. Elle est divisée en trois grandes parties. La première, qui est de facture théorique, traite de la problématique de la recherche. Plus précisément, le premier chapitre explore les différents discours quant à la naissance du concept de « cyberdépendance », sa reconnaissance comme problème et sa définition en tant que problème. Ce chapitre se termine avec la présentation des objectifs de recherche qui ont orienté la présente étude et la pertinence scientifique et sociale du thème. Le deuxième, dédié au cadre théorique de l’étude, s’inscrit dans une perspective constructiviste qui permet d’étudier les conditions favorisant la production des différentes constructions de la réalité élaborée par des acteurs sociaux. Pour ce faire, quatre principales perspectives permettant de documenter le processus de construction sociale de la « cyberdépendance » au Canada et au Québec sont mises à contribution : la construction d’un discours de K.T. Erikson, la construction sociale des problèmes sociaux de M. Spector et I. Kitsuse, la construction des problèmes publics de J. Gusfield et la théorie de la médicalisation de la déviance de P. Conrad et J. Schneider.

La deuxième partie de la thèse forme sa partie méthodologique. Le troisième chapitre décrit les aspects méthodologiques mis à contribution en vue de répondre aux objectifs de la présente étude. On y présente notamment une description du type d’étude, des arènes publiques sélectionnées aux fins d’étude, de la méthode de collecte de données, des critères de sélection et de la composition du corpus documentaire, de l’analyse des données, des mesures prises pour s’assurer de la qualité scientifique de cette étude, et se termine par la présentation des limites et lacunes méthodologiques.

La dernière partie de la thèse est consacrée à la présentation et l’analyse des résultats. On y retrouve quatre chapitres (4, 5, 6 et 7). Le chapitre 4 débat de l’existence du concept de la « cyberdépendance » comme un problème public. Il est

3 divisé en trois parties, la première présente la naissance du concept au Québec et au Canada, la deuxième les discours minoritaires ne reconnaissant pas la « cyberdépendance » comme un problème, et la troisième les discours majoritaires la reconnaissant, au contraire, comme problème. Le chapitre 5 expose la classification de la « cyberdépendance » en mettant en exergue trois éléments importants : les différentes terminologies promues par les acteurs sociaux concernés, l’insertion de la « cyberdépendance » au sein de systèmes classificatoires et l’agencement de divers critères servant à diagnostiquer ledit phénomène. De plus, l’usage problématique d’Internet est discuté sous deux angles, soit comme un trouble mental ou comme un désordre de dépendance. Le chapitre 6 rend compte des tentatives d’explication de l’émergence dudit problème et présente les facteurs de risque qui contribueraient à l’avènement de la « cyberdépendance » selon les tenants du désordre de dépendance et selon les tenants du trouble mental. Ce chapitre se termine par la description des principales répercussions négatives invoquées comme étant liées à l’utilisation dite excessive d’Internet. Le dernier chapitre d’analyse explore les différentes modalités de réaction sociale afin de réagir à la « cyberdépendance ». Ce chapitre est divisé en trois parties s’inscrivant sur un continuum d’intervention. La première rend compte des réactions sociales s’inscrivant dans l’intervention préventive alors que la deuxième met en lumière les réactions liées au repérage et à l’intervention précoce. La troisième partie analyse les réactions sociales que nous avons amalgamées à l’intervention curative. La conclusion (chapitre 8) se veut un regard critique sur la démarche et sur les principaux résultats de l’étude. La thèse se conclut en proposant certaines recommandations à l’intention des chercheurs qui désireront poursuivre la recherche sur la construction sociale de la « cyberdépendance ».

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Chapitre 1 : Problématique

La « cyberdépendance » : un phénomène en construction1

Depuis quelques années déjà, certains auteurs luttaient pour faire reconnaitre l’utilisation d’Internet comme un objet potentiel de « dépendance » à inclure dans la cinquième version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) alors que d’autres ne partageaient pas cet avis. Ce chapitre porte sur la recension des écrits sur la « cyberdépendance »2. Par le prisme d’un regard critique, ce chapitre trace les principaux discours des acteurs sociaux qui participent à la construction sociale de la « cyberdépendance ». Plus spécifiquement, les affrontements, conciliations et fronts communs qui se constituent et se métamorphosent au sein de deux sphères d’influence importantes sont mis en lumière, soit celles de la science et de l’intervention sociale.

Introduction

Internet est devenu un outil offrant de nombreuses possibilités tant dans le domaine du travail que dans celui de l’éducation et de la communication. Son utilisation est encouragée socialement aussi bien sur le plan personnel que professionnel et il occupe une place majeure dans la vie de plusieurs individus (Louati, Lederrey, Scariati et Theintz 2007). Récemment, l’Union internationale des télécommunications (UIT) — l’agence des Nations Unies spécialisée dans les technologies de l’information et de la communication (2013) — estimait que plus de deux milliards et demi d’utilisateurs (2,749 milliards pour être précis) à travers le monde étaient branchés à Internet, soit plus du tiers (38.8 %) de la population

1 L’insertion du premier article débute ici. 2 Dans l’optique d’articuler clairement notre trame argumentaire, le terme « cyberdépendance » sera utilisé, dans ce chapitre, afin de nommer le phénomène étudié. Dans le processus de construction sociale dont il est ici question, ce terme est d’ailleurs en voie de devenir prépondérant dans certaines sphères professionnelles ainsi que dans l’opinion publique. Cependant, cette appellation ne doit pas être comprise comme étant révélatrice de la posture épistémologique de l’auteure, et ne sert, dans ce chapitre, qu’à « incarner » un phénomène encore fluide et difficile à saisir sans une terminologie liminaire. C’est pourquoi le terme sera utilisé entre guillemets.

5 mondiale3. Or, l’intégration d’Internet dans la vie quotidienne des internautes ne s’est pas faite sans heurts. Un sondage effectué auprès des intervenants sociaux des vingt et un centre de réadaptation en dépendance du Québec met en lumière que, depuis 2003, plusieurs personnes, déjà en traitement pour des dépendances, les consultent également dans l’espoir de recevoir une aide relativement à des « problèmes » et des « souffrances psychiques » apparemment liés à leur utilisation d’Internet (Bouchard, 2009). Or, ces intervenants disent ne pas savoir comment appréhender précisément lesdits « problèmes » en raison de l’absence de définition claire et de critères d’évaluation reconnus. Ce sondage fait écho au questionnement similaire d’autres intervenants dans d’autres pays (Barnéoud, 2012; Benguigui, 2009). Ainsi interpellés par une nouvelle « clientèle » en demande d’aide, les intervenants sociaux et les chercheurs de plusieurs pays occidentaux s’interrogent sur l’émergence ou non d’une dépendance nouvelle.

Ce phénomène préoccupe donc des intervenants et des scientifiques à travers le monde, plus particulièrement des spécialistes du champ des dépendances. Ils s’interrogent sur les motifs, les conditions et les modalités qui font que la pratique de l’expérience virtuelle proposée par Internet pourrait devenir problématique par son utilisation dite abusive. Ils tentent, par ailleurs, de distinguer s’il existe un moment, un espace où le comportement de l’utilisateur d’Internet, décrit comme « normal », basculerait dans l’« anormal ». Mais, d’autres poseront la question tout autrement, à savoir : est-il même possible qu’un individu puisse devenir « dépendant » d’un vecteur tel qu’Internet?

Dans ce chapitre, nous mettons en lumière les principales constructions discursives qui participent à la « problématisation » de l’utilisation d’Internet, plus particulièrement dans les sphères d’influence que sont la science et l’intervention sociale. La sphère scientifique est sélectionnée, ici, pour analyse, car elle est généralement reconnue, en sociologie des connaissances, comme étant l’une des

3 Site Archimag (2013, mai).

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principales sphères d’influence sociale qui régulent, policent et disciplinent la légitimation ou la marginalisation des savoirs relativement à des questions complexes, incertaines ou non définies (Knorr-Cetina, 1981). La construction sociale de « phénomènes » nouveaux passe donc notamment par l’arène scientifique qui se constitue, dans ces cas précis, comme un véritable laboratoire de production de connaissances sur le phénomène à saisir, incluant son identification, sa classification et sa résolution. La science tend, dès lors, à circonscrire et complexifier toutes sortes d’incertitudes ontologiques et épistémologiques et a généré des « vérités ». La sphère de l’intervention sociale, quant à elle, a été retenue, car elle est le corollaire de la première; la légitimation de certains savoirs se traduisant fréquemment en législations, réglementations ou politiques sociales diverses et, dans le cas qui nous intéressent, en protocoles d’intervention sociale. Spécifiquement, nous analysons comment des acteurs sociaux issus de ces deux sphères d’influence (non mutuellement exclusives) proposent différentes appellations dudit « problème », tentent de le définir, de le diagnostiquer et de le classifier afin d’en identifier les « victimes ».

Notre discussion s’inspire de certains concepts puisés à même la théorie de l’acteur-réseau, ce segment de la sociologie des sciences et technologies qui tente d’expliquer les processus par lesquelles des « revendications de savoir » se disséminent, dans le temps et dans l’espace, et parviennent à s’imposer (ou non) à divers auditoires tels que des communautés épistémologiques, des auditoires politiques ou le grand public (Latour, 1987). Selon Callon (1986), la traduction de « revendications de savoir » en « faits » requiert problématisation et enrôlement. Pour sa part, la problématisation renvoie aux manières par lesquelles les acteurs tentent d’attribuer un caractère indispensable à leurs « revendications de savoir » aux yeux d’auditoires ciblés en définissant ou accentuant les problèmes auxquels ils sont (prétendument) confrontés et en présentant la revendication souhaitée comme étant l’indispensable solution auxdits problèmes (Callon, 1986). Une fois la problématisation parachevée, la table est alors mise pour une série de mises à

7 l’épreuve4 dans lesquelles les acteurs cherchent à enrôler les auditoires ciblés — se constituer un réseau d’appuis — en les convainquant de la pertinence et de la validité de la revendication de savoir promue (Latour, 1987). Le sort d’une revendication de savoir n’est jamais joué à l’avance puisque les acteurs et les auditoires peuvent ultimement y adhérer, certes, mais peuvent également la transformer, la marginaliser, l’ignorer. Dans l’une comme dans l’autre des subdivisions de ce chapitre, nous soulignons au passage comment la construction sociale de la « cyberdépendance » est notamment ancrée dans la légitimation professionnelle des acteurs concernés5.

Les discussions qui suivent abordent essentiellement la construction sociale de la « cyberdépendance » dans les arènes scientifique et psychosociale, et ce, au-delà des frontières géopolitiques (mais non pas discursives) du Canada. Dans la mesure où une telle analyse globale pose les fondements des analyses ultérieures, la construction de la « cyberdépendance » dans les arènes judiciaire et médiatique — de même que la situation particulière du Québec et du Canada — feront prochainement l’objet d’analyses distinctes6.

1.1 Problématiser un nouveau phénomène social

Depuis plus de vingt ans, plusieurs publications (médiatiques et professionnelles) et de nombreuses recherches scientifiques, notamment aux États- Unis, traduisent l’intérêt marqué spécialement des psychologues, des psychiatres et des « psychopathologues » pour la relation que l’humain développe avec l’univers du cyberespace7, et ce, dans le monde entier (Griffiths, 1995). Le premier à s’être véritablement intéressé à une hypothétique « dépendance » à ce cyberespace, fut le psychiatre américain Ivan K. Goldberg, en 1994. Il a été et est toujours considéré

4 Trials of strength. 5 La partie méthodologique a été retranchée de l’article. 6 La construction sociale de la « cyberdépendance » au Québec et au Canada constitue le cœur des analyses de cette thèse de doctorat. Ces analyses seront élaborées dans les chapitres 4, 5, 6 et 7. 7 Dans l’historiographie d’Internet, l’année 1990 est généralement considérée comme marquant la naissance du réseau des réseaux, du monde virtuel (Minotte et Donnay, 2010). La naissance d’Internet contemporain se serait, plus précisément, produite à la suite de la distribution massive des gratuiciels Netscape et Internet Explorer en 1994 et 1995. À la faveur de cette distribution, Internet connut, entre 1995 et 2000, sa plus grande recrudescence (Ouimet, 2006).

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comme l’instigateur du concept de « cyberdépendance » (Deschryver et Rifaut, 2005). Dans le cadre de sa participation à un forum de discussion portant sur le Net, destiné aux psychiatres américains et intitulé La Psychologie de l’Internet, Goldberg poste, à la blague (Wallis, 1997), une pseudo classification desdits symptômes de la « dépendance » à Internet dans le but de parodier la complexité et la rigidité du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association américaine de psychiatrie. Il nomme ce trouble : Trouble lié à la dépendance à Internet8. Pour ce faire, il s’inspire des critères diagnostiques de la toxicomanie et définit ce « trouble » comme étant un mauvais usage d’Internet qui conduit à une détresse cliniquement significative9. Il transmet cette information sur la Toile en omettant toute justification scientifique. Tout de go, il décrète du même coup que la manifestation, chez un individu, de trois critères au cours de la même année est suffisante pour établir un diagnostic de dépendance à Internet (Benguigui, 2009). Dans ce même élan fantaisiste, il propose également la constitution d’un groupe d’entraide qu’il appellera Groupe soutien à la cyberdépendance10.

Inopportunément, cette bonne blague que Goldberg a transmise à ses confrères-psychiatres sera également remarquée par des néophytes aussi présents sur ce forum. La plaisanterie suscitera de nombreuses discussions si bien que l’idée de l’existence réelle d’une « cyberdépendance » se transmettra comme une trainée de poudre chez différents experts (médecin, psychiatre, scientifique, intervenant, etc.) ainsi que dans différents médias. Un premier article journalistique intitulé « Le leurre et la dépendance à la vie en ligne »11, paru en mars 1995 dans le New York Times, engendre un certain désarroi dans la population, car un médecin spécialiste des dépendances de l’Université Harvard y définit le phénomène comme étant du « computerisme » selon lequel les habitudes en ligne s’apparenteraient à l’exercice ou aux achats compulsifs (O’Neill, 1995). Goldberg tente rapidement de démentir l’information, mais il semble visiblement trop tard, la destinée de sa revendication

8 Internet Addiction Disorder (I.A.D.). 9 La liste complète des symptômes dudit trouble a été repérée à http://www.psycom.net/iadcriteria.html 10 Internet Addiction Support Group. 11 The Lure and Addiction of Life on Line.

9 d’expertise étant désormais entre les mains d’autrui (Latour, 1987). Il se retrouve subitement inondé d’entrevues médiatiques et plusieurs correspondants se joignent à sa liste d’expédition sur le Net afin de discuter de leurs utilisations personnelles d’Internet. Manifestement contre sa volonté, sa nouvelle classification, un peu fantaisiste des symptômes élaborés en faisant appel à l’autorité du DSM-IV, est prise au sérieux et suscite de nombreuses réactions de la part de chercheurs universitaires et de professionnels en santé mentale (Deschryver et Rifaut, 2005). Il faut rappeler le caractère quasi divin du DSM qui constitue la mesure étalon suprême en matière d’évaluation de ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui la santé mentale. De là, un pas, vite franchi, conduit directement l’interlocuteur souhaitant faire acte de foi — c’est forcément vrai puisque c’est écrit, semblait-il, dans le DSM. Déjà, la canalisation de l’usage « problématique » d’Internet vers la santé mentale en dit long sur la médicalisation naissante de ce « problème » tout aussi naissant. De surcroit, en s’inspirant de l’instrument hégémonique qu’est le DSM, Goldberg vint emmurer la compréhension sociale de la « cyberdépendance » dans la segmentation spatio- temporelle du monde qui est propre à cette bible du trouble mental. Ainsi, sans que la recherche sur le sujet n’ait réellement débuté, on trouva déjà, dans la première moitié des années 1990, des sites d’information, de discussion, de soutien, mais aussi de traitement en ligne pour les « cyberdépendants » (Benguigui, 2009). Pour certains, une nouvelle « pathologie » venait de naitre et ouvrait, avec elle, un secteur inédit de spécialisation au sein des professions en relation d’aide. Bruno Latour (1987) conclurait, ici, que, dès les premiers moments de sa courte histoire, la « cyberdépendance » a été « traduite » en un fait, comme si l’utilisation démesurée d’Internet ne pouvait, d’ores et déjà, plus s’imaginer sans l’attribut « dépendance », et ce, sans réelle problématisation du phénomène ou enrôlement d’auditoires ciblés.

En effet, depuis la cyberdissémination de la blague de Goldberg, certains affirment que les études effectuées jusqu’à maintenant n’ont pas permis de valider le concept de « dépendance » à Internet en raison de leur manque de spécificité théorique et conceptuelle. Elles présentent des défaillances scientifiques, tant dans l’échantillonnage utilisé, dans la définition des critères que dans la comptabilisation

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de la prévalence du phénomène étudié (Caplan, 2002; Lenihan, 2007; Minotte et Donnay, 2010). En marge de telles connaissances, à l’état de véritable gruyère, il convient de mettre en relief deux évidences. La première est qu’à partir d’une simple plaisanterie sans fondement scientifique, toute une construction discursive, sise sur moult narratifs souvent analogues et parfois opposés, s’échafaudera sur le concept de « cyberdépendance ». La seconde est que l’attribut « cyberdépendance », aux sonorités savantes et légitimatrices, est en voie de devenir, notamment dans l’opinion publique, un problème de société.

1.2 Débattre de l’existence de la « cyberdépendance »

Pourtant, l’idée selon laquelle une personne peut développer une « dépendance » à Internet divise les experts des deux sphères d’influence (psychiatre, médecin, psychologue, travailleur social, sociologue). Plusieurs d’entre eux ont donc tenté d’exposer leur vision dudit « problème », ce qui a provoqué de nombreux débats. Une analyse des narratifs a permit de mettre en lumière les trois principales controverses génératrices de ces débats.

Un des principaux enjeux scientifiques gravitant autour de l’existence ou non de la « cyberdépendance » repose sur la controverse entourant la nature même du phénomène de dépendance. La difficulté de préciser clairement ce qu’est une « dépendance » constitue à elle seule un terrain propice à de multiples interprétations et se situe en plein cœur des débats (Room, 1995). Loin d’être l’objet d’une discussion stérile, le concept de dépendance est un enjeu psychosocial de taille dans la mesure où la conception et la définition d’une condition auront un impact direct sur la compréhension du phénomène (Suissa, 2007a). Depuis plus de deux cents ans, l’histoire sociale des dépendances témoigne de la confrontation de différentes représentations sociales sur la manière d’appréhender et de comprendre le phénomène des dépendances (Fonséca, 2004; Hulsman et Ransbeek, 1983; Valleur et Véléa,

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2002). Chaque époque présente son regard, sa façon particulière de les nommer et de les considérer.

Ainsi, certains chercheurs et cliniciens préfèreront construire la question de la dépendance sous l’angle moral en l’associant davantage au « vice », au « péché » ou à une « déviance sociale » (Cormier, 1984), alors que d’autres la construiront plutôt selon l’optique médicale en l’associant à une « maladie » ou une « pathologie » qui doit être endiguée (Lavigne, 1978). D’autres, encore, l’aborderont plutôt sous l’angle du discours psychosocial où la « dépendance » représente une manière de faire face au monde ou à soi-même, un « style de vie » (Cormier, 1984; Peele, 1982). Bien que tous semblent ratifier l’existence d’une « dépendance », la définition du terme variera indubitablement en fonction du cursus scolaire de chacun des professionnels et de la position hiérarchique qu’il occupe dans la société (Hulsman et Ransbeek, 1983). Pour les tenants de l’approche biomédicale, la dépendance se définit par des altérations du système cérébral entrainant une modification des comportements et une dégradation des fonctions du corps, c’est-à-dire une « maladie » (Barnéoud, 2012). Les physiologistes l’expliqueront par un dysfonctionnement des organes et du métabolisme; les généticiens y verront plutôt un désordre génétique associé à des marqueurs génétiques spécifiques ou à l’hérédité (Suissa, 1999) et les pharmaciens expliqueront généralement le phénomène des dépendances par des réactions aux substances et par la tolérance croissante du physique de la personne au produit consommé (Suissa, 1999).

Quant à eux, les psychiatres l’aborderont sous l’angle d’un trouble mental tel que défini dans le DSM avec des critères comportementaux qui leur permettent de distinguer une simple manie d’une véritable « maladie » psychologique (Barnéoud, 2012). Les psychologues l’associeront, pour leur part, à un problème d’estime de soi ou au symptôme d’un malaise cachant des difficultés sous-jacentes (Suissa, 1999). En ce qui les concerne, les sociologues y observeront une réaction de la personne au processus de régulation sociale et l’associeront à des contraintes inhérentes aux rapports sociaux (Suissa, 1999). Malgré cette diversité d’avis professionnels et

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scientifiques, le modèle explicatif de type « pathologique » continue de jouer un rôle prépondérant dans le discours scientifique associant la « cyberdépendance » à la maladie (Suissa, 2008).

Pour Walker (1989) et Rachlin (1990), le débat entourant la définition de la dépendance ne s’arrête pas là. Selon eux, l’appellation « dépendance » devrait être utilisée uniquement en cas d’absorption physique de substances comme l’alcool, les drogues ou les médicaments. Seules ces substances peuvent provoquer, à leur avis, un besoin et une tolérance physiques. Au contraire, Peele et Brodsky (1975) ainsi que Weil et Winifred (1983) estiment que la notion de dépendance s’applique aussi lorsqu’il y a absence de substance psychotrope. Ces derniers abordent la question de la dépendance dans une optique plus psychosociale que pathologique. Selon eux, ce n’est pas la substance toxique qui détermine le niveau de risque ou de souffrance, mais bien l’expérience positive ou négative vécue par l’individu en lien avec ladite substance. À la manière de ces auteurs, la dépendance ne serait pas un état permanent, mais relèverait plutôt d’un continuum d’apprentissage de comportements individuels en réaction à des conditions occasionnées par un environnement social et culturel précis (Peele, 1982, 1991; Perkinson, 2003; Valleur et Matysiak, 2003; Weil et coll., 1983). Cette construction sociale particulière permet d’élargir le concept de dépendance en l’accolant à une grande variété d’activités humaines (ex. : jeux de hasard et d’argent), de conduites à risque (ex. : rapports sexuels non protégés) et à toute autre activité jugée « excessive et nuisible » à l’évolution de l’individu (ex. : sexe, travail, sport, etc.). Certains auteurs parlent alors de « dépendance » comportementale et considèrent que la « dépendance » à Internet est bel et bien, dans cette circonstance, une dépendance comportementale au même titre que le jeu pathologique (Block, 2008; Griffiths, 1996, 1997; Marks, 1990; Stein, 1997; Valleur et coll., 2003; Valleur et coll., 2002; Young, 1996; Young et Rogers, 1998).

Or, les dépendances comportementales ont déjà fait l’objet de controverses, car, historiquement, les scientifiques avaient limité l’utilisation exclusive du terme « dépendance » aux substances entrainant une dépendance physique (ex. : alcool,

13 drogues) (Holden, 2001; Tisseron, 2008). D’autres acteurs de ce milieu réfutaient totalement la définition dite comportementale de la dépendance en invoquant qu’elle n’était pas répertoriée et qu’aucune définition n’existait dans les deux manuels de classification médicale et psychiatrique les plus utilisés internationalement, soit le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) issu de l’Association américaine de psychiatrie (APA) et la Classification internationale des maladies (CIM) publiée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans le DSM-IV, la dépendance comportementale se retrouvait plutôt dans la catégorie dite « fourre- tout » des troubles du contrôle des impulsions non classés ailleurs au même titre que la kleptomanie, la pyromanie, etc. Pour Gaon (2008), Holden (2001), Pedinielli, Rouan et Bretagne (1997), Quinn (2007) ainsi que Tisseron, Missonier et Stora (2006) l’utilisation d’Internet ne peut être considérée comme une « dépendance » puisqu’il n’y a pas d’absorption de substances potentiellement toxiques. À leur avis, pas de substance toxique, pas de « dépendance »! Or, dans la cinquième édition du DSM, une nouvelle catégorie fait son apparition. Sous l’intitulé « Dépendances comportementales12 », cette catégorie inclut dorénavant le trouble du jeu13 comme étant un trouble distinct (APA, 2013) à la faveur de recherches suggérant que le trouble du jeu serait similaire aux troubles liés aux substances. Les études ont démontré que le jeu active les systèmes de récompense et produit certains symptômes comportementaux similaires aux troubles liés aux substances (APA, 2013; DSM, 2013).

Malgré la nette tendance à problématiser de plus en plus l’utilisation d’Internet en usant d’un discours axé sur la « dépendance comportementale », plusieurs scientifiques hésitent encore à l’encarcaner dans ce moule. Ils considèrent que l’utilisation d’Internet dite abusive pourra s’enraciner en tant que « dépendance » seulement lorsque la preuve démontrera que les comportements compulsifs sans produit psychotrope conduisent à des changements à long terme sur les circuits de récompense au même titre que la dépendance aux psychotropes, et que le « trouble du

12 Addictive disorders. 13 Gambling disorder.

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jeu » depuis peu (APA, 2013; Holden, 2001). Toutefois, Valleur et coll. (2002) dénoncent le manque d’audace de ces chercheurs qui attendent que les technologies de l’imagerie cérébrale procurent des réponses quant à la réalité neurologique du concept de dépendance comportementale.

La seconde controverse entourant l’existence d’une nouvelle « cyberdépendance » tient au fait qu’Internet puisse être, ou non, considéré comme un produit destiné initialement à créer une dépendance. Pour plusieurs psychologues, sociologues et psychiatres, Internet n’est essentiellement qu’un support neutre sans valeur nocive en soi (Potera et Bishop, cités dans Courvoisier, 2007). Selon les tenants de cette approche, Internet n’est pas dangereux pour l’organisme contrairement à d’autres produits tels le tabac, l’alcool, la drogue ou les médicaments qui, selon de nombreuses études, peuvent entrainer des dangers pour l’organisme, lorsque consommés d’une manière excessive (Brisson, 2000; Centre québécois de lutte aux dépendances, 2006). Par ailleurs, l’utilisation d’Internet, même excessive, semble un comportement socialement acceptable et encouragé (Courvoisier, 2007; Lenihan, 2007; Levey, 1997; Rheingold, 1993; Turkle, 1995; Valleur et coll., 2003). Bell (2007) rappelle qu’Internet n’est pas une activité en soi, mais plutôt un réseau de communication14 et que son usage ne peut engendrer une « dépendance », pas plus que ne le font les ondes radio. La notion de « dépendance » n’a donc aucun sens pour Bell (2007).

Bien que certains auteurs, comme Bell (2007), remettent en question la notion même de « dépendance » dans l’articulation de leur vision du « problème », une portion notable d’auteurs tend, a contrario, à confirmer l’existence d’une nouvelle dépendance et s’attarde à promouvoir diverses appellations pour la nommer. C’est ce qui explique la troisième controverse entourant la construction sociale de la « cyberdépendance ».

14 Il aurait été conçu pour assurer des communications ininterrompues lors de catastrophes (Bell, 2007).

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Dans les écrits, plusieurs experts se questionnent, en effet, sur la terminologie appropriée pour identifier ou caractériser le « problème », sans toutefois parvenir à un consensus. Depuis la fin des années quatre-vingt, une quantité impressionnante de vocables, principalement anglo-saxons, ont été imaginés pour tenter de saisir la nature, les manifestations ou les impacts dudit problème. Le Tableau 1 ci-dessous fait état des principales appellations véhiculées dans les écrits existants.

Tableau 1

Principales appellations du « problème » de « dépendance » à Internet

Terme français Équivalent anglais Tenants

Addiction au cyberespace Cyberspace Addiction Varescon (2005) Suler (2004) Addiction en ligne Online Addiction Grohol (1999) Addiction au Net Netaddiction Varescon (2005) Compulsion au Net Net Compulsions Young (2012) Cyberdépendance/cyberaddiction Cyberaddiction Deschryver et Rifaut (2005) Gimenez, Baldo, Horassius et Pedinielli (2003) Valleur et Véléa (2002) Dépendance à la communication Computer-Mediated Caplan (2002) médiatisée par ordinateur Communication Addiction Dépendance comportementale vis-à- Internet Addictive Behavior Li et Chung (2006) vis Internet Fung (2002) Yu (2001) Ju (2000) Dépendance à Internet Internet Addiction/Internet Yen, Ko, Yen et Yan (2007) Dependency/ Widyanto et Griffiths (2006) Internet Dependence Cheng, Weng, Su, Wu et Yang (2003) Beard et Wolf (2001) Mitchell (2000) Greenfield (1999) Scherer (1997) Véléa (1997) Griffiths (1996) King (1996) Young (1996) Dépendance aux médias Media Addictions Marks (1990) Dépendance à Netaholics/Computer Addiction Wieland (2005) l’ordinateur/informatique Surratt (1999) Shotton (1991) Dépendance à l’utilisation d’Internet Addictive Internet Use Young (1996) Dépendance technologique Technological Addictions Griffiths (1995) Shotton (1991) Dépendance virtuelle Virtual Addiction Greenfield (1999)

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Principales appellations du « problème » de « dépendance » à Internet (suite)

Terme français Équivalent anglais Tenants

Grande dépendance à Internet High Internet Hur (2006) Dependency Internetomanie Internetomania Steiner (2009) Trouble de l’usage pathologique Pathological Internet-Use Goldberg (1995) d’Internet Disorder Trouble de l’utilisation abusive des Pathological Computer Use Suler (1996) ordinateurs Disorder Trouble lié à l’addiction à Internet Internet Addiction Disorders Douglas et coll. (2008) Bai, Lin et Chen (2001) Goldberg (1995) Usage pathologique d’Internet Pathological Internet Use Morahan-Martin et Schumacher (2000) Usage problématique d’Internet Problematic Internet Use Niemz, Griffiths et Banyard (2005) Thatcher et Goolam (2005) Shapira, Lessig, Goldsmith, Szabo, Lazoritz, Gold et Stein (2003) Caplan (2002) Beard et Wolf (2001) Shapira, Goldsmith, Keck, Khosla et McElroy (2000) Utilisation excessive ou compulsive Excessive/Compulsive Internet Widyanto et Griffiths (2006) d’Internet Use Hansen (2002) Griffiths (2000) Greenfield (1999) Utilisation pathologique d’Internet Pathological Internet Use Brenner (1997)

Nous exposerons plus loin l’argumentaire définitionnel qui sous-tend l’utilisation de différentes formules sémantiques. Pour le moment, soulignons que cette panoplie de terminologies n’expose pas uniquement toutes les difficultés relatives à la délimitation du « problème », elle met au jour aussi tous les enjeux qui gravitent autour de sa construction définitionnelle. Car « nommer et narrer, c’est [non seulement] catégoriser » (Ricœur, 1977, 1983, cité dans Cefaï, 1996, p. 49), mais c’est également « faire advenir à l’existence et rendre digne de préoccupations » (Cefaï, 1996, p. 49). Selon Gusfield (2009), lorsque nous nommons, nous sélectionnons une version de la réalité au sein d’une multiplicité de réalités possibles. Ainsi, sommes-nous conscients que par nos diverses manières de décrire, d’expliquer ou de symboliser un phénomène, nous participons à la construction dudit problème (Gergen, 1999). En guise d’exemple, parler de « cyberdépendance », c’est déjà

17 présumer du caractère du phénomène c’est-à-dire qu’il peut y avoir effectivement dépendance; ce qui n’est pas neutre en soi15 (Gusfield, 2009).

Si le processus de construction sociale comprend, pour une bonne part, la nomination dudit « problème » comme nous l’avons mentionné précédemment, il doit aussi offrir une définition qui permette de l’objectiver, c’est-à-dire de rendre perceptible ce nouveau concept encore abstrait et de l’incarner dans des politiques sociales qui auront pour but de le réguler. Nous verrons que plusieurs acteurs sociaux luttent précisément sur ce terrain pour orienter la définition ou l’identification dudit problème.

1.3 Définir et diagnostiquer la « cyberdépendance »

Derrière les discours participant au processus de construction sociale de la « cyberdépendance » se cachent de vigoureux débats divisant le domaine de la recherche scientifique en deux écoles de pensée. La première s’érige sur différents discours prônant l’inexistence d’une « dépendance » à Internet alors que la seconde, pour le moment majoritaire, participe de plain-pied à la construction de la « cyberdépendance ». Ainsi, à la suite de la conceptualisation fantaisiste de Golberg (1995), plusieurs acteurs ont élaboré non seulement leur propre définition de la « cyberdépendance », mais certains ont aussi procédé à l’agencement de maints critères diagnostiques permettant, pense-t-on, de l’identifier.

Pour le groupe d’acteurs scientifiques de la première école, l’idée d’associer Internet à une dépendance est contestable. Seidowsky (2007) estime qu’Internet et son utilisation ne sont pas un réel problème puisqu’Internet fait partie des habitudes de vie quotidienne. Le défi consiste plutôt à apprendre à vivre avec ce nouvel outil

15 Dans ce chapitre, l’utilisation que fait l’auteure du terme « cyberdépendance » ne doit pas laisser entendre son adhésion à une telle présomption. Il est en dehors du ressort de ce chapitre de se positionner sur l’existence ou non d’une dépendance. L’appellation « cyberdépendance » est utilisée uniquement pour clarifier l’argumentaire et parce qu’elle est en voie de devenir dominante dans les discours participant à la construction sociale du « problème » dont il est question ici. Le Tableau 1 ci-dessus traduit la prépondérance du terme anglais addiction qui se transpose habituellement par le vocable « dépendance » dans les discours scientifiques et interventionnistes de langue française.

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plutôt que de chercher à l’exclure. Gaon (2008) abonde dans le même sens et trouve risqué de stigmatiser en pathologisant les pratiques jugées excessives à cause d’une méconnaissance des utilisations et des dynamiques des internautes. Le psychiatre Serge Tisseron considère, quant à lui, que l’absence de critères de sevrage (comme dans toute pharmacodépendance) et de rechute ne permet pas de considérer l’usage excessif d’Internet comme étant une dépendance. De manière rarissime, la dépendance à Internet peut exister et uniquement chez les adultes présentant un trouble mental préexistant ou chez ceux qui consomment parallèlement des substances psychoactives (cité dans Barnéoud, 2012). Pour sa part, Wood (2008) estime que l’usage dit « problématique » d’Internet est relié à une problématique personnelle relevant d’une mauvaise gestion du temps ou encore de la présence d’une comorbidité préexistante. Quant à LaRose, Lin et Eastin (2003), l’utilisation excessive d’Internet ne doit être considérée ni comme une dépendance ni comme une habitude puisque l’« excès » s’arrime davantage à un continuum d’expériences déficientes en autorégulation, corrigibles par l’individu lui-même.

Dans cette même lignée argumentaire, Grohol (1999), un des pionniers de la « cyberpsychologie », croit que l’utilisation d’Internet représente, pour la majorité de la population, un simple outil utilisé pour fuir les réalités et les problèmes de la vie quotidienne au même titre que regarder la télévision; le caractère jugé excessif de son utilisation s’avérerait davantage une compensation qu’une dépendance. Ainsi, en traitant le problème sous-jacent (ex. : dépression, anxiété, problèmes de santé ou problèmes relationnels) l’usage excessif disparaitrait. Il serait donc inutile de créer une nouvelle catégorie de troubles de santé mentale. Pour Minotte et Donnay (2010), l’utilisation problématique d’Internet serait plutôt une passion « obsessive » c’est-à- dire une pression interne qui force l’individu à s’engager dans une activité ou un comportement contraire à ses valeurs et pouvant engendrer des conflits internes et des conséquences négatives sur sa vie (ex. : affects négatifs, faible niveau de satisfaction et de bien-être, etc.). Caplan (2002) explique l’utilisation problématique d’Internet par l’isolement social dans lequel l’individu préfèrerait maintenir des interactions sociales et une communication interpersonnelle virtuelle plutôt celles en face à face.

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Selon lui, ce facteur serait plus important que la préexistence de psychopathologies (ex. : trouble dépressif, phobie sociale, etc.). Finalement, pour Lenihan (2007) ainsi que Chou, Condron et Belland (2005) l’utilisation d’Internet n’est pas le problème, quoique des individus puissent développer une dépendance à certains de ses contenus spécifiques (ex. : jeu, sexe, communication). Dans cette lignée, Lenihan (2007) fait remarquer qu’apposer une étiquette de « déviance » — dans ce cas-ci de « dépendance » — peut devenir un réflexe chez les étiqueteurs ou les entrepreneurs de morale16 lorsqu’une large partie de la population s’adonne à une activité non familière. Par le fait même, les entrepreneurs moraux viennent distinguer socialement l’anormal du normal dans l’utilisation d’Internet.

Contrairement à la première, la deuxième école regroupe des acteurs scientifiques tels que Young (1996), Griffiths (1998), Shapira et coll. (2000), Treuert, Fábián et Füredi (2001), Beard et coll. (2001), Shapira et coll. (2003), Véléa (2005) et Yen et coll. (2007) dont les schèmes argumentaires s’articulent nettement en faveur de l’existence d’une « pathologie » émanant d’un usage immodéré d’Internet lui- même. Ces acteurs estiment que le concept de « dépendance » à Internet aurait dû être reconnu dans le récent DSM-5 comme nouvelle forme de trouble mental ou comme « désordre psychiatrique » possédant ses propres critères diagnostiques. La psychologue américaine Kimberly Young (1996) a été la première à redéfinir la « cyberdépendance » après Goldberg (1995). Pour elle, la « cyberdépendance » est une nouvelle maladie mentale caractérisée par une perte de contrôle des impulsions et une incapacité à se déconnecter d’Internet. Shapira et coll. (2000) l’associent à une détresse subjective, une déficience fonctionnelle et à des troubles psychiatriques à l’Axe 117 du DSM-IV alors que Treuert et coll. (2001) précisent que l’utilisation problématique d’Internet serait une nouvelle sous-catégorie psychiatrique des troubles du contrôle de l’impulsion. Quant à Griffiths (1998), il préfère plutôt concevoir le « problème » comme une dépendance comportementale passive (ex. :

16 Terme consacré par Howard S. Becker dans son ouvrage fondateur Outsiders. Études de sociologie de la déviance. (1963, 1985). 17 L’Axe 1 du DSM comprend les troubles majeurs cliniques.

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télévision) ou active (ex. : jeux vidéos) axée sur l’interaction entre l’humain et l’ordinateur.

Devant tant d’incertitude ontologique et épistémologique, d’autres acteurs sociaux proposent non pas de définir le « problème », mais plutôt de s’attarder aux critères diagnostiques qui permettraient de déceler ledit « problème » chez les individus. Ce faisant, ces acteurs présument de l’existence même de la cyberdépendance. On assiste, alors, au redéploiement de cette incertitude vers des classes ou des critères préexistants permettant, pense-t-on, de mieux faire naitre de nouvelles idées, entités ou objets d’étude et d’intervention sociale. Dans cette veine, Ivan Goldberg (1995) avait, à l’origine, effectué une simple transposition des critères diagnostiques de dépendance aux substances psychotropes à l’identification de la « cyberdépendance ». Pour sa part, Young (1996) a d’abord transposé partiellement les critères diagnostiques traditionnellement associés aux troubles liés aux substances et au jeu pathologique. Elle les a, ensuite, retouchés de manière à les arrimer aux particularités d’Internet. Ainsi, une personne serait « cyberdépendante » lorsque sont décelés, chez elle, au moins cinq des huit symptômes reliés aux substances énumérés dans le DSM-IV alors que Goldberg proposait initialement l’identification de trois symptômes seulement (APA, 1994; Young, 1996; Young et Rogers, 1998).

En conformité avec le principe sémiotique du DSM (plusieurs signes doivent être présents ensemble pour pouvoir poser un diagnostic), on observera, à partir du milieu des années 1990, une joute inflationniste entre plusieurs acteurs sociaux quant au nombre desdits critères diagnostiques nécessaires à l’identification d’une « dépendance » à Internet. Dans le cadre de cette lutte, Beard et Wolf (2001), s’inspirant de la grille de symptômes élaborée par Young, proposeront la présence de six symptômes pour diagnostiquer formellement un usage problématique d’Internet. Yen et coll. (2007) signalent, pour leur part, que le nombre de symptômes doit être plus élevé pour valider tout diagnostic de « cyberdépendance ». Alors que la personne jugée dépendante du jeu pathologique doit présenter cinq symptômes — et trois dans le cas d’une dépendance aux substances —, ils proposent sept symptômes au

21 diagnostic de « cyberdépendance », dont au moins un doit être lié à une difficulté fonctionnelle associée à un usage répété d’Internet (ex. : négligence des obligations scolaires, problèmes relationnels, etc.). Ils justifient ce nombre par le fait que l’utilisation d’Internet est, d’une part, reconnue comme un comportement mieux socialement accepté et que, d’autre part, il est plus accessible que l’alcool (qui est légalement interdit aux individus âgés de moins de 18 ou 19 ans au Canada, par exemple). Shapira et coll. (2003) se distinguent d’autres acteurs du même groupe en suggérant, certes, d’utiliser des critères diagnostiques du DSM, mais de privilégier ceux entourant à la fois les troubles de contrôle de l’impulsion et ceux de l’achat compulsif. Ainsi, ils élaborent des critères plus larges que ceux proposés par les autres tenants du diagnostic psychiatrique pour évaluer si l’utilisation dite excessive d’Internet et ses applications spécifiques constituent réellement un trouble distinctif ou simplement un vecteur d’un autre trouble psychiatrique. À ce sujet, ils proposent, dans leur grille critériée, que l’usage problématique d’Internet se caractérise soit par une détresse psychologique cliniquement significative, soit par des problèmes dans les sphères sociales, occupationnelles ou dans d’autres sphères du fonctionnement.

Finalement, d’autres proposeront des grilles tout à fait différentes de celles figurant dans le DSM pour diagnostiquer la « cyberdépendance ». À cet égard, Griffiths (1998) suggère d’utiliser une grille comprenant six critères diagnostiques plus généraux permettant de définir un comportement associé à la dépendance (ex. : prédominance (importance accordée au comportement ou à l’activité), modification de l’humeur, tolérance, symptômes de manque, conflits, rechute). Enfin, Véléa (1997) a créé, pour sa part, des critères comparables à ceux employés dans le programme des Alcooliques Anonymes avec douze critères d’addiction à Internet (cité dans Deschryver et Rifaut, 2005).

Le Tableau 2, ci-dessous, résume de manière schématique les définitions conceptuelles de la notion de « cyberdépendance » que proposent les principaux acteurs sociaux des domaines scientifiques et de l’intervention sociale qui participent le plus activement au processus de construction sociale de la « cyberdépendance ». Il

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fait également état du nombre de critères jugés essentiels au diagnostic pathologique. Le phénomène inflationniste y est manifeste, particulièrement dans la colonne de droite, ce qui atteste, à notre avis, du degré de complexification qu’a déjà subi la construction sociale de la « cyberdépendance ». Qui plus est, ce mouvement inflationniste témoigne, d’une part, des stratégies de différenciation utilisées par les acteurs pour se démarquer de la mêlée, et d’autre part, pour faire valoir les ressources matérielles, normatives et rhétoriques mises à leur disposition pour étendre leurs prétentions d’expertise dans le temps et dans l’espace.

Tableau 2

Définitions conceptuelles de la « cyberdépendance » et propositions de critères diagnostiques

Auteurs Appellations Définition Nombre de critères diagnostiques Critères diagnostiques du DSM Goldberg (1995) Dépendance à Internet Trouble dû à la dépendance à 3 critères Internet Young (1996) Dépendance à Internet Trouble du contrôle des 5 critères impulsions Beard et Wolf (2001) Utilisation problématique Trouble du contrôle des 6 critères d’Internet impulsions Shapira et coll. (2003) Utilisation problématique Trouble du contrôle des 4 critères + présence d’Internet impulsions (référence au d’au moins une difficulté trouble de l’achat compulsif) fonctionnelle (négligence des obligations scolaires, etc.) Yen et coll. (2007) Cyberdépendance Trouble du contrôle des 7 critères impulsions Critères diagnostiques généraux Véléa (1997) Cyberdépendance Dépendance (maladie) 12 étapes similaires aux AA Griffiths (1998) Dépendance Dépendance comportementale 6 critères aux technologies (active ou passive)

Il ressort clairement des paragraphes précédents que la construction définitionnelle de la « cyberdépendance » constitue un enjeu de taille pour les acteurs sociaux et que chacun tente, à sa façon, d’imposer sa version de la réalité du « problème ». Dans la foulée de cette construction de la réalité de la « cyberdépendance » ainsi que dans son processus de mise en forme conceptuelle et définitionnelle, les acteurs sociaux qui se sentent particulièrement interpellés par ledit

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« problème » imagineront différentes sous-catégories de « cyberdépendance » afin d’en raffiner la compréhension.

1.4 Classer les types de « cyberdépendance »

Les tenants de l’existence d’une « cyberdépendance » ont poussé l’objectivité régulatrice du phénomène en découpant les particularités de ce phénomène dans le but de l’insérer au sein de systèmes de classification. De façon générale, ces derniers tentent d’ordonner les phénomènes « naturels » ou « sociaux » les disposant ainsi aux modes « scientifiques » d’appréhension et d’action. Ce faisant, la classification « assure la stabilité du sens par-delà différents sites et périodes temporelles et [est essentielle] à l’agrégation de données individuelles […] en larges grappes »18 (Timmermans et Berg, 2003, p. 24, cités dans Pickersgill, 2011, p. 73). Au sein de la recherche et de la pratique en santé mentale, le DSM est très certainement le système de classification le plus notoire. Il a un pouvoir d’uniformisation des pensées et des actions indisciplinées ainsi que de reconfiguration des notions opaques de manière à les baliser en tant qu’objets légitimes de recherche et d’intervention. Malgré cela, le DSM a néanmoins été l’objet de tensions de longue date relativement aux catégories qu’il contient, plus particulièrement à savoir si celles-ci sont toutes des pathologies distinctes ou si, a contrario, elles devraient s’inscrire dans le domaine de la psychiatrie (Pickersgill, 2011). Nonobstant ces critiques, certains acteurs scientifiques comme Scherer (1997) et Widyanto et McMurran (2004) classeront des profils liés à l’utilisation d’Internet alors que Young (1999), Steiner (2009), Greenfield (1999), Deschryver et Rifaut (2005), Pratarelli, Browne et Johnson (1999) ainsi que Louati et coll. (2007) proposeront plutôt des typologies spécifiques liées aux différents contenus numériques retrouvés en ligne où la « cyberdépendance » peut se manifester.

18 Ensure stability of meaning over different sites and times, and are essential to the aggregation of individual [health care] data into larger wholes.

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1.4.1 Classification de profils d’utilisation d’Internet

Scherer (1997) ainsi que Widyanto et McMurran (2004) proposent une classification simple qui divise les usages d’Internet en deux classes19 : les usages essentiels ou professionnels (ex. : pour le travail et les études) et les usages non essentiels ou personnels. Selon eux, seuls les usages non essentiels ou personnels considérés comme récréatifs ont le potentiel de devenir excessifs, et, par ricochet, peuvent engendrer des méfaits. Dans ces cas uniquement peut-on parler de « cyberdépendance en ligne »?

1.4.2 Classification liée aux différents contenus en ligne

Outre les profils d’utilisation, la classification de la « cyberdépendance » peut aussi s’effectuer par le biais de typologies. Celle de Young (1999) est constituée de quatre types spécifiques de « cyberdépendance » qui se distinguent en fonction du contenu numérique recherché. Le premier type, la dépendance à la sexualité en ligne, est la plus commune et consiste à regarder, télécharger, acheter de la pornographie ou participer à des activités à caractère sexuel en ligne. Le second, la cybercommunication, touche la cybercorrespondance et l’engagement dans différentes relations en ligne. En troisième lieu, le comportement « obsessionnel » ou « compulsif » lié aux jeux et aux transactions en ligne comprend tout ce qui est offert sur le réseau Internet. Finalement, dans le cyberamassage20, dépendance peu commune, la personne tend à surfer compulsivement à la recherche d’une grande quantité d’informations sans être capable de les trier. Pour cette dernière, une grande partie du pouvoir accrocheur d’Internet provient plutôt de l’abondance de son contenu.

19 À l’instar d’Adam (2012, p. 146), nous reconnaissons la distinction conceptuelle existant entre le concept de classe et celui de catégorie. À cet égard, nous convenons que les classes sont mutuellement exclusives alors que les catégories s’articulent au sein d’une systématique d’ensemble. 20 Cyberhoarding.

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Steiner (2009), pour sa part, suggère deux familles d’Internetomanie. La première, l’Internetomanie primaire, englobe toutes les personnes dépendantes à Internet qui entretiennent une relation de fascination avec leur ordinateur et avec la communication en ligne (clavardage, courriel, forum, etc.). Ainsi, Internet n’est plus considéré comme un support de dépendance classique, mais comme un outil offrant de nouvelles pratiques addictives. Dans l’Internetomanie secondaire, la personne n’est fascinée ni par la technique ni par l’informatique ou le monde virtuel lui-même. En revanche, sa connexion à Internet représente un moyen de développer une autre dépendance comportementale telle que le jeu pathologique, les achats compulsifs ou la dépendance sexuelle.

Chez Greenfield (1999), trois classes d’utilisation d’Internet sont offertes. Les vagabonds électroniques qui naviguent sur Internet pour le plaisir de découvrir de nouveaux sites et qui ne présentent aucun problème, les intoxiqués des salons de clavardage ou de courriels qui privilégient ce type d’échanges au détriment de contact humain et les utilisateurs d’Internet comme outil qui les amènent vers des dépendances comme le jeu, les achats, le sexe.

Pour leur part, Deschryver et Rifaut (2005) émettent l’hypothèse qu’il existe quatre types de « cyberdépendance », soit : l’addiction à l’information, aux jeux en réseau, l’addiction à caractère relationnel ou communicationnel et celle à caractère virtuel. Les psychologues américains Pratarelli et coll. (1999) proposent également une typologie comprenant trois profils types d’internautes qui est centrée, certes, sur les comportements « dysfonctionnels » liés à l’utilisation excessive d’Internet, mais qui inclut également l’utilisation productive d’Internet. On retrouve, ainsi, les usagers raisonnables qui utilisent Internet modérément et considèrent l’ordinateur comme un objet nécessaire. Ils en font une utilisation fonctionnelle. Le second profil type est celui des drogués du Web. Ceux-ci sont incapables de se passer d’Internet, tant de jour comme de nuit; ils se coupent et s’isolent de la vie quotidienne et présentent des comportements dysfonctionnels occasionnés par l’utilisation excessive d’Internet. Le troisième profil regroupe les accros du cybersexe qui feraient un usage compulsif

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d’Internet centré sur les sites pornographiques et seraient à la recherche de gratifications sexuelles ou sociales.

Louati et coll. (2007) proposent, quant à eux, une catégorisation plus fine qui se subdivise en cinq sous-groupes de « cyberdépendance » : la « cyberdépendance » à caractère relationnel (qui fait référence aux relations virtuelles développées par le biais des sites de réseaux sociaux), la « cyberdépendance » à caractère financier (qui couvre les jeux de hasard en ligne), les jeux d’action et d’aventure ainsi que les jeux de console connectés sur Internet, la « cyberdépendance » à caractère informationnel et, enfin, celle à caractère sexuel.

Tableau 3

Constructions scientifiques des catégories de « cyberdépendance »

Catégorisation liée à l’utilisation d’Internet Auteurs Catégorisations Définitions Scherer (1997) 1) Usage essentiel ou professionnel 1) Utilisation pour le travail ou les études Widyanto et 2) Usage non essentiel ou personnel 2) Utilisation récréative McMurran (2004) Catégorisation liée au contenu Auteurs Catégorisations Définitions Greenfield (1999) 1) Vagabond électronique 1) Navigation pour le plaisir de découvrir (aucun problème) 2) Intoxiqué 2) Privilégie les communications par courriels et salons de clavardage 3) Internet un vecteur 3) Internet comme vecteur d’une autre dépendance (jeu, achat, sexe, etc.) Young (1999) 1) Dépendance à la sexualité en ligne 1) Sexualité et pornographie 2) Cybercommunication 2) Clavardage, courriel, relation en ligne (relations sociales) 3) Jeux et transactions 3) Tous les jeux sur Internet (personnage virtuel) et transactions en ligne 4) Cyberamassage 4) Dépendance à tout genre d’informations Pratanelli et coll. 1) Raisonnable 1) Utilisation modérée d’Internet (1999) 2) Drogués au Web 2) Utilisation compulsive de jour et de nuit 3) Accro du cybersexe 3) Utilisation compulsive de sites 4) Utilisation positive d’Internet pornographiques 4) Peu ou pas de dépendance à Internet Deschryver et 1) Addiction à l’information 1) Recherche d’informations au sens large du Rifaut (2005) 2) Addiction aux jeux en réseau terme 3) Addiction à caractère relationnel ou 2) Jeux vidéos, multijoueurs, etc. communicationnel 3) Clavardage, forum, messagerie 4) Addiction au virtuel électronique, etc. 4) Relation virtuelle

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Le Tableau 3 qui synthétise les constructions classificatoires de la « cyberdépendance » dont nous avons discuté ci-haut laisse entrapercevoir le degré de sophistication actuelle du fractionnement de la « réalité » de la cyberdépendance en micro « problèmes », chacun nécessitant un regard et une intervention spécialisés, de la part d’« experts » tout aussi spécialisés. Ce découpage classificatoire de l’infiniment petit met en lumière le fait que les savoirs scientifiques et cliniques sont des types distincts de pratique sociale et qu’ils doivent être envisagés dans leurs dimensions politiques, économiques et morales (Giddens, 1979). C’est précisément en tant que tel que les savoirs scientifiques et cliniques acquièrent une influence sociale manifeste et que certains espaces discursifs, notamment ceux ratifiant une forme ou une autre de pathologisation de la « cyberdépendance », peuvent devenir hégémoniques. Nos données n’auront pas permis d’identifier aucun discours véritablement marginal à cet égard au sein de notre corpus.

Conclusion

Internet fait partie grandissante des sphères de la vie quotidienne. Si la plupart des utilisateurs gèrent modérément leur usage du Web, une faible minorité y passerait une grande proportion de leur temps, délaissant ainsi leurs diverses responsabilités et regrettant les conséquences néfastes qu’aurait ce médium sur leurs vies. L’utilisation d’Internet demeure un phénomène social mal connu et ce champ d’études reste encore flou. Il constitue un enjeu crucial sur les plans scientifiques et sociaux. À titre d’exemple, nous avons analysé certains conflits et débats entourant la qualification et la quantification du phénomène que l’on cherche à problématiser. Les acteurs sociaux dont il a été question ne peuvent toujours pas affirmer scientifiquement, dans la première moitié des années 2010, l’existence d’une « dépendance » à Internet. Alors que plusieurs luttaient pour faire reconnaitre la « cyberdépendance » dans le nouveau Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux-version 5 (Block, 2008) et que certains s’interrogeaient sur les critères possibles de son diagnostic (Beard et Wolf, 2001), d’autres contestaient l’idée même que la « cyberdépendance » soit intégrée aux dépendances (Blaszczynski, 2008; Wood, 2008). Force est de constater

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que, sur le plan scientifique, la recherche en est à ses premiers balbutiements et que les acteurs des sphères scientifique et de l’intervention sociale sont encore loin d’atteindre un consensus. Malgré l’éclairage récent fourni dans le DSM-5, les tenants d’une approche pathologisante de la « cyberdépendance » demeurent, encore aujourd’hui, divisés sur sa construction sociale en tant que trouble distinct ou en tant que symptôme d’un autre trouble sous-jacent. Des polémiques très actives subsistent aussi à l’égard de la classification appropriée de la « cyberdépendance » comme trouble du contrôle des impulsions ou trouble obsessionnel compulsif ou, encore comme « dépendance » (Winkler, Dörsing, Rief, Shen et Glombiewski, 2013). En dépit de cette absence de consensus qui selon Adam (2012) est si cher aux yeux des concepteurs du DSM, la section III de la cinquième monture dudit instrument — intitulée Troubles sous examen supplémentaire21 — nous informe de l’apparition d’un tout nouveau diagnostic, le « trouble du jeu sur Internet »22. Bien qu’ils ne soient pas prêts à envisager d’inclure ce nouveau « problème » en tant que trouble officiel dans le DSM-5, les concepteurs l’estiment suffisamment significatif pour justifier davantage de recherches et d’expérimentations cliniques à son sujet (APA, 2013; DMS, 2013). Son apparition dans la section des Troubles sous examen supplémentaire signifie que, dans un proche avenir, des études épidémiologiques devront être effectuées afin de documenter l’influence possible de la génétique et des facteurs biologiques sur la prévalence et l’évolution clinique dudit trouble (APA, 2013). Le DSM s’impose aujourd’hui comme outil de « connaissance » d’un nombre croissant de réalités sociales23. Que son utilisation soit optionnelle ou imposée en vertu des différentes chartes professionnelles, le DSM demeure un instrument utilisé autant dans les domaines de l’expertise scientifique, de la recherche et de la formation universitaire que dans celui des soins et de l’intervention sociale. Les idéologies professionnelles et les convictions épistémologiques des scientifiques auront, certes, eu un rôle à jouer dans l’édification de frontières sociales permettant de garder à

21 Conditions for further Study. 22 Internet Gaming Disorder. Communément appelé « trouble de l’utilisation d’Internet », « dépendance à Internet » ou « dépendance au jeu » (Petry et O’Brian, 2013). 23 Le DSM-III-R (1987) comprenait 292 classes diagnostiques alors que le DSM-IV (1994) se composait de 410 troubles psychiatriques. La cinquième version (http://www.dsm5.org/about/pages/dsmvoverview.aspx) comprend un nombre davantage élevé de classes diagnostiques. Gori et Del Volgo (2008) stipulent que cet expansionnisme galopant serait notamment assuré par le soutien politique et économique des compagnies pharmaceutiques, et des compagnies d’assurance.

29 bonne distance certaines activités intellectuelles en les targuant de pseudoscience (Knorr-Cetina, 1981). Ce travail de démarcation24 permet également aux scientifiques de résoudre, d’une part, les ambigüités qui sont si caractéristiques des catégories avec lesquelles elles travaillent, de justifier, d’autre part, leurs intérêts de recherche et, enfin, de légitimer leur orientation professionnelle.

Ayant comme corollaire la création de populations homogènes d’individus prêts à traiter, le DSM construit, par ricochet, des sujets foucaldiens produits du pouvoir, mais également de nouvelles manières pour une grande variété d’individus de se comprendre eux-mêmes et de comprendre ceux qui les entourent (Pickersgill, 2011). La fusion de tels scripts culturels, moraux et cliniques contribue à la constitution même du sujet pathologique et à une certaine déviantisation du quotidien. Adam (2012, p. 149) souligne que devant « l’étrangeté et la nouveauté empiriques » n’entrant pas dans le moule de systèmes classificatoires préexistants, trois options se sont historiquement offertes aux entreprises classificatrices : l’exclusion au banc des monstruosités, l’ajout « négocié » de la nouveauté au sein de classes hybrides créées pour les besoins de la cause ou la création de classes nouvelles dans lesquelles insérer la nouveauté.

1.5 Limites des études recensées

La problématisation que nous avons effectuée dans les pages précédentes a jeté un éclairage plus spécifique sur les acteurs et les discours qui, au sein de deux importantes sphères d’influence sociale, participent à la construction sociale de la « cyberdépendance » comme problème social. Elle a également mis en lumière certains rouages du processus par lequel la « cyberdépendance » se conçoit comme un phénomène complexe aux ramifications multiples. Mais, il demeure essentiel de poursuivre la recherche de manière à mettre également en exergue les affrontements, les conciliations, les fronts communs qui se constituent et se métamorphosent au sein

24 De l’anglais boundary work.

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des arènes publiques dans le but de jeter un éclairage plus adéquat sur la construction sociale de l’usage dit « problématique » d’Internet au Québec et au Canada.

Par ailleurs, bien que nous ayons mis en lumière les joutes discursives d’acteurs hétérogènes et que cet exercice mène à conclure que l’usage soi-disant démesuré d’Internet n’est pas reconnu scientifiquement comme une « dépendance », il demeure que certains utilisateurs d’Internet, au Québec et au Canada, s’autodiagnostiquent comme étant « cyberdépendants ». Par conséquent, différents intervenants sociaux font l’objet de demandes de consultation relativement à des situations douloureuses qui seraient occasionnées, aux dires des « cyberdépendants », par leur utilisation d’Internet. Or, pour le moment, les intervenants ne bénéficient pas d’un bassin de savoirs théoriques et pratiques relativement au « problème » sur lequel on leur demande d’intervenir. En cette absence, ils errent entre les interstices de savoirs et de pratiques en construction avec tout ce que cela suppose d’égarements, de clairs-obscurs et de maladresses. Ils n’ont pas de vision commune tant sur le plan des idées que sur celui des interventions à privilégier. Puisqu’un des principaux enjeux des différentes professions en relation d’aide (psychologues, criminologues, travailleurs sociaux, etc.) est d’imposer sa vision du « problème » dans le but de s’approprier un champ d’intervention potentiel, l’appréhension du processus de construction sociale de la « cyberdépendance » devrait susciter, dans un proche avenir, un intérêt académique et clinique appréciable25.

Plusieurs limites méthodologiques ont été recensées à propos des études sur la « cyberdépendance ». Parmi celles-ci, les questionnaires utilisés varient d’une étude à l’autre. Certains n’hésitent pas à utiliser des tests maison qui sont des versions vaguement modifiées de tests préexistants (Minotte et Donnay, 2010). Ensuite, les variations peuvent également s’expliquer par la nature des publics cibles et les contextes socioculturels dans lesquels ils évoluent et amener un problème de représentativité des échantillons. La majorité des travaux, invoqués ci-haut,

25 L’insertion du premier article se termine ici.

31 concernent des étudiants, ce qui constitue une limite relative à la généralisation des résultats. De plus, soulevons la question du contexte socioculturel dans lequel s’inscrit la démarche des chercheurs que le comportement des internautes constituent le public cible. Si Internet est intrinsèquement international, il est fort probable que les usages qui en sont faits subissent des variations régionales (Monette et Donnay, 2010). Une autre limite des études concerne les échantillons utilisés qui sont souvent non représentatifs ou trop petits pour en tirer des conclusions valables26. De même, certaines études comportent un biais d’échantillonnage causé par l’utilisation exclusive du sondage en ligne comme mode de collecte de données27. Une autre limite méthodologique décelée parmi les études sur la « cyberdépendance » résulte de l’utilisation de données provenant de forums Web pour lesquels il n’est pas possible de connaitre avec certitude le profil des participants28. Une recension de la littérature montre également que les prévalences varient beaucoup à cause du manque de rigueur méthodologique des enquêtes, mais aussi à cause de l’inexactitude de la définition de la « cyberdépendance » et du fait que celle-ci n’a pas été incluse dans le DSM29.

1.6 Objectifs de la thèse

L’objet de cette thèse s’insère dans ce dernier interstice, celui de l’« incertitude » de la « cyberdépendance » en tant que concept et en tant que réalité. Ainsi la thèse cherche à documenter l’émergence de la « cyberdépendance » en tant que problème public spécifiquement au Canada et au Québec. Notre étude examine notamment les rôles joués par différents acteurs sociaux dont les luttes visent à mobiliser l’attention publique dans différentes arènes publiques pour obtenir la reconnaissance officielle de leur version du « problème ». Nous cherchons à répondre

26 Caplan (2005; Ceyhan et Ceyhan, 2008; Chang et Law, 2008; Korkeila, Kaarlas, Jââskelâinen, Vahlbert et Taiminen, 2009, cités dans Beaulieu, 2012); Dufour (mars 2012); Dufour et Acier (2010); Garneau (novembre 1999b); Landry (2001); Nichols et Nicki (2004); Vachon (janvier 2007); Vaugeois (2006); Widyanto et Griffiths (2006, cités dans Brisebois, 2011). 27 Korkeila et coll. (2009; Whang, Lee et Chang, 2003, cités dans Beaulieu, 2012); Landry (2001). 28 Chappell, Eatough, Davies et Griffiths (2006, cités dans Beaulieu, 2012); Nalwa et Anand (2003; Ng et Wiemer-Hastings, 2005; Whang et coll., 2003, citésdans Vaugeois, 2006); Nichols et Nicky (2004); Widyanto et Griffiths (2006, cités dans Brisebois, 2011). 29 Grüsser et coll. (2007, cités dans Dufour et Acier, 2010); Vaugeois (2006); Villella et coll. (2011, cités dans Dufour, mars 2012).

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aux deux grands objectifs spécifiques suivants : 1) mettre en lumière les discours et les pratiques qui participent à la construction sociale de la « cyberdépendance » et 2) mettre en exergue le poids des différents acteurs au sein des arènes scientifique, psychosociale et médiatique.

1.7 Pertinence de la thèse

La principale contribution scientifique souhaitée de cette thèse est de participer à l’avancement des connaissances de ce nouveau phénomène public qu’est la « cyberdépendance » au Canada et au Québec. Ceci a fait, jusqu’à présent, l’objet d’une seule étude à notre connaissance30. La compréhension de l’utilisation d’Internet comme « problème » n’est pas neutre et constitue un terrain propice à de multiples interprétations et controverses dans les différentes arènes publiques. La contribution scientifique se situe notamment dans la mise en lumière du comment, autant que dans l’explication du pourquoi, la « cyberdépendance » est un problème public en émergence.

Sur le plan de la pertinence sociale, la principale contribution visée est de mettre en lumière le rôle que joue le service social dans le processus de construction sociale de la « cyberdépendance » comme problème public, puisque, depuis plusieurs décennies, le champ des dépendances s’inscrit dans la tradition du service social. Considérés comme des experts du fonctionnement social, les travailleurs sociaux ont été parmi les premiers à intervenir dans le traitement et la prévention des problématiques que l’on estime liées à l’alcool, aux drogues et au jeu pathologique (Aubertin, 1965; Aubertin et Berlinguet, 1971; Brunet, 1977; Demers, 1995). Par leur rôle d’intervenants de première ligne, les travailleurs sociaux peuvent être des acteurs privilégiés de la construction sociale de la « cyberdépendance ». Il faut préciser que la manière de construire la « cyberdépendance » aura des incidences certaines sur les modes de réaction sociale au « problème » (les interventions). Or, pour comprendre

30 Bueno, V. (2014). Inclure l’addiction à Internet dans le DSM-V : étude de cas de la biomédicalisation des cyberdépendances.

33 les modes privilégiés d’intervention, il faut éclairer, en amont, la construction sociale du « problème ».

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Chapitre 2 : Cadre théorique

Le cadre théorique retenu dans cette thèse s’inscrit dans une perspective constructiviste, car elle permet d’étudier les conditions favorisant la production des différentes constructions de la réalité élaborée par des acteurs sociaux. Le modèle d’analyse constructiviste considère que les problèmes sociaux n’émergent pas d’une situation statique ou d’un évènement spontané, mais plutôt d’une série d’activités évolutives qui s’influencent mutuellement. Ainsi, pour les constructivistes, l’analyse des problèmes sociaux s’effectue à partir de la mobilisation des acteurs sociaux qui parviennent à faire émerger dans l’opinion publique, un discours manifestant des problèmes de société tout en mettant l’accent sur les intérêts respectifs de ceux qui participent à leurs constructions. Dans cette construction contemporaine du savoir scientifique, psychosocial ou médiatique entourant la problématisation d’Internet, différents acteurs jouent un rôle important en raison des connaissances « d’expertise » qu’ils défendent pour parvenir à la reconnaissance officielle de leur vision sur la problématique d’Internet.

Pour documenter le processus de construction sociale de la « cyberdépendance » au Canada et au Québec, nous retenons quatre principales perspectives : 1) la construction d’un discours; 2) la construction des problèmes sociaux; 3) la construction des problèmes publics; 4) la médicalisation de la déviance.

2.1 Construction d’un discours sur la sorcellerie et les sorcières selon Kai T. Erikson

Dans son ouvrage Wayward Puritans, Erikson (1966) s’intéresse à la construction d’un discours sur la sorcellerie. L’étude du contexte historique du procès de Salem nous permet de comprendre comment et pourquoi un phénomène d’hystérie collective se construit autour de la sorcellerie. Plus précisément, il nous indique de quelle manière les communautés puritaines, à partir d’une plaisanterie, se sont mises

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à condamner des membres de leur société, prétendument coupables de sorcellerie au cours d’un procès qui s’est soldé par l’exécution et l’emprisonnement de personnes innocentes. À travers cet exemple, nous verrons que la construction d’un discours est le moment central de la désignation et de la formulation d’un problème avec l’émergence de thèmes, de concepts, etc.

Fortement teinté de puritanisme, le XVIIe siècle offre un terreau fertile à l’émergence des faits bizarres dans le petit village de Salem totalement isolé de la civilisation. L’hystérie collective débuta lorsqu’une esclave barbadienne, reconnue dans le village pour ses compétences dans le domaine des arts de la magie, se mit à raconter, par amusement, des histoires de sorcellerie à un groupe de jeunes filles. À cette époque, toutes pratiques de divination et de sorcellerie relevaient du diable. Inquiètes des sanctions, deux jeunes filles passèrent de l’amusement à la panique et, prises de convulsions, elles poussèrent des cris aigus inexplicables en utilisant toutes sortes de dialectes inconnus. Il y avait danger de contagion. Ainsi, un premier groupe d’acteurs influents, tels les médecins, tentèrent d’enrayer l’« épidémie », mais faute de connaissances, ils conclurent que le village de Salem était devenu la propriété du diable. La chasse aux sorcières venait de débuter et provoqua une folie meurtrière dans le village. La sorcellerie était dès lors légitimée.

Afin de ramener l’ordre social dans la communauté, un deuxième groupe d’acteurs — les ministres de la Justice — s’empressent de s’approprier de la gestion du problème; ils se mobilisent et interpellent les deux jeunes filles souffrant de cette mystérieuse maladie. Devant le tribunal, elles dénoncèrent les sorcières qui les avaient harcelées; étant donné toute l’attention publique tournée vers elles, ces deux filles se crurent réellement ensorcelées. La communauté, devenue hystérique et se cherchant des boucs émissaires, accepta les accusations des jeunes filles faites à partir de simples critères comme : être bizarre, étrange ou en marge de la société. L’une d’elles, identifiée comme sorcière, fut l’esclave barbadienne. Elle raconta devant le tribunal que des créatures peuplent l’invisible et que des rituels sombres les unissent à Satan. Par son discours, un tant soit peu exagéré, elle réussit à convaincre les gens du

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village de l’existence et de l’étendue du « problème ». Ainsi, les jeunes filles passèrent de malheureuses victimes à prophètes. Elles furent reconnues par la communauté puritaine comme « expertes », possédant les compétences dans l’identification de spectres menaçants. Elles continuèrent d’exercer leur influence sur la communauté et même à l’extérieur de celle-ci. Invitées dans différents villages à la recherche de nouvelles victimes, ces deux jeunes filles pointaient du doigt d’autres « sorcières », accusant ainsi des personnes qu’elles n’avaient jamais rencontrées. Le doute s’installa lorsqu’elles pointèrent par inadvertance des juges, représentants de Dieu sur terre. Immédiatement, le tribunal décida de suspendre le procès et de chercher des preuves avant de mettre à mort d’autres personnes. En reconsidérant la preuve, rapidement, ils conclurent que rien ne les assurait de la validité des accusations portées par les deux jeunes filles.

Dans un cas aussi complexe que celui de Salem, la recevabilité d’une preuve n’est pas évidente; toutefois, le tribunal de Salem en admit cinq. Même si tous les inquisiteurs pouvaient être d’accord sur l’ensemble des éléments de preuve identifiant une sorcière, cette convention n’en validait pas, hors de tout doute, leur identification. Au terme de l’hystérie collective qui ensorcela le village de Salem, l’une des deux jeunes filles avoua que leur agir tenait du simple divertissement.

Le travail de documentation de la construction d’un discours, tel qu’effectué par Erikson, est pertinent pour notre étude dans la mesure où il démontre qu’à partir d’une simple plaisanterie, tout un discours s’est construit autour du concept de sorcellerie sans que la preuve de son existence soit faite. Rappelons-nous, dans le chapitre précédent, que le concept de « cyberdépendance » est né, lui aussi, d’une plaisanterie faite par un psychiatre à des collègues, et ce, sans qu’il y ait fondement scientifique. Depuis, différents discours se sont construits autour de la « cyberdépendance ». De multiples experts tentent de fournir des explications, de classifier et d’établir des critères pour identifier les « victimes » de ce nouveau « problème » afin de prouver son existence. D’autres iront même jusqu’à identifier des facteurs qui causeraient son émergence et à démontrer les dommages causés par

37 son utilisation dite excessive. Toutefois, avant d’investir la question des dommages, il convient de s’interroger à savoir comment l’utilisation d’Internet en vient à poser « problème ». Les trois prochaines thèses de la construction des problèmes sociaux (celles de Spector et Kitsuse, de Gusfield et de Conrad et Schneider) viennent apporter un éclairage supplémentaire à ce questionnement.

2.2 Construction des problèmes sociaux selon Malcom Spector et John I. Kitsuse

Les travaux de Spector et Kitsuse (1977, 1987, 2006) traitent du processus de construction des problèmes sociaux et mettent l’accent sur le problème social comme étant un construit. Pour ces auteurs, les problèmes sociaux deviennent le résultat de l’analyse du processus de construction sociale. Cette analyse permet de sélectionner une situation particulière et de voir pourquoi elle est devenue problématique. Un problème social n’existe pas tant qu’une société ne reconnait pas son existence et aussi longtemps qu’il n’acquière pas une légitimité publique. Les tenants de cette théorie constructiviste orientent leur regard analytique sur l’émergence, la définition et le maintien d’activités revendicatives (claims-making activities) ainsi que sur les réponses à ces activités (Spector et coll., 1987, p. 76). Les activités revendicatrices sont mises en œuvre par différents acteurs sociaux et par des institutions à propos de conditions censées exister (putatives conditions) afin de les justifier publiquement comme problèmes sociaux. Il est donc de première importance de savoir qui définit ces situations et s’ils ont de l’influence et du pouvoir dans ce processus définitionnel. Adopter cette perspective, c’est considérer que les acteurs eux-mêmes font d’une condition sociale, un problème social. La reconnaissance des revendications ne constitue qu’un des éléments du processus à étudier puisque l’émergence d’un problème requiert d’abord des activités organisées par les différents acteurs (ex. : demander des services, déposer des plaintes, intenter des procès, etc.). Un problème devient un enjeu dès qu’il est reconnu, dès qu’il est transformé en objet de discussion, de controverse, de descriptions divergentes ou de revendications. Par la suite, un

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acteur doit le prendre en charge, déclencher une action et mobiliser d’autres acteurs souhaitant résoudre le soi-disant problème (Blumer et Riot, 2004; Rezsohazy, 1980).

De plus, Spector et ses collaborateurs (1987) considèrent que la définition d’un problème provient de controverses et d’affrontements au cœur des interactions sociales entre les acteurs sociaux, et ce, dans les différentes arènes publiques. Le processus de construction des problèmes sociaux devient la résultante d’une « coproduction sociale entre les individus qui sont confrontés aux difficultés, aux différentes instances qui font émerger ces difficultés dans l’arène publique et finalement à ceux qui les gèrent » (Bonetti, 1993, p. 176). De plus, cette « coproduction dépend directement des relations, des intérêts et des jeux de représentations mutuelles qui s’établissent entre les différents acteurs sociaux concernés » (Bonetti, 1993, p. 176). Les discussions qui tentent de le circonscrire influenceront considérablement le positionnement du problème dans la société. Ainsi, chacun peut faire valoir ses revendications par la confrontation, l’amélioration, la réduction ou le changement de certaines conditions sociales, économiques, politiques jugées insatisfaisantes et peut participer pleinement au processus de construction sociale. Un des enjeux cruciaux de la construction d’un problème social est donc la confrontation entre des acteurs qui cherchent à changer des éléments du problème et d’autres acteurs qui, eux, s’efforcent d’y préserver leurs intérêts.

Les interactions entre les acteurs sociaux ne se déroulent pas dans un espace indifférencié, libre de toute contrainte quant aux modalités d’entrée et aux modalités d’expression; elles se déroulent dans des arènes publiques. La notion d’arènes est utilisée pour définir ces espaces de confrontation sociale et symbolique où se discutent les problèmes sociaux, selon des règles prédéfinies. Chacune de ces arènes est caractérisée par sa propre logique de sélection du problème et d’enjeux; des conflits et des controverses y surgissent, y émergent et s’y manifestent (Gusfield, 2009). Or, pour être pris en considération dans les arènes de la discussion publique, le « problème » doit gagner un certain degré de respectabilité sociale. Les acteurs tenteront de trouver des réponses à une série de questions fondamentales telles que

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« qui », « quoi », « à cause de quoi », « en vue de quoi », « avec qui », « contre qui », « comment », « quand », « où », « pour quels enjeux » et « dans quels intérêts ». Ces questions seront posées par les acteurs dans différentes arènes publiques, tels le psychosocial, la science et les médias de masse (Gusfield, 2009; Hilgartner et Bosk, 1988; Joly et Marris, 2001; Macé, 2000; Neveu, 1999; Spector et coll., 1987).

Dans le but d’améliorer la compréhension de l’évolution d’un problème social, Spector et ses collaborateurs proposent un modèle d’analyse séquentiel de l’évolution des problèmes sociaux qui comprend quatre étapes principales : 1) la prise de conscience; 2) la décision d’intervention; 3) la prise en charge institutionnelle; 4) l’acceptation de l’orientation de la solution.

2.2.1 Modèle d’analyse séquentiel de l’évolution des problèmes sociaux

Un problème social n’existe pas tant qu’il n’a pas été identifié comme tel (Bell, 1981). La première étape correspond donc au processus par lequel des individus ou des groupes définissent une situation sociale comme étant problématique. On observe alors l’émergence de discours, souvent percutants, concernant la présence d’injustices ou de préjudices et la formulation de revendications à l’égard d’une situation jugée problématique. Diverses tentatives utilisées par les groupes revendicateurs pour transformer des problèmes privés en débats publics forment le point de départ du processus (Spector et Kitsuse, 1977). C’est à la deuxième étape que les revendications relatives aux problèmes sociaux se justifient et que les luttes d’influence se précisent entre différents groupes d’intérêt. On assiste ainsi à une confrontation entre les groupes qui tentent de mieux délimiter le problème et lui donner une définition qui correspond à la façon dont la société a finalement perçu et cherché à traiter ce problème à travers ses organisations officielles (ex. : agences gouvernementales, institutions officielles influentes) et ceux qui s’efforcent de préserver leurs intérêts dans la configuration dudit problème (Blumer et Riot, 2004). En somme, pour que le problème puisse continuer d’exister

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comme débat public, il doit être pris en charge par une institution mandatée pour le régler (Mayer et Dorvil, 2001).

Suit, alors, la troisième étape dans laquelle les groupes revendicateurs considèrent la réponse donnée par les pouvoirs publics ou autres comme étant, soit adéquate ou insuffisante. Si la réponse aux revendications s’avère satisfaisante, la séquence est complète. Si la réponse apportée par l’organisme privé ou public responsable de la prise en charge est jugée être inappropriée comme réponse au problème et ne satisfait pas le groupe revendicateur, la quatrième étape débute. C’est alors que les groupes revendicateurs tenteront d’appliquer leurs propres solutions ou encore de créer leurs institutions dites alternatives. Ils organisent leurs propres activités et trouvent leurs propres solutions pour résoudre le problème (Spector et coll., 1977, p. 156). En résumé, pour ces groupes de revendication, le problème social nait des plaintes issues d’individus ou de groupes à propos d’une situation et du genre de réponses apportées par des organismes.

La théorie de la construction des problèmes sociaux de Spector et Kitsuse est pertinente pour notre étude parce qu’elle insiste sur le fait que la définition des problèmes sociaux est le « travail » de plusieurs acteurs sociaux (ex. : journalistes, psychiatres, intervenants sociaux, etc.) qui les défendent en tant que « faits objectifs » et les rendent problématiques par leurs revendications. Vouloir retracer la genèse d’un problème social suppose alors que le chercheur documente le processus de définition collective par lequel les changements s’opèrent, il détermine à la fois, qui a de l’influence et du pouvoir sur ces problèmes, et qui et de quelle manière ils sont définis et comment ils sont traités.

Toutefois, il ne suffit pas, pour qu’une situation devienne un problème social, d’identifier des acteurs socialement reconnus comme compétents pour en examiner la nature et proposer des solutions acceptables. Les acteurs doivent également réussir à l’imposer sur la scène par débats ouverts et susciter l’attention dans l’opinion

41 publique. À cet effet, les travaux de Joseph Gusfield (1981, 2009) apportent un éclairage supplémentaire aux thèses de Spector et Kitsuse parce qu’ils soulignent ce caractère public des problèmes sociaux. Selon Gusfield, la transformation d’une situation particulière en un problème d’ordre public devient l’enjeu le plus important. De nombreuses situations peuvent être considérées comme des problèmes sans qu’il existe de mouvement ou de processus visant à attirer l’attention du public à leur égard ou à mobiliser des ressources publiques, ou encore à entreprendre une action les concernant. Mais, comment un problème privé devient-il l’objet de préoccupations publiques? Comment gagne-t-il un statut public? Cet auteur nous propose, en réponse, un processus de construction des problèmes publics qui contribuera, dans notre étude, à mieux cerner de quelle façon la « cyberdépendance » évolue vers un statut public.

2.3 Construction des problèmes publics selon Joseph Gusfield

Gusfield (1981, 2009) fait d’abord une distinction entre les problèmes publics et les problèmes privés. Tous les problèmes reliés à la sphère privée ne deviennent pas nécessairement des enjeux de conflit ou de controverse au sein des arènes publiques; lorsqu’ils le deviennent, Gusfield emploie le vocable de « problème public ». Cet auteur met également l’accent sur le processus définitionnel des problèmes, et ce, pour deux raisons. Tout d’abord parce que certains problèmes, sans pour autant être directement vécus par l’ensemble des individus, attirent l’attention de l’opinion publique et sont reconnus de tous. Ensuite, l’analyse fait ressortir quel processus de mobilisation a permis que des expériences individuellement vécues deviennent des enjeux de réflexion et de protestations publiques ainsi que des ressources et des cibles pour l’action publique (Cefaï, 1996; Rinaudo, 1995). Enfin s’ajoute le fait que tous les problèmes privés ne se transforment pas nécessairement en problèmes publics puisque de nombreux faits, considérés comme problématiques, ne provoquent pas nécessairement de manifestation, de mobilisation de ressources publiques, ni même de démarche suffisamment importante pour attirer l’attention du public (Gusfield, 1981). Dans cette recherche, nous retenons la définition du

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problème public proposée par Gusfield (1981) : un problème devient public lorsqu’il est la résultante d’un processus de sélection d’une certaine version de la réalité au sein d’une multitude de possibles et lorsqu’il fait l’objet d’une intervention de l’autorité publique pour résoudre ou diminuer ces effets. Alors que les questions, les problèmes et les enjeux sociopolitiques vont et viennent, apparaissent et disparaissent, croissent et décroissent dans l’attention publique, comment se fait-il qu’un problème émerge et gagne un statut public? Comment se fait-il qu’il s’impose comme « quelque chose à propos de quoi, quelqu’un doit faire quelque chose » pour changer la situation (Gusfield, 2009)?

La construction des problèmes publics est liée à la mobilisation d’acteurs sociaux qui perçoivent un écart entre ce qui est et ce qui devrait être. Ils se mobilisent parce qu’ils ont chacun, des définitions différentes, voire même concurrentes, de la nature du problème. Les parties engagées dans une confrontation n’ont pas le même niveau d’influence sur l’opinion publique ni le même pouvoir d’influence sur les décideurs. C’est pourquoi certains doivent déployer des efforts supplémentaires pour arriver à leurs fins. De plus, l’attention publique est une ressource rare pour les acteurs désireux de faire connaitre et reconnaitre les préjudices qu’ils condamnent ou les revendications qu’ils avancent (Cefaï, 1996). Les acteurs doivent entrer en compétition en vue d’imposer la publicisation de leur propre construction du problème public aux dépens de constructions concurrentes (Cefaï, 1996). Ainsi, une position, véhiculée par des adversaires, peut donner lieu à des contre-mouvements de protestation qui peuvent accentuer la division de l’opinion publique. Alors, les conflits entourant la formulation des définitions, la pertinence des arguments, la justification des revendications et la faisabilité des propositions s’amplifient en passant par différents acteurs sociaux pour se tailler une aire de visibilité et d’audience dans l’arène publique (Cefaï, 1996).

Les parties en présence ne détiennent pas non plus le même espace ou le même degré d’autorité pour imposer leur propre définition de la réalité d’un problème ou pour être légitimées dans le pouvoir de normaliser, de contrôler ou d’inventer des

43 solutions à ce problème. La capacité de créer ou d’orienter la définition publique d’un problème se rattache à la notion de « propriété » des problèmes publics (Gusfield, 2009). Certains acteurs possèdent une meilleure crédibilité que leurs concurrents pour capter l’attention du public. Gusfield (2009) cite, en guise d’exemple, l’opinion de l’Association américaine de psychiatrie. Elle a longtemps dominé le discours portant sur l’homosexualité, notamment au niveau de son soutien ou de son opposition à la reconnaissance de l’homosexualité comme problème psychiatrique. Ce discours a été primordial dans la construction de l’opinion publique alors que l’opinion d’une Chambre de commerce sur ce même sujet n’a eu peu ou pas d’effet.

En conclusion, Spector et Kitsuse insistent sur le fait que la définition des problèmes sociaux est le « travail » de plusieurs acteurs sociaux qui œuvrent au sein de diverses étapes du processus de construction des problèmes sociaux. Quant à Gusfield, son apport théorique à notre étude se situe davantage au niveau de la capacité de ces acteurs à mobiliser l’opinion publique à l’égard d’une situation jugée problématique afin de l’imposer sur la scène publique et de la faire reconnaitre comme problème public. Plus précisément, la théorie de la construction des problèmes publics de Gusfield vient bonifier, à notre avis, notre cadre analytique nous permettant de mieux comprendre la construction sociale de la « cyberdépendance » comme problème public. Pour quels motifs, à quelles conditions et selon quelles modalités l’utilisation d’Internet pourrait-elle devenir problématique dans son utilisation dite « abusive »?

La dernière perspective retenue pour notre cadre théorique est tributaire des thèses de Spector et Kitsuse ainsi que de celles de Gusfield et se centre plus particulièrement sur une « construction » particulière des problèmes sociaux, soit leur médicalisation. Cette approche attire notre attention sur la participation marquante de la médecine et de la psychiatrie dans la redéfinition médicale des comportements de la vie quotidienne considérés comme déviants ou hors-normes. Le phénomène de la médicalisation, voire de la surmédicalisation, constitue une avenue fréquemment utilisée dans la gestion de la détresse psychosociale (Suissa, 2008, p. 74). Pour Collin

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et Suissa (2007a), avoir recours fréquemment aux médicaments comme moyen thérapeutique « témoigne d’une façon éloquente d’une réduction du seuil de tolérance, dans nos sociétés occidentales, aux dysfonctionnements sociaux et à la souffrance psychique » (p. 28). À cet effet, la thèse de Peter Conrad et Joseph Schneider (1980) nous permet d’éclairer comment un comportement jugé indésirable, anormal, marginal ou déviant tombe sous l’emprise de la médicalisation et accède à un statut de « maladie » ou de « pathologie » afin de le rendre plus acceptable socialement.

2.4 Médicalisation de la déviance selon Peter Conrad et Joseph Schneider

Le processus de médicalisation a été analysé, surtout depuis quatre décennies, notamment sous deux angles, celui de la dominance, voire de l’impérialisme médical (Illich, 1975; Navarro, 1986; Freidson, 1970, 1986), et celui de l’approche définitionnelle avec les travaux fondateurs de E. Zola (1972) et de Peter Conrad (1975, 2007). C’est précisément cette dernière approche qui s’est penchée sur la participation croissante de la psychiatrie à la redéfinition médicale de diverses conduites sociales considérées antérieurement comme des péchés ou des crimes. En 1980, Peter Conrad et Joseph Schneider introduisent, dans leur ouvrage classique Deviance and Medicalization : From Badness to Sickness, l’idée selon laquelle la médicalisation constitue une nouvelle forme de désignation sociale qui vient historiquement prendre place et se substituer à d’autres formes de désignation anciennement établies par diverses institutions de régulation et de contrôle social dans le contrôle de conduites jugées être déviantes (ex. : institution religieuse, institution juridique). D’ailleurs, plusieurs travaux soulignent la croissance de la « médicalisation de la détresse » causée par les difficultés normales de l’existence, le mal de vivre ou de comportements tels que la ménopause, la maternité, l’obésité, le tabagisme, le divorce, la vieillesse, la sexualité, etc. (Cohen, 2001; Collin et David, 2016; Maddux, 2002; Minotte et Donnay, 2010; Otero, 2006, 2012).

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Selon Conrad et ses collaborateurs (1980), l’enjeu clé demeure celui de la définition et du pouvoir de faire en sorte qu’un ensemble de définitions médicales se concrétisent non seulement en théorie, mais surtout dans la pratique. Dans le cadre de notre recherche, nous retenons — au même titre que plusieurs autres chercheurs — que la médicalisation est « un processus selon lequel on définit et traite les problèmes non médicaux (particulièrement les problèmes psychosociaux) comme des problèmes médicaux, voire pathologiques en les qualifiant de troubles ou de désordres » (Beaulieu, 2005; Cohen et Breggin, 1999; Conrad, 1995; Saint-Germain, 2005, cités dans Suissa, 2008, p.64). De plus, Bachand (2012), Collin et David (2016), Otero (2006, 2012) et St-Onge (2013) abondent dans le même sens.

Pour Bachand (2012), Cohen (2001) et St-Onge (2013), l’un des meilleurs indicateurs de la médicalisation de la déviance, de la détresse psychologique et de la souffrance sociale est celui du Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux (DSM) de l’Association américaine de psychiatrie (APA). Ce manuel s’impose dans le monde entier, et ce, dans divers domaines tels que l’expertise, le soin, les publications scientifiques, la recherche et la formation universitaire (Adam, 2012, p. 142). À l’instar de Gergen (1991, 1999), Adam (2012), Collin et Suissa (2007), Minotte et Donnay (2010), Otero (2006, 2012) et St-Onge (2013) constatent également que le discours sur le déficit humain s’est développé de façon spectaculaire au cours de ce siècle. Depuis sa première publication en 1952, le Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux est passé de 60 pathologies ou troubles mentaux à plus de 400 dans sa quatrième version en 1994; on en retrouve davantage dans le nouveau DSM-5 paru en mai 2013. Pour Minotte et Donnay (2010, p. 18), cette tendance n’est pas reliée à l’unique progrès des connaissances en psychiatrie, elle relève plutôt de ce que les sociologues appellent la « médicalisation du quotidien ». Selon St-Onge (2013), cette tendance remonte à plus de quarante ans, « le passage de la normalité à la maladie se fait en élargissant les critères de la maladie, en inventant des pathologies […], en redéfinissant des difficultés plus ou moins normales en pathologies […], en médicalisant les phases courantes de l’existence et en transformant les problèmes sociaux et existentiels en problèmes médicaux » (p. 72).

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St-Onge (2013) estime que nous vivons dans une société de l’« existentiellement correct » qui sourcille au moindre trait d’originalité, de différence, d’intensité émotionnelle. Tous ceux et celles qui s’éloignent un tant soit peu de la norme font sursauter, tiquer et tressaillir (p.71). Adam (2012) qualifie, pour sa part, ce problème de « gloutonnerie classificatrice » qui mène à une véritable boulimie empirique (p. 148). Gori et Del Volgo (2008) estiment pour leur part que l’expansionnisme a été largement assuré par le soutien politique et économique des laboratoires pharmaceutiques, des compagnies d’assurances (p. 247). Otero (2012) abonde dans le même sens et précise que les liens entre la psychiatrie et l’influence de l’industrie pharmaceutique sont à ce point considérables et déconcertants à plusieurs niveaux : groupes de pression économique, production de données « scientifiques privées » soumises à des logiques commerciales et des critères éthiques douteux, promotion massive et grossière des avantages du traitement médicamenteux, etc. (p. 99). À chaque diagnostic est associée une production de molécules par l’industrie pharmaceutique (Dorvil, 2006). Pour Bachand (2012), c’est aussi le résultat plus ou moins hasardeux des ententes, des négociations et des accommodements au sein de l’Association américaine de psychiatrie (APA) (p. 91).

Bachand (2012), Cooksey et Brown (1998) de même que Gergen (1991) et St- Onge (2013) jugent qu’un des éléments cruciaux facilitant la désignation d’états émotionnels ou psychosociaux jugés indésirables comme troubles mentaux, c’est qu’en psychiatrie, comparativement aux autres activités médicales, il n’est pas nécessaire de découvrir une maladie et ses causes au moyen de tests diagnostiques, il suffit de la nommer. Ainsi, le diagnostic des troubles mentaux se fait uniquement à partir de l’opinion d’experts qui colligent des listes de symptômes sans en identifier les causes (St-Onge, 2013). Or, une même série de symptômes peut renvoyer à des causes très différentes et le DSM ne se prononce pas sur les causes de la maladie mentale. De plus, précisons qu’en médecine générale, un symptôme n’est pas une maladie (St-Onge, 2013). Alors, il convient d’éviter d’employer le trouble mental comme étant le synonyme de maladie.

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Pour Maddux (2002) et Shaffer (1985, p. 29), « les conceptions de la normalité et de l’anormalité — de même que les étiquettes et les catégories — ne sont pas des faits, mais des constructions sociales ». Les catégories n’existent pas dans la nature, elles sont l’objet de la pensée humaine qui trouve utile de désigner et d’imposer par un même nom des profils de dysfonctionnements, des comportements marginaux ayant d’importants traits en commun (Ramus, 2013a). Ce faisant, « une taxonomie des troubles mentaux comme le DSM ne fait pas simplement décrire et classer les caractéristiques de groupes d’individus, mais construit une version de ce qui est normal et anormal […] pour ensuite l’appliquer à des individus qui se font classer comme normaux ou anormaux » (Parker, Georgaca, Harper, McLaughlin et Stowelle-Smith, 1995, p. 93). Pour Conrad et ses collaborateurs (1980) ainsi que pour Maddux (2002), le plus grand pouvoir de contrôle social repose sur l’autorité de celui qui peut définir et déterminer ce qui est normal ou anormal. Ainsi, si la médicalisation n’agissait pas au niveau de la définition de la réalité, le contrôle social médical perdrait de sa légitimité et deviendrait plus difficile à justifier (Conrad, 1995). Dans ce contexte, on comprend que les personnes étiquetées comme déviantes n’existent qu’en relation à celles qui tentent de les contrôler. Et, l’inclusion d’un « problème » dans le champ médical est un processus social et culturel complexe, incertain, voire risqué et lourd de conséquences (Otero, 2012). Coller un label ou une étiquette à un individu influence la manière dont les autres le perçoivent et agissent à son égard. Cette étiquette détermine également la manière dont lui-même se perçoit et réagit (Van Rillaer, 2013). Apprendre que l’on « souffre » d’une maladie ou d’une pathologie peut stigmatiser une personne, créer des angoisses ou rendre la vie misérable (St-Onge, 2013). Ainsi, la personne étiquetée « malade », par son entourage ou par un professionnel de la santé, peut difficilement échapper à cette identification. Donc, nommer les choses n’est pas banal en soi (St-Onge, 2013).

La médicalisation vient définir le problème social en utilisant un langage médical pour le décrire; on se sert ainsi d’un cadre médical pour le comprendre et d’une intervention médicale pour le traiter (Conrad, 1995). Or, la « pathologisation » du quotidien n’est pas sans conséquence pour les intervenants sociaux. L’idée

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concomitante à l’inclusion progressive de comportements dans la sphère de la « pathologie mentale » est celle selon laquelle seuls des spécialistes médicaux (ex. : omnipraticiens, psychiatres, infirmiers, etc.) sont compétents pour les traiter. Il faut donc immédiatement faire appel à eux au moindre constat d’excès (Minotte et Donnay, 2010). Rappelons que les spécialistes médicaux ont une formation médicale prenant en compte au départ la dimension somatique du problème. La prise en charge s’inscrit donc dans un cadre médical et un protocole de soin (Perry, 2001). Par conséquent, les intervenants sociaux ne servent que d’intermédiaires à la prise en charge médicale dans laquelle la prescription de médicaments psychotropes est souvent perçue comme une composante essentielle du traitement. Cependant, Perry (2001) nous conscientise au fait que le recours massif et souvent exclusif aux médicaments psychotropes, sans autre orientation thérapeutique, constitue un risque important de chronicisation de la souffrance et de ses symptômes.

La théorie de Conrad et Schneider nous permet également d’analyser l’émergence croissante des désignations médicales de comportements nouvellement décrits comme déviants, mais jadis considérés comme normaux. Il semblait déjà évident pour Cohen (2001) que « les formes, les niveaux et les stratégies de médicalisation continueraient de varier avec les changements technologiques, politiques et idéologiques et avec la complexité croissante des problèmes sociaux du XXIe siècle » (p. 231). Le nouveau DSM-5 témoigne de cette logique d’extension. La plus frappante est certes la pathologisation à grande échelle de la tristesse transformée en dépression. C’est le mouvement de plus en plus envahissant de la pathologisation de la vie quotidienne qui se voit mis en évidence (Adam, 2012, p. 160). D’ailleurs, ce constat de médicalisation avait déjà été posé par Conrad et Schneider (1980) à l’égard de l’homosexualité, du suicide ou de l’alcoolisme qui sont tous des « problèmes », qui initialement, ne relevaient pas du champ d’intervention médicale. De plus, l’extension du comportement addictif qui inclut désormais le jeu pathologique ouvre la porte à tous les objets possibles (sexe, travail, Internet, etc.). À cet effet, la définition même de l’utilisation « problématique » d’Internet en tant que « maladie » voire même de « pathologie », est un enjeu scientifique et psychosocial fondamental

49 dans la mesure où la conception et la définition d’une condition auront un impact direct sur la compréhension du phénomène, sur une définition qui influencera les lois, les mesures et les normes entourant un problème social ainsi que les types de services et de traitements à offrir ou à privilégier (Delcourt, 1991; Patte, 2006; Suissa, 2005). Selon Maddux (2002), la médicalisation de la « cyberdépendance » devient un possible dans la mesure où ce nouveau « problème » était à l’ordre du jour des rencontres scientifiques des différents experts et chercheurs travaillant dans le champ des dépendances. La théorie de la médicalisation nous permet de mettre en exergue les différents enjeux médicaux et sociaux entourant la construction des discours contemporains sur la « cyberdépendance ».

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Chapitre 3 : Démarche méthodologique

Le cadre théorique présenté dans le chapitre précédent rend explicites les théories sur lesquelles s’appuie notre travail d’élucidation. L’exposé de notre démarche méthodologie devrait convaincre le lecteur de la rigueur, de la scientificité et de la validité de l’étude. Pour ce faire, nous avons pris appui sur des méthodes précises de collecte des données et avons opté pour une analyse des données permettant de faire des liens entre la structure établie, la mise en forme privilégiée et le thème choisi. Pour ce faire, il sera donc question dans le présent chapitre d’expliciter : le type d’étude; la méthode de collecte des données; le choix des données formant le corpus documentaire; les stratégies de collecte et d’analyse des données; les mesures prises pour s’assurer de la qualité scientifique de l’étude; et finalement de faire part des limites de notre champ d’analyse. Tout d’abord, attardons-nous sur la perspective et l’approche méthodologique privilégiées pour cette étude.

3.1 Type d’étude

Cette recherche s’inscrit dans une perspective constructiviste puisqu’elle envisage la réalité d’un phénomène social comme étant un « construit », c’est-à-dire créé, objectivé et, par la suite, défini par la connaissance, les intérêts et les interventions de tous ceux qui y participent. Puisque notre étude porte sur l’émergence du phénomène de la « cyberdépendance » au Québec et au Canada, comme nouveau problème public, nous souhaitons mettre en lumière les différents acteurs sociaux, les discours, les stratégies de légitimation ainsi que les enjeux et les intérêts qui font partie de sa construction sociale, tout en faisant ressortir le niveau d’influence ou le poids exercé par ces différents acteurs.

À notre avis, les composantes et indicateurs privilégiés permettront, d’une part, de situer les acteurs dans la construction sociale de la « cyberdépendance »

51 comme problème public, et d’autre part, de mettre en lumière les spécificités des rapports de force dans ce contexte. Comme nous croyons que le problème se construit, se thématise, s’interprète et se définit à l’intérieur de différentes arènes publiques, ces dernières constituent donc des espaces essentiels de confrontation où se discutent les problèmes publics, selon des règles du jeu particulières apportant ainsi, chacune à leurs façons, des solutions pour « résoudre » ledit problème. Il convenait, donc, de mettre l’accent sur l’analyse des informations circulant dans les différentes arènes et de surveiller l’influence exercée dans les rapports de force entre ces différents acteurs; tout ça, dans le but de cadrer le problème et d’y prévoir des politiques d’intervention (Joly et Marris, 2001). À cet effet, nous avons sélectionné les trois arènes publiques qui se sont avérées les plus influentes dans la construction sociale de la « cyberdépendance », soient les arènes scientifique, psychosociale et médiatique. Deux principales raisons ont motivé le choix de ces trois arènes.

D’abord, c’est dans ces trois arènes particulières que, selon la recension de littérature publiée dans les quinze dernières années, nous avons observé une grande diversité de discours au sujet de l’utilisation jugée abusive d’Internet. De plus, nous présumons que ces trois arènes publiques s’influencent mutuellement : un aspect non négligeable d’unification dans notre recherche. Un autre point important concerne la multiplicité des apports fournis — toujours par les trois arènes — pour définir et solidifier la construction sociale du discours entourant la « cyberdépendance », ce sont les apports : des différentes propositions pour nommer ledit « problème »; de la richesse des diverses expertises; de la variété des reconnaissances discordantes du problème; de la spécificité des façons distinctes de diagnostiquer le problème et d’en classifier les symptômes. Tous ces chainons sont indispensables parce que chacun échafaude une partie de la construction du phénomène qu’on tente d’appeler la « cyberdépendance ». Mais, avant d’aborder plus en détail notre approche méthodologique, nous estimons à propos de présenter une description des trois arènes publiques retenues pour cette étude.

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Les trois arènes publiques influentes dans la construction sociale de la « cyberdépendance »

La première arène retenue est l’arène scientifique qui regroupe les discours exprimés par différents spécialistes qui contribuent à la construction de savoirs scientifiques. Cette arène est généralement reconnue — en sociologie des connaissances — comme étant l’une des principales sphères d’influence sociale qui régule, police et discipline la légitimation ou la marginalisation des savoirs relativement à des questions complexes, incertaines ou non définies (Knorr-Certina, 1981). Nous estimons que l’analyse de cette arène est primordiale, car les savoirs scientifiques posent des jalons théoriques qui sont régulièrement récupérés par divers groupes revendicateurs dans le but de faire cheminer leurs doléances respectives. La construction sociale de phénomènes « nouveaux » passe par cette arène qui constitue un véritable laboratoire de fabrication de faits scientifiques sur le phénomène à saisir, incluant son identification, sa classification et sa résolution. La construction de savoirs, c’est le pouvoir de définir ce qui est acceptable de ce qui l’est moins dans le processus de régulation sociale.

La deuxième arène, celle de l’intervention psychosociale, est le corollaire de la première. La légitimation de certains savoirs se traduit fréquemment en législations, réglementations ou politiques sociales diverses et, dans le cas qui nous intéresse, en protocoles d’intervention sociale. Les intervenants sociaux sont impliqués directement, mais à des degrés divers, dans cette construction sociale de la « cyberdépendance ». Depuis quelques années, ils sont très interpellés par une « nouvelle » clientèle en demande d’aide. C’est alors qu’en s’interrogeant sur l’émergence de ce nouveau phénomène, ils contribuent, à leurs façons, à devenir les « porte-paroles »31 de cette clientèle; ils écoutent les problèmes, des clients, les traduisent et prennent la parole en leur nom. Les psychologues, sexologues et

31 Le concept de « porte-parole » est emprunté à la théorie de l’acteur-réseau ou sociologie de la traduction de Michel Callon et de Bruno Latour, selon lequel toutes les entités humaines et non-humaines doivent être représentées dans les espaces de négociation à partir desquels les réseaux s’élaborent. Les « porte-paroles » rendent alors possible la prise de parole et l’action concertée. Dans Wikipédia l’encyclopédie libre. Repéré à https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_de_l%27acteur- r%C3%A9seau

53 travailleurs sociaux — chacun dans leur discipline respective — ont leur propre façon de concevoir la « cyberdépendance », c’est alors qu’on les verra chercher à imposer leur vision sociale, à s’arroger de nouveaux pouvoirs permettant d’élargir leur champ d’intervention. Dans cette arène, nous cherchons également à exposer le rôle des travailleurs sociaux dans la construction sociale de la « cyberdépendance ». Jouent-ils un rôle déterminant ou restent-ils en périphérie des autres corps professionnels dans cette construction?

La troisième arène est celle des médias. La diffusion de la notion de « cyberdépendance » passe aussi par l’investissement d’espaces ni scientifiques, ni psychosociaux, mais médiatiques où le discours des différents acteurs peut avoir des échos en contribuant à influencer l’opinion publique. Dans une société où les médias écrits, parlés ou électroniques prennent une place prépondérante dans la vie quotidienne des citoyens, il nous apparaissait essentiel d’interroger leur participation à la construction sociale de la « cyberdépendance ». Ainsi, la possibilité de recourir à des données médiatiques, pour étudier la construction sociale d’un pareil phénomène en émergence, constituait une voie à privilégier, car les médias sont souvent parmi les premiers à fabriquer collectivement une représentation sociale d’une situation. Nous avons aussi pensé que c’est dans les données médiatiques — où se configurent autant d’argumentations émises par un aussi grand nombre d’acteurs s’exprimant publiquement sur ledit problème — qu’on y trouve la voie la plus féconde pour étudier le processus de construction sociale. De par leur rôle d’informateurs, les différents médias, en traitant les faits ou les événements jugés « importants », contribuent, non seulement à les faire connaitre ou à les faire accepter de leurs lectorats, mais surtout à lancer le débat dans le grand public. Or, on peut dire que l’information consommée par le public est déjà construite par les médias, c’est-à-dire qu’elle a été transformée et structurée pour devenir la nouvelle (McCombs et Shaw, 1972). La manière dont on nomme, assemble et raconte un événement afin d’attirer l’attention du public sur le sujet, rend l’événement intéressant ou pas. Le modèle de la mise en agenda suppose que si les médias parlent d’un événement, leurs publics auront l’impression que l’événement est important, et qu’à l’inverse, s’il n’est pas

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médiatisé, c’est qu’il n’est pas important (McCombs et Shaw, 1972). Les médias suggèrent, pour ainsi dire, quoi penser en structurant et en dirigeant l’attention des publics. Par conséquent, il convient d’analyser la manière dont circule l’information sur la « cyberdépendance » pour ensuite être en mesure de constater comment le public ainsi que les acteurs des autres sphères sont influencés par l’information de ces différentes plateformes de la presse écrite (journaux et Web), audio et audiovisuelle.

La documentation de la construction sociale de la « cyberdépendance » au sein des trois arènes sélectionnées nous permet de répondre au premier objectif de notre étude qui consiste à mettre en lumière les discours et les pratiques qui participent à la construction sociale de la « cyberdépendance » et permet aussi de faire connaitre l’apport apporté par les différents acteurs dans la reconnaissance de la définition dudit problème au Québec et au Canada. De plus, ces arènes amènent des réponses quant au second objectif qui consiste à éclairer plus particulièrement le rôle des travailleurs sociaux dans la construction sociale de la « cyberdépendance ».

Jusqu’à présent, dans ce chapitre, nous avons explicité la stratégie de recherche que nous privilégions et notre choix de retenir trois arènes publiques pour examiner le processus de construction sociale de la « cyberdépendance », mais nous n’avons pas encore expliqué notre méthode de collecte de données, ni comment nous prévoyons les analyser. C’est ce sur quoi nous nous penchons dans les sections suivantes.

3.2 Méthodes de collecte de données et analyse des données

Puisque dans le cadre de cette recherche doctorale nous tentons de comprendre un phénomène social en construction, et dans l’optique de répondre à nos objectifs de recherche, nous avons estimé que l’analyse qualitative de données documentaires repérées au sein des arènes publiques s’avérait la plus pertinente comme méthode de collecte de données. À cet effet, comme le suggère Padgett

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(1998), il vaut mieux utiliser une démarche qualitative lorsque l’objet d’étude est peu documenté ou en émergence, comme c’est le cas pour la présente étude. De plus, l’analyse documentaire est une des méthodes les plus pertinentes à une étude qui, comme la nôtre, a comme objectif de rendre compte de certains changements sociaux en émergence et pour laquelle il n’est pas toujours possible de recueillir des témoignages directs, ou pour laquelle ces témoignages sont insuffisants. Souvent les seuls témoins d’activités particulières d’un passé récent, les documents écrits, audios ou audiovisuels constituent un accès privilégié à la mise en forme conceptuelle, théorique et pratique de « réalités » sociales dont la contemporanéité ne permet pas toujours d’obtenir un recul optimal de l’observateur (Cellard, 1997; Van Campenhoudt et Quivy, 2006, 2011). De plus, l’analyse documentaire offre, au chercheur, un large éventail d’informations utiles à la compréhension d’une panoplie d’interrogations aussi différentes les unes des autres. La recherche documentaire est une méthode appropriée pour qui s’intéresse à la compréhension, à l’analyse et à la description d’un processus de construction sociale comme celui de la « cyberdépendance ». Une telle méthode de collecte de données comporte, au plan méthodologique, quatre avantages stratégiques.

Premier avantage, l’analyse qualitative de données documentaires favorise l’observation du processus de maturation et d’évolution d’individus, de groupes, de concepts, de connaissances, de discours, de comportements, de mentalités et de pratiques (Tremblay, 1968); tout ceci pour aider à analyser l’émergence d’un phénomène en construction comme celui de la « cyberdépendance » et pour faire ressortir les rôles joués par les travailleurs sociaux dans cette construction au Québec et au Canada.

Deuxième avantage, l’analyse qualitative de documents accorde de l’importance aux différentes significations du document analysé. Qu’elles soient implicites ou explicites, le chercheur se doit de dégager des lignes directrices du document pour ensuite les analyser, les comparer, les articuler de manière à créer un

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agencement logique, une structure particulière qui lui permettra de formuler des explications plausibles et cohérentes face à son objet d’étude (Deslauriers, 1991).

Troisième avantage, cette forme d’analyse permet aisément d’identifier les différents acteurs sociaux concernés, de repérer leurs discours, leurs positions et leurs stratégies utilisées pour se défendre.

Quant au quatrième et dernier avantage, l’analyse documentaire offre la possibilité d’effectuer une collecte de données relativement rapide, ce qui permet, en retour, de consacrer plus de temps à l’analyse du matériel recueilli et d’éviter l’écueil de la désirabilité sociale qui peut teinter, par inadvertance, des entrevues semi- dirigées ou la passation de questionnaires (Van Campenhoudt et Quivy, 2006, 2011).

Le prochain point présente notre corpus documentaire sur le plan des critères de sélection et de sa composition.

3.3 Corpus documentaire

3.3.1 Critères de sélection

L’étude du processus de construction sociale de la « cyberdépendance » nous amène à utiliser un éventail diversifié de sources documentaires. Le terme document signifie l’ensemble des éléments matériels ou immatériels qui nous informe sur les phénomènes sociaux (Loubet del Bayle, 1986). En ce qui nous concerne, l’information analysée provient de documents écrits, audios et audiovisuels. La collecte de données documentaires s’effectue de manière à localiser les sources documentaires les plus susceptibles de fournir des données riches en information par rapport au phénomène étudié. Afin de délimiter précisément le corpus, les documents sont choisis en fonction de critères bien précis tels que la diversité des sources, la

57 représentativité des acteurs, la durée d’existence du phénomène et le processus de collecte des données.

Premièrement, en optant pour l’analyse documentaire comme approche méthodologique, nous avons l’avantage, pour constituer notre corpus documentaire, d’avoir accès à une diversité significative de sources documentaires provenant des différentes arènes sélectionnées. Précisons que de manière à se prémunir contre un choix sélectif du matériel analytique de base et à garantir une diversification adéquate dudit matériel, une attention particulière a été portée au repérage du panorama le plus complet des sources de construction sociale dans chacune des arènes étudiées, et à la localisation de constructions sociales marginales (cas négatifs) au sein de vecteurs d’influence situés en marge des discours dominants (ex. : petites maisons d’édition, revues scientifiques indépendantes, blogues, éditoriaux et autres textes d’opinion, groupes d’intérêts dissidents, etc.). Il est à noter que les sources documentaires retenues comme matériel empirique dans le cadre de cette étude proviennent d’un ou des auteurs québécois ou canadiens, et ce, dans les deux langues officielles : anglais et français.

Deuxièmement, entreprendre une recherche documentaire demande de se constituer un corpus satisfaisant. Pour ce faire, le chercheur doit épuiser toutes les pistes susceptibles de fournir des informations intéressantes. Puisque l’objectif de cette recherche est de présenter l’évolution et l’état du travail des acteurs sociaux concernant la construction sociale de la « cyberdépendance », la question de la représentativité est particulièrement importante dans ce cas-ci. Ainsi, nous avons pris en considération tous les documents provenant du Québec et du Canada. Toutefois, comme le chercheur constructiviste agit comme expert il est, comme les autres acteurs sociaux, une composante de la construction du problème social. Par conséquent, tous les documents, publiés par l’auteure de cette recherche, ont été exclus de la présente étude (ex. : articles scientifiques, professionnels, communications, etc.).

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Troisièmement, nous avons circonscrit le processus de l’analyse des données documentaires de la construction sociale de la « cyberdépendance » dans un cadre temporel bien défini. Pour ce faire, nous sommes remontées dans le temps sur l’intervalle le plus long possible afin d’obtenir tous les discours sur la dépendance à Internet, tant au Canada qu’au Québec. Puisque l’année 1996 marque l’émergence du « problème », il va sans dire que notre documentation s’étend sur une vingtaine d’années, pour prendre fin en 2013.

Quatrièmement, afin de rassembler l’ensemble des documents pertinents extraits des différentes sources d’information, différents mots clés, associés au thème abordé dans cette recherche et préalablement identifié dans notre recension des écrits, ont été utilisés tels que : cyberdépendance, dépendance à Internet, utilisation inappropriée d’Internet, utilisation problématique d’Internet, utilisation pathologique d’Internet, utilisation excessive d’Internet, cyber addiction, Internet addiction, Internet addicts, use problematic Internet, use pathological Internet, etc. Malgré la multitude de termes employés pour parler de ce phénomène, nous avons constaté que les termes francophones « cyberdépendance » ou « dépendance à Internet » ainsi que les termes anglophones « Internet addiction » ou « Internet addicts » ont donné le plus grand nombre de résultats lors de nos recherches.

3.3.2 Composition du corpus documentaire

Nos recherches, parmi 128 périodiques électroniques, ont permis de retenir quinze revues scientifiques et neuf revues professionnelles. Notre recherche documentaire s’est effectuée dans plusieurs bases de données telles que le Centre québécois de documentation en toxicomanie, le Centre de toxicomanie et de santé mentale, Erudit, Google Scholar, PsycINFO, MEDLINE with Full Text (EBSCO), SOCINDEX, Social Work Abstracts, ERIC EBSCO, Psychology and Behavioral Sciences Collection, CINHAL Plus with Full Text, BDSP.

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L’arène scientifique est constituée de l’analyse de différentes sources documentaires traitant de la problématique de la « cyberdépendance » telle que des articles scientifiques, des monographies, des rapports scientifiques et gouvernementaux, des communications de colloques et de congrès scientifiques, des essais ou des mémoires de maitrise et des thèses de doctorat. Comme mentionné précédemment, quinze revues scientifiques ont été retenues (25 articles) aux fins d’étude et elles proviennent principalement des disciplines suivantes : psychologie, psychiatrie, médecine, santé mentale, sociologie, éducation et toxicomanie. Ces articles ont permis de documenter la manière dont les différents chercheurs conceptualisent la « cyberdépendance ». De plus, six monographies québécoises concernant l’utilisation d’Internet et ses différentes applications ont été ciblées afin d’apporter un éclairage différent à ladite problématique. Quatre rapports scientifiques rédigés par des chercheurs québécois ont également retenu notre attention. Ces rapports font état de la littérature sur le sujet et proposent certaines pistes de définition et de recherche. De plus, un guide de formation et d’intervention sur la « cyberdépendance », particulièrement utile, a été retenu pour deux arènes (scientifique et psychosociale). Ce guide a permis d’analyser la manière dont les chercheurs québécois conceptualisent la « cyberdépendance » et la façon dont ils orientent l’intervention auprès de la clientèle qui s’en dit « victime ». S’ajoutent à notre corpus documentaire, différents résumés ou communications (5) présentées dans des colloques ou des congrès scientifiques reliés aux dépendances. Finalement, à partir des sites « Proquest Dissertations & Theses », « Portail Thèses Canada » et « Open Thesis », nos recherches ont permis d’avoir accès électroniquement à une grande bibliothèque d’essais, de mémoires et de thèses.

Afin de répondre au second objectif de cette étude — qui est d’explorer le rôle joué par les travailleurs sociaux —, des recherches supplémentaires ont été réalisées à partir d’autres bibliothèques universitaires québécoises offrant un programme en service social. Ces universités sources sont les suivantes : Université du Québec à Chicoutimi, Université du Québec à Montréal, Université du Québec en Outaouais, Université du Québec à Trois-Rivières, Université de Montréal, Université McGill,

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Université de Sherbrooke et l’Université Laval. Nous avons retracé sept essais et mémoires de maitrise dans les disciplines du service social, certes, mais également dans le domaine de l’éducation, de l’orientation, de la communication, de la psychologie ainsi que deux thèses de doctorat, en psychologie et en art et science. Cette cinquantaine de documents précités contribue à la constitution d’un corpus de connaissances scientifiques sur la « cyberdépendance » et totalise 1776 pages.

Sur le plan documentaire, l’arène psychosociale a, pour sa part, généré un matériel composé de neuf revues professionnelles (12 articles) s’adressant aux intervenants en dépendance, en intervention sociale, en médecine, en psychologie ou en santé mentale. De plus, quelques autres revues professionnelles — s’adressant à d’autres types de professionnels comme ceux de l’information et de la communication, de la comptabilité ou du marketing — ont été retenues, car elles traitaient de la problématique de « cyberdépendance ». L’intérêt d’ajouter des revues professionnelles à notre corpus documentaire vient du fait qu’elles sont réservées à un public restreint — seulement les professionnels à qui elles sont destinées. Cette documentation particulière a permis d’observer de quelles manières chaque domaine professionnel participait à construire ou à propager le thème de la « cyberdépendance » auprès de leurs pairs, et nous donnait, par le fait même, la possibilité d’identifier des pistes d’intervention convenant à leur corps professionnel respectif. Dans la même veine, sept sites gouvernementaux ou professionnels ont publié des dossiers sur le sujet, nous les avons colligés. Certains bulletins ou journaux d’information en version électronique de divers organismes (ex. : santé mentale, jeune, toxicomanie, éducation, etc.) ou université (L’Écho-Toxico de l’Université de Sherbrooke) ont été retenus (total de 14). Les articles publiés dans les bulletins ou les journaux d’information sont écrits par différents intervenants sociaux, notamment des travailleurs sociaux, et ciblent des enseignants, des proches aidants de personnes atteintes d’un trouble de santé mentale, des jeunes et des étudiants. Ils traitent tous de prévention de la « cyberdépendance ».

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Outre les articles publiés dans les revues professionnelles ou les sites Internet susmentionnés, nous avons aussi analysé deux matériels de formation : a) le matériel distribué par l’Association des intervenants (es) en toxicomanie du Québec (AITQ) et s’adressant à l’ensemble des intervenants œuvrant dans le domaine des dépendances, b) le matériel distribué lors d’un atelier tenu dans un colloque en santé mentale par la psychologue québécoise Marie-Anne Sergerie. De plus, nous avons retenu pour analyse un guide d’intervention en « cyberdépendance » publié par l’Institut universitaire sur les dépendances — le Centre Dollard-Cormier — qui offre, aux intervenants en dépendances, certaines balises concernant l’intervention auprès des personnes « cyberdépendantes ». Un guide d’autotraitement issu du centre TechAddiction a également fait l’objet d’analyse, car il est le seul guide de ce genre à exister à notre connaissance au Canada. Finalement, plus d’une vingtaine de communications, prononcées dans différents colloques professionnels au Québec, ont été trouvées sur Internet et font partie de notre corpus documentaire. Ces communications ont été faites par des intervenants en toxicomanie, des intervenants sociaux, des travailleurs sociaux, des agents de planification et de recherche en santé publique, des professionnels de recherche, des infirmières et des psychologues. À partir de ces données, nous avons exploré le rôle des différents intervenants sociaux, et plus particulièrement celui des travailleurs sociaux, dans la construction de connaissances et de pratiques d’intervention quant au phénomène de la « cyberdépendance ». Ces 56 documents totalisent 844 pages de données brutes.

Finalement, le matériel empirique issu de l’arène médiatique s’est construit par le biais de productions journalistiques provenant de plateformes diversifiées tant écrites, audiovisuelles et audios que par le truchement du Web. De plus, quelques productions audiovisuelles sur le site d’hébergement de vidéos YouTube ont été retenues, car elles abordaient la problématique de la « cyberdépendance ». Plus précisément, en ce qui concerne la couverture générale de la « cyberdépendance », nous avons retenu et analysé 290 articles de presse publiés dans vingt-trois quotidiens francophones et anglophones, 40 entrevues produites dans sept médias de masse provenant de la presse audio et audiovisuelle et deux par le truchement du Web. Pour

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ce faire, la liste des journaux canadiens retrouvée sur le site Wikipédia (Wikipédia, 2011) fut mise à contribution. Cette liste énumère des journaux nationaux, régionaux et locaux de toutes les provinces canadiennes. Parmi les 154 sites de journaux canadiens et québécois dépouillés, nous en avons retenu vingt-trois pour cette recherche32. Notre choix se justifie par deux principales raisons. Tout d’abord, pour faciliter notre recherche, nous avons ciblé les journaux possédant un site Internet et un moteur de recherche et nous avons complété avec les moteurs de recherche Eureka et EBSCO. Ensuite, nous avons sélectionné les articles traitant de la « cyberdépendance » dans chaque journal ciblé, après quoi, nous avons éliminé tous les articles qui se dédoublaient.

En ce qui concerne le matériel audio et audiovisuel, nous avons fait notre recherche à l’aide du moteur de recherche Google afin de cibler les différentes chaines de télévision ou de radio ayant abordé le sujet de la « cyberdépendance » dans le cadre de bulletins de nouvelles ou d’émissions. Ainsi, six différentes chaines de télévision ou de radio (TVA, Radio Canada/CBC/RCI, CTV News, Global News, CityNews, V) ainsi que deux portails d’actualité sur le Web (Canoë, Sympatico) ont été retenus dans le cadre de cette recherche. Nous justifions notre choix de retenir le portail d’informations Canoë, car il est un chef de file sur Internet au Canada, tant sur la scène locale que nationale (Wikipédia, 2015)33 alors que Sympatico34, créé en 1995, était, à l’origine, une marque d’envergure nationale. Nous avons complété notre collecte de données avec la plateforme « YouTube », un site Web consacré au média vidéo. YouTube est un service gratuit de partage de vidéos en ligne permettant à tous les utilisateurs de découvrir, de visionner et de partager des créations vidéos originales. En 2015, le site YouTube confirme avoir plus d’un milliard d’utilisateurs par mois sur son site, ce qui en fait le site le plus populaire au monde (YouTube, 2015). Afin de vérifier si le sujet est abordé sur YouTube, nous avons lancé une recherche générale en utilisant trois termes soient « cyberdépendance » (574

32 Voir le Tableau 4 aux pages 65 et 66 pour la liste complète des médias retenus aux fins de cette étude. 33 Créé en 1996, Canoë est un portail électronique québécois bilingue, propriété de la société Quebecor Media. Dans Wikipédia l’encyclopédie libre. Repéré à https://fr.wikipedia.org/wiki/Cano%C3%AB 34 Est une marque de service d’accès à Internet offerte par Bell Canada et ses filiales NorthernTel, Télébec et NorthwesTel. Il s’agit de la marque de service d’accès à Internet la plus populaire au Canada avec 1 800 000 abonnés en 2006. Dans Wikipédia l’encyclopédie libre. Repéré à https://fr.wikipedia.org/wiki/Bell_Internet

63 résultats), « Internet addiction » (146 000 résultats) et « Internet addicts » (186 000 résultats). Nous avons constaté que ce sujet est amplement abordé sur cette plateforme. Dans un deuxième temps, nous avons raffiné notre recherche afin d’obtenir, d’abord, uniquement du matériel disponible pour visionnement public (sans avoir besoin de s’abonner) et, ensuite, avons identifié les produits québécois et canadiens. À cet effet, nous avons retenu aux fins d’analyse des émissions diffusées sur certaines chaines de télévision, des conférences données par des intervenants sociaux et des clips d’information, de sensibilisation ou de prévention faits par des cégépiens et des universitaires sur le thème de la « cyberdépendance ». L’analyse de la couverture médiatique de la « cyberdépendance » vient aussi contribuer à la construction collective dudit problème puisque la manière dont l’information est traitée, publiée et diffusée auprès de la population vient influencer l’interprétation que le public peut avoir du phénomène. Nos recherches nous ont permis de récolter 290 articles de presse et 312 minutes d’audio et d’audiovisuel traitant de la « cyberdépendance », et ce, en provenance de sept provinces canadiennes soit : l’Alberta, la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard, l’Ontario, le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador.

Le Tableau 4 fournit un aperçu des différents documents qui composent ce corpus documentaire.

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Tableau 4

Corpus documentaire dans les différentes arènes publiques

Arènes publiques Corpus documentaire Scientifique Revues scientifiques : Alcoologie et Addictologie; Canadian Family Physician; Canadian Medical Association/Journal de l’Association médicale canadienne; Computers & Education; Computers in Human Behavior; CyberPsychology & Behavior; Journal of Personality and social Psychology; Nouvelles pratiques sociales; Personality and Individual Differences; Psychotropes; Revue québécoise de psychologie; Sociologie et sociétés; The Canadian Journal of Psychiatry. Monographies : Hervé Fisher (2001). Le choc du numérique; Marc-Yvan Coulombe (2003). Les dangers du clavardage; Jean-Pierre Rochon (2004). Les accros d’Internet; Serge Proulx (2004). La Révolution Internet en question; Amnon Suissa. (2005). Le jeu compulsif. Vérités et mensonges; Aurèle St-Yves (2011). Les dépendances en question. Articles : Madeleine Pastnielli (2003). Aller-retour du soi entre deux mondes. Pour une relecture des liens entre le réel et le virtuel dans les pratiques de sociabilité électronique. Rapports scientifiques et gouvernementaux : La cyberdépendance : Fondements et perspectives du Centre québécois de lutte aux dépendances (2006); La cyberdépendance. État des connaissances, manifestations et pistes d’intervention. Montréal (Québec) : Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances. (2011); Les effets des technologies Internet sur les relations entre parents et les adolescents dans les familles québécoises de la Direction de la santé publique de Montréal (2009); Les préoccupations et les impacts associés à l’utilisation d’Internet dans les milieux des jeunes d’âge scolaire. Direction de la santé publique et l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal (2011). Communications de colloques et de congrès : Rond Point Montréal (2010); Congrès Prévenir et traiter les addictions sans drogue : un défi sociétal (résumé de présentation), Nantes (2010); Conférence PAC 2005, Questions de substance 2009 et 2011(résumé de présentation). Productions scientifiques : Essais Cliche (2001). Internet peut-il être considéré comme un objet de dépendance? Faculté des sciences de l’orientation, Université Laval, Québec; Landry (2001). Internet et relations interpersonnelles. École de psychologie, Université Laval, Québec; Sergerie (2005). Internet : quand l’utilisation devient problématique. Département en psychologie, Université du Québec à Montréal, Québec; Brisebois (2011). Utilisation inappropriée d’Internet et service social. Département en service social, Université de Sherbrooke. Mémoires de maitrise : Fortin (2006). Recherche exploratoire : le lien social et la dépendance aux jeux vidéos en ligne. Département de Communication, Université du Québec à Montréal; Pineault (2008). La dépendance à Internet et aux jeux de rôle en ligne chez les adolescents. Quand l’identité virtuelle prend toute la place. Faculté des sciences de l’éducation, Université Laval, Québec; Beaulieu (2012). Les déterminants du processus de recherche d’aide des personnes cyberdépendantes. École de service social, Université Laval, Québec. Thèses de doctorat : Davis (2003). Problematic Internet Use: Structure of the Construct and Association with Personality, Stress, and Coping. Département de psychologie, York University, Toronto, Ontario; Taylor (2008). Adolescents problem gambling: relationship with affect regulation, internet addiction, and problematic video game playing. Faculté des arts et des sciences, Trent University, Peterborough, Ontario.

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Tableau 4

Corpus documentaire dans les différentes arènes publiques (suite)

Arènes publiques Corpus documentaire Psychosociale Revues professionnelles (12 articles) : Computing Canada (1); Canadian Healthcare Manager (1); CMA Magazine (1); L’Intervenant (2); Psychologie Québec (2); Medical Post (3); Québec Français (2). Sites gouvernementaux et professionnels (8 articles) : Alberta Éducation; CASA; Cyberdépendance.ca; lacyberdépendance.fr; Ministère des Services gouvernementaux (bulletin d’information e-Veille); Psycho ressources; Pynternaute.com; Redpsy.com; TechAddiction.ca. Guides d’intervention, de formation et d’autotraitement : La cyberdépendance. État des connaissances, manifestations et pistes d’intervention de l’Institut universitaire sur les dépendances (2011); La cyberdépendance : quand la passion des écrans tourne à l’obsession. Association des intervenants (es) du Québec (2012); The Computer, Internet and Video Addiction Workbook du Centre TechAddiction (2009). Conférences et colloques professionnels (20) : Agemce de la santé et des services sociaux de Montréal, Direction de la santé publique; Association des intervenants en toxicomanie du Québec (9); Atelier de formation : Journée Roland Saucier (1); Centre André-Boudreau (1); Centre de réadaptation en dépendance et santé mentale de l’Estrie (1); Colloque régional sur les dépendances en Outaouais (2); Centre de réadaptation en dépendances Le Tremplin (1); Centre Dollard-Cormier (2); Faculté de médecine et de sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke et Centre Dollard-Cormier — Institut universitaire en dépendance (3). Bulletins internes (13 articles) : CrossCurrents du Centre de toxicomanie et santé mentale (3); L’écho-Toxico le bulletin des programmes d’études et de recherche en toxicomanie de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke (3); La route de Sam de l’Association canadienne pour la santé mentale; Network de l’Association canadienne en santé mentale (1); Optima Santé globale (1); Oxygène d’ALPABEM (1); Toxicoréseau du Centre Dollard-Cormier (1); Université de Montréal (1); Université de Moncton (1); Chronique Jeunes en société de Desjardins (1). Médiatique Presses écrites : Ontario : Huffington Post; L’Express; Le Droit; National Post; Toronto Star; The Globe and Mail. Québec : Journal du Québec; Journal de Montréal/Rue Frontenac; La Nouvelle Union; La Presse; La Tribune; La Voix de l’Est; Le Devoir; Le Quotidien/Progrès Dimanche; Le Soleil; Reflet de Société. Nouveau-Brunswick : Acadie Nouvelle. Alberta : Red Deer Advocate; Winnipeg Free Press. Colombie-Britannique : Vancouver Sun. Terre-Neuve : The Telegram. Presses audios/audiovisuelles : CBC/RCI; CTV; City News; Global News; Radio-Canada (Québec, Île-du-Prince-Édouard, Nouveau-Brunswick); TVA; V. Sites Internet : Canoë; CNW Telbec; Sympatico; YouTube.

En résumé, la collecte de données aura permis de retenir plus de 2838 pages de documentation de même que 312 minutes de matériel audio et audiovisuel.

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3.4 Analyse des données

D’entrée de jeu, nous sommes conscientes qu’il n’existe pas de méthode d’analyse qui soit supérieure à d’autres. Cependant, nous jugeons que certaines méthodes d’analyse sont plus utiles pour circonscrire le phénomène que nous cherchons à comprendre. En fait, les caractéristiques de notre sujet d’étude et les objectifs spécifiques que nous avons retenus dans le cadre de cette recherche doctorale nous ont fait opter pour l’analyse de contenu. À notre avis, elle constituait la méthode la plus appropriée pour l’examen de données documentaires. Cette méthode permet de sélectionner et d’interroger, de façon détaillée, certaines informations non directement perceptibles lors d’une première lecture du matériel recueilli. De plus, ce type d’analyse scientifique nous a permis de faire ressortir, certes, le contenu manifeste de ce qui a été ouvertement écrit, mais également le non- dit, l’« au-delà » (Mucchielli, 1979, cité dans Mayer et Ouellet, 1991, p. 480). Il y a toujours un contenu latent qui se cache derrière les mots et les phrases écrites, nous rappelle Cellard (1997), mais au premier abord, même si un document semble peu bavard, demeurant même sourd face aux interrogations supplémentaires du chercheur, il faut savoir le décoder, aller voir sous et derrière les mots. Mais, attention, c’est dans ce côté souterrain que ce type d’analyse laisse souvent place à une part d’appréciation intuitive de la part du chercheur (Loubet del Bayle, 1986), il faut donc éviter de tomber dans le piège de l’interprétation pure et simple. À cet effet, Van Campenhoudt et Quivy (2006, 2011) attirent notre attention sur le recul nécessaire que doit prendre le chercheur, concernant son analyse de contenu afin d’éviter les interprétations trop spontanées des autres et en particulier, les siennes. Mucchielli (2006) abonde dans le même sens; pour lui, « la perception des informations est filtrée, amputée, déformée par toute une série de sélections et d’interprétations […] et au bout du compte, une analyse de contenu vaut ce que valent ses catégories » (p. 17). Nous savons que l’idéal serait de ne pas utiliser ses propres repères idéologiques ou normatifs pour juger ceux des autres, mais qu’il faudrait plutôt bien les analyser à partir de critères précis, nous en avons tenu compte (Van Campenhoudt et Quivy, 2006, 2011).

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Les méthodes d’analyse de contenu peuvent prendre trois formes différentes — structurales, formelles, thématiques — selon que l’étude porte principalement sur des faits, des concepts ou des unités sémantiques. L’analyse structurale s’intéresse surtout à la manière dont les éléments du message sont agencés, de façon à y déceler les aspects sous-jacents et implicites du message. L’analyse formelle s’attache surtout à étudier des concepts décrits formellement; il faut pour cette forme d’analyse, au départ, que les concepts et le contexte soient complètement définis parce que l’analyse s’arrête sur la forme et l’enchainement du discours déjà conçu. Finalement, l’analyse thématique vise à repérer des thèmes, des unités sémantiques, peu importe si elles portent un jugement, une connotation affective ou tout simplement une information. L’idée est de repérer ces thèmes et de les catégoriser. Cette méthode permet de mettre en lumière les représentations sociales des locuteurs de même que leurs jugements à partir de certains éléments constitutifs du discours; c’est exactement un des buts de notre recherche. Comme on peut le voir, les trois variations sont très différentes les unes des autres et ne sont pas interchangeables (Paillé et Mucchielli, 2003; Van Campenhoudt et Quivy, 2006, 2011).

Parmi ces trois types d’analyse de contenu, deux nous ont semblé adéquates pour répondre à nos objectifs de départ : l’analyse thématique et l’analyse structurale. L’analyse thématique a deux fonctions principales : une fonction de repérage et une fonction de catégorisation des documentations (Paillé et Mucchielli, 2003). Le repérage a permis de relever tous les thèmes pertinents, en lien avec les objectifs de notre recherche, de les présenter et de les valider. La deuxième fonction est allée plus loin : elle consistait en la capacité de documenter et de faire ressortir l’importance de certains thèmes. Ainsi, elle a permis de relever les cooccurrences et de dégager les associations entre les différents thèmes tout en informant, en conséquence, sur les structures mentales et idéologiques des différents acteurs sociaux impliqués dans la construction sociale de la « cyberdépendance » au Québec et au Canada. Pour notre étude, l’analyse de type structural a permis spécifiquement : d’étudier un phénomène social, celui de la « cyberdépendance »; de s’intéresser à des discours; d’agencer les éléments de leurs messages; et, par la suite, d’y déceler les aspects sous-jacents et

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implicites pour ensuite en extraire un message plus dominant. Par cette méthode, on cherche, habituellement, à repérer, à comprendre et à expliquer un processus en état de changement, c’est le cas pour notre étude. Ce ne sont pas les faits en eux-mêmes qui étaient importants, mais bien la manière dont ils ont été perçus et interprétés. En somme, on pourrait dire, plus spécifiquement, que nous avons effectué une analyse de contenu directe parce qu’elle consistait à interpréter le sens de certains éléments du discours (stratégies, intérêts, enjeux), à expliquer leurs fréquences et à déchiffrer leurs agencements, et ce, dans le but de saisir l’état d’esprit des acteurs, leurs intentions, leurs représentations, leurs stratégies et les enjeux qui les animent (Aktouf, 1987).

Notre matériel empirique a été soumis à la méthode d’analyse de contenu dite « classique » (Bardin, 2007; Loubet del Bayle, 2000; Miller et Crabtree, 1999). Notre protocole d’analyse comportait trois étapes : la codification, le traitement et l’analyse du matériel, et l’interprétation. Tout d’abord, la première étape fut la codification (construction de l’arbre des thèmes), ce qui a permis de définir des catégories générales et spécifiques inspirées des thèses de la construction des problèmes sociaux. Ainsi, pour chacune des arènes à l’étude nous avons retenu quatre grands thèmes principaux : les acteurs, les discours, les enjeux et les stratégies de légitimation; ces thèmes ont servi de base à notre analyse. La deuxième étape consistait à l’exploitation du matériel, c’est-à-dire à traiter ledit matériel. Précisons que tout au long de l’étape de codification, notre arbre s’est construit progressivement. Ainsi, à partir des interactions des données recueillies et de notre analyse, nous avons procédé à des fusions, des subdivisions, des regroupements pour que cet arbre se parachève à la toute fin de l’analyse du corpus. La troisième et dernière étape de notre protocole d’analyse fut l’interprétation des données recueillies. Étant donné le caractère itératif et rétroactif de la recherche qualitative, cela nous a permis, en cours de route, de revenir sur les étapes précédentes (ex. : encodage, catégorisation, etc.) (Deslauriers et Kérisit, 1997; Mucchielli, 2005).

Sur un plan plus technique, notre choix s’est arrêté sur le traitement informatique des données en utilisant le logiciel d’analyse de données qualitatives

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NVivo (version 10). Ce logiciel est conçu pour aider les chercheurs dans la gestion de différentes sources de données et il aura rendu possibles l’organisation et l’analyse en profondeur du matériel empirique recueilli pour cette étude.

3.5 Les mesures prises pour garantir la qualité scientifique de l’étude

Drapeau (2004, p. 80) pense que la « valeur d’une recherche scientifique est en grande partie dépendante de l’habileté du chercheur à démontrer la crédibilité de ses découvertes »; cela est vrai autant dans un contexte de recherche quantitative que dans le cas qui nous concerne, voire une étude de type qualitative. Il n’existe pas de consensus sur les critères de validité des données qualitatives (Guba et Lincoln, 2005; Whittemore, Chase et Mandle, 2001) et la qualité scientifique d’une recherche ne dépend pas du type d’échantillon ni de la nature des données quantitatives ou qualitatives, mais du fait qu’elle est dans l’ensemble bien « construite »35 (Pires, 1997, p.113). De plus, la qualité et la validité d’une recherche tiennent, en bonne partie, aux précautions d’ordre critique prises par le chercheur. Il faut surtout qu’un chercheur s’assure : de la crédibilité, fiabilité, proximité et profondeur de l’information; de la diversité des sources utilisées; des corroborations permettant de dégager une image cohérente du phénomène à l’étude; et des recoupements donnant de la profondeur, de la richesse et de la finesse à son analyse (Cellard, 1997; Pires, 1997). C’est ce que nous nous sommes efforcées de garantir dans notre ouvrage.

De plus, nous avons respecté les critères d’analyse critique et d’intégrité. Ces deux critères font référence, d’une part, à l’exercice de la réflexivité qui permet l’autocritique — cette capacité du chercheur à continuellement se questionner et à remettre en question son interprétation des données — et d’autre part, à l’évaluation de son honnêteté, voire son humilité, lorsque vient le temps de présenter les résultats issus de son étude (Ambert et coll., 1995 cités dans Witthemore et coll., 2001; Mucchieilli, 2005). On fait notamment référence à sa capacité de contextualiser les

35 Cette expression est empruntée à Bourdieu (1992, p. 57, cité dans Pires, 1997).

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résultats de son étude en tenant compte des forces, des limites et des biais en présence, des hypothèses explicatives alternatives et des données extrêmes pouvant émerger (Witthemore et coll., 2001). C’est la nécessité de demeurer observateur de la construction et de ne pas prendre position. Le chercheur ne doit pas être influencé par son propre jugement. Il doit s’assurer de décrire le plus fidèlement possible les moyens utilisés par les acteurs sociaux pour définir une situation en tant que problème. Dans notre étude, même si nous retraçons le processus de construction sociale de la « cyberdépendance », nous nous sommes assurées, d’une part, de ne pas faire partie de notre propre corpus documentaire en excluant nos propres travaux de recherche (publications, communications, etc.) et d’autre part, d’employer le regard externe de la directrice de recherche tout au long du processus d’analyse et de rédaction de cette thèse afin de repérer les glissements possibles dans l’argumentaire.

Enfin, les résultats issus de cette étude ont été réajustés, discutés et validés au fur et à mesure de leur mise en forme et ils ont été confrontés aux écrits les plus actuels s’y apparentant, et ce, chaque fois que cela a été nécessaire. Ce souci, d’être à jour et de confronter nos analyses aux données les plus récentes en la matière, a été maintenu tout au long de l’étude.

3.6 Les limites et lacunes de la méthodologie privilégiée

À l’instar de toute démarche de recherche, l’analyse documentaire, comme toute autre technique, comporte des limites évidentes. Même si de nombreuses précautions ont été prises en vue d’assurer la rigueur scientifique de la présente étude, il n’a pas été possible de contrôler tous les biais qui peuvent avoir influencé la nature ou l’analyse des données colligées. Nous avons identifié cinq limites. Comme nous étudions un phénomène en construction, la première limite de cette étude se situe sur le plan de la sélection des données documentaires. Même si des efforts considérables ont été déployés pour assurer une diversité des discours sur la problématisation de la « cyberdépendance » autant par la sélection des mots clés que par la multiplicité de

71 sources documentaires utilisées lors de notre recherche, il n’en demeure pas moins que malgré ces précautions peu de discours minoritaires ont émergé de cette recherche documentaire. Par ailleurs, tout en nous assurant de cette diversité des sources, nous avons dû faire face à une deuxième limite méthodologique soit celle de l’exhaustivité du matériel empirique. Tel que nous l’avons mentionné plus haut, nous avons recueilli plus de 2838 pages lors de notre collecte de données; et de plus, l’analyse et l’interprétation de ces données nous ont donné plus de 400 pages d’analyse, mais nous avons été dans l’obligation de faire des choix méthodologiques en retranchant près de la moitié du contenu de ces analyses pour ensuite tenter de les circonscrire au maximum pour en dégager l’essentiel. Nous nous sommes tout de même assurées que cette opération de retranchement ne vienne altérer en rien nos résultats analytiques.

De plus, une troisième limite observée concerne le petit nombre de documents recueillis, en provenance du reste du Canada, traitant de la problématique à l’étude. Nous présumons qu’il existerait peu de documentation sur le sujet de notre étude dans le reste du Canada. Dans un premier temps, une bibliothécaire expérimentée est venue confirmer notre soupçon à savoir que la documentation dans le reste du Canada sur ce sujet est presque inexistante et que cela n’était pas attribuable à nos techniques de recherche. Dans un deuxième temps, lors d’une formation suivie sur la « cyberdépendance » et offerte par la psychologue, chercheuse et professeure à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke Magali Dufour (mars 2012), nous avons observé qu’elle abondait dans le même sens et arrivait à la même conclusion que nous.

La quatrième limite de notre méthodologie se situe au niveau du choix d’analyser des données documentaires. Si l’analyse documentaire élimine, en partie, la dimension de l’influence qu’exercerait la présence ou l’intervention du chercheur (difficilement mesurable), sur le sujet, il n’en demeure pas moins que le document constitue un instrument dont le chercheur n’est pas maitre (Cellard, 1997, p. 252). L’information circule en sens unique, le document est peu bavard. Le chercheur ne

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peut exiger de lui des précisions supplémentaires. Le chercheur doit s’assurer de comprendre adéquatement le sens du message et il lui faudra parfois se contenter de ce qu’il a en main : des fragments, des passages difficiles à interpréter, un article rempli de termes et de concepts mal définis, etc. (Cellard, 1997, p. 252). C’est donc en raison de ces limites importantes que nous avons pris un certain nombre de précautions lors de l’analyse des documents. Tout d’abord, une lecture répétée du matériel a été effectuée afin d’y faire émerger les liens entre les faits construits et les éléments d’information qui semblaient de prime abord étrangers les uns aux autres (Deslauriers, 1991, p. 79). Une réflexion approfondie et une maturation de certaines idées ou suppositions ont mené à la construction d’explications plausibles et à la capacité d’explorer plusieurs pistes théoriques, et ce, en ne négligeant pas les remises en question. Afin d’alimenter notre réflexion, nous avons opté pour l’utilisation d’un journal de bord (ou carnet de recherche) pour y consigner les observations, les réflexions et les interrogations, et ce, tout au long de la collecte, de l’analyse et de l’interprétation des données. D’ailleurs, pour Deum (2004), le journal de bord constitue un support d’information qui a une portée à la fois rétroactive et proactive. En plus du soutien constant de la directrice de thèse, nous avons eu à maintes reprises des discussions avec d’autres personnes externes en vue d’obtenir un point de vue aussi global que diversifié.

Finalement, la cinquième et dernière limite méthodologique concerne les documents médiatiques. Le nombre élevé d’articles de la presse écrite (290) et les incalculables heures d’écoute ou de visualisation des documents audios et audiovisuels (312 minutes) recueillis dans notre corpus nous ont forcées à faire des choix afin de circonscrire notre analyse. À l’instar de Champagne (décembre 1991), nous reconnaissons l’existence de profondes différences dans le mode de traitement de l’information selon les types de médias et les publics visés; les journalistes ne travaillent pas de la même manière que ceux du secteur audio, audiovisuel ou du Web. Or dans cette étude, il nous a été impossible d’exploiter à son maximum la richesse de chaque plateforme médiatique. En revanche, il aurait été intéressant d’analyser même l’aspect graphique (images retenues par les médias) pour imager

73 leurs représentations sociales dudit problème à l’étude. Mais même si les images exercent un effet d’évidence très puissant, les discours exercent autant de puissance que l’image si on sait les faire parler. D’autre part, dès le départ nous avions cru que les discours seraient différents selon l’allégeance politique ou idéologique des médias. Or, nous avons été surprises d’y constater bien peu de ressemblances, nous avons donc décidé de laisser tomber la comparaison. Il est certain qu’une analyse plus approfondie des données médiatiques aurait pu apporter, certes, un éclairage plus exhaustif; toutefois, nous tenons à rappeler que l’objectif de cette étude n’était pas d’analyser uniquement la construction médiatique de la « cyberdépendance », mais de tenir compte aussi des deux autres arènes publiques qu’on savait tout aussi importantes et influentes dans la construction sociale de la « cyberdépendance » au Québec et au Canada.

Ces quelques précisions méthodologiques étant maintenant faites, nous sommes dès lors, en mesure de passer à la présentation et à l’analyse des données recueillies dans les quatre prochains chapitres.

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Chapitre 4 : Débattre de l’existence de la « cyberdépendance »

Dans les prochains chapitres (4 à 7), nous présenterons, à partir d’une série d’analyses, comment la « cyberdépendance » passe à travers les différentes étapes du processus de construction sociale. Dans cette optique, le présent chapitre se concentre sur le débat entourant l’existence de la « cyberdépendance » alors que le suivant discutera de la classification et de l’identification de ladite problématique. Le sixième s’attardera sur l’explication (causes et conséquences) de la « cyberdépendance », et enfin, un dernier chapitre traitera de différentes constructions de pratiques de gestion et de régulation sociale afin de réagir à ladite problématique.

Dans ce chapitre et les suivants, nous serons à même de constater que, pour les acteurs québécois et canadiens, la légitimation de la « cyberdépendance » comme problème public est un enjeu particulièrement important. À ce titre, Gusfield (1981) souligne que l’enjeu central, pour les acteurs sociaux désireux de faire connaitre et reconnaitre leurs propres revendications, est de réussir à capter l’attention publique afin d’insérer ledit problème dans le champ des préoccupations sociales. Ainsi, nous mettrons en lumière les principales constructions discursives, les stratégies de légitimation, les enjeux et les intérêts des principaux acteurs sociaux qui participent à la problématisation de la « cyberdépendance » dans chacune de trois arènes au Québec et au Canada.

Nous ferons également ressortir les influences et le poids exercés par ces différents acteurs sociaux et analyserons comment, à travers leur argumentaire, ces derniers ont développé des visions différentes du phénomène. Souvent, pour capter leurs auditoires, les énergies de ces acteurs sont polarisées de manière à formuler et à faire valoir le caractère indispensable de leurs revendications. Ils vont même jusqu’à accentuer les problèmes auxquels ils sont confrontés pour que la solution souhaitée soit acceptée par la société (Callon, 1986).

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4.1 La naissance d’un nouveau concept : la « cyberdépendance »

Il est pertinent de rappeler, ici, que le concept de la « cyberdépendance » est né d’une plaisanterie du psychiatre américain Ivan Goldberg à une époque où la popularité d’Internet était encore naissante. D’ailleurs, ce dernier s’étonne que sa nouvelle catégorisation ait été prise au sérieux par des chercheurs universitaires et des professionnels en santé mentale, tout en attirant l’attention de certains médias et de plusieurs internautes36. Sans appuis scientifiques et en se basant sur la prolongation fortuite de catégories existantes dans le DSM, une nouvelle porte s’entrouvrait. Un an plus tard, la psychologue clinicienne américaine Kimberly Young s’appropriait cette découverte en se désignant comme la « porteuse de dossier » et la nouvelle référence en matière de « cyberdépendance », et ce, sans attendre préalablement la constitution d’un corpus suffisant de recherches empiriques fiables portant sur les usages réels d’Internet avant d’annoncer l’existence d’une nouvelle dépendance. Connue internationalement, Young se présente ainsi comme la première cyberpsychologue au monde37. Pour plusieurs, elle est l’une des pionnières dans la construction d’un savoir relatif à la dépendance à Internet puisqu’elle a vulgarisé le concept et a tenté de définir l’objet de la dépendance en plus d’y associer des critères diagnostics38. Chaque année, elle en fait la promotion auprès de ses collègues lors des prestigieux congrès annuels de l’Association américaine de psychologie39. De plus, son rôle implicite de « porteuse de dossier » trouve écho au Québec et au Canada. Régulièrement, les différents acteurs des scènes publiques (scientifique, psychosociale, médiatique) font appel à sa compétence en matière de « cyberdépendance » et la citent comme étant la référence.

36 Deschryver et coll. (2005). Arène médiatique : The Globe and Mail (31 janvier 2004). 37 O’Reilly (25 juillet 2000). Arène médiatique : The Globe and Mail (23 mai 1998, 31 janvier 2004). 38 Cliche (2001); Rochon (2004); Vachon (janvier 2007). Arène médiatique : The Globe and Mail (23 mai 1998). 39 Garneau (novembre 1999b); Rochon (2004).

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4.1.1 La naissance d’un nouveau concept : la « cyberdépendance » au Québec

Au même moment au Québec, le psychologue montréalais Jean-Pierre Rochon s’est intéressé à la dépendance à Internet et jusqu’à présent, il cumule plus d’une quinzaine d’années d’expérience d’intervention auprès d’individus dépendants. De plus, il a été marqué par une expérience personnelle de vingt-trois années de consommation de substances psychoactives; ce qui, selon lui, a permis de développer une expertise dans le domaine. Par ailleurs, il s’est, lui-même, proclamé « cyberdépendant ». Peut-être mérite-t-il d’être reconnu? Après avoir reçu des milliers de courriels d’internautes, il a pu constater, par lui-même, l’accoutumance incontrôlée de centaines de personnes à utiliser des « chatlines » 40 à toute heure du jour et de la nuit (Rochon, 2004, p. 16). Après toutes ces observations, Jean-Pierre Rochon se trouve suffisamment crédible et expérimenté pour présenter sa perception de la dépendance dans ce créneau; d’ailleurs, il est considéré comme le pionnier canadien et québécois. Sa carrière de spécialiste en « cyberdépendance » débute dans l’arène médiatique avec la parution de deux articles dans des médias francophones41 et sur le site Web « Le Psynternaute » créé en 199742. En 1999, l’hebdomadaire régional du Saguenay, le Progrès-Dimanche43 (13 juin 1999), rapportait que ce dernier aurait réalisé un traité virtuel sur la « cyberdépendance », mais nos recherches ne nous ont pas permis de le retracer. Par contre, nous avons pris connaissance de la publication du premier livre sur le sujet intitulé : « Les Accros d’Internet » (2004). Si durant une décennie il a été l’une des principales références pour les médias québécois, cette reconnaissance comme soi-disant expert ne semble pas se répandre dans les autres arènes publiques puisque dans les vingt dernières années, il n’a été cité qu’une dizaine de fois, et ce, uniquement par ses pairs québécois des arènes scientifique et psychosociale. Maintenant, jetons un coup d’œil au Canada.

40 Groupes de discussion, en temps réel, sur un canal donné ou un site Internet (Rochon, 2004, p.16). 41 Le premier fut présenté dans un quotidien à tradition nationalisme de droite soit le Journal de Montréal (14 avril 1996) avec deux millions de lecteurs en 2002. Il est intitulé « Les nouveaux drogués de l’Internet : la cyberdépendance, un phénomène qui s’accentue et qu’un psy essaie de traiter » (Rochon 2004, p. 17). Le deuxième apparait dans le journal fédéraliste Le Soleil le 28 avril 1996 « Gare à la cyberdépendance! ». 42 Son site a été visité par des personnes originaires de 38 pays (Rochon, 2004). 43 Le Progrès-Dimanche était un journal hebdomadaire québécois publié le dimanche au Saguenay. Il est la propriété du groupe Gesca. Depuis le 8 avril 2017, il est publié le samedi sous le nom du Progrès Week-end. Dans Wikipédia l’encyclopédie libre. Repéré à https://fr.wikipedia.org/wiki/Progr%C3%A8s-Dimanche

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4.1.2 La naissance d’un nouveau concept : la « cyberdépendance » au Canada

Dans le reste du Canada, il faudra attendre deux mois après la sortie médiatique québécoise, soit le 15 juin 1996, pour que deux articles soient publiés simultanément dans les arènes scientifique et médiatique mettant en avant-plan l’hypothèse d’un nouveau diagnostic au sujet d’une utilisation prétendument problématique d’Internet. Nous citons l’article signé par le médecin Michael O’Reilly et publié dans la revue scientifique le Canadian Medical Association Journal, nous informant de l’entrée officielle de l’« Internet Addiction Disorder » dans le lexique médical. Ce terme devient donc « un nouvel objet » du savoir biomédical. Le même jour, la nouvelle est reprise dans le journal anglophone national The Globe and Mail (15 juin 1996)44. On apprenait aussi, par le quotidien québécois Le Soleil (29 mai 2003)45, que depuis la deuxième moitié des années 90, le reconnu psychologue canadien R. A. Davis, de l’Université York, étudiait le phénomène. Or, sept ans plus tard, selon ce que rapporte le quotidien anglophone Vancouver Sun46 (18 novembre 2010), le psychologue clinicien Brent Conrad (Halifax, Nouvelle-Écosse) aurait été le premier expert au Canada en « cyberdépendance ». En 2005, il a créé TechAddiction, le seul centre canadien d’information et de traitement spécialisé pour la dépendance à Internet et aux jeux vidéos pour les adultes et les enfants. Pourtant, il a fallu attendre cinq ans avant que quatre médias anglophones à tradition libérale ou conservatrice47 choisissent de le citer comme étant la référence dans les programmes de traitement pour la dépendance à Internet chez les jeunes. Il ne semble pas être reconnu comme un de leur porte-parole puisqu’aucun, parmi ses pairs québécois ou canadiens dans les sphères scientifique et psychosociale, ne semble le connaitre.

44 Le quotidien canadien The Globe and Mail a le plus fort tirage au Canada. Second quotidien en importance après le Toronto Star. Il est considéré par plusieurs comme le quotidien par excellence au Canada, bien que cet honneur soit également attribué au Toronto Star. Dans Wikipédia l’encyclopédie libre. Repéré le 25 aout 2015 à https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Globe_and_Mail Gadd, J. (15 juin 1996). Doctors debate Internet addiction. Should webaholics seek medical help? The Globe and Mail. 45 Le journal libéral Le Soleil est un quotidien publié dans la ville de Québec (Québec). Il est également distribué dans une partie de l’Est du Québec, à Montréal, à Ottawa et en Floride. Dans Wikipédia l’encyclopédie libre. Repéré le 4 septembre 2015 à https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Soleil_(Qu%C3%A9bec). Tremblay, M.P. (29 mai 2003). Cyberdépendance, maladie ou pas? Le Soleil. 46 Le Vancouver Sun est un quotidien conservateur canadien publié à Vancouver (Colombie-Britannique). Il est publié six fois par semaine, faisant de lui, le deuxième quotidien le plus lu de la Colombie-Britannique après The Province. Dans Wikipédia l’encyclopédie libre. Repéré le 25 aout 2015 à https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Vancouver_Sun 47 CBC News (16 septembre 2010); CTV News (31 mars 2010); RedDeer Advocate (3 avril 2010); The Globe and Mail (23 aout 2012).

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Depuis 1996, un nombre croissant de publications québécoises et canadiennes (scientifiques, professionnelles, médiatiques) indique l’intérêt marqué de différents acteurs concernant la relation que l’humain entretient avec la machine. Chacun des acteurs tente de définir son propre territoire en traçant ses frontières entre ce qui fait partie du problème à résoudre et ce qui en est exclu, entre ce qui est censé être connu ou non. Tous ont l’air de parler aisément de la même chose comme si l’idée d’une dépendance à Internet était facile à identifier et surtout prête à recevoir la marque ultime d’approbation du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM). Pourtant les tenants de la maladie mentale réalisent que la « cyberdépendance » s’avère être une entité psychiatrique plus complexe que prévue. D’ailleurs, en 2010, les membres experts du groupe de travail, œuvrant à l’élaboration du DSM-548, ont refusé son inclusion comme nouvelle psychopathologie49. Visiblement, l’idée d’associer dépendance et Internet divise les experts au sein de différentes sphères d’influence (psychiatrie, médecine, psychologie, travail social, sociologie, etc.), et ce, partout dans le monde. Il ne faut pas s’en étonner puisque plusieurs confrontations discursives se déroulent simultanément, s’entrecroisent et suscitent également de nombreuses controverses dans la sphère publique50.

À travers nos analyses, nous constatons que ces luttes d’influence se transposent également au Québec et au Canada à l’intérieur de différents lieux de négociation et mobilisent de nombreux acteurs quant à cet enjeu de reconnaissance. Dans ce premier chapitre d’analyse, nous exposons les débats soulevés par les acteurs québécois et canadiens autour de deux principales thèses. La première thèse expose les contre-discours minoritaires des différents acteurs sociaux qui se retrouvent dans les sphères d’influence de la science, du psychosocial et des médias, afin de faire connaitre leurs points de vue concernant l’absurdité de construire l’utilisation d’Internet comme problème public. À travers leurs revendications, nous

48 Ce comité de travail est composé de vingt-huit membres qui travaillent dès 2007 en collaboration avec cent trente membres répartis en treize groupes de travail pour chaque diagnostic du DSM ainsi qu’avec des experts clés sur le traitement psychiatrique, la recherche et l’épidémiologie. Ce grand comité est présidé par David Kupfer, professeur du département de psychiatrie au University of Pittsburgh School of Medicine, assisté de son sous-directeur Jack Regier, membre du NIMH (Bueno, 2014, p. 21). 49 Acier (2010; APA, 2010, cité dans Acier et Kern, 2011). 50 Jürgen Habermas (1962) est à l’origine de l’idée de la « sphère publique », espace neutre et libre de délibération publique des enjeux sociaux.

79 comprendrons que leurs voix sont concordantes et qu’ils tentent, à leur manière, de montrer l’absence de consensus au sein de la communauté scientifique, tant au niveau des définitions, des modèles explicatifs, des critères utilisés, que du seuil clinique ou de propositions d’actions thérapeutiques. Parmi ces partisans du contre-discours, certains jugent que l’utilisation d’Internet n’est pas un problème en soi et que c’est tout simplement une nouvelle tentative de certains acteurs de s’approprier un nouveau champ d’intervention en vue de « pathologiser » des activités considérées inoffensives et normales. Par ailleurs, d’autres acteurs, plus nuancés dans leur propos, pensent qu’Internet n’est pas en cause, mais que certaines activités ou applications spécifiques pourraient devenir problématiques.

Nous retrouvons dans la deuxième thèse, une grande majorité d’experts qui soutient que l’utilisation d’Internet pourrait devenir une « potentielle forme de dépendance ». Ceux-ci s’interrogent sur les motifs, les conditions et les modalités qui font que l’expérience virtuelle pourrait devenir problématique. Ils tentent, plus spécifiquement, de déterminer le moment, l’espace où le comportement de l’utilisateur bascule du normal à l’anormal. Mais parmi les artisans qui défendent cette hypothèse, il existe plusieurs « sous-discours » entourant la problématisation de l’utilisation d’Internet.

Afin de saisir ce phénomène émergeant, nous nous inspirerons de l’histoire de la régulation sociale des dépendances en considérant la proposition de Lavigne (1978) où les discours sont divisés en catégories distinctes de courants de pensée. C’est au sein de ces courants de pensée que se sont construites les manières d’appréhender et de comprendre le phénomène des dépendances sous des formes différentes. Nous avons retenu deux courants de pensée particuliers soit : la construction moraliste et la construction biomédicale de la « cyberdépendance ». De plus, l’analyse des narratifs des divers acteurs sociaux a permis de mettre en lumière différentes controverses génératrices de ces débats à propos de ces deux thèses, et ce, dans trois sphères de débat différentes : scientifique, psychosociale et médiatique.

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4.2 Les discours minoritaires de non-reconnaissance de la « cyberdépendance » comme un problème

4.2.1 Les joutes propres à l’arène scientifique

Nombre d’acteurs de la sphère scientifique contestent l’idée d’intégrer l’utilisation dite excessive de l’ordinateur ou d’Internet dans la famille des dépendances51. Parmi eux, certains recommandent à la communauté scientifique d’être vigilante devant ce phénomène en émergence, malgré l’absence de données épidémiologiques fiables permettant de réfuter l’existence du phénomène de « cyberdépendance »52. Ces acteurs estiment que le mouvement médiatique associant la « cyberdépendance » à une nouvelle dépendance est amplifié et exagéré, et pensent que la société n’est pas nécessairement confrontée à ce soi-disant nouveau trouble mental, car, pour eux, les faits scientifiques n’arrivent pas à montrer la gravité des conséquences liées à son utilisation et ne justifient en rien cet affolement.

Ceci dit, les propos d’autres scientifiques sont plus mitigés, car selon eux la réelle question est de déterminer : 1) si oui ou non, il y a présence d’un nouveau phénomène clinique ou 2) si Internet n’est qu’un moyen par lequel d’autres troubles mentaux préexistants s’expriment. Il semble laborieux pour la communauté scientifique de trancher et envisager la « cyberdépendance » comme étant une problématique unique comportant ses propres particularités ou, encore, de considérer Internet comme un médium utilisé pour canaliser des psychopathologies latentes53.

Pour les voix discordantes, mettre l’accent sur Internet en tant que nouvelle psychopathologie peut être trompeur. Dès les balbutiements scientifiques du concept de « cyberdépendance », deux médecins québécois et canadiens54 émettaient des

51 Blaszczynski (2006; Valleur, 2007; Wood, 2008, cités dans Acier et Kern, 2011); Bueno (2011); Fortin (2006); Garneau (1999, cité dans Pastinelli, 2003). 52 Valleur (2007, cité dans Acier et Kern, 2011); Eppright et coll. (1999, cité dans Nichols et Nicki, 2004); Wood (2008, cité dans Biron et Bourassa Dansereau, 2011; Dufour et Acier, 2011; Goyette et Nadeau, 2008). 53 Cliche (2001); Davis (2001, 2003); Landry (2001). 54 Jacques Ducharme est un chirurgien montréalais (Québec). Pour sa part, Barries McCombs est un médecin de famille canadien et directeur des services d’information médicale de l’University of Calgary (Alberta).

81 bémols quant à l’intérêt de qualifier la « cyberdépendance » de dépendance telle que proposée par Young (O’Reilly, juin 1996). À ce titre, le sociologue québécois Serge Proulx (2004), spécialiste des technologies,55 laisse sous-entendre que ce type de diagnostic ne fait pas non plus consensus parmi les psychologues. De plus, ce dernier ainsi que le directeur scientifique Pierre Vaugeois56 spécialiste québécois en dépendance du Centre québécois de lutte aux dépendances sont d’avis que le psychologue américain John M. Grohol57, l’un des pionniers de la psychologie en ligne, a largement porté ce contre-discours en dénonçant les prétendus développements scientifiques qui seraient simplement un copier-coller (avec terminologie adaptée) de ce qui a déjà été publié dans d’autres domaines de la dépendance. Le psychologue Grohol soutient qu’aborder la « cyberdépendance » sous l’angle de la pathologie, c’est prononcer un faux diagnostic. D’ailleurs, il est stupéfié à l’idée que la psychologue américaine Young (1996)58 ait créé le concept de « cyberdépendance » à partir de simples impressions personnelles, de rares cas d’observation et de récits d’internautes s’estimant cyberdépendants. Généraliser après si peu, montre, d’après John M. Grohol, un manque d’exactitude scientifique et de rigueur intellectuelle. Une dissension apparait donc au sein même de la communauté des psychologues. Dès lors, nous pouvons nous interroger sur les enjeux et les intérêts sous-jacents à cette dénonciation. Sont-ils corporatistes? Réputationnels? En attaquant ainsi la crédibilité de Young, tentent-ils de la discréditer afin d’ébranler sa réputation d’experte pour imposer leurs propres représentations de ladite problématique et de se voir du même coup reconnus comme étant les « vrais » experts? Dans cette même lignée, un petit nombre d’acteurs sociaux issus du domaine de la comptabilité, de l’informatique et du commerce électronique, et peu présents dans le débat public, considère que cette idée de dépendance n’a aucun sens. Pour certains d’entre eux, c’est aussi improbable que de comparer une pomme à une orange (Computing Canada, 1998). Dans la revue scientifique Canadian Medical

55 Auteur, coauteur ou directeur d’une trentaine d’ouvrages sur la communication, la technologie et la société. 56 Vaugeois possède un doctorat en épidémiologie, un postdoctorat en psychologie, il a étudié en toxicomanie où il œuvre depuis une vingtaine d’années. Il a fait de la recherche et de l’enseignement universitaire au Québec, en France et au Maroc. Il est l’auteur de plusieurs publications dans le domaine des dépendances. 57 Ancien président de l’International Society for Mental Health Online. Grohol (1996, cité dans Proulx, 2004; Vaugeois, 2006). 58 Cité dans Vaugeois (2006).

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Association Journal, Collier (octobre 2009a) reprend les propos de Bell (2007)59, pour qui Internet n’est pas une activité en soi, mais un moyen de communication. Il rejette l’idée selon laquelle l’on puisse être dépendant d’Internet comme il serait saugrenu de prétendre être dépendant des ondes radio. Pour leur part, les sociologues québécois Biron et Bourassa-Dansereau (2011) et les psychologues Dufour et Acier (2010) et Goyette et Nadeau (2008) propagent le discours de Wood (2008) voulant que la « cyberdépendance » relève plutôt d’une mauvaise gestion du temps ou encore d’un passe-temps utilisé pour combler le manque d’activité.

Parmi d’autres voix discordantes mettant en doute l’existence de la « cyberdépendance », celles de la sociologue québécoise Virginie Bueno (2011) et du sociologue et travailleur social québécois Amnon J. Suissa (2007a, 2008) sont notables. Ces derniers estiment que c’est une épistémologie médicale des pratiques sociales quotidiennes qui semble s’imposer comme discours dominant (dont nous discuterons dans la partie 4.3 de ce chapitre). Selon eux, certains groupes d’intérêt chercheraient à inscrire la « cyberdépendance » ou certaines formes d’utilisation d’Internet dans une logique de biologisation qui la transformerait en pathologie au même titre que les autres dépendances. Selon Bueno (2011), les débats entourant la reconnaissance de la dépendance à Internet comme une entité pathologique à part entière se situent à la jonction de deux tendances majeures de la modernité, soit celles de l’ascension des technologies de l’information et de la biomédicalisation des sociétés modernes. Le questionnement social sur la compréhension des transformations engendrées par Internet tend à trouver sa réponse, dans le domaine médical, par le truchement de cette nouvelle « problématique » dans le registre du DSM (p. 1). Pour se faire, elle base son analyse scientifique de la « cyberdépendance » sur la théorie de la biomédicalisation proposée par la sociologue Adèle Clarke et ses collègues (2000). Parce que s’inspirant de l’approche poststructuraliste, ce cadre théorique lui apparait plus approprié que le concept de médicalisation pour éclairer les discours et comprendre les enjeux autour de cette

59 Vaughan Bell est chercheur invité au Department of Clinical Neuroscience de l’Institute of Psychiatry du King’s College de Londres au Royaume-Uni.

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« nouvelle » entité pathologique. Cela lui permet de situer la définition de la « cyberdépendance » au sein de pratiques et de discours caractéristiques des sciences et des techniques de la société d’information (Castells, 2002) afin d’en saisir toutes les significations (cité dans Bueno, 2014, p. 30). De plus, Bueno précise que le « diagnostic de « cyberdépendance » est établi selon des composantes liées au savoir, à la technique et aux capitaux alors il devient molécularisé et technicisé » (Lambert- Chan, 2012, p. 2). Ainsi, la technoscience60 « place au centre de la définition de la « cyberdépendance » les formes matérielles, c’est-à-dire les sciences et les techniques essentielles aux pratiques de définition des pathologies » (Bueno, 2014, p. 35). Suissa (2007a, 2008) critique également le discours de médicalisation. Il fait son analyse en s’appuyant sur le phénomène de la médicalisation qui correspond essentiellement à l’extension tentaculaire de la médecine sur les problèmes sociaux, de son pouvoir, de son contrôle et de l’élargissement de ses pratiques sur la vie des gens. Il s’interroge sur la manière dont s’effectuent les passages d’une condition sociale et des comportements de dépendance à un statut de « maladie » et de « pathologie ». D’ailleurs, il n’hésite pas à utiliser le terme de « pathologisation de l’existence »61. Or, de nos jours, a-t-on vraiment trouvé des bases idéologiques ou scientifiques à ce discours qui permettent l’actualisation de ces conditions afin de les rendre plus acceptables, voire désirables au plan social (Suissa, 2007a)? Rappelons que l’enjeu clé pour les adeptes de la médicalisation consiste à définir à quel moment l’utilisation d’Internet provoque un comportement jugé indésirable ou déviant.

En bref, deux contre-discours distinctifs se dégagent de l’arène scientifique. Le premier met en évidence un discours plus radical, émis principalement par un lot de sceptiques du domaine de la psychiatrie, de la médecine, de la psychologie et de la sociologie, qui croit que l’utilisation d’Internet n’est pas un réel problème. Leur stratégie argumentaire la plus fréquemment utilisée s’appuie sur l’absence de preuve

60 Clarke et coll. (2000) empruntent à Bruno Latour (1987) le terme « technosciences » pour désigner des activités qui vont explicitement au-delà des traditions savantes qui séparaient science (connaissances) et technologie (applications et pratiques), tant sur le plan de l’analyse que des concepts (p. 13). Les outils techniques matériels agissent dans l’espace social et ont un rôle social. Ils doivent être étudiés et considérés dans l’analyse sur le même plan que les agents non matériels et les acteurs sociaux (Latour, 1987).

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fournie. Cette absence de preuve scientifique les rend perplexes et, devant l’ampleur du phénomène, ils ne peuvent justifier une prise de position précipitée sur l’existence ou non du phénomène. Le deuxième contre-discours, émis par des acteurs issus principalement du domaine de la psychologie, de la sociologie et des sciences de l’orientation, est plus nuancé et croit, au contraire, que la dépendance à Internet est le symptôme d’une psychopathologique sous-jacente qui pourrait dégénérer en utilisation dite excessive.

4.2.2 Les joutes propres à l’arène psychosociale

À l’instar de leurs homologues de la sphère scientifique, un certain nombre d’acteurs psychosociaux n’adhèrent ni à la proposition d’inclure la dépendance à Internet dans le champ des dépendances ni à l’admission de son existence. D’ailleurs, ces opposants se rallient aux acteurs de la sphère scientifique et justifient aussi leurs refus par le manque de connaissances actuelles qui permet d’établir des liens directs entre la dépendance et l’utilisation d’Internet. À cet effet, le CMA Magazine62 rapporte que certains experts scientifiques tournent en dérision l’idée que l’utilisation intensive d’Internet (heavy use Internet) soit une véritable dépendance; même point de vue, pour la revue Computing Canada63; « comparing drugs, alcohol and Internet addiction may get you on the talk show circuit, but it's still like comparing apples, oranges and computer chips » (1998, p. 2). Le psychologue Garneau (novembre 1999a) 64dénonce au même titre que son homologue américain Grohol le manque de rigueur scientifique et intellectuelle dans la stratégie initiale de Young d’utiliser une « photocopieuse à concepts » (p. 4) pour définir et légitimer la « cyberdépendance » comme nouvelle dépendance. En effet, il ne suffit pas d’emprunter des concepts et des critères du domaine de l’alcoolisme ou du jeu pathologique et de les transférer à la « cyberdépendance » pour créer une nouvelle

62 Revue professionnelle en comptabilité de management. Propos rapporté par Sarah Lawrence, éditrice de la revue Taking Children Serioulsy (cité dans Goldsborough, novembre 1997). 63 Revue professionnelle consacrée aux technologies. Apples and oranges and computer chips. (27 avril 1998). Computing Canada, 24(49), p. 2. 64 Jean Garneau, psychologue, psychothérapeute, ancien vice-président de l’Ordre des psychologues du Québec et auteur de nombreux articles sur la « cyberdépendance » dans le magazine francophone électronique gratuit « La Lettre du psy » publiée par Ressources en Développement. Tous les articles parus dans le magazine ont été écrits par des psychologues expérimentés. Repéré à http://www.redpsy.com/infopsy/cyberdependance.html

85 dépendance et, par la suite, conclure scientifiquement à son existence.

Pour d’autres, comme Éric Laflamme, intervenant social en dépendance au Centre André-Boudreau65 (mai 2011), ce phénomène est plutôt un nouvel habit revêtu lors de la crise d’adolescence et ne doit pas être considéré comme une maladie. Certains partagent cet avis. Selon un clinicien faisant partie de la recherche menée par les psychologues Nadeau, Acier, Kern et Nadeau (2011), l’utilisation d’Internet fait partie de la mode, de la culture au niveau des jeunes alors que chez l’adulte, elle est envisagée comme un accident de parcours. Quant à Dufour et ses collaborateurs66, ils diffusent l’opinion du Dr Rocher de Nantes qui considère le phénomène comme un trouble transitoire, une fatigue d’être soi; donc, un phénomène tout à fait normal.

Dans les données qui composent notre corpus documentaire, il nous a été également possible de retrouver certains discours qui se meuvent à la fois dans l’arène scientifique et l’arène psychosociale. Un premier discours, tenu par certains intervenants sociaux, reprend les propos énoncés précédemment par Wood (2008) selon lesquels les vrais fautifs sont les différents médias de masse; il les accuse d’avoir fabriqué ce phénomène de toutes pièces et d’attirer inutilement l’attention du public pour créer une véritable panique morale67. Selon ce que soutient Wood, l’utilisation dite excessive d’Internet serait plutôt une mauvaise gestion du temps68. Un deuxième discours, tenu par quelques acteurs psychosociaux, prend Internet comme un médium plutôt qu’une maladie. Dans cette veine, un document de référence d’Optima Santé globale (2012)69, précise que l’ordinateur est avant tout un outil, comme une pioche et une pelle. Le médium utilisé n’est pas le problème en soi. La problématique réside principalement dans son utilisation (p. 5).

65 Centre québécois offrant des services de traitement pour les personnes dépendantes. Il est maintenant connu sous l’appellation Centre de réadaptation en dépendance des Laurentides. Repéré à http://www.dependancelaurentides.com/ 66 Dufour (mars 2012); Dufour et Acier (2010); Dufour et Parent (janvier 2009). 67 Dufour et coll. (janvier 2009); Eppright et ses collaborateurs (1999, cités dans Nichols et Nicki, 2004); Nadeau (2012); Valleur (2007, cité dans Acier et Kern, 2011); Wood (2008, cité dans Dufour, mars 2012; Dufour et Acier, 2011; Goyette et Nadeau, 2008). 68 Dufour (mars 2012); Dufour et Acier (2010); Dufour et Parent (janvier 2009). 69 Le document de référence d’Optima Santé globale est dédié aux gestionnaires d’entreprises et aux assureurs.

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Un petit nombre de psychologues essayent de sortir de cette impasse — en fait, de sortir du lot — en apportant certaines nuances en revendiquant l’hypothèse de la possibilité de « devenir accroché » à certaines applications spécifiques d’Internet. C’est notamment le cas du psychologue québécois Jean Garneau (décembre 1999). Le psychologue canadien Brent Conrad abonde dans le même sens que son homologue québécois et prétend que la dépendance à Internet est seulement un terme générique qui inclut de nombreuses sous-catégories de comportements problématiques en ligne (TechAddiction, 2005). Pour le psychologue québécois Rochon, la « cyberdépendance » ne se résume pas au temps consacré sur Internet, mais plutôt à la nature des activités qui y sont pratiquées70. Devant l’explosion du nombre d’utilisations et l’absence de consensus sur les fondements de l’existence d’une dépendance générale à Internet, la Direction de santé publique de Montréal n’ose pas recommander autre chose que de surveiller certaines pratiques qui pourraient poser problème (Biron et Bourassa-Dansereau, 2011).

Outre les contre-discours mis de l’avant ci-dessus par plusieurs acteurs psychosociaux, deux contre-discours complémentaires sont propres au Québec. Plus marginaux dans leurs manières de problématiser la « cyberdépendance », ils sont aussi moins présents sur les différentes scènes publiques. Le premier discours mis de l’avant par le bulletin de nouvelles de l’Université de Montréal se tient dans les écrits de l’étudiante en sociologie, Virginie Bueno71. Elle s’interroge sur la participation sans cesse croissante de la psychiatrie dans la redéfinition médicale de diverses conduites sociales et, d’après elle, la « cyberdépendance » se construit comme un objet de savoir biomédical. La psychiatrie devient le nouvel exutoire collectif pour expliquer un problème avant tout social afin de le rendre pathologique et fait fi de plusieurs facteurs environnementaux. En misant principalement sur la neurochimie de la maladie, c’est toute une épistémologie médicale qui s’impose (Lambert-Chan, 2012, p. 2) et Virginie Bueno s’interroge à savoir jusqu’à quel point la « cyberdépendance » constitue une pathologie, dans le sens de « maladie physique »,

70 Cité dans Rioux (2010, p. 1). 71 Dans le bulletin de nouvelles de l’Université de Montréal (Lambert-Chan, 2012).

87 de « problème de santé », ou encore de « problème de dysfonctionnement social » (idem, p. 2).

Le deuxième contre-discours marginal se retrouve dans le contenu de la conférence de Biron et Bourassa-Dansereau (2010)72. Pour eux, l’utilisation d’Internet, l’objet informationnel et les dispositifs technologiques ne sont jamais a priori stabilisés dans une forme définitive. Il est nécessaire, selon eux, d’étudier le processus de construction sociale entourant ces objets qui apparaissent sous une forme spécifique. Ils sont d’avis que les modalités d’adoption et d’usage des technologies existent en raison d’une corrélation entre un individu (usager), un réseau social, une culture et des communautés d’usagers; tous, tributaires de certaines modalités telles l’accessibilité et l’offre « sociotechnique » et « informationnelle » (p. 6). De plus, ces modalités ont un impact direct sur les usages de ces technologies.

Au-delà de l’éclairage apporté dans l’arène scientifique, la lutte concernant l’existence ou non de la « cyberdépendance » se transpose également dans l’arène psychosociale. Dans cette arène, un seul discours est exclusif et provient essentiellement du domaine de la sociologie, celui de la construction des usages de Biron et Bourassa-Dansereau.

Cette absence de consensus quant à la reconnaissance de la « cyberdépendance » comme nouvelle dépendance observée précédemment dans les arènes scientifique et psychosociale se transpose également, sans surprise, sur la scène médiatique. Ainsi, plusieurs médias anglophones et francophones ont considérablement contribué à la promotion et à la vulgarisation de discours promulgués par les acteurs issus des sphères scientifique et psychosociale concernant la non-reconnaissance de « cyberdépendance » comme problème public en leur donnant accès à un espace public.

72 Jean-François Biron, agent de planification, de programmation et de recherche à l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, Direction de santé publique. Catherine Bourassa Dansereau, professionnelle de recherche pour le comité régional de prévention sur les jeux d’argent et dépendances. Doctorante en communication, Université du Québec à Montréal. 2e colloque régional sur les dépendances en Outaouais (Québec) : la dépendance et ses multiples facettes. Présentation PowerPoint.

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4.2.3 Les joutes propres à l’arène médiatique

Depuis près de vingt ans, au Québec et au Canada, la « cyberdépendance » fait couler beaucoup d’encre dans les médias écrits, dans les entrevues radiophoniques et dans les reportages télévisuels et on y découvre que chacun présente son point de vue sous un angle différent et chacun mise sur des aspects qu’il juge importants de transmettre à ses auditoires, mais en laissant volontairement dans l’obscurité plusieurs points de vue et enjeux; pourtant, c’est en fonction de ces auditoires ciblés que se prennent les décisions. Par exemple, dans la version canadienne du Huffington Post,73 apparait, en décembre 2013, un article destiné initialement à éclairer les parents confus et inquiets sur l’utilisation d’Internet par leurs enfants (3 décembre). Or, cet article illustrait pourtant bien l’étendue des débats sociaux liés à la légitimation de la « cyberdépendance » comme maladie ou pathologie, mais l’analyse, faite par Danya Braunstein psychologue en clinique privée74, a surtout mis l’accent sur l’abondance des points de vue émis par les journalistes, l’opinion des experts et les avis de citoyens ordinaires — informés ou pas —, par des textes d’opinion ou articles divers, ce qui provoqua la confusion chez les parents.

Deux grandes conceptions de la « cyberdépendance » émanent de ces points de vue. D’un côté du débat, il y a les acteurs qui militent pour l’inclusion de la « cyberdépendance » comme trouble distinct parce qu’elle légitimerait le travail des centres de traitement et la raison d’être des spécialistes. L’utilisation de formulations rhétoriques par les médias, incluant des termes et expressions comme « épidémie » et « grave problème de santé publique », sert à amplifier ladite problématique (Huffington Post, 3 décembre 2013). En guise d’exemple, dans le Huffington Post d’avril 2011, un journaliste dénonce les affirmations du psychiatre Elias Aboujaoude75, qui caractérisait le phénomène de « cyberdépendance » d’« épidémie

73 Le journal étatsunien Huffington Post lance sa première édition internationale Le HuffPost Canada le 26 mai 2011. Journal alternatif fondé en 2005. Repéré à http://www.theglobeandmail.com/arts/huffington-post-launches-canadian- version/article581063/ 74 Chercheuse au The University of New South Wales au sein du Centre national de recherche sur les drogues et l’alcool (NDARC). 75 Directeur de la clinique de Trouble obsessionnel compulsif au Stanford University.

89 du 21e siècle » (22 avril 2011, p. 1). Celui-ci, après avoir observé des taux alarmants de comportements pathologiques en ligne, décide d’alerter l’opinion publique en déclarant ce phénomène comme étant une crise de santé publique, et ce, sans égard aux recherches qui ne semblent pas, jusqu’à présent, conclure dans ce sens. Deux ans plus tard, le journaliste du Toronto Star76 (1er février 2013, p. 2) rapporte des propos similaires d’un psychiatre, cette fois-ci canadien77, déclarant qu’il s’agissait d’une « question de santé publique ». Cependant, le journal électronique Rue Frontenac78 (29 janvier 2011a) semble moins alarmiste sur cette question. Selon l’avis de deux psychiatres français, spécialistes des dépendances, pour qui, même si ce n’est pas un problème de santé publique, il convient tout de même de sonner l’alarme. Le journaliste du quotidien Le Devoir79 (15 février 2012) choisit de rapporter, quant à lui, des propos d’acteurs qui abondent dans le même sens. Sans être alarmistes, les réseaux d’aide public et privé, en matière de dépendances sans substance, estiment que le phénomène est émergeant sans toutefois être épidémique, mais il exige tout de même une surveillance.

De l’autre côté du débat, il y a les médias détracteurs qui proposent à leurs auditoires respectifs une vision qui s’oppose à la reconnaissance de la « cyberdépendance » comme problème et refuse d’y apposer une étiquette de dépendance ou de trouble mental grave. Parfois, les médias — selon les dires de la psychologue Braunstein (Huffington Post, 3 décembre 2013) — peuvent recourir aux épithètes : « hystérie » et « préjudice » pour qualifier ce phénomène ou pour marquer son ampleur, mais ces qualificatifs n’ont toutefois pas été employés à l’intérieur de notre matériel empirique. Déjà en 1996, The Globe and Mail (15 juin) mettait en

76 Le quotidien canadien anglophone Toronto Star est publié dans la ville ontarienne de Toronto, il dépasse les 400 000 exemplaires par jour ce qui en fait le quotidien le plus distribué au pays. Il met davantage l’accent sur une couverture de nouvelles régionales de la grande région métropolitaine de Toronto. Il est considéré comme étant le quotidien par excellence au Canada avec The Globe and Mail. Dans Wikipédia l’encyclopédie libre. Repéré le 2 juin 2015 à https://fr.wikipedia.org/wiki/Toronto_Star 77 Bruce Ballon est directeur du programme de dépendance à Internet au Centre for Addiction and Mental Health de Toronto. 78 En janvier 2009, les employés de l’information du Journal de Montréal sont placés en lock-out à la suite de l’échec afin d’obtenir une nouvelle convention collective. Dès la mise en lock-out, le syndicat des travailleurs de l’information du Journal de Montréal (STIJM) crée le site internet RueFrontenac.com En septembre 2010, le journal électronique syndical Rue Frontenac annonce qu’une version papier gratuite du tabloïd sera publiée à partir de la fin octobre. Distribuée hebdomadairement, elle sera publiée à environ 50 000 exemplaires. Repéré à http://ici.radio- canada.ca/regions/Montreal/2010/09/03/001-rue-frontenac-papier.shtml 79 Le quotidien francophone Le Devoir est souvent considéré comme le journal de référence par excellence au Québec.

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exergue le médecin torontois Garth Martin80 qui affichait son scepticisme quant à la nécessité d’appliquer une terminologie psychiatrique à ce qui pourrait être considéré comme étant de l’ordre du passe-temps; selon lui, un réel flou existe entre le temps consacré à une activité et une compulsion. Quatre ans plus tard, le journaliste du quotidien La Presse 81 (15 juin 2000) rapportait les mêmes propos tenus dans l’arène psychosociale par le psychologue Garneau qui s’insurgeait aussi à l’idée de considérer la « cyberdépendance » comme étant une maladie inventée par extrapolation à partir d’autres dépendances, et ce, sans aucun fondement scientifique. Il ajoute que « la seule complication que l’internaute risque de contracter, c’est une luxation du poignet due à une trop longue manipulation de la souris » (p. 2). Le journal The Globe and Mail (31 janvier 2004) récidive huit ans plus tard en résumant l’avis de la professeure de criminologie de l’Université de Toronto, Mariana Valverde, pour qui le terme dépendance ne relève pas du scientifique, mais de la convenance (convenience). Elle est d’avis qu’une ligne clairement tracée entre ce qui est considéré comme une habitude et une dépendance n’existe pas. Dans le même ordre d’idées, les journalistes du Winnipeg Free Press 82 (17 mars 2008) et de La Presse (1er février 2010a) tentent d’influencer l’opinion publique en mettant en avant- plan que parmi la communauté médicale des médecins et des spécialistes experts en santé mentale ne s’entendent toujours pas sur les critères qui justifieraient une utilisation dite normale de celle considérée pathologique; selon eux, la ligne serait mince entre procrastination, dépendance et curiosité malsaine. En 2011, le journal électronique Rue Frontenac publia une entrevue réalisée avec la consultante montréalaise en commerce électronique Michelle Blanc83 et, selon elle, il ne fait aucun doute que la « cyberdépendance » relève du mythe (29 janvier 2011a).

Malgré la prépondérance accordée aux discours axés sur la reconnaissance de la « cyberdépendance » comme trouble mental par le Winnipeg Free Press et La

80 Médecin au Addiction Research Foundation. 81 Lebas, P. (15 juin 2000). « Docteur, je suis cyberdépendant », La Presse, p. 2. 82 Le principal quotidien publié à Winnipeg au Manitoba (Canada), il est le plus ancien journal dans l’Ouest canadien. Dans Wikipédia l’encyclopédie libre. Repéré le 2 juin 2015 à http://fr.wikipedia.org/wiki/Winnipeg_Free_Press 83 Michelle Blanc est également conférencière et auteure de deux volumes sur les médias sociaux. Le premier volume : Les médias sociaux 101. Le réseau mondial des beaux-frères et des belles-sœurs (2010). Le deuxième volume: Les médias sociaux 201. Comment écouter, jaser et interagir sur les médias sociaux (2011).

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Presse, d’autres points de vue ont émergé exclusivement dans cette arène; le premier concerne le niveau de désirabilité sociale de l’utilisation d’Internet. Le Toronto Star souligne l’opinion du psychiatre Ron Pies84 qui remet en question cette légitimation (1er février 2013). Selon lui, il serait impensable de diagnostiquer un trouble morbide chez un individu qui, isolé dans sa chambre, passerait dix-sept heures à lire, alors pourquoi l’invoquer pour la « cyberdépendance ». Quelques années auparavant, Le Devoir (28 avril 2007) avait déjà apporté un élément de réponse à cette question en choisissant de citer les propos du sociologue et travailleur social québécois Amnon Jacob Suissa, spécialiste des dépendances85. Selon ce dernier, tout s’explique par le niveau d’acceptabilité sociale envers la technologie. En 2007, il est soi-disant plus acceptable socialement de lire ou d’écouter la télévision pendant de longues heures que de passer ces mêmes heures à naviguer sur Internet. Or, trois ans plus tard, dans un article publié dans le journal La Presse en 2010, Bernard Desrochers86 estime que la « cyberdépendance » est socialement plus acceptable puisque l’individu est tranquille à la maison, a contrario des autres dépendances (30 janvier 2010a). Ces avis différents mettent en exergue la complexe tâche d’établir un seuil normatif à partir duquel l’utilisation d’Internet deviendrait inacceptable socialement. Qui fixera ce seuil? Dans quel contexte et selon quels critères? Dans la mesure où l’espace public encourage le respect de certaines normes et l’acceptabilité de certains comportements (acceptables) plutôt que d’autres, on est en droit de se demander — comme l’ont souligné les journalistes des quotidiens le Toronto Star, Le Devoir et La Presse — en quoi l’utilisation d’Internet comme loisir est différente de la lecture d’un livre. Répondre à cette question n’est pas simple et soulève des divergences d’opinions. Pour Becker (1963, 1985), les normes ne sont que le produit de croisades morales entreprises par certains individus dans le seul intérêt d’imposer leur propre morale. Ainsi, ceux qui partent en croisade contre toute forme de dépendance — tels des « entrepreneurs moraux » — diront que pour certains, il est moins nuisible de s’adonner à la lecture d’un livre alors que d’autres diront que l’utilisation d’Internet est moins nocive que de consommer des substances psychoactives.

84 Tufts University au Massachusetts qui remet en question cette légitimation. 85Professeur à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal. Auteur de trois volumes. Pourquoi l’alcoolisme n’est pas une maladie (1998). Le jeu compulsif : vérités et mensonges (2005) et Le monde des Alcooliques Anonymes (2009). 86 Directeur du service clinique à « Jeunesse j’écoute ».

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Le deuxième point de vue vise la socialisation et la quête identitaire. Les journalistes des quotidiens Le Devoir et le National Post ont choisi de faire remarquer, à plusieurs reprises, que l’utilisation des technologies de l’information et des réseaux sociaux avait modifié les rapports sociaux et les processus de socialisation. Dans cette veine, l’article du 28 avril 2007 du quotidien Le Devoir faisait la place belle à l’hypothèse de la professeure Samuelle Ducrocq-Henry87 voulant que nous assistions à de nouvelles formes de socialisation encore incomprises. Un an plus tard, dans l’article du National Post 88 (10 mars 2008) Danah Boyd, doctorante à l’Université de Californie89, appuie l’hypothèse de Ducrocq- Henry selon laquelle le fait d’être connecté ne tue pas les relations entre individus, au contraire, cela constituerait la nouvelle pierre angulaire de ce qui devient maintenant un statut social. Ce même article renchérit dans la même veine en appuyant les propos de Boyd, d’abord par ceux de la psychosociologue Sherry Turkle90 selon laquelle le besoin d’un lien permanent au collectif est comparable à celui d’une « tribu virtuelle »91. Ces mêmes propos sont repris par d’autres sociologues qui soupçonnent, à travers ce phénomène, une sorte de retour du néo-tribalisme, un retour aux instincts tribaux, avec une touche un peu plus moderne (National Post, 10 mars 2008). C’est dans cette communauté d’esprit que La Presse jouera de provocation, à deux reprises, en proposant des points de vue pour le moins surprenants et inhabituels en intitulant l’un de ses deux articles « Un nouvel humain est né : le branché » (24 janvier 2012, p.1) dans lequel le journal fera la part belle aux propos d’André Mondoux, sociologue et professeur à l’Université du Québec à Montréal92 qui estime assister à une personnalisation de la quête identitaire en lien avec les nouvelles technologies. Mondoux ira même jusqu’à comparer l’accès direct et constant à Internet à une sorte de « cordon ombilical électronique » (p. 1). Cette image frappe notre imaginaire, car elle n’est pas sans nous rappeler toute l’importance du lien vital qui relie l’enfant à sa

87 Professeure en théories et en pratiques des nouvelles technologies de l’information et des communications (NTIC) et du multimédia de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscaminque. 88 Quotidien national anglophone. 89 Candidate au School of Information et chercheuse au Harvard Law School’s Berkam Center for Internet and Society. 90 Professeure au Massachusetts Institute of Technology. 91 Le sociologue français Michel Maffesoli a été l’un des premiers à conceptualiser le néo-tribalisme. Dans son ouvrage « Le Temps des tribus. Le déclin de l’individualisme dans les sociétés postmodernes » (1988), il fait part de l’émiettement du corps social, de l’épuisement des institutions, des effondrements des idéologies ainsi que de la transmutation des valeurs pour caractériser la transformation des sociétés modernes. 92 André Mondoux est sociologue spécialiste des technologies de l’information et professeur à l’École des médias et membre du Groupe de recherche interdisciplinaire sur la communication, l’information et la société (GRICIS) de l’UQAM.

93 mère et ce cordon par lequel passe la nourriture et l’oxygène nécessaire pour son développement. Ces technologies permettront-elles de définir l’identité, de la construire et de marquer les choix constamment? Quelques années auparavant, le quotidien La Presse (7 janvier 2009) avait déjà attiré notre attention sur les propos du psychiatre et psychanalyste français Serge Tisseron qui présentait une thèse un peu inusitée, ou pour le moins annonciatrice, voulant que les jeux vidéos aident les jeunes à intégrer le monde de demain. La relation traditionnelle à l’identité est bouleversée. Nous savons aussi que les adultes ne proposent plus de rites de passage vers la vie adulte, mais se déroulent-ils maintenant dans le virtuel (p.1)? Serait-ce une nouvelle façon de construire son identité? En même temps, dans La Presse (20 septembre 2009), la psychologue québécoise Marie-Anne Sergerie se questionne sur ce besoin immédiat de communiquer qu’on retrouve maintenant offert par le monde virtuel alors qu’André Caron, professeur au département des communications à l’Université de Montréal93, souligne la mort du silence (La Presse, 20 septembre 2009).

D’autres médias francophones font preuve d’une certaine prudence dans leur prise de position en insistant sur le fait qu’aucune preuve scientifique n’a été obtenue afin de prouver l’existence d’une dépendance à Internet94. Le journal Le Droit95 (11 février 2008d) illustre bien cette position à partir des déclarations du directeur général du Centre Jellinek96. Ce dernier estime que le problème de « cyberdépendance » est en émergence et que d’autres recherches devraient être effectuées avant de sauter aux conclusions. Un an plus tard, le site électronique d’actualités Sympatico97 (27 aout 2009) abonde dans le même sens en s’appuyant sur la rareté des études et l’obscurité dudit problème. Jouant de prudence, le journal La Presse (1er février 2010c) relate le cri d’alarme de Louise Nadeau, directrice scientifique du Centre-Dollard Cormier — Institut Universitaire sur les dépendances. Cette experte98, dans le champ des

93 André Caron est également directeur du Groupe de recherche sur les jeunes et les médias et directeur scientifique de la Chaire Bell Canada en recherche interdisciplinaire sur les technologies émergentes. 94 Le Droit (11 février 2008d); La Presse (1er février 2010b); Radio-Canada (n.d. 2012 a, b); Sympatico (27 aout 2009). 95 Quotidien généraliste francophone. Grande diffusion dans la grande région d’Ottawa et une partie de l’Ontario. 96 Centre de traitement en dépendance à Gatineau (Québec). 97 Site d’information et portail Web qui existe depuis plus de 20 ans, appartenant à un consortium médiatique de Bell. Dans Wikipédia l’encyclopédie libre. Repéré le 2 juin 2015 à http://fr.wikipedia.org/wiki/Sympatico 98 Louise Nadeau est psychologue, professeure titulaire et chercheuse au Département de psychologie de l’Université de Montréal.

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dépendances, estime qu’il faut être prudent dans le traitement de la « cyberdépendance »; c’est, dit-elle, « un nouvel animal » dont il est impossible de saisir toute la complexité à cause du manque de recherches et de preuves scientifiques (p. 1). De plus, le journaliste du journal électronique Rue Frontenac (29 janvier 2011a) présentait sensiblement les mêmes inquiétudes que celles émises par Louise Nadeau, dans La Presse un an plus tôt, selon lesquelles il est justifié de se questionner sur la réelle apparition d’une nouvelle dépendance d’autant plus que les propos divulgués à droite et à gauche sont basés sur des opinions et non sur des connaissances scientifiques fragmentaires. Elle pose la question autrement, la société ne serait-elle pas dans une sorte de période transitionnelle face à l’accès illimité à Internet et à la saine gestion du temps consacré à son utilisation?

En 2012, l’émission radiophonique Le Réveil diffusée sur les ondes de Radio- Canada au Nouveau-Brunswick (n.d., 2012a) tente d’apporter un éclairage à ses auditeurs sur la question « Sommes-nous tous des cyberdépendants »? L’animateur choisit de donner la parole à la psychologue et professeure québécoise Magali Dufour99. Cette dernière suggère la vigilance dans l’apprivoisement de nouveaux phénomènes technologiques. Mme Dufour précise qu’il n’est pas question, pour elle, de parler de « cyberdépendance ». Inutile de s’emballer et de faire peur aux gens en parlant à tout vent de « cyberdépendance » et en amplifiant ledit phénomène. Si cela était le cas, il faudrait que la société entière présente les conséquences d’une « conduite difficilement contrôlable, créant des difficultés fonctionnelles ou une souffrance cliniquement significative » liée à l’utilisation d’Internet et ses technologies, pour nécessiter des traitements (Radio-Canada, n.d., 2012, p.1). Le débat, lancé par certains médias de masse qui dénoncent collectivement et publiquement les dangers d’une utilisation dite excessive d’Internet ainsi que les risques inhérents au développement d’une « dépendance à Internet », nous interroge. En attribuant ainsi tous les dangers à Internet, ces médias tentent-ils d’en faire un « démon populaire » (folk devil), de le transformer en ennemi dangereux afin de

99 Faculté de médecine et de la santé à l’Université de Sherbrooke.

95 susciter la peur et de créer une « psychose publique »? À ce titre, Cohen (1972)100 nous rappelle que la médiatisation d’une panique morale tend à légitimer celle-ci et à faire apparaitre le problème, parfois illusoire, comme étant bien réel et beaucoup plus important qu’il ne l’est en réalité; ce qui accentue, par ricochet, l’accroissement de cette panique.

Nous avons discuté, ci-dessus, de deux conceptions différentes de la « cyberdépendance » que les médias, tant québécois que canadiens, ont largement contribué à exposer, voire valoriser, soit la conception qui propulse l’idée de reconnaitre la « cyberdépendance » comme trouble mental ou celle qui remette en question cette hypothèse. Parmi ces médias, nous avons observé que le quotidien francophone La Presse se démarque en publiant neuf articles sur sujet de la « cyberdépendance ». Nous avons également remarqué que les différents experts, principalement des psychiatres, des psychologues et des spécialistes des nouvelles technologies de la communication et des médias, utilisent stratégiquement les plateformes d’une très grande visibilité médiatique afin de faire entendre également leur point de vue relativement à l’absurdité de reconnaitre l’utilisation dite problématique d’Internet comme « nouvelle pathologie », dans l’optique que leurs discours soient retenus par un plus grand nombre de personnes. Ils savent que la plupart des médias utilisés sont des journaux à grand tirage et qu’ils verront leurs idées se promouvoir à grande échelle.

Tous les discours, dont nous avons traité jusqu’à présent et qui ont émergé dans les différentes sphères publiques, demeurent marginaux et sont très minoritaires dans nos analyses documentaires. Ils sont contrecarrés par d’autres discours, plus majoritaires, qui prônent, quant à eux, une reconnaissance pleine et entière de la « cyberdépendance » comme étant un problème réel. Débattre de l’existence de la « cyberdépendance » c’est, comme nous l’avons vu dans cette section, défendre des positions marginales soutenues par une minorité d’acteurs, mais c’est aussi défendre

100 Ouvrage classique de Stanley Cohen (1972). Folk Devils and Moral Panics. The Creation of the Mods and Rockers. London, Oxford : Martin Robertson.

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d’autres façons de concevoir la « cyberdépendance », façons qui s’avèreront nettement dominantes. Nous exposerons, en deuxième partie, les joutes discursives entourant leurs différentes prises de position, et ce dans chacune des arènes. Nos analyses suggèrent que les acteurs se sont mobilisés en grand nombre et ont pris d’assaut différentes tribunes des scènes publiques pour faire reconnaitre leur vision de la « cyberdépendance » comme problème public afin de faire accepter leur définition théorique du « problème » (Conrad et Schneider, 1980). On sait que la conception et la définition de la « cyberdépendance » sont loin d’être neutres puisqu’elles donneront le ton à sa compréhension sociale ainsi qu’aux différentes pratiques de gestion et de régulation sociale. Là où nous avons simplement l’impression de décrire, nous construisons. Mais, sous quel angle? Celui de la construction moraliste ou celui de la construction biomédicale? Quels aspects de l’approche biomédicale seront privilégiés? La maladie physique, le trouble mental ou le désordre de dépendance?

La prochaine section se consacrera, donc, aux points de vue exhortant à la reconnaissance de la « cyberdépendance ». Ainsi, nous verrons que certains acteurs sociaux proclament non seulement l’existence de la « cyberdépendance », mais en fabriquent une vision essentiellement moraliste alors que d’autres en construisent une vision principalement biomédicale, plus dominante.

4.3 Les discours majoritaires de reconnaissance de la « cyberdépendance » comme un problème

4.3.1 La construction moraliste de la « cyberdépendance »

S’abandonner dans un monde déconnecté du réel n’a jamais cessé de nourrir l’imaginaire collectif! À travers l’histoire, on a pu observer que toutes les cultures humaines ont utilisé une ou plusieurs substances pour transcender les sens et se sentir

97 plus unis avec la nature, Dieu ou le surnaturel101. Jusqu’au milieu du XXe siècle en Amérique du Nord, dans le champ des dépendances, les discours et les pratiques ont été tributaires de la suprématie de l’Église, du paradigme moral dominé par les valeurs sacrées, la vie communautaire et l’obéissance102. Dans notre corpus, quelques discours, s’inspirant davantage du mysticisme et contribuant à une construction sociale moraliste de la « cyberdépendance », occupent une mince place dans l’espace public, et ce, malgré le fait que le débat se soit transposé dans les trois arènes publiques à l’étude.

Bien que la science soit a priori l’antithèse du mysticisme, nous avons pu retrouver, de ce côté, l’évocation de certaines idées axées sur le religieux ou l’illumination. Par exemple, pour le philosophe et analyste des technos sciences Hervé Fisher (2001), le phénomène de la « cyberdépendance » évoque des expériences mystiques. Le médecin français Dan Velea103, pour sa part, relate que, dans le droit romain, le concept de dépendance (ad-dicere) est une notion liée à l’esclavage. D’ailleurs, dans son livre « Les Accros d’Internet », Rochon (2004) s’appuie sur un témoignage reçu par courriel et dans lequel un internaute exprime son sentiment d’« esclavage virtuel » (p. 92). Beaulieu (2012, p. 41) traduit une réalité similaire d’internautes qui disent vivre un « enfer » ou se sentir en « punition », lorsqu’ils sont privés d’Internet. Pour Nadeau (2012), l’internaute est un « apprenti sorcier » (p. 14) dont le balai inoffensif devient progressivement destructeur et incontrôlable, alors plusieurs craignent que, chez les personnes vulnérables, l’utilisation d’Internet devienne aussi destructrice et incontrôlable.

Le mysticisme trouve également un foyer d’accueil au sein de la sphère psychosociale dans laquelle un petit nombre d’acteurs vont jusqu’à faire un parallèle entre l’effet hypnotique de l’écran et celui ressenti grâce à certaines drogues. Cet écran magique exercerait, à la longue, une vive fascination et donnerait la sensation de subjuguer le temps ou de le transcender. Pour un autre petit groupe d’acteurs de

101 Fonséca (2004); Weil (1972). 102 Brisson (2000); St-Arnaud (1967). 103 Cité dans Rochon (2004, p.184).

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cette sphère, l’internaute se retrouve comme happé, perdant ainsi pied et devenant l’esclave de son système informatique104.

Pour leur part, les médias ont peu contribué à une construction moraliste de la « cyberdépendance » dans l’espace public. D’abord, The Globe and Mail cite certains propos à caractère moraliste de Young pour qui la « cyberdépendance » est un autre « fléau » addictif relâché sur un monde sans méfiance, une pathologie « monstrueuse » (23 mai 1998, p. 2). Le Winnipeg Free Press (27 juillet 2006, p. 1) et Radio-Canada (7 avril 2006) adopteront une stratégie similaire en invoquant que l’internaute est « victime » de la technologie. La chaine télévisuelle anglophone CTV News105 (n.d., 2008, p.1), quant à elle, propagera l’idée que l’individu est « pris au piège par le cyberespace ». Le journal électronique Rue Frontenac (29 janvier 2011a) ajoutera quelques bémols en mettant en exergue le point de vue de Nadeau qui juge inadéquat de noircir Internet, de le transformer en objet de complot démoniaque, et ce, en vue de susciter et d’amplifier des peurs déjà présentes. Elle compare les inquiétudes soulevées sur les dangers potentiels d’une utilisation dite problématique d’Internet avec celles évoquées à l’époque de l’invention de l’imprimerie par Gutenberg : « Jadis, on s’est demandé s’il n’était pas dangereux que les gens s’instruisent » (p. 1).

Quoique dans le champ des dépendances, l’approche moraliste ait cédé sa place au modèle médical depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, force est de constater — nonobstant leur présence restreinte dans les trois arènes à l’étude — que certains acteurs sociaux brandissent, encore aujourd’hui, l’épouvantail moral dans leur construction de la « cyberdépendance », et ce, malgré la mise en lumière, dans la première partie de ce chapitre, qu’Internet dans son utilisation tend à être socialement admise et valorisée au lieu d’être moralement condamnée. D’ailleurs, cette

104 Laflamme (2004); Guinois (octobre 2003); Le Psynternaute (1997); Rochon (mai 1996, juillet 1996, octobre 1998); Rochon (cité dans Centre de consultation psychologique de l’Université de Montréal, 2012; Rioux, 2010). 105 CTV News est une chaine de télévision d’information continue anglophone canadienne spécialisée appartenant à Bell Media. Elle diffuse des bulletins de nouvelles, de météo et de sports, de même que de l’information relative aux affaires, à la consommation et au mode de vie. Dans Wikipédia l’encyclopédie libre. Repéré le 25 aout 2015 à https://fr.wikipedia.org/wiki/CTV_News_Channel_(Canada)

99 valorisation sociale pourrait expliquer, pense-t-on, du moins en partie, la faible présence de discours de nature moraliste recensée. Ainsi, dans les arènes scientifique et psychosociale, les acteurs utilisent les métaphores ou les allégories pour stimuler l’imaginaire, alors que les médias font la promotion de discours moralisants provoquant peur, pitié ou indulgence chez l’auditoire. Outre une telle construction à tendance plutôt moraliste de la « cyberdépendance », il existe une seconde construction sociale, dominante, de la « cyberdépendance » qui s’inscrit dans un phénomène social à large spectre, soit la biomédicalisation.

4.3.2 La construction biomédicale de la « cyberdépendance »

Les données recueillies qui mettent en lumière les joutes discursives suggèrent que la construction sociale de la « cyberdépendance » tend à s’intégrer dans une logique biomédicale dominante. Ainsi, la construction sociale de la « cyberdépendance » comme « maladie » s’inscrit dans la prise de possession — par la médecine — de problématiques jusque-là considérées comme étant d’ordre spirituel ou moral106. Renaud (1995) reconnait que le concept de médicalisation est venu remplacer la dichotomie bien/mal par celle de bien-portant/malade (cité dans Clarke et coll., 2000). Ainsi au fil du temps, les « symptômes » de la dépendance ne résultent plus de possessions démoniaques, de malédictions envoyées par Dieu ou de péchés, comme punition ou épreuve pour mériter le ciel, mais deviennent les causes ou les conséquences d’une « maladie », d’un dysfonctionnement neurologique ou d’un dérèglement génétique dont l’individu est atteint. Ce courant transcende tous les autres discours sur la « cyberdépendance ». Pour les ardents défenseurs de ce discours dominant, l’attirance pour les substances où le jeu est génétiquement constitué; tout se passe dans le cerveau et s’explique ultimement, par les gènes. Aujourd’hui, la maladie renvoie à un statut social bien précis, celui de l’incapacité. D’ailleurs, tout un pan de la médecine véhicule un discours de la maladie physique en propageant certaines prémisses considérées comme scientifiques à l’aide de théories telles que la

106 Clarke et coll. (2000); GISME (1998); Valleur et Matysiak (2002).

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neurobiologie ou la génétique moléculaire afin d’attribuer à des causes physiques, la dépendance à Internet.

Afin de cerner la construction biomédicale de la « cyberdépendance », nous divisons nos analyses en fonction de trois niveaux distincts qui composent le concept de « maladie ». Ces trois niveaux sont proposés par une figure marquante pour ses idées sur la dépendance, soit le psychologue et psychothérapeute américain Stanton Peele107. En effet, il distingue trois niveaux au concept de maladie, soit : le mal physique, les maladies mentales (ou les troubles mentaux) et les désordres de dépendance. Dans un champ aussi complexe que celui des dépendances où il est difficile d’identifier une perspective commune, nos analyses procèderont de façon telle que ces trois niveaux reflètent bien les principales représentations sociales de l’utilisation d’Internet contenues dans notre matériel documentaire.

4.3.2.1 La « cyberdépendance » : Un mal physique?

D’abord, construire les dépendances sous l’angle du mal physique, nous renvoie à des déséquilibres ou des désordres qui sont directement associés au fonctionnement du corps où l’enjeu est de mesurer, de diagnostiquer et de traiter les ravages causés par la maladie. Dans notre corpus, nous avons recensé trois articles illustrant cette construction sous l’angle du mal physique : l’article du journal Le Soleil (29 mai 2003) titré, « Cyberdépendance, maladie ou pas? », illustre bien cette association de la « cyberdépendance » à une dysfonction corporelle, une forme avancée de « cancer technique » entretenue par certains professionnels de la santé (p. 1). Ensuite, dans le Huffington Post (12 avril 2012), Jonathan Alpert108 décrit la « cyberdépendance » comme une sorte de « sociomaladie » (social-media-related malady) (p.1) alors que Le Devoir (15 février 2012) la présente comme une « pathologie sociale » (p. 1).

107 Peele, S. (1989). Diseasing of America. New York, NY : Lexington Books. 108 Jonathan Alpert est chroniqueur, blogueur, coach et auteur du livre « Be Fearless: Change your life in 28 days ».

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Cette dépendance étant considérée comme une maladie primaire, les études scientifiques doivent donc tenter de prouver qu’elle résulte de prédispositions, d’hérédité, de vulnérabilités ou de susceptibilités. Alors, parmi les références les plus importantes, notons les études sur les hypothèses neurologiques ou, encore, les hypothèses génétiques avec les marqueurs biologiques de prédisposition (Suissa, 2005, p. 35). Dans notre analyse des arènes scientifique et psychosociale, un seul discours domine et s’articule autour de l’hypothèse neurobiologique. Toutefois, dans l’arène médiatique deux formes discursives majoritaires se retrouvent dans les différents médias québécois et canadiens. Ces formes sont l’hypothèse neurobiologique et l’hypothèse génétique.

4.3.2.2 La « cyberdépendance » : la faute de mon cerveau ou de mon ADN?

Les cliniciens et les chercheurs s’interrogent aujourd’hui sur la capacité d’Internet à envahir l’univers pulsionnel et cognitif des internautes (Nadeau, 2012). Pour plusieurs d’entre eux, la dépendance serait associée à des modifications neurochimiques et biologiques dans le cerveau (TechAddiction, 2005). Dans la lignée de l’hypothèse neurobiologique, le psychologue canadien Davis (2001)109 et la travailleuse sociale québécoise Van Mourik (2011) retiennent cette hypothèse voulant que la dopamine, ce neurotransmetteur-clé du circuit neuronal de la récompense, serait le grand responsable du développement et du maintien de la « cyberdépendance ». De plus, certaines études mesureraient le taux de dopamine à l’aide d’une imagerie cérébrale chez les utilisateurs d’Internet110. Mais, parmi les scientifiques, quelques sceptiques ont toutefois émis des réserves. Notamment, le professeur en pharmacologie, Denis Bois de l’Université de Montréal111 et le psychiatre le Dr Elias Aboujaoude112 nous invitent à demeurer prudents face à ces études qui tendent à montrer que la dépendance est une maladie du cerveau. Aboujaoude déplore, quant à lui, le manque de données biologiques sur les effets de

109 Cité dans Cliche (2001, Rochon, 2004). 110 Lambert-Chan (2012); Rochon (2004). 111 Cité dans Rochon (2004). 112 Directeur de la Clinique des troubles du contrôle des impulsions à l’École de médecine du Standford University en Californie (cité dans Collier, 27 octobre 2009a, 2009b).

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l’interaction homme-technologie sur le cerveau afin d’en arriver à des constats plus probants. Dans cette veine de prudence, un dossier et un article publiés, en 2012, respectivement dans le magazine d’actualités des sciences La Recherche113 et dans le bulletin Le Flyer114, montraient la journaliste scientifique Lise Barnéoud (septembre 2012) mettre en évidence que : « la dérégulation neuronale est pour l’heure impossible à démontrer dans les cas de dépendances comportementales parce que les techniques d’imagerie actuelles ne permettent pas de distinguer in vivo le réseau de neuromodulateurs situé profondément dans le cerveau » (p. 1). Seules des études sur l’animal l’autorisent. Or, s’il est facile de donner des drogues à un rat, aucun moyen n’a été trouvé pour le rendre dépendant à Internet! Pour sa part, le psychiatre Alain Morel (février 2012) estime que la découverte de l’American Society of Addiction Medicine (ASAM) montrant que la dépendance est une maladie du cerveau n’apporte rien d’innovateur, mais qu’on retrouve seulement, de la part de la communauté médicale, une nouvelle démonstration des débats et des stratégies utilisées pour prendre le leadership du domaine des dépendances depuis plus d’un siècle (p. 1). Morel (février 2012) ajoute que cette étude ne fait que raviver de vieilles querelles médicales entre la neurobiologie et la génétique qui sous-tendent l’explication du développement des dépendances; il va même jusqu’à dénoncer les motivations corporatistes et idéologiques des tenants de l’explication neurobiologique. Il sert une mise en garde sur la volonté de la directrice du National Institute on Drug Abuse (NIDA) de s’investir dans la transformation de l’ASAM afin d’en faire une société qui pèse politiquement pour parvenir à faire de l’addictologie une spécialité médicale. De plus, Morel estime que cette dernière ainsi que quelques autres tentent de promouvoir des traitements purement médicaux agissant directement sur les parties du cerveau qui, prétendent-ils, sont la source de la dépendance (p. 1). Toutefois, nous pouvons nous questionner sur les enjeux et les motivations sous-jacentes de ces

113Comment Internet modèle notre cerveau (septembre 2012). La Recherche, 467. Repéré à http://www.larecherche.fr/savoirs/dossier/3-addiction-a-internet-existe-t-elle-01-09-2012-91548 114 Le Bulletin Le Flyer a été créé en 2000 avec pour objectif de faire face à un manque d’information scientifique et pratique sur les traitements de substitution. Le Flyer est distribué tous les trois mois à plus de 20 000 exemplaires. Récupéré à http://www.rvh-synergie.org/prises-en-charge-des-addictions/penser-ensemble-les-prises-en-charge/produits-et- usages/cannabis/75-addictions-penser-ensemble-les-prises-en-charge/debats-reflexions/641-laddiction-est-bien-plus-quune- maladie-du-cerveau-.html

103 dénonciations. Sont-elles également corporatistes?115 Comme les acteurs sociaux qui prônent la construction moraliste de la dépendance, les promoteurs de la « dépendance-maladie » utilisent également l’argument humaniste et compassionnel pour justifier leur construction théorique. Certes, le dépendant « malade » n’est plus un pécheur — vision théologique et moraliste de la dépendance —, il devient une « victime » de son dysfonctionnement cérébral ou de sa génétique. Dans ce sens, il apparait socialement plus acceptable d’associer la « cyberdépendance » à une maladie plutôt qu’à un vice ou à un péché. Ehnrenberg (2005) semble croire le contraire puisqu’en rendant l’individu « malade », on le condamne à l’anormalité en lui insufflant un handicap.

Le Torontois Marc Lewis, professeur de psychologie développementale et spécialiste des neurosciences,116 réfute aussi la thèse de la maladie. La récente sortie de son livre-choc The Biology of Desire (2015) attise la polémique dans le monde du traitement de la toxicomanie. Ce chercheur soutient que la dépendance « s’apprend ». Selon lui, la communauté médicale accepte depuis longtemps l’idée que le cerveau humain est « plastique », qu’il change constamment117. Or, sa thèse, tout à fait étonnante, vient déboulonner bien des croyances. Contrairement à ce qui a été véhiculé, le cerveau adulte n’arrête pas de se développer. La dépendance, c’est le cerveau qui s’adapte. C’est le corps strié118 qui pousserait l’individu à poursuivre ce qu’il désire (ex. : l’utilisation d’Internet). Ce n’est pas le plaisir qui motive. Dans la dépendance, le désir prend les commandes du cerveau et cherche la récompense de

115 Le psychiatre Alain Morel est vice-président de la Fédération Française d’Addictologie et directeur général de l’association Oppelia. Oppelia est une association à but non lucratif née en 2007 qui a pour objet d’apporter une aide aux personnes et leur entourage rencontrant des difficultés psychologiques, sociales et sanitaires liées notamment à l’usage de drogues et aux addictions. En 2015, Oppelia, c’est plus de 300 salariés, plus de 10 000 personnes accueillies et 14 structures médicosociales réparties sur 11 départements. Pour l’association Oppelia, l’addiction est vue comme un phénomène multifactoriel, à la fois dans le processus qui y conduit et dans les éventuelles conséquences qu’elle provoque. Ces facteurs sont biologiques, psychiques et sociaux. Repéré à http://www.oppelia.fr/ 116 Radboud University de Nimègue aux Pays-Bas. 117 C’est d’ailleurs un psychiatre et psychanalyste canadien Norman Doidge qui a popularisé la notion de neuroplasticité dans son livre Les étonnants pouvoirs de transformations du cerveau. Barlow, J. (30 octobre 2015). Reprogrammer le cerveau par le désir. L’actualité Express. Repéré à http://www.lactualite.com/societe/reprogrammer-le-cerveau-par-le-desir- 2/?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook 118 Le corps strié est la partie supérieure du cerveau. Son travail consiste à modeler notre comportement en fonction des récompenses. Le corps strié réagit constamment, il est sensible aux stimulations associées à une substance ou à une activité donnée. Le corps strié active des passerelles synaptiques dans le cerveau, de telle manière qu’une nouvelle configuration s’installe. À force d’être répétée, cette configuration devient profondément enracinée (Barlow, 30 octobre 2015, p. 3). Repéré à http://www.lactualite.com/societe/reprogrammer-le-cerveau-par-le-desir- 2/?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook

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façon exclusive, quasi automatique, sans solliciter d’autres parties du cerveau. Pour ce psychologue, la seule façon de surmonter la dépendance, c’est de reprogrammer le cerveau. Le corps strié de notre cerveau doit être allumé par d’autres objectifs stimulants, il faut introduire d’autres expériences dans sa vie, acquérir d’autres désirs qui motivent et qui peuvent assouvir (Barlow, 30 octobre 2015, p. 3).

Toutefois, sa reconnaissance en tant que maladie physique suscite plusieurs interrogations relativement aux enjeux sous-jacents et mérite qu’on s’y attarde. Comme Conrad (2005) l’avait déjà constaté, on se retrouve dans un processus de médicalisation reposant sur un complexe largement pharmaco-industriel. Le concept de médicalisation est étroitement lié à la notion de médicamentation. Pour Collin, Otero et Monnais (2006), le recours au médicament constitue un élément majeur de la médicalisation, lorsque définie comme processus d’extension du médical sur le social. Désormais, il est courant de recourir aux médicaments dans la gestion des problèmes sociaux. Nous verrons peut-être apparaitre, dans un avenir rapproché, de nouveaux médicaments favorisant la guérison de la « cyberdépendance ». Selon le psychiatre français Marc Valleur, « des recherches sur des médicaments contre les envies irrépressibles commencent à émerger »119. Dans ce cas précis, cela reviendrait à accorder beaucoup de pouvoir aux laboratoires pharmaceutiques.

Outre les joutes discursives auxquelles se livrent les acteurs scientifiques et certains acteurs de la sphère psychosociale visant à confirmer l’hypothèse neurobiologique, les médias ont également participé à l’ancrage de cette même hypothèse. Nombreux sont les médias écrits, les sites Web et les chaines télévisuelles canadiennes et québécoises qui ont porté à l’attention du public les résultats de recherches à propos de l’impact des technologies numériques sur la façon de penser et d’agir des individus et des sociétés interconnectées à l’échelle mondiale, mais encore plus nombreux sont ceux qui ont multiplié les débats entourant cet impact. C’est dans cette visée que l’émission Zone Libre de la chaine télévisuelle Radio-Canada a fait

119 Barnéoud, L. (septembre 2012).

105 une place de choix, en 2003, à une étude de l’équipe du neurologue montréalais Alain Dagher120, qui concluait que le degré élevé de libération de dopamine est un facteur de risque pour le développement de la dépendance (24 janvier 2003). Cinq ans plus tard, le Winnipeg Free Press (17 mars 2008) estimait que la « cyberdépendance » pouvait être catégorisée officiellement comme une maladie du cerveau. L’hypothèse neurobiologique demeurera importante dans la construction médiatique de la « cyberdépendance » quelque dix années plus tard suite à la diffusion de cette étude montréalaise. En janvier 2012, une autre étude, menée cette fois-ci par une équipe de chercheurs chinois de l’Université Jiao Tong121 et publiée dans la revue scientifique PLOS One, capta, simultanément dans la même journée, l’attention de trois chaines télévisuelles anglophones, soient : CBC (12 janvier 2012), CTV News (12 janvier 2012) et Global News (12 janvier 2012). L’intérêt scientifique de ces chercheurs était de comprendre, à partir d’étude sur les cerveaux, les raisons qui mènent à l’impossibilité de contrôler, de réduire ou d’arrêter l’utilisation d’Internet122. De plus, CTV News (12 janvier 2012) s’empresse de rapporter les propos — d’Henrietta Bowden-Jones, consultante en psychiatrie123 — selon lesquels cette découverte serait « révolutionnaire » (p. 1). Les résultats confirment ce que les cliniciens soupçonnaient, soit des anomalies retrouvées au cerveau, mais également des anomalies du comportement telle la « cyberdépendance ». Malgré les résultats incertains de cette étude à savoir si les changements dans les connexions de la matière blanche124 sont une cause ou une conséquence de la surexploitation de l’Internet, cette avancée suscitera l’espoir de divers chercheurs qui tentent de faire reconnaitre la dépendance à la technologie comme une maladie mentale. Au Québec, le réseau télévisuel privé TVA choisit de rapporter cette recherche dans son bulletin de nouvelles (12 janvier 2012). Quant au Huffington Post (1er décembre 2012), il reprendra cette même nouvelle plusieurs mois plus tard.

120 De l’Institut de neurologie de Montréal. 121 Lin, Zhou, Du, Qin, Zhao, Xu et Lei (2012). 122 CBC (12 janvier 2012); CTV News (12 janvier 2012); Huffington Post (1er décembre 2012); RCI (n.d.). 123 Maitre de conférence émérite à l’Imperial College de Londres. 124 Un tissu à l’intérieur du cerveau sous la matière grise qui contient les fibres nerveuses.

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Dans la même lignée, ce même quotidien soit le Huffington Post125 s’empresse de montrer dans deux articles écrits, l’un en 2012 et l’autre en 2013, comment l’accessibilité d’Internet aurait changé la façon dont nous pensons et interagissons avec les autres, à tel point que la technologie aurait « piraté » notre cerveau (Huffington Post, 11 février 2013, p. 1). D’ailleurs, The Globe and Mail (16 juillet 2010) et le portail d’actualités Sympatico (13 avril 2012) abondaient dans le même sens quelques années auparavant en rapportant les propos d’un gourou du Web, l’éditorialiste anglo-saxon le plus connu, Nicholas Carr.126 Selon ce dernier, Internet est un écosystème technologique d’interruptions — sources constantes de distraction en ligne — qui semble perturber la façon dont le cerveau traite l’information, la façon de penser et de communiquer. Pour étayer son argumentaire, Carr cite le travail en neuroscience moderne de la psychologue Patricia Greenfield127 qui conclut que l’utilisation croissante des technologies contribue à renforcer l’intelligence visuospatiale — la capacité à se souvenir du chemin emprunté dans l’espace —, mais provoque en même temps des faiblesses d’ordre supérieur dans les processus cognitifs, y compris le vocabulaire abstrait, l’attention, la réflexion, la résolution de problèmes d’induction, la pensée critique et l’imagination. Cependant, quatre médias anglophones et francophones128 ont soulevé à cinq reprises entre 2010 et 2013 que l’hypothèse, selon laquelle l’utilisation d’Internet conduit à une perte de fonctions mentales importantes, ne fît pas l’unanimité chez les chercheurs en sciences cognitives.

Toujours en 2012, deux journaux canadiens soit le Huffington Post (30 aout 2012) et The Globe and Mail (31 aout 2012) présentent, au même moment, une autre hypothèse défendue par des scientifiques allemands selon laquelle la « cyberdépendance » serait plutôt de l’ordre héréditaire et aurait des liens avec la génétique moléculaire. Selon des chercheurs universitaires, il y aurait une mutation sur le gène du récepteur de l’acétylcholine dans le cerveau ce qui favoriserait la

125 Huffington Post (2 mars 2012, p. 1; 11 février 2013, p. 1). 126 Membre du comité éditorial du Encyclopedia Britannica et auteur des livres The Shallows : What the Internet is Doing to Our Brains et Internet rend-il bête? 127 University of California de Los Angeles. 128 Huffington Post (2 mars 2012, 11 février 2013); Le Devoir (10 mars 2011); Sympatico (13 avril 2012); The Globe and Mail (16 juillet 2010).

107 promotion des comportements de dépendances. Ils ont observé, chez les personnes « cyberdépendantes », la même variante de gène que celle reliée à la dépendance à la nicotine129.

L’année 2012 a été particulièrement marquante dans la réalisation de différentes recherches sur le rôle du cerveau et de la génétique dans l’explication de la « cyberdépendance ». Par ricochet, l’arène médiatique, à elle seule, a grandement contribué à faire la part belle au discours biomédical dans l’espace public en propageant abondamment, dans les publications et reportages, différentes études scientifiques sur le cerveau et la génétique. On compte plus de neuf médias différents, majoritairement canadiens et anglophones, ayant ainsi retransmis ce type de discours biomédical. Le quotidien anglophone le Huffington Post a consacré, à lui seul, pas moins de quatre articles sur le sujet. De plus, les journalistes ont tenté de vulgariser et de communiquer au grand public les résultats scientifiques des différents experts de la neuroscience (ex. : neurologue, psychiatre, médecin, psychologue, etc.) sur l’importance du fonctionnement cérébral dans le développement de la dépendance à Internet. D’ailleurs, la thèse de la modification des circuits dopaminergiques est reprise dans les trois arènes publiques (scientifique, psychosociale et médiatique). Ces découvertes continuent d’enrichir les connaissances acquises et viennent appuyer le milieu médical qui tente depuis près de quarante ans de documenter les origines génétiques de la dépendance. Il en va de même pour les théories neurobiologiques qui nous rappellent l’influence des paradigmes organicistes tels que la théorie de la dégénérescence (Morel, 1857)130 dans le champ des dépendances. Pour Morel, l’intoxication était vue comme une condition dégénérative entrainant l’anormalité des fonctions nerveuses de la personne affligée; donc une fatalité biologique et héréditaire (cité dans Suissa, 1998). Plusieurs autres chercheurs tentent également d’établir ce même lien avec la « cyberdépendance ». En contrepartie, pour certains, les découvertes de la neuroscience viennent relancer le débat sur la construction

129 CHRNA4. 130 Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l’espèce humaine et des causes qui produisent ces variétés maladives. Ce traité constitue l’une des pièces centrales de l’histoire de la naturalisation des conduites déviantes par la diffusion des notions de dégénérescence et d’hérédité criminelle de l’individu.

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biomédicale de la « cyberdépendance » comme maladie.

Malgré l’importante couverture médiatique accordée aux hypothèses neurobiologiques, les trois plus importantes joutes discursives, dans le débat entourant l’existence de la « cyberdépendance », se centrent sur la justification de cette dernière comme relevant d’un trouble psychiatrique spécifique, de psychopathologies sous-jacentes ou d’une nouvelle dépendance? Or, déterminer si la « cyberdépendance » appartient à tel trouble ou à tel autre signifie déjà que l’existence d’une « cyberdépendance » est acquise pour les tenants de ces approches. À cet effet, bon nombre d’acteurs sociaux des trois arènes publiques plaident pour qu’elle soit reconnue comme étant la conséquence psychologique de phénomènes biologiques déclenchés par l’utilisation excessive d’un objet. En fin de course, ces acteurs militent pour que la « cyberdépendance » soit reconnue comme entité universelle dans le DSM.

Notre prochain point argumentaire met en exergue les discours qui abordent la « cyberdépendance » comme étant le fruit d’une nouvelle maladie mentale ou trouble mental.

4.3.2.3 La « cyberdépendance » : une maladie mentale ou un trouble mental?

Au terme du processus de construction sociale du trouble mental ou de la maladie mentale, la définition de ces acteurs sociaux en est venue à inclure, en général, la présence d’un déséquilibre ou d’un dysfonctionnement des pensées, des sentiments, d’un manque de contrôle ou d’un handicap (Frances, 2013; Suissa, 1998). Cependant, ces manifestations subjectives proposent davantage qu’elles guident de façon opérationnelle la mise en place d’un diagnostic (Frances, 2013). En ce qui concerne la problématique à l’étude, c’est-à-dire, la « cyberdépendance », doit-on la classer comme un trouble psychiatrique à part entière? Si oui, comment et où la classer comme catégorie psychiatrique? Pour l’heure, il n’y a pas d’indicateurs

109 consensuels voulant que la « cyberdépendance » soit incluse dans une catégorie psychiatrique officielle. Pourtant, plusieurs acteurs sociaux des arènes scientifique et psychosociale n’hésitent pas à la reconnaitre comme un trouble distinct et unique. Mais d’autres acteurs des arènes scientifique et médiatique posent l’hypothèse selon laquelle la « cyberdépendance » relève plutôt de la manifestation d’un trouble préexistant.

4.3.2.3.1 La « cyberdépendance » : un trouble spécifique ou un trouble préexistant

Les joutes propres aux arènes scientifique et psychosociale

Pour certains experts de la sphère scientifique et psychosociale, aucune ambiguïté ne subsiste quant au fait que la « cyberdépendance » doive être considérée comme un trouble spécifique, légitime en soi131. Or, pour plusieurs acteurs de ces deux sphères, le « problème » ne dépend pas de l’utilisation d’Internet, mais d’une cause plus fondamentale. Le psychologue québécois Jean Garneau (décembre 1999), le psychiatre Werner Platz, conseillé Berlinois en « cyberdépendance »132 et le Dr Wood (2008)133, prétendent tous trois que la cause du problème provient de l’intérieur de la personne et non de la technologie. Ainsi, la dépendance serait le symptôme d’un malaise profond, tel un vide sur le plan de l’identification ou la présence de vulnérabilités, ou encore de difficultés existentielles ou de stratégies d’adaptation inappropriées. D’autres ajoutent que l’utilisation d’Internet devient alors un moyen technologique permettant de compenser un manque de satisfaction dans certains secteurs de la vie134. De plus, pour plusieurs experts, la dépendance à Internet est la manifestation de l’existence antérieure d’une comorbidité, de psychopathologies ou de troubles de la personnalité; même en l’absence du « médium Internet » le

131 Acier et Kern (2011); Cash et Rae (Winter 2009/2010); Canadian Healhtcare Manager (mai-juin 2008); Goyette et Nadeau (2008); Sergerie (2010); Young (cité dans Computing Canada, 27 avril 1998). 132 Cité dans Birchard (2003). 133 Cité dans Dufour et Parent (janvier 2009). 134 Hall et Parsons (2001, cités dans Dufour, octobre 2003; Optima Santé globale, 2012).

110

problème persiste, mais s’actualise autrement135. Pour certains cliniciens participant à l’étude de Nadeau et ses collègues (2011), Internet est une sorte de nourriture essentielle à la survie psychosociale. Par contre, ceux-ci précisent que même si la « cyberdépendance » a commencé par être un exutoire à un problème préexistant, elle finit par être également un problème à part entière dû aux conséquences liées à l’utilisation excessive. Riches de cette conclusion, les récents travaux de Louise Nadeau et coll. (2011) montrent la nécessité de questionner ce nouveau phénomène à partir de zéro, faire tabula rasa. Selon elle, il faut avoir un regard neuf sur cette problématique sans forcément rejeter toutes les connaissances déjà accumulées dans le champ des dépendances (p. 42).

Les joutes propres à l’arène médiatique

Le lien que les chercheurs tentent d’établir entre l’utilisation d’Internet et la maladie mentale ne fait pas consensus comme nous pouvons le constater dans les propos recueillis dans les médias anglophones et francophones. Deux quotidiens anglophones, le Huffington Post (22 avril 2011) et le Winnipeg Free Press (17 mars 2008) posent la question à leurs lectorats respectifs à quelques années d’intervalle à savoir s’il est raisonnable de croire à des liens de causalité entre l’utilisation d’Internet et la maladie mentale. La preuve est tout, sauf concluante. Les recherches futures doivent montrer des fondements neurologiques pour que la « cyberdépendance » soit considérée comme maladie mentale. D’ailleurs, la nouvelle du réseau anglophone CTV News du 10 février 2010 abonde dans ce sens. Dans un domaine aussi complexe que la santé mentale où les causes sous-jacentes sont souvent un mystère et ne peuvent pas être diagnostiquées avec un test sanguin ou avec un rayon X. Le directeur médical du National Alliance for the Mentally (NAMI) estime que des recherches doivent se poursuivre. Toutefois, le journal La Presse en

135 Bell (cité dans Collier, 27 octobre 2009a); Fisher (2001); Grohol (1999, cité dans Proulx, 2004); Morahan-Martin (2007, cité dans Beaulieu, 2012); Nadeau (2010); Rocher (2008, cité dans Dufour, mars 2012; Dufour et coll., janvier 2009; Dufour et Acier, 2010); Rochon (2004); Shaffer, Hall et Bilt (2000, cités dans Landry, 2001); Taylor (2008); Valleur et Matysiak (2006, cités dans Pinault, 2008); Young (2007, cité dans Brisebois, 2011); Suissa (2008); Wood (2008, cités dans Dufour et coll., janvier 2009).

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2007 (22 novembre) rapportait les propos tenus dans le quotidien anglophone américain le New York Times voulant que les États-Unis reconnussent l’utilisation excessive d’Internet comme un problème de santé mentale. Mais selon un article publié cinq ans plus en 2012 sur le portail d’actualités Sympatico (21 juin), on nous informait du contraire, c’est-à-dire que les psychiatres du monde entier commenceraient à s’intéresser sérieusement à la « dépendance » à Internet. Et voilà qu’en 2013 que la psychologue et chercheuse Louise Nadeau, interviewée par le quotidien le Toronto Star (1er février 2013), se dit prête à officialiser la dépendance à Internet comme étant un trouble mental à inclure dans le DSM.

Malgré que certains médias avancent l’idée que le médium Internet ne serait pas la source du « problème », ils contribuent tout de même à la problématisation de la « cyberdépendance » en proposant d’autres avenues explicatives. C’est le cas du journal québécois Le Soleil (29 mai 2003) montrant, avec les propos tenus par le psychologue Gohol, que le problème provient de comportements dont les racines sont enfouies au plus profond de l’individu. Ce serait le résultat d’une utilisation abusive ou inadéquate — le Web devient alors un modèle compensatoire. Quelques années plus tard, Le Devoir (22 mai 2007) semble répondre à cette question en rapportant la position du docteur chinois Tao Ran, spécialiste en dépendance136. D’après lui, il semble clair que plusieurs personnes passent du temps sur Internet pour oublier d’autres problèmes beaucoup plus graves. Ces personnes souffriraient de troubles psychologiques graves et auraient de sérieux problèmes d’identité; leur « moi » se dilue sur le Web (p. 2). Même son de cloche sur le réseau anglophone CTV News (12 janvier 2012) où le professeur en psychiatrie de la dépendance, Colin Drummond137, abonde dans le même sens. Le site d’hébergement de vidéos YouTube a diffusé une entrevue de la travailleuse sociale Valérie Van Mourik (2011) du Centre Dollard- Cormier (Montréal)138 dans laquelle, elle affirme que l’utilisation d’Internet peut combler des besoins sociaux et interpersonnels qui conduiraient à la

136 Médecin militaire et psychiatre, pionnier en Chine des questions d’accoutumance à la drogue. 137 King’s College de Londres. 138 Centre Jeunesse de Montréal Institut universitaire. (2011, 23 février). La cyberdépendance.flv.Vidéo mise en ligne le 23 février 2011, 875 visionnements [en date du 28 février 2017]. Récupéré à https://www.youtube.com/watch?v=plGCEQbmYBw

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« cyberdépendance ».

Rappelons que dans les pages précédentes, nous avons déjà mis en lumière les propos de Bueno qui soulevait l’enjeu de la participation grandissante de la psychiatrie dans la redéfinition médicale de conduites sociales. Dans cette même veine, en référence à la nouvelle version du DSM, la dépendance à Internet, définie comme trouble mental, est remise en question au regard de la définition biomédicale, c’est-à-dire, universelle et basée sur la « connectivité » de la structure cérébrale (Bueno, 2014, p. 98). De la même manière que certains tentent de prouver que la « cyberdépendance » est une maladie physique, ceux qui militent en faveur de sa reconnaissance comme trouble mental représentent la « cyberdépendance » à partir de la modélisation d’un problème de connexion cérébral situé entre les neurones (Bueno, 2014, p. 99). Nous voyons apparaitre dans cette nouvelle définition un modèle scientifique médical et une volonté de renouer avec la psychiatrie biologique.

Toutefois, quelques acteurs choisissent de faire entendre leur désaccord dans les plateformes médiatiques en prônant une conception opposée. Dans le doute, certains préfèreront s’abstenir ou défendre leurs positions en arguant que les troubles mentaux sont des constructions « mythiques » et arbitraires. De plus, ils craignent que cette pente glissante ne s’étende à d’autres groupes vulnérables. Ce souci semble légitime, car selon Cormier (1984, 1988), en médecine traditionnelle, on médicalise et psychiatrise en accolant rapidement l’étiquette de « maladie » à presque toutes les difficultés personnelles ou sociales, selon leurs fréquences d’apparition ou selon les préoccupations de l’imaginaire du peuple. Selon Otero (2012), tout peut être problématisé, évalué, coté, codé comme une pathologie. D’ailleurs, le meilleur exemple était l’Axe V du DSM-IV nommé « fonctionnement global ». Cet axe permettait de coter la vie ordinaire, de donner une appréciation générale de la capacité de fonctionnement de l’individu et d’évaluer comment celui-ci compose avec son quotidien.

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Minotte et Donnay (2010) estiment, pour leur part, que c’est, une fois de plus, une nouvelle façon de « stigmatiser » une pratique ludique, technologique et sociale encore en voie d’intégration et de régulation dans la population. Le psychiatre , considéré comme étant le père de l’antipsychiatrie, nie catégoriquement que les problèmes psychiatriques soient des maladies. Pour Szasz (1974)139 Ehrenberg (2006) et St-Onge (2013)140, l’association de la dépendance à la maladie mentale est un glissement métaphorique et non scientifique. Pour eux, un comportement tel que l’utilisation dite excessive d’Internet ne peut constituer une maladie mentale en soi, tel qu’il est stipulé dans certains pans de la documentation médicale, car la maladie est un phénomène limité spécifiquement au corps physique. Les examens biologiques seront tous négatifs. Ce n’est que par analogie qu’on parle de maladie mentale comme « maladie de l’âme », maladie de l’esprit. Szasz141 dénonce l’existence même du diagnostic psychiatrique. Le terme « diagnostic » qualifie seulement tout ce que font les psychiatres qui jouissent d’une légitimation sociale avec les « soi-disant » malades mentaux. D’après sa théorie, la maladie mentale relève du mythe, il s’agit d’un faux concept de notre ère scientifique qui sert uniquement à expliquer des comportements considérés marginaux par la société et à stigmatiser les individus. Pourquoi, dès lors se soucier de les diagnostiquer? Selon Frances (2013), « ceux qui reconnaissent l’existence du trouble mental font preuve de réductionnisme biologique alors que ceux qui croient à son contraire font preuve de doute hyperbolique » (p. 56). Au fond, la plupart des querelles se résument à la question suivante : comment appréhender les réalités à travers ces opinions divergentes?

Le second groupe d’acteurs articule sa construction de la « cyberdépendance » davantage autour de l’idée selon laquelle celle-ci serait plutôt un symptôme d’un malaise sous-jacent ou de troubles préexistants. Suivant la logique biomédicale, les sources de la « maladie » ne sont pas les causes externes tels les objets ou les substances, mais plutôt des problèmes émotionnels ou psychiatriques vécus par

139 Cité dans Suissa (2007a, p. 21). 140 Jean-Claude St-Onge est professeur en philosophie, docteur en socio-économique et écrivain québécois. 141 Cité dans Theillier (2014).

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l’individu. Ainsi, quoique l’effet d’Internet puisse être ensorcelant, la source ultime du « problème » lié à son utilisation réside à l’intérieur de la personne et devient soit le symptôme d’une ou plusieurs autres maladies déjà existantes, soit le signe d’une grande vulnérabilité ou de troubles psychologiques plus importants. Or, la recherche a échoué jusqu’à maintenant dans ses diverses tentatives d’apporter des réponses claires. Malgré cet échec, nombre d’acteurs sociaux des arènes scientifique et psychosociale s’appuient tout de même sur l’argument voulant que la « cyberdépendance » relève d’une psychopathologie sous-jacente. Ces acteurs ne souscrivent pas à l’idée d’une structure psychologique propre à la dépendance, mais à cette autre idée de la vulnérabilité ou de la prédisposition aux conduites pathologiques (Suissa, 1998; Valleur et Matysiak, 2002).

Les médias véhiculent, quant à eux, l’idée que l’utilisation d’Internet serait un moyen de réduire les souffrances morales, c’est-à-dire, une sorte d’auto traitement de l’angoisse, permettant de soutenir, d’oublier ou de lutter contre un conflit psychique ou une faiblesse du soi. Or, quelques médias anglophones traduisent l’incertitude des chercheurs qui sont plutôt d’avis qu’il est important de poursuivre la recherche afin de mieux étayer cette hypothèse. Même si le psychiatre français, Marc Valleur, a constaté la présence de troubles préexistants dans toutes les dépendances, cela ne peut pas constituer à son avis un argument contre l’existence d’une véritable dépendance. L’un n’exclut pas l’autre. De plus, il redoute que la non-reconnaissance de la « cyberdépendance » s’accompagne aussi de la non-reconnaissance de la souffrance des internautes142.

4.3.2.4 La « cyberdépendance » : un désordre de dépendance?

Nous avons précédemment mentionné que Stanton Peele concevait que le mal physique, les troubles mentaux et les désordres de dépendance constituaient trois niveaux distincts de la « maladie ». Le troisième niveau, celui des désordres de

142 Barnéoud (septembre 2012, p. 3).

115 dépendance se rapproche des troubles mentaux d’où il est issu. Or, la particularité des dépendances tient au fait qu’elles sont identifiables par des comportements observables plutôt que d’être le résultat de déséquilibres au niveau de la pensée et des sentiments, comme c’est le cas pour les troubles mentaux (Suissa, 2005). Depuis les paradis oniriques de Baudelaire faits de vin, de haschich et d’opium, il semblerait que les espaces virtuels soient devenus, selon l’expression du sociologue Alain Ehrenberg (1996)143, le « nouvel opium du peuple ». Parmi les militants de cette troisième thèse, un groupe d’acteurs sociaux avance l’idée que la « cyberdépendance » deviendra une problématique majeure aussi destructrice pour la vie d’une personne que la dépendance aux substances psychoactives ou au jeu. Parmi ce groupe, certains acteurs des arènes scientifique et psychosociale estiment qu’il faudrait déterminer les activités spécifiques qui ont un potentiel de dépendance et définir en quoi elles ont un effet sur les comportements des internautes144. D’autres hésitent à se prononcer et préfèrent attendre que les chercheurs du domaine de la santé mentale arrivent à un consensus sur une définition commune145. Dans l’analyse de notre corpus, il nous a été possible d’observer différentes prises de position sur la reconnaissance de ladite problématique en tant que nouvelle dépendance dans les différentes sphères d’influence.

4.3.2.4.1 La « cyberdépendance » : une nouvelle dépendance

Les joutes propres aux trois arènes : scientifique, psychosociale et médiatique

La conceptualisation de l’utilisation dite abusive comme une dépendance semble être celle qui est la plus répandue. Cette construction est à ce point répandue que le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec reconnait la problématique de « cyberdépendance » dans son programme « Dépendances », depuis

143 Cité dans Bueno (2014). 144 Dufour et coll. (janvier 2013); Landry (2001); TechAddiction (2005). 145 Collier (27 octobre 2009a); Landry (2001).

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2004146. D’ailleurs, plusieurs acteurs dans l’arène scientifique et psychosociale abondent dans le même sens et sont d’avis que la « cyberdépendance » doit être reconnue « officiellement » comme une dépendance au même titre que les autres dépendances147. Pour ce faire, des acteurs de ces deux sphères publiques utiliseront les conférences et les formations, comme stratégie de légitimation, pour transmettre leur construction de ladite problématique. Dans cette veine, des conférences destinées aux intervenants sociaux ou scientifiques œuvrant dans le domaine des dépendances ont été présentées lors de colloques scientifiques ou professionnels, depuis 1996 au Canada et au Québec. Quelques conférences de ce genre ont été répertoriées dans notre matériel empirique. À Edmonton, le thème de la « cyberdépendance » a été abordé lors de la Professional Addiction Conference 2005 (PAC) organisée par l’Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission (AADAC) (Townsend, 2007-2008).

Dans la province du Québec, au 26e colloque annuel de l’Association des intervenants en toxicomanie du Québec (AITQ) en 1998, le psychologue Jean-Pierre Rochon a été le premier, à notre connaissance, à prononcer une conférence sur ce sujet (octobre 1998). Par ailleurs, l’Association des intervenants en toxicomanie du Québec (AITQ) a été un pilier important dans le domaine des dépendances, en ce sens que cette organisation tenait annuellement un colloque sur les dépendances148. Le thème de la « cyberdépendance » y a été abordé à quatre reprises entre 1998 et 2012. De plus, une quinzaine de conférences ont été données partout dans la province du Québec par différents acteurs de la sphère scientifique ou psychosociale (ex. psychologues, travailleurs sociaux, intervenants en toxicomanie, etc.)149. Précisons qu’au Québec, la majorité des conférences sur la « cyberdépendance » ont été prononcées par des psychologues.

146 Morin (2011); Vaugeois (2006). 147 Bourque, Charrak, Petit et Labrecque (2011); Casa (2011); Laflamme (2004); Lambert-Chan (2012); Morin (2011); Rioux (2010); Taylor (2008); UMoncton (n.d.); Vaugeois (2006); Van Mourik (n.d.). 148Depuis la fin de l’année 2015, l’AITQ est devenue l’Association des intervenants en dépendance du Québec (AIDQ). Cette nouvelle organisation découle d’un rapprochement consensuel entre l’AITQ et l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec (ACRDQ). Cette fusion s’inscrit dans la foulée de la réorganisation du réseau de la santé et des services sociaux et de la création des Centres intégrés de santé et services sociaux. Repéré à http://aidq.org/lassociation/message-du- president-et-de-la-directrice-generale 149 Acier (2010); Acier et coll. (novembre 2009); Biron et coll. (2010); Dufour (octobre 2003); Dufour et Acier (2010); Dufour et coll. (octobre 2012); Gagnon (juin 2012); Guinois (octobre 2003); Laflamme (mai 2011); Nadeau (2010, octobre 2012); Richard (mai 2009); Van Mourik (n.d., 2011, octobre 2012).

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De plus, deux psychologues québécoises contribuent à la diffusion des discours dominants actuels sur la « cyberdépendance » par le biais de formations destinées aux intervenants du domaine de la santé et des services sociaux150. En 2012, l’AITQ, en collaboration avec les programmes d’études en toxicomanie de l’Université de Sherbrooke (Québec), a offert une formation aux différents intervenants œuvrant dans le champ des dépendances. Cette formation a été dispensée par la psychologue québécoise Magali Dufour (mars 2012)151. Pour sa part, la psychologue Marie-Anne Sergerie a offert une activité de formation accréditée par l’Ordre des psychologues du Québec (OPQ) pour les professionnels (psychologues, psychothérapeutes et intervenants en santé mentale) sur le thème de la « cyberdépendance »152.

Un important espace médiatique (anglophone et francophone) est accordé à un groupe d’acteurs sociaux afin de disséminer ladite problématique sous l’angle du désordre de dépendance. Dans l’importante couverture médiatique réservée à ce sujet, les médias semblent reconnaitre de facto sa ressemblance avec les autres dépendances. Dans cette veine, le quotidien régional L’Acadie Nouvelle annonçait déjà en 1999 qu’« il est tout à fait possible pour l’être humain de développer toutes sortes de dépendances par rapport à bien des choses. Passer trop de temps à l’ordinateur en est une » (19 novembre, p. 1). Selon l’hebdomadaire La Nouvelle Union de Victoriaville « personne n’allait présager que ce phénomène mondial s’apparenterait, et ce, de façon fulgurante, aux addictions déjà connues » (22 juin 2011, p. 1). Notre analyse des données médiatiques nous a permis de retrouver près de deux cents articles et entrevues (181) comparant la « cyberdépendance » à une dépendance. Plus d’une centaine d’entre eux (103) ont été recensés parmi les différentes plateformes francophones et soixante-dix-huit (78) l’ont été au sein du milieu anglophone.

150 Centre québécois de documentation en toxicomanie (2012; Sergerie, 2011, cités dans Beaulieu, 2012); Gagnon (juin 2012); Nadeau et coll. (2011). 151 Cyberdépendance : quand la passion des écrans tourne à l’obsession. 152Cyberdépendance : comprendre, évaluer et intervenir auprès des personnes cyberdépendantes. Repéré à http://www.cyberdependance.ca/cyberdependancenews.html

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À travers ce premier chapitre d’analyse, nous avons mis en relief le fait que le statut existentiel d’un phénomène problématique tel que l’utilisation dite excessive d’Internet suscite différentes rivalités. Des parties intéressées luttent pour imposer la reconnaissance de la « cyberdépendance » comme problème public, et d’autres, pour l’en empêcher. Malgré la présence de contre-discours qui tentent de montrer l’absence de problème, il nous apparait clair que l’influence et l’autorité de certains acteurs sociaux tels que les psychiatres et les psychologues contribuent à capter davantage l’attention publique et semblent orienter la construction sociale vers la médicalisation, d’où l’épithète « cyberdépendance ». Notre analyse montre la place prépondérante de l’arène médiatique comme arène de négociation. D’une part, nous avons observé une mobilisation des médias par les experts divers (psychiatres, psychologues, sociologues, etc.) dans le but d’exprimer et faire connaitre leur positionnement quant à la reconnaissance ou non de la « cyberdépendance » comme problème social dans l’ultime espoir d’attirer l’attention publique afin que leur propre version dudit problème soit retenue parmi les autres. D’autre part, les différentes plateformes médiatiques, tant anglophones que francophones, transmettent les informations relatives aux négociations en cours sur la reconnaissance de l’existence de la « cyberdépendance », mais se retrouvent souvent confinées, relayées dans leur propre arène médiatique. On peut donc dire que les médias ne servent que de relais, en quelque sorte, aux joutes discursives qui ont lieu entre les différents acteurs sociaux des arènes scientifique et psychosociale.

Malgré certains discours dominants, plusieurs interrogations quant à son effet sur la santé physique ou mentale demeurent, à tout le moins, peu concluantes. Certains groupes revendicateurs ont tout de même exhorté les instances officielles de l’Association américaine de psychiatrie (APA) de reconnaitre la « cyberdépendance » comme un problème de santé mentale et de l’inclure dans sa bible psychiatrique. Même si elle n’a pas reçu la reconnaissance officielle escomptée dans le DSM-5, elle a tout de même franchi une étape cruciale, soit l’obligation pour la communauté scientifique, dans les années à venir, de trouver un consensus pour son inclusion imminente parmi les troubles mentaux. Les débats entourant l’existence de la

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« cyberdépendance » resteront, dans un proche avenir, des plus vigoureux. Ces joutes discursives tourneront autour d’une triple interrogation : doit-on considérer la « cyberdépendance » comme un trouble psychiatrique à part entière, comme une psychopathologie sous-jacente ou comme un désordre de dépendance?

Nous constatons que la question n’est pas si simple pour les acteurs sociaux et que des discussions se poursuivront concernant sa reconnaissance. Il ne s’agit pas de la reconnaitre simplement comme trouble spécifique ou comme dépendance, d’autres enjeux s’imposent. Le prochain chapitre exposera la lutte que se livrent différents acteurs qui proposent de catégoriser la « cyberdépendance » comme un trouble impulsif ou compulsif, ou de la sous-catégoriser comme trouble du contrôle des impulsions ou comme trouble obsessionnel compulsif. D’autres débattront davantage de sa comparaison aux substances ou aux dépendances comportementales. Dans ces démêlés, les acteurs sociaux devront s’entendre sur le choix d’une terminologie appropriée pour nommer, déterminer et définir ladite problématique. Bref, l’existence d’un « problème » que l’on tend à nommer la « cyberdépendance » semble réellement admise. Au terme des débats analysés dans ce chapitre, elle semble avoir gagné, du moins, une existence conceptuelle certaine.

Le prochain chapitre fera la lumière sur la lutte des défenseurs de « l’existence de la cyberdépendance » qui chercheront à prouver son existence par le biais de sa classification.

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Chapitre 5 : Classifier et identifier la « cyberdépendance »

Au cours du processus de construction sociale d’un problème public, il ne suffit pas de dire qu’une situation pose problème pour justifier sa légitimité. Les « problèmes » humains ne surgissent pas d’un seul jet, déjà tous fabriqués dans la conscience populaire (Gusfield, 2009). Encore faut-il s’entendre sur la sémantique qui permet de les nommer, de les décrire, de rendre compte de leur caractère problématique et de développer des critères « objectifs » qui permettent d’identifier et de catégoriser des dits problèmes. Nous verrons, dans ce deuxième chapitre d’analyse, que les défenseurs de l’hypothèse de la « cyberdépendance » comme problème public ne débattent plus de son existence, mais poursuivent ardemment leurs activités revendicatives afin d’en définir la structure « identitaire ».

Pour présenter les différentes manières de classifier et d’identifier la « cyberdépendance », ce chapitre est divisé en trois parties. La première expose les débats relatifs à la terminologie jugée être la plus appropriée pour nommer ledit problème. La deuxième partie explique comment les tenants de l’existence de la « cyberdépendance » ont subdivisé et classifié ce phénomène. Et, la troisième partie s’attarde sur l’agencement de divers critères servant à diagnostiquer la « cyberdépendance », tout en faisant mention d’un seuil jugé essentiel au constat pathologique.

5.1 La « cyberdépendance », une terminologie controversée

Depuis la moitié des années quatre-vingt-dix, une quantité impressionnante de termes « jargonneux » a été inventée pour nommer l’utilisation — dite problématique — à Internet. Sous chacun de ces termes lancés tous azimuts pour parler de ce problème se cache une idéologie différente ou une façon de percevoir ou de définir la « cyberdépendance » qui va orienter ultimement sa régulation sociale. Pour Gusfield (2009), le simple fait d’utiliser des mots pour décrire quelque chose pose déjà

121 problème. Sa dénomination est un enjeu complexe. Le moment où l’on identifie l’utilisation d’Internet comme pouvant être problématique, c’est déjà présumer du caractère de ce phénomène et le définir comme doté de telle ou telle forme (Gusfield, 2009, p. 3). Hulsman et Bernart de Celis (1982), Potvin (2008) et Suissa (2005) sont du même avis, l’appellation d’un problème influence l’importance accordée à certains points de vue et a des conséquences sur l’interprétation de l’enjeu qu’en feront les consommateurs d’actualités médiatiques. Par ailleurs, la terminologie appliquée à ladite dépendance est résolument plurivoque, ce qui ne facilite guère la recherche de validité conceptuelle, surtout qu’en matière psychométrique, on devrait finir par parler le même langage (Adam, 2006, p. 235). C’est à se demander si les phénomènes évoqués par une telle terminologie sont identiques, partiellement identiques ou différents.

Dans la compilation des différents matériaux québécois et canadiens composant notre corpus documentaire, pas moins de 248 vocables ont été recensés pour qualifier la problématique à l’étude dans les trois arènes publiques. Sur ce nombre, 118 proviennent du matériel empirique francophone et 130 du matériel anglophone. Précisons que certaines appellations dans notre corpus francophone présentent des variétés linguistiques dans la manière de les écrire (ex. : dépendance à Internet, dépendance à l’Internet, dépendance dans Internet, etc.). Certes, nous nous interrogeons à savoir s’il s’agit d’une stratégie utilisée par les acteurs sociaux dans le but de se démarquer volontairement entre eux dans la manière de dire ou de nommer, ou d’un naïf espoir de voir leur terminologie appuyée par d’autres ou encore d’une simple erreur grammaticale attribuée à la langue française. Néanmoins, nous avons choisi de considérer chacune d’entre elles comme une entité à part entière, car nous croyons, comme Bourdieu (1982), au pouvoir symbolique des mots. En guise d’exemple, Subrahmanyam et Smahel (2011, cités dans Beaulieu, 2012) font la distinction entre dépendance dans l’Internet et la dépendance à l’Internet. Dans le premier cas, Internet constitue essentiellement un environnement au sein duquel un problème distinct et plus profond se manifeste; en l’absence d’Internet, ce même problème demeure présent, mais s’actualise autrement. Dans le second cas, la

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dépendance à l’Internet, ce média crée pour ainsi dire un environnement où se produisent des comportements qui ne se seraient jamais manifestés dans aucun autre contexte. Ainsi, aucun mot n’est neutre. Chaque mot a un sens.

Pour en faciliter l’analyse, nous avons regroupé dans une même classe153 les appellations qui nous semblaient avoir un lien d’appartenance entre elles. Au départ, onze regroupements ont été créés qui, par la suite, ont été rassemblés en trois grandes catégories. La première catégorie réunit les termes en lien avec l’idéologie du désordre de dépendance : cyber, addiction, consommation et manie. La deuxième rassemble ceux en lien avec l’idéologie du DSM : pathologisation, abus, compulsivité, obsession. La troisième catégorie, que nous choisissons de nommer « psychosociale », inclut les termes ne faisant pas référence à la pathologisation soit l’excessivité, la problématisation154, l’inadéquation et la surutilisation. Finalement, au nom de leurs disparités, quelques appellations se retrouvent dans la classe « autre ». Les Tableaux 5 à 7 qui apparaissent à l’Annexe A font état des principales terminologies dans les différentes sphères publiques alors que le Tableau 8 présente une synthèse de ces trois tableaux.

Les joutes propres à l’arène scientifique

À l’intérieur des onze regroupements, pas moins de 102 appellations différentes ont été dénombrées dans notre corpus scientifique pour nommer le phénomène à l’étude. De ce nombre, plusieurs appellations n’ont été codées et dénombrées qu’une seule fois dans notre matériel empirique alors que d’autres l’ont été à plusieurs reprises, comme c’est le cas pour les termes francophones : cyberdépendance (22), dépendance à Internet ou à l’Internet (13), usage/utilisation pathologique d’Internet (17) et usage/utilisation problématique d’Internet (11) et, pour les termes anglophones : Internet addiction (22), pathological Internet use (11)

153 Comme mentionné précédemment, à l’instar d’Adam (2006, p. 241), nous reconnaissons la distinction conceptuelle existant entre le concept de classe et celui de catégorie. 154 Nous tenons à préciser que ce terme est utilisé dans cette section pour nommer l’utilisation problématique d’Internet et non dans le sens de problématisation d’un problème.

123 ou problematic Internet use (9). Les propositions émanant de la catégorie « psychosociale » (excessivité, problématisation, inadéquation, surutilisation) rassemblent, quant à elle, davantage d’appellations francophones. Sur l’ensemble des termes suggérés dans cette catégorie, on en retrouve plus de la moitié, soit 55, qui sont dans les deux langues. Dans cette catégorie, ce sont les termes liés à l’utilisation problématique d’Internet (27) dans les deux langues qui semblent être privilégiés par certains acteurs de l’arène scientifique, mais lorsque vient le temps de nommer ledit problème, les acteurs privilégient majoritairement les termes faisant référence notamment au désordre de dépendance (addiction, dépendance, manie) dans les deux langues (128).

Les joutes propres à l’arène psychosociale

Dans le corpus documentaire constituant l’arène psychosociale, 44 appellations différentes, à l’intérieur de huit regroupements, sont proposées par les acteurs sociaux. De ce nombre, cyberdépendance (48), dépendance à Internet (16), usage ou utilisation problématique (10), pathologique (7) ou excessive d’Internet (7) sont les plus souvent cités alors que du côté anglophone nous retrouvons Internet addiction (10) ou Internet addict (5). Soulignons que la moitié des termes recensés dans les deux langues (22 termes) est liée à l’idéologie de la dépendance (addiction, dépendance, consommation). À l’instar de leurs collègues de l’arène scientifique, les acteurs sociaux de la sphère psychosociale associent également ladite problématique au champ des dépendances (102). De plus, nous constatons qu’il y a peu de propositions de terminologie, s’il y en a, elles sont majoritairement les mêmes que celles retrouvées dans l’arène scientifique. Nous pourrions facilement conclure au manque d’innovation des acteurs de la sphère psychosociale. Il n’en est rien! Nous pensons que, par cette stratégie d’émulation, les acteurs psychosociaux tentent de s’approprier le discours scientifique. Nous nous attendions également à ce que les différents acteurs de cette arène proposent davantage de terminologies ne faisant pas référence à la pathologisation, mais plutôt au domaine « psychosocial », comme l’excessivité, la problématisation, l’inadéquation et la surutilisation; mais ce n’est pas

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le cas (14). C’est dans l’arène scientifique que les terminologies de type « psychosocial » sont les plus nombreuses. Ce constat nous a étonnées et nous avons voulu en comprendre les raisons. Nous avions déjà remarqué d’emblée que les débats entourant la construction des propositions de terminologie se déroulent principalement dans l’arène scientifique. Ainsi un grand nombre d’acteurs sociaux de différents domaines (ex. : psychologie, science de l’éducation, science sociale, sociologie) discutent de l’existence de la « cyberdépendance », et ce, avec une terminologie reflétant leur propre conception du phénomène. Parmi ces acteurs, certains envisagent l’utilisation d’Internet sur un continuum passant de l’usage dit normal à celui de dépendance, et font une différence entre « excessivité, problématisation, inadéquation et surutilisation » qu’ils ne considèrent pas comme de la dépendance. Compte tenu de l’ambigüité conceptuelle qui prédomine dans la littérature relativement à l’utilisation de la terminologie la plus appropriée, Beard et Wolf (2001) ainsi que Caplan (2002) suggèrent d’adopter l’utilisation des termes « problématique », « excessif » ou « utilisation inadaptée » pour décrire l’utilisation dite problématique d’Internet. Selon eux, ces termes impliqueraient moins de connotations théoriques que le terme « dépendance à Internet », celui-ci qui serait jugé plus discriminatoire ou stigmatisant. Leur proposition terminologique à connotation plus « psychosociale » (c’est-à-dire ne faisant pas référence à la « pathologisation ») a été propulsée dans l’arène scientifique et c’est probablement ainsi que les différents acteurs sociaux canadiens et québécois de l’arène psychosociale, participant aux débats sur une terminologie appropriée pour nommer ladite problématique, se sont emparés des termes issus de ce champ. Bref, il n’est peut-être pas si improbable finalement qu’un tel discours se retrouve dans la sphère scientifique.

Les joutes propres à l’arène médiatique

Visiblement, c’est dans l’arène médiatique que l’on retrouve le plus grand nombre d’appellations différentes. Plus de 142 terminologies sont proposées dans les

125 différents médias de masse, et ce, dans les deux langues officielles. D’emblée, nous observons que pas moins de 93 termes font référence à une terminologie liée à la dépendance pour nommer et interpréter le phénomène (addiction, dépendance, consommation). Ainsi, les différents médias de masse anglophones et francophones mettent majoritairement l’emphase sur l’utilisation de métaphores liées au concept général de dépendance (ex. : addiction (66), addicts (28), cyberdépendance (113), dépendant au monde virtuel (52), accro aux écrans ou à l’écran (15), accro du Net (10), etc.). De plus, les médias du milieu francophone accordent une place de choix aux expressions liées à la consommation et à la drogue (ex. : drogué d’Internet, toxicomane du Web, Internet junkies, fumeurs de techno, etc.). Certains médias francophones iront jusqu’à privilégier des termes anglais pour nommer le problème (ex. : webaholism). La catégorie « psychosociale » rassemble autant les appellations francophones qu’anglophones. Les vocables liés à l’excessivité (15) et à l’utilisation problématique (13) sont retenus dans les deux langues. Finalement, la sphère médiatique est la seule à proposer quelques termes métaphoriques dans la catégorie que nous avons nommée « autre » comme lieu de rangement qui font référence soit au prisonnier (ex. : bagnard, otage), à l’esclavage, à la déroute et au magnétisme (ex. : écrangivore).

Bien que la fabrication de « phénomènes nouveaux » passe prioritairement par l’arène scientifique — qui se constitue en véritable laboratoire de production de connaissances sur le phénomène à saisir (Latour et Woolgar, 1979) — la propagation d’une terminologie privilégiée passe par l’investissement d’espaces non scientifiques (ni psychosociaux) où le discours des différents acteurs aura des échos et contribuera à influencer et orienter l’opinion publique ainsi que les politiques sociales. En raison de leurs nombreuses propositions de terminologie, les divers médias de communication anglophones et francophones ont fabriqué collectivement une représentation sociale de la « cyberdépendance » et ont démontré du même coup toute l’importance qu’ils accordent à la publicisation entourant cette nouvelle problématique. En vue de capter l’attention d’auditoires, le discours médiatique s’est construit et s’est mis en valeur par le biais de différentes stratégies. L’une d’elles, la

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dramatisation, se fonde sur le sensationnalisme, la stimulation des émotions et le recours aux métaphores et aux symboliques permettant d’exploiter l’imaginaire collectif et social en insistant sur les propriétés addictives d’Internet. Les métaphores 155 et les symboles contribuent à fabriquer ce que Walter Lippmann appelle des « images dans nos têtes », insistent sur les présumés dangers d’une utilisation dite problématique d’Internet et font un lien avec les drogues dites dures. Si nous en croyons les médias, il serait possible de devenir de véritables junkies du numérique.

Il apparait manifeste que les joutes discursives, entourant la construction d’une terminologie pour parler de ladite problématique, se passent principalement à l’intérieur des arènes scientifique et médiatique. Tout d’abord, parce que ces arènes emploient le nombre le plus élevé de termes pour qualifier le problème : plus de 143 propositions de terminologie différentes dans l’arène médiatique et 101 dans l’arène scientifique. Ensuite, nous remarquons que dans les sphères de la science et des médias, les défenseurs de la maladie mentale suggèrent beaucoup plus d’appellations que dans l’arène psychosociale. Malgré une tentative des acteurs — principalement dans la « catégorie psychosociale » — de promulguer des termes qui ne font pas référence à la maladie (ex. : utilisation excessive, problématique ou inadéquate, surutilisation), nous constatons que ces défenseurs, cherchent à assimiler la « cyberdépendance » aux autres « dépendances » comme cadre156 interprétatif de ladite problématique. D’ailleurs, dans les trois arènes publiques, les différents acteurs sociaux proposent pas moins de 130 appellations faisant référence à la dépendance (ex. : cyber, addiction, dépendance, consommation, etc.). De plus, les termes « cyberdépendance », « dépendance à Internet » et « Internet addiction » sont retenus et cités à maintes reprises dans notre matériel empirique. On pourrait en arriver à la conclusion qu’un consensus semble régner concernant le choix de cette terminologie, mais ce n’est pas le cas.

155 Cité dans Gusfield (2009, p. 56). 156 Chez Goffman (1974, 1991), le « cadre » est un « schéma d’interprétation ». Il permet aux individus de localiser, percevoir, identifier et interpréter les événements auxquels ils sont confrontés.

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Depuis 1996, des acteurs sociaux s’interrogent sur l’utilisation du terme « cyberdépendance » à savoir s’il est approprié pour nommer ce « problème » lié à l’ère de la technologie (Morin, 2011; Lambert-Chan, 2012). À ce titre, l’Association américaine de psychiatrie (APA)157 n’arrive pas à se décider sur le terme à utiliser et doute que le terme à employer soit « dépendance » lorsqu’il est question de définir la « situation problème ». En 1996, la revue scientifique Canadian Medical Association Journal la décrivait comme une variante de l’ordinomanie (O’Reilly, 15 juin 1996). Seul, un petit nombre d’acteurs des trois arènes publiques partage encore cet avis pour désigner toute dépendance reliée à l’univers informatique, à la dépendance à l’ordinateur ou à la technologie158. Or, pour le psychologue canadien Brent Conrad, du centre TechAddiction159 (2005) en Nouvelle-Écosse (Halifax), ce terme englobe une variété de comportements différents. Dufour, Nadeau et Gagnon (2014) abondent dans ce sens; il importe de tenir compte de la diversité des applications pouvant être considérées comme étant problématiques. Ces derniers soulignent la pertinence de développer un concept qui prendrait en compte l’ensemble des activités liées à l’utilisation d’Internet. À cet effet, la sociologue québécoise Virginie Bueno (2014) suggère d’utiliser le terme « les cyberdépendances » en raison des multiples définitions et possibilités qu’une telle épithète permet de conjuguer. Suissa (novembre 2015) s’est rallié à la proposition de Bueno160.

Même si le concept de « cyberdépendance » a évolué à travers les années, et que depuis 2013, le dictionnaire de la langue française Le Petit Robert a caractérisé cette dépendance de très contemporaine « dans sa grande bibliothèque de mots » (Sympatico, 21 juin 2012, p.1), il n’y a pas, pour l’heure, de terme universellement reconnu par les experts pour désigner cette « situation problème ». L’absence d’un langage commun reflète manifestement l’existence d’une lutte concernant la

157 Cité dans Fortin (2006). 158 Bourque, Charrak, Petit et Labrecque (2011); Taylor (2008). Arène médiatique : Journal de Montréal (12 janvier 2009); Progrès-Dimanche (13 juin 1999); Sympatico (16 octobre 2009); The Globe and Mail (17 février 2000). 159 Centre de traitement et de service d’informations pour les adultes, les adolescents et les enfants. À notre connaissance, il est le seul centre de traitement spécialisé dans la « dépendance » à Internet et aux jeux vidéos au Canada. Il est situé à Halifax en Nouvelle-Écosse. Repéré à http://www.techaddiction.ca/ 160 Dans une formation donnée aux intervenants sociaux intitulée : Internet et les cyberdépendances : fondements et pistes d’intervention (Suissa, novembre 2015).

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délimitation du problème et la possibilité que certains glissements conceptuels se produisent. Pour Aubut (1993)161, cette absence de langage commun ne peut qu’accentuer les tendances naturelles au clivage qui existent déjà entre les différents groupes d’acteurs. Or, pour le psychiatre Frances (2013), ce sont surtout les différents acteurs sociaux qui décideront des us et abus d’une terminologie donnée (p.218-219).

De plus, cette absence de terminologie commune n’empêche pas certains acteurs sociaux, interpellés par la construction de cette nouvelle réalité, d’imaginer différentes classifications de « cyberdépendance » afin d’en raffiner la compréhension.

5.2 Classifier la « cyberdépendance »

Dans la foulée de cette construction, les acteurs sociaux ont poussé l’objectivation régulatrice du phénomène en découpant ses particularités en infiniment petit dans le but de l’insérer au sein de systèmes classificatoires. De notre analyse documentaire découlent donc quatre propositions de classification construites par les différents experts pour tenter d’identifier un individu affecté par un trouble quelconque de « cyberdépendance ». La première, celle promulguée par des défenseurs de la maladie mentale, suggère de classifier la « cyberdépendance » à l’intérieur de deux sous-catégories diagnostiques, soit les troubles impulsifs (comme un trouble du contrôle des impulsions) ou les troubles compulsifs (comme un trouble obsessionnel compulsif). La deuxième, celle des défenseurs du désordre de dépendance, compare la « cyberdépendance » soit à une dépendance aux substances psychoactives ou encore aux dépendances comportementales. Comme troisième et quatrième systèmes classificatoires, certains tenteront de les ordonner soit en proposant des profils d’utilisation problématique d’Internet ou des typologies spécifiques en fonction des différents contenus numériques retrouvés en ligne.

161Aubut (1993, p. 299, cité dans Adam, 2006).

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Pour certains acteurs sociaux des arènes scientifique, psychosociale et médiatique, la « cyberdépendance » est donc de l’ordre de l’impulsion et alors ils la classeront dans la sous-catégorie des troubles du contrôle des impulsions. Pour d’autres, comme elle relève plutôt de la compulsion, ils la sous-catégoriseront dans les troubles obsessionnels compulsifs.

5.2.1 Classer la « cyberdépendance » comme trouble impulsif ou compulsif

Les joutes propres aux trois arènes : scientifique, psychosociale et médiatique

Dans un premier temps, majoritairement les experts admettent l’existence de la « cyberdépendance », et dans un deuxième temps, ils la définissent comme un besoin impulsif et incontrôlable d’utiliser Internet provoquant ainsi des difficultés fonctionnelles ou des souffrances cliniquement significatives. Contrairement au trouble compulsif, Internet n’est pas, pour ces experts, associé à des pensées désagréables et troublantes162. Dans la lignée des troubles impulsifs, la psychologue Young (1996)163 milite en faveur d’inscrire les problèmes relatifs à l’utilisation d’Internet dans le sillon d’une définition biomédicale du savoir et peaufine sa catégorisation psychiatrique en proposant de la classer au sein des « troubles du contrôle des impulsions non classées ailleurs »164. Elle est convaincue que la « cyberdépendance » doit être étudiée de la même façon que les autres troubles du comportement reliés à une impossibilité de contrôle des impulsions, comme le sont la cleptomanie, la pyromanie et le jeu pathologique. Cette proposition semble trouver écho chez un bon nombre d’acteurs sociaux des sphères scientifique et

162 Acier et Kern (2011); Block (2008, Griffiths, 2010; Shapira, Goldsmith, Keck, Khosla et McElroy, 2000; Stetina et coll., 2011; Young, 2007, 2009, cités dans Dufour et coll., janvier 2013); Fortin (2006); Goyette et Nadeau (2008); Landry (2001); Shapira, Lessig, Goldsmith, Szabo, Lazoritz, Gold et Stain, 2003, cités dans Vaugeois, 2006). 163 Cité dans Vaugeois (2006). 164 Catégorie disparate du DSM englobant des comportements non spécifiques ayant trait au contrôle des impulsions et qui ne sont pas décrits en d’autres endroits dans le DMS. La catégorie se définit comme suit : la caractéristique essentielle des troubles du contrôle des impulsions est l’incapacité de résister à l’impulsion, à la tendance ou à la tentation d’accomplir un acte qui nuit à soi-même ou à autrui. Le sujet éprouve une sensation croissante de tentation et d’excitation avant de commettre l’acte puis ressent du plaisir, de la gratification ou du soulagement en passant à l’action. Après l’acte, on peut observer du regret, une auto- accusation ou de la culpabilité (APA, DMS-IV-TR, 2000, p. 1064).

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psychosociale165.

A contrario, le psychiatre Ries (2002)166 juge que le terme compulsion est plus approprié lorsqu’il est question de l’associer à un objet ou à un comportement. La compulsion est définie comme un excès involontaire et sous-entend une lutte interne de l’individu. Celui-ci devient incapable de résister au comportement, ce qui le pousse à agir de manière irrationnelle et à perdre le contrôle. Plusieurs acteurs scientifiques et psychosociaux concentrent leurs efforts de construction sociale de la « cyberdépendance » autour de cette conceptualisation de la compulsion167; mais ils sont beaucoup moins nombreux que ceux qui adhèrent à l’impulsion. Afin de préciser davantage cette classification, le psychologue Griffiths (1998)168 suggère de la sous- catégoriser comme un trouble obsessionnel compulsif (TOC)169, même si le DMS-IV associe généralement les substances psychoactives à cette catégorie. Le psychologue québécois Rochon (2004) abonde dans le même sens. Selon Lambert-Chan (2012), plusieurs autres chercheurs de la communauté scientifique abondaient dans ce sens lorsqu’ils ont proposé son inclusion dans la cinquième version du DSM.

Dans les arènes scientifique et psychosociale, la proposition de Young de classifier la « cyberdépendance » comme trouble du contrôle des impulsions est largement retenue par plusieurs acteurs québécois et canadiens. Toutefois, cette proposition ne semble pas avoir fait grand éclat dans les médias de communication en général. Plusieurs médias québécois et canadiens privilégient plutôt la thèse de la

165 Beard et Wolf (2001); Dufour et coll. (janvier 2013); Encyclopedia of Social Work (Mizhrahi et Davis, 2008, cités dans Beaulieu, 2012); Fortin (2006); Garneau (décembre 1999); Illinois Institute for Addiction Recovery (2004, cité, par Brisebois 2011); Mitchell, Becker-Blease et Finkelhor (2005, cités dans Taylor, 2008); Morahan-Martin (2005, cités dans Brisebois, 2011); Rioux (2013), Sergerie et Lajoie (cités dans Morin, 2011); TechAddiction (2005). 166 Professeur de psychiatrie au Harborview Medical Center à Seattle (cité dans Fortin, 2006). 167 Encyclopedia of Social Work (cité dans Mizrahi et Davis, 2008 dans Beaulieu, 2012); Garneau (décembre 1999); Griffiths (1998, cité dans Optima Santé globale, 2012); Jauréguiberry (2000); Laflamme (2004); Landry (2001); Le Psynternaute (1997), Proulx (2004); Rochon (cité dans Alberta Éducation, 2010); Rochon (mai 1996, juillet 1996, octobre 1998); Social Work Dictionary (cité dans Barker, 2003 dans Beaulieu, 2012); UMoncton (n.d.). 168 Expert reconnu et auteur de plus d’une centaine d’articles scientifiques et de plusieurs ouvrages sur la « cyberdépendance » (cité dans Optima Santé globale, 2012; Suissa, 2007b). 169 Le TOC se définit comme étant une hantise, une idée ou une pensée, toujours omniprésente, qui s’amplifie jusqu’à devenir une obsession (Rochon, 2004).

131 compulsion à celle de l’impulsion170. D’ailleurs, tout le débat concernant la proposition de classifier la « cyberdépendance » parmi les troubles impulsifs a fait bien peu de vague dans les médias; seulement trois médias anglophones ont traité de cette possibilité, et ce, le même jour171.

Dans l’analyse de notre corpus, il nous a été également possible d’observer, dans les trois arènes publiques, différentes prises de position relatives à la classification de ladite problématique comme un désordre de dépendance. À cet effet, une dissension règne au sein même des défenseurs de la pathologisation particulièrement dans les sphères scientifique et psychosociale face à la similitude entre « cyberdépendance » et « dépendance ». Certains classent la « cyberdépendance » comme toute autre dépendance alors que d’autres majoritairement — lui trouvant une ressemblance avec le jeu pathologique — suggèrent qu’elle soit plutôt classifiée dans les dépendances comportementales.

5.2.2 Classer la « cyberdépendance » comme substance ou comme dépendance comportementale

Les joutes propres aux arènes scientifique et psychosociale

Quoique minoritaires, des acteurs scientifiques et psychosociaux estiment que l’utilisation intensive d’Internet peut devenir problématique et que cette « dépendance » partage des caractéristiques communes avec celles qui sont rattachées aux substances (ex. : alcool, drogue, médicament)172. Le psychologue Rochon (2004) croit que demeurer accroché, de longues heures à l’ordinateur, provoque le même effet désinhibant que l’alcool sur un individu. Dans deux revues médicales, le

170 CBC News (8 juin 2009); Huffington Post (11 février 2013); La Presse (15 juin 2000, 28 mars 2008, 30 janvier 2010a); Le Soleil (29 mai 2003); Progrès-Dimanche (13 juin 1999); Par 4 chemins de Radio-Canada (18 novembre 1998); TVA Nouvelles (3 juin 2010, 12 janvier 2012); Winnipeg Free Press (17 mars 2008). 171 CBC (12 janvier 2012); CBC News (12 janvier 2012); CTV News (12 janvier 2012). 172 Coulombe (2003); Griffiths, Davies et Chappell (2004, Ogletree et Drake, 2007, Thomas et Martin, 2010, cités dans Dufour et coll., janvier 2013); Landry (2001); Rochon (2004).

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Canadian Medical Association Journal (1996)173 et The Medical Post174, des acteurs font l’analogie avec les médicaments et une drogue de choix. Pour Morahan-Martin et Schumacher (2002)175, Internet peut socialement être libérateur — c’est le « Prozac » de la communication sociale. Pour capter l’imaginaire de leurs lectorats, la revue technologique, comme Computing Canada (1998), utilise cette comparaison, en nous présentant le témoignage d’un internaute pour qui la « cyberdépendance » est comme une substance injectée dans les veines (p.1). Le philosophe Hervé Fisher (2001) compare également Internet à un psychotrope d’évasion. La drogue chimique est remplacée, ici, par une technologie de communication rationnelle, une « psycho technologie ». Quant à Coulombe (2003, p. 22)176 et au sociologue français Jauréguiberry (2000, p.142), Internet serait la « drogue du mirage » ou la « drogue du moi ».

Parmi l’ensemble des acteurs provenant de différents horizons (ex. : psychologie, médecine, technologie, philosophie, sociologie, etc.) reconnaissant l’existence de la « cyber » dépendance, peu nombreux sont ceux qui la comparent aux substances, mais moult experts scientifiques et psychosociaux la voient comme une sous-catégorie de la dépendance comportementale177. S’étant inspirés du jeu pathologique pour étudier la « cyberdépendance », il est donc plus facile pour eux de faire cet amalgame puisque le jeu et la « cyberdépendance » ne présentent pas de symptômes de sevrage physique comme c’est le cas pour les dépendances chimiques.

173 Revue scientifique (O’Reilly, juin 1996). 174 Revue professionnelle (Birchard, mai 2003; Wysong, juin 1998). 175 Cités dans Davis (2003). 176 Journaliste québécois et auteur du livre Les dangers du clavardage. 177 Brisebois (2011); Goldsborough (novembre 1997); Griffiths (1995, 1998, 2000); Johansson et Gotestam (2004; Ko et coll., 2005, cités dans Taylor, 2008); Holden (2001; Valleur et Velea, 2002, cités dans Vaugeois, 2006); King (1996; Young (1996, 1999, cités dans Cliche, 2001); Korkeila, Kaarlas, Jääskeläinen, Vahlberg et Taiminen (2010, cités dans Beaulieu, 2012); Landry (2001); Morin (2011); Nichol et Nicki (2004); Optima Santé globale (2012); O’Reilly (15 juin 1996); Rioux (2010); Sergerie (2005); Sergerie et Lajoie (2007); Squires (1996); St-Yves (2011); TechAddiction (2005); Tremblay (2008); Vachon (janvier 2007).

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Les joutes propres à l’arène médiatique

Comparer la « cyberdépendance » aux autres substances et vouloir l’insérer dans la catégorie des désordres de dépendance est au premier plan dans plusieurs médias québécois et canadiens; selon eux, les effets ressemblent aux conséquences provoquées par l’absorption de substances psychoactives et justifieraient son insertion dans la catégorie des désordres de dépendance. De tous leurs discours médiatiques se dégagent deux types de comparaison. Le premier type établit des liens entre la « cyberdépendance » et l’alcool178. Dans cette veine, le quotidien Le Droit (29 mai 2006, p.1) jouxte à sa construction de la « cyberdépendance » une note humoristique indiquant que la « cyberdépendance » serait une obsession maladive de même importance que celle liée au tabac, à l’alcool ou aux « beignes de Tim Horton’s ».

Le deuxième type de comparaison fait référence aux drogues. Le bulletin de nouvelles à Radio-Canada179 compare, à deux reprises, Internet à la drogue. Le journal électronique Rue Frontenac (29 janvier 2011a) relate les propos de deux psychiatres français180 qui sonnent l’alarme à propos du caractère potentiellement addictif d’Internet le comparant aux drogues dures. Même son de cloche sur le portail d’actualités Sympatico où les « cyberdépendants » sont construits comme des « toxicomanes numériques » (27 aout 2009, p. 1; 23 mars 2010, p.1) qui vivent un état de « Webriété » (27 aout 2009, p. 1; 23 mars 2010, p.1) — un étrange état d’euphorie numérique. Sur la chaine YouTube, dans une vidéo de conscientisation diffusée sur fond de la trame sonore du film Requiem for a Dream, on voit, par le biais d’images, des étudiants en travail social forger un lien entre les personnes « dépendantes à ces drogues » et des « intoxiqués d’informations » incapables de se priver de leur « dose »181. Le Huffington Post (2 mars 2012)182 construit aussi un

178 TVA Nouvelles (13 juillet 2005); Winnipeg Free Press (17 mars 2008). 179 Radio-Canada (2 octobre 1999; 27 juillet 2011). 180 Michel Hautefeuille et Dan Velea, auteurs du livre « Les Addictions à Internet, de l’ennui à la dépendance ». 181 Vidéo de conscientisation réalisée par des étudiants québécois en Techniques en travail social du Cégep de St-Jean-sur- Richelieu (Jasmin-Tessier, Masse, Harver et Laliberté, 2009). Il est possible de la visionner sur la plateforme vidéo en ligne « YouTube ». Le film expose la descente aux enfers de quatre individus en parallèle avec leur dépendance à l’héroïne, à la

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parallèle avec les héroïnomanes alors que dans l’émission radiophonique Triplex à Radio-Canada (n.d., 2012), l’animateur utilise plutôt l’analogie « fumeurs de techno ». Enfin, le journal The Province (4 octobre 2011) de la Colombie-Britannique prétend que la « cyberdépendance » est similaire à la dépendance au puissant médicament OxyContin183. Rien de mieux pour capter l’attention, stimuler et frapper l’imaginaire collectif! Ainsi, les discours médiatiques s’articulent principalement autour de l’utilisation symbolique et métaphorique lorsqu’ils fabriquent les « internautes comme étant des drogués » (ex. : junkies du Net, accro, cyberdrogué, toxicomane du Web, crackhead). Stratégiquement, en comparant ainsi Internet à l’utilisation de substances psychotropes, les médias laissent sous-entendre à leurs auditoires respectifs que le niveau de dangerosité addictif à Internet est semblable à celui des drogues.

De plus, différents auteurs (Wahl, 1999; Gerbner et coll., 1980; Mcquail, 1979, cités dans Dorvil, Kirouac et Dupuis, 2015) viennent nous rappeler aussi que « les images projetées par les médias, de manière générale, sont intériorisées par l’auditoire et deviennent parfois des mythes dont il est difficile de se défaire » (p. 144). Cette situation est encore plus d’actualité, dans un monde où les médias de masse sont consommés de façon croissante autant par les enfants, les adolescents que les adultes, au point qu’ils constituent selon Paik (2001), la première source d’acquisition de connaissances. Ainsi, les médias anglophones et francophones contribuent à perpétuer les représentations sociales d’un groupe d’acteurs dominants des sphères de la science et du psychosocial voulant que l’utilisation d’Internet puisse être aussi dangereuse que la consommation de psychotropes. Rappelons qu’au point 5.1 nous avions recensé plus de 24 terminologies différentes184 se référant uniquement à la consommation.

cocaïne et aux pilules pour maigrir (speed). Depuis sa mise en ligne, la vidéo a été visionnée plus de 8 058 fois [en date du 28 février 2017]. Repéré à http://www.youtube.com/watch?v=E6piE6g02KI 182 Shaahin Cheyenne est chroniqueur, entrepreneur, cinéaste et écrivain. 183 L’Oxycontin est un antalgique similaire à la morphine, codéine, héroïne et à la méthadone qui agit directement sur le cerveau. 184 Ces terminologies se retrouvent dans le choix du titre de la nouvelle qui fera la manchette ou dans les discours articulés dans l’article journalistique ou encore, dans l’entrevue d’experts. Voir Tableau 7 à l’Annexe A.

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A contrario, la classification de la « cyberdépendance » comme dépendance comportementale ne semble pas être d’un grand intérêt. Le quotidien anglophone terre-neuvien The Telegram185 (6 mars 2010) rapporte que la dépendance à Internet est la nouvelle dépendance du millénaire comparable à la dépendance au jeu. Outre ce quotidien anglophone, quatre médias de masse francophones en font mention186.

Nous avons également mis la main sur trois discours, dans l’arène psychosociale et médiatique, qui ne cadrent pas dans les différentes catégories énoncées ci-dessus. Le premier discours, celui de Guinois (2003, p. 267), compare l’internaute à une sorte de fantôme qui, se faufilant adroitement, le visse à son ordinateur. Pour le quotidien Le Soleil (29 mai 2003, p.1), la « cyberdépendance », est comme une ventouse informatique, tel un rideau permanent entre les personnes et les choses. Enfin, pour le journal terre-neuvien The Telegram, Internet est comparable à un abime virtuel (6 mars 2010, p.1).

De vives polémiques perdurent, depuis des décennies, entre les différents tenants d’une approche psychologisante s’efforçant de classifier — de la façon la plus appropriée —, la « cyberdépendance » soit comme trouble du contrôle des impulsions, comme trouble obsessionnel compulsif ou encore comme désordre de dépendance. Force est de constater que sur le plan scientifique, la recherche en est encore à ses premiers balbutiements et que les différents experts sont loin d’en être arrivés à un consensus. Serait-il légitime de se questionner sur cette logique de classement? L’étude de Herscovich (1999)187 nous procure de précieuses informations sur les arguments qui sous-tendent cette classification. Il nous rappelle qu’historiquement l’alcoolisme relevait d’un désordre de compulsion alors que le jeu était déjà classé comme désordre d’impulsion. Même si plusieurs chercheurs de partout dans le monde continuent de se référer aux dépendances comme étant un trouble obsessionnel compulsif, la psychologue Young suggère, quant à elle,

185 Selon Dennis Kimberly dans Bartlett, S. (6 mars 2010). Caught in the Net, The Telegram, p. 3. 186 La Presse (13 novembre 2013); Le Droit (29 mai 2006); le Quotidien (12 novembre 2008); Radio-Canada Nouvelles (2 octobre 1999). 187 Cité dans Suissa (2005, p. 108).

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d’inclure la « cyberdépendance » dans les troubles de contrôle des impulsions, là où se trouve déjà le jeu pathologique. D’ailleurs, un groupe de travail a déjà fait la même recommandation pour le DMS-5188 et les acteurs québécois et canadiens semblent majoritairement adhérer à ce type de classification.

Pour la psychologue et chercheuse québécoise Louise Nadeau (2010, 2012)189, l’émergence du concept « dépendance sans substance » appliqué au jeu pathologique a remis en question le rôle central de la substance dans la dépendance et a propulsé du même coup le concept de dépendance comportementale au rang des dépendances. Cette extension de la notion de dépendance aux comportements ne va pas de soi et les polémiques sont nombreuses190. Ces vifs débats sont de nature à raviver les discussions portant non seulement sur les entités regroupées sous le terme de dépendance comportementale, mais aussi, sur le contenu même de la définition des dépendances en général (Valleur, 2012). Certains détracteurs rejettent du revers de la main cet élargissement de la dépendance comportementale en justifiant l’absence de reconnaissance officielle de cette catégorie dans le DSM, et ce, malgré la reconnaissance universelle du jeu pathologique comme faisant partie des dépendances sans drogues. Selon le psychiatre français Marc Valleur (2012), de nombreux auteurs partent du principe que les dépendances comportementales sont de « nouvelles pathologies » et qu’elles mériteront un réel droit de cité lorsque des marqueurs biologiques en démontreront l’existence au plus profond des mécanismes vitaux (p.7).

Cependant, les polémiques entourant l’existence ou non de la dépendance à Internet n’empêchent toutefois pas la communauté scientifique de pousser encore plus loin sa réflexion et de proposer une conceptualisation renouvelée et intégrée de la dépendance (Nadeau, 2010, 2012). À ce titre, avec la sortie du DSM-5, la notion de dépendance s’est élargie pour englober la dépendance aux activités, aux loisirs et aux divertissements — comme le fumeur de crack dépendant de ses cristaux. La

188 O’Brien (2010, cité dans Bueno, 2014). 189 Psychologue, chercheuse et directrice de l’Institut universitaire sur les dépendances (Québec). 190 Rappelons que nous avons abordé cet aspect au chapitre 1 de la présente thèse.

137 dépendance comportementale (Behavioral Addictions) devient ainsi une catégorie distincte des troubles mentaux anciennement inclus dans les troubles du contrôle des impulsions (Frances, 2013, p.282). Les auteurs de cette cinquième version du DSM justifient cette « innovation » par le biais d’études qui auraient démontré, au fil du temps, que le jeu active le système de récompense cérébral, celui de la dopamine et de la sérotonine, comme le font les drogues (Frances, 2013). Si cette création de nouvelles catégories met un terme à la polémique entourant la légitimation de la dépendance comportementale, elle fait craindre, pour certains détracteurs, l’inclusion d’autres comportements au sein des dépendances de ce type191.

Déjà en 2010, Frances192 décriait et jugeait problématique la proposition du nouveau diagnostic de dépendances comportementales (Behavioral Addictions) dans la cinquième version du DSM en ceci qu’il :

« […] pourrait offrir une pente glissante conduisant à l’inclusion en catimini d’un assortiment de diagnostics bêtes et potentiellement nuisibles (c’est-à-dire ´dépendances` au magasinage, sexe, travail, endettement des cartes de crédit, jeux vidéos, etc., etc., etc.). Le construit ´dépendances comportementales` représente une médicalisation de choix de vie, offre une excuse facile de se défaire d’une responsabilité personnelle et serait probablement mal utilisée dans les milieux médico-légaux 193-194 ».

Le prochain point de notre argumentation présente une forme différente de classification, soit en fonction de profils d’utilisation d’Internet dans les sphères scientifique, psychosociale et médiatique. Les différentes classifications en fonction

191 Les deux prochains paragraphes sont tirés de l’article scientifique de l’auteure de cette thèse. Juneau, S. et Martel, M. (2014). La « cyberdépendance » : un phénomène en construction. Déviance et Société, 38(3), p. 302-303. 192Frances, A. (2010). Opening Pandora's Box: The 19 Worst Suggestions for DSM 5. Repéré à http://www.psychiatrictimes.com/dsm/content/article/10168/1522341 193 This could provide a slippery slope leading to the back door inclusion of a variety of silly and potentially harmful diagnoses (i.e. ´additions` to shopping, sex, work, credit card debt, videogames, etc, etc, etc). The construct ´Behavioral Addictions` represents a medicalization of life choices, provides a ready excuse for off loading personal responsibility, and would likely be misused in forensic settings. 194 L’insertion d’une partie du premier article scientifique se termine ici.

138

de profils d’utilisation d’Internet proposés par les acteurs se retrouvent aux Tableaux 9 à 11 de l’Annexe B.

5.2.3 Classer la « cyberdépendance » en fonction de profils d’utilisation d’Internet

Les joutes propres aux trois arènes : scientifique, psychosociale et médiatique

La psychologue québécoise Sergerie (2005) et l’étudiante en sciences de l’éducation Cliche (2001) exposent trois types de classification en fonction de profils d’utilisation d’Internet qu’elles ont recensés dans la littérature. Plus spécifiquement, Sergerie (2005) présente le modèle de Pratarelli, Browne et Johnson (1999) décrivant les quatre facteurs reliés à la fois aux comportements « dysfonctionnels » associés à l’utilisation d’Internet, mais aussi à l’utilisation productive d’Internet soit : 1) les comportements dysfonctionnels; 2) l’utilisation fonctionnelle d’Internet; 3) l’utilisation d’Internet dans le but de recevoir des gratifications sexuelles; 4) aucun intérêt pour la technologie. Cliche (2001), pour sa part, retient une catégorisation différente de Young (1999) selon laquelle la dépendance à Internet se développerait dans quatre grands champs d’utilisation dysfonctionnelle195 : 1) les actes déviants, trompeurs et souvent criminels; 2) la fausse représentation de soi dans les cyberrelations avec les autres internautes; 3) l’infidélité virtuelle; 4) la fuite des difficultés quotidiennes. Quant à Sergerie (2005), elle expose la typologie à trois catégories d’utilisation d’Internet de Swickert, Hittner, Harris et Herring (2002) : 1) utilisation technique196; 2) utilisation pour les échanges d’information; 3) utilisation pour les loisirs. Pour leur part, les chercheurs canadiens Ferron et Dugay (2004)197 sont les seuls à avoir fabriqué et proposé leur propre classification de la « cyberdépendance » qui se divise en trois catégories, soit les cyberabsents, les cyberfaibles et les cybermoyens.

195 Par ce terme, Young (1999) entend une utilisation où la personne a une conduite inacceptable socialement ou qui occasionne des conséquences négatives dans la vie de celle-ci. 196 Utilisation des babillards électroniques, des salles de clavardage, la création des pages Web et la participation aux environnements MUD (multiuser dungeon ou multiuser domain). 197 Université de Moncton (Nouveau-Brunswick).

139

Hormis la classification à multiples profils, un petit nombre d’acteurs de la sphère scientifique198 mentionne la classification simple de Scherer (1997). Cette classification divise les usages d’Internet en deux classes selon leurs utilités : les usages ou les utilisations essentielles ou professionnelles (travail ou étude) et les usages ou les utilisations non essentielles ou personnelles199. Le psychologue canadien Davis (2001) suggère plutôt que l’utilisation pathologique d’Internet est divisible en deux classes : les usages pathologiques généralisés d’Internet (UPGI) et les usages pathologiques spécifiques d’Internet (UPSI)200. Cette proposition a d’ailleurs été reprise à maintes occasions par différents acteurs sociaux de la sphère scientifique201. Quant à Caplan (2002), il remplace le vocable usage pathologique d’Internet par celui d’usage problématique d’Internet tout en maintenant la distinction proposée par Davis.

Le chercheur québécois Vaugeois (2006)202 retient l’usage problématique de Caplan (2002) et maintient aussi la distinction proposée par Davis (2001). Il ajoute, cependant, que cette distinction doit aussi s’appliquer à la « cyberdépendance hors- ligne »203. Selon lui, le champ de la « cyberdépendance » devrait inclure deux types de « cyberdépendance » : 1) la cyberdépendance de type I ou cyberdépendance en ligne telle que définie par les usages personnels problématiques généralisés de l’Internet (UPPGI) et 2) la cyberdépendance de type II ou cyberdépendance hors-

198 Acier et Kern (2011); Beaulieu (2012); Brisebois (2011); Labbé Thibault et coll. (2009); Van Mourik (2011); Vaugeois (2006). 199 Selon Scherer (1997), seuls les usages non essentiels considérés comme récréatifs ont le potentiel de devenir excessifs et, par ricochet, peuvent engendrer des méfaits. Dans ces cas uniquement, peut-on parler de « cyberdépendance »? 200 Les usages pathologiques généralisés d’Internet (UPGI) constituent les seuls problèmes réels liés à l’usage d’Internet. Le comportement problématique ne pourrait pas se manifester dans un autre contexte que celui de l’environnement relié à l’Internet. Dans le deuxième cas, lorsque l’utilisation pathologique n’est pas exclusive à Internet (UPSI), elle ne représente qu’une manifestation supplémentaire d’un désordre du comportement déjà existant ou une manifestation de la présence d’une dépendance déjà existante à la base (ex. : dépendance aux jeux de hasard en ligne, à la sexualité, etc.). Davis observe qu’en l’absence d’Internet, ce problème demeure présent, mais s’actualise autrement (cité dans Goyette et Nadeau, 2008). 201 Brisebois (2011); Davis (2003); Davis et coll. (2002); Goyette et Nadeau (2008); Labbé Thibaut et coll. (2009); Sergerie (2005); Serjerie et Lajoie (2007); Vaugeois (2006). 202 Pierre Vaugeois est directeur scientifique au Centre québécois de lutte aux dépendances. 203 Il existe des usages problématiques spécifiques hors-ligne (ex. : jeu de patience sur ordinateur ou jeu de cartes bien précis) ainsi que des usages problématiques généralisés hors-ligne qui concernent l’usage de divers jeux (ex. : multijoueurs), car ils ne sont pas spécifiques à un contenu particulier et ils n’existeraient pas en l’absence d’appareils électroniques. Il ajoute aussi que seuls les usages non essentiels ou personnels d’Internet doivent être considérés comme de la dépendance à Internet et celle-ci peut aussi s’appliquer à la cyberdépendance hors-ligne. Il existe, d’une part, des usages personnels hors-ligne (ex : jeux vidéo) qui relèvent de la cyberdépendance hors-ligne et, d’autre part, des usages professionnels hors-ligne (ex. : utilisation de logiciels Excel, Word) qui ne relèvent pas de la « cyberdépendance ».

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ligne tel que définie par les usages professionnels problématiques généralisés des appareils électroniques (UPPGAE) (Vaugeois, 2006, p. 6).

Aucun nouveau schème classificatoire de profils d’utilisation d’Internet n’émane de la sphère psychosociale. Les différents acteurs sociaux préfèrent retenir les propositions simples à deux catégories émises précédemment par Davis (2001) Scherer (1997) et Vaugeois (2006) dans l’arène scientifique204.

Les acteurs de l’arène médiatique participent peu à l’élaboration ou à la publicisation de types de classification de l’utilisation d’Internet. La chaine télévisuelle anglophone CBC retient une classification à trois types d’utilisateurs : 1) l’utilisation normale d’Internet; 2) utilisateur potentiellement dépendant et 3) sérieusement dépendant. Pour sa part, le quotidien anglophone The Globe and Mail privilégie une classification à deux catégories, soit la dépendance modérée ou sévère205. De plus, trois quotidiens anglophones et francophones206 reprennent la proposition de Scherer (1997) et précisent l’importance de tenir également compte de la « cyberdépendance » dite hors-ligne qui touche plus particulièrement l’utilisation des jeux vidéos.

A contrario, Pinault (2008) et un bon nombre d’autres acteurs207 estiment pour leur part qu’il serait imprudent de nier les propriétés addictives de certaines fonctions d’Internet ou d’activités reliées à son utilisation; c’est pourquoi des acteurs des trois sphères d’influence proposeront ou dissémineront un système classificatoire de la « cyberdépendance » de typologies spécifiques en fonction des différents contenus numériques retrouvés en ligne.

204 La psychologue québécoise Magali Dufour (octobre 2003) retient la classification telle que proposée initialement par Davis (2001) alors qu’Acier (cité dans Bouchard, 2009), Sergerie (2010) et Van Mourik (2011) privilégient celle de Scherer (1997). Pour sa part, Nadeau (octobre 2012) fait la distinction, comme Vaugeois (2006), entre l’utilisation en ligne et hors-ligne. 205 CBC (9 avril 2009); The Globe and Mail (4 décembre 2009). 206 Le Devoir (3 novembre 2006); La Presse (17 octobre 2006); The Globe and Mail (29 novembre 2006). 207 Dufour et Acier (2010); Landry (2001); Matysiak (2005, cité dans Pinault, 2008); Morahan-Martin (2005, cité dans Parker et coll., 2008); Sergerie et Lajoie (2007); Taylor (2008); Townsend (2007-2008); Vaugeois (2006).

141

5.2.4 Classer la « cyberdépendance » en fonction du contenu en ligne

Cette fois-ci, les acteurs des arènes scientifique, psychosociale et médiatique participent à la construction ou légitimation de cette quatrième forme de classification. Notre analyse établit que certains systèmes classificatoires vont de cinq à un seul type spécifique de « cyberdépendance ». Les Tableaux 12 à 14 qui se retrouvent à l’Annexe C résument les principales constructions de typologies en fonction des contenus consultés en ligne.

Les joutes propres à l’arène scientifique

Young (1996) recommande un système classificatoire en fonction du contenu numérique recherché. Initialement, sa première classification distinguait cinq types spécifiques de « cyberdépendance » allant de la plus commune à la moins commune : 1) la dépendance à la sexualité en ligne (ex. : cybersexualité, cyberpornographie); 2) la cybercommunication (ex. : cybercorrespondance, cyberrelation); 3) la dépendance aux jeux et transactions en ligne; 4) le cyberamassage ou l’infobésité208; 5) la dépendance à l’ordinateur. Deux ans plus tard, elle se ravise et décide d’éliminer la dépendance à l’ordinateur de sa classification initiale. De nombreux acteurs de la sphère scientifique retiennent une forme ou l’autre de cette proposition,209 mais certains ont préféré apporter des modifications afin de produire leur propre typologie210.

208 Terme utilisé par Nelson (1997). Le cyberamassage ou l’infobésité consiste à amasser d’importantes quantités de contenus et d’informations en ligne. De grandes périodes de temps peuvent être allouées à la recherche d’informations en ligne, contribuant ainsi à une réduction de la productivité (au travail, dans les études, etc.), à une réduction du temps accordé aux autres tâches en général, à une surcharge de travail et à une hausse des facteurs de stress (cité dans cyberdependance.ca, 2008; Sergerie, 2005; Sergerie et Lajoie, 2007). 209 Acier et Kern (2011); Block (2008; Young, 2009, cités dans Beaulieu, 2012); Cliche (2001); Collier (27 octobre 2009b); Dufour et Acier (2010); Dufour, Gagnon et Landry (2001, cités dans Van Mourik, octobre 2012); Sergerie et Lajoie (2007); Suissa (2007b); Van Mourik (2011); Vaugeois (2006); Widyanto et Griffiths, (2006, cités dans Brisebois, 2011); Young, Pistner, O’Mara et Buchanan (1999, cités dans Sergerie, 2005). 210 Block (2008, cité dans Beaulieu, 2012); Collier (27 octobre 2009b); Dufour et Acier (2010) Dufour, Gagnon et Nadeau (2012); Landry (2001); Rochon (2004); Sergerie (2005); Sergerie et Lajoie (2007); St-Yves (2011); Taylor (2008); Vaugeois (2006); Young (2009, cité dans Beaulieu, 2012).

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A contrario, selon la psychologue québécoise Sergerie (2005) les chercheurs Hamburger et Ben-Artzi (2000) rejettent le système de classification de Young et proposent trois typologies spécifiques tout à fait différentes, en mettant l’accent sur les facteurs relatifs aux services offerts sur Internet : 1) l’aspect social; 2) le service d’informations; 3) les loisirs. Quant aux psychologues québécois Acier et Kern (2011), Goyette et Nadeau (2008) et Nadeau et coll. (2011), ils sont tous d’avis que les deux seules activités susceptibles de créer un problème de dépendance sont : les jeux d’action et d’aventure (ex. : World of Warcraft) et les relations sociales en ligne (ex. : clavardage, courriels, salon de discussion, etc.).

Si un grand nombre d’acteurs sociaux de l’arène scientifique reprennent intégralement la classification à cinq ou quatre types spécifiques de contenu de Young (1996, 1998), pour plusieurs autres, elle aura au moins servi de point de départ à de nouvelles typologies liées aux contenus en ligne. Chez la plupart des acteurs, un consensus se dégage autour d’un système classificatoire à quatre ou trois types spécifiques et, au sein de la communauté scientifique, on semble vouloir inclure la sexualité, la pornographie et les cyberrelations dans les systèmes classificatoires proposés. Toutefois, lorsque vient le temps d’intégrer le jeu à la « cyberdépendance », plusieurs opinions divergent sur la définition et hésitent à l’intégrer ou non.

Les joutes propres à l’arène psychosociale

À l’instar de plusieurs acteurs sociaux de l’arène scientifique, un petit nombre d’acteurs psychosociaux211 s’inspirent de la première classification à cinq types spécifiques de Young pour bâtir leur propre système classificatoire. Dans la revue électronique Oxygène212 et dans deux guides de prévention213, une typologie à cinq activités est proposée. Un plus grand nombre d’acteurs psychosociaux retiennent

211 Bourque et coll. (2011); Conrad (2009); Cyberdependance.ca (2008); Laflamme (2011); Sergerie (2010); TechAddiction (2005). 212 Revue électronique d’Alpabem, une ressource communautaire de soutien aux familles et aux amis de personnes atteintes de troubles de santé mentale (Morin, 2011) 213 Optima Santé globale (2012); Université de Moncton (n.d.).

143 plutôt une typologie à quatre activités214. Seulement deux acteurs215 proposent un classement à trois activités. Finalement, on ne trouve que deux intervenants sociaux216 pour qui une seule activité comporte un risque potentiel de dépendance. Pour le premier, ce sont les jeux vidéos hors-ligne, et pour l’autre, ce sont les activités sexuelles. Hormis les quelques acteurs solitaires mentionnés ci-haut — et à l’inverse des acteurs de la sphère scientifique —, ceux de la sphère psychosociale préfèrent retenir une catégorisation à cinq ou quatre types de contenus spécifiques. Insistons sur le fait que plusieurs des propositions retenues par les acteurs psychosociaux émanent de la classification initiale de Young.

Les joutes propres à l’arène médiatique

L’arène médiatique participe également à la diffusion de systèmes de classification pouvant aller d’un à cinq types spécifiques de « cyberdépendance ». Les quotidiens The Globe and Mail et le Journal de Montréal retiennent des propositions à cinq activités217. Six médias majoritairement francophones choisissent une classification à quatre types de contenus218. Parmi ces activités, au moins trois font consensus : la sexualité-pornographie, les jeux et les relations en ligne. Par contre, le quatrième type inclut d’autres formes de dépendance et ne fait pas l’unanimité parmi les acteurs. La psychologue québécoise Sergerie, en entrevue à la Société Radio- Canada, 219 propose d’inclure la surcharge d’informations alors que d’autres médias francophones retiennent plutôt le boursicotage (transactions boursières en ligne)220 comme le suggère Rochon, un autre psychologue québécois. Seul le quotidien anglophone Winnipeg Free Press (5 mars 2008) aborde la dépendance au magasinage

214 Acier (cité dans Bouchard, 2009); Biron et coll. (2010); Casa, (2011); Dufour, Gagnon et Nadeau (2012); Richard (mai 2009, janvier 2011); Le Psynternaute (1997); Rochon (mai 1996, octobre 1998); Van Mourik (s. d., 2011). 215 Dans le bulletin d’informations e-Veille des services gouvernementaux du Québec (Vachon, janvier 2007) et dans la revue professionnelle ontarienne Computing Canada (27 avril 1998). 216 Goyette (octobre 2013); Thétrault (octobre 2012). 217 The Globe and Mail (17 février 2000) retient la proposition de la psychologue américaine Young à cinq types spécifiques alors que le quotidien francophone le Journal de Montréal (12 janvier 2009) privilégie celle de la psychologue québécoise Marie-Anne Sergerie. 218 Médias nationalistes tels que le portail électronique Canoë, la chaine télévisuelle TVA, des journaux libéraux comme La Presse et le Winnipeg Free Press, les différentes plateformes de Radio-Canada ainsi que le site d’hébergement de vidéos en ligne YouTube (Centre jeunesse de Montréal — YouTube, 23 février 2011). 219 Émission Desautels à Radio-Canada (n.d., 2010); Radiojournal Radio-Canada (30 octobre 2010); Radio-Canada (2 mars 2010). 220 Canoë (16 février 2010); François Paradis TVA (n.d., 2008); La Presse (23 octobre 2000); TVA Nouvelles (11 mars 2006).

144

en ligne.

Dans la classification à trois types spécifiques, plusieurs plateformes médiatiques majoritairement anglophones221 s’entendent autour de l’inclusion de la dépendance aux jeux (ex. : vidéos, multijoueurs, casinos) alors que des dissensions s’entretiennent autour de quelques activités susceptibles de créer de la « cyberdépendance » soit : la pornographie222, les relations virtuelles223, les sites d’enchères et le marché boursier224.

Dans la classification à deux activités spécifiques, deux médias francophones225 font consensus sur les jeux et la pornographie alors que d’autres retiennent les relations et jeux virtuels226. Finalement, quatre plateformes médiatiques majoritairement anglophones ciblent une seule activité ayant un potentiel de dépendance soit le jeu227. Les relations virtuelles sont ciblées comme étant une activité problématique par cinq médias majoritairement francophones228 alors que la pornographie retient l’attention d’un portail électronique, d’une chaine télévisuelle privée et d’un quotidien anglophone229. Cependant, la recherche compulsive d’informations retient l’attention de seulement deux médias francophones230.

Plusieurs médias de communication choisissent de mettre en saillance un seul type de contenu à la fois. Dans cette lignée, les jeux, les courriers électroniques, les messageries textes, les réseaux sociaux et la pornographie ont tour à tour fait la

221 Les émissions du réseau fédéraliste CBC/Radio-Canada telles que CBC News (8 juin 2009); The Current CBC (1er mars 2013); Désautels (n. d. 2010); L’après-midi porte conseil (n.d. 2010); La Sphère (n.d. 2012); Radiojournal (30 octobre 2010); Radio-Canada (2 mars 2010); le journal conservateur Red DeerAdvocate (27 novembre 2009); les journaux libéraux The Globe and Mail (1er décembre 2005) et le Winnipeg Free Press (27 juillet 2006) ainsi que le portail d’actualités Sympatico (16 octobre 2009). 222 Les chaines CBC et Radio-Canada, le portail d’actualités Sympatico et le quotidien Winnipeg Free Press. 223 CBC/Radio-Canada; RedDeedAvocate; Sympatico; The Globe and Mail. 224 RedDeed Avocate; The Globe and Mail; Winnipeg Free Press. 225 La Presse (1er février 2010c); L’après-midi porte-conseil Radio-Canada (n.d., 2010); Téléjournal Radio-Canada (7 mars 2011). 226 L’Express (9 décembre 2008); Salut Bonjour TVA (15 février 2012); TVA Nouvelles (3 juin 2010). 227 CNW Telbec (14 mai 2010); Le Devoir (28 avril 2007, 22 mai 2007); Le Droit (11 février 2008a); Le Réveil diffusé à l’Île- du-Prince-Édouard Radio-Canada (n.d. 2012); Première Heure Radio-Canada (n.d., 2013); Téléjournal Radio-Canada (18 janvier 2013). 228 La Nouvelle Union (22 juin 2011); La Presse (15 juin 2000; 10 avril 2013); Progrès-Dimanche (13 juin 1999); The Globe and Mail (16 juillet 2010, 31 aout 2012); Tout un samedi à Radio-Canada (13 avril 2013). 229 Journal de Montréal (13 juillet 2005); TVA Nouvelles (13 juillet 2005); The Globe and Mail (31 janvier 2004). 230 Rue Frontenac (29 janvier 2011a); Triplex à Radio-Canada (n.d., 2012).

145 manchette à plusieurs reprises. Dans cette veine, depuis le début des années 2000, les journaux La Presse et The Globe and Mail ont consacré, à dix reprises, des articles sur les différents contenus reliés à Internet comme étant des causes possibles de dépendance. Pour sa part, la Société Radio-Canada/CBC et ses différentes plateformes (télévision, radio) ont, à quatorze reprises entre 2009 et 2013, abordé la problématique de la « cyberdépendance » et ses différents contenus.

La production de systèmes classificatoires de la « cyberdépendance » discutée supra nous a permis de constater le niveau de raffinement actuel du découpage de la réalité de la « cyberdépendance » en micro problème. Or, ces multiples distinctions apportées par les différents acteurs des trois sphères d’influence amènent leur lot de controverses et de discussions parmi les acteurs qui, pourtant, souhaitent en arriver à un schème classificatoire consensuel. Pour certains d’entre eux, le premier et principal obstacle dans la classification des contenus consultés en ligne est de circonscrire ce qui doit ou ne doit pas être considéré comme étant de la « cyberdépendance ». D’abord, la grande question que les chercheurs se posent est : peut-on être « cyberdépendant » sans connexion à Internet? À cette question, le chercheur québécois Vaugeois (2006) répond qu’il serait plus judicieux de séparer les deux dépendances : la « cyberdépendance en ligne » et celle, hors-ligne. Pour quelques-uns, il faut exclure, de la définition de la « cyberdépendance », les jeux en console ou les jeux sur l’ordinateur parce qu’ils n’ont pas de connexion à Internet; par contre, d’autres ne font aucune distinction entre l’utilisation d’Internet et les activités sur des appareils électroniques non reliés à Internet231. Maintenant, qu’en est-il d’inclure les casinos, le commerce électronique, l’encan et le magasinage en ligne dans la « cyberdépendance »? Si oui, dans quelle catégorie? Si on se fie à la recommandation de Vaugeois (2006), tout doit être divisé entre « en ligne » et « hors- ligne ».

231 Acier et Kern (2009, cités dans Richard, mai 2009, janvier 2011); Vachon (janvier 2007).

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Le deuxième obstacle s’inscrit dans le type d’utilisation des contenus utilisés en ligne. Doit-on faire une distinction entre l’utilisation personnelle et professionnelle? Si oui, existe-t-il une utilisation jugée plus problématique qu’une autre? D’après Scherer (1997), seule l’utilisation personnelle (non essentielle) devrait être considérée comme étant de l’ordre de la « cyberdépendance ». Cette proposition semble plaire et rallier nombre d’acteurs sociaux des arènes scientifique, psychosociale et médiatique.

Le troisième obstacle vient de la difficulté à bien cerner ce qui pourrait être jugé problématique dans les contenus utilisés en ligne. Ce dilemme avait déjà été soulevé au chapitre précédent, à savoir si Internet peut créer une dépendance en tant que médium. Doit-on mettre l’accent sur l’utilisation par l’internaute ou sur le contenu consulté sur Internet? Pour ce faire, certains acteurs ont choisi d’identifier l’internaute comme étant la « cause » du problème, mais en ciblant une typologie d’utilisation. Deux points de vue se dégagent de cette forme de classification. En premier, certains acteurs minoritaires tentent de distinguer le normal du pathologique en proposant des catégories de profils d’utilisation d’Internet (ex. : cyberabsent, cyberfaible, cybermoyen, utilisation fonctionnelle d’Internet, etc.). Or, cette distinction soulève un problème fondamental, car elle demande d’établir des critères — que nous approfondirons plus loin dans ce chapitre (au point 5.3). Dans un deuxième point de vue, les acteurs affirment que l’individu développerait des comportements problématiques au fur et à mesure qu’il utilise trop intensivement Internet. Or, nous constatons que pour définir ces comportements jugés problématiques, certains acteurs ajoutent que c’est plus la nature des contenus en ligne qui causerait le problème alors que d’autres croient que ce sont plutôt certaines applications spécifiques que l’on retrouve sur Internet qui sont la cause du problème. Ce nombre élevé de propositions de schèmes classificatoires dans les différentes arènes (scientifique, psychosociale, médiatique) laisse entrevoir que les acteurs sociaux privilégient une typologie en fonction du contenu numérique en ligne. Du même coup, ils adhèrent à l’idée qu’Internet en lui-même ne crée pas de dépendance, telle que suggérée dans le chapitre 4 par une minorité d’acteurs. De plus, la majorité

147 des acteurs sociaux du Québec et du Canada, participant à ce débat dans les sphères scientifique, psychosociale et médiatique, reprennent en grande partie les propositions émises dans les écrits scientifiques; peu d’entre eux innovent avec de nouveaux modèles classificatoires. Seules les arènes scientifique et médiatique suggèrent de nouvelles classifications232.

Un quatrième obstacle vient de la complexité à préciser la typologie des contenus consultés en ligne; il ne suffit pas de déclarer que certaines activités en ligne sont problématiques ou qu’il faille en privilégier quelques-unes, il faut plutôt être en mesure de les classifier. Jusqu’ici, la typologie de Young a permis à plusieurs de fabriquer leur propre système de classification et c’est, d’ailleurs, la typologie la plus employée et disséminée par les acteurs des différentes arènes scientifique, psychosociale et médiatique. Nous observons que parmi tous ces contenus en ligne, trois domaines recèleraient un fort potentiel de dépendance et semblent être mis à l’avant-scène par une majorité d’acteurs dans les trois sphères d’influence. Ce sont : 1) la consommation de sites Web à caractère pornographique ou érotique (cybersexualité, cyberpornographie); 2) la communication en ligne (cyberrelation ou réseaux sociaux, forums de discussion); 3) les jeux en ligne. Parmi ces acteurs quelques-uns s’interrogent toutefois sur la pertinence d’intégrer ou non, dans leurs propres classifications, la sexualité, la pornographie et le jeu de hasard ou d’argent, car ces problèmes existaient, selon eux, avant l’avènement d’Internet.

À cet effet, en 2008, les chercheurs québécois Goyette et Nadeau proposaient de les exclure. Pourtant Block (2008) suggérait, dans la même année, d’inclure dans la nouvelle définition de la dépendance à Internet soumis pour la cinquième version du DSM : le jeu excessif, les préoccupations sexuelles, les courriels et les messageries textes (p. 306). Trois ans plus tard, les chercheurs québécois Acier et Kern (2011) réitèrent la proposition d’exclusion de Goyette et Nadeau (2008). Dans la même année, l’équipe de chercheurs québécois dirigée par Nadeau abonde dans le même

232 Davis (2001); Ferron et Duguay (2004); Vaugeois (2006). Arène médiatique : Chaine télévisuelle fédéraliste CBC et le quotidien libéral The Globe and Mail.

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sens et précise que, selon eux, ils ne relèvent pas du champ de la « cyberdépendance », mais plutôt des paraphilies (ex. : voyeurisme, pédophilie) ou de la déviance sexuelle ainsi que du jeu pathologique (Nadeau et coll., 2011). Toutefois, la sous-catégorie regroupant les pratiques excessives de jeux vidéos et de jeux de rôle en ligne massivement multijoueurs (ex. : World of Warcraft, EverQuest, etc.), a été finalement ajoutée en Appendices du DSM-5 sous l’appellation Internet Gaming Addiction (APA, 2013, cité dans Bueno, 2014).

Très peu d’études se sont intéressées spécifiquement au cyberamassage ou à l’infobésité qui relèverait plus du domaine de la « perte de temps » que de la dépendance. D’ailleurs, ni les achats compulsifs ni l’infolisme233 n’ont fait l’objet d’une recommandation d’inclusion au DSM-5. Doit-on pour autant acquiescer à leur exclusion? Au regard de ces deux tendances — inclure ou ne pas inclure —, nous sommes à même de constater, comme la sociologue québécoise Virginie Bueno (2014), que les dimensions (infolisme, infobésité, cyberramassage, cybersexualité, etc.) ne sont pas toutes considérées au même niveau puisque ces dimensions n’ont pas toutes été recommandées.

De plus, le découpage en plusieurs sous-catégories soulève un questionnement. Pour Bachand (2012), toute activité scientifique implique un processus de classification formelle et toutes choses doivent être réparties en catégories pour communiquer des informations dans un langage compact et uniformisé. À l’opposé de la rigueur de Bachand, les propos d’Adam (2012) nous mettent en garde, en nous rappelant que : si le principe de classement lui-même consiste au départ à ordonner le monde de façon objective et rigoureuse, les risques de dérapage par le surclassement demeurent également possibles. Or, ce principe, dans le domaine des disciplines « psy », peut passer tout à fait inaperçu lorsque l’obsession empirique de répertorier un peu de tout prend le dessus. De plus, Adam insiste sur les dangers pour la pensée de développer ce que Foucault234 appelle une

233 La nécessité d’être informé en tout temps (Rue Frontenac, 29 janvier 2011a). 234 Foucault, M. (1966). Les mots et les choses.

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« distorsion du classement » dans le sens où tout devient classable. Boyle235 abonde dans le même sens et précise que les classifications n’ont justement pas toutes une fonction scientifique. À force de trop vouloir segmenter la « cyberdépendance » en sous-catégories, n’est-il pas dangereux de tomber dans, ce qu’Adam (2012, p. 152) appelle, la « folie classificatrice » ou le « délire classificatoire », pointant ainsi les effets d’emballement possible de la classification? Comme si tout pouvait être ordonné et classé d’une façon objective et universelle!

Derrière les discours concernant la problématisation de la « cyberdépendance » se cachent également de vigoureux débats divisant le domaine de la recherche scientifique. Ces débats font ressortir très clairement l’enjeu que représente l’identification des critères diagnostiques qui permettraient de reconnaitre objectivement quand l’utilisation d’Internet devient une « cyberdépendance ».

5.3 Identifier la « cyberdépendance » : un objet de savoir standardisé

Les cliniciens et les chercheurs tentent tant bien que mal de se faire une opinion sur le caractère psychopathologique d’un usage excessif d’Internet. Malgré que plusieurs articles scientifiques aient discuté de l’utilisation pathologique, très peu l’on fait concernant l’utilisation dite normale d’Internet. La question demeure donc tout entière. La recherche scientifique actuelle ne livre pas de réponse permettant d’orienter les différents professionnels de la santé vers un « diagnostic » clair. Sans critères diagnostiques reconnus scientifiquement, les acteurs sont largement laissés à eux-mêmes, présumant alors de l’existence même de la « cyberdépendance ». Ainsi, seul le jugement personnel du clinicien guide son évaluation. Majoritairement, les acteurs sociaux se sont attardés, non pas à définir ledit problème, mais plutôt à identifier les critères diagnostiques qui permettraient de le diagnostiquer chez les individus. Par conséquent, ces acteurs supposent, a priori, l’existence de la « cyberdépendance ».

235 Boyle (cité dans Bachand, 2012).

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Notre corpus de documents scientifiques, psychosociaux et médiatiques met en lumière quatre manières de diagnostiquer une utilisation dite abusive d’Internet. Or parmi toute cette panoplie de grilles proposées par les différents acteurs sociaux, chacun soutient une thèse différente formant ainsi quatre groupes d’acteurs que nous exposons brièvement ici. Ainsi, un premier groupe d’acteurs défend la thèse de la « maladie mentale » dont les critères psychiatriques sont les mêmes — une fois adaptés à la « cyberdépendance » — que ceux des grilles traditionnellement suggérées dans le DSM pour évaluer une dépendance aux substances ou au jeu pathologique. Pour information supplémentaire, cette synthèse de critères diagnostiques, inspirés du DSM et retenus par les différents acteurs sociaux, est présentée à l’Annexe D (voir Tableau 15). Dans le deuxième groupe d’acteurs, on retrouve les tenants du « désordre de dépendance » avec leurs critères psychosociaux étudiés en profondeur dans un chapitre ultérieur; mais on peut consulter immédiatement en Annexe E les Tableaux 16 à 18 qui recensent les différentes classifications des critères psychosociaux selon ces tenants de ce désordre de dépendance. Dans le troisième groupe d’acteurs, on retrouve les tenants de critères plus souples, ils ont une approche quantitative face aux utilisateurs d’Internet. Enfin, dans un quatrième groupe, on retrouve les tenants d’une approche qualitative tenant compte d’une souffrance significative et des conséquences négatives sur le comportement pour déterminer la présence de « cyberdépendance ». En Annexe F, des grilles de critères diagnostiques inspirés du DSM des différentes arènes sont présentées.

5.3.1 Établir des critères diagnostiques psychiatriques selon les tenants de la « maladie mentale »

Les joutes propres à l’arène scientifique

Les premières tentatives pour diagnostiquer la « cyberdépendance » ont été alimentées par le psychiatre Ivan K. Goldberg, et ce, par une simple transposition des critères diagnostiques de la « dépendance au jeu » à la « cyberdépendance » et pour

151 lui, seulement trois symptômes étaient suffisants pour « être déclaré cyberdépendant ». Alors, tout comme son prédécesseur, Young (1996) se base sur les critères diagnostiques traditionnellement associés au jeu pathologique tels que décrits dans le DSM-IV pour les arrimer aux particularités d’Internet. Ainsi, elle considère qu’une personne, dont le profil correspond à cinq des huit symptômes énumérés dans le DSM-IV, et ce, sur une période de six mois (comme c’est le cas pour le jeu pathologique), fait face à une « cyberdépendance »236. La grille de Young servira d’inspiration à plusieurs acteurs qui, par la suite, y apporteront certaines variantes diagnostiques. L’Annexe F présente les différentes grilles diagnostiques inspirées du DSM selon les tenants de la maladie mentale.

Dans cette foulée, Cliche (2001) présente une version simplifiée dans laquelle seulement trois critères sont nécessaires pour l’identification de la « cyberdépendance » sur une période de 12 mois. Beard et Wolf (2001) offrent d’utiliser, différemment, les mêmes critères diagnostics inscrits dans le DSM-IV, en suggérant que pour qu’un individu puisse être désigné « dépendant », les cinq premiers critères doivent être présents ainsi qu’au moins un des trois derniers concernant le fonctionnement de la personne, totalisant six critères. Nombre d’acteurs de l’arène scientifique retiendront cette proposition237. Quant à Shapira et coll. (2003)238, ils se distinguent des autres acteurs. Pour diagnostiquer l’usage problématique d’Internet, ils utilisent, à la fois, les critères du DSM-IV réservés aux troubles du contrôle de l’impulsion et ceux de l’achat compulsif. Ainsi, ils élaborent des critères plus larges que ceux proposés par les autres tenants du diagnostic psychiatrique afin d’évaluer si l’utilisation dite excessive d’Internet et ses applications spécifiques constituent réellement un trouble distinctif ou sont plutôt un vecteur d’un autre trouble psychiatrique à l’Axe 1. Ces signes peuvent être intégrés aux six critères énoncés par Griffiths (1998). À ce sujet, Shapira et coll. (2003) proposent, dans leur grille critériée, que l’usage problématique d’Internet se

236 Didier et Acier (2010); Nadeau (2010); O’Reilly (15 juin 1996); Pineault (2008); Shapira et coll. (2003; Widyanto et Griffiths, 2006; Young, 2009a; Du, Jiang et Vance, 2010, cités dans Brisebois, 2011); Vachon (janvier 2007); Vaugeois (2006); Young (1996, cité dans Brisebois, 2011). 237 Vaugeois (2006, Widyanto et Griffiths, 2006; Demetrovics et coll., 2008; Dowling et Quirk, 2009; Young, 2009a; Du et coll., 2010, cités dans Brisebois, 2011; Pineault, 2008). 238 Cités dans Goyette et Nadeau (2008; Sergerie, 2005; Sergerie et Lajoie, 2007; Vaugeois, 2006).

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caractérise par une détresse psychologique cliniquement significative239. C’est un aspect central qui est généralement considéré lors de l’évaluation diagnostique de différentes psychopathologies et qui apparait être primordial afin de différencier un usage sain d’un usage problématique d’Internet.

Les travaux de Ko, Chen, Chen et Yen (2005) portent sur la synthèse entre les critères diagnostiques de Beard et Wolf (2001) et ceux de Shapira et coll. (2003)240. Ko, Yen, Chen, Chen et Yen (2005) indiquent que le nombre de symptômes doit être plus élevé pour la cyberdépendance (sept symptômes) que pour la dépendance à une substance (trois symptômes) ou la dépendance au jeu pathologique (cinq symptômes). Ils expliquent cette différenciation entre les dépendances du fait que l’utilisation d’Internet apparait comme un comportement plus acceptable socialement et plus facilement accessible que la consommation d’alcool — légalement réservée au Canada aux individus âgés de 18 ou 19 ans et plus. De plus, comme Shapira et ses collaborateurs (2003), Ko et coll. (2005) estiment que la présence, d’au moins une difficulté fonctionnelle causée par l’utilisation répétée d’Internet,241 est essentielle pour parler de « cyberdépendance ». La dépendance à Internet ne doit pas être expliquée par un trouble psychotique ou un trouble bipolaire de type 1. Or, pour les détracteurs, l’utilisation de ces critères diagnostiques, bien qu’ils permettent de discerner les personnes qui en sont dépendantes, ne donne pas d’indication sur le degré de prégnance du problème242.

À l’instar de leurs collègues de l’arène scientifique, les acteurs des sphères psychosociale et médiatique proposent également leur propre construction de grilles de critères diagnostiques inspirés du DSM. Parmi eux, certains retiendront également les grilles de critères diagnostiques inspirées du DSM telles que présentées par les acteurs scientifiques alors que d’autres acteurs préfèreront créer leur propre grille.

239 Une détresse psychologique significative s’exprime par des problèmes dans les sphères sociales, occupationnelles ou dans d’autres sphères du fonctionnement. 240 Ko et coll. (2005; Beard et coll., 2001; Shapira et coll., 2003, cités dans Vaugeois, 2006). 241 Une difficulté fonctionnelle telle que : négligence des obligations familiales, scolaires, professionnelles, problèmes relationnels, etc. 242 Widyanto et Griffiths (2006; Dowling et Quirk, 2009, cités dans Brisebois, 2011).

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Les joutes propres aux arènes psychosociale et médiatique

D’emblée, de nombreux acteurs retiennent la proposition de Young243, sauf pour le psychologue québécois Alain Rioux (2011)244 et le médecin canadien Michael O’Reilly (15 juin 1996) qui jugent que trois critères et plus suffisent pour s’interroger sur l’utilisation faite d’Internet. Pour leur part, Dufour (mars 2012) et Sergerie (2010) retiennent la classification de Tao, Huang, Wang, Zhang, Zhang et Li (2010). Ils proposent leur propre liste de critères diagnostiques de la « cyberdépendance » et de cette liste, ils retiennent quatre critères devant être présents sur une période de trois mois et accompagnés d’une utilisation des technologies d’au moins six heures par jour, et ce, non reliée au travail ou aux études. À partir des critères de la dépendance aux substances et au jeu pathologique, les psychologues québécois Acier et Kern245 présentent aussi leur propre liste. Ainsi, pour diagnostiquer une « cyberdépendance », ils retiennent quatre des huit critères qui doivent être présents sur une période d’au moins douze mois. Young révise sa position initiale suite à la proposition de Beard et Wolf (2001)246 et se rallie en augmentant elle aussi le seuil à six critères, dont au moins un parmi les critères 6, 7 ou 8 proposés par ces derniers. Tremblay (2008) préfère retenir les critères diagnostiques proposés par Ko et coll. (2005).

Que les acteurs des sphères scientifique ou psychosociale aient présenté ou exigé un certain nombre de critères afin de diagnostiquer qu’un individu est ou n’est pas un « cyberdépendant », ne semble pas avoir touché les acteurs de la sphère médiatique. Un seul quotidien anglophone, The Globe and Mail (23 aout 1999), mentionne l’existence d’un questionnaire inspiré des critères diagnostiques du DSM; de ce questionnaire, au moins cinq des dix critères doivent être présents chez un individu pour qu’il soit considéré comme « cyberdépendant ».

243 Bourque et coll. (2011); Conrad (2009); Dufour (octobre 2003, 2012); Dufour et Acier (2010); Goldsborough (novembre 1997); Rioux (2011); TechAddiction (2005); UMoncton (n. d.); Vachon (janvier 2007); Van Mourik (2011). 244 Cité dans Bourque et coll. (2011). 245 Cités dans Richard (mai 2009, janvier 2011). 246 Cité dans Van Mourik, (2011).

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Les pages précédentes ont mis en exergue ces luttes entre les acteurs afin d’imposer leurs conceptions des critères qui permettraient éventuellement d’identifier ou de repérer ledit problème. Ainsi, un premier groupe d’acteurs, défendant la thèse de la maladie mentale, s’est inspiré du DSM pour suggérer leur grille de critères. Or, il devient difficile, voire impossible, d’en arriver à trouver un accord concernant un choix de critères, leur nombre et le minimum requis pour atteindre le seuil clinique d’une « cyberdépendance »247. L’enjeu principal est d’en arriver à un accord sur la définition de ces critères. Par la suite, les critères qui réussiront à s’imposer serviront à la création de mesures de gestion et de régulation sociale dans le but de prévenir et de traiter ledit problème. La grande question consiste, pour ces acteurs, à déterminer le seuil clinique qui permettrait de tracer les frontières entre un état qualifié d’anormal/pathologique et un état jugé normal. Quels sont les critères d’appréciation qui permettent de définir ce seuil? C’est le cœur de la confusion et de l’absence de consensus. Tenter d’expliquer et de déterminer la frontière entre l’utilisation normale et l’utilisation pathologique d’Internet, c’est d’abord, de s’obliger à opposer deux pôles fondamentalement séparés et, par la suite, de chercher leurs relations. Or, Ehrenberg (2005) propose de régler ce litige par l’examen de la relation entre le normal et le pathologique. Cette approche relationnelle consiste à décrire comment la relation normale ou pathologie se modifie, car ces deux pôles ne peuvent se définir qu’en relation l’un par rapport à l’autre (Ehrenberg, 2005). Tout reste à faire dans cet examen proposé par Ehrenberg concernant la « cyberdépendance ».

Pour Nadeau (2012), ces questions de fond structurent le champ de toutes les dépendances depuis plus de cinq siècles et demeurent les mêmes en ce qui concerne la problématique entourant la « cyberdépendance ». Les premiers critères diagnostiques suggérés par Young étaient fondés sur la dépendance au jeu pathologique inscrite dans le DSM-III en 1980. Or, cette proposition initiale est représentative d’une époque donnée et reflétait les pratiques dites normales d’utilisation d’Internet dans une société et dans un temps où la sociabilité en ligne

247 Charkraborty Basu et Kumar (2010; Hinic, 2011; Tonioni et coll., 2012; Weinstein et Lejoyeux, 2010, cités dans Dufour et coll., 2014).

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était considérée comme encore marginale; ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. L’utilisation de ces critères soulève tout de même des questionnements. À cet effet, Beard et Wolf (2001) soutiennent, d’une part, que l’utilisation de seulement cinq de ces critères serait insuffisamment discriminante et, d’autre part, que ces cinq critères pourraient tous être présents chez un individu sans que son fonctionnement s’en trouve affecté. En 2001, ils ont fait figure de pionniers en suggérant de modifier les critères diagnostiques de la « cyberdépendance » et d’augmenter le seuil critique à six critères. Suite à cela, plusieurs acteurs sociaux se sont ralliés à leur proposition. D’après Tremblay (2008), les chercheurs s’entendent pour dire que les critères diagnostiques doivent s’inspirer du DSM et porter sur la dépendance de type I ou la « cyberdépendance » en ligne; toutefois, Widyanto et Griffiths (2006)248 ne partagent pas cet avis. D’ailleurs, l’utilisation du DSM pour détecter le trouble de la « cyberdépendance » reste, à ce jour, non validée. De plus, Tremblay (2008) précise que si, pour diagnostiquer une dépendance à une substance psychoactive ou au jeu, il est nécessaire d’identifier trois symptômes, il en est autrement en ce qui concerne le diagnostic de la « cyberdépendance » puisque la plupart des chercheurs sentent la nécessité de reconnaitre cinq à sept symptômes. Des questions demeurent en suspens concernant les choix et nombres de critères.

Deux propos critiques nous éclairent sur le passage de la normalité à la maladie. Le philosophe québécois Jean-Claude St-Onge (2013) nous indique que le passage se fait tout simplement en élargissant les critères de la maladie, en inventant des pathologies, en transformant des problèmes sociaux en problèmes médicaux à soigner. Quant au directeur de recherche au CNRS249 Franck Ramus (2013a), il est d’avis qu’il existe rarement, dans la nature, une frontière claire entre la bonne santé et la maladie. Par conséquent, il admet que les seuils fixés entre le normal et le pathologique ont inévitablement une part d’arbitraire (p. 2). Or David Cohen, professeur émérite en sciences psychologiques et sociales, spécialiste des effets

248 Cités dans Brisebois (2011). 249 Au Laboratoire de Sciences Cognitives et Psycholingustiques de l’Institut d’Étude de la Cognition, professeur à l’École Normale Supérieure. Il est également membre du comité de parrainage scientifique de l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS) et de la revue Science et pseudo-science.

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négatifs des psychotropes et de leur utilisation en psychiatrie, tient un propos plus catégorique entre le normal et le pathologique. Il juge que « la distinction entre le normal et le pathologique est faite aussi subjectivement, aussi arbitrairement que lorsque nous formulons mille et un jugements dans notre quotidien; oubliant ainsi qu’un jugement médico-scientifique doit être solidement fondé » (cité dans Bachand, 2012, p. 8). Quant à la perspective critique du psychiatre américain Allen Frances (2013), elle vient enrichir l’analyse des enjeux entourant l’identification des critères et le seuil critique. D’emblée selon ce psychiatre, la description d’un « nouveau trouble mental » doit nécessairement s’accompagner d’un ensemble de critères, relativement précis, qui circonscrit les symptômes caractéristiques d’une pathologie donnée, le nombre, la fréquence, l’intensité et la durée. Ainsi, en tentant de définir la « cyberdépendance » comme une entité psychiatrique, certains acteurs tentent de définir des normes standardisées par l’établissement de séries de symptômes diagnostics psychiatriques inspirés du DSM. Or, malgré tous leurs efforts, les différents acteurs scientifiques et psychosociaux n’arrivent toujours pas à s’entendre sur des critères diagnostiques communs et sur un nombre minimal de symptômes jugés nécessaires pour déterminer si la personne « souffre » ou non de « cyberdépendance ». En l’absence de tels critères bien définis, « un accord devient pratiquement impossible, car chaque clinicien fait entendre sa propre loi — une vraie tour de Babel —, un ensemble de voix singulières et discordantes » (Frances, 2013, p. 60). Pour Frances (2013), il est impératif d’en arriver à une entente afin que les experts finissent par parler le même langage. Mais parmi toutes ces voix entendues, les différents acteurs sociaux du Québec et du Canada s’entendent avec plusieurs experts d’ailleurs dans le monde pour dénoncer haut et fort cette absence de critères permettant d’établir clairement la limite entre ce qui pourrait être jugé abusif ou normal. Car, seuls des critères précis peuvent permettre d’établir la présence d’une dépendance250.

250 Birchard (2003); Biron et coll. (2010); Blaszczynksi (2008; Czincz et Hechanova, 2009; Desai et coll., 2010; Dufour, 2012; Hinié, 2011; Moreno, Jelenchick, Cox, Young et Chistaki, 2011; Tao et coll., 2010; Villella et coll., 2011; Weinstein et Lejoyeux, 2010, cités dans Dufour et coll., 2013); Bouchard (2009); Conrad (2009); Dufour (octobre 2003, mars 2012); Dufour et Parent (janvier 2009); Garneau (décembre 1999); Grohol (cité dans Garneau, décembre 1999); Morin (2011); Richard (mai 2009); Shayna et Yellowlees, 2005; Khun et Griffiths, 2011; Vaugeois, 2006; Wood, 2008; Minotte et Donnay, 2010, cités dans Biron et coll., 2011); TechAddiction (2005); UMontréal (2012); Vachon (janvier 2007); Van Mourik (n.d., 2011); Vaugeois (2006).

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Toute une partie des revendications des tenants de la thèse de la maladie mentale s’appuient sur le fait qu’ils en ont besoin de ce genre de classification pour établir des diagnostics et pour être en mesure de proposer des traitements — principalement médicaux, — adaptés. De plus, le diagnostic psychiatrique a une valeur marchande dans les services publics puisque le diagnostic est en quelque sorte un billet d’entrée pour l’obtention de prestations de soins et de services de santé, comme le souligne la psychiatre Gekiere (2006, 2009). Selon Perry (2001), la prescription médicale apparait dominante comme réponse à la souffrance psychique et à ses effets. Ainsi une approche somatique des situations de souffrance est privilégiée. De plus, les problèmes des patients doivent avoir une appellation spécifique puisque, pour certaines maladies reconnues, les assurances peuvent rembourser une partie des frais. (Bachand, 2012). Également, ces mêmes compagnies d’assurance ainsi que les tribunaux s’y référent pour poser un diagnostic, justifier leurs décisions et pour défrayer à la fois les couts de traitement et ceux des médicaments (Bachand, 2012; Bueno, 2014; Perry, 2001). Selon Adam (2012) et Bachand (2012), les cliniciens sont nombreux à jouer le jeu de l’utilisation imposée par le DSM et ainsi cocher les symptômes les plus manifestes afin d’obtenir à diagnostiquer un syndrome précis. Souvent, ils ajustent leurs impressions et évaluations cliniques pour répondre aux exigences administratives, et ce, dans l’unique but d’obtenir les remboursements de l’assurance-maladie. Bref, le DSM est largement utilisé non pas pour sa fonction scientifique ni pour répondre aux besoins de l’individu, mais pour sa fonction sociale et administrative.

De plus, une deuxième partie de leurs revendications concerne la détermination du seuil clinique pour confirmer la présence ou non de la « cyberdépendance ». Pourquoi retenir cinq et non deux ou sept symptômes? Quelle est la valeur de ce critère? Aucune, selon le psychologue québécois Garneau (novembre 1999a). Il ne correspond qu’aux impressions personnelles d’un professionnel à partir de quelques rares cas particuliers. D’après le psychologue

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Grohol (2005)251, certains acteurs sociaux reconnaissent cinq symptômes simplement parce que c’est le nombre de symptômes déjà utilisé pour identifier le jeu pathologique. Qu’il y ait peu de ressemblance entre le jeu pathologique et la « cyberdépendance » semble avoir peu d’importance, comme Grohol le fait remarquer. Or, décréter que nous sommes face à un problème de « cyberdépendance » pourvu que trois, cinq ou sept symptômes soient présents relève davantage d’un choix arbitraire que de critères scientifiques. Bachand (2012) et Otero (2005) sont du même avis. Souvent, la définition des critères est dictée par des négociations et des ententes entre psychiatres. Faut-il rappeler, à ce titre, le faux scandale lié à la chasse aux sorcières de Salem? Cette histoire indique que la recevabilité de la preuve n’était pas évidente et que même si tous les inquisiteurs étaient d’accord pour retenir entre eux cinq critères (ex. : être bizarre, étrange ou en marge de la société, etc.) comme éléments de preuve pouvant identifier une sorcière, cette convention n’en validait pas, hors de tout doute, leur identification. En somme, un diagnostic psychiatrique fiable (celui qui se prête à un consensus entre psychiatres) ne prouve pas qu’il soit juste, comme le souligne Bachand (2012). Par conséquent, ne serions pas en train de partir, en quelque sorte, une chasse aux sorcières en étiquetant ou stigmatisant inutilement de nouveaux « malades cyberdépendants »?

Les deux philosophes québécois Alain Bachand (2012) et Jean-Claude St- Onge (2013) de même que le directeur du National Institute of Mental Health, Thomas Insel252 et la psychiatre Claire Gekiere (2006, 2009) remettent en question la véritable utilité des diagnostics psychiatriques. À cet effet, Insel a causé un véritable tsunami dans la communauté scientifique en proclamant que le DSM n’était d’aucune utilité pour les diagnostics, puisque pas validé et entièrement fondé sur des symptômes somatiques. D’emblée, les catégories du DSM circonscrivent les comportements humains, les codes de conduite, les manières d’être et de penser qui

251 Cité dans Garneau (novembre 1999a). 252 Directeur du National Institute of Mental Health aux États-Unis (NIMH). Vigneault, A. (7 septembre 2015). Une pilule qui passe mal. La Presse+, p. 1. Repéré à http://plus.lapresse.ca/screens/464e4d41-37fb-4abc-9de6- 0745c013cb53%7CX1q_d~TudqbH.html

159 doivent être adoptés culturellement au sein de la société et les redéfinissent comme des « maladies » ou des « pathologies » à traiter. Par conséquent, Bachand (2012), Cohen (2001), Ehrenberg (2005), Otero (2012) et St-Onge (2013) jugent le DSM comme étant l’une des meilleures sources d’indicateurs de la médicalisation de la déviance, de la détresse psychologique et de la souffrance psychique et sociale. Pour Bachand (2012) et Giekere (2009), le DSM sert de fourre-tout de comportements (ou d’états d’esprit) qui violent les mœurs sociales. Présentées sous des apparences d’objectivité médicale, les classifications psychiatriques ne viennent que décrire des comportements malheureux, bizarres, déraisonnables, socialement handicapants, dérangeants ou antisociaux (Bachand, 2012, p. 19). On sait, dit-il, que les diagnostics psychiatriques impliquent l’idée qu’il existe des comportements normaux et des comportements anormaux (pathologiques), mais cette distinction est davantage présumée que prouvée, plus morale que médicale, plus obscure que claire (Bachand, 2012, p.107). C’est donc dire que ces classifications psychiatriques sont « une forme déguisée de classification axiologique et fournissent un vocabulaire nouveau pour décrire des valeurs morales » (Bachand, 2012, p. 19). Or, pour Ehrenberg (2010), le problème réside dans l’identification d’entités non observables (la conscience, les attitudes, les besoins); la psychiatrie a des problèmes critériologiques et non des problèmes de preuve. Seuls les arguments peuvent participer à l’élaboration de critères permettant de clarifier les types de réalité dont il est question. Aucune autre méthode ne peut déboucher sur un consensus de type scientifique. On aborde des problèmes pour lesquels il existe des raisons d’être en désaccord (p. 28).

Nous avons mis en lumière les luttes discursives entourant l’enjeu que représente l’identification des critères permettant de reconnaitre « quand » l’utilisation d’Internet devient une « cyberdépendance ». Or, dans cette tentative d’élaborer des critères et un seuil critique permettant de diagnostiquer la « cyberdépendance », un autre débat semble surgir parmi les acteurs des trois arènes publiques qui défendent majoritairement l’hypothèse du désordre de dépendance. Ces acteurs préfèreront plutôt adopter des critères diagnostiques psychosociaux qui seront discutés ci-dessous. En Annexe E, des grilles de critères diagnostiques psychosociaux

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selon les tenants du désordre de dépendance des différentes arènes sont présentées.

5.3.2 Établir des critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du « désordre de dépendance »

Les joutes propres aux trois arènes : scientifique, psychosociale et médiatique

Nous avons vu précédemment que les acteurs sociaux des sphères de la science et du psychosocial amalgament majoritairement la « cyberdépendance » aux autres dépendances. Selon eux, la « cyberdépendance » semble posséder une étiologie commune avec les autres dépendances. Parmi eux, certains estiment qu’il est inutile de faire la distinction entre elles, mais d’autres jugent au contraire qu’elle s’apparente plus à une dépendance comportementale, comme le jeu pathologique. De ce point de vue, le psychiatre américain Aviel Goodman (1990) a été le premier à se différencier et proposer une liste de critères généraux de dépendance comportementale (14) qui, selon lui, se distinguaient des critères diagnostiques inspirés du DSM. Selon lui, il faut retrouver neuf des quatorze critères s’échelonnant sur une période d’un mois où cela doit se répéter pendant une période prolongée (sans toutefois préciser davantage en quoi consiste une période prolongée)253. Cette première grille critériée a servi d’inspiration à d’autres acteurs sociaux pour la fabrication de leur propre liste. D’après, les psychiatres français Valleur et Matysiak (2006)254, Goodman accorderait une importance à la dimension subjective dans l’évaluation de la dépendance; ses critères sont axés sur la souffrance psychique ressentie par le sujet en lien avec le comportement problématique alors que les critères diagnostiques psychiatriques se fondent sur des éléments plus concrets de la relation individu-substance. Toutefois, Pineault (2008) remarque l’existence de similarités entre les critères psychiatriques inspirés du DSM et les critères de dépendance comportementale de Goodman : tolérance, sevrage ou état de manque, incapacité à utiliser Internet ou cesser de l’utiliser, conséquences négatives sur différentes sphères de vie, perte de contrôle. Il

253 Cliche (2001); Pineault (2008); Rochon (2004); Vaugeois (2006). 254 Cités dans Pineault (2008).

161 semble donc exister un enchevêtrement dans les critères promulgués par les acteurs sociaux, notamment par les tenants de la maladie mentale et les tenants du désordre de dépendance, mais d’autres acteurs jugent, au contraire, que l’enjeu caché est bien plus de déterminer ce qui est exclusif à la « cyberdépendance ».

Pineault (2008) et Vaugeois (2006) sont d’avis qu’il est préférable d’utiliser la grille critériée de Griffiths (1995, 1996, 1998), comportant six critères communs à l’ensemble des dépendances comportementales. Ces critères semblent pouvoir se transposer plus facilement à l’usage problématique d’Internet et permettre d’avoir une vision plus globale du phénomène. De plus, un petit nombre d’acteurs sociaux, dont quelques-uns sont québécois et canadiens, s’inspirent des listes de critères diagnostiques psychosociaux déjà existantes dans la littérature scientifique afin d’en proposer leurs propres versions255. Or, il semble se dégager un accord au sein de la majorité des acteurs scientifiques concernant un certain nombre de critères retenus au détriment d’autres afin de diagnostiquer une dépendance. Ce sont les critères de tolérance, sevrage, perte de contrôle, incapacité à cesser l’utilisation (abstinence) et présence de conséquences négatives.

Les acteurs dans la sphère psychosociale trouvent également important de contribuer au débat concernant l’établissement de critères diagnostiques. Si certains préfèrent choisir leurs critères parmi les listes déjà existantes dans la littérature scientifique ou parmi celles proposées par les acteurs de la sphère scientifique, plusieurs acteurs québécois et canadiens256 proposent stratégiquement une version modifiée de ces listes pour en arriver à des critères exclusifs à la « cyberdépendance ». À cet effet, le psychologue québécois Rochon257 a, comme Goodman (1990), adapté les caractéristiques de la dépendance comportementale à la « cyberdépendance ». Parmi les quatorze critères initiaux de Goodman, il a retenu les

255 Acier et Kern (2009, cité dans Richard, mai 2009, janvier 2011); Block (2007, 2008, cité dans Dufour et Acier, 2010); Davis (cité dans Sergerie et Lajoie, 2007); Nadeau (2010); Shaffer, Hall et Bilt (2000, cités dans Landry, 2001). 256 Acier et Kern (2009, cités dans Richard, mai 2009, janvier 2011); Centre de consultation psychologique de l’Université de Montréal (2012); Nadeau (2010, octobre 2012); Nadeau et coll. (2011); Sergerie (2005, 2010); Sergerie et Lajoie (2007); Van Mourik (n.d., 2011). 257 Le Psynternaute (1997); Rochon (octobre 1998).

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neuf derniers de sa liste. De plus, Rochon juge qu’au moins cinq symptômes persistant sur une période de plus d’un mois sont suffisants pour diagnostiquer une « cyberdépendance ». Ni Rochon ni Goodman ne posent un diagnostic avant l’écoulement de plus d’une année d’utilisation d’un ordinateur — avec ou sans accès à Internet. À l’instar de leurs collègues de la sphère scientifique, plusieurs acteurs psychosociaux privilégient la liste des six critères de Griffiths (1996, 1998, 2007)258. D’autres s’entendent sur le nombre de quatre critères communs à retenir sans toutefois arriver à un consensus sur le choix de ceux-ci259. Une autre version de la grille de Griffiths comprenant sept critères généraux rattachés à la dépendance à Internet, dont trois des critères sont retenus par quelques-uns260. Pour sa part, Morin (2011) retient les critères proposés par Sergerie et Lajoie (2007) avec l’obligation de vérifier la présence d’au moins trois critères. Bref, la classification de Griffiths à six ou sept critères généraux communs aux dépendances comportementales semble être privilégiée par plusieurs acteurs de la sphère psychosociale.

Parmi les tenants du désordre de dépendance qui participent au débat concernant l’établissement de critères psychosociaux, plusieurs préfèrent plutôt retenir seulement deux critères pour diagnostiquer la « cyberdépendance ». Dans cette veine, nombreux sont ceux qui estiment que la « cyberdépendance » partage au moins deux critères avec les autres dépendances. Ce sont ceux concernant la perte de contrôle de l’utilisation du médium et l’incapacité de s’abstenir261. Toutefois, notre analyse plus approfondie des différentes classifications suggère, au contraire, que la tolérance et les symptômes de sevrage font davantage consensus parmi les acteurs psychosociaux. À cet égard, Van Mourik (2011) fait une mise en garde selon laquelle ces signes doivent être évalués en fonction de leur intensité, leur fréquence et leur durée dans la vie de l’internaute afin de déterminer si l’utilisation a franchi le cap du « dysfonctionnel ». D’autres, comme Nadeau (2010), souhaitent même différencier

258 Cyberdependance.ca (2008); Dufour (mars 2012); Dufour et Acier (2010); Dufour et Parent (janvier 2009); Optima Santé globale (2012); Sergerie (2010). 259 Acier et Kern (2011); Lambert-Chan (2012); Nadeau (octobre 2012); Nadeau et coll. (2011, cités dans Monette, avril 2012); Sergerie (2005, 2010); Van Mourik (2011, n. d.). 260 Dufour (octobre 2003, mars 2012); Dufour et Acier (2010); Van Mourik (n.d.). 261 Acier (cité dans Bouchard, 2009); Dufour (octobre 2003, mars 2012); Dufour, Gagnon et Nadeau (2012); Dufour et Parent (janvier 2009); Goldsbormgh (novembre 1997); TechAddiction (2005); Van Mourik (2011).

163 les critères qui seraient propres à la « cyberdépendance »262. En procédant ainsi, les acteurs comme Nadeau pourraient se démarquer et imposer leurs propres perceptions de critères psychosociaux permettant l’identification de la « cyberdépendance » et par ricochet, être reconnus comme étant instigateurs dans cette construction.

L’identification de la « cyberdépendance » est un sujet d’actualités pour un grand nombre de médias québécois et canadiens. L’utilisation stratégique des médias de masse anglophones et francophones permet aux acteurs scientifiques de rejoindre les personnes susceptibles de vivre une telle dépendance étant donné la capacité médiatique de diffuser des idées à un plus large auditoire. Dans cette veine, à quarante-trois reprises des symptômes ou des signes donnant au citoyen le moyen de s’auto diagnostiquer comme étant potentiellement « cyberdépendant » ont été mentionnés sur pas moins de seize plateformes médiatiques majoritairement francophones. Ce sont principalement deux médias francophones qui participent activement à publiciser la construction de différentes propositions de critères ou de signes permettant l’identification de la dépendance à Internet.

D’abord, la Société Radio-Canada, à travers ses différentes plateformes médiatiques anglophones et francophones, les animateurs et les journalistes ont abordé le sujet plus d’une vingtaine de fois dans les quinze dernières années. À travers ses autres plateformes francophones principalement radiophoniques, Radio- Canada privilégie aussi de donner la parole aux intervenants sociaux, principalement des psychologues montréalais, pour aborder la problématique entourant cette dépendance ainsi que les critères qui permettraient de l’identifier. Pour sa part, le quotidien francophone La Presse a publié à sept reprises, entre 2001 et 2009, différentes listes permettant l’identification de la « cyberdépendance ». De plus, notre analyse met en exergue que les critères de la perte de contrôle (ou l’incapacité à cesser l’utilisation d’Internet) et l’apparition de symptômes de manque ou de sevrage sont souvent soulevés par les experts consultés comme étant un signe de

262 Les critères qui seraient spécifiques à la « cyberdépendance » sont la durée de l’utilisation d’Internet, l’influence au niveau des relations interpersonnelles, la valorisation par le biais d’un personnage virtuel (avatar) et le rapport à la réalité.

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« cyberdépendance ». Pas moins de cinq médias francophones et anglophones ont choisi de présenter ou de discuter de listes exhaustives composées de quinze263, de dix, de neuf264 ou de sept critères265 pour diagnostiquer la « cyberdépendance » à plus de sept reprises. De plus, quatre médias francophones266 ont retenu les six critères communs proposés par Griffiths alors que trois autres en majorité francophone s’appuient sur d’autres listes de six critères267. Enfin, seulement deux médias anglophones et francophones mettent l’emphase sur la retenue de cinq critères268 pour diagnostiquer la « cyberdépendance ». Quatre médias québécois et canadiens ne choisissent que quatre critères à l’identification de la dépendance à Internet269. D’autres, par contre, comme c’est le cas pour cinq plateformes médiatiques, retiendront trois symptômes270. Six autres proposent de retenir seulement deux critères 271 alors que pour sept autres médias anglophones et francophones, un seul critère est suffisant pour identifier la présence d’une dépendance à Internet272.

263 La Presse (1er décembre 2005) rapporte qu’Hilarie Cash cofondatrice du premier centre de thérapie américain ReStart pour la dépendance à Internet utilise une liste de 15 symptômes pour diagnostiquer la dépendance à Internet sans toutefois faire mention du seuil minimal à atteindre. 264 Le Huffington Post (3 décembre 2013) présente une liste de dix signes alors que le journal le Progrès-Dimanche (13 juin 1999) présente une liste de neuf signes ou de symptômes. Ces listes se retrouvent à l’Annexe E. 265 Le Soleil (7 septembre 2009) et La Presse (13 mars 2006) retiennent la liste de sept signes de la psychologue Kimberly Young du centre de guérison des dépendances à Internet de Bradford en Pennsylvanie. Sur le portail d’actualités Sympatico (16 octobre 2009), une liste de sept symptômes à surveiller est publiée. Le Huffington Post (31 mai 2013b) établit une liste de sept signes (Voir Annexe G). 266 La Nouvelle Union (22 juin 2011); Le Soleil (28 mai 2007a); Radio-Canada (19 février 2001); V (n.d., 2013). 267 La Presse (21 avril 2009) choisit de rapporter la liste de l’Institut national sur les médias et la famille de l’université de l’Iowa. CBC News (16 septembre 2010) publie une liste de six symptômes émise par le professeur de psychologie Douglas Gentile de l’Université de l’État d’Iowa et le journal de droite, le Journal de Montréal (20 mai 2010) publie également une autre liste de six symptômes. 268 Le Toronto Star (1er février 2013) publie la liste de douze signes d’Hilarie Cash, cofondatrice du centre de thérapie américain ReStart. Sur ce nombre, cinq sont retenus (Voir Annexe G). En entrevue à La Sphère à Radio-Canada (n.d., 2012), Bueno déclare que les chercheurs se sont mis d’accord sur cinq symptômes (voir Tableau 18). 269 La Presse (18 février 2001) publie sa liste d’une dizaine de symptômes et quatre doivent être retenus. The Globe and Mail (19 novembre 2007), CBC News (8 juin 2009); CTV News (12 janvier 2012) retiennent 4 critères. 270Radio-Canada Nouvelles (2 octobre 1999) retient trois critères émis par la psychologue américaine Kimberly Young. La Tribune (28 décembre 2011); Le Réveil Ile-du-Prince-Édouard Radio-Canada (n.d., 2012); Le Réveil Nouveau-Brunswick Radio-Canada (n.d., 2012) et Rue Frontenac (29 janvier 2011a) retiennent les trois critères suggérés par la psychologue québécoise Magali Dufour. À l’émission radiophonique Jour de plaine (n.d. 2012) c’est ceux de Louise Nadeau. CBC News (12 janvier 2012); Triplex à Radio-Canada (n.d., 2012); The Globe and Mail (19 novembre 2007); Sympatico (16 octobre 2009); V (n.d. 2013) proposent d’autres critères. 271 Émission Desautels à Radio-Canada (n.d., 2010) retient les deux critères de la psychologue québécoise Marie-Anne Sergerie; La Presse (2 novembre 2006); Global News (12 janvier 2012); La Voix de l’Est (29 janvier 2011a); Radio-Canada Nouvelles (19 février 2001); RCI (n.d.); RedDeer Advocate (27 novembre 2009); Triplex Radio-Canada (n.d., 2012); The Globe and Mail (31 aout 2012). 272 Le signe de la perte de contrôle ou l’incapacité à s’arrêter et la perte de liberté est retenu par : CBC (12 janvier 2012); CTV News (2 octobre 2008); Global News (12 janvier 2012); La Presse (19 avril 2007, 1er février 2010a); L’après-midi porte conseil de Radio-Canada (2010). Le signe de symptôme de sevrage ou de manque est retenu par : La chaine télévisuelle anglophone The Current CBC (1er mars 2013), l’émission radiophonique The Current CBC (1er mars 2013), l’émission radiophonique L’après-midi porte conseil à Radio-Canada (28 avril 2010) et le bulletin de nouvelles (Radio-Canada, 27 juillet 2011).

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Nous avons mis en lumière ci-dessus, la chaude lutte entre les militants en faveur de l’hypothèse de la maladie mentale et ceux optant pour une nouvelle dépendance, et ce, dans trois des trois arènes publiques à l’étude. Les premiers militent pour transposer à la « cyberdépendance », les critères du jeu pathologique inclus dans le DSM. Les seconds suggèrent plutôt des critères psychosociaux pouvant s’appliquer à l’ensemble des dépendances. Or, derrière cette tentative de vouloir se démarquer, ces deux camps luttent pour intégrer la « cyberdépendance » à l’intérieur du système de classification DSM dans une catégorie ou l’autre. Cette inclusion viendrait ainsi cristalliser la représentation biomédicale de la « cyberdépendance ».

Malgré l’impasse provoquée par les nombreuses tentatives d’établir des critères psychiatriques inspirés du DSM par les tenants de la maladie mentale ou des critères psychosociaux communs aux dépendances par les défenseurs du désordre de dépendance, un autre débat parallèle semble s’élever parmi les différents acteurs des trois arènes publiques qui tiennent déjà pour acquise l’existence même de la « cyberdépendance ». Ce débat porte essentiellement sur la possibilité de retenir un unique critère à l’identification de la « cyberdépendance ». Certains se demandent, en effet, s’il ne serait pas préférable de privilégier une perspective quantitative d’utilisation d’Internet ou une approche qualificative permettant davantage de jeter une lumière sur la présence d’une souffrance significative ou sur les conséquences négatives sur le comportement. Ceux-ci estiment qu’il serait plus facile de rallier les militants de la maladie mentale et ceux du désordre de dépendance afin d’établir un consensus sur des critères dits souples tels que l’utilisation d’Internet ou la présence de conséquences négatives.

166

5.3.3 Établir des critères diagnostiques souples selon une approche quantitative ou qualitative

5.3.3.1 Approche quantitative d’utilisation d’Internet

Retenir le temps passé derrière un écran comme le seul critère spécifique pour déterminer un usage « pathologique » semble créer des remous parmi les acteurs sociaux des trois arènes publiques à l’étude. Pour le moment, les acteurs sociaux ne s’entendent pas sur le nombre d’heures quotidien ou hebdomadaire au-delà duquel l’usage serait jugé problématique. Ainsi, nous assistons à une co-construction de normes temporelles visant à qualifier une utilisation « problématique » d’Internet dans les différentes arènes à l’étude. Outre la question temporelle, une autre question persiste quant à la nécessité de distinguer ce qui relève de l’ordre des usages utiles (professionnels) et des usages inutiles (personnels) (Scherer, 1997). Quel type d’usage devons prendre en compte? D’autres, encore, s’interrogent sur la durée d’utilisation d’Internet; doit-elle être considérée comme étant le seul critère — déterminant ou non — du dit problème? Pour avoir un aperçu des différentes constructions de critères diagnostiques souples selon une approche quantitative d’utilisation d’Internet, voir les Tableaux 19 à 20 à l’Annexe H.

Les joutes propres à l’arène scientifique

En l’absence d’un consensus sur les critères diagnostiques psychiatriques et psychosociaux, certains acteurs de la sphère scientifique participent tout de même à la construction de balises qu’ils estiment plus observables et quantifiables pour délimiter le nombre d’heures d’utilisation d’Internet qui serait considéré comme étant problématique. À travers notre analyse, nous observons dans la communauté scientifique la présence de deux types de controverses concernant la durée d’utilisation d’Internet. Tout d’abord, les tenants d’un premier discours jugent que la durée d’utilisation est le seul critère à considérer pour évaluer une utilisation dite

167 problématique. Ils estiment qu’il existe bien une corrélation entre le nombre d’heures d’utilisation et l’usage problématique. À cet effet, quelques études viennent appuyer les revendications de ce groupe de partisans273. Toutefois, pour Grohol (1999)274 et Sergerie (2005), la durée d’utilisation d’Internet est un indicateur important, mais Grohol émet tout de même une réserve concernant le nombre d’heures d’utilisation. Selon Holmes (1997)275, pour la majorité de la population, la normalité serait de passer en moyenne zéro heure sur Internet par semaine. Or, Grohol (1999) estime pour sa part qu’une utilisation d’une vingtaine d’heures par semaine est jugée comme une utilisation contrôlée alors qu’une cinquante d’heures par semaine serait problématique. De plus, Grohol (1999) Widyanto et McMurran (2004)276 tiennent à distinguer le nombre d’heures passées en ligne pour usage professionnel (usage essentiel) et le nombre d’heures pour usage personnel (usage non essentiel), comme l’avait proposé Scherer (1997)277.

Les tenants du deuxième discours ont des opinions plutôt mitigées concernant l’utilisation du critère temporel dans l’évaluation de ladite problématique. Ils reconnaissent son importance, mais il doit être combiné à un ensemble d’autres facteurs pour conclure à un usage problématique. Selon Davis (2001)278, l’utilisation ne devrait pas se limiter uniquement au nombre d’heures consacrées à utiliser Internet. Il n’existe pas de seuil commun, c’est l’individu qui détermine la mesure dans laquelle il utilise Internet de manière adaptative ou inadaptée. Pour Van Mourik (octobre 2012), un des critères spécifiques à la « cyberdépendance » est la perte de temps sur Internet. Pour leur part, les jeunes internautes interrogés par le Centre d’études sur les médias à propos de leur utilisation d’Internet abondent dans le même sens en percevant leur utilisation d’Internet comme une perte de temps et de liberté (Kugler, 2000). Costa et coll. (2000)279 et Vaugeois (2006) estiment que le nombre

273 Ferron et Dugay (2004); Griffiths (1996; Scherer, 1997; Nalwa et Anand, 2003, cités dans Vaugeois, 2006); Nicki et Nichols (2004); Taylor (2008). 274 Cité dans Cliche (2001). 275 Cité dans Fortin (2006). 276 Cités dans Vaugeois (2006). 277 Scherer (1997) estime qu’un individu qui consacre deux fois plus de temps en ligne pour usage personnel qu’un internaute en général est « cyberdépendant » (cité dans Vaugeois, 2006). 278 Cité dans Sergerie et Lajoie (2007). Référence au point 5.2.3 de la présente thèse. 279 Cité dans Vaugeois (2006).

168

d’heures passées quotidiennement sur Internet ne donne que peu d’indications sur le degré de dépendance. Mais pour Caplan (2005) et Johansson et Gotestam (2004), le critère d’utilisation excessive d’Internet n’est pas le signe d’un problème280, mais par contre, c’est le meilleur signal d’alerte à la « cyberdépendance ».

Les joutes propres à l’arène psychosociale

À l’instar de l’arène scientifique, l’absence d’un consensus sur un seuil potentiellement « dangereux » d’une utilisation d’Internet provoque les mêmes débats parmi les acteurs psychosociaux. Tout d’abord, pour un grand nombre d’acteurs psychosociaux, le fait de passer trop de temps devant l’écran ou sur Internet est un signe que l’utilisation est problématique281. Pour d’autres, il serait préférable d’établir une norme d’utilisation d’Internet282. Dans cette veine, différentes études ou acteurs psychosociaux y vont de leurs propositions afin de fixer des balises quant à leurs perceptions d’une utilisation dite problématique. Les balises établies se situent entre 14, 20, 30 et 50 heures et plus par semaine comme indicateur de problème potentiel de « cyberdépendance »283. Cependant, pour une minorité d’acteurs, passer plus de soixante heures par semaine sur Internet est plutôt de l’ordre d’une utilisation dite extrême284. Plusieurs acteurs suggèrent entre 14 et 40 heures par semaine. Or, selon Dufour, Gendron, Brunelle, Cousineau et Leclerc (janvier 2013), en utilisant le point de césure de Desai et coll. (2010) une utilisation de plus de 20 heures serait un indicateur de problème potentiel de « cyberdépendance ».

Une minorité de dissidents s’opposent catégoriquement à l’idée de prendre en considération ce critère comme étant l’unique critère permettant d’évaluer la présence ou non d’une utilisation problématique. Pour cette minorité d’acteurs psychosociaux,

280 Cités dans Fortin (2006). 281 Biron et coll. (2010); Casa (2011); Davis (2001, cité dans Richard, mai 2009); Dufour (mars 2012); Dufour et coll. (octobre 2012); Nadeau (octobre 2012); Le Psynternaute (1997); Rochon (mai 1996). 282 Desai et coll. (2010; Holtz et Appel, 2011; Tsitsika et coll., 2009, cités dans Dufour et coll., janvier 2013). 283 CEFRIO (2011, cité dans Dufour et coll., janvier 2013); Dufour (mars 2012); Dufour et Acier (2010); Dufour et coll. (janvier 2013); Leduc (2011); Tremblay (2008); Vachon (janvier 2007). Pour Sergerie (2010) : 6 heures par jour (non reliées aux études ou au travail) pour être considéré cyberdépendant. 284 Beard et Wolf (2001, cités dans Dufour, mars 2012; Dufour et Parent, janvier 2009).

169 il semble clair que la majorité des professionnels s’accordent sur le fait que la « cyberdépendance » ne se résume pas aux nombres d’heures passées en ligne ou devant un écran285.

Les différents médias de masse contribuent grandement à la légitimation de l’établissement de critères quantitatif de l’utilisation d’Internet.

Les joutes propres à l’arène médiatique

Un premier groupe de médias québécois et canadiens emboite le pas aux tenants des arènes scientifique et psychosociale qui tentent de justifier le temps d’utilisation d’Internet comme critère d’identification d’une utilisation problématique. Pour sept médias majoritairement anglophones, passer trop de temps à regarder le Web veut dire : passer un temps sans limites286. Déjà en 1999, le journaliste de l’hebdomadaire régional de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean le Progrès-Dimanche (13 juin) rapportait que le danger croit avec l’usage. Une dizaine d’années plus tard, le quotidien anglophone terre-neuvien The Telegram (15 septembre 2009) abonde dans le même sens. Pour ces deux médias, le problème se retrouve dans la surexploitation et non dans l’usage occasionnel d’Internet. Plusieurs autres vont même jusqu’à proposer un nombre d’heures qui déterminerait ou non l’utilisation dite problématique d’Internet. C’est d’ailleurs le cas d’un article du quotidien anglophone le Vancouver Sun (18 novembre 2010) qui indique que la limite maximale sans risquer de développer une dépendance à Internet se situe à un maximum de quatorze heures par semaine287. De plus, dans treize plateformes médiatiques majoritairement anglophones ont fait mention à plus de quarante-cinq reprises des utilisations d’Internet pouvant varier de 20, 25, 30, 35 voire même 40

285 Dufour (mars 2012); Rioux (2010); TechAddiction (2005); Université de Montréal (2012). 286 Selon la psychologue Kimberly Young citée dans le RedDeer Advocate (27 novembre 2009) et The Globe and Mail (23 mai 1998). La Presse (21 mars 2010); The Globe and Mail (1er décembre 2005); Winnipeg Free Press (7 septembre 2009), Radio- Canda Nouvelles (2 octobre 1999); Salut Bonjour TVA (15 février 2012). 287 Selon les lignes directrices recommandées par la thérapeute Glynis Sherwood au Recovery Counselling Services de Toronto.

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heures et plus par semaine288. D’autres médias beaucoup moins nombreux soulèvent à neuf reprises qu’il n’est pas rare pour quelqu’un d’être en ligne jusqu’à 50, 60, 70 heures voire 80 heures par semaine289. Les journalistes du quotidien The Globe and Mail (21 octobre 2002, p. 1) et de Radio-Canada (2 juin 1998, p. 1) rapportaient des cas extrêmes d’utilisation d’Internet. Dans le premier cas, un individu est mort après avoir consacré 86 heures à jouer sur Internet sans arrêt alors que dans le deuxième cas, plus de 100 heures par semaine auraient été consacrées à l’utilisation d’Internet.

D’autres acteurs de la sphère médiatique considèrent que le fait de prendre en considération le critère quantitatif d’utilisation d’Internet comme seul indicateur pour définir une dépendance à Internet n’est pas suffisant. Selon les propos rapportés par les journalistes des trois quotidiens francophones, même si l’entourage pointe souvent du doigt la durée passée en ligne, il semblerait que, pour certains experts, cela ne soit pas un élément argumentaire suffisant et satisfaisant pour poser un diagnostic. C’est peut-être le premier signal d’alarme, mais ça ne veut pas dire nécessairement qu’il y a « cyberdépendance »290. Dans son article, le quotidien La Presse (11 décembre 2006) cherche à comprendre si le fait de passer trop de temps sur Internet relève d’une mauvaise habitude ou plutôt d’un véritable trouble du comportement. D’autre, comme le journaliste Charles Burroughs du quotidien Le Droit (29 mai 2006), choisit de rapporter que tout dépend du caractère de l’individu et de la perception qu’il a du phénomène. Certains médias rapportent les propos du psychiatre Bruce Ballon et la travailleuse sociale Valérie Van Mourik qui estiment que le critère d’identification se résume au temps perdu sur Internet291. Or, pour Mathieu Goyette292, en entrevue au

288 Calgary Sun (25 juillet 2011); Canoë (7 novembre 2008; 1er juin 2010; 5 juillet 2011); CBC (6 mars 2010); CBC News (8 juin 2009; 16 septembre 2010); CBC The Current (1er mars 2013); CTV News (n.d., 2008; 25 février 2008; 2 octobre 2008; 22 octobre 2008; 14 juillet 2009; 28 mai 2010); Huffington Post (14 aout 2009, 28 novembre 2012; 1er décembre 2012); Journal de Québec (30 mai 2007); La Presse (15 juin 2000; 18 février 2001; 13 mars 2006; 17 octobre 2006; 2 novembre 2006; 22 novembre 2007; 10 juin 2008; 23 janvier 2009; 21 avril 2009; 3 septembre 2009; 1er février 2010a, 2010b, 2010c; 26 septembre 2011); La Voix de l’Est (29 janvier 2011); Le Devoir (28 avril 2007); Le Droit (29 mai 2006, 11 février 2008c); National Post (10 mars 2008); Radio-Canada Nouvelles (2 juin 1998); Sympatico (23 février 2012); The Globe and Mail (15 juin 1996; 6 février 1998; 17 février 2000; 19 novembre 2007; 2 aout 2010); Vancouver Sun (18 novembre 2010) (voir Annexe H). 289 CTV News (22 octobre 2008); Jour de plaine à Radio-Canada (n.d., 2012); Le Réveil Île-du-Prince-Édouard à Radio-Canada (n.d. 2012); Le Soleil (23 avril 2010); Téléjournal de Radio-Canada (18 janvier 2013); The Telegram (6 mars 2010); The Globe and Mail (18 février 1998); Toronto Star (1er février 2013) (voir Annexe H). 290 L’Express (9 décembre 2008); Le Droit (11 février 2008a); La Presse (30 janvier 2010a, b). 291 Selon le psychiatre Bruce Ballon du Centre for Addiction and Mental Health de Toronto dans le City News (9 novembre 2008). Selon la travailleuse sociale québécoise Valérie Van Mourik dans La Presse (10 novembre 2013). 292 Coauteur avec Louise Nadeau de l’article Utilisation pathologique d’Internet. Une intrégration des connaissances parue dans la revue française Alcoolgie et addictologie.

171 journal francophone torontois L’Express (9 décembre 2008), les chercheurs en psychologie doivent réaliser des études épidémiologiques plus larges et plus systématiques sur la dépendance à Internet afin de déterminer un seuil clinique à la maladie et comprendre son évolution. Cinq années plus tard, aucune réponse au temps d’utilisation requise pour développer une dépendance à Internet n’est apportée. Le psychiatre Allen Frances293, invité à l’émission radiophonique The Current à la CBC (1er mars 2013), estimait, une fois de plus, que le plus grand problème était de définir : usage récréatif, utilisation appropriée et dépendance.

Plus de 66 articles ou entrevues dans les différents médias québécois et anglophones ont abordé le critère de la durée d’utilisation d’Internet. Parmi eux, 57 participent à la construction de balises ou bien relatent des témoignages d’internautes. De ce nombre, trois médias ont été plus prolifiques que d’autres tels que le quotidien La Presse (14 articles), les différentes plateformes de la Société CBC/Radio-Canada (9 articles ou entrevues) et The Globe and Mail (7 articles).

Ainsi, pour les nombreux défenseurs de l’approche quantitative, la durée du temps d’utilisation d’Internet demeure le seul critère spécifique d’identification de la « cyberdépendance ». Mais, un obstacle majeur pointe à l’horizon : il faut que les différents acteurs des arènes scientifique et psychosocial s’entendent sur une norme, c’est-à-dire un nombre d’heures minimal requis pour considérer qu’une utilisation est « problématique ». Cet obstacle met en lumière tout le coefficient de difficulté entourant l’établissement d’un seuil normatif à partir duquel l’utilisation d’Internet deviendrait pathologique ou inacceptable socialement. Encore faut-il distinguer ce qui est normal ou acceptable de ce qui ne l’est pas. De plus, qui fixera ce seuil? Dans quel contexte? Et selon quels critères?

La psychologue québécoise Sergerie (2005) estime que même si, au fil des ans, plusieurs efforts ont été déployés par les « experts » pour tenter de définir ce en

293 Professeur émérite au Duke University and the former Chair of its Department of Psychiatry.

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quoi l’usage d’Internet peut être « problématique »; il n’en demeure pas moins que les éléments apportés sont pertinents même si certaines lacunes demeurent. Parmi ces lacunes, il faut surtout souligner l’absence de données probantes concernant la présence d’indicateurs mesurables permettant de quantifier le nombre d’heures d’utilisation problématique; tout semble davantage reposer sur l’arbitraire que sur la science.

En bref, le nombre d’heures passées à l’ordinateur demeure le critère le plus important dans toutes les propositions avancées par les acteurs sociaux des différentes sphères d’influence. La tentative des défenseurs de l’approche quantitative de convaincre les différents acteurs d’utiliser le critère de temps pour identifier la « cyberdépendance » a été un échec pour ce troisième groupe de partisans de l’approche quantitative. Aucun consensus n’est établi concernant le seuil limite, trop d’incertitudes et de flous demeurent présents. D’ailleurs, pour Louise Nadeau (octobre 2012), le temps passé à l’écran n’est pas un critère suffisant. Il y a aussi un risque de développer une « cyberdépendance » lorsque des conséquences négatives y sont associées. Un quatrième groupe discute de cette hypothèse dans les trois arènes (scientifique, psychosociale, médiatique).

5.3.3.2 Approche qualitative d’une souffrance significative et de conséquences

Les joutes propres aux trois arènes : scientifique, psychosociale et médiatique

En grande majorité, les acteurs scientifiques et psychosociaux pensent que le critère le plus important à considérer est de l’ordre de la souffrance psychique cliniquement significative provoquée par l’utilisation excessive d’Internet294295, tels le

294 Acteurs scientifiques : Brenner (1997); Caplan (2002, Kiesler et Kraut, 1999, Edwards et Gross, 1976, Fouquet, 1951, cités dans Nadeau et coll., 2011); Greenfield (1999, cité dans Pastinelli, 2003); Holmes (1997, cité dans Fortin, 2006); Landry (2001); Nadeau et coll. (2011); O’Reilly (15 juin 1996); Kraut, Kielser, Boneva, Cummings, Helgeson et Crawford (2002); Kraut, Patterson, Lundmark, Kiesler, Mukopadhyay et Sccherlis (1998); Young (1998, 1999, 2004, cités dans Nadeau, 2010, Pastinelli, 2003); Young (1998, 2004; Young et Rodgers, 1998, cités dans Sergerie, 2005, Sergerie et Lajoie, 2007; Didier et Acier, 2010; Rochon, 2004). 295 Acteurs psychosociaux : Acier et Kern (2009, cités dans Richard, mai 2009); Crockette-Kroquar (2008, cité dans Dufour et Parent, janvier 2009); Conrad (2009); cyberdependance.ca (2008); Dufour (octobre 2003, 2012); Dufour et coll. (janvier 2013);

173 sentiment de détresse et les difficultés sur le plan psychologique, social ou professionnel. Il faut aussi ajouter, pour que le comportement devienne « pathologique », que les personnes doivent accorder une priorité à l’utilisation d’Internet au détriment d’autres activités de la vie quotidienne et que cela puisse engendrer des répercussions négatives (ex. : isolement; négligence des activités, des travaux scolaires, des amis, de la famille, etc.). Ce critère a toujours été, l’un des premiers, pris en compte par les psychologues pour déterminer ce qui relève ou non de la « cyberdépendance »296.

En moins grand nombre, certes, les médias de masse ont tout de même contribué à propulser dans l’espace public l’idée selon laquelle l’évaluation de la « cyberdépendance » ne doit pas reposer uniquement sur la quantité d’heures passées sur Internet. Quatre médias, principalement francophones, relayent l’idée selon laquelle la dépendance à Internet s’installerait au moment où la personne ressent un besoin, un intérêt extrême qui nuit à son bien-être et qui devient une source de conflits, d’anxiété ou de détresse psychologique297. Pour une quinzaine d’autres plateformes médiatiques, majoritairement francophones, il doit y avoir aussi la présence de conséquences négatives qui seraient liées à l’utilisation d’Internet298.

Pour ce quatrième groupe de partisans, non pas de l’approche quantitative, mais de l’approche qualitative, les critères qualitatifs proposés, comme la présence sine qua non de souffrance significative et de conséquences négatives sur le comportement, semblent faire consensus parmi plusieurs acteurs sociaux qui militent en leur faveur, et ce, dans les trois sphères d’influence (scientifique, psychosociale,

Guinois (octobre 2003); Goyette et Nadeau (2008, cités dans Dufour et coll., janvier 2009); Laflamme (2011); Landry (2001); Le Psynternaute (1997); Morin (2011); Optima Santé globale (2012); Richard (janvier 2011); Rochon (mai 1996, octobre 1998); Sergerie (2010, 2012); TechAddiction (2005); Tremblay (2008); Université de Moncton (n.d.); Université de Montréal (2012); Vachon (janvier 2007); Valleur (2003, cité dans Dufour, octobre 2003); Valleur et Velea (2002, cités dans Richard, janvier 2009); Van Mourik (2011); Vaugeois (2006). 296 Greenfield (1999, Young 1998, 1999, cités dans Pastinelli, 2003). 297 Acteurs médiatiques : La Presse (15 juin 2000); Le Soleil (29 mai 2003); Radio-Canada (2 mars 2010); The Globe and Mail (22 aout 2012). 298 Canoë (19 février 2001, 10 février 2009, 26 mars 2012); CityNews (9 novembre 2008); CTV News (12 janvier 2012); Journal de Montréal (12 janvier 2009); Huffington Post (12 avril 2012); Le Quotidien (10 avril 2006); La Presse (13 mars 2006, 2 novembre 2006, 10 novembre 2013); Le Droit (11 février 2008a); Le Soleil (28 avril 1996); Progrès-Dimanche (13 juin 1999); Radio-Canada (2 juin 1998, 3 février 2010, 18 janvier 2013, Première Heure, n.d., 2013, Radio, n.d. 2012, n.d., 2013; RCI, n. d.; Téléjournal, 18 janvier 2013; Tout un samedi, 13 avril 2013); RedDeer Advocate (27 novembre 2009); Toronto Star (22 mai 2013); TVA Nouvelles (11 mars 2006, 3 juin 2010, Salut Bonjour, 15 février 2012); Winnipeg Free Press (17 mars 2008).

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médiatique). D’ailleurs, la reconnaissance de tels critères va de soi pour ces acteurs, car dans un premier temps, ils servent à l’identification des dépendances en général, et dans un deuxième temps, ils font l’objet, la plupart du temps, d’une demande d’aide. De plus, le psychiatre Allen Frances (2013) et le sociologue Marcelo Otero (2012) précisent que chaque « nouveau » trouble mental, dans le DSM, est conçu comme un syndrome ou un ensemble comportemental ou psychologique cliniquement significatif. Cet ensemble est particulièrement associé 1) à un symptôme de douleur (détresse); 2) ou à un handicap dans au moins un des principaux domaines du fonctionnement social (incapacité); 3) ou encore à un manque de contrôle du comportement (ex. : utilisation excessive d’Internet). Cependant, Frances (2013) juge que ces manifestations ne peuvent guider le clinicien dans sa pratique professionnelle puisque ces manifestations ne font que sous-entendre la possible présence d’un trouble mental. Encore faut-il, selon Frances (2013), préciser à partir de quel niveau de mal de vivre, de dysfonctionnement social ou d’absence de contrôle, il conviendrait de parler de « trouble » et dans ce cas, de quelle sorte de trouble?

En 2011, Nadeau et ses collaborateurs apportaient certains éléments de réponse à cette question. Selon eux, le seuil fait référence à deux dimensions. Une première dimension est liée à la gravité : il faut que le signe clinique soit suffisamment envahissant pour affecter la qualité de vie de la personne. Une deuxième dimension se rattache à la souffrance psychique : le sujet doit être alors en mesure de rapporter plusieurs incidents, — non pas un seul —, au cours desquels il a ressenti une souffrance psychique parce qu’il n’était pas à l’écran. Pour Bachand (2012), le malade mental est celui qui a des comportements perturbants, pour lui- même ou pour les autres. Or, quels sont les indicateurs d’un comportement perturbant et autodestructeur? Il ne semble pas y avoir de réponse simple à cette question. Ce qui peut paraitre autodestructeur pour l’un peut ne pas l’être pour l’autre.

La reconnaissance des quatre tentatives de classification de la « cyberdépendance » est source de controverse. Au moment d’écrire ces lignes, aucune d’entre elles n’a su s’imposer et recevoir l’approbation officielle d’une

175 majorité d’acteurs sociaux. Ainsi, les militants en faveur de la légitimation sociale de la « cyberdépendance » poursuivent leur mobilisation et continuent d’occuper l’avant-scène dans les différentes arènes publiques. Pour ce faire, ils proposent d’expliquer la « cyberdépendance » pour en comprendre les différentes formes, en chercher les causes, analyser les facteurs de risque, examiner les divers troubles concomitants et les possibles répercussions liées au développement de cette dépendance. C’est ce que nous aborderons dans le prochain chapitre d’analyse.

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Chapitre 6 : Expliquer la survenue de la « cyberdépendance »

Dans le précédent chapitre, nous avons mis en lumière comment les différents acteurs sociaux ont tenté de construire la « cyberdépendance » comme problème public en établissant différentes méthodes de classification et en mettant en exergue l’élaboration de divers critères identifiant les internautes comme potentiellement « dépendants » à Internet. Ces internautes, identifiés comme « population à risque », permettront, par la suite, une étude plus ciblée. Nous verrons, dans le présent chapitre d’analyse, qu’avant d’en arriver à l’étape d’instaurer des dispositifs de contrôle social des comportements jugés problématiques sur Internet (Spector et Kitsuse, 1977, 1987,2006), les défenseurs de la « cyberdépendance comme pathologie psychiatrique » ne remettent pas en doute son existence et passent assez rapidement à l’étape d’une compréhension plus juste du phénomène. Ils tenteront de comprendre et d’expliquer les causes de son émergence puisque, selon eux, la meilleure façon d’anticiper la survenue d’une « cyberdépendance » chez un internaute serait de comprendre pourquoi et comment un certain nombre d’internautes développent une « dépendance » à Internet. Une compréhension plus juste des interrelations entre les causes et les conséquences probables de ladite pathologie permettraient de prévenir les premières et d’éliminer les secondes. Privilégiant une logique du risque, les défenseurs de la pathologie tentent ainsi d’identifier quels sont les éléments ou les symptômes observables permettant de détecter les moindres signes prédisant l’utilisation dite excessive d’Internet. En mettant l’accent sur ce rapport linéaire de cause à effet, les acteurs sociaux auront, par contrecoup, l’occasion de justifier rationnellement les fondements de leurs stratégies éventuelles de prévention et d’intervention curative sur la « cyberdépendance ».

Ce chapitre met en évidence deux constructions dominantes de la médicalisation qui tentent d’expliquer et de comprendre la « cyberdépendance », soit en observant ses « causes » ou en analysant ses « effets ». C’est donc dire que les uns

177 tentent de démêler les différents facteurs de risque qui expliqueraient la survenue de la « cyberdépendance », et que les autres tentent plutôt d’explorer les répercussions négatives liées à une utilisation dite excessive d’Internet. Les deux premiers points présentent la construction de facteurs de risque selon deux visions différentes, soient celle des tenants du désordre de dépendance et celle des tenants de la maladie mentale. Ainsi, le point 6.1 met en évidence la vision des tenants du désordre de dépendance pour qui certains éléments causals spécifiques permettraient de prédire les caractéristiques qui prédisposent, renforcent ou facilitent l’apparition d’une situation jugée indésirable, tandis que le point 6.2 présente la vision des tenants de la maladie mentale pour qui l’émergence de ladite problématique serait plutôt en concomitance avec une autre pathologie sous-jacente. Afin de mieux saisir la gravité et l’étendue des dommages causés par une « mauvaise » utilisation d’Internet, le point 6.3 expose la deuxième forme de construction, soit les répercussions négatives liées à l’utilisation dite excessive d’Internet. Ce sont deux perceptions différentes, mais qui convergent vers un seul et même but, soit de construire socialement l’utilisation dite problématique comme une pathologie.

Amorçons notre réflexion avec les tenants du désordre de dépendance qui s’inspirent de la même logique appliquée aux autres dépendances et pour qui l’interaction, entre plusieurs causes (facteurs individuels, environnementaux ou reliés à l’objet Internet lui-même), serait à l’origine même de la naissance de la « cyberdépendance ». Pour mieux saisir cette interrelation de facteurs, Brisson privilégie (2014) une approche intégrée, plus précisément un modèle interdisciplinaire (dit aussi intégratif, global, holistique) couramment utilisé dans le domaine des dépendances, soit le modèle biopsychosocial ou épidémiologique. Ce modèle propose une explication des causes et des mécanismes estimés être à l’origine d’un problème, en l’occurrence ici, la dépendance à Internet.

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6.1 Facteurs de risque selon les tenants du désordre de dépendance

Pour Brisson (2014), il existe plusieurs causes de la dépendance et elles sont dynamiques, c’est-à-dire interreliées les unes avec les autres. Il est, selon ce dernier, impossible d’isoler, chez un individu donné, un seul facteur de risque capable, à lui seul, de prédire la survenue d’une dépendance. Ce serait plutôt l’accumulation de plusieurs facteurs qui rendrait l’individu vulnérable et augmenterait les probabilités de pathologie (Lalonde et Grunberg, 1988; Clément et Ouellet, 1992). Ce type d’argumentaire permettrait aux tenants du désordre de dépendance d’établir et de planifier des mesures préventives en matière de « cyberdépendance ». Il serait alors possible de cibler les groupes les plus à risque et d’agir sur les facteurs identifiés. Dans cette optique, le parcours biographique d’un individu « cyberdépendant » serait réduit à une trajectoire probabiliste qualifiant son destin (Castel, 1981). Ainsi, trois catégories de facteurs de risque en seraient la cause : l’individu, l’environnement social et l’objet Internet299. Examinons de plus près chacun de ces facteurs.

6.1.1 Facteurs prédisposants

Dans la construction sociale de l’internaute « à risque », nombreux sont les tenants du désordre de dépendance des sphères scientifique et psychosociale à identifier les facteurs dits prédisposants reliés à l’individu qui expliqueraient sa survenue (ces facteurs seront repris et relayés par divers médias). En tout premier lieu, ils mettent l’accent sur deux facteurs de nature sociodémographique, tels l’âge et le sexe. Comme plusieurs débats entourant la « cyberdépendance » focalisent sur cette question de l’âge, des groupes d’acteurs sociaux proposent quatre catégories distinctes d’âge prédisposant, plus ou moins, l’individu à la dépendance à Internet : 1) les enfants en bas âge; 2) les adolescents; 3) les jeunes adultes; 4) les adultes.

Deux chercheurs seulement font mention des jeunes enfants comme étant un

299 Au Québec dans le champ des dépendances, une formule populaire a longtemps été celle dite « Loi de l’effet ou E = SIC », pour signifier que l’effet de la substance découle d’une combinaison substance + individu + contexte (Brisson, 2014, p. 118).

179 groupe d’âge vulnérable300. Par contre, dans l’analyse de notre corpus, une majorité d’acteurs sociaux de l’arène scientifique et psychosociale pensent que ce sont bel et bien les jeunes d’âge scolaire, et tout particulièrement les adolescents, même si ces derniers ne sont pas les seuls concernés par la question des usages problématiques. Toutefois, ils sont généralement considérés comme une catégorie plus vulnérable ou à risque sur laquelle plusieurs acteurs sociaux des différentes arènes publiques se sont penchés301. Dans cette veine, les études s’accordent pour statuer qu’Internet fait partie intégrante de la vie des adolescents d’aujourd’hui (Biron et Bourrassa-Dansereau, 2011). D’ailleurs, les défenseurs du désordre des dépendances clament haut et fort que les différentes études sur les dépendances ont prouvé que la précocité de l’initiation, avant ou au moment de l’entrée dans l’adolescence, apparait comme le facteur le plus prédictif de la survenue d’une dépendance. Ils utilisent donc ce même argumentaire afin de l’appliquer à la « cyberdépendance ». De plus, depuis 2004, les médias de masse francophones et anglophones sont prolifiques lorsque vient le temps d’établir le lien entre les adolescents et le risque de développer une dépendance à Internet. À cet effet, pas moins de trente-quatre articles ou entrevues ont été recensés dans notre matériel empirique, dont dix-huit discutant spécifiquement de la situation québécoise et canadienne302. Ces médias construisent symboliquement une association entre adolescent/Internet/risque. On observe davantage cette tendance chez les médias (ex. : La Presse, Radio-Canada/CBC, The Globe and Mail, Winnipeg Free Press, Huffington Post). Seize médias francophones et anglophones portent aussi un regard sur le monde; stratégiquement, peut-être, ils font souvent référence aux autres pays tels que Chine, la Corée du Sud, le Japon ainsi que Londres, où la dépendance à Internet chez les jeunes est considérée comme un grave problème public afin de mieux asseoir leur construction de la gravité en rapportant des situations dramatiques sur les risques et les dangers de l’utilisation dite excessive

300 La première, celle de Zboralski (2009) rapportée par le Centre TechAddiction (2005) estime que les enfants uniques sont à risque alors que la deuxième, celle du professeur de psychologie Douglas Gentile de l’Iowa State University discutée à la CBC News (16 septembre 2010) cible l’ensemble des jeunes enfants. 301 Bakken (2009, cité dans TechAddiction, 2005); Berge et Garcia (2009); Chin-Hung (2009, cité dans TechAddiction, 2005); Dufour et Acier (2010); Fisher (2001); Liau, Khoo et Ang (2005, 2008; Widyanto et Griffiths, 2006, cités dans Dufour et coll., janvier 2013); Parker et coll. (2008); Richard (mai 2009); Rioux (2010); Shaw et Black (2008, cités dans Richard, janvier 2011); Young (1999, cité dans TechAddiction, 2005). 302 Canoë (7 novembre 2008; 1er juin 2010; 26 mars 2012); CBC (16 septembre 2010, 6 avril 2011); CTV News (n.d., 2008, 25 février 2008; 31 mars 2010); Huffington Post (4 juin 2011); La Presse (21 avril 2009; 30 janvier 2010a, b); La Voix de l’Est (29 janvier 2011); Radiojournal de Radio-Canada (30 octobre 2010); RedDeer Avocate (3 avril 2010); Sympatico (27 aout 2009), The Globe and Mail (16 septembre 2004, 23 aout 2012); Vancouver Sun (18 novembre 2010).

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d’Internet chez les adolescents303. C’est dans cet esprit que le quotidien La Presse brandit le spectre du lien Internet/adolescent/risque à six reprises entre 2007 et 2010.

Toutefois, certains acteurs sociaux émettent des bémols avant de conclure au « danger de développer » une dépendance à Internet chez les jeunes. Dans le quotidien Le Soleil (28 mai 2007a), Rémi Houde, un répondant en matière de toxicomanie et autres dépendances304, assure que l’heure n’est pas à la panique. La psychologue québécoise Louise Nadeau, interviewée sur la chaine radiophonique de Radio-Canada (2010, 2012)305 et au quotidien La Presse (1er février 2010c), abonde dans le même sens. Elle souligne l’importance de demeurer prudent avant d’émettre un diagnostic de « cyberdépendance », car l’adolescence est une période d’expérimentation et de découverte. Elle invite plutôt les auditeurs et les lecteurs à réfléchir à la signification réelle du passage à l’adolescence avant d’y voir un facteur de vulnérabilité. Cette relation que tente d’établir une majorité de tenants du désordre de dépendance entre l’utilisation d’Internet à l’adolescence et la déviance illustre bien la théorie de l’étiquetage de Howard Becker (1963, 1985); un acte n’est pas déviant par nature, il le devient lorsqu’il est désigné comme tel. Or, l’étiquetage des « déviants » peut devenir un moyen de contrôle social. D’ailleurs pour Castel (1981) et Peretti-Watel (2010), il est clair que l’objectif d’identifier les différents facteurs de risque pour intervenir le plus tôt possible augmente l’emprise des experts de la santé publique sur le contrôle de la vie sociale de l’individu. Autrement dit, tout comportement contrevenant à une recommandation de ces experts deviendra potentiellement un acte déviant. Minotte et Donnay (2010) appuient les propos de Nadeau selon lesquels il conviendrait de ne pas alimenter cette forme de stigmatisation ou d’étiquetage pour cette catégorie de population. Le quotidien régional La Voix de l’Est (29 janvier 2011), relait l’opinion de la psychologue québécoise Marie-Anne Sergerie qui abonde dans le même sens, puisque les études

303 Chine : Huffington Post (27 mars 2013); La Presse (27 mars 2007; 19 aout 2009; 3 septembre 2009; 7 novembre 2009c); Sympatico (9 juillet 2009; 24 novembre 2009). Corée du Sud : CBC (29 novembre 2012); CTV News (22 avril 2010); Huffington Post (22 avril 2010, 28 novembre 2012); La Presse (22 novembre 2007); P.A. Herald (22 avril 2010); The Globe and Mail (19 novembre 2007); Winnipeg Free Press (22 avril 2010). Japon : Canoë (1er aout 2013); La Presse (1er aout 2013). Londres : La Presse (21 mars 2010). 304 Commission scolaire des Navigateurs sur la Rive-Sud de Québec. 305 Jour de plaine Radio-Canada (n.d. 2012); L’après-midi porte conseil à Radio-Canada (n.d. 2010).

181 ne permettent pas d’affirmer que les jeunes souffrent davantage que les adultes de « cyberdépendance ». Nombre d’acteurs des sphères scientifique et psychosociale, ainsi que deux médias francophones précisent qu’à cette période, l’esprit d’un adolescent est encore malléable et son jugement critique, moins développé; c’est ce qui expliquerait, en partie du moins, pourquoi l’adolescent devient plus à risque de développer une dépendance (ex. : alcool, drogues, jeux vidéos, etc.)306. Suivant cette même logique, l’adolescent serait aussi plus à risque de développer une utilisation dite excessive d’Internet. Pour un autre groupe d’acteurs sociaux, minoritaires dans les arènes psychosociale et médiatique, ce sont les jeunes adultes âgés de 16 et 29 ans307 qui seraient les plus vulnérables. Un dernier groupe d’acteurs des sphères scientifique et psychosociale cible les adultes, particulièrement les hommes, comme étant plus vulnérables que les femmes à développer une « cyberdépendance » peu importe leur âge308. De plus, cinq médias francophones discutent de cette possibilité à six reprises309.

Parmi d’autres facteurs individuels, une majorité des tenants du désordre de dépendance des sphères scientifique et psychosociale sont d’avis qu’une faible estime de soi serait le facteur prépondérant de vulnérabilité favorisant l’escalade vers la « cyberdépendance »310. S’ajoute à ce premier élément de construction de l’internaute à « risque » celui des dangers associés aux pratiques de communication et de

306 Arènes scientifique et psychosociale : Blaszczynski et Nower (2002, cités dans Taylor, 2008); Goyette et Nadeau (2008); Nalwa et Arnaud (2003, cités dans Vaugeois, 2006); Rochon (cité dans Rioux, 2010); Rochon (2004); Van Mourik (n.d.); Widyanto et Griffiths (2006, cités dans Brisebois, 2011). Arène médiatique : Centre jeunesse Montréal YouTube (23 février 2011); Première Heure Radio-Canada (n.d., 2013); Radio- Canada (3 février 2010, 30 octobre 2010). 307 Les études scientifiques de Bakken (2009, citées par TechAddiciton, 2005), Shaw et Black (2008, cités dans Richard, janvier 2011) ciblent davantage les jeunes adultes entre 16 et 29 ans. Selon la psychologue québécoise Marie-Anne Sergerie en entrevue au Radiojournal de Radio-Canada (30 octobre 2010) les jeunes adultes sont plus à risque. Le psychiatre Bruce Ballon, du Centre for Addiction and Mental Health de Toronto, estime plutôt que ce sont les 16 à 24 ans (CBC News, 16 septembre 2010). Dans les quotidiens Le Soleil (21 aout 2006) et Le Droit (11 février 2008c) il est question des moins de 25 ans. 308 Arènes scientifique et psychosociale : Conrad (2009); Niemz et coll. (2005, cités dans Vaugeois, 2006); Rochon (2004; Shaw et Black, 2008, cités dans Richard, mai 2009, janvier 2011); Tasi (2009, cité dans TechAddiction, 2005); Tétrault (octobre 2012); Van Mourik (n.d., 2011); Vaugeois (2006). 309 La Presse (1er février 2010a; 13 novembre 2013); Le Devoir (3 novembre 2006); Le Droit (11 février 2008a); Le Soleil (24 février 2001); Radio-Canada (3 février 2010). 310 Arène scientifique et psychosociale : Armstrong, Philips et Saling (2000; Shotton, 1991, cités dans Landry, 2001); Beaulieu (2012); Brisebois (2011); Burger (1997, dans Morahan-Martin et Schumacher, 2003, cités dans Sergerie, 2005); Cliche (2001); Davis (2001) Dufour (octobre 2003, mars 2012); Dufour et Acier (2010); Goldberg (cité dans Cliche, 2001); Ko, Yen, Yen, Lin et Yang (2007, cités dans Beaulieu, 2012); Landry (2001); Le Psynternaute (1997); Morin (2011); Nadeau (2012); Nadeau et coll. (2011); Niemz et coll. (2005, cités dans TechAddiction, 2005); Parker (cité dans Fortin, 2006); Pineault (2008); Richard (mai 2009); Rochon (2004); Shaw et Black (2008, cités dans Richard janvier 2011); Suissa (2008); Tétrault (octobre 2012); Van Mourik (2011, n.d.); Young (1998, cité dans Ferron et Duguay, 2004).

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sociabilité en ligne. L’un des aspects les plus novateurs d’Internet est sans doute de permettre des interactions sociales faisant fi de toute implication physique. C’est justement cette fonction sociale d’Internet qui alimente plusieurs débats parmi les acteurs sociaux concernés puisqu’Internet peut être perçu à la fois comme un outil de socialisation et comme un outil d’isolement social. Dans cette veine, certains acteurs sociaux des arènes publiques de la science et du psychosocial se questionnent à savoir si Internet favorise les relations interpersonnelles. Pour d’autres, la pratique dite excessive de communication électronique serait responsable de la dégradation de la qualité des liens sociaux. Ainsi, pour une minorité d’acteurs de ces mêmes sphères, les personnes qui présentent des difficultés de communication avec les autres dans la vie réelle sont plus susceptibles de devenir dépendantes aux outils de communication311. Par ailleurs, une panoplie d’acteurs des trois sphères d’influence brandit l’isolement social comme facteur prépondérant. Cette cause présumée de la « cyberdépendance » étoffée par les tenants du désordre de dépendance des sphères scientifique et psychosociale tente d’expliquer l’origine de cet isolement par : la timidité, l’introversion, les déficits sur le plan des habiletés sociales et la sensibilité au rejet312. Pour sa part, Bueno (2014) attribue les causes à Internet, considéré comme asynchrone, décorporalisé et déterrioralisé. Ce moyen d’interaction et de communication serait responsable de la désintégration du lien social « hors ligne » au profit d’une sociabilité « en ligne ». Les relations tissées ont tendance à être décrites comme étant superficielles, futiles, car anonymes ou invisibles, d’intensité moindre et desquelles il est plus facile de se désinvestir (Minnote et Donnay, 2010). Le sociologue français Jauréguiberry (2000) parle d’enfermement virtuel. Selon ce

311 Davis (2001; Grohol, 1999; Young, 1996, cités dans Cliche, 2001); Rochon (2004); Tétrault (octobre 2012); Tsai (2008, cité dans TechAddiction, 2005). 312 Arène scientifique et psychosociale : Acier (2009, cité dans Richard, mai 2009, janvier 2011); Acier et Kern (2011); Anderson et Harvey (1988; Myers 1997, cités dans Fortin, 2006); Beaulieu (2012); Biron et coll. (2010); Brown (1999); Caplan (2002, cité dans Vaugeois, 2006); Ceyhan et Ceyhan (2008, cités dans Beaulieu, 2012; Sergerie, 2010); Ceyhan et Ceyhan (2008; Kim, La Rose et Peng, 2009; Moharan-Martin et Schumacher, 2003, cités dans Sergerie, 2010); Coulombe (2003); Douglas et coll. (2008, cités dans Beaulieu, 2012); Davis (2001); Davis et coll. (2002); Griffiths (1998, cité dans Nadeau et coll., 2011); Guinois (octobre 2003); Hills et Argyle (2003, cités dans Davis, 2003); Kugler (2000); Laflamme (mai 2011); Landry (2001); Le Psynternaute (1997); Morin (2011); Morahan-Martin (2000; Shapira et coll., 2000; Young et coll., 2000, cités dans Goyette et Nadeau, 2008); Morahan-Martin et Schumacher (2003, cités dans Sergerie et Lajoie, 2007); Morahan-Martin (2007, cités dans Beaulieu, 2012; Vaugeois, 2006); Nadeau (2012, octobre 2012); Nadeau et coll. (2011); Peplau, Russell et Heim (1979, cités dans Sergerie, 2005); Rochon (octobre 1998, 2004); Russell, Peplau et Cutrona (1980, cités dans Sergerie, 2005); Sergerie (2010); Shaw et Black (2008, cités dans Richard, mai 2009, janvier 2011); Shotton (1991, cité dans Landry, 2001); Solano et Koester (1989, cités dans Sergerie, 2005); Tatcher, Wretschko et Fridjhon, 2008, cités dans Sergerie, 2010); Tétrault (octobre 2012); UMoncton (n.d.); UMontréal (2012); Valleur et Matysiak (2006, cités dans Pinault, 2008); Van Mourik (octobre 2012); Vitkus et Horowitz (1987, cités dans Sergerie, 2005); Weeks, Michela, Peplau et Bragg (1980, cités dans Sergerie et Lajoie, 2007); Yang, Choe, Baity, Lee et Cho (juin 2005).

183 dernier, Internet conduit à la dissolution de l’individu dans sa réalité virtuelle et le conduit à développer une attitude schizophréno-autistique (p. 140), considérant la vie « hors ligne » comme secondaire.

De plus, onze plateformes médiatiques, majoritairement francophones, poussent plus loin leur participation à la construction des risques et des dangers éventuels que pourrait rencontrer un individu à la suite d’une utilisation excessive d’Internet. Depuis 1998, ces médias ont consacré quatorze articles et entrevues au danger de l’isolement social313. Pour ces plateformes, l’utilisation dite excessive d’Internet est une des causes (ou facteur précipitant) de la dégradation de la qualité et de l’intensité du lien social. Toutefois, le quotidien Le Devoir (28 avril 2007) présente un point de vue tout à fait différent de Samuelle Ducrocq-Henry, professeure en théories et en pratique des nouvelles technologies de l’information et des communications (NTIC) et du multimédia. Selon elle, il ne faut pas être alarmiste puisque de nouvelles formes de socialisation apparaissent et elles ne sont pas encore bien comprises. D’ailleurs, pour la sociologue américaine Carla G. Surrat (1999, p. 86-92), cette pratique de socialisation est au départ étiquetée et dévalorisée socialement comparativement au face à face considéré plus « authentique »; ce qui favoriserait cette pathologisation. La sociologue québécoise Pastinelli (2003) estime plutôt qu’il est admis de se prêter au jeu du bavardage électronique, mais il l’est beaucoup moins de s’y investir trop activement. Selon elle, il est considéré comme plutôt suspect et risqué de pratiquer trop sérieusement le bavardage en ligne, sous peine d’être stigmatisé comme des tarés sociaux, incapables de négocier le rapport à l’autre autrement que derrière un clavier (p. 2). Bref, serait-il possible que l’utilisateur jugé excessif ne fuit pas forcément la socialisation, mais qu’il soit à la recherche d’une socialisation différente?

313 Arène médiatique : Canoë (26 mars 2012); CTV News (n.d., 2008, 25 février 2008); FCPQ — YouTube (13 janvier 2013); Huffington Post (28 novembre 2012); Journal de Montréal (13 juillet 2005); L’après-midi porte conseil à Radio-Canada (28 avril 2010); La Presse (7 novembre 2009b, 30 janvier 2010a); La Voix de l’Est (29 janvier 2011); Le Devoir (17 octobre 2011); Le Soleil (29 mai 2003); National Post (10 mars 2008); Par 4 chemins de Radio-Canada (18 novembre 1998); Reflet de Société (7 aout 2011); The Globe and Mail (22 aout 2012).

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De plus, les facteurs psychiques tels : l’impulsivité liée à la prise de risque, l’exercice d’autres comportements dangereux et l’agressivité sont également ciblés comme étant des facteurs de risque probables par un petit nombre d’acteurs de la sphère scientifique et psychosociale314. Par contre, certains acteurs sociaux des sphères scientifique et psychosociale rapportent les propos du psychiatre français Marc Valleur315 ainsi que Widyanto et Griffiths (2006)316 qui prioriseraient l’estime de soi comme meilleur indicateur de « cyberdépendance » au détriment de l’impulsivité. Malgré l’identification de tous ces facteurs de risque, les chercheurs Byun et ses collaborateurs (2009)317 soulignent que d’autres études doivent être effectuées, non seulement pour différencier les facteurs prédisposants les individus à la « cyberdépendance », mais aussi pour identifier les conséquences engendrées par un usage excessif d’Internet. Le Tableau 21 de l’Annexe I présente la synthèse des facteurs prédisposants tels que construits par les tenants du désordre de dépendance des trois sphères d’influence (science, psychosociale et médiatique) dont il a été question ci-dessus.

Le mouvement biomédical d’élargissement et de multiplication des facteurs de risque de « cyberdépendance » entrepris par les tenants du désordre de dépendance se poursuit ici avec l’identification de quelques facteurs dits facilitants (ou de renforcement) que les acteurs sociaux intéressés lieront à l’environnement immédiat où se propagent les modes, les styles et les habitudes de vie de l’individu dans des contextes susceptibles de compromettre le développement de la personne.

314 Cash et Rae (Winter 2009/10); Du et coll. (2010, cités dans Brisebois, 2011); Davis et coll. (2002); Dufour (mars 2012); Dufour et Acier (2010); Dufour et coll. (octobre 2012); Nadeau (octobre 2012); Rochon (2004); Yang et coll. (2005). 315 Cité dans Dufour (octobre 2003). 316 Cités dans Brisebois (2011). 317 Cités dans Beaulieu (2012).

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6.1.2 Facteurs facilitants et de renforcement

Les joutes propres aux trois arènes : scientifique, psychosociale et médiatique

Le quotidien anglophone The Globe and Mail (16 juillet 2010) souligne le constat formulé par Shirky (2010)318 selon lequel depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’augmentation de la longévité, l’individu possède plus de temps libre; ce qui constituerait un facteur facilitant le développement d’une « cyberdépendance ». Le sociologue et travailleur social québécois Amnon Suissa319 abonde dans le même sens lors d’une entrevue au journal régional La Voix de l’Est320 (29 janvier 2011). Pour un petit nombre d’acteurs des arènes scientifique et psychosociale, il y a aussi l’absence de centres d’intérêt diversifiés qui s’ajoute aux facteurs dits facilitants et de renforcement. Cette absence peut se matérialiser ainsi : avoir de longues périodes de temps non structuré, disposer de beaucoup de temps libre (retraités), avoir un horaire atypique (travailleurs à domicile) ou se retrouver sans activité après l’école (jeunes étudiants). Tous ces facteurs seraient susceptibles de rendre un individu plus vulnérable au développement de la « cyberdépendance »321. Pour un autre petit nombre d’acteurs sociaux de ces trois sphères d’influence, ce serait, au contraire, les dysfonctionnements familiaux, la piètre supervision parentale ou la présence de psychopathologies au sein d’une famille (ex. : trouble dépressif ou bipolaire, dépendances aux substances) qui seraient plutôt à l’origine de la dépendance à Internet322. De plus, il faut le mentionner, un contexte de pauvreté et de contraintes financières génèrerait également des conditions propices au développement de l’ensemble des dépendances, conditions auxquelles la « cyberdépendance » n’échappe pas, semble-t-il323. Le Tableau 22 présenté à l’Annexe I résume les facteurs facilitants et de renforcement élaborés par les acteurs sociaux des trois sphères (science, psychosociale, médias).

318 Professeure adjointe à la New York University. 319 Professeur et chercheur à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal 320 Quotidien de la région de Granby. 321 Griffiths (2007; Wan et Chiou, 2006; Wang et coll., 2007, cités dans Dufour et coll., janvier 2009); TechAddiction (2005). 322 Lam (2009, cité dans TechAddiction); Nadeau et coll. (2011); Richard (mai 2009, janvier 2011); Taylor (2008); Tétrault (octobre 2012); Young (1998, cité dans Cliche, 2001). Arène médiatique : The Globe and Mail (4 décembre 2009). 323 Nadeau et coll. (2011); Suissa (2008); Tétrault (octobre 2012).

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Pour compléter notre panorama de la construction de l’internaute à « risque », tournons notre regard sur l’élaboration d’un autre type de facteur; celui-ci cible d’abord et avant tout l’objet Internet comme un outil amplificateur de risque de dépendance. Ces facteurs sont construits dans les arènes scientifique et psychosociale. Notons que l’arène médiatique est absente de ce processus particulier de construction sociale de « facteurs précipitants ».

6.1.3 Facteurs précipitants

Les joutes propres aux arènes scientifique et psychosociale

Des tenants du désordre de dépendance des sphères scientifique et psychosociale posent les questions autrement, à savoir comment l’individu est-il lui- même façonné, modelé par l’objet Internet qu’il utilise. Quelles seraient les différentes composantes reliées à Internet qui sont dangereuses et qui ont le potentiel de créer une dépendance? De plus, ils cherchent à comprendre comment certaines caractéristiques liées à l’objet Internet seraient en mesure d’en être la cause. Peut- être, pensent-ils que certaines caractéristiques structurelles d’Internet participeraient au renforcement de l’intérêt que nous lui portons. Trois propositions concernant les facteurs de dangerosité ont été recensées en ce sens dans notre corpus documentaire. La première provient de la psychologue Kimberly Young (1999) qui estime que les renforcements reçus par l’intermédiaire de trois composantes spécifiques d’Internet auraient un impact sur le développement d’une dépendance soit : l’accessibilité324 (aux principales ressources et applications d’Internet), le contrôle de l’utilisation325 (moment, durée de connexion, etc.) et l’excitation326 (envers cet univers virtuel). Selon cette perspective, plusieurs acteurs des sphères scientifique et psychosociale estiment que ces trois caractéristiques pourraient faciliter l’apparition des

324 L’accessibilité en tout temps, partout dans le monde, aux différentes ressources et applications sur Internet (ex. : matériel à caractère sexuel, zones de jeu interactives, etc.) (Sergerie, 2005, p.28) 325 Le contrôle personnel qu’un individu peut exercer sur ses comportements en ligne et sur l’intimité perçue dans ses interactions en ligne (Sergerie, 2005, p.28). 326 L’excitation fait référence aux plaisirs et à l’émotion ressentis (ex. : bien-être, soulagement, etc.) et associés à certaines fonctionnalités d’Internet (Sergerie, 2005, p.29).

187 comportements obsessifs liés au jeu, aux gageures, aux achats, aux investissements ou à l’utilisation de matériel pornographique327. Parmi ces trois composantes, plusieurs de ces acteurs ciblent l’anonymat328 alors que certains autres retiennent l’accessibilité329 comme étant le facteur déterminant dans le processus du développement de la dépendance. Pour une minorité d’acteurs, c’est la combinaison des deux330. Bref, les acteurs sociaux semblent penser que l’anonymat et l’accessibilité sont les deux principales composantes recherchées par les internautes et qu’elles sont hypothétiquement susceptibles de créer un danger de développer une dépendance à Internet.

La deuxième proposition nous vient du chercheur Al Cooper et de son équipe (2000)331 qui, dans le cadre de leurs travaux sur les dépendances sexuelles, analysent les facteurs augmentant le risque de dépendance. Pour eux, la dépendance est causée par la combinaison de trois caractéristiques spécifiques reliées à Internet soit le « Triple-A Engine » : Accessibility, Anonymity and Affordability332; similaires à celles proposées précédemment par Young et appuyées par quelques tenants du désordre de dépendance des arènes scientifique et psychosociale333. La troisième proposition est avancée par le psychologue québécois Jean Garneau (novembre 1999b) qui suggère également trois raisons pour lesquelles Internet deviendrait particulièrement accrocheur : a) pour lui, une grande partie de ce « pouvoir accrocheur » provient de la multiplicité des contenus retrouvés en même temps derrière un écran, répondant ainsi aux désirs et aux intérêts de chaque internaute; b) s’ajoute à cela la puissance d’un réseau de communication qui favorise l’interactivité entre les personnes et c) Internet

327 Biron et coll. (2010); Sergerie (2010); Shaw et Black (2008, cités dans Richard, mai 2009, janvier 2011); Young (1998, cité dans Davis 2003); Young (1999, cité dans Cliche, 2001; Sergerie, 2005); Young, Pistner et coll. (1999, cités dans Sergerie, 2005); Van Mourik (n.d.). 328 Dufour (mars 2012); Griffiths (2007, cité dans Dufour et Acier, 2010); Landry (2001); Nadeau et coll. (2011); Van Mourik (2011). 329 Beaulieu (2012); Biron et coll. (2010); Richard (janvier 2011); Tétrault (octobre 2012); Van Mourik (n.d.). 330 Richard (mai 2009); Van Mourik (n.d.). 331 Cités dans Dufour (mars 2012; Nadeau, octobre 2012; Nadeau et coll., 2011; Young, 1998, cité dans Davis, 2001). 332 L’accessibilité s’explique par la présence d’Internet 24 heures sur 24, et ce, partout dans le monde. L’anonymat que procure Internet donne l’impression d’être invisible et permet aux individus de cacher leur véritable identité ou de se fabriquer une « autre vie ». De plus, l’anonymat semble provoquer un sentiment de confiance et de désinhibition dans les interactions avec les autres ou dans le choix des applications utilisées. Certains cliniciens évoquent aussi le caractère privé, intime de l’utilisation d’Internet. La troisième caractéristique est l’abordabilité. Une fois l’abonnement payé, même si certains sites de jeux et de rencontres exigent des frais supplémentaires, Internet reste peu couteux, sinon gratuit. 333 Cole et Griffiths (2007, cités dans Dufour et Parent, janvier 2009); Dufour (2003, cité dans Suissa, 2007b); Dufour (mars 2012); Dufour et coll. (janvier 2013); Nadeau (octobre 2012); Nadeau et coll. (2011); Van Mourik (octobre 2012).

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offre un médium devant lequel l’internaute doit être actif et exige, de la part de ce dernier, une mobilisation afin qu’il puisse satisfaire ses besoins. Ces motifs n’ont pas été cités par aucun des acteurs des autres sphères. Le Tableau 23 à l’Annexe I synthétise les principaux facteurs précipitants identifiés par les acteurs sociaux des trois arènes publiques (scientifique, psychosociale, médiatique).

Outre ces trois facteurs de risque : l’individu, l’environnement social et l’objet Internet, un quatrième facteur de risque est aussi allégué par les tenants de la maladie mentale qui reconnaissent l’existence de la « cyberdépendance ». Ce facteur de risque psychiatrique domine les discours constitutifs de la « cyberdépendance » et est mis de l’avant essentiellement par les tenants de la santé mentale. Notons qu’au chapitre 4, nous avions mis en exergue la lutte amorcée entre les différents tenants de la maladie mentale pressés de faire reconnaitre, avec leurs propres critères, l’existence de la « cyberdépendance » comme étant un « désordre psychiatrique ». Or, les problèmes de concomitance, presque toujours invoqués par divers acteurs en lien avec la dépendance à Internet, amènent certains chercheurs à douter de l’existence de la « cyberdépendance » en tant que phénomène distinct. Ainsi, ce groupe d’acteurs majoritaire se mobilise et avance plutôt l’hypothèse que la « cyberdépendance » serait plutôt le « symptôme » d’un autre trouble psychiatrique préexistant. L’abondance des données analysées au sein des trois arènes publiques à l’étude confirme le grand intérêt porté par ces acteurs sociaux à défendre l’hypothèse de la concomitance psychiatrique comme facteur de risque pour expliquer, d’un point de vue biomédical, la survenue de la « cyberdépendance » chez un individu.

6.2 Facteurs de risque selon les tenants de la maladie mentale

Pour une grande majorité d’acteurs de la sphère scientifique, inclure la « cyberdépendance » comme trouble psychiatrique distinct pose problème, car elle s’avère être construite comme étant une pathologie multidimensionnelle et multifactorielle qui partage, pense-t-on, ses symptômes en concomitance avec

189 d’autres pathologies psychiatriques334. Dans cette veine, Block (2008) ainsi que Bernardi et Pallanti (2009) évaluaient qu’entre 2008 et 2009, environ 86 % des personnes, s’estimant « cyberdépendantes », présentaient une forme ou l’autre de diagnostic de troubles psychiatriques du DSM335. Notre analyse a mis en évidence l’existence de deux hypothèses émises par les différents acteurs sociaux : l’hypothèse #1 selon laquelle la « cyberdépendance » découlerait d’autres troubles mentaux (concomitance) et l’hypothèse #2 selon laquelle la « cyberdépendance » serait à l’origine (la cause) du développement d’un trouble mental. D’ailleurs, trois médias francophones ont imagé l’ampleur de cette complexité par le paradoxe de la poule et de l’œuf336. Quel trouble vient avant l’autre? Guidés par le désir de préciser le portrait clinique de la pathologie, les tenants de la maladie mentale proposent d’expliquer le développement de la « cyberdépendance » par le biais de la biomédicalisation liée à la concomitance. Précisons d’abord que, selon la littérature, il faut envisager les troubles concomitants comme étant une agrégation de divers problèmes concentrés en une seule et même personne. De façon générale, les écrits scientifiques définissent les troubles concomitants comme l’ensemble des différentes associations possibles entre les troubles mentaux et les troubles liés à l’utilisation de substances337. Lors de notre cueillette de données qui a pris fin en 2013, la quatrième version du DSM était encore en vigueur. C’est pourquoi nous avons fait le choix méthodologique de conserver cette version et de classifier les différents troubles psychiatriques selon une approche diagnostique, relative aux cinq catégories du système multiaxial du DSM-IV. La raison principale tient du fait que, même si certains autres systèmes de classification peuvent enrichir l’évaluation des troubles concomitants, le DSM est l’un des plus utilisés et le plus reconnu tant pour la recherche que pour le traitement.

334 Acier et Kern (2011); Collier (27 octobre 2009a); Davis (2001); Griffiths (2000; Ouimette et coll., 2007; Morisano et coll., 2009; Buckner et Heimberg, 2010; Casselli et coll., 2010; Yoo et coll., 2004, cités dans Brisebois, 2011); Nadeau (2010); Nadeau et coll. (2011); Shaffer, Hall et Vander Bilt (2000, cités dans Landry, 2001); Shapira, Goldsmith, Keck, Khosla, et McElroy (2000, cités dans Nadeau et coll., 2011); Shapira et coll. (2003, cités dans Wysong, juin 1998). 335 Oregon Health and Science University (cité dans Canadian Healthcare Manager, mai/juin, 2008; Winnipeg Free Press, 17 mars 2008). 336 Le Devoir (4 février 2010); Sympatico (21 juin 2012); Triplex Radio-Canada (n.d., 2012). 337 Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESS) (2016).

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Dans notre étude, deux principaux axes ont été retenus, soit l’Axe I qui répertorie les troubles majeurs cliniques, classés en plusieurs sous-catégories, et l’Axe II qui expose notamment les troubles de la personnalité.

6.2.1 Axe I : Les troubles majeurs cliniques

6.2.1.1 Troubles anxieux

Les joutes propres aux trois arènes : scientifique, psychosociale et médiatique

Disons d’abord que les troubles anxieux regroupent un ensemble de troubles psychologiques et neurologiques représentant plusieurs formes de peur et d’anxiété anormales ou pathologiques (ex. : anxiété sociale, anxiété généralisée, troubles phobiques, troubles obsessionnels compulsifs (TOC), etc.)338. Plusieurs études tentent d’établir une corrélation entre la « cyberdépendance » et ces symptômes de troubles anxieux. Deux hypothèses émanent de ces études.

La première hypothèse postule que les troubles anxieux seraient précurseurs de l’utilisation excessive d’Internet, donc, Internet deviendrait le moyen utilisé pour soulager une anxiété déjà présente. Les psychologues québécois Sergerie et Lajoie (2007) spécifient que certains symptômes cognitifs (ex. : distorsions cognitives, anticipations anxieuses, etc.) se retrouvent dans l’anxiété sociale, et que ces symptômes joueraient un rôle important dans l’usage problématique d’Internet. On observe une majorité d’acteurs sociaux des sphères d’influence de la science et du psychosocial qui défendent cette hypothèse339. De plus, mentionnons que, depuis

338 Dans Wikipédia l’encyclopédie libre. Repéré le 30 septembre 2015 à https://fr.wikipedia.org/wiki/Trouble_anxieux 339 Acier et Kern (2011); Beaulieu (2012); Black, Belsare et Schlosser (1999; Shapira et coll., 2003; Vaugeois, 2006; Widyanto et Griffiths, 2006, cités dans Brisebois, 2011); Cash et Rae (Winter 2009/2010); Collier (27 octobre 2009a, 2009b); Conard (2009); Davis (2001, 2003); Davis (2001, cité dans Labbé Thibault et coll., 2009; Vaugeois, 2006); Davis et coll. (2002); Desai et coll. (2010; Kraut et coll., 1998, cités dans Davis, 2003); Didier et Acier (2010); Dufour (octobre 2003, mars 2012); Dufour, Gagnon et Nadeau (2011, cités dans Dufour et coll., 2012); Morin (2011); Morahan-Martin (2007, cité dans Beaulieu, 2012); Nadeau (octobre 2012); Nadeau et coll. (2011); Proulx (2004); Richard (mai, 2009); Sergerie (2005, 2010); Sergerie et Lajoie (2007); Shapira (1998, cité dans Landry, 2001; Wysong, 23 juin 1998); Shaw et Black (2008, cités dans Richard, janvier 2011); Tacher, Wrestchko et Fridjhon (2008, cités dans Sergerie, 2010); TechAddiction (2005); Van Mourik (n.d., 2011, octobre 2012); Wood (2008, cité dans Dufour, mars 2012); Wyson (juin 1998); Yang (2001, cité dans Taylor, 2008); Yang et coll. (juin 2005).

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1998, à plus de 27 reprises, 15 plateformes médiatiques majoritairement anglophones jouent un rôle central en répandant largement l’hypothèse selon laquelle la dépendance à Internet serait le symptôme d’autres pathologies. Les troubles anxieux, plus particulièrement, auraient reçu une grande attention médiatique dans les deux langues, certes, mais davantage du côté anglophone340.

La deuxième hypothèse énonce que les troubles anxieux pourraient se développer en raison d’une utilisation excessive d’Internet341. Certains acteurs des trois arènes, beaucoup moins nombreux, appuient cette deuxième thèse. Précisons que la seconde hypothèse fait partie du discours de seulement quatre plateformes médiatiques anglophones et francophones. Toutefois, les chercheurs canadiens Ferron et Dugay (2004) et Taylor (2008) font remarquer que ces deux hypothèses reliées aux troubles anxieux mériteraient d’être explorées plus sérieusement avant d’émettre quelques conclusions que ce soit.

Une autre section de la recherche sur la construction du risque psychiatrique en « cyberdépendance », celle-ci beaucoup moins documentée, stipule la présence possible de troubles phobiques (ex. : phobies sociales, agoraphobies)342 ou de troubles obsessionnels compulsifs (TOC)343 chez les dépendants à Internet. Or, Black, Belsare et Schlosser (1999) et Shapira (1998) ne sont pas du même avis et ils n’établissent aucun lien entre le TOC et la « cyberdépendance »344. A contrario des

340 Centre jeunesse de Montréal YouTube (23 février 2011); CBC News (16 septembre 2010); CityNews (11 septembre 2009); CTV News (22 octobre 2008, 31 mars 2010); Global News (12 janvier 2012); Huffington Post (22 avril 2011); La Presse (1er décembre 2005; 11 décembre 2006, 13 novembre 2013); La Sphère à Radio-Canada (n.d. 2012); Le Soleil (7 septembre 2009); National Post (2 aout 2010); Première Heure à Radio-Canada (n.d. 2013); RCI (n.d.); RedDeer Advocate (27 novembre 2009, 3 avril 2010); Sympatico (24 novembre 2009); The Current CBC (1er mars 2013); The Globe and Mail (23 mai 1998, 1er décembre 2005, 23 aout 2012, 22 aout 2012); Toronto Star (28 décembre 2012; 1er février 2013); TVA Nouvelles (12 janvier 2012); Vancouver Sun (18 novembre 2010). 341 Le Psynternaute (1997); Optima Santé globale (2012); Rioux (cité dans Bourque et coll., 2011); Rioux (2013); Sergerie (2010); Young (1996, cité dans Van Mourik, 2011); Young (1999; Beard et Wolf, 2001, cités dans Vaugeois, 2006). Arène médiatique : Canoë (3 aout 2010); CTV News (31 mars 2010); Huffington Post (22 avril 2011); Sympatico (24 novembre 2009; 25 mai 2012). 342 Black, Belsare, et Schlosser (1999); Didier et Acier (2010); Dufour (mars 2012); Dufour et Acier (2010); Goyette et Nadeau (2008); Landry (2001); Morin (2011); Nadeau et coll. (2011); Rocher (2008, cité dans Dufour mars 2012); Rochon (2004); Shapira et coll. (2003); Van Mourik (n.d., 2011, octobre 2012); Vaugeois (2006); Widyanto et Griffiths (2006, cité dans Brisebois, 2011); Young (1998, cité dans Cliche, 2001). 343 Beaulieu (2012); Dufour (octobre 2003, mars 2012); Dufour et Acier (2010); Jang (2008, cité dans TechAddiction, 2005); Sergerie (2005, 2010). Huffington Post (22 avril 2011); La Presse (15 juin 2000); TVA Nouvelles (3 juin 2010). 344 Cités dans Landry (2001).

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troubles anxieux, les troubles phobiques et les troubles obsessionnels compulsifs ont occupé peu l’espace médiatique puisque seulement cinq médias de masse majoritairement francophones en font un sujet d’actualité345.

Les acteurs sociaux des trois arènes publiques qui tentent de comprendre la survenue de la « cyberdépendance » identifient comme autre facteur de risque concomitant les troubles de l’humeur. Il existe un bon nombre de troubles de l’humeur, mais les deux plus répandus selon notre corpus documentaire sont les troubles dépressifs et les troubles bipolaires.

6.2.1.2 Troubles de l’humeur

Les joutes propres aux trois arènes : scientifique, psychosociale et médiatique

D’abondantes études et observations cliniques tentent d’établir une corrélation entre les troubles dépressifs et la « cyberdépendance ». C’est le discours dominant de ces deux arènes. Les psychiatres français Valleur et Matysiak (2002)346 font remarquer que la dépression serait la pathologie la plus souvent associée à la dépendance parce qu’elle est présente chez près de 80 % des sujets. Il semblerait que la « cyberdépendance » n’y échappe pas puisqu’on retrouverait souvent un état dépressif chez les personnes s’estimant « cyberdépendantes ». L’analyse des différents matériaux de notre corpus documentaire fait ressortir également la présence de deux hypothèses quant à la dépression. La première hypothèse soutient que la dépression est la conséquence d’une utilisation dite excessive d’Internet. Quant à la deuxième hypothèse, elle estime au contraire que c’est la présence de dépression sous-jacente qui mènerait à l’utilisation excessive d’Internet. De plus, chez les individus dépressifs, différents facteurs peuvent contribuer à augmenter l’utilisation à Internet, ce sont : la faible estime de soi, le manque de motivation, la peur du rejet et

345 Troubles phobiques : Centre jeunesse Montréal — YouTube (23 février 2011); Le Soleil (7 septembre 2009); TVA Émission François Paradis (n.d. 2008). Troubles obsessionnels compulsifs : Huffington Post (22 avril 2011); La Presse (15 juin 2000); TVA Nouvelles (3 juin 2010). 346 Cités dans Pineault (2008).

193 le besoin d’approbation347. Si l’on en juge par l’abondance des données recueillies dans notre corpus documentaire, une majorité d’acteurs des arènes scientifique et psychosociale semble reconnaitre la dépression comme étant le facteur de risque le plus significatif au développement de la « cyberdépendance ». Par contre, Cash et Rae (2009/2010), avancent que même s’il est fréquent de souffrir de dépression, cette concomitance (coexistence de plusieurs facteurs : anxiété, dépression, etc.), comme cause ou conséquence n’est pas toujours claire.

Est-ce Internet qui provoque un état dépressif ou sont-ce les personnes dépressives qui sont attirées par le Web? La question demeure entière. Cette question complexe est souvent soulevée dans l’espace médiatique348. Comme dans les arènes scientifique et psychosociale, on retrouve dans de nombreux médias de masse majoritairement anglophones, l’hypothèse selon laquelle la dépendance à Internet est le symptôme indiquant la présence de pathologies sous-jacentes plus graves, telles que la dépression349. Mentionnons que depuis 1998, cette hypothèse a été portée à l’attention publique à plus de 38 reprises par 13 plateformes médiatiques différentes, majoritairement anglophones. Parmi elles, la Société Radio-Canada/CBC et ses différentes plateformes majoritairement anglophones et le quotidien The Globe and Mail ont traité de cette hypothèse à dix-neuf reprises soient la moitié de ce qui a été

347 Beaulieu (2012); Birchard (mai 2003); Black, Belsare et Schlosser (1999, cités dans Landry, 2001); Brown (Winter 1999); Caplan (2005; Kim et coll., 2006; Morahan-Martin et Schumacher, 2005; Yang, 2001, cités dans Taylor, 2008); Cash et Rae (Winter 2009/2010); Ceyhan et Ceyhan (2008, cités dans Beaulieu, 2012); Ceyhan et Ceyhan (2008; Morrison et Gore, 2010; Young et Rodgers, 1998, cités dans Sergerie, 2010); Chin-Hung (2009, cité dans TechAddiction, 2005); Collier (27 octobre 2009a, 2009b); Conrad (2009); Davis (2001, 2003); Davis et coll. (2002); Desai et coll. (2010, cités dans Dufour et coll., janvier 2013); Dufour (octobre 2003, mars 2012); Dufour et coll. (2012); Greenfield (2000, cité dans Fortin, 2006); Kraut, Patterson, Lundmark, Kiesler, Mukopadhyay et Scherlis (1998, cités dans Ferron et Duguay, 2004; Goyette et Nadeau, 2008; Landry, 2001); Kugler (2000); Labbé Thibault et coll. (2009); Landry (2001); Morahan-Martin (2007, cité dans Beaulieu, 2012); Nadeau (octobre 2012, 2012); Nadeau et coll. (2011); Nichols et Nicki (2004); Parker (2002, cité dans Fortin, 2006); Proulx (2004); Richard (mai, 2009, janvier 2011); Rocher (2008, cité dans Dufour et Acier, 2010); Rochon (octobre 1998, 2004). Sergerie (2005); Sergerie et coll. (2007); Shaw et Black (2008, cités dans Richard, mai 2009, janvier 2011); UMoncton (n.d.); Vaugeois (2006, cité dans Vachon, janvier 2007); Yang et coll. (juin 2005); Yoo et coll. (2004; Widyanto et Griffiths, 2006; Acier et Kern, 2011, cités dans Brisebois, 2011); Young (1996, cité dans Van Mourik, 2011); Young (1998, cité dans Cliche, 2001, Ferron et Duguay, 2004, TechAddiction, 2005); Van Mourik (2011); Wysong (juin 1998); Young et Rodgers (1998, cités dans Morin, 2011). 348 CTV (22 avril 2010); Par 4 chemins de Radio-Canada (18 novembre 1998); Radio-Canada Nouvelles (3 février 2010); Sympatico (25 mai 2012); The Globe and Mail (2 aout 2010, 23 aout 2012). 349 Canoë (1er juin 2010); CBC News (16 septembre 2010; 6 avril 2011); CTV News (10 février 2010; 31 mars 2010, 22 avril 2010); Émission Desautels Radio-Canada (n.d., 2010); Huffington Post (22 avril 2010, 22 avril 2011); La Presse (1er décembre 2005, 11 décembre 2006, 13 novembre 2013); La Sphère Radio-Canada (n.d., 2012); Le Soleil (7 septembre 2009); National Post (2 aout 2010); Première Heure Radio-Canada (n.d. 2013); Radio-Canada Nouvelles (2 juin 1998, 2 octobre 1999, 15 février 2012); RCI (n.d.); RedDeer Advocate (27 novembre 2009, 3 avril 2010); Sympatico (9 juillet 2009, 25 mai 2012, 21 juin 2012); The Globe and Mail (16 aout 1997, 23 mai 1998, 17 février 2000; 1er décembre 2005, 4 décembre 2009; 2 aout 2010; 23 aout 2012; 22 aout 2012); The Current CBC (1er mars 2013) Toronto Star (1er février 2013); Vancouver Sun (18 novembre 2010); Winnipeg Free Press (22 avril 2010).

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diffusé sur ce thème. On présente également l’hypothèse inverse, c’est-à-dire, celle selon laquelle passer beaucoup de temps sur Internet induirait la dépression350. Peu présente, cette seconde hypothèse a fait l’objet d’articles ou d’entrevues à seulement dix-neuf reprises, dans onze médias de masse, majoritairement francophones.

Braquer ainsi le projecteur sur la concomitance des troubles comme cause explicative de la « cyberdépendance » peut certainement amener le grand public à mieux saisir et, peut-être même, à mieux accepter cette « nouvelle maladie ». Mais encore faut-il s’assurer que le nombre élevé d’articles ou d’entrevues sur le sujet ne serve pas de stratégie inflationniste permettant de créer un faux problème ou une marchandisation de l’information (Hijmans, Pleijter et Wester, 2003; Saguy et Ameling, 2008). La dynamique actuelle des médias d’information fait en sorte selon ce que rapporte Hanson que « les hypothèses, anciennement confinées au sein de la population médicale, sont maintenant communiquées au grand public, et ce, souvent avant d’être validées par la science » (cité dans Minotte et Donnay, 2010, p. 41). Cette même dynamique a contaminé certains acteurs des sphères de la science et du psychosocial. Ceux-ci se mobilisent et cherchent à faire circuler dans la sphère médiatique des résultats de recherche scientifique non homologuée par les institutions consacrées à la science ou, encore, des résultats préliminaires (Dodier, 1999) dans l’espoir de s’approprier ou se voir attribuer la découverte de la concomitance comme cause explicative de la « cyberdépendance ».

Au même titre que les troubles phobiques et les troubles obsessionnels compulsifs, les troubles bipolaires comme facteur de risque ne semblent pas être d’un grand intérêt pour les chercheurs et les acteurs de l’arène médiatique. Un petit nombre d’études indiquent aussi comme facteur de risque une prévalence de troubles bipolaires351. Pour leur part, seulement quatre médias de masse francophones et

350 Canoë (19 février 2001, 3 aout 2010); Huffington Post (22 avril 2011); La Presse (5 février 2010); Le Devoir (4 février 2010); National Post (2 aout 2010); Par 4 chemins Radio-Canada (18 novembre 1998); Radio-Canada Nouvelles (3 février 2010, 3 aout 2010); Sympatico (9 juillet 2009; 25 mai 2012); The Globe and Mail (16 aout 1997, 1er décembre 2005; 4 décembre 2009, 2 aout 2010); Toronto Star (1er février 2013); TVA Nouvelles (11 mars 2006); Vancouver Sun (18 novembre 2010). 351 Acier et Kern (2011, cités dans Brisebois, 2011); Brown (1999); Cliche (2001); Dufour (octobre 2003, mars 2012); Dufour et Acier (2010); Landry (2001); Morahan-Martin et Schumacher (2005, cités dans Taylor, 2008); Nadeau et coll. (2011); Shapira

195 anglophones rapportent le trouble bipolaire comme facteur de risque à la dépendance à Internet352.

Dans la fabrication de facteurs de risque psychiatrique, les acteurs sociaux des trois arènes publiques identifient d’autres facteurs jugés plus marginaux dans notre corpus documentaire et moins documentés que les deux précédents. Dans cette veine, le prochain point présente les troubles envahissants du développement et les syndromes neurologiques.

6.2.1.3 Troubles envahissants du développement et syndromes neurologiques353

Les joutes propres aux trois arènes : scientifique, psychosociale et médiatique

Les tenants de la maladie mentale s’interrogent à savoir si les environnements ultras technologiques (ex. : tablettes numériques, téléphones intelligents, etc.) entraineraient l’humanité à développer des troubles collectifs de l’attention et de l’hyperactivité. Différentes études semblent le laisser croire. Selon ce que rapportait Radio-Canada en 1998 (novembre-décembre), des psychologues construisaient un lien entre le réseau Internet et le trouble déficitaire de l’attention (TDA). Depuis, bon nombre de chercheurs de la sphère scientifique et psychosociale tentent de démontrer l’apparition conjointe du TDA avec ou sans hyperactivité et de la

(1998; Shapira, Goldsmith, Keck, Khosla et McElroy, 2000 cités dans Landry, 2001); Van Mourik (n.d.); Widyanto et Griffiths (2006); Yoo et coll. (2004, cités dans Brisebois, 2011). 352 Canoë (1er juin 2010); Radio-Canada Nouvelles (2 juin 1998); Toronto Star (28 décembre 2012); The Current CBC (1er mars 2013). 353 Les troubles envahissants du développement incluent le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA-H) et les troubles autistiques. Dans les syndromes neurologiques on retrouve le syndrome d’Asperger et la maladie de Gilles La Tourette. Dans Wikipédia l’encyclopédie libre. Repéré le 30 septembre 2015 à https://fr.wikipedia.org/wiki/Trouble_envahissant_du_d%C3%A9veloppement et https://fr.wikipedia.org/wiki/Cat%C3%A9gorie:Syndrome_neurologique

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« cyberdépendance »354. Cette association a également fait l’objet d’articles et d’entrevues à neuf reprises dans sept médias majoritairement anglophones355.

Deux acteurs de la sphère psychosociale et davantage les médias anglophones ont abordé la concomitance entre le trouble du spectre autistique (spécialement le syndrome d’Asperger) et la « cyberdépendance »356. Rares sont les acteurs des arènes scientifique et psychosociale qui associent le syndrome neurologique de la maladie de Gilles de la Tourette à la « cyberdépendance »357.

Comme nous le verrons dans le prochain point, quelques acteurs de la sphère scientifique évoquent la possibilité que des troubles psychotiques puissent venir expliquer la naissance d’une dépendance à Internet.

Seul un petit nombre de chercheurs scientifiques construisent l’utilisation jugée excessive d’Internet en lien avec les troubles psychotiques358. D’une part, Dufour (mars 2012) souligne qu’à la Clinique Marmottan de France, certaines personnes en traitement pour la « cyberdépendance » présenteraient des troubles psychiques graves avec épisode de délire. D’autre part, Landry (2001) précise que les chercheurs tels que Shapira et coll. (2000)359 lient la « cyberdépendance » aux troubles schizoaffectifs. Les arènes psychosociale et médiatique sont absentes de ce débat.

La quatrième sous-catégorie de troubles psychiatriques regroupe les troubles liés aux substances et les troubles du contrôle des impulsions. Notons que la

354 Beaulieu (2012); Cash et Rae (Winter 2009/2010); Chin-Hung (2009, cité dans TechAddiction, 2005); Du et coll. (2010, cités dans Brisebois, 2011); Dufour (octobre 2003, mars 2012); Dufour et coll. (octobre 2012); Fisher (2001, cité dans Vachon, janvier 2007); Morahan-Martin (2005, cité dans Taylor, 2008); Rochon (2004); Vachon (janvier 2007); Van Mourik (n.d., 2011, octobre 2012); Yoo et coll. (2004; Widyanto et Griffiths, 2006; Acier et Kem, 2011, cités dans Brisebois, 2011). 355 CTV News (22 avril 2010); Huffington Post (22 avril 2010, 22 avril 2011; 2 mars 2012); Le Devoir (10 mars 2011); Sympatico (13 avril 2012); The Globe and Mail (16 juillet 2010); Vancouver Sun (18 novembre 2010); Winnipeg Free Press (22 avril 2010). 356 Cash et Rae (Winter 2009/2010); CBC News (16 septembre 2010); City News (11 septembre 2009); CTV News (10 février 2010; 31 mars 2010); RedDeed Avocate (3 avril 2010); The Globe and Mail (23 aout 2012, 22 aout 2012); Toronto Star (1er février 2013); Vancouver Sun (18 novembre 2010). 357 Davis (2003); Van Mourik (octobre 2012). 358 Fortin (2006); Yoo et coll. (2004; Widyanto et Griffiths, 2006; Acier et Kem, 2011, cités dans Brisebois). 359 Cités dans Landry (2001).

197 concomitance des troubles liés aux substances en lien avec la dépendance à Internet est le troisième facteur le plus documenté par les différents acteurs sociaux après les troubles anxieux et les troubles de l’humeur.

6.2.1.4 Trouble lié aux substances et troubles du contrôle des impulsions

Les joutes propres aux trois arènes : scientifique, psychosociale et médiatique

Pour Tony Brown, directeur administratif d’un centre de ressource en santé mentale360, les personnes, présentant un problème de santé mentale, sont plus vulnérables aux dépendances; c’est aussi l’avis de plusieurs acteurs issus des sphères scientifique et psychosociale. L’existence d’une ou plusieurs psychopathologies actuelles ou passées chez un individu (ex. : troubles liés aux substances) pourrait favoriser le développement d’une utilisation jugée problématique d’Internet. D’ailleurs, plusieurs études indiquent une présence de dépendance aux jeux, aux substances psychoactives, aux achats compulsifs et aux troubles alimentaires chez des individus ayant déjà une utilisation inappropriée d’Internet361. Minoritairement, des chercheurs jugent par contre que les liens entre les « dépendances » et la « cyberdépendance » ne sont pas aussi clairement définis que certains acteurs sociaux le laissent sous-entendre. Ils préfèrent donc demeurer prudents362.

Rappelons qu’au chapitre 4 nous avons mis en évidence l’importante couverture médiatique réservée à la reconnaissance de la « cyberdépendance »

360 Customer/Survivor Information Resource Centre, un centre mandaté pour répondre aux besoins d’informations des patients ou d’anciens patients psychiatriques (cité dans Brown, Winter 1999). 361 Acier et Kem (2011; Black, Belsare, et Schlosser, 1999; Shapira et coll., 2003; Vaugeois, 2006; Widyanto et Griffiths, 2006, cités dans Brisebois, 2011); Conrad (2009); Davis (2001); Desai et coll. (2010, cités dans Dufour et coll., janvier 2013); Dufour (octobre 2003, mars 2012); Dufour et Acier (2010); Dufour, Gagnon et Nadeau (2011, cités dans Van Mourik, n.d.); Ko et coll. (cités dans Ko et coll., décembre 2006); Kraut et coll. (1998; Rierdan, 1999, cités dans Cliche, 2001); Morahan-Martin (2007, cité dans Beaulieu, 2012); Nadeau et coll. (2011); O’Reilly (15 juin 1996); Parker (2002, cité dans Vaugois, 2006); Richard (mai 2009); Rochon (juillet 1996, octobre 1998); Sergerie (2005, 2010); Shapira (1998, cité dans Landry, 2001); Shaw et Black (2008, cités dans Richard, janvier 2011); Van Mourik (n.d.); Vaugeois (2006); Yoo et coll. (2004, Young, 1998, cités dans Cliche, 2001). Achats compulsifs : Black et coll. (1999; Shapira et coll., 2003; Acier et Kern, 2011, cités dans Brisebois, 2011); Morahan-Martin (2005, cité dans Taylor, 2008) et les troubles alimentaires (Shapira, 1998, cité dans Landry, 2001). Troubles alimentaires : Shapira (1998, cité dans Landry, 2001). 362 Shayna et Yellowlees (2005; Khun et Griffiths, 2011; Vaugeois, 2006; Wood 2008, Minotte et Donnay, 2010; cités dans Biron et coll., 2011).

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comme désordre de dépendance363. Si les médias semblent reconnaitre de facto sa ressemblance avec les autres dépendances, cinq d’entre eux (Radio-Canada, RedDeedAdvocate, Sympatico, The Globe and Mail, TVA), au contraire, y voient plutôt la présence d’une concomitance avec d’autres dépendances (jeu pathologique, substances, etc.)364.

6.2.1.5 Troubles sexuels365

Les joutes propres aux trois arènes : scientifique, psychosociale et médiatique

Pour un petit nombre d’acteurs sociaux de l’arène médiatique et psychosociale, Internet favorise l’explosion de divers problèmes sociaux, et plus précisément la « dépendance » sexuelle ou la « cyberdépendance » sexuelle366. On retrouve, dans certaines études scientifiques, une tentative d’établir un lien entre certains troubles comme les « déviances sexuelles/dysfonction sexuelle » et la « cyberdépendance »367.

Dans les paragraphes précédents, nous avons mis en lumière cinq sous- catégories de troubles psychiatriques majeurs comme facteur de risque qui pourraient expliquer la survenue d’une « cyberdépendance ». S’ajoutent à ces sous-catégories, les troubles de la personnalité à l’Axe II du DSM. Pour un très petit nombre d’acteurs des trois sphères d’influence, les troubles de la personnalité peuvent se présenter de façon concomitante avec la « cyberdépendance ».

363 Nous désirons rappeler au lecteur que 181 articles et entrevues composant notre corpus documentaire comparent la cyberdépendance à une dépendance. 364 Sympatico (25 mai 2012); RedDeed Advocate (27 novembre 2009); The Globe and Mail (22 aout 2012); Triplex Radio- Canada (n.d., 2012); TVA Nouvelles (3 juin 2010). 365 Le DSM-IV identifie deux catégories de troubles sexuels : les dysfonctions sexuelles et les paraphilies. Par ailleurs, il décrit également le trouble de l’identité sexuelle. Repéré à http://www.psychomedia.qc.ca/diagnostics/quels-sont-les-troubles-sexuels 366 Goyette (octobre 2013); Tatcher, Wretschko et Fridjhon (2008, cités dans Sergerie, 2010); TechAddiction (2005). Arène médiatique : Le Soleil (24 février 2001); The Globe and Mail (16 aout 1997, 31 janvier 2004, 22 aout 2012). 367 Acier et Kern (2011; Black, Belsare et Schlosser, 1999, cités dans Brisebois, 2011); Morahan-Martin (2005, cité dans Taylor, 2008); Shapira et coll. (2003, cités dans Acier et Kern, 2011).

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6.2.2 Axe II : Les troubles de la personnalité

Les joutes propres aux trois arènes : scientifique, psychosociale et médiatique

Les études de Black et coll. (1999) et de Shapira et coll. (2000, 2003) indiquent la présence d’au moins un trouble de la personnalité chez les personnes présentant une utilisation abusive d’Internet368. D’autres facteurs peuvent aussi être présents, comme les troubles de personnalité narcissique, de personnalité limite, de personnalité antisociale et de névrosisme369. Quelques-uns ajouteraient à cette liste les personnalités dépendantes et évitantes, de type schizoïde et paranoïde370. Selon d’autres études, il serait possible de penser que certains traits de la personnalité pourraient également prédisposer un individu à développer un usage « problématique » d’Internet (Sergerie, 2005). Notons que rares sont les médias qui choisissent d’aborder les troubles de la personnalité comme facteurs sous-jacents au problème de « cyberdépendance ». Seuls les quotidiens anglophones le Vancouver Sun (18 novembre 2010) et le Toronto Star (28 décembre 2012) font mention de recherches stipulant l’existence d’un lien entre l’utilisation excessive d’Internet et un niveau élevé de narcissisme. Le quotidien francophone Le Devoir (22 mai 2007) rapporte les propos d’un psychiatre chinois voulant que certains aillent même jusqu’à développer des troubles psychologiques plus graves et sérieux tels que des problèmes d’identité; leur « moi » se serait dilué sur l’écran vidéo et ils auraient fini par s’identifier au rôle de leurs personnages de jeux vidéos.

368 Cités dans Brisebois (2011). 369 Personnalité narcissique : Black et coll. (1999, cités dans Brisebois, 2011); Landry (2001); Morin (2011); Nadeau et coll. (2011); Richard (mai 2009); Shaw et Black (2008, cités dans Richard, janvier 2011); Tatcher, Wretschko et Fridjhon (2008, cités dans Sergerie, 2010); Young (Winter 2009-2010). Personnalité limite : Black et coll. (1999; Widyanto et Griffiths, 2006 cités dans Brisebois, 2011); Landry (2001); Rochon (2004); Van Mourik (n.d). Personnalité antisociale : Black et coll. (1999; Widyanto et Griffiths, 2006, cités dans Brisebois, 2011); Ko et coll. (2006); Landry (2001); Rochon (2004). Névrosisme : Tatcher, Wretschko et Fridjhon (2008, cités dans Sergerie, mai 2010). 370 Personnalités dépendantes et évitantes : Nadeau et coll. (2008, 2011); Rochon (2004); Tsai (2009, cité dans TechAddiction, 2005). Personnalité de type schizoïde : Parker (2002, cité dans Fortin, 2006); Yang et coll. (2005). Personnalité de type paranoïde : Morin (2011).

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Bien que plusieurs troubles mentaux aient été identifiés dans notre analyse, il n’en demeure pas moins qu’une grande part de l’attention des acteurs sociaux des trois sphères d’influence est dirigée vers la présence des troubles anxieux et dépressifs en concomitance avec la « cyberdépendance ». Notre analyse montrait clairement au chapitre 4 qu’une lutte discursive était amorcée entre les défenseurs de la reconnaissance de la « cyberdépendance » comme maladie mentale distincte et ceux qui militent en faveur des troubles concomitants comme symptôme sous-jacent. La majorité des acteurs des trois sphères d’influence semble être d’accord pour reconnaitre une concomitance de facteurs de risque significatifs accompagnant le développement de la « cyberdépendance ». Cette hypothèse rallie également les militants en faveur du désordre de dépendance.

Depuis quelques décennies, plusieurs auteurs reconnaissent aussi le caractère complexe et préoccupant de la cooccurrence des problèmes de dépendance et de santé mentale. En 1993, Regier, Narrow, Rae, Manderscheid, Locke et Goodwin concluaient que la concomitance constitue la norme plutôt qu’un fait d’exception parmi les usagers des centres de traitement en dépendance ou des services dédiés aux troubles mentaux. En effet, les troubles liés à l’utilisation de substances psychoactives ont été construits comme étant fréquents chez les personnes portant un diagnostic de trouble psychiatrique alors que les problèmes de santé mentale sont, parait-il, fréquents chez les personnes portant un diagnostic de dépendance à une substance psychoactive (INESS, 2016). Donc, cette concomitance des troubles psychiatriques demeure une préoccupation constante pour les acteurs du système de la santé et des services sociaux. Les cliniciens et les administrateurs des services de traitement estiment nécessaire de connaitre, avec le plus d’exactitude possible, les différentes dimensions liées à la concomitance et les facteurs contributifs à la survenue de la « cyberdépendance » comme trouble concomitant avec d’autres problèmes de santé. D’ailleurs, ils sont confrontés à des enjeux et des défis quant à la définition de l’offre des services en dépendance et en psychiatrie, et quant au partage des responsabilités. Or, cela exigera de la part des tenants de la santé mentale et de

201 ceux du désordre de dépendance de sceller des alliances, entre eux, quant à l’arrimage des services.

Dans cette veine, vingt-trois ans après le constat de Regier et coll. (1993), l’Association des intervenants en dépendance du Québec (AIDQ) (2015) vient de lancer un tout nouveau coffret d’intervention371 regroupant les dépendances et les troubles concomitants les plus fréquemment rencontrés par les intervenants sociaux. Ce coffret se veut un guide servant à leur venir en aide. Il offre des informations scientifiques sur différents troubles notamment les problèmes d’anxiété, de dépression, de personnalité difficile (personnalité antisociale, personnalité limite) et de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité en concomitance avec un problème de dépendance. À la lecture de ce coffret, nous constatons que plusieurs de ces troubles sont également associés à la « cyberdépendance ». Nous estimons qu’il sera possible d’envisager, dans un avenir rapproché, l’inclusion de la « cyberdépendance » dans ce guide. De plus, lors d’une communication que nous avons prononcée devant des intervenants sociaux dans le domaine de la santé mentale et en dépendance du CIUSSS Saguenay-Lac-Saint-Jean (Juneau, mars 2016), les participants ont confirmé avoir observé ces mêmes troubles psychiatriques auprès de la clientèle qui les consulte pour une demande d’aide.

Ci-dessus, nous avons exposé, dans les points 6.1 et 6.2, les éléments qui, de l’avis des acteurs concernés, seraient plus à même d’être la ou les causes explicatives de la naissance d’une « cyberdépendance » chez un utilisateur d’Internet. Pour ce faire, nous avons tenté de mettre en évidence la construction sociale de certains facteurs de risque prédisposants, facilitants et précipitants, par les tenants du désordre de dépendance. Nous avons pu ainsi remarquer que ces derniers ne réussissent pas à prouver que ces facteurs sont véritablement les causes de la « cyberdépendance ». Ensuite, nous avons mis en lumière comment divers troubles psychiatriques (ex. : anxiété, dépression, etc.) ont été accusés, à tour de rôle, par les tenants de la maladie

371 Ce coffret servira à mieux outiller les intervenants et à favoriser la collaboration entre intervenants de la dépendance et de la santé mentale.

202

mentale, d’être la cause ou même d’être la conséquence de la « cyberdépendance ». Dans cette lignée, nous avons tenté de mettre en évidence qu’ils n’ont pas tout à fait réussi à prouver scientifiquement la concomitance des facteurs invoqués.

Nous avons également remarqué que la fabrication de facteurs de risque, entreprise par les tenants du désordre de dépendance des arènes scientifique et psychosociale, contribue au processus de médicalisation de la « cyberdépendance », en ce sens que ces facteurs de risque permettraient de classer et d’enfermer les internautes dans une catégorie de population dite à risque. Certains acteurs sociaux ont d’ailleurs décrié l’élargissement des critères diagnostiques qui permettraient de cibler une population plus large de « patients » à laquelle s’appliqueraient des dispositifs de régulation sociale. Pour Beck (1986, 2001), « […] l’existence des risques évolue avec la diversité des critères et des intérêts 372» (p.56). Or, dans cet effort d’identifier les causes possibles de la « cyberdépendance », n’y a-t-il pas ce même danger de multiplier les facteurs de risque pour augmenter le bassin de population susceptible d’exiger des soins ou de l’aide? À en croire Beck (1986, 2001) et Peretti-Watel (2010), il semble que nos sociétés sont devenues de véritables manufactures à risques. L’identification des facteurs de risque imposerait également une gestion de ceux-ci afin de les diminuer, les contrôler et les éviter. Nous verrons, d’ailleurs, dans le septième chapitre d’analyse, comment ces facteurs de risque peuvent aussi être récupérés par différents acteurs sociaux pour tenter d’instaurer des pratiques focalisées sur la promotion de la santé publique et sur la surveillance de facteurs de risque.

Pour le moment, nous convenons que l’immersion dans le monde numérique suscite de vigoureux débats quant aux éventuels impacts des technologies numériques dans notre quotidien. Toutefois, alors que plusieurs chercheurs jugent encore prématurée l’entrée de la « cyberdépendance » dans la taxinomie psychiatrique, certains utilisateurs se plaignent des répercussions négatives qui seraient provoquées

372 C’est nous qui soulignons.

203 par ce monde virtuel (Dufour et coll., 2014). Dans le chapitre précédent, nous avons mis en exergue que pour définir le caractère pathologique de l’utilisation d’Internet, l’un des critères privilégiés du DSM serait la présence de détresse ou de souffrance psychique significative et de conséquences négatives dans la vie de l’individu. Sans ce critère, il n’y aurait pas de « cyberdépendance ».

L’abondance des données recueillies dans notre corpus documentaire manifeste clairement le grand intérêt des acteurs sociaux des trois arènes pour la mise en évidence de l’utilisation d’Internet comme étant un comportement « toxique » causant des dommages. Les acteurs de l’arène scientifique multiplient les études pour faire la démonstration de l’existence de ces répercussions alors que leurs collègues de l’arène psychosociale transmettent leurs observations cliniques, et se font, par le fait même, les « porte-paroles » de la clientèle qui se présente dans les différents services d’aide. Ayant l’occasion de les entendre, ils seraient, semble-t-il, en mesure de « traduire » les souffrances vécues par cette clientèle. La panoplie de répercussions mise en lumière par les différents acteurs sociaux viendrait, en quelque sorte, justifier et légitimer leurs revendications sur l’importance d’intervenir préventivement ou d’offrir des services de traitement. Comprendre ces répercussions liées à la « cyberdépendance » fera l’objet de notre prochaine section.

6.3 Répercussions liées à la « cyberdépendance »

Les répercussions liées à l’utilisation dite excessive d’Internet ont été classées en sept grandes catégories : 1) physiques; 2) psychologiques; 3) familiales et conjugales; 4) sociales; 5) scolaires et professionnelles; 6) financières; 7) judiciaires. Cette gamme de répercussions que les acteurs sociaux tendent à lier à la « cyberdépendance » est évoquée dans la construction sociale à laquelle procède chacune des trois arènes publiques à l’étude.

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6.3.1 Répercussions physiques

Il y a une quinzaine d’années, les résultats de recherche suggéraient que la plupart des personnes dépendantes à Internet présentaient peu de problèmes de santé physique liés à leur surutilisation (Cliche, 2001). Il semble qu’aujourd’hui cela ne soit plus le cas si on en juge par l’abondance des données empiriques recueillies dans les différentes arènes de notre présente étude. Majoritairement, les acteurs des sphères scientifique et psychosociale construisent le « cyberdépendant » comme présentant des problèmes physiques à la suite d’une utilisation prolongée d’Internet. Parmi ces répercussions, certains individus développeraient des problèmes chroniques et invalidants de santé physique pouvant même affecter leur mobilité373. Sous l’angle du « temps-écran »374, les répercussions physiques les plus souvent observées seraient : les douleurs dorsales et cervicales, les problèmes aux mains375, les problèmes de fatigue oculaire376, les maux de tête, les migraines chroniques et des impacts physiques associés à la sédentarité377. De plus, certaines personnes présenteraient des symptômes d’épilepsie photosensible, des hallucinations auditives, de l’énurésie, des battements de cœur accélérés, de la difficulté à respirer, de la sudation et des frissons378. Également, le fait d’être immergé dans un univers virtuel pourrait engendrer des cas extrêmes de négligence corporelle telle que manger, boire, dormir et refuser d’aller aux toilettes379. Plusieurs autres acteurs des sphères de la science et du psychosocial rapportent des modifications du cycle du sommeil comme

373 Douglas et coll. (2008, cités dans Beaulieu, 2012); Dufour et coll. (octobre 2012); Griffiths et Block (n.d.; Yen et coll., 2007, cités dans Dufour et coll., janvier 2013); Landry (2001); Nayebi (2007, cité dans cyberdependance.ca, 2008); TechAddiction (2005); Van Mourik (n.d.). 374 Terme emprunté à Biron et coll. (2011). 375 Problème de vibration de la main, syndrome du canal carpien, tendinite des pouces, nerf coincé et douleur musculaire. 376 Fatigue ou douleur oculaire, problème visuel, sécheresse oculaire, yeux lourds, etc. 377 Surpoids ou obésité, problèmes avec la posture et la condition physique, syndrome métabolique, diabète, etc. 378 Arènes scientifique et psychosociale : Barnett et coll. (2010; Canada, 2010; Biron et Bourassa et coll. (2011); Nunez-Smith et coll., 2008; Stamatakis et coll., 2011, cités dans Biron et coll., 2011); Beard et Wolf (2001, cités dans Davis, 2003); Beaulieu (2012); Biron et coll. (2010); Bourque et coll. (2011); Brisebois (2011); Chappell, Eatough, Davies et Griffiths (2006, cités dans Beaulieu, 2012); Collier (27 octobre 2009a, 2009b); cyerdependance.ca (2008); Douglas et coll. (2008, cités dans Beaulieu, 2012); Dufour (mars 2012); Dufour et Acier (2010); Dufour et coll. (octobre 2012); Fisher (cité dans Vachon janvier 2007); Griffiths et Block (n.d., cités dans Dufour et coll., janvier 2009); Goyette et Nadeau (2008); Landry (2001); Nadeau (2010, 2012); Nadeau et coll. (2011); Nayebi (2007, cité dans Tétrault, octobre 2012); Optima Santé globale (2012); Rioux (2010); Rochon (2004); Sergerie (2010); TechAddiction (2005); Tétrault (octobre 2012); Vachon (janvier 2007); Van Mourik (n.d., 2011, octobre 2012); Vaugeois (2006); Yen et coll. (2007, cités dans Dufour et coll., janvier 2013); Young (cité dans Cliche, 2001); Young (1996, cité dans O’Reilly, 15 juin 1996); Young (1998, cité dans Taylor, 2008); Young (2004, cité dans Beaulieu, 2012). 379 Alimentation irrégulière, qualité de l’alimentation, perte d’appétit, estomac perturbé, etc.

205 conséquences possibles à la dépendance à Internet380. Pour d’autres acteurs sociaux, il serait possible d’être plus vulnérable à certaines maladies : ronflements, apnée du sommeil, grincements de dents et cauchemars, étant donné que le système immunitaire serait affaibli par une accumulation de fatigue due à une trop grande dépendance à Internet381.

Pour un petit nombre d’acteurs sociaux des sphères scientifique et psychosociale382, les internautes cumuleraient un plus grand nombre de stresseurs quotidiens depuis la venue d’Internet et ils pourraient souffrir d’une affection méconnue et non répertoriée spécifiquement dans le DSM-IV soit le « technostress383. D’autres, ressentant de la tension, de la nervosité, des tics nerveux, de l’irritabilité, développeraient de l’agressivité ou seraient impulsifs lorsqu’ils tentent de réduire ou de cesser l’utilisation d’Internet384. Parfois des comportements de violence physique ou d’automutilation (ex. : se frapper, se tirer les cheveux, se pincer ou se brûler) seraient aussi observés chez les internautes385. De plus, les chercheurs Genuis et Genuis (2005) ont observé des taux plus élevés d’infections transmises sexuellement chez les individus qui seraient reliés à la recherche de partenaires sexuels sur Internet.

380 Insomnie répétitive, regard hagard, manque de concentration, apathie, etc. 381 Anderson (2001; Nalwa et Anand, 2003; Young, 2008, cités dans Nadeau et coll., octobre 2012); Beard et Wolf (2001, cités dans Davis, 2003); Beaulieu (2012); Biron et coll. (2010); Biron et coll. (2011); Block (2008, cité dans Beaulieu, 2012); Bourque et coll. (2011); Casa (2011); Choi et coll. (2009, cités dans Beaulieu, 2012); Cliche (2001); Collier (27 octobre 2009a, 2009b); cyberdependance.ca (2008); Douglas et coll. (2008, cités dans Beaulieu, 2012); Dufour et coll. (octobre 2012); Goyette et Nadeau (2008); Laflamme (mai 2011); Landry (2001); Morin (2011); Nadeau (2012); Nadeau et coll. (2011); Nayebi (2007; Young, 1998, 1999, 2004, cités dans cyberdependance.ca, 2008); Optima Santé globale (2012); Rioux (2010); Rochon (octobre 1998, 2004); Sergerie (2010); TechAddiction (2005); Tétrault (octobre 2012); UMontréal (2012); UMoncton (n.d); Van Mourik (n.d., 2011, octobre 2012); Vaugeois (2006; Wydianto et Griffiths, 2006; Collier, 2009; Acier et Kern, 2011, cités dans Brisebois, 2011); Wells (2006; Young 2004, cités dans Beaulieu, 2012); Welsh (1999, cité dans Cliche, 2001); Young (cité dans Cliche, 2001). 382Fisher (cité dans Vachon, janvier 2007); Krault et coll. (1998, cités dans Ferron et Duguay, 2004); Lam (2009, cité dans TechAddiction, 2005); Le Psynternaute (1997); Rochon (2004); Wang, Lee et Chang (2003, cités dans Beaulieu, 2012). 383 L’individu est alors confronté à une « nervosité technologique » avec, en toile de fond, ce sentiment d’être dépassé ou incapable de gérer autant de fonctions et de gadgets survenus ces dernières années 384 Acier et Kern (2009, cités dans Richard, mai 2009); Beard et Wolf (2001, cités dans Davis, 2003); Beaulieu (2012); Block (2008, cité dans Dufour, mars 2012); Bourque et coll. (2011); Desai et coll. (2010; Leung, 2004; Young, 2009, cités dans Dufour et coll., janvier 2013); Dufour (mars 2012); Dufour et Acier (2010); Laflamme (mai 2011); Rocher (2008, cité dans Dufour, mars 2012); Douglas et coll. (2008; Acier et Kern, 2011, cités dans Brisebois, 2011); Dufour et Acier (2010); Dufour et coll. (janvier 2009); Le Psynternaute (1997); Nadeau et coll. (2011); Nayebi (2007; Young, 1998, 1999, 2004, cités dans cyberdependance.ca, 2008); Optima Santé globale (2012); Richard (janvier 2011); Rioux (2010); Rochon (juillet 1996, octobre 1998, 2004), Rocher (2008, cité dans Dufour, mars 2012); Sergerie (2005, 2010); Sergerie et Lajoie (2007); TechAddiction (2005); Tremblay (2008); UMoncton (n.d.) Van Mourik (2011, octobre 2012); Yang et coll. (2005). 385 Acier et Kern (2011); Biron et coll. (2010); Biron et Bourassa et Dansereau (2011); Desai et coll. (2010; Leung, 2004; Young, 2009, cités dans Dufour et coll., janvier 2013); Dufour et coll. (janvier 2013); Morin (2011); Nadeau (octobre 2012); Nadeau et coll. (2011); Tétrault (octobre 2012).

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Les répercussions physiques ont occupé passablement l’espace de plusieurs plateformes médiatiques. Les acteurs de l’arène médiatique ont été très actifs dans leur construction en associant Internet/conséquences physiques. Pas moins de vingt plateformes médiatiques majoritairement francophones ont fait une place de choix, à plus de 51 reprises, aux répercussions négatives qui seraient liées à une utilisation dite excessive d’Internet386. Parmi ces médias, nous constatons que principalement deux médias, le quotidien La Presse et la Société Radio-Canada et ses différentes plateformes francophones et anglophones, ont publié ou fait des entrevues à cet effet plus de 23 reprises entre 1998 et 2012. Or, seul le quotidien anglophone The Globe and Mail (15 juin 1996, 1er décembre 2005) émettait, à deux reprises, un bémol concernant les ravages sur la santé physique causés par une utilisation excessive d’Internet; ils seraient moins destructeurs que les autres dépendances (ex. : alcool, drogue, jeu).

6.3.2 Répercussions psychologiques

De nombreux acteurs sociaux des sphères scientifique et psychosociale croient que, chez certaines personnes, l’utilisation excessive d’Internet pourrait provoquer des problèmes de fonctionnement psychosocial comme de la détresse ou de la souffrance psychologique387.De plus, lorsque ces personnes cessent l’utilisation d’Internet, des symptômes de sevrage388 semblent apparaitre au même titre que

386Canoë (10 février 2009); CBC News (8 juin 2009, 6 avril 2011, 29 novembre 2012); CTV (25 février 2008, n.d. 2008); Express Toronto (9 décembre 2008); FCPQ YouTube (13 janvier 2013); Huffington Post (3 décembre 2013, 15 avril 2013); Jour de plaine Radio-Canada (n.d., 2012); La Presse (13 mars 2006, 19 avril 2007, 10 juin 2008, 7 janvier 2009, 23 janvier 2009, 7 novembre 2009a, 21 mars 2010, 26 septembre 2011); L’après-midi porte conseil à Radio-Canada (n.d., 2010, 28 avril 2010); La Sphère Radio-Canada (n.d., 2012); La Voix de l’Est (29 janvier 2011); Le Devoir (3 novembre 2006, 15 février 2012); Le Droit (29 mai 2006); Le Quotidien (10 avril 2006); Le Réveil Île-du-Prince-Édouard Radio-Canada (n.d. 2012); Le Soleil (7 septembre 2009); National Post (10 mars 2008); Par 4 chemins Radio-Canada (18 novembre 1998); Première Heure Radio-Canada (n.d., 2013); Radio-Canada Nouvelles (29 mai 2009; 7 mars 2011, 27 juillet 2011, 15 février 2012); Sympatico (27 aout 2009, 24 novembre 2009); The Globe and Mail (5 juillet 2000, 4 décembre 2009, 2 aout 2010, 23 aout 2012, 22 aout 2012); Tout un samedi Radio-Canada (n.d., 2013); TVA Nouvelles (11 mars 2006, 15 février 2012); V (n.d., 2013); Vancouver Sun (18 novembre 2010); Winnipeg Free Press (27 juillet 2006, 5 mars 2008, 17 mars 2008). 387 Biron et coll. (2010); Biron et coll. (2011); Brenner (1997; Caplan, 2002; Kiesler et Kraut, 1999; Kraut, Kiesler, Boneva, Cummings, Helgeson et Crawford, 2002; Karut, Patterson, Lundmark, Kiesler, Mukopadhyay et Scherlis, 1998; Young, 1998, 2004; Young et Rodgers, 1998, cités dans Sergerie et Lajoie 2007); Dufour (octobre 2003); Landry (2001); Nadeau (2010, 2012); Nadeau (octobre 2012); Page et coll. (2010; Nunez-Smith et coll., 2008; Borzekowski et Robinson, 2005, cités dans Biron et coll., 2011); Rocher (2008, cité dans Dufour, mars 2012); Tétrault (octobre 2012). Arène médiatique : CBC News (6 avril 2011, n.d., 2011); Huffington Post (4 juin 2011); L’après-midi porte conseil à Radio- Canada (n.d. 2010); Le Devoir (27 juillet 2011); National Post (10 mars 2008) Téléjournal Radio-Canada (7 mars 2011, 27 juillet 2011); The Globe and Mail (16 aout 1997); TVA Nouvelles (11 mars 2006). 388 Un sentiment de grand vide, une panne de sens, une perturbation de l’humeur, une tristesse, une frustration ou une colère.

207 l’utilisation de psychotropes ou le jeu389. Certains autres symptômes psychologiques se présenteraient sous forme d’un sentiment de solitude, de désespoir ou de futilité voire d’idéations suicidaires, d’anxiété de déconnexion390 ou de dépression391. D’autres recherches tentent d’établir la présence d’émotions désagréables comme un mécontentement face à soi-même, un sentiment de culpabilité, de honte, de remords, de ressentiment ressentis lors de l’utilisation dite excessive d’Internet392.

Les acteurs sociaux de l’arène médiatique continuent de diffuser, en grand nombre, l’idée que l’utilisation excessive Internet pourrait entrainer des conséquences cette fois-ci d’ordres psychologiques393. Seize plateformes anglophones et francophones ont abordé ce thème, et ce, à plus de 31 reprises, entre 1998 et 2013. Parmi ces médias, certains ont traité à la fois des répercussions physiques et psychologiques.

6.3.3 Répercussions familiales et conjugales

Plusieurs acteurs sociaux des arènes scientifique et psychosociale tentent d’établir un lien entre l’utilisation dite excessive d’Internet et le fait que certains

389 Beaulieu (2012); Block (2008, cité dans Dufour, mars 2012); Bourque et coll. (2011); Casa (2011); Desai et coll. (2010; Leung, 2004; Young, 2009, cités dans Dufour et coll., janvier 2013); Dufour et Acier (2010); Dufour et coll. (janvier 2009); Laflamme (mai 2011); Landry (2001); Nayebi (2007, cité dans Bourque et coll., 2011); Nayebi (2007; Young, 1998, 1999, 2004, cités dans Dufour et coll., janvier 2013); Optima Santé globale (2012); Rioux (2010); Rocher (2008, cité dans Dufour, mars 2102; Dufour et Acier, 2010); Sergerie (2005, 2010); Sergerie et Lajoie (2007); TechAddiction (2005); Van Mourik (2011); Tremblay (2008); UMoncton (n.d.); Van Mourik (2011, n.d.). 390 L’anxiété de déconnexion est un syndrome décrivant divers sentiments de désorientation, de nervosité et de tristesse pouvant apparaitre. 391Beaulieu (2012); Block (2008, cité dans Dufour, mars 2012, Dufour et Acier, 2010); Bourque et coll. (2011); Brisebois (2011); Caplan (2002, cité dans Brisebois, 2011); Desai et coll., 2010; Leung (2004, Young, 2009, cités dans Dufour et coll., janvier 2013); Dufour (octobre 2003, mars 2012); Dufour et Acier (2010); Dufour et coll. (octobre 2012); Griffiths (cité dans Dufour, mars 2012; Dufour et Acier, 2010); Le Psynternaute (1997); Messerlian, Derevensky et Gupta (2005, cités dans Parker et coll., avril 2008); Morin (2011); Nayebi (2007, cité dans Bourque et coll., 2011); Nayebi (2007; Young, 1998, 1999, 2004, cités dans cyberdependance.ca, 2008); Optima Santé globale (2012); O’Reilly (15 juin 1996); Rioux (2010); Rochon (octobre 1998, 2004); Sergerie (2010); TechAddiction (2005c); Tremblay (2008); Whang, Lee et Chang (2003, cités dans Beaulieu, 2012). 392 Beaulieu (2012); Bourque et coll. (2011); cyberdependance.ca (2008); Nayebi (2007; Young, 1998, 1999, 2004, cité dans cyberdependance.ca, 2008); Rochon (octobre 1998, 2004); Sergerie (2010); TechAddiction (2005); UMontréal (2012); Van Mourik (n.d., 2011, octobre 2012). 393 Canoë (10 février 2009); CBC News (8 juin 2009, 16 septembre 2010, 6 avril 2011); CBC The Currrent (1er mars 2013); CTV News (2 octobre 2008); Express Toronto (9 décembre 2008); Huffington Post (8 février 2010, 4 juin 2011, 3 décembre 2013); Jour de plaine Radio-Canada (n.d. 2012); Journal de Montréal (12 janvier 2009); La Presse (1er décembre 2005, 7 novembre 2009a); La Voix de l’Est (29 janvier 2011); National Post (10 mars 2008); Première Heure Radio-Canada (n.d. 2013); Sympatico (16 octobre 2009, 21 juin 2012); The Globe and Mail (16 aout 1997, 18 février 1998, 23 mai 1998, 31 octobre 2008, 4 décembre 2009, 22 aout 2012); Toronto Star (28 décembre 2012, 1er février 2013); TVA Nouvelles (11 mars 2006, 15 février 2012); V (n.d., 2013); Vancouver Sun (18 novembre 2010).

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utilisateurs iraient jusqu’à négliger plusieurs aspects de leur vie et, par conséquent, investiraient moins de temps dans leur relation familiale ou de couple394. Parmi les conséquences soulevées par les acteurs sociaux qui auraient un lien avec la famille, notons la négligence des obligations familiales; l’interruption de la communication familiale, la création de conflits et les risques d’éclatement familial395, la démotivation relativement aux tâches ménagères, le faible niveau d’intérêt pour les autres activités et une déresponsabilisation396. Or, Berge et Garcia (2009) émettent certaines réserves, les familles rencontrant des difficultés avec l’utilisation d’Internet connaissaient auparavant des problèmes de tous genres. Ainsi, Internet ne les provoquerait pas, mais changerait leur aspect. Pour plusieurs acteurs sociaux, l’utilisation dite excessive d’Internet pourrait aussi avoir des impacts au plan conjugal tel que des mensonges, un abus de confiance397, le sentiment d’être trompé, de la jalousie, des disputes, une perte de désir sexuel et des menaces de rupture ou de divorce398.

Les acteurs sociaux continuent d’occuper l’espace médiatique afin de propulser leur hypothèse selon laquelle une utilisation dite excessive aurait des impacts sur l’individu ou son environnement. Seize plateformes médiatiques majoritairement francophones ont diffusé, à 28 reprises, des cas de répercussions familiales399. Moins nombreux sont ceux qui ont privilégié d’aborder les

394 Beard et Wolf (2001, cité dans Davis, 2003); Berge et Garcia (2009); Bernardi et Pallanti (2009, cités dans Beaulieu, 2012); Bourque et coll. (2011); Casa (2011); Collier (27 octobre 2009a); Davis (2003); Douglas et coll. (2008, cités dans Beaulieu, 2012); Dufour (mars 2012); Dufour et coll. (octobre 2012); Nadeau et coll. (2011); Optima Santé globale (2012); Rioux (2010); Rochon (octobre 1998); TechAddiction (2005); Tremblay (2008); UMoncton (n.d.); Vaugeois (2006; Widyanto et Griffiths, 2006; Collier, 2009a, b; Young, 2009a, cités dans Brisebois, 2011). 395 cyberdependance.ca (2008); Cliche (2001); Ferron et Duguay (2004); Goyette et Nadeau (2008); Kugler (2000); Landry (2001); Le Psynternaute (1997); Nadeau (2010, octobre 2012); Nadeau et coll. (2011); Nayebi (2007; Young, 1998, 1999, 2004, cités dans Dufour et coll., janvier 2013); Optima Santé globale (2012); Rochon (2004); Sergerie (2010); TechAddiction (2005); UMontréal (2012); Young (1998, cité dans Taylor, 2008). 396 Chappell, Eatough, Davies et Griffiths (2006; Young, 2004, cités dans Beaulieu, 2012); Rochon (2004). 397Beard et Wolf (2001; Ko et coll., 2005; Young, 1999, cités dans Vaugeois, 2006); Casa (2011); Chappell, Eatough, Davies et Griffiths (2006; Rochon, 2004; Vaugeois, 2006; Young, 2004, cités dans Beaulieu, 2012); Collier (27 octobre 2009a); cyberdependance.ca (2008); Davis (2003); Goyette et Nadeau (2008); Laflamme (mai 2011); Le Psynternaute (1997); Nayebi (2007; Young, 1998, 1999, 2004, cités dans Dufour et coll., janvier 2013); Optima Santé globale (2012); Rioux (2010); Rochon (octobre 1998, 2004); Sergerie (2010); UMoncton (n.d.); UMontréal (2012); Vaugeois (2006); Widyanto et Griffiths (2006); Young (2009a, cités dans Brisebois, 2011). 398 Beaulieu (2012); Collier (27 octobre 2009a); Davis (cité dans Cliche, 2001); Dufour et coll. (octobre 2012); Goyette et Nadeau (2008); Le Psynternaute (1997); Quittner (1997, cité dans Beaulieu, 2012; Fortin, 2006); Rioux (septembre 2013); Rochon (octobre 1998, 2004); TechAddiction (2005); Yen et coll. (2007, cités dans Dufour et coll., janvier 2013); Young (cité dans Cliche, 2001); Young (1998, 2004, cité dans Beaulieu, 2012). 399 Canoë (10 février 2009); Centre Jeunesse Montréal — YouTube (23 février 2011); CTV News (25 février 2008, n.d., 2008); Express Toronto (9 décembre 2008); Journal de Montréal (12 janvier 2009); L’après-midi porte conseil à Radio-Canada (n.d. 2010); La Presse (23 octobre 2000, 7 novembre 2009a, 30 janvier 2010a); Le Devoir (3 février 2012); Le Droit (11 février

209 répercussions conjugales, seulement une dizaine de médias, majoritairement anglophones, l’ont fait à onze reprises400. Précisons que parmi ces médias, seulement quatre d’entre eux, majoritairement anglophones, ont traité à la fois des répercussions familiales et conjugales (Radio-Canada, The Globe and Mail, The Telegram, Vancouver Sun).

6.3.4 Répercussions sociales

Parmi l’ensemble des répercussions que les acteurs tentent d’associer à la « cyberdépendance », les chercheurs Douglas et ses collaborateurs (2008)401 estiment que les impacts sociaux s’avèrent être sans doute les plus dévastateurs. Plusieurs acteurs sociaux des arènes scientifique et psychosociale abondent dans le même sens et sont convaincus que l’utilisation abusive d’Internet entrainerait des conséquences désastreuses sur le plan social et sur le plan des habiletés sociales. Les impacts seraient grands, plus spécialement, sur la socialisation et l’engagement social et, au plan relationnel, ces conséquences pourraient même aboutir, semble-t-il, à une réduction du réseau social. Selon une majorité d’acteurs sociaux de ces deux arènes, à force de préférer l’espace virtuel à d’autres activités quotidiennes, l’individu négligerait ou abandonnerait ses relations personnelles et il finirait par détériorer et perdre les liens significatifs existants dans son monde réel pour ne gagner que des amis en ligne402. De plus, Brown (1999), Fortin (2006) et Davis, Gordon et Besser

2008a, 2008b); Le Réveil Île-du-Prince-Édouard Radio-Canada (n.d., 2012); Le Soleil (7 septembre 2009, 24 février 2012); RedDeed Advocate (3 avril 2010); Sympatico (24 novembre 2009); Triplex Radio-Canada (n.d., 2012); The Globe and Mail (15 juin 1996, 23 mai 1998, 31 octobre 2008, 2 aout 2010, 22 aout 2012); The Telegram (23 mai 1998, 6 mars 2010); TVA Nouvelles (3 juin 2010); Vancouver Sun (18 novembre 2010). 400 Canoë (19 février 2001); Huffington Post (12 avril 2012); La Presse (1er décembre 2005, 1er février 2010a); Le Réveil Île-du- Prince-Édouard Radio-Canada (n.d. 2012); Le Soleil (19 décembre 2012); The Globe and Mail (18 février 1998, 23 mai 1998, 22 aout 2012); The Telegram (6 mars 2010); Winnipeg Free Press (27 juillet 2006); Vancouver Sun (18 novembre 2010). 401 Cités dans Beaulieu (2012). 402Acier et Kern (2011); Beard et Wolf (2001, cités dans Davis, 2003); Beaulieu (2012); Biron et coll. (2011); Brisebois (2011); Caplan (2002, cité dans Goyette et Nadeau, 2008; Vaugeois, 2006); Casa (2011); Clay (2000, cité dans Landry, 2001); Collier (27 octobre 2009a, 2009b); Coulombe (2003); cyberdependance.ca (2008); Davis et coll. (2002); Dufour (octobre 2003, mars 2012); Dufour et Acier (2010); Dufour et coll. (octobre 2012); Ferron et Duguay (2004); Fortin (2006); Kraut et coll. (1998, cités dans Goyette et Nadeau, 2008); Kugler (2000); Laflamme (mai 2011); Landry (2001); Leduc (2011); Le Psynternaute (1997); Nadeau (2010, octobre 2012); Nadeau et coll. (2011); Nayebi (2007; Young, 1998, 1999, 2004, cités dans Dufour et coll., janvier 2013); O’Reilly (juillet 2000); Pineault (2008); Rigaut (cité dans Fortin, 2006); Rioux (2010); Pratarelli et coll. (1999, cités dans Landry, 2001); Phillips et coll. (1995, cités dans Taylor, 2008); Richard (mai 2009, janvier 2011); Rocher (2008, cité dans Dufour, mars 2012; Dufour et Acier, 2010); Rochon (juillet 1996, octobre 1998, 2004); Sergerie (2010); Taylor (2008); TechAddiction (2005); Tejeiro et Moran (2002; Shapira et coll., 2003; Vaugeois, 2006; Widyanto et Griffiths, 2006; Du et coll., 2010; Acier et Kern, 2011, cités dans Brisebois, 2011); Tremblay (2008); Tétrault (octobre 2012); UMoncton (n.d);

210

(2002) en déduisent que plus un individu utiliserait un ordinateur pour établir des contacts interpersonnels, plus ses habilités de socialisation dans le monde réel diminueront; certains iraient jusqu’à développer ou encore adopter des comportements antisociaux.

Pour plusieurs acteurs sociaux, la question de l’isolement social, comme répercussion possible à l’utilisation dite excessive d’Internet, n’est pas si clairement définie. Rappelons-nous d’ailleurs que l’isolement social a été ciblé précédemment (référence au point 6.1) par plusieurs acteurs sociaux des sphères scientifique et psychosociale comme étant un facteur de risque qui pourrait expliquer l’émergence de la dépendance à Internet. Toutefois, un nombre important de recherches scientifiques répertorié par plusieurs acteurs sociaux des sphères scientifique et psychosociale semble vouloir établir un lien entre l’usage problématique d’Internet, l’isolement et la solitude403. De plus, selon Nadeau et coll. (2011), plusieurs personnes en consultation dans les Centres de réadaptation en dépendance du Québec pour « cyberdépendance » sont souvent étonnées de l’ampleur de leur désinsertion. Avec le temps, ces personnes se seraient enlisées dans leur dépendance et mesureraient mal l’écart qui s’est creusé entre elles et leurs vis-à-vis en matière d’habiletés sociales. Selon quelques acteurs des sphères de la science et du psychosocial, des individus abandonneraient leurs activités sociales ou de loisirs pour augmenter considérablement le temps passé sur Internet404. Pour le psychiatre Aboujaoude405, la « cyberdépendance » serait un problème bien réel et Internet ne serait pas un moyen de communication classique. Contrairement à la télévision, Internet est un médium interactif qui permet aux utilisateurs de ressentir une certaine qualité de relation avec les autres situés en arrière de l’écran. Or, il émet les réserves suivantes : substituer ses relations réelles par des relations virtuelles pourrait être

UMontréal (2012); Vachon (janvier 2007); Van Mourik (2011, octobre 2012, n.d.); Young (cité dans O’Reilly, 15 juin 1996) Young (1998, cité dans Ferron et Duguay, 2004). 403 Acier et Kern (2011); Beaulieu (2012); Brisebois (2011); Davis (2003); Dufour et coll. (2012); Dufour et coll. (janvier 2013); Laflamme (mai 2011); Nadeau et coll. (2011); Sergerie (2005); Sergerie et Lajoie (2007); Sergerie (2010); Tétrault (octobre 2012); Van Mourik (n.d., 2011). 404cyberdependance.ca (2008); Dufour et coll. (octobre 2012); Le Psynternaute (1997); Nadeau et coll. (2011); Optima Santé globale (2012); Rochon (juillet 1996, octobre 1998); Sergerie (2010); TechAddiction (2005); UMoncton (n.d.); Van Mourik (n.d., 2011). 405 École de médecine de l’Université de Sandford en Californie. Cité dans Collier (27 octobre 2009a).

211 dangereux pour certaines personnes. La dépendance à Internet amènerait de grandes carences au niveau social et pourrait freiner le développement social de l’individu. À la longue, l’internaute perdrait la capacité de comprendre les échanges non verbaux, il n’apprendrait pas à lire le langage corporel et à obtenir une rétroaction de manière directe. Il développerait selon lui une relation unidimensionnelle.

Les acteurs de l’arène médiatique participent activement à promouvoir la dangerosité d’une trop grande utilisation d’Internet sur les rapports sociaux de l’individu. Dans cette veine, une vingtaine de plateformes médiatiques majoritairement francophones ont abordé les risques, à plus de 38 reprises, d’isolement, voire même de désocialisation, de désengagement social ou affectif406. Selon les propos rapportés par le journal La Presse (15 juin 2000), Internet pourrait devenir l’ultime facteur d’isolement social en réduisant les actions dans la communauté, et ce, de façon plus importante que l’ont fait l’automobile et la télévision. Or, ce même quotidien récidive neuf ans plus tard avec des propos plus nuancés. Selon les propos du professeur Hampton, lorsqu’il y a des changements sociaux, la tendance veut qu’on attribue la faute à la technologie. Or, contrairement à ces estimations, Internet ne tuerait pas les relations entre les individus, car certains auraient des contacts sociaux plus nombreux, plus ouverts et plus diversifiés (ex. : amis, famille, collègues, etc.) (La Presse, 7 novembre 2009b). Le quotidien anglophone The Globe and Mail (17 février 2000) abonde dans le même sens en rapportant le témoignage d’une internaute : « Pour moi, dit-elle, Internet me permet de garder un contact régulier avec mes proches qui vivent éloignés » (p. 2).

406 Canoë (26 mars 2012); Cégep St-Jean sur Richelieu YouTube (3 novembre 2009); Centre Jeunesse Montréal YouTube (23 février 2011); CBC News (n.d., 2011); CTV News (25 février 2008, n.d., 2008); Express Toronto (9 décembre 2008); Huffington Post (3 décembre 2013, 27 mars 2013); La Presse (23 octobre 2000, 30 janvier 2010 a, b; 1er février 2010a, 26 septembre 2011, 10 novembre 2013); La Voix de l’Est (29 janvier 2011); Le Devoir (3 novembre 2006); Le Droit (11 février 2008a, 2008b); Le Soleil (29 mai 2003,7 septembre 2009); Progrès Dimanche (2 décembre 2012); Radio-Canada (7 avril 2006, 3 février 2010, n.d., 2012); Reflet Société (7 aout 2011); Sympatico (24 novembre 2009, 13 avril 2012, 25 mai 2012); Téléjournal Radio-Canada (3 février 2010, 18 janvier 2013); The Globe and Mail (15 juin 1996, 16 aout 1997, 31 octobre 2008, 2 aout 2010, 23 aout 2012); TVA Nouvelles (3 juin 2010); Vancouver Sun (18 novembre 2010); Winnipeg Free Press (10 mai 2003).

212

6.3.5 Répercussions scolaires ou professionnelles

Une majorité d’acteurs de la sphère scientifique et psychosociale ciblerait l’utilisation dite excessive d’Internet comme étant responsable de difficultés majeures du côté scolaire. En guise d’exemple, le degré de motivation, de concentration et le niveau de stress affecteraient négativement la performance scolaire de l’élève; et plus les difficultés s’amplifient, moins le rendement et les performances scolaires seraient au rendez-vous407. Il en résulterait donc une démission face à la prise en charge de ses responsabilités, une non-persévérance dans le travail scolaire, pour finalement aboutir à un échec408. Les acteurs préfèrent tout de même demeurer prudents, car il ne leur est pas possible de démontrer, scientifiquement, que les étudiants ont de faibles performances scolaires en raison de leur dépendance à Internet, ou bien que leur dépendance à Internet est causée par leur faible performance scolaire. De plus, huit plateformes médiatiques majoritairement francophones publicisent les dangers relatifs à l’utilisation d’Internet concernant les performances scolaires des jeunes. À vingt-six reprises, ce thème a fait l’objet des manchettes des différents quotidiens ou d’entrevues (audios ou audiovisuels)409.

Sur le plan professionnel, les différents acteurs des arènes scientifique et psychosociale contribuent également à faire (re)connaitre les impacts de l’utilisation

407 Performances scolaires : remises des travaux en retard, mauvaise préparation aux examens, mauvais résultats, échecs scolaires, plagiat. Persévérance scolaire : augmentation de l’absentéisme, abandon scolaire. 408 Acier et Kern (2011); Beaulieu (2012); Beard et Wolf (2001; Caplan, 2002; Young, 1999, cités dans Brisebois, 2011); Biron et coll. (2011); Block (2008, cité dans Vaugeois, 2006); Bourque et coll. (2011); Brady (1996; Murphey, 1996, cités dans Fortin, 2006); Caplan (2002, cité dans Vaugeois, 2006; Nadeau, 2012); Caplan (2005; Johansson et Gotestam, 2004; Yang 2001, cités dans Taylor, 2008); Chang et Law (2008, cités dans Beaulieu, 2012); Conrard (2009); Davis (2003); Douglas et coll. (2008, cités dans Beaulieu, 2012; Dufour et Parent, janvier 2009); Douglas et coll. (2008; Wells, 2006, cités dans Beaulieu, 2012); Dufour et coll. (octobre 2012); Goyette et Nadeau (2008); Ko et coll. (2005, cités dans Vaugeois, 2006); Laflamme (mai 2011); Landry (2001); Leduc (2011); Le Psynternaute (1997); Morin (2011); Nadeau (octobre 2012); Nadeau et coll. (2011); Optima Santé globale (2012); Page et coll. (2010; Nunez-Smith et coll., 2008; Borzekowski et Robinson, 2005, cités dans Biron et coll., 2011); Rioux (2010); Rocher (2008, cité dans Dufour, mars 2012); Rochon (2004); TechAddiction (2005); Tétrault (octobre 2012); Tremblay (2008); UMontréal (2012); UMoncton (n.d.); Vachon (janvier 2007); Van Mourik (2011); Vaugeois (2006; Widyanto et Griffiths, 2006; Collier, 2009; Young, 2009a, cités dans Brisebois, 2011); Welsh (1999, cité dans Cliche, 2001); Wells (2006, cité dans Beaulieu, 2012); Yen et coll. (2007, cités dans Dufour et coll., janvier 2013); Young (1999, cité dans Vaugeois, 2006); Young (2004; Vaugeois, 2006, cités dans Beaulieu, 2012, Nadeau, 2010). 409 Centre jeunesse Montréal — YouTube (23 février 2011); CTV News (n.d.. , 2008, 25 février 2008); Huffington Post (3 décembre 2013, 27 mars 2013); La Presse (30 janvier 2010a, b, 1er février 2010a, 26 septembre 2011, 13 novembre 2013); Le Droit (11 février 2008b, 2008c); Le Réveil Île-du-Prince-Édouard Radio-Canada (n.d., 2010, n.d. 2012); Le Soleil (7 septembre 2009); Première Heure Radio-Canada (n.d., 2013); Radio-Canada Nouvelles (2 octobre 1999, 30 octobre 2010; 15 février 2012); Téléjournal Radio-Canada (n.d., 2009, 18 janvier 2013); The Globe and Mail (15 juin 1996, 16 aout 1997, 23 mai 1998, 31 octobre 2008, 22 aout 2012, 23 aout 2012); Vancouver Sun (18 novembre 2010).

213 dite excessive d’Internet sur le rendement des employés. De plus en plus présent comme outil de travail dans les entreprises, Internet constituerait une source de distraction parfois irrésistible pour certains employés. Plusieurs acteurs sociaux émettent l’hypothèse qu’à cause d’Internet, une diminution importante de l’investissement et du rendement professionnel semble affecter le milieu du travail, mettre en péril un emploi ou une possibilité d’avancement. D’autres iraient même jusqu’à abandonner leurs activités professionnelles pour s’adonner à leurs activités en ligne410. Il semble que les conséquences néfastes soient nombreuses : perte de temps, procrastination, perte de productivité, retard dans les délais, problèmes d’assiduité, conflits, mensonges, sommes d’argent à rembourser, pertes d’emploi, etc.

De plus, des dirigeants d’entreprise commencent à se plaindre des pertes de temps de leurs employés et de l’usage excessif d’Internet pendant les heures de travail et parfois, ils vont jusqu’à faire des enquêtes internes pour confirmer leurs soupçons. À cet effet, un premier article du quotidien Le Soleil (17 septembre 2010) rapportait que quatorze policiers de la ville de Québec et certains cadres du service de police étaient accusés de cyberflânage sur leurs heures de travail. Un deuxième article de ce même journal mentionne le congédiement de fonctionnaires — du Ministère fédéral de la Santé, de l’Agence de la santé publique du Canada et de Santé Canada — qui ont passé trop de temps à utiliser Internet à des fins personnelles (Le Soleil, 23 avril 2010). De plus, neuf autres plateformes médiatiques majoritairement francophones ont fait état des répercussions professionnelles à plus de vingt-cinq reprises411.

410 Acier et Kern (2011); Bourque et coll. (2011); Brenner (1997; Caplan, 2002; Kiesler et Kraut, 1999; Kraut, Kiesler, Boneva, Cummings, Helgeson et Crawford, 2002; Kraut, Patterson, Lundmark, Kiesler, Mukopadhyay et Shcerlis, 1998; Young, 1998, 2004; Young et Rodgers, 1998, cités dans Sergerie et Lajoie, 2007); Beard et Wolf (2001; Caplan, 2002; Young, 1999, cités dans Vaugeois, 2006); Cliche (2001); Collier (27 octobre 2009a); Conrad (2009); Davis (2003); Davis et coll. (2002) : Dufour (octobre 2003); Dufour et coll. (octobre 2012); Genuis et Genuis (2005); Goyette et Nadeau (2008); Landry (2001); Morin (2011); Nadeau (2010); Nadeau et coll. (2011); Nayeb (2007; Young, 1998, 1999, 2004, cités dans cyberdependance.ca, 2008); Optima Santé globale (2012); Rochon (octobre 1998, 2004); Sergerie (2010); TechAddiction (2005); UMontréal (2012); Vachon (janvier 2007); Young (2004; Vaugeois, 2006, cités dans Beaulieu, 2012). 411 Canoë (10 février 2009, 5 juillet 2011, 13 juillet 2011); Cégep de St-Jean-sur-Richelieu — YouTube (3 novembre 2009); Centre jeunesse Montréal — YouTube (23 février 2011); CTV News (n.d., 2008, 25 février 2008); Express Toronto (9 décembre 2008); Huffington Post (3 décembre 2013); L’après-midi porte conseil à Radio-Canada (n.d., 2010); La Presse (1er décembre 2005, 23 avril 2010, 10 novembre 2013); Le Réveil Île-du-Prince-Édouard Radio-Canada (n.d., 2012); Le Soleil (24 février 2001, 7 septembre 2009, 15 octobre 2010); Première Heure Radio-Canada (n.d., 2013); Radio-Canada Nouvelles (2 octobre 1999, 15 février 2012); Téléjournal Radio-Canada (18 janvier 2013); The Globe and Mail (15 juin 1996, 16 aout 1997, 18 février 1998, 23 mai 1998); Winnipeg Free Press (31 décembre 2010).

214

6.3.6 Répercussions financières

Les impacts financiers reliés aux jeux de hasard et d’argent en ligne, aux achats de matériel pornographique, aux téléchargements excessifs, etc. sont très peu documentés ou à peine abordés par les acteurs sociaux dans les trois arènes publiques à l’étude. Mais quand ces pertes financières et matérielles se produisent, les répercussions s’avèreraient importantes puisqu’elles sont souvent reliées à la perte d’emploi412. Selon ce que rapportent trois médias à six reprises, certaines personnes rencontrent de gros problèmes financiers (ex. : dettes, perte d’argent importante, faillite) et dans certains cas, ces pertes financières seraient liées directement avec la dépendance aux jeux d’argent en ligne413.

6.3.7 Répercussions judiciaires

Très peu d’acteurs des sphères scientifique et psychosociale mentionnent des répercussions judiciaires en lien avec la « cyberdépendance ». Pour certains, les problèmes rencontrés seraient surtout liés à la transgression des lois et des règlements établis dans les institutions scolaires414. D’autres constatent que la dépendance à Internet comporterait des risques de criminalité à divers degrés et apporterait même des problèmes sérieux tels que : commettre des gestes illégaux (cybercrimes), consommer de la pornographie juvénile et effectuer du piratage415. Dans cette veine, la Société Radio-Canada (2 avril 2012) titre sa nouvelle « Leurre d’enfant : un homme condamné à trois mois de prison ». Cet homme aurait utilisé Internet pour enjôler une adolescente de 15 ans. Il a avoué avoir développé une « cyberdépendance » (p.1). Le 8 janvier 2013, le quotidien francophone Le Soleil et la chaine télévisuelle privée TVA choisissaient de rapporter la même nouvelle. Le Soleil

412 Cliche (2001); cyberdependance.ca (2008); Davis et coll. (2002); Douglas et coll. (2008; Young, 2004; Vaugeois, 2006, cités dans Beaulieu, 2012); Dufour (octobre 2003); Dufour et coll. (octobre 2012); Ladouceur (1994, cité dans Cliche, 2001); Landry (2001); Nadeau (2010, octobre 2012); Psynteraute (1997); Sergerie (2010); Young (2004, cité dans Goyette et Nadeau, 2008). 413 Téléjournal Radio-Canada (2 octobre, 1999, 7 mars 2011); The Globe and Mail (15 juin 1996, 18 février 1998, 23 mai 1998); Winnipeg Free Press (27 juillet 2006). 414 Brisebois (2011); Dufour (octobre 2003); Goyette et Nadeau (2008; Vaugeois, 2006); Nadeau (2010, octobre 2012); Nadeau et coll. (2011); Tremblay (2008); Vaugeois (2006), 415 Beaulieu (2012); Goyette (octobre 2013); Le Psynternaute (1997); Sergerie (2010); Tétrault (octobre 2012).

215 intitule sa nouvelle « Un fraudeur cyberdépendant condamné à la prison » alors que la chaine TVA privilégie « Un fraudeur branché en prison ». Ces deux médias nous informent que l’individu a écopé d’une peine de deux ans moins un jour pour avoir commis des fraudes avec des « quantités phénoménales » de données personnelles provenant d’une cinquantaine de détenteurs de cartes de crédit. Il a reconnu avoir un problème de dépendance à Internet. De plus, trois autres médias rapportent, à l’intérieur de leurs articles traitant des répercussions qui seraient liées à la dépendance à Internet, quelques cas particuliers de jeunes spécialisés dans le vol de cartes de crédit et quelques accusations criminelles portées à l’endroit d’individus pour dépendance à la pornographie416.

Bref, il est important de souligner que, sur une période s’échelonnant sur quinze ans, soit entre 1998 et 2013, divers acteurs médiatiques ont participé de façon plus ou moins directe et intense aux débats sur les dangers et les risques liés à l’utilisation d’Internet. À cet effet, plus de 24 plateformes médiatiques de majorité francophone ont publié des articles ou effectué des entrevues audios ou télévisuelles à plus de 106 reprises. Les différentes plateformes de la Société Radio-Canada/CBC et les journaux La Presse et The Globe and Mail se démarquent pour le nombre élevé de publications ou d’entrevues sur ce sujet; on en compte près de la moitié (n = 51/106). De plus, la Société Radio-Canada/CBC, le quotidien anglophone The Globe and Mail et le portail électronique francophone Canoë ont couvert l’ensemble des sept catégories de répercussions. Cependant, l’accès à la sphère médiatique n’est pas égal pour tous les types de répercussions. Certaines d’entre elles ont trouvé moins d’échos ou ont eu plus de difficulté à s’imposer et se faire entendre. Par ordre d’intérêt, notons que les répercussions physiques (51), sociales (34) psychologiques (33), scolaires ou professionnelles (29) et conjugales et familiales (24) ont fait l’objet de plusieurs articles ou entrevues. Ces articles étaient majoritairement francophones. Les répercussions financières (11) et judiciaires (6) sont les deux répercussions qui ont fait couler le moins d’encre dans les médias de masse; ceci se reflète également dans les arènes scientifique et psychosociale.

416 Canoë (10 février 2009); The Globe and Mail (31 octobre 2008); Winnipeg Free Press (27 juillet 2006).

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Suite à notre analyse ci-dessus, on constate que plusieurs controverses et questionnements persistent concernant le lien direct à établir entre l’utilisation d’Internet et ses répercussions possibles. Certains s’interrogent sur la nature et l’intensité des conséquences qui seraient engendrées par la « cyberdépendance »; sont-elles aussi sévères que celles associées au jeu pathologique et aux troubles liés aux substances? Peuvent-elles entrainer une détresse ou une souffrance psychique significative aussi importante que les autres dépendances?417 Est-il possible de ressentir des symptômes de sevrage lors d’une diminution ou de l’arrêt au même titre que l’utilisateur de psychotropes ou du jeu? Les chercheurs Beranuy, Carbonelle et Griffiths (2013) et Block (2008) semblent croire que les conséquences sont comparables aux autres problèmes de dépendance418. Au contraire, pour Wood (2008),419 les conséquences rapportées le plus souvent par les personnes considérées être « cyberdépendantes » semblent moins néfastes que celles éprouvées par les consommateurs de substances ou les joueurs. Même si l’on observe une augmentation significative de la littérature sur le sujet ces dernières années, ces questions n’ont pas encore obtenu de réponses scientifiquement suffisantes. D’ailleurs, la réticence à intégrer la « cyberdépendance », comme nouvelle « maladie » dans la cinquième version du DSM, serait attribuable en partie à la controverse entourant la nature, le niveau de sévérité et l’étendue de ces répercussions sur l’individu (Dufour et coll., 2014).

Au terme du présent chapitre, quelques conclusions ressortent de nos analyses. Dans un premier temps, parmi les symptômes cliniques que l’on tente de définir comme étant des répercussions biomédicales à la dépendance à Internet, notre analyse a mis en lumière la multiplicité des recherches listant toute une série de symptômes physiologiques (ex. : maux de dos, migraines chroniques, insomnie, sécheresse des yeux, problème de posture, trouble musculosquelettique, etc.) qui seraient attribuables à la pathologie de la « cyberdépendance ». L’identification des « symptômes » physiques nous ramène à une vision médicale; l’individu est « malade » et il se voit

417 Dufour (mars 2012); Dufour et coll. (janvier 2013); Vachon (janvier 2007). 418 Beranuy, Carbonelle et Griffiths (2013; Block, 2008, cité dans Dufour et coll. 2014). 419 Cité dans Dufour et coll. (2014).

217 dans l’obligation de se faire soigner par un professionnel de la santé, en l’occurrence un médecin. De plus, parmi cette liste exhaustive de problèmes, nous constatons que certains d’entre eux seraient directement associés à une mauvaise posture devant l’ordinateur et à une utilisation prolongée. Ces nouveaux maux ou « maladies » de l’ordinateur n’ouvriraient-ils pas grande la porte à l’intervention d’autres professionnels de la santé? Ainsi, les physiothérapeutes sont de plus en plus interpellés pour soigner ces problèmes physiques liés à l’utilisation de l’ordinateur, comme le précisait Marc Rizzardo, physiothérapeute de Burnaby en Colombie- Britannique, au quotidien anglophone le Winnipeg Free Press (27 juillet 2006). Il estimait, déjà en 2006, que plus de 20 % de la clientèle en physiothérapie à travers le Canada serait attribuable à l’utilisation excessive de l’ordinateur (Winnipeg Free Press, 27 juillet 2006).

Dans un deuxième temps, pour Ehrenberg (2005), l’atteinte psychique est considérée comme un mal au moins aussi grave que l’atteinte corporelle et, souvent, plus insidieux (p.18). À cet effet, notre analyse a mis en exergue la possibilité que certains individus présentent des problèmes de dysfonctionnement psychosocial associés à une détresse concomitante (ex. : souffrance psychique) cliniquement significative à la suite d’une utilisation dite pathologique d’Internet, ou qu’ils aient ressenti des symptômes de sevrage lors de tentatives de diminution ou d’arrêt de la pratique d’Internet. Le nombre de situations ou de circonstances où socialement les individus se réfèrent à la notion de « souffrance » et particulièrement à la « souffrance psychique » a augmenté à un point tel que cette notion semble être devenue pour Ehrenberg (2005), la raison principalement invoquée pour expliquer un problème (p.33).

Alors que tout le monde souffre, parle de souffrance et a le droit à la reconnaissance de sa souffrance, Minotte et Donnay (2010) et Otero (2012) et Pies (2009) nous amènent à réfléchir sur la notion de souffrance. Pour eux, il ne faut pas entendre la souffrance psychique elle-même du patient, mais bien regarder comment elle se traduit dans des termes purement médicaux, pour y voir une pathologie. À

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force de nommer la souffrance psychique et la traiter comme une maladie, on la fait exister comme une maladie (Perry, 2001). Pour Pies (2009), ce sont avant tout la perception et le ressenti de la personne sur sa souffrance psychique qui serviraient d’alarme au déclenchement d’un processus de pathologisation (p. 34). Or, pour Peele (2012), les critères de perception et de ressenti sont deux critères subjectifs — inscrits au sein d’une culture particulière et observés à un moment bien précis —, qui définissent les critères normaux de fonctionnement social, mais qui laissent toute la place à l’interprétation (cité dans Bueno, 2014). Comme le ressenti subjectif d’un individu n’appartient qu’à lui-même et que personne d’autre que lui ne peut prétendre y avoir un accès direct, alors comment peut-on identifier et évaluer cette souffrance?

Pour les tenants de la maladie mentale, il suffit de mesurer la souffrance psychique à l’aide d’échelles standardisées pour déterminer la présence d’une pathologie (Ramus, 2013b). Cependant, avant de résoudre cet enjeu de classification et d’identification discuté au chapitre 5, il faut d’abord que les tenants de cette approche arrivent à s’entendre sur un ensemble de critères qui permettrait d’identifier la « cyberdépendance » comme pathologie. Cet ensemble de critères permettrait, par la suite, à bâtir les échelles standardisées préconisées.

Dans un troisième temps, notre analyse a mis clairement en évidence que les médias de masse contribuent largement à construire et à propager leurs versions des répercussions et des dangers qui seraient liés à l’utilisation dite excessive d’Internet. Les acteurs médiatiques font également office de relais entre les arènes scientifique et psychosociale. Ils contribuent à transférer et à faire circuler dans l’espace public les constructions sociales des acteurs sociaux des autres sphères. Les médias de masse orchestrent des interventions variées et nombreuses pour « exposer » à la population les risques et le danger d’utiliser excessivement Internet. Les acteurs de la sphère médiatique disposent pour ce faire, d’outils de communication efficaces, à large spectre et jouissant d’une grande visibilité.

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En résumé, nous venons d’exposer, à partir des différents discours des acteurs sociaux qui se meuvent au sein des trois sphères d’influence à l’étude, l’importance, pour eux, de tenir compte de facteurs de risque et de l’apparition de conséquences négatives reliées à une utilisation dite excessive d’Internet pour comprendre la survenue dudit problème chez un individu. Par leur démonstration, les acteurs sociaux ont souligné l’impact que pourraient avoir les facteurs de risque dans l’émergence d’une « cyberdépendance » et les conséquences négatives qui seraient reliées à une utilisation dite excessive d’Internet.

Dans leur parcours de construction sociale de la « cyberdépendance », ces acteurs poursuivront leur mobilisation et leurs revendications en proposant différentes modalités de régulation sociale de la « cyberdépendance » s’inscrivant à l’intérieur d’un continuum d’intervention. Ces modalités de régulation sociale sont discutées dans le septième chapitre d’analyse.

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Chapitre 7 : Réagir à la « cyberdépendance » : la construction de pratiques de gestion et de régulation sociale

Dans ce septième et dernier chapitre, nous poursuivons l’analyse des revendications amorcée par les acteurs sociaux dans les différentes arènes publiques pour faire reconnaitre la « cyberdépendance » comme problème public. Le point de départ de la définition d’un problème consiste à circonscrire et à clarifier ce qui est jugé indésirable dans la situation initiale afin de savoir ce sur quoi il conviendrait de réagir. Donc, l’enjeu clé pour tous ces acteurs est de déterminer qui réussira à s’imposer comme « propriétaire » dudit problème. Gusfield (2009) réfère au titre de « propriété », car pour lui tous les groupes ne sont pas égaux concernant leur capacité, leur pouvoir, leur influence et leur autorité à orienter la définition publique d’un problème. Ainsi, un ou plusieurs groupes d’acteurs en viennent, au terme de différentes controverses et batailles, à « contrôler » les modes de définition et à orienter la prise en charge et la résolution dudit problème. Si possible, ils s’assureront d’obtenir l’exclusivité en se spécialisant dans ce domaine d’action publique et en acquérant une compétence d’expertise reproduite à travers des formations, des conférences, etc. (Gusfield, 2009).

Dans le présent chapitre, les défenseurs du désordre des dépendances et les tenants du trouble de santé mentale tentent de s’arroger la reconnaissance du problème ou de se voir accorder la responsabilité exclusive de le réguler. L’objectif de notre chapitre est de mettre en exergue les avenues privilégiées par les différents acteurs sociaux quant au choix des modalités de gestion et de régulation sociale dudit problème. Ainsi, ce chapitre exposera les principales constructions discursives, les stratégies de légitimation, les enjeux et les intérêts des principaux acteurs sociaux qui participent à la formulation de modalités de gestion et de contrôle social afin de réagir socialement à la « cyberdépendance » dont l’évidence même ne semble plus faire aucun doute aux yeux des principaux protagonistes.

221

Dans notre analyse, toutes les modalités d’intervention privilégiées par les différents acteurs sociaux canadiens et québécois œuvrant au sein des trois arènes à l’étude s’inscrivent dans un continuum de soins et de services. Ce continuum est reconnu en matière de santé publique dans des contextes de lutte contre les problèmes sociaux. Pour Brisson (2014), parler de « continuum suppose qu’une intervention, quelle qu’elle soit, est une action posée dans le temps, à un moment ou l’autre d’une continuité d’évènements » (p. 19). Intervenir peut se concevoir sous forme d’une séquence où l'on retrouve essentiellement trois phases : avant, pendant ou après la survenue d’une situation qui pose problème, qui est socialement jugée indésirable et que l’on cherche à éviter (avant), contrôler (pendant) ou éliminer (après) (Brisson, 2014, p. 19). S’inspirant de ce découpage temporel, ce chapitre est divisé en trois parties. La première regroupe les modalités d’intervention se situant dans le premier moment interventionniste soit l’intervention préventive dans laquelle trois stratégies d’action semblent prédominer dans les narratifs analysés : les stratégies communicationnelles, éducatives et environnementales. Ces stratégies sont utilisées par les acteurs sociaux du Canada et du Québec et seront discutées au point 7.1. Le point 7.2 regroupe les modalités construites dans le deuxième moment, soit celui du repérage systématique et de l’intervention précoce. La troisième partie fait l’objet d’un article scientifique inséré dans le présent chapitre, brossant un tableau des principales modalités d’intervention curative de la « cyberdépendance » qui sont mises de l’avant par les acteurs sociaux, et présentant les ressources qui offrent les services de « traitement » de la « cyberdépendance ». Cet article représente le troisième moment interventionniste et est discuté au point 7.3. Mentionnons que les trois arènes à l’étude alimentent abondamment la construction sociale des trois temporalités de l’intervention.

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7.1 Le premier moment de l’intervention : la prévention

D’après le spécialiste canadien de la prévention en matière de drogues, Ken Low (1979)420, c’est dans cette phase que des mesures d’anticipation sont développées pour empêcher qu’un état indésirable ne se produise. À cet effet, le regard de la médecine préventive et de la santé publique se pose en amont du développement de la « maladie » pour cibler l’individu ou la population à risque de développer la maladie, le malade en devenir, en quelque sorte (Collin et David, 2016). Notre analyse mettra ainsi en lumière les différents acteurs sociaux provenant des sphères d’influence de la science, du psychosocial et des médias qui insistent sur l’importance de la prévention afin d’éviter l’émergence de la « cyberdépendance » et qui proposent différents moyens d’y parvenir. Pour ce faire, nous nous sommes inspirées de la catégorisation retenue par Brisson (2014) afin de classifier les moyens ou les actions préventives promulguées par les acteurs sociaux. Trois stratégies de légitimation émanent de cette catégorisation : les stratégies communicationnelles, éducatives et environnementales.

Trois modalités sont utilisées par les différents acteurs sociaux pour transmettre leur construction de la problématique de « cyberdépendance ». La première est celle de la présentation en personne et inclut toutes les prestations de type public (ex. : conférence grand public, etc.). La deuxième modalité propose l’utilisation de documentations écrites ou visuelles telles que les publications et les imprimés (ex. : dépliants, brochures, guides, rapports ou livres). La dernière modalité rassemble toutes activités dont le support principal est autre que l’imprimé et le contact direct; ce sont les produits audiovisuels et multimédias (ex. : séquences vidéos, émissions de télé, etc.) (Brisson, 2014). Nous ajoutons à cette dernière modalité, la presse écrite. Nous justifions cet ajout par le fait que l’utilisation de la presse écrite s’est avérée la stratégie communicationnelle privilégiée par bon nombre

420 Low, K. (1979). La prévention. Connaissance de base en matière de drogue. Ottawa, Canada : Groupe de travail fédéral- provincial sur les problèmes liés à l’alcool, p. 11 (cité dans Brisson, 2014, p. 18).

223 d’acteurs sociaux dans le processus de construction sociale de la « cyberdépendance », et ce, tant au Canada qu’au Québec, et ce, depuis 1996.

7.1.1 Prévention de la « cyberdépendance » : stratégies communicationnelles

7.1.1.1 Prestations de type public

Le leadership semble provenir de la province québécoise concernant la prévention de la « cyberdépendance ». À cet effet, les acteurs québécois des milieux scientifiques et cliniques semblent être davantage proactifs dans l’utilisation de stratégies communicationnelles comme modalités d’intervention préventive. Si nous tournons notre regard du côté du jeu pathologique, nous remarquons que les acteurs québécois et plus précisément le chercheur et professeur québécois Robert Ladouceur ont également joué un rôle majeur dans ce domaine de recherche et du traitement; ils sont des références mondiales421. Il se pourrait que le champ des dépendances soit un domaine qui suscite particulièrement l’intérêt des chercheurs et des cliniciens québécois. Parmi ces acteurs québécois, les psychologues dominent par leur présence et ils contribuent largement à la diffusion des connaissances actuelles sur les risques qu’ils estiment reliés à l’émergence de la pathologie de la « cyberdépendance » et à la construction sociale de dangers qu’ils estiment être reliés à une utilisation dite abusive d’Internet. Parmi eux, le psychologue québécois Rochon (2004) est d’avis que la meilleure stratégie de prévention est celle de l’information. Pour ce faire, les idées de prévention doivent être diffusées partout dans les écoles primaires et secondaires, les milieux de travail, etc. Peu importe le moyen, tous les adeptes des activités communicationnelles estiment qu’il est impératif d’informer le public sur l’émergence du phénomène de la « cyberdépendance ». Dans cette veine, différents acteurs sociaux des sphères scientifique et psychosociale ont contribué à la

421 Robert Ladouceur a été professeur à l’École de Psychologie de l’Université Laval au Québec. Monsieur Ladouceur est un pionnier dans le domaine du jeu pathologique et une autorité reconnue à l’échelle internationale en ce domaine. En 1996, il a reçu le National Award du National Council on Problem Gambling des États-Unis, pour sa contribution exceptionnelle à la recherche et à l’intervention. Il a publié plus de 200 articles scientifiques pertinents au jeu, présenté plus de 400 communications scientifiques et a écrit ou a édité plusieurs livres. Repéré sur le site de Robert Ladouceur http://gambling.psy.ulaval.ca/le_centre/lhistorique_et_les_activites_de_notre_centre/robert_ladouceur/

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dissémination de certains discours basés sur les connaissances les plus récentes concernant les risques liés à l’usage d’Internet, notamment par des interventions destinées au grand public telles que les conférences422. Or, c’est en multipliant le nombre de telles représentations publiques sur les risques liés à l’usage d’Internet, que les acteurs sociaux cherchent à légitimer et mettre en œuvre leurs stratégies d’intervention préventive. Mentionnons que les psychologues québécois Jean-Pierre Rochon et Marie-Anne Sergerie ont participé activement à une telle stratégie de légitimation en prononçant régulièrement des conférences pour le grand public423. Dès la fin des années quatre-vingt-dix, Rochon a été le premier à présenter sa perception de la « cyberdépendance » dans les conférences grand public, non seulement au Québec, mais partout au Canada. Il est fort probable qu’en tant que pionner il ait réussi à capter l’attention de certains groupes d’acteurs sociaux des sphères scientifique et psychosociale qui auraient vu l’occasion de s’accaparer un nouveau créneau de recherche ou d’intervention.

De plus, les adeptes des activités communicationnelles des sphères de la science et du psychosocial revendiquent l’importance de faire de la prévention et ils transmettent, dans leurs contenus, leur propre vision de la « cyberdépendance » par le biais de différentes documentations écrites ou visuelles (rapports, publications, dépliants, etc.).

7.1.1.2 Documentations écrites et visuelles sur la prévention de la « cyberdépendance » : rapports, publications et dépliants

La majorité de la documentation écrite ou visuelle, composant notre corpus documentaire, provient du Québec. Parmi les différentes initiatives québécoises, des acteurs sociaux de la sphère scientifique ont publié trois rapports entre 2006 et

422 Tremblay (2008). Arène médiatique : La Presse (1er février 2010b). 423Les informations ont été répérées à partir du site personnel du psychologue Jean-Pierre Rochon à http://www.psynternaute.com/html/entrevues.html; Sergerie (2010); Repéré à partir du site personnel de la psychologue Marie- Anne Sergerie à http://www.cyberdependance.ca/cyberdependancenews.html Arène médiatique : Canoë (4 juillet 2011).

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2011424. Ces acteurs ont été les premiers, à notre connaissance, à publier des écrits mettant en lumière le phénomène de la « cyberdépendance ». Parmi les stratégies de légitimation utilisées par les auteurs de ces rapports afin de faire connaitre au grand public leur construction sociale de la « cyberdépendance », mentionnons l’utilisation des différentes plateformes médiatiques. Entre 2006 et 2012, sept plateformes majoritairement francophones (CNW Telbec, CTV, Le Devoir, Le Droit, L’Express, Radio-Canada, TVA) ont donné la parole aux différents acteurs, et ce, à neuf reprises425. Parmi les autres initiatives, soulignons l’importante contribution d’acteurs du Québec dans la publication de six livres ou chapitres de livres abordant les différents aspects de l’utilisation d’Internet et ses différentes applications426. Précisions que parmi ces ouvrages, le psychologue Jean-Pierre Rochon (2004) est le premier et le seul à publier un livre intitulé « Les Accros d’Internet » consacré entièrement à la problématique de la « cyberdépendance ».

D’après l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal (2011), les outils disponibles actuellement au Québec viseraient surtout l’information. À cet effet, quatre outils publiés sous forme de guides d’information font partie intégrante des activités préventives dispensées par les différents acteurs sociaux de la sphère psychosociale. Ces guides offrent un soutien complémentaire permettant de bien comprendre les présupposés ravages qui seraient causés par une utilisation dite abusive d’Internet afin de les prévenir. À cet effet, le ministère de l’Éducation de l’Alberta a publié, en 2010, un document de prévention à l’intention des parents, des élèves et des professeurs (Rioux, 2010). Pour leur part, le service de psychologie de l’Université de Moncton au Nouveau-Brunswick (n.d.) et le Centre de santé et de consultation psychologique de l’Université du Québec à Montréal (2012) ont publié des guides de prévention des usages problématiques d’Internet à l’intention des

424 Vaugeois (2006). Cyberdépendance : Fondements et perspectives. Montréal, Canada : Centre québécois de lutte aux dépendances; Biron et coll. (2011). Les préoccupations et les impacts associés à l’utilisation d’Internet dans les milieux des jeunes d’âge scolaire. Montréal, Canada, Direction de la santé publique. Agence de la santé et des services sociaux de Montréal; Nadeau et coll. (2011). La cyberdépendance état des connaissances, manifestations et pistes d’intervention. Montréal, Canada : Institut universitaire sur les dépendances. 425 CNW Telbec (14 février 2012); CTV (22 octobre 2008); Jour de plaine à Radio-Canada (n.d. 2012); Le Devoir (3 novembre 2006, 15 février 2012); Le Droit (11 février 2008b); à l’Île-du-Prince-Édouard à Radio-Canada (n.d., 2012); L’Express (9 décembre 2008); Salut Bonjour à TVA (15 février 2012). 426 Coulombe (2003); Fisher (2001); Pastinelli (2003); Proulx (2004); Rochon (2004); St-Yves (2011).

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étudiants universitaires. La ressource canadienne privée Optima Santé globale (2012)427 est un groupe phare en matière d’approche intégrée en santé et mieux-être au travail. Spécialisée notamment en prévention, elle a créé un document de référence sur la « cyberdépendance » à l’intention des entreprises.

Dans la construction de la réaction sociale à la « cyberdépendance », la stratégie communicationnelle la plus répandue parmi les adeptes des stratégies communicationnelles est l’utilisation des différentes plateformes médiatiques afin de faire entrer dans le débat public leurs constructions discursives sur la « cyberdépendance », et plus particulièrement celles qui focalisent sur la prévention. Prenant appui sur Langlois (1994), les médias peuvent jouer un rôle clé dans le cas particulier où les problèmes sociaux sont construits comme des enjeux de revendications parce qu’ils peuvent être utilisés pour sensibiliser subtilement la population à une question. En plus d’assurer une visibilité aux problèmes sociaux — plus grande que celle pouvant découler des activités de la seule sphère scientifique — , les médias font passer ces problèmes du domaine privé au domaine public. Les médias peuvent devenir d’importants lieux de débats, de mobilisation et d’enrôlement de nouveaux alliés autour de grandes questions sociales.

Par conséquent, les acteurs médiatiques sont des joueurs importants dans la construction sociale de modalités d’intervention préventive. Or, la construction de nouvelles ou de reportages que les médias opèrent est aussi tributaire de l’implication de sources d’information de plus en plus professionnalisées (ex. : universitaires, cliniciens, etc.)428. Dans le cas qui nous concerne, nos analyses suggèrent que les médias de masse réservent un espace d’expression privilégié — comme nous allons le constater — aux sources d’information qui revendiquent la possibilité de prévenir une dépendance à Internet.

427 D’un océan à l’autre, Optima Santé globale veille sur la santé psychologique et physique de près de 1 000 000 d’employés canadiens. Repéré à http://www.optimasanteglobale.com/a-propos/

227

7.1.1.3 Différentes plateformes médiatiques : écrites, audiovisuels et Web

Dans les milieux scolaires tels que les cégeps et les universités, la question de la « cyberdépendance » et de ses méfaits semble être un sujet d’intérêt pour les étudiants. Dans cette veine, un petit groupe d’étudiants participe au débat actuel sur la construction de modalités préventives en « cyberdépendance » par la fabrication de produits audiovisuels comme moyen stratégique d’information. Ainsi, différentes actions sont menées telles que : (1) la production d’une vidéo de conscientisation diffusée sur la plateforme d’hébergement YouTube429par des cégépiens en techniques en travail social430 (2) la création d’un reportage par un étudiant universitaire en journalisme431 et (3) la conception d’un site Web axé sur la prévention de la « cyberdépendance » par des étudiants universitaires au baccalauréat en travail social.432 De plus, trois psychologues, dont un Canadien (Brent Conrad) et deux Québécois (Jean-Pierre Rochon, Marie-Anne Sergerie) ont eu recours au Web pour publier des informations et offrir des conseils de prévention sur la « cyberdépendance »433; ces sites visent à propager une construction sociale particulière du supposé phénomène de la dépendance à Internet.

Nous ajoutons à cette catégorie, la mobilisation par les acteurs sociaux de différentes plateformes médiatiques soit les émissions radiophoniques, les reportages télévisuels ou les entrevues dans la presse écrite. Les différents acteurs sociaux des sphères scientifique et psychosociale utilisent stratégiquement l’espace médiatique comme stratégie de légitimation afin de diffuser leur construction discursive dudit problème. Notons que les acteurs de la sphère médiatique sollicitent également divers

429 En 2009, environ 350 millions de personnes visitent chaque mois ce site de partage de vidéos. En 2010, YouTube annonce avoir franchi le cap des deux milliards de vidéos vues quotidiennement. Dans Wikipédia l’encyclopédie libre. Repéré le 11 janvier 2016 à https://fr.wikipedia.org/wiki/YouTube 430 Jasmin-Tessier, A. [MrAbyboy]. (2009, 3 novembre). Vidéo de conscientisation réalisée par des étudiants en travail social du Cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec). [En date du 10 mars 2017, la vidéo a été visionnée plus de 8095 fois]. Repéré à https://www.youtube.com/watch?v=E6piE6g02KI&feature=related 431 Étudiant universitaire en journalisme à l’Université de Sherbrooke. Breton, K. [meig2401]. (2012, 21 septembre). En date du 10 mars 2017, la vidéo a été visionnée 443 fois]. Repéré à : https://www.youtube.com/watch?v=dPyyOTWuMIA 432 Site Web créé par un groupe d’étudiants au baccalauréat en travail social à l’Université du Québec à Chicoutimi (Québec). Repéré à http://www.lacyberdependance.sitew.fr/#Accueil.A 433 Le Psynternaute. Repéré à http://www.psynternaute.com/ Cyberdependance.ca. Répéré à http://www.cyberdependance.ca/

228

experts de ces deux sphères d’influence pour appuyer les versions du « problème » qu’ils aspirent à diffuser au grand public. À cet effet, notre analyse met en lumière qu’au Canada, lorsque vient le temps d’aborder le phénomène de « cyberdépendance », plusieurs acteurs sociaux de différents domaines (médecine, psychiatrie, psychologie, physiothérapie, sociologie, travail social, etc.) font partie du paysage médiatique. Toutefois, certains interlocuteurs ont un accès privilégié aux médias. Mais, c’est dans la province ontarienne que l’essentiel de la construction de la « cyberdépendance » semble se dérouler. Un seul acteur est en piste, le Center for addiction and Mental Health (CAMH). Ce centre est affilié à l’Université de Toronto et il est le plus important organisme canadien œuvrant spécifiquement au niveau de la santé mentale et de la toxicomanie. Il offre une panoplie de services allant de l’éducation à la prévention et au traitement. Un des psychiatres du centre, Bruce Ballon, apparait comme étant l’interlocuteur privilégié des médias anglophones pour discuter de différents volets concernant la prévention de la « cyberdépendance ». Celui-ci a accordé sept entrevues et a été cité comme référence dans six médias majoritairement de tradition libérale (CBC, City News, CTV, RedDeed Advocate, The Globe and Mail, Toronto Star), entre 2009 et 2013434.

Au Québec, la situation est bien différente, cinq acteurs sociaux des sphères scientifique et psychosociale apparaissent être les porteurs de dossier et se sont révélés souvent être des sources médiatiques de choix en s’exprimant régulièrement sur la question de la « cyberdépendance » dans les différentes plateformes médiatiques majoritairement francophones. Ces acteurs sont en grande partie des psychologues soit Jean-Pierre Rochon, Louise Nadeau, Marie-Anne Sergerie et Magali Dufour et la travailleuse sociale Valérie Van Mourik. Notons que sur une période s’échelonnant sur quinze ans, soit entre les années 1996 et 2011, le psychologue Jean-Pierre Rochon a donné treize entrevues à sept médias différents, dont un de langue anglaise435. Rappelons qu’en 1996, ce dernier a été le premier mis à

434 CBC News (16 septembre 2010); City News (11 septembre 2009); CTV News (31 mars 2010); RedDeed Avocate (3 avril 2010); The Globe and Mail (23 aout 2012, 22 aout 2012); Toronto Star (1er février 2013). 435 Canoë (19 février 2001); L’Acadie Nouvelle (4 mai 2011); La Presse (15 juin 2000, 23 octobre 2000, 30 janvier 2010b, 1er février 2010c); Le Soleil (28 avril 1996, 29 mai 2003; 21 aout 2006); Progrès-Dimanche (13 juin 1999); Par 4 chemins de

229 l’agenda médiatique, il a capté l’attention du public en revendiquant l’existence de la « cyberdépendance ». Il était le seul à occuper un espace disponible dans le domaine de l’intervention en dépendance, et il s’arrogea lui-même le titre de « spécialiste » de la « cyberdépendance ». S’il demeura l’une des principales références pour les médias québécois pendant plus d’une dizaine d’années, nous avons par contre constaté que la création de l’Institut universitaire sur les dépendances du Centre Dollard-Cormier, en 2007, par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, entraina un changement radical dans la pratique de sollicitation des médias. Depuis lors, la psychologue, professeure en psychologie à l’Université de Montréal, chercheuse et directrice scientifique de l’Institut universitaire sur les dépendances du Centre Dollard-Cormier Louise Nadeau, sera régulièrement convoitée tant par les différents médias de masse anglophones que francophones qui feront valoir son expertise et sa notoriété dans le champ des dépendances. Depuis, 2008, Louise Nadeau a donné pas moins de seize entrevues dans dix médias différents436. Faut-il ajouter que la psychologue et professeure de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke Magali Dufour, ainsi que la travailleuse sociale Valérie Van Mourik œuvrant au Centre Dollard-Cormier font partie de l’équipe Nadeau et toutes les deux seront sollicitées, à leur tour, pour des entrevues dans les médias francophones. Dufour a donné quatre entrevues dans deux médias francophones entre 2011 et 2013437 et, pour sa part, Van Mourik a été sollicitée à quatre reprises en 2013, par le quotidien La Presse et la Société Radio-Canada438. Un autre acteur social est également présent dans les médias francophones. Il s’agit de la psychologue québécoise Marie-Anne Sergerie qui, sans faire partie de l’équipe de Nadeau, est régulièrement interpellée dans les médias. Cette dernière n’est apparue dans le paysage médiatique que depuis 2009 à notre avis en raison de l’existence de son site Web « cyberdependance.ca » et a été sollicitée par sept médias à plus de onze

Radio-Canada (18 novembre 1998, 24 janvier 2003); TVA Nouvelles (11 mars 2006, n.d., 2008); Winnipeg Free Press (27 juillet 2006). 436 City News (22 octobre 2008, 11 septembre 2009); CNW Telbec (14 février 2012); CTV News (2 octobre 2008, 22 octobre 2008); Express Toronto (9 décembre 2008); La Presse (1er février 2010a, 2010c); Le Devoir (15 février 2012); Le Soleil (19 décembre 2012); Radio-Canada : Jour de plaine (n.d. 2012), L’après-midi porte conseil (n.d., 2010), Téléjournal (27 octobre 2008, 7 mars 2011); Rue Frontenac (29 janvier 2011); Toronto Star (1er février 2013). 437 La Tribune (28 décembre 2011); Radio-Canada : Le Réveil, Île-du-Prince-Édouard (n.d., 2012), Le Réveil, Nouveau- Brunswick (n.d., 2012); Téléjournal (18 janvier 2013). 438 La Presse (10 novembre 2013); Radio-Canada : Première Heure (n.d., 2013); Téléjournal (7 mars 2011, 18 janvier 2013).

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reprises439. La Société Radio-Canada lui a donné la parole plus de cinq fois.

En s’appuyant sur les sources susmentionnées, les médias occupent une place centrale dans la production et surtout la diffusion de revendications cherchant à prévenir la « cyberdépendance ». Le traitement médiatique tient en 54 entrevues, majoritairement francophones (n = 39), qui ont été diffusées sur plus de vingt-deux plateformes différentes. Or, parmi les médias de masse participant à cette construction, notons la présence fréquente de la Société Radio-Canada/CBC. Aussi, depuis 1998, à travers ses différentes plateformes de diffusion partout au pays, Radio- Canada a nourri le débat public sur la « cyberdépendance » sous l’angle de la prévention, et ce, à 18 reprises; ce qui fait de ce média un acteur clé important.

Tel que nous l’avons mentionné ci-dessus, les médias tendent à favoriser généralement les intérêts des sources faisant autorité dans leur rôle de diffuseur d’information. Cela dit, comment une « position d’autorité » se détermine-t-elle? Nous nous sommes inspirées du concept de classe sociale de Bourdieu (1994) selon lequel « à chaque position est associé un degré de propriété ou de pouvoir déterminé par la capacité à y mobiliser des capitaux spécifiques, mais [sert] aussi pour interpréter les pratiques de classement des agents » (Bourdieu, 1994, p. 20). L’espace social est construit de telle manière que les agents ou les groupes y sont distribués selon le volume global du capital qu’ils possèdent. Ainsi, les détenteurs d’un fort volume de capital global seraient, selon lui, les professeurs d’université, les cadres publics, les employés des services médico-sociaux, etc. Suivant cette logique, nous pensons que l’Institut universitaire sur les dépendances du Centre-Dollard Cormier au Québec et le Center for Addiction and Mental Health sont détenteurs d’un capital global important. Ces deux ressources ont déjà acquis une certaine notoriété dans le domaine des dépendances et de la santé mentale et elles sont soutenues par les gouvernements québécois et canadien dans la recherche sur les dépendances et la santé mentale. De plus, elles sont représentées par des porte-paroles — provenant du

439 Canoë (10 février 2009); CNW Telbec (13 décembre 2010); Journal de Montréal (12 janvier 2009); La Presse (20 septembre 2009); La Voix de l’Est (29 janvier 2011); Le Soleil (15 octobre 2010); Radio-Canada : (2 mars 2010); Émission Désautels (n.d.. 2010); L’après-midi porte conseil (n.d. 2010); Radiojournal (30 octobre 2010); Téléjournal (n.d. 2009).

231 domaine universitaire et de professions libérales comme la psychiatrie, la psychologie et le travail social — tous reconnus pour leurs expertises.

Les médias, en appuyant leurs reportages et leurs nouvelles sur les visions entretenues par ces deux gros joueurs, assoient facilement la légitimité de leurs propres constructions médiatiques. Pour ces acteurs, se voir accorder prioritairement un espace médiatique leur donne un avantage sur les autres acteurs sociaux qui ne jouissent pas du même privilège. Les médias ont donc permis à certains acteurs sociaux canadiens et québécois, porteurs d’un discours à tendance médicalisante sur la « cyberdépendance », de bénéficier d’une large exposition médiatique qui a contribué à solidifier et à répandre leurs revendications d’expertise, parmi lesquelles figurent d’abord, la mise en exergue des dangers potentiels reliés à un usage jugé excessif d’Internet, et ensuite, des stratégies préventives jugées essentielles à la disparition de tels dangers.

Le prochain point argumentaire décrira la deuxième catégorie de stratégies préventives : les stratégies éducatives. Nous exposerons le seul type d’activités recensées et utilisées par les différents acteurs sociaux des arènes scientifique, psychosociale au Canada et au Québec, soit les ateliers. Les médias ont servi de relais afin de permettre au grand public d’être informé de ces différents types d’activités.

7.1.2 Prévention de la « cyberdépendance » : stratégies éducatives

Si plusieurs visées éducatives peuvent être poursuivies par les acteurs concernés par la prévention (ex. : habiletés à faire de meilleur choix, utilisation saine d’Internet, résolution de problèmes, etc.), la caractéristique centrale de ces activités est la mise en pratique d’un nouveau savoir-faire et savoir-vivre par l’utilisation d’ateliers (Brisson, 2014). Les stratégies éducatives ont été adoptées par plusieurs acteurs sociaux dans les sphères scientifique et psychosociale. Les médias de masse ont été également mis à contribution pour les faire connaitre au grand public et ainsi

232

solidifier les prises de position discursives des acteurs issus de la science et du domaine psychosocial.

7.1.2.1 Ateliers préventifs sur l’utilisation d’Internet

Si, dans le chapitre précédent, certains acteurs sociaux des sphères de la science et du psychosocial ont identifié les adolescents comme étant une « population à risque » de développer des problèmes avec l’utilisation d’Internet, d’autres acteurs jugent important d’intervenir dès le jeune âge avant l’apparition des premiers symptômes. Dans une perspective de prévention, les tenants des stratégies éducatives proposent donc d’intervenir auprès des enfants et de leurs parents. Dans cette veine, Berge et Garcia (2009) jugent que la prévention débute a priori par l’éducation des parents sur l’utilisation des technologies utilisées par leurs jeunes afin qu’ils puissent développer des compétences. La prévention, comprenant nécessairement plusieurs aspects, passe d’abord par l’enseignement et la transmission de savoirs pour une meilleure utilisation de l’outil Internet. Dès l’entrée à l’école, ou au début de l’utilisation d’Internet de leurs enfants, les parents devraient les accompagner dans leurs utilisations et les sensibiliser aux conséquences du dévoilement d’informations personnelles, à l’importance d’être sélectif sur le contenu écrit placé sur Internet, à la pertinence de publier ou non et à leur apprendre en tout temps à se questionner avant de divulguer quoi que ce soit, etc.440 .

Neuf plateformes médiatiques majoritairement francophones participent à treize reprises à la publicisation des différents conseils de prévention émis par les différents acteurs des arènes scientifique et psychosociale441. Certaines initiatives d’éducation sont prises par différents milieux scolaires primaires ou secondaires de l’ensemble du pays et de la province du Québec. En effet, quelques milieux scolaires

440 Berge et Garcia (2009); Beaulieu (2012); Biron et coll. (2011); cyberdependance.ca (2008); Laflamme (mai 2011); Tétrault (octobre 2012); Tremblay (2008); Van Mourik (n.d., 2011). 441 CTV News (n.d., 2008, 25 février 2008, 31 mars 2010); FCPQ — YouTube (13 janvier 2013); Huffington Post (27 mars 2013, 12 avril 2012); Journal de Montréal (20 mai 2010); L’après-midi porte conseil à Radio-Canada (n.d., 2010); Le Soleil (28 mai 2007a, b); La Voix de l’Est (29 janvier 2011); Première Heure Radio-Canada (n.d. 2013); The Globe and Mail (23 aout 2012); Winnipeg Free Press (10 mai 2003, 22 avril 2010).

233 offrent différents ateliers de sensibilisation et font des campagnes de prévention. D’autres visent plutôt le développement de l’éthique et du savoir-vivre des adolescents concernant l’utilisation d’Internet442. Sept plateformes médiatiques majoritairement francophones ont relayé l’information concernant certaines initiatives de prévention entreprises par les milieux scolaires443. Nous n’avons répertorié qu’un seul atelier d’information, de prévention et de détection de la « cyberdépendance » offert à une clientèle adulte par le Centre de thérapie Casa (2011)444.

L’énumération des stratégies communicationnelles et éducatives promulguées par les acteurs sociaux principaux, effectuée ci-dessus, ne serait pas complète sans tourner notre regard vers l’utilisation de stratégies de type environnemental. Dans ces stratégies, on regroupe les moyens préventifs privilégiés par les acteurs des sphères scientifique, psychosociale et médiatique.

7.1.3 Prévention de la « cyberdépendance » : stratégies environnementales

Selon Brisson (2014), la mise en place de stratégies environnementales a pour objectif de limiter ou d’empêcher certains comportements qui seraient associés à des situations jugées indésirables telles que l’utilisation abusive d’Internet. Nos analyses montrent que deux types de mesures de contrôle de l’utilisation d’Internet sont utilisés comme stratégies de prévention par les acteurs des sphères de la science et du psychosocial : 1) les mesures politiques et législatives (ex. : principes ou programmes se traduisant en directives, s’appuyant sur des lois et règlements, modification de mesures ou lois existantes ou de leur application); 2) les mesures réglementaires et contractuelles (ex. : application de politiques, lois, codes de conduite encadrant l’utilisation d’Internet, protocoles, etc.).

442 Berger et Garcia (2009); Biron et coll. (2010); Biron et coll. (2011); Laflamme (mai 2011). 443 Canoë (7 novembre 2008); CTV News (31 mars 2010); L’Acadie Nouvelle (4 mai 2011); L’après-midi porte conseil à Radio- Canada (n.d., 2010); Le Soleil (19 octobre 2007); Radio-Canada (15 février 2012, 12 octobre 2012); The Globe and Mail (23 aout 2012). 444 Le Centre Casa est un organisme à but non lucratif pour les adultes aux prises avec des problèmes de jeu excessif, de cyberdépendance, de dépendance à l’alcool, aux drogues ou aux médicaments. Repéré sur le site du Centre le 11 janvier 2016 de http://www.centrecasa.qc.ca/

234

7.1.3.1 Mesures politiques et législatives du contrôle de l’utilisation d’Internet

Dans les chapitres précédents, nous avons vu que certains acteurs avaient sonné l’alarme quant à l’« urgence » d’intervenir face à cette nouvelle « épidémie ». Sommes-nous réellement en face d’une crise de santé publique? Si nous nous en remettons à notre analyse des données recueillies, les interventions préventives répertoriées proviennent essentiellement d’initiatives d’institutions privées et communautaires; aucune d’entre elles n’est gouvernementale. À cet effet, les gouvernements du Canada et du Québec ne semblent pas voir l’urgence de promulguer des lois ou des politiques sociales régulant la « cyberdépendance », et ce, malgré le discours ambiant soulignant, par moment, la dangerosité de celle-ci et de ses répercussions possibles. Nos recherches arrivent au même constat que celui des autres acteurs sociaux; aucune mesure politique ou législative visant spécifiquement la prévention de la « cyberdépendance » n’a été émise à ce jour445. Nous constatons que le gouvernement canadien préfère axer sa stratégie sur la protection et la sécurité des jeunes et sur la lutte contre les cyberprédateurs sexuels plutôt que sur la prévention dudit problème (Lamy, janvier 2007). Dans cette veine, deux initiatives ont vu le jour. La première est la mise sur pied du site Web Cyberaide.ca446 une centrale canadienne de signalement des cas d’exploitation sexuelle d’enfants sur Internet. Ce site Web relève du Centre canadien de protection de l’enfance voué à la sécurité personnelle des enfants. Cyberaide.ca constitue un service pancanadien de signalement d’enfants exploités sexuellement sur Internet et il a été intégré en 2004 à la Stratégie nationale du gouvernement canadien pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle sur Internet. Ce service Web reçoit et analyse les signalements du public relativement à du matériel potentiellement illégal et à des activités liées à l’exploitation sexuelle. Le site constitue aussi un centre d’informations sur la sécurité des enfants naviguant sur le Net. La deuxième initiative est le site Internet 101 : Naviguez en toute sécurité, hébergé à la Gendarmerie royale

445 Lamy (janvier 2007); Sergerie (2011, cités dans Beaulieu, 2012). Arène médiatique : Téléjournal/Le Point Radio-Canada (7 mars 2011). 446 Cyberaide.ca reçoit 3 000 signalements et cumule 80 000 pages vues en moyenne par mois. Tout signalement concernant un incident jugé contraire au Code criminel du Canada est renvoyé à la police en vue d’une enquête éventuelle. Toute information concernant un enfant qui pourrait avoir besoin de protection est retransmise au service compétent de protection de l’enfance. Repéré à https://www.cyberaide.ca/app/fr/

235 du Canada447. Son objectif est d’informer comment naviguer d’une façon sécuritaire sur Internet pour éviter les escroqueries, les fraudes en ligne et la cyberintimidation. De plus, ce site vise à établir une passerelle entre les différents sites Web existants, consacrés à la sécurité des jeunes en ligne (Lamy, janvier 2007).

Jetons maintenant un coup d’œil aux mesures réglementaires et contractuelles proposées par certains adeptes des mesures environnementales.

7.1.3.2 Mesures réglementaires et contractuelles de l’utilisation d’Internet

La plupart des mesures réglementaires et contractuelles existantes proviennent des milieux professionnels, car les employeurs disent subir les inconvénients de l’utilisation personnelle d’Internet au travail par leurs employés. Quelques-uns des inconvénients soulignés par les employeurs et abordés au chapitre précédent sont le cyberflânage, la baisse de productivité, le vol de temps, la visualisation de sites pornographiques, la navigation sur les réseaux sociaux, etc. (Beaulieu, 2012; Landry, 2001; Vachon, janvier 2007). Or, Vachon (janvier 2007) estime que pour certains acteurs, nommés « spécialistes » de la « cyberdépendance » (p. 7), des mesures s’imposent. Ces acteurs s’entendent pour dire que les organisations privées, publiques et parapubliques doivent se prémunir contre l’utilisation abusive d’Internet des employés, que ce soit à des fins personnelles ou professionnelles. Dans cette veine, le président-directeur général de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CHRA)448 est d’avis que l’employeur doit établir et diffuser une politique claire concernant l’utilisation d’Internet au travail. Cette politique écrite doit déterminer les limites acceptables des équipements et des plateformes utilisés dans les entreprises durant les heures du travail. De plus, certaines compagnies ont instauré des programmes de filtrage permettant aux superviseurs de connaitre les sites Internet fréquentés par les employés449. D’ailleurs sur ce point, selon une avocate invitée en

447 Repéré à http://www.rcmp-grc.gc.ca/is-si/index-fra.htm 448 Le Soleil (24 février 2001, 15 octobre 2010). 449 Cliche (2001); Davis et coll. (2002); Rochon (2004). Arène médiatique : The Globe and Mail (21 octobre 2002).

236

entrevue au quotidien Le Soleil (24 février 2001), la jurisprudence en matière d’utilisation d’Internet au travail est limpide au Québec : la seule condition essentielle est que l’employeur doit émettre des directives claires concernant l’utilisation d’Internet. Après la mise en place de règles claires, l’employeur peut alors prendre n’importe quel moyen pour « espionner ses employés », car le réseau informatique et les ordinateurs lui appartiennent et une mauvaise utilisation équivaut à un vol de temps de travail, estime cette avocate (p. 1).

Finalement, selon ce que rapporte le quotidien anglophone de la Colombie- Britannique The Province (4 octobre 2011), quelques entreprises iraient même jusqu’à utiliser des stratégies de contrôle plus draconiennes comme exiger de leurs employés le remisage de leur téléphone intelligent avant d’entrer dans les salles de réunion. D’autres feraient signer, à l’embauche, un document interdisant l’utilisation d’Internet à des fins personnelles (Rochon, 2004). Si certaines institutions scolaires adoptent une politique tolérante, d’autres, comme le rapporte le quotidien terre- neuvien The Telegram (15 septembre 2009), exigent que les élèves éteignent leur téléphone cellulaire ainsi que leurs autres appareils électroniques personnels, et que ceux-ci soient hors de portée durant les heures de cours pour ne pas nuire à leur concentration.

Les défenseurs de la « cyberdépendance comme pathologie » poursuivent leur mobilisation afin de construire, cette fois-ci, des pratiques de surveillance (ex. : outils diagnostics, évaluation clinique, etc.) dont le but ultime est de développer des outils standardisés permettant de dépister le plus rapidement possible les populations dites à risque de « cyberdépendance ». La prochaine section expose justement cette deuxième forme d’intervention, soit le repérage systématique et l’intervention précoce face à la « cyberdépendance ».

237

7.2 Le second moment de l’intervention : le repérage systématique et l’intervention précoce

Pour Brisson (2014), le repérage systématique et l’intervention précoce comportent des mesures visant à empêcher la propagation ou la dégénérescence d’un problème par le repérage (identification) des individus ou des groupes qui présenteraient des comportements problématiques ou à risque afin de les orienter vers un traitement approprié. Au fil des ans, quelques outils de repérage et d’évaluation ont été élaborés dans le but de séparer les « utilisateurs dépendants » des « utilisateurs non dépendants »450. Dans cette veine, nous avons répertorié, à l’intérieur des sphères scientifique, psychosociale et médiatique, deux catégories d’outils servant au repérage de la « cyberdépendance » : les outils quantitatifs et les outils qualitatifs.

7.2.1 Les outils de repérage de la « cyberdépendance »

7.2.1.1 Outils de repérage quantitatifs

Dans notre corpus documentaire, il appert qu’en majorité, les acteurs sociaux privilégient des méthodes quantitatives pour repérer la « cyberdépendance ». La principale source d’inspiration des créateurs de tels instruments de mesure quantitative demeure les critères diagnostiques psychiatriques du désordre de dépendance ou du jeu pathologique du DSM. Ainsi, huit questionnaires ont été répertoriés soient : l’Internet Addiction Test (IAT), l’Indice de Détection de la « cyberdépendance » (IDC), l’Internet Addiction Scale (IAS), le Problematic Internet Use Questionnaire (PIUQ), l’Internet Behavior and Attitude Scale (IBAS), le Online Cognition Scale (OCS), le questionnaire de Rochon (Le Psynternaute, 1997) et le Generalized Problematic Internet Use Scale (GPIUS). Nous n’avons pas été en mesure de trouver l’ensemble de ces huit questionnaires de repérage quantitatifs, mais par contre, nous avons mis la main sur certains d’entre eux et ils se retrouvent à

450 Dowling et Quirk (2009; Vaugeois, 2006; Widyanto et Griffiths, 2006; Widyanto et McMurran, 2004, cités dans Brisebois, 2011).

238

l’Annexe J.

Parmi les questionnaires quantitatifs recensés pour mesurer la « cyberdépendance », le plus connu et le plus cité dans les différents acteurs sociaux des arènes scientifique, psychosociale et médiatique est certes l’Internet Addiction Test (IAT) de la psychologue américaine Kimberly Young. L’Internet Addiction Test (IAT) est le tout premier test de repérage de la « cyberdépendance », il a été créé en 1998. Un test de nature psychométrique composé de vingt questions mesurant huit symptômes à l’aide d’une échelle de Likert (0 à 5). Cet instrument mesure trois niveaux de gravité, allant de l’utilisation sans problème à l’utilisation occasionnant des problèmes fréquents ou importants. Comme pour le diagnostic de « cyberdépendance », ce questionnaire est basé sur les critères diagnostiques du DSM. Un grand nombre d’acteurs sociaux de la sphère scientifique et psychosociale se réfèrent à ce questionnaire451. Sept plateformes médiatiques majoritairement anglophones ont diffusé ou porté à l’attention de leurs auditoires respectifs ces questionnaires, et ce, à plus de huit reprises452. De plus, ce test a servi de base à d’autres acteurs sociaux de la sphère scientifique dans l’élaboration de leurs propres versions du test. Dans cette veine, les chercheurs canadiens Ferron et Duguay (2004)453 ont utilisé une traduction française non validée du IAT afin de mesurer la présence de la dépendance à Internet lors d’une étude avec des adolescents. D’autres chercheurs canadiens, notamment Nichols et Nicki (2004)454, ont élaboré l’Internet Addiction Scale (IAS) afin de remédier au manque de validité de l’IAT et ont tenté de mieux évaluer la dépendance à Internet. Cet outil est basé sur les sept critères diagnostiques du DSM-IV reliés à la dépendance aux substances ainsi que sur deux des six critères de dépendance comportementale recommandés par Griffiths

451 Acier et Kern (2011); Bourque et coll. (2011); Brisebois (2011); Conrad (2009); Dufour (mars 2012); Dufour et coll. (octobre 2012); Ferron et Duguay (2004); Garneau (novembre 1999a, 1999b); Goyette et Nadeau (2008); Nadeau et coll. (2011); Nicki et Nichols (2004); O’Reilly (15 juin 1996, 25 juillet 2000); Parker et coll. (avril 2008); Pineault (2008); Rioux (2013); Rochon (2004); Taylor (2008); Vaugeois (2006); Yang et coll (2005); Young (1998; Widyanto et McMurran, 2004; Vaugeois, 2006; Widyanto et Griffiths, 2006; Dowling et Quirk, 2009, cités dans Brisebois, 2011). 452 CBC The Current (1er mars 2013); City News (14 juin 2007; 11 septembre 2009); CTV News (12 janvier 2012); La Presse (15 juin 2000); Le Droit (29 mai 2006); Global News (12 janvier 2012); Toronto Star (1er février 2013). 453 Université de Moncton au Nouveau-Brunswick. 454 Université du Nouveau-Brunswick à Fredericton (Canada).

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(1996)455. Or, cette version française est peu connue puisque seulement deux acteurs dans l’arène scientifique ont mentionné son existence456. Le site Web du centre Casa (2011)457 publicise, pour sa part, le test Indices de Détection de Cyberdépendance (IDC) que les intervenants utilisent auprès de leur clientèle. Or, nous pouvons y lire que ce test se veut plutôt un guide pour orienter les personnes vers de bonnes habitudes de vie qu’un test de repérage. Ce test ne semble pas avoir suscité l’intérêt des acteurs des trois sphères d’influence puisqu’aucun n’en fait mention. Pour leur part, Demetrovis et coll. (2008) proposent le Problematic Internet Use Questionnaire (PIUQ)458. Ces chercheurs se sont également basés sur l’Internet Addiction Test de Young afin de fabriquer leur propre questionnaire de 18 questions sur une échelle de Likert. L’Internet Behavior and Attitude Scale (IBAS) est un questionnaire comprenant 25 items concernant les aspects sociaux de l’utilisation d’Internet et les sentiments de compétence en ligne459. Le Online Cognition Scale (OCS) de Davis est clairement un instrument de mesure multidimensionnel évaluant l’utilisation problématique d’Internet. Il comprend 36 questions sur une échelle de Likert. Il serait plus spécifiquement orienté vers les cognitions liées à l’usage d’Internet. Il contient quatre sous-échelles : la diminution du contrôle des impulsions, la solitude/dépression, l’aisance sociale et le divertissement460. Mentionnons que ces trois questionnaires susmentionnés sont très peu connus des autres acteurs des sphères de la science et du psychosocial. En 1997, le psychologue québécois Jean- Pierre Rochon a élaboré son propre questionnaire de vingt-cinq questions en se basant sur des indices communs des dépendances461. Trois plateformes médiatiques francophones (La Presse, Radio-Canada, TVA) ont fait mention de ce questionnaire à travers les années462.

Le seul questionnaire à se baser uniquement sur des critères de dépendance

455 Les critères de prépondérance (salience) et de la modification de l’humeur ont été retenus (Griffiths, 1996, cité dans Brisebois, 2011; Vaugeois, 2006). 456 Brisebois (2011); Vaugeois (2006). 457 Centre de thérapie québécois. Repéré à http://www.centrecasa.qc.ca/page.php?nom=presentationducentrecasa 458 Cités dans Brisebois (2011). 459 Morahan-Martin et Schumacher (2000, cités dans Davis et coll., 2002; Davis, 2003). 460 Davis et coll. (2002); Davis (2003). 461 Ce questionnaire était disponible sur le site Web Le Psynternaute.com. Les résultats étaient comptabilisés immédiatement et donnaient le résultat. Or, en date du 20 janvier 2016, il n’était plus accessible en ligne. 462 La Presse (15 juin 2000); Radio-Canada (2 mars 2010); TVA (n.d. 2008); Zone Libre Radio-Canada (24 janvier 2003);

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comportementale est le Generalized Problematic Internet Use Scale (GPIUS) développé par Caplan (2002)463. Ce test comprend 29 questions sur une échelle de Likert. Selon Vaugeois (2006), c’est le seul test de « cyberdépendance » qui soit basé sur une théorie fondée sur le modèle cognitivo-comportemental de l’usage pathologique de l’Internet, celle de Davis (2001). Il porte uniquement sur les utilisations problématiques généralisées d’Internet464. Il a été conçu au départ pour mesurer à la fois les cognitions, les comportements et les conséquences inadéquates liées à l’utilisation problématique généralisée d’Internet et non dans une visée d’intervention auprès des personnes considérées être aux prises avec une utilisation dite excessive d’Internet (Brisebois, 2011). Il comporte sept facteurs dont six sont reliés aux cognitions ou aux comportements problématiques généralisés d’Internet alors que le septième facteur représente les conséquences négatives de l’usage problématique d’Internet. Quoique puisse en penser Vaugeois, il semble que le questionnaire de Caplan n’ait pas suscité l’intérêt de ses pairs dans l’arène scientifique465.

Pour leur part, quelques acteurs des sphères scientifique et psychosociale jugent qu’il existe une assez bonne quantité d’outils de repérage, de diagnostic et d’évaluation de l’utilisation inappropriée d’Internet qui ont été élaborés dans le cadre de recherches empiriques sur ce phénomène et, que certains de ces outils permettent, en effet, d’analyser l’ampleur du problème, mais d’autres pas. Quelques-uns d’entre eux, comme le Test d’Orman, sont des questionnaires d’autoévaluation sur la « cyberdépendance » et ils sont disponibles sur le Net466. Huit médias de masse, majoritairement francophones, ont publié à neuf reprises ces différents questionnaires467. Malgré l’existence de tels questionnaires permettant, pense-t-on, de

463 Brisebois (2011); Davis (2003); Vaugeois (2006). 464 Rappelons qu’au chapitre 4, nous avons présenté les propositions de classification de Davis et de Vaugeois. Selon Vaugeois (2006), les utilisations problématiques généralisées sont les seuls types de « problèmes » liés à l’usage d’Internet et qui relèvent de la « cyberdépendance ». 465 Brisebois (2011); Davis (2003); Vaugeois (2006). 466 Bourque et coll. (2011); Dufour et Acier (2010); Heron et Shapira (2003, 2005, cités dans TechAddiction (2005); UMoncton (n.d.); UMontréal (2012); Valleur et Velea (2002, cités dans Acier et Kern, 2011). 467 Canoë (1er aout 2013); CNW Telbec (13 décembre 2010); Huffington Post (24 aout 2009); La Presse (28 mars 2008); Journal de Montréal (20 mai 2010); Radio-Canada (2 octobre 1999); Sympatico (16 octobre 2009, 21 juin 2012); The Globe and Mail (16 aout 1997).

241 repérer la « cyberdépendance », la clinicienne québécoise Caroline Plouffe468 prétend, en entrevue au journal La Presse (10 novembre 2013), que le plus difficile pour repérer le problème réside dans l’inexistence d’outils validés. Les chercheurs Acier et Kern (2011) ainsi que Costa et coll. (2000)469 abondent dans le même sens. La plupart des tests disponibles sur Internet sont généralement des questionnaires maison et ils s’interrogent sur leurs qualités psychométriques.

Puisque tout processus de construction de problèmes sociaux suppose l’affrontement de vues divergentes, il n’est pas étonnant de constater que tous les questionnaires psychométriques présentés, ci-dessus, ont été créés et utilisés principalement dans le cadre de recherches scientifiques et ils présentent tous des problèmes méthodologiques reliés à l’utilisation de critères diagnostics non validés ou à des échantillons non représentatifs de la population470. L’IAT a essuyé plusieurs critiques concernant sa validité scientifique. En effet, certains chercheurs attribuent le blâme à la « façon de faire de Young » (Vaugeois, 2006, p. 20), car à leurs avis, la mise en évidence de symptômes communs ne suffit pas à rendre équivalents deux « troubles mentaux » comme le jeu pathologique et la dépendance à Internet471. Bien que des études de validation aient été effectuées, plusieurs chercheurs estiment que d’autres études plus rigoureuses sont nécessaires472. Toutefois, il est encore aujourd’hui le plus utilisé, et ce, malgré des limites importantes (Garneau, 2016). De plus, Beard (2005) résume bien les critiques attribuées aux instruments de mesure. Premièrement, ceux-ci sont souvent basés sur des théories différentes (voire inexistantes), ce qui limite les possibilités de comparaison entre eux. Deuxièmement, ce sont généralement des autoquestionnaires qui n’intègrent pas de « lie scale »473; ils nécessitent donc que les utilisateurs répondent honnêtement aux questions. Troisièmement, ils ne portent pas sur des contenus spécifiques à Internet (salon de clavardage, courriel, pornographie, etc.).

468 Centre de réadaptation montréalais en dépendance. 469 Cités dans Vaugeois (2006). 470 Brisebois (2011); Vaugeois (2006). 471 Costa et coll. (2000; Nalwa et Anand, 2003; Scherer, 1997, cités dans Vaugeois, 2006). 472 Khazaal et coll. (2008; Lortie et Guitton, 2013; Wydianto et coll., 2011, cités dans Dufour et coll., 2014); Nadeau et coll. (2011). 473 Un ensemble d’éléments inclus dans une évaluation psychologique pour indiquer si oui ou non l’individu a été honnête dans d’autres parties du test. Repéré à http://psychcentral.com/encyclopedia/2009/lie-scales/

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Or, pour la psychologue québécoise Magali Dufour, le plus grand défi actuel concernant la capacité de poser un diagnostic provient notamment du fait que les chercheurs essaient de mesurer un phénomène pendant qu’il se produit; ce qui lui confère une grande complexité. Les critères ciblés précédemment dans ces instruments de mesure ne correspondent plus à la réalité d’aujourd’hui. En guise d’exemple, certains comportements d’utilisation d’Internet ciblés comme étant problématiques ne le sont plus maintenant, par exemple : regarder son appareil en se levant le matin, etc. Selon elle, les chercheurs doivent donc revoir leurs critères diagnostics afin de refléter un plus grand degré d’intensité (Garneau, 2016).

De plus, de tels instruments de mesure quantitatifs tentent d’établir un lien direct de cause à effet entre l’utilisation d’Internet et le développement d’une « cyberdépendance »474. Comme le soulignent Parazelli et coll. (2003), ces instruments prétendent vouloir identifier des prédicteurs, c’est-à-dire, des facteurs observables et objectifs qui rendent probable la survenue des situations jugées non désirables. En ce sens, ils peuvent difficilement représenter toute la complexité du phénomène. Salais (2010) précise que « la donnée n’a donc rien de donné, elle est produite à l’issue d’un véritable processus de production en plusieurs étapes; les choix faits à chacune de ses étapes influent sur les suivantes, et donc sur la donnée finale » (p. 502).

Avec ce que David Armstrong (1995) appelle la « médecine de la surveillance », tout le monde peut tomber (éventuellement) malade (p. 1). Désormais, « [the] problem is less illness per se, but the semi-pathological pre-illness at-risk state » (Armonstrong, 1995, p. 401). Clarke, Fishman, Fosket, Mamot et Shim (2000) abondent dans le même sens, il devient impossible selon eux de ne pas être à risque; la question est de savoir si l’individu présente un risque « faible », « modéré » ou « élevé ». Or, pour certains acteurs, il est inconcevable de réduire ledit problème à un désordre individuel de nature intrapsychique ou pathologique. Pour Damant, Poirier

474 Khun (1970; Audet et Larouche, 1988; Vatz-Laaroussi et coll., 2003; Hurtubise, 2009, cités dans Brisebois, 2011).

243 et Moreau (2001), le regard positiviste opère une réduction plutôt simpliste des phénomènes humains étudiés. La « cyberdépendance » relèverait plutôt d’un phénomène multifactoriel. Pour ces acteurs, le paradigme alternatif à la médicalisation des comportements de dépendance est de replacer le sujet au centre de l’évaluation et de le considérer comme une personne qui est en communication avec des réalités psychosociales qui l’entourent. Comme le soulignent bien Parazelli et ses collaborateurs (2003), « lorsqu’il s’agit de l’être humain, cet « objet » parle, interprète, réagit et construit du sens à propos de lui-même, compliquant considérablement l’interprétation des données de façon objective » (p. 95). Plus importants encore pour Parazelli (2010), les tenants du positivisme ne prennent pas en compte le sens que l’individu donne à son comportement autrement que pour en corriger la perception possiblement erronée. Il est inutile de mentionner que le développement humain ne relève pas seulement de faits observables ou de principes naturels, mais aussi de l’expérience subjective. C’est pourquoi appliquer cette conception de la problématique de « cyberdépendance » présenterait une vision réductionniste sur le plan de son interprétation et de sa compréhension et serait jugée ainsi dangereuse, comme le serait l’association du risque à la notion de prédiction et de probabilité. D’ailleurs, Bibeau (2002) nous rappelle que les caractéristiques à la base même de la construction d’indicateurs quantitatifs « prennent leur sens dans les opinions, les perceptions, les connaissances et les sentiments des populations; elles sont donc d’ordre qualitatif » (p. 6). Dans cette veine, un groupe d’acteurs sociaux plus minoritaire, mais également soucieux de bien évaluer les risques inhérents à l’utilisation d’Internet et de prendre en considération la souffrance et la détresse psychologique de la personne, défendent l’idée de procéder plutôt à une évaluation qualitative basée sur une entrevue clinique. Ce genre d’évaluation plus complète, selon eux, présente un aspect plus subjectif de la situation et permet de comprendre la nouvelle « maladie » comme une expérience et non comme un symptôme.

7.2.1.2 Outils de repérage qualitatifs

Plusieurs acteurs de l’arène scientifique et psychosociale suggèrent l’entrevue

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clinique pour valider la présence ou non d’un usage « problématique » d’Internet. Ils jugent que l’évaluation clinique devrait se fonder sur un modèle biopsychosocial et réussir à évaluer la présence de concomitance475. Beard (2005) propose pour sa part un questionnaire d’entrevue comprenant 72 questions pour évaluer la présence de la « cyberdépendance »476. L’importance de l’évaluation clinique comme façon de repérer la « cyberdépendance » a été abordée à trois reprises, de 2009 et 2012, par les psychologues québécoises Louise Nadeau, Magali Dufour et Marie-Anne Sergerie en entrevue à la Société Radio-Canada477.

Le troisième et dernier moment interventionniste, celui de l’intervention curative, rassemble les mesures visant à limiter les conséquences, c’est-à-dire à empêcher qu’un problème tel que l’utilisation dite excessive d’Internet ne laisse des séquelles ou des incapacités permanentes chez les individus atteints (Brisson, 2014). Ainsi, il existe différentes modalités d’intervention curative offertes actuellement au Québec et au Canada. L’article scientifique ci-dessous aborde ces interventions curatives et est divisé en deux parties. La première présente les deux tendances quant aux produits et services offerts pour réguler l’utilisation dite excessive d’Internet alors que la deuxième aborde les mécanismes de contrôle social inspirés du champ des dépendances tels que l’abstinence ou la réduction des méfaits proposés par les différents acteurs sociaux dans les trois arènes d’influence. Seront mises en exergue les négociations entre les défenseurs du désordre des dépendances et les tenants du trouble de santé mentale qui tentent de se voir accorder la responsabilité exclusive de la régulation sociale de ce problème.

475 Beaulieu (2012); Dufour (octobre 2003, mars 2012); Dufour et Acier (2010); Nadeau (octobre 2012); Nadeau et coll. (2011); Richard (mai 2009); Rochon (2004); Sergerie et Lajoie (2007); UMoncton (n.d.); Van Mourik (n.d., 2011, octobre 2012). 476 Ce questionnaire inclut des informations sur l’ampleur de l’utilisation, les applications spécifiques d’Internet utilisées et privilégiées, le choix des activités dans les temps libres, le degré de dysfonctionnement engendré par son utilisation (le nombre d’heures par semaine), les raisons ou les motivations du choix de ces applications et les pensées associées dans l’attente de leur utilisation ou dans la privation, la présence ou non de soutien social, l’adéquation des habiletés interpersonnelles et de la dynamique familiale, les aspects professionnels ou scolaires, l’historique de socialisation, etc. Beard (2005, cité dans Goyette et Nadeau, 2008; Pineault, 2008; Vaugeois, 2006). 477 Radio-Canada : Jour de plaine (n.d., 2012); Le Réveil à l’Île-du-Prince-Édouard (n.d., 2012); Téléjournal (n.d., 2009).

245

7.3 Le troisième moment de l’intervention : l’intervention curative

Les dispositifs de contrôle social en matière de « cyberdépendance » au Canada478

L’idée du syndrome médical proposé par des acteurs sociaux a contribué à propulser Internet dans l’arène des services de santé et des services sociaux. La tentative de médicalisation — d’où l’épithète « cyberdépendance » — donne préséance à la profession médicale dans sa gestion et son contrôle. Or, cela ne serait pas sans conséquence pour les intervenants sociaux puisqu’un des principaux enjeux corporatistes des professions en relation d’aide consiste à faire valoir leur vision particulière d’une « situation problème » dans le but d’obtenir, de conserver ou d’étendre une partie, voire l’exclusivité, d’un pouvoir d’intervention thérapeutique. Par le prisme d’un regard critique, ce troisième point trace les principaux discours des acteurs sociaux qui participent à la construction de dispositifs de gestion et de contrôle social de la « cyberdépendance » au Québec et au Canada au sein de trois sphères d’influence importantes, soit celles de la science, de l’intervention sociale, et des médias. Une analyse documentaire de plus de 2838 pages et de 312 minutes de matériel audio et audiovisuel suggère que les différents défenseurs de la « pathologie » tentent de faire reconnaitre le caractère incontournable de leur offre de produits et services à cet égard. Deux tendances se dessinent quant aux services offerts au Canada et au Québec pour réguler l’utilisation dite excessive d’Internet, l’une privilégie la privatisation des services et l’autre laisse entrevoir un modèle public. Dans la lignée du processus de pathologisation, les dispositifs et les stratégies de contrôle social proposés par les différents acteurs tendent à s’inspirer du champ des dépendances.

Introduction

En dépit de l’incapacité actuelle de cerner l’ampleur de la « situation problème », il n’en demeure pas moins que l’utilisation d’Internet pourrait engendrer des répercussions jugées indésirables et occasionner certaines formes de détresse chez les utilisateurs ou leur entourage. Sans attendre un consensus scientifique et clinique, les personnes s’autoproclamant « cyberdépendantes » ont déjà frappé aux portes des

478 L’insertion du deuxième article débute ici. Précisons que pour éviter la redondance des informations une partie de l’introduction, de la recension des écrits et de la méthodologie a été retranchée de la version originale de l’article scientifique.

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centres en dépendance au Québec (Nadeau, 2012; Nadeau et coll., 2011), au Canada (Collier, octobre 2009a) et ailleurs (Goyette et Nadeau, 2008; Vachon, 2007) pour réclamer de l’aide. Confrontés à de telles demandes de consultation, les intervenants sociaux se sont retrouvés face au néant, à l’absence d’outils cliniques spécifiques. Ils répondent donc au mieux de leurs connaissances professionnelles — et parfois en fonction de leur « flair clinique » — à ce phénomène pouvant potentiellement engendrer un « mal être » chez certains utilisateurs d’Internet.

Selon Dufour et Parent (2009) ainsi que Nadeau et coll. (2011), les écrits scientifiques portant sur le sujet sont plutôt anémiques et lacunaires ce qui, par ricochet, nuit à la constitution de guides de meilleures pratiques conçus précisément dans le but de soutenir l’intervention thérapeutique auprès des personnes dites « cyberdépendantes ». À ce jour, les différentes stratégies d’intervention en relation d’aide ont fait l’objet de peu de recensements et d’évaluations robustes sur leur contenu et leur efficacité (Goyette et Nadeau, 2008). En conséquence, plusieurs questions subsistent : Des politiques publiques de contrôle social devraient-elles être préconisées dans le but de prévenir la déviance de la « cyberdépendance »? Des politiques publiques généralistes devraient-elles être davantage privilégiées pour intervenir auprès de publics désignés comme étant en « difficulté sociale » (Maurel, Daran et Mansanti, 1998)? Si oui, qui sont les mieux placés pour offrir ces interventions sociales?

Malgré l’absence de réponse claire, Nadeau et ses collègues (2011) rappellent l’existence de nombreux cas documentés de personnes dont la vie semble affectée négativement par leur utilisation d’Internet et qui demandent de l’aide. De tels cas donnent des arguments additionnels aux défenseurs de l’existence de la pathologie de la « cyberdépendance » face à leurs détracteurs et cela ancre davantage leur conviction de l’importance de réagir. Selon plusieurs de ces défenseurs, si certains utilisateurs souffrent de leur propre utilisation d’Internet, nulle raison d’attendre que la science n’apporte des réponses. Telle est l’assise sur laquelle s’appuie ce groupe d’acteurs pour revendiquer la mise en place de dispositifs d’intervention sociale en

247 matière de « cyberdépendance ». Par le truchement des schèmes constructivistes, cette portion de l’argumentaire de notre thèse vise précisément à mettre en lumière la construction de dispositifs de contrôle social de la « cyberdépendance » au Québec et au Canada, c’est-à-dire des pratiques sociales privilégiées pour prévenir (ou guérir) la déviance qui en est venue à constituer « cyberdépendance ». Contribuant à l’intégration des individus et à la cohésion sociale du groupe, les pratiques de contrôle social visent non seulement à maintenir la conformité des individus aux normes, mais également à produire et à pérenniser cette conformité. Ainsi conçues, ces pratiques conditionnent explicitement ou implicitement au respect des normes définitionnelles, conceptuelles, catégorielles que des acteurs sociaux ont réussi à légitimer et consensualiser autour de la « cyberdépendance » qu’ils tiennent pour « pathologique ». Les pratiques de contrôle social privilégiées apparaissent donc comme un outil de production et de reproduction d’une construction sociale déjà dominante.

Les analyses qui suivent abordent donc essentiellement les dispositifs d’intervention sociale tels qu’ils sont construits par les acteurs sociaux qui revendiquent que la « cyberdépendance » est bel et bien un « problème » public auquel il convient, sociétalement parlant, de réagir. Ce phénomène est jugé être suffisamment important pour que des acteurs sociaux québécois et canadiens se mobilisent afin de définir, formuler et offrir des traitements pour répondre aux demandes d’aide de cette « nouvelle » clientèle.

Plus particulièrement, les pages qui suivent divisent le tableau analytique en deux thèmes principaux. Le premier rend compte des acteurs et de leurs transactions les uns avec les autres qui mèneront, d’abord, à la prise en charge thérapeutique de la « cyberdépendance » et, ensuite, à l’identification des agences sociales qui se verront confier la responsabilité de contrôler le « problème ». Cette première portion de l’argumentaire permettra de mieux comprendre quels traitements ou services tendent à être privilégiés, au Québec et au Canada, pour intervenir en « cyberdépendance », et pourquoi ils sont privilégiés. Le second thème présentera les objectifs curatifs

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privilégiés par les intervenants sociaux pour traiter la « cyberdépendance ». Actuellement, ces objectifs s’inspirent des approches et des pratiques déjà reconnues dans le traitement des dépendances aux substances et au jeu pathologique. Inspiré de l’étude de Quirion (2006), le concept de « dispositif » permettra justement, ici, de comprendre l’intervention sociale comme étant constituée d’un assortiment de composantes variées certes, mais profondément liées les unes aux autres et gravitant autour du dessein de convertir des « cyberdépendants » en citoyens plus « ajustés » aux normes de conduite.

7.3.1 Les ressources de traitement pour les « cyberdépendants » au Canada et au Québec

En réponse aux demandes de consultation thérapeutique, différents défenseurs de la « cyberdépendance » en tant que « pathologie » ont tenté, depuis 1996, de légitimer le caractère incontournable de leur offre de produits et services. Notre analyse a permis de faire ressortir l’existence de deux tendances quant aux services offerts au Canada et au Québec pour réguler l’utilisation à Internet — estimée être excessive. La première tendance s’inscrit dans un modèle de privatisation des produits et des services, alors que la deuxième laisse entrapercevoir, a contrario, un modèle public dans lequel la « cyberdépendance » est intégrée au sein de programmes plus globaux soit en dépendance ou en santé mentale.

7.3.1.1 Les ressources privées et leurs produits et services en « cyberdépendance »

Déjà en 2006, le quotidien anglophone le Winnipeg Free Press (27 juillet) rapportait qu’il existe peu de ressources et de services spécialisés en « cyberdépendance » au Canada. Il semble que la situation soit demeurée la même dix années plus tard. À notre connaissance, il n’existerait qu’un seul centre spécialisé dans le traitement des dépendances aux jeux vidéos ou à l’ordinateur (computer

249 addiction). Opérationnel depuis 2005, le centre TechAddiction479, situé en Nouvelle- Écosse (Canada), est dirigé par le psychologue clinicien Brent Conrad480 et offre des traitements et des informations pour les adultes, les adolescents et les enfants. Ce centre opte pour l’approche cognitive comportementale comme stratégie principale d’intervention pour contrôler la « cyberdépendance ». En son sein, la thérapie cognitive comportementale est offerte individuellement à l’externe en mode présentiel ou virtuel. Sur le site Web de la ressource, il est même possible de télécharger à peu de frais des guides d’auto-assistance.

Outre le centre TechAddiction, quelques autres ressources privées offrent des services de traitement pour l’ensemble des dépendances, incluant celle à Internet. Dans l’Ouest canadien, deux ressources ont été répertoriées dans la région métropolitaine de Vancouver. La première, le centre privé Jericho Counselling, offre des services de consultation en externe et de traitement résidentiel pour différentes problématiques telles que les dépendances, incluant la dépendance à Internet. Le centre privilégie, lui aussi, l’approche cognitive comportementale afin que sa clientèle réduise son utilisation d’Internet et adopte des comportements « plus sains »481 (Vancouver Sun, 18 novembre 2010). Quant à la deuxième, la clinique privée Richmond Addiction Services Society (RASS), elle dispense des services externes en prévention et en traitement des dépendances, et y inclut la dépendance à Internet dans le cadre d’une approche individuelle ou familiale. La RASS intègre à sa pratique des approches dites alternatives telles que le yoga, la méditation et l’acupuncture482 (Vancouver Sun, 18 novembre 2010). À Toronto, le travailleur social et thérapeute familial Avrum Nadigel combine à sa pratique privée, le système familial, la perspective psychodynamique et la pleine conscience483 avec le traitement de la « cyberdépendance » (Young, 2009-2010).

479 Récupéré le 28 novembre 2015 sur le site du centre : http://www.techaddiction.ca/ 480 Saint-Mary’s University à Halifax (Nouvelle-Écosse, Canada). 481 Récupéré le 11 décembre 2015 de http://www.jerichocounselling.com/ 482 Repéré à http://www.richmondaddictions.ca/services/youth-and-family-program 483 Cette technique a été conçue par le Dr Jon Kabat-Zinn du Center for Mindfullness de la University of Massachusetts Medical School. L’objectif de la pleine conscience consiste à être dans le moment présent avec une attitude de non-jugement.

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En intégrant ainsi la dépendance à Internet à l’intérieur de leurs programmes en dépendance, ces centres privés viennent articuler sa construction autour de l’idée que celle-ci doit être reconnue comme une « nouvelle » dépendance aussi destructrice pour la vie d’une personne que la dépendance aux substances et au jeu et qu’elle doit être « traitée » de façon similaire. Ainsi, ces centres privés mettent-ils en place un dispositif d’intervention sociale complètement arrimé à la thérapeutique.

Dans le même ordre d’idées, nos analyses ont mis en lumière que déjà en l’an 2000, un porte-parole de l’Ordre des psychologues du Québec déclarait dans le quotidien francophone La Presse (Hirtzmann, 23 octobre, p. 1) que trois membres de l’ordre « traitaient » la « cyberdépendance ». De manière générale, nous avons pu constater que plusieurs psychologues œuvrant en pratique privée se sont approprié l’esquisse de l’intervention sociale en matière de « cyberdépendance » avant même que le réseau public s’y soit intéressé. Au Québec, le psychologue Jean-Pierre Rochon qui se surnomme le « psy des internautes » (Côté, 30 janvier 2010a) est le pionnier de la thérapeutique en « cyberdépendance ». Depuis 1996, ce dernier offre des services privés de psychothérapie pour « soigner » les personnes dont ledit problème génère de la souffrance. Ce dernier considère que la « cyberdépendance » doit être traitée comme un trouble obsessionnel compulsif, tout comme les autres dépendances et qu’en l’état, il convient de prôner l’abstinence484. Afin de faire la promotion de ses services, Rochon utilisera régulièrement les différents médias de masse écrits et parlés majoritairement francophones485. Une autre psychologue, Marie-Anne Sergerie, dispense aussi des services de psychothérapie en pratique privée. Pour sa part, elle privilégie non pas l’abstinence, mais les approches cognitives comportementales et systémiques dans ses interventions et vise la réduction des méfaits486. Depuis 2009, plusieurs médias écrits et parlés francophones lui concèdent une expertise dans ce domaine et lui donnent la parole lorsque vient le

484 Repéré à http://www.psynternaute.com/html/services.htmwww.psynternaute.com 485 Canoë (19 février 2001); La Presse (15 juin 2000; 23 octobre 2000). Le Soleil (28 avril 1996; 21 aout 2006); Progrès Dimanche (13 juin 1999); Par 4 chemins de Radio-Canada (18 novembre 1998); TVA Nouvelles (11 mars 2006); Zone Libre à Radio-Canada (24 janvier 2003); Winnipeg Free Press (27 juillet 2006). 486 Récupéré sur le site professionnel de la psychologue : http://www.masergerie.com/

251 temps d’aborder la « cyberdépendance »487. Pour sa part, le psychologue Joe Flanders, fondateur et directeur de la clinique montréalaise MindSpace, « traite les troubles liés à la cyberdépendance » au moyen d’une approche dite alternative, soit la technique appelée Mindfulness-Based Stress Reduction (réduction du stress basée sur la pleine conscience)488.

La deuxième tendance observée au Canada et au Québec, contribuant comme la première à cimenter le dispositif de type interventionniste en matière de « cyberdépendance », s’observe au sein des ressources publiques dans lesquelles ledit phénomène est surtout intégré à l’intérieur d’autres programmes thérapeutiques déjà existants.

7.3.1.2 Les ressources publiques et leurs produits et services en « cyberdépendance »

En Ontario, le Center for Addiction and Mental Health (CAMH) est le plus important centre public en santé mentale et en dépendances pour jeunes et adultes au Canada. Affilié à l’Université de Toronto, le CAMH collabore avec le gouvernement de l’Ontario à l’élaboration d’une politique publique et à la description des ressources nécessaires pour assurer la promotion de la santé et l’élimination des préjugés associés à la maladie mentale et à la toxicomanie. De plus, il effectue des travaux en recherche sociale et épidémiologique sur les troubles concomitants. Il est reconnu internationalement à titre de « Centre collaborateur » de l’Organisation panaméricaine de la Santé et de l’Organisation mondiale de la Santé (CAMH, 2012)489. Il s’agit d’un joueur qui s’est taillé une place de choix en santé mentale et en dépendance. Le centre a intégré depuis 2009490 l’utilisation excessive d’Internet (excessive Internet use) ainsi que les jeux vidéos à l’intérieur de son service appelé

487 Canoë (10 février 2009); Journal de Montréal (12 janvier 2009); L’après-midi porte Conseil à Radio-Canada (28 avril 2010); La Voix de l’Est (29 janvier 2011); Le Soleil (15 octobre 2010); Radio-Canada (n.d., 2009, 2 mars 2010, 30 octobre 2010); Telbec (13 décembre 2010). 488 La Presse (10 avril 2013, p.1); Losier, D. (13 avril, 2013). La cyberdépendance. Tout un samedi à Radio-Canada. Repéré à http://www6.radio-canada.ca/emissions/tout_un_samedi/2015-2016/archives.asp?date=2013-04-13 489 Repéré à http://www.camh.ca/fr/hospital/about_camh/who_we_are/Pages/who_we_are.aspx 490 Selon notre analyse des données, la première mention de ce service remonte à 2009 (Collier, 2009a, b).

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Problem Gambling Treatment491. Pour le psychiatre Bruce Ballon, directeur du Centre et consultant, les comportements excessifs concernant l’utilisation d’Internet sont la manifestation de l’existence antérieure d’une comorbidité, de psychopathologies sous-jacentes. Même en l’absence du « médium Internet », le problème persiste, mais s’actualise autrement (Ballon, 2007). Ballon met ainsi l’accent sur la concomitance des troubles de santé mentale et de dépendance. Suivant la logique biomédicale, les sources de la « maladie » ne sont pas les causes externes tels les objets ou les substances, mais plutôt des problèmes psychiatriques vécus par l’individu. Ballon privilégiera ainsi l’utilisation de l’approche cognitive comportementale comme stratégie principale d’intervention pour réduire l’utilisation d’Internet chez sa clientèle.

Au Québec, aucun centre n’affiche la « cyberdépendance » dans son offre de services en dépendance et aucune clinique de désintoxication aux technologies de l’information offrant un programme spécifique n’existe (Nadeau, 2012). Nonobstant cette absence de programme spécifique, cela n’a pas empêché la moitié des centres québécois de réadaptation en dépendance (CRD) (n = 11/21) d’offrir des services d’évaluation et de suivi psychosocial pour des problèmes dits de « cyberdépendance ». Dans cette veine, Dufour assure que les intervenants sociaux œuvrant dans ces centres sont habilités à évaluer et offrir des services de « très haute qualité » (Garneau, 2016, 7:48). Puisque c’est à leurs portes que les personnes en difficulté tendent à frapper, les centres de réadaptation en dépendance saisissent l’occasion de développer des expertises en ce domaine et aspirent à se définir comme « propriétaires » de cette nouvelle dépendance Insistons sur un point : tous les acteurs sociaux ne sont pas égaux dans la mêlée. Encore faut-il qu’ils fassent autorité à orienter la définition publique d’un problème et qu’ils remportent l’adhésion d’une collectivité (chercheurs, cliniciens, usagers) suffisamment importante pour être légitimante (Gusfield, 2009).

491 Repéré à http://www.camh.ca/en/hospital/care_program_and_services/addiction_programs/Pages/guide_problem_gamblingsrv.aspx

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À notre avis, les médias de masse ont participé de façon importante à propulser, dans l’espace public, l’idée que l’utilisation dite excessive d’Internet puisse créer une dépendance. En guise d’exemple, le quotidien franco-canadien Le Droit titre une nouvelle de 2006 « De l’aide pour les accros du Web »492 alors que d’autres invoquent la métaphore de la drogue comme c’est le cas de la Société Radio- Canada en 2001 « Une drogue nommée Internet »493. Depuis 1996, au Québec et au Canada, la « cyberdépendance » fait couler beaucoup d’encre dans les médias écrits, dans les entrevues radiophoniques et dans les reportages télévisuels. On y découvre que chaque médium présente son point de vue sous un angle différent et mise sur des aspects qu’il juge importants de transmettre à ses auditoires tout en laissant dans l’ombre plusieurs points de vue alternatifs et enjeux potentiels. C’est en fonction de ces auditoires ciblés que se détermine la représentation médiatique qui sera privilégiée dudit problème.

Dans l’importante couverture médiatique réservée à ce sujet, les médias semblent reconnaitre de facto la ressemblance de la « cyberdépendance » avec les autres dépendances. Notre analyse des données médiatiques a permis de retrouver près de deux cents articles et entrevues (181) comparant la « cyberdépendance » à une dépendance494. Les médias ont donc considérablement contribué à mettre principalement en vitrine et à vulgariser les discours tenus par les acteurs scientifiques et psychosociaux promulguant que la « cyberdépendance » est une forme de dépendance. Ils participent ainsi à la traduction en un « fait » (Latour, 1987) de la pathologie de la « cyberdépendance ». Dans cette lignée, différents experts, principalement des psychiatres et des psychologues, utilisent aussi stratégiquement les plateformes médiatiques d’une très grande visibilité afin de faire connaitre leur offre de produits et services. Ceci contribue à la légitimation et au rayonnement, à travers le temps et l’espace, de cette « revendication de savoir » très particulière dont la validité en viendra à s’imposer d’elle-même aux yeux de divers auditoires (Callon,

492 Burroughs, C. (29 mai 2006). De l’aide pour les accros du Web. Le Droit. 493 Aoun, C. (27 juillet 2011). Une drogue nommée Internet. Radio-Canada. 494 Plus d’une centaine d’entre eux (103) ont été recensés parmi les différentes plateformes francophones et soixante-dix-huit (78) l’ont été au sein du milieu anglophone.

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1986).

Le Centre de réadaptation en dépendance de Montréal — Institut Universitaire (CRDM-IU)495 se targue, ainsi, d’être le seul établissement, en 2016, à offrir de la thérapie de groupe s’adressant à une clientèle dite « cyberdépendante » (Vincent et Van Mourik, 2015). Parmi les stratégies de légitimation adoptées dans le but d’asseoir son expertise dans le domaine, le centre annonce la création d’un site Web facilitant l’accès aux services ainsi que la prise de rendez-vous par courriel dans le but de diminuer « les obstacles à la demande d’aide » (Vincent et Van Mourik, 2015, p. 41). Un forum de discussion viendra s’ajouter dans le but de « susciter l’espoir et d’accompagner la clientèle » (p. 41). Enfin, le CRDM-IU souligne que son site « vise aussi à soutenir les intervenants de première ligne » (Vincent et Van Mourik, 2015, p. 41), marquant ainsi sa présence incontournable sur un territoire incluant à la fois les « cyberdépendants » et leurs intervenants, et éclipsant du coup les prétentions de tout autre ressource ou groupe professionnel à une quelconque expertise dans le domaine de la « cyberdépendance » au Québec. Il demeure encore incertain que nous assistions, à court ou à moyen terme, à une mainmise des centres de réadaptation en dépendance sur la prise en charge sociale de la « cyberdépendance ». Force est de constater, cependant, qu’ils se positionnent — et se légitiment — pour le moment comme étant les mieux placés pour intervenir dans une problématique autour de laquelle il n’existe toujours pas de consensus définitionnel.

Une nette tendance se dessine donc, au Québec et dans le reste du Canada, confirmant que deux grands organismes du secteur public — le Centre de réadaptation en dépendance de Montréal — Institut Universitaire (CRDM-IU) au Québec et le Center for Addiction and Mental Health (CAMH) en Ontario — sont en voie de devenir des acteurs clés cherchant à s’imposer comme « propriétaires » de la « cyberdépendance ». Certains indicateurs laissent même entrevoir que la province du Québec s’imposerait comme étant leader. En raison de son expertise en dépendance et

495 Anciennement connu sous le nom Centre Dollard-Cormier.

255 de sa mission comme Institut universitaire sur les dépendances désignées par le ministère de la Santé et des Services sociaux, le CRDM-IU serait en voie de se constituer comme un véritable chef de file dans le développement d’un dispositif de type thérapeutique (intervention de groupe) spécifiquement axé sur la « cyberdépendance ». En 2007, ce centre a reçu, du gouvernement du Québec, le mandat de réaliser des études épidémiologiques sur les dépendances, de procéder à l’évaluation des services offerts pour venir en aide aux « patients » et d’assurer des pratiques à la fine pointe des connaissances scientifiques.

S’ajoute à ce premier mandat celui de documenter les dernières formes de « dépendances », d’évaluer l’impact des modes d’intervention en dépendance et de contribuer à la formation des professionnels du réseau de la santé et des services sociaux (Université de Montréal, 2008, p. 1). Ce type de centre de recherche, regroupant un établissement de santé et une équipe universitaire de l’Université de Montréal et de l’Université de Sherbrooke, est unique au Canada et est le premier dans ce domaine au Québec. Il est constitué d’une équipe de chercheurs qui travaille ensemble depuis 30 ans ce qui lui confère une autorité dans le domaine des dépendances ce qui laisse présager que cette équipe pourrait être reconnue comme étant la référence en matière de « cyberdépendance »496.

Soulignons que les recherches épidémiologiques effectuées par le CAMH et le CRDM-IU s’inspirent d’une approche néopositiviste fondée sur des données probantes et visent l’evidence-based practice, c’est-à-dire, la prise de décision clinique basée sur la recherche scientifique la plus actuelle (Parazelli, 2010). Or, la perspective des pratiques guidées par des données probantes est souvent sous-tendue par une conception biomédicale d’un phénomène. Comme Conrad (1995) le souligne, l’enjeu clinique d’imposer un cadre médical pour définir et comprendre un phénomène tel que la « cyberdépendance » c’est aussi de favoriser l’intervention médicale (biologique) comme dispositif de contrôle social prépondérant. Or, cette

496 Une nouvelle forme de dépendance : être accro à Internet. (2 septembre 2008). Nouvelles @ UdeM. Repéré à http://www.nouvelles.umontreal.ca/archives/2007-2008/content/view/1650/350/index.html

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perspective s’appuie sur une longue tradition de standardisation et de protocolisation des pratiques professionnelles des intervenants sociaux (Bensing, 2000, cité dans Couturier et Carrier, 2003). Pensons aux guides de meilleures pratiques et autres protocoles qui ont cours dans le domaine de la santé et des services sociaux depuis des décennies et qui tendent à laisser peu de place à des modes d’appréhension alternatifs de l’utilisation d’Internet.

Dans la foulée de son appropriation progressive de la « cyberdépendance », le CRDM-IU a reçu, en 2008, le mandat de l’Agence de la Santé et des Services sociaux de Montréal de présenter un état des connaissances à l’intention des intervenants du réseau497. À notre connaissance, ceci est le premier rapport de ce genre à être publié au Canada et au Québec. Il vise à soutenir concrètement les intervenants dans le développement d’interventions pour les personnes aux prises avec des problèmes psychosociaux liés à leur utilisation d’Internet. Dans cette veine, convaincus de la ressemblance de la « cyberdépendance » avec les autres dépendances, Nadeau et coll. (2011) poussent leurs revendications jusqu’à proposer différentes stratégies d’intervention s’inspirant grandement de ce qui se fait déjà dans le traitement des dépendances, notamment du jeu pathologique en raison de certaines similitudes présupposées avec la « cyberdépendance ». Plusieurs acteurs sociaux sont également de cet avis498. S’en sont suivies la création d’un guide de formation et la mise sur pied de sessions de formations offertes aux intervenants en collaboration avec l’Association des intervenants et intervenantes en toxicomanie du Québec (AITQ)499 ainsi que l’élaboration de programmes d’études en toxicomanie de l’Université de Sherbrooke500.

497 Nadeau et coll. (2011). « La cyberdépendance état des connaissances, manifestations, et pistes d’intervention ». Montréal, Canada : Centre Dollard-Cormier — Institut universitaire sur les dépendances, p.VI. 498 Cliche (2001); Rochon (juillet 1996); Tremblay (2008). Arène médiatique : L’Acadie Nouvelle (19 novembre 1999); Le Réveil Île-du-Prince-Édouard Radio-Canada (n.d., 2012); L’Express Toronto (9 décembre 2008); Radio-Canada (2 octobre 1999); TVA Nouvelles (3 juin 2010). 499 Dans la foulée de la réorganisation des services de santé et des services sociaux en 2015, l’AITQ n’existe plus. Elle a été amalgamée avec l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec (ACRDQ) afin d’en faire une seule entité soit l’Association des intervenants en dépendance du Québec (AIDQ). Selon Soucy et Massicote, « forte de la réputation des deux associations fondatrices, fondée sur des valeurs solides et des réalisations profitables, l’Association des intervenants en dépendance du Québec souhaite regrouper tous les intervenants en provenance de différents milieux, intéressés au domaine des dépendances et au développement des compétences » (Soucy et Massicotte, p.1). Repéré à http://aidq.org/lassociation/message- du-president-et-de-la-directrice-generale 500 Dufour (mars 2012). « Cyberdépendance : quand la passion des écrans tourne à l’obsession ». Montréal, Canada : Association des intervenants en toxicomanie du Québec et Université de Sherbrooke.

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En somme, la majorité des acteurs intervenant dans les ressources privées et publiques semblent reconnaitre de facto la « cyberdépendance » comme étant une « nouvelle » dépendance et tendent à la traiter comme telle. Bien que quelques méthodes marginales soient utilisées par une poignée d’acteurs pour intervenir en « cyberdépendance », la médicalisation de ce nouveau « problème social » semble être l’avenue privilégiée par la majorité des acteurs au Canada et au Québec cherchant à construire des dispositifs de régulation des conduites. Prenant appui sur Conrad (2005), nous estimons que la médicalisation serait de nature beaucoup plus diffuse qu’antérieurement, puisqu’une diversité d’acteurs, non plus uniquement les médecins ou les psychiatres (mais des psychologues), participent à la légitimation du pathos qui sous-tend le processus de médicalisation.

Au sein du dispositif interventionniste qui se met en place comme mécanisme privilégié de contrôle social de la « cyberdépendance », les intervenants sociaux poursuivent leur mobilisation afin, notamment, de s’approprier ultimement l’exclusivité de la conversion du « cyberdépendant » en « citoyen mieux adapté » aux normes de conduites. Dans cette mobilisation, les intervenants sociaux tendent à privilégier des dispositifs interventionnistes résolument axés sur des objectifs curatifs pour traiter la « cyberdépendance ».

7.3.2 Les mécanismes de contrôle social : objectifs curatifs privilégiés par les intervenants sociaux pour traiter la « cyberdépendance »

La médicalisation des personnes dites « cyberdépendantes » s’observe non seulement par son amalgame aux autres dépendances, mais également par le biais des options qui sont privilégiées au regard des mécanismes de contrôle social de l’utilisation d’Internet. Les acteurs sociaux convaincus par cet amalgame de la « cyberdépendance » à une forme de dépendance tournent leur regard vers les deux écoles de pensée interventionnistes dominantes dans le champ des dépendances. La première privilégie l’abstinence et l’autre la réduction des méfaits.

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Les tenants de la première école de pensée prônent l’abstinence comme étant le seul moyen de « guérir » une dépendance. Les utilisateurs doivent donc renoncer à tout ordinateur ou à toute technologie d’information disponible. Propulsé par les mouvements d’entraide anonymes, ce discours s’appuie notamment sur une certaine trame argumentaire voulant que la dépendance soit d’origine biologique. Une telle trame présuppose que la (cyber) dépendance puisse devenir une maladie à la fois dégénérative et irréversible entrainant une perte de contrôle et une incapacité permanente. Ainsi, seule l’abstinence peut « sauver » l’individu impuissant face à son problème (Suissa, 2007a, 2008). Or, la notion de perte de contrôle est fortement controversée, car elle se fond sur l’idée que si un dépendant abstinent recommence son utilisation d’Internet, il ne pourra alors s’arrêter (Suissa, 2008). L’abstinence comme modalité de contrôle social de la « cyberdépendance » rallie peu d’acteurs sociaux québécois et canadiens des trois sphères d’influence (science, psychosociale, médias)501.

Les tenants de la deuxième école proposent non pas de traiter, mais de contrôler/prévenir les usages à risque et de réduire les méfaits liés à l’utilisation dite excessive d’Internet tout en permettant l’utilisation positive des technologies. Cette seconde trame argumentaire, davantage interventionniste que la simple abstinence, présuppose que les personnes peuvent exercer un certain contrôle sur leurs comportements et ainsi être en mesure d’en réduire la fréquence et l’intensité (Hodgins, Mararchuk, El-Guebaly et Peden, 2002; Peele, 2004; Sobell, 2002). Selon Goyette et Nadeau (2008), trois modèles de la « consommation dite contrôlée » d’Internet (quoique non validés empiriquement) apparaissent pertinents. Tout d’abord, le modèle du psychologue américain David Greenfield (1999) suggère un traitement hybride situé entre l’abstinence et l’utilisation réduite d’Internet qui encourage la spiritualité, le développement de soi ou la découverte du sens de sa vie. Ce modèle cible l’abstinence seulement lorsque toutes les stratégies de contrôle (ex. : mécanismes de contrôle externe, techniques de gestion du temps, etc.) se sont avérées

501 Dufour (mars 2012); Dufour et coll. (2012); Rochon (2004); The Current à CBC (1er mars 2013).

259 inefficaces502. Plusieurs acteurs sociaux des sphères de la science et du psychosocial adhèrent à ce modèle, mais précisent que l’abstinence doit s’appliquer uniquement aux activités jugées problématiques503. Pour sa part, la travailleuse sociale québécoise Valérie Van Mourik (2011) estime que la question de l’abstinence complète ou appliquée aux activités problématiques demande une réflexion plus approfondie. Quant à eux, d’autres acteurs sociaux des sphères de la science et du psychosocial sont plus catégoriques; selon eux, il est inconcevable d’interdire l’utilisation de l’ordinateur ou d’Internet puisque, dans le contexte actuel, Internet est omniprésent sinon indispensable dans certains milieux professionnels et largement valorisé dans la société. D’ailleurs, peu de médias québécois ou canadiens propulsent cette idée d’interdiction totale.504

Le deuxième modèle d’utilisation dite contrôlée d’Internet, celui du psychologue canadien R.A. Davis (2001), propose un modèle axé sur les cognitions : le modèle cognitivo-comportemental de l’usage pathologique d’Internet. Ce modèle s’inspire de l’approche cognitive comportementale qui est fondée sur la prémisse voulant que la pensée détermine les émotions et vise à identifier et modifier les pensées qui engendrent certaines actions et émotions (Subrahmanyam et Smahel, 2011). L’aspect cognitif de l’approche se concentre sur la façon « mal adaptée » de penser à soi et au monde, et sur le rôle que jouent les schèmes de pensée dans les comportements. Quant à lui, l’aspect comportemental veut que les comportements appris puissent être « désappris » (Passer et coll., 2005). Le travail thérapeutique vise donc à identifier et à modifier les cognitions erronées et les comportements moins adaptés par le biais d’une démarche pédagogique censée conduire l’internaute à prendre conscience de ses distorsions cognitives dysfonctionnelles et à développer des attitudes, des habiletés et des compétences plus « adaptées » (Otero, 2000, p. 215) à l’aide de différentes stratégies (Rossignol, 2004). Seulement quelques acteurs sociaux des arènes publiques de la science et du psychosocial promulguent ce modèle

502 Richard (mai 2009); UMontréal (2012). 503Acier et Kern (2011); Conrad (2009); Coulombe (2003); cyberdependance.ca (2008); Dufour (octobre 2003, mars 2012); Dufour et Acier (2010); Dufour et coll. (octobre 2012); Garneau (décembre 1999); Laflamme (mai 2011); Optima Santé globale (2012); Nadeau (2012); Nadeau et coll. (2011); Richard (mai 2009, janvier 2009); Sergerie (2010); Sergerie et Lajoie (2007); TechAddiction (2005); UMontréal (2012); Van Mourik (2011, n.d.); Young (2009, cité dans Optima Santé globale, 2012). 504 Canoë (1er juin 2010); Huffington Post (23 septembre 2009); La Presse (10 avril 2013).

260

interventionniste en « cyberdépendance »505.

Quant au troisième modèle de l’utilisation dite contrôlée d’Internet, il s’inscrit dans une perspective d’apprentissage du contrôle des impulsions. Dans cette optique, la psychologue américaine Kimberly Young (1999) propose des stratégies majoritairement comportementales. Deux objectifs s’inscrivent dans ce type de régulation des pratiques en ligne. Le premier, celui de l’autocontrôle reposant sur des techniques d’autosurveillance externes, dont l’internaute, dispose (ex. : logiciels de filtrage, contrôle parental, alarme externe, mot de passe, ordinateur dans une pièce commune, etc.). Plusieurs intervenants sociaux des arènes scientifique et psychosociale retiennent ces techniques506. Selon ce modèle, comme l’internaute n’est plus en contrôle de l’assimilation et du traitement de l’information qu’il reçoit (étant soumis à une impulsion qu’il ne maitrise pas), cette capacité d’autogestion est transférée aux techniques d’autosurveillance externes. Le deuxième objectif concerne le temps de connexion en ligne. Dans cette veine, les cliniciens suggèrent plusieurs techniques de gestion du temps507. Le traitement doit cibler la diminution du nombre d’heures passées quotidiennement sur Internet afin que l’internaute garde un contact temporel avec la réalité508. En ce sens, quelques techniques sont proposées par certains acteurs sociaux comme l’établissement de banque d’heures d’utilisation prédéterminées par semaine, l’utilisation d’un agenda ou d’un calendrier, la charte familiale, la carte de rappel, l’aide-mémoire, les activités alternatives, les listes de priorités, etc.509. Dans le même sens, la psychologue québécoise Marie-Anne Sergerie

505 Beaulieu (2012); Brisebois (2011); Cliche (2001); Goyette et Nadeau (2008); Labbée-Thibeault et coll. (2009); Richard (mai 2009, janvier 2011); Sergerie (2005); Sergerie et Lajoie (2007); Vachon (janvier 2007); Vaugeois (2006). 506 Berge et Garcia (2009); Clark (2001, cité dans Berge et Garcia, 2009); cyberdependance.ca (2008); Dufour (mars 2012); Dufour et coll. (janvier 2009); Labbée-Thibeault et coll. (2009); Laflamme (mai 2011); Rioux (2010); Tremblay (2008); Van Mourik (2011, n.d.). 507 Dufour (octobre 2003, mars 2012); Dufour et Acier (2010); Landry (2001); UMoncton (n.d.); Van Mourik (2011). 508 Chou (2001; Hur, 2006; Young, 1999, cités dans Goyette et Nadeau, 2008); Dufour et coll. (octobre 2012); Dufour et Acier (2010); Dufour et coll. (2012); Goldsborough (novembre 1997); Garneau (décembre 1999); Goyette et Nadeau (2008); Labbée- Thibeault et coll. (2009); Melby (2008; Young, 2007; Young, 2009a, cités dans Brisebois, 2011); Nadeau (2012); Richard (mai 2009, janvier 2011); Rochon (2004); Sergerie (2005); UMontréal (2012); Van Mourik (2011, n.d.). 509 Berge et Garcia (2009); Clark (2001, cité dans Berge et Garcia, 2009); cyberdependance.ca (2008); Dufour (octobre 2003, mars 2012); Dufour et Acier (2010); Dufour et coll. (janvier 2009); Dufour et coll. (2012); Goldsborough (novembre 1997); Goyette et Nadeau (2008; Laflamme (mai 2011); Landry (2001); Morin (2011); Nadeau (2012); Richard (mai 2009, janvier 2011); Sergerie (2010); UMoncton (n.d.); UMontréal (2012); Van Mourik (2011, n.d.); Young (1999a, cité dans Sergerie, 2010); Young (2009, cité dans Optima Santé globale, 2012).

261 a développé une fiche d’auto-observation des usages d’Internet510. Cette fiche est également retenue par quelques acteurs sociaux des sphères scientifique et psychosociale511. Quelques plateformes médiatiques francophones ont participé à promouvoir ces outils d’auto-observation comme stratégie efficace pour un internaute qui se dit préoccupé par son utilisation d’Internet512. Ces stratégies d’autocontrôle et de gestion de temps sont essentiellement propulsées par les médias de masse majoritairement francophones513.

En très grand nombre, les acteurs scientifiques et psychosociaux participant à la construction de dispositifs thérapeutiques de la « cyberdépendance » retiennent un modèle ou l’autre comme visée de traitement. Les différentes plateformes médiatiques anglophones et francophones ne font pas la distinction entre ces trois modèles d’intervention. Toutefois, ils contribuent largement à faire accepter socialement l’idée selon laquelle il est possible de contrôler la « cyberdépendance » en faisant la promotion des différentes techniques « autoadministrables » proposées par les scientifiques et les cliniciens qui ont comme visée de responsabiliser l’individu dans la gestion de son rétablissement.

En regardant de plus près ces trois modèles, nous ne pouvons manquer de remarquer qu’ils s’inspirent tous de l’approche cognitive comportementale. Insistons sur le fait que depuis une vingtaine d’années, les interventions d’inspiration cognitive comportementale ont connu un vif succès (Cousineau, 1995; Kuehlwein et Rosen, 1993). D’ailleurs, une tendance parait se dessiner quant aux programmes institutionnels offerts au Québec qui s’inspirent d’une approche davantage positiviste (Parazelli, 2010). Otero (2000) est d’avis que parmi les principales raisons du succès

510 Il est possible de télécharger cette fiche gratuitement sur le site personnel de la psychologue http://www.cyberdependance.ca/cyberdependancefiche.html 511 Bourque et coll. (2011); Nadeau et coll. (2011). 512 Journal de Montréal (12 janvier 2009); Radio-Canada (2 mars 2010); Radiojournal de Radio-Canada (30 octobre 2010); Salut Bonjour à TVA (15 février 2012) 513 Canoë (9 juin 2013); Centre jeunesse Montréal — YouTube (23 février 2011); François Paradis TVA (n.d., 2008); Huffington Post (23 septembre 2009, 12 avril 2012); Jour de Plaine à Radio-Canada (n.d., 2012); Journal de Montréal (20 mai 2010); L’après-midi porte conseil à Radio-Canada (n.d., 2010); La Presse (10 juin 2008, 7 janvier 2009; 20 septembre 2009); L’après- midi porte conseil Radio-Canada (n.d., 2010); La Tribune (28 décembre 2011); Le Droit (11 février 2008a); Le Soleil (28 mai 2007a, b); Première Heure à Radio-Canada (n.d., 2013); Radio-Canada (15 février 2012); Salut Bonjour TVA (15 février 2012); TVA (n.d., 2008); The Globe and Mail (31 octobre 2008); Triplex Radio-Canada (6 juillet 2011); V (n.d., 2013).

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des approches cognitives comportementales figurent leur caractère instrumental et leur simplicité théorique. Quant à leur validité empirique et à leur efficacité, elles auraient été démontrées dans le traitement des troubles du contrôle de l’impulsion tel que le jeu pathologique514. Qui plus est, les écrits disponibles au sujet du traitement de la « cyberdépendance » recommandent une approche globale intégrant l’approche cognitive comportementale515. Rappelons qu’au début des années 2000, cette approche a été privilégiée par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour le programme d’évaluation et de traitement du jeu pathologique. Financé par ce ministère, l’ensemble des centres de réadaptation en dépendances du Québec s’était vu offrir l’exclusivité de ce programme de traitement. C’est ainsi qu’un grand nombre d’intervenants du domaine des dépendances a été formé pour offrir ce traitement.

Cette approche est souvent privilégiée en traitement des dépendances dans la mesure où elle permet, pense-t-on, de mieux comprendre les schèmes de pensée de l’internaute et les biais cognitifs « appris » dans les différents contextes de socialisation de sa vie (ex. : famille, travail, école, médias, etc.) qui seraient à l’origine de nombreux « symptômes » et comportements « dysfonctionnels ». Ainsi, elle participe du discours pathologisant en renvoyant l’individu à son intrapsychique et en visant essentiellement la partie sociale de l’individualité que l’on conçoit comme étant vulnérabilisée (Otero, 2000, 2006; Suissa, 2005). Le dispositif thérapeutique dont fait partie cette approche cognitive comportementale tente ainsi de réadapter les compétences sociales de l’individu (par des techniques d’apprentissage de la gestion des cognitions, des comportements et des émotions) sans tenir compte des facteurs sociaux ou environnementaux qui pourraient avoir un impact direct sur les « difficultés » vécues par les individus (Otero, 2000, 2006).

514 Ladouceur, Boutin, Doucet, Lachance et Sylvain (2000; Young, 2007; Young, 2009a; Du et coll., 2010 cités dans Brisebois, 2011); TechAddiction (2005). 515 Conrad (2009); Dufour (octobre 2003, mars 2012); Widyanto et Griffiths (2006; Shapira et coll., 2003; Collier, 2009; Du et coll., 2010; Young, 2009a; Young, 2009, cités par Brisebois, 2011); TechAddiction (2005); Vaugeois (2006).

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Conclusion : la médicalisation comme dispositif de contrôle social

Au-delà des joutes discursives auxquelles se livrent les acteurs sociaux dans les différentes sphères d’influence pour faire reconnaitre scientifiquement la « cyberdépendance » comme dépendance ou comme trouble psychiatrique, des internautes s’autoproclament comme étant « cyberdépendants » et consultent, depuis quelques années déjà, différents professionnels de la santé dans les ressources publiques et privées. Pour le moment, les intervenants sociaux œuvrant dans le champ des dépendances et de la santé mentale interviennent sans boussole ni compas, sans avoir accès à une masse critique de données empiriques probantes qui permettraient d’orienter leurs interventions. La demande d’aide sans cesse croissante (Nadeau et coll., 2011) a forcé ces intervenants sociaux à construire ou à promouvoir différents dispositifs de contrôle social afin de réagir à la « cyberdépendance ».

Dans le cas qui nous concerne, les différents acteurs sociaux, intéressés par cette construction, rivalisent pour acquérir les titres de « propriété » dudit problème au sein des trois arènes publiques d’influence dont nous avons traité. Dans chacune d’elles, les acteurs et les discours visent essentiellement à mobiliser l’attention d’auditoires variés (ex. : communauté scientifique, professionnels de l’intervention, grand public, etc.) dans le but de légitimer leur intervention auprès de clientèles en difficulté. En outre, ce pouvoir de légitimité leur permettrait, d’une part, de faire accepter leurs visions dudit problème et, d’autre part, de prescrire des dispositifs spécifiques d’intervention sociale en matière de « cyberdépendance ». Dans cette optique, deux tendances se profilent au Canada et au Québec relativement à l’offre de produits et services pour réguler la « cyberdépendance » : les ressources privées et le modèle public.

Certains groupes dominants cherchent à aspirer la « cyberdépendance » dans une logique de pathologie, de « maladie », et ce, au même titre que les autres « dépendances » (ex. : alcoolisme, toxicomanie, jeu pathologique) (Collin et Suissa,

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2007). Force est de constater que, jusqu’à ce jour, les dispositifs thérapeutiques en matière de « cyberdépendance » proposés par les acteurs sociaux québécois et canadiens tant dans les ressources privées que publiques sont similaires aux modèles de traitement ayant usuellement cours dans le champ des dépendances (alcoolisme, toxicomanie et jeu pathologique). La médicalisation, voire la psychopathologisation des interventions, semble être une avenue privilégiée par différents acteurs sociaux comme dispositif principal de réaction sociale face à cette « nouvelle » dépendance et à ses conséquences jugées comme étant socialement indésirables (Suissa, 2008). Ce mouvement de médicalisation de la « cyberdépendance » s’inscrit dans la même lignée que celui qui touche actuellement les services de santé et les services sociaux, soit l’appréhension d’un nombre croissant de problématiques sociales d’un point de vue médical à laquelle sont arrimées des réponses essentiellement médicales ou pharmacologiques (Leblond, 2016). La tendance sociétale lourde à élargir les filets de contrôle social des addictions (par le truchement de la médicalisation, par exemple) est discutable (Kiefer, 2012 ; Frances, 2013) et ne nous semble pas être sans conséquence pour les intervenants sociaux puisqu’un des principaux enjeux corporatistes des professions en relation d’aide consiste à faire valoir leur vision particulière d’une « situation problème » dans le but d’obtenir, de conserver ou d’étendre une partie, voire l’exclusivité, de leur pouvoir d’intervention thérapeutique.

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Chapitre 8 : Conclusion et pistes de recherche

Depuis plus de vingt ans, à travers leurs joutes discursives, nombre d’acteurs sociaux de partout en Occident revendiquent, négocient et essaient de persuader divers auditoires (ex. : communauté scientifique, décideurs publics, intervenants sociaux, grand public) par différentes stratégies de légitimation que la « cyberdépendance » existe réellement comme problème public. Ce phénomène est jugé suffisamment important pour que des acteurs sociaux québécois et canadiens sautent dans les différentes arènes de négociation et se mobilisent afin de définir, de formuler et d’imposer leurs propres revendications à propos dudit problème. Les travaux de Spector et Kitsuse (1977, 1987), traitant du processus de construction des problèmes sociaux combinés à la perspective de construction des problèmes publics de Joseph Gusfield (2009), nous ont permis de jeter un éclairage sur les manières dont ces acteurs sociaux concernés par une situation qu’ils jugent problématique — telle que l’utilisation dite excessive d’Internet — en sont venus à mobiliser d’importants auditoires dans les trois sphères qui se sont avérées les plus influentes dans ce débat, soit les arènes scientifique, psychosociale et médiatique. Le principal effort de cette recherche a été d’éclairer le processus par lequel l’association entre « Internet » et « dépendance » est devenue un problème public pour différents acteurs sociaux. Pour ce faire, nous avons à la fois dressé un portrait des luttes diverses, resitué les affrontements et les batailles et retracé les joutes discursives jouées par divers acteurs sociaux afin de faire reconnaitre leur version dudit problème. En cela, nous avons suivi le schème analytique de Gusfield (2009) voulant que le problème public n’émerge pas d’une situation statique, mais plutôt d’une série d’activités qui évoluent et surtout s’interinfluencent. Ainsi, nous avons été en mesure de circonscrire des activités définitionnelles liées à : 1) la problématisation de la « cyberdépendance »; 2) sa structure identitaire; 3) ses causes et ses conséquences; 4) ses pratiques de gestion et de régulation sociale.

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La naissance d’un nouveau concept

L’émergence d’une nouvelle forme de « dépendance » à Internet n’est pas sans nous rappeler l’histoire de la chasse aux sorcières de Salem de K.T. Erikson (1966). La construction sociale d’un discours devient le moment décisif de la désignation et de la formulation d’un problème avec l’émergence de thèmes, de concepts, etc. Or, l’étude du contexte historique du procès de Salem nous fait comprendre et nous explique de quelle manière une communauté puritaine, à partir d’une simple plaisanterie, peut construire tout un discours autour du concept de sorcellerie et condamner à la peine capitale des membres de sa propre communauté sans que la preuve de son existence soit corroborée par des « faits » estimés être réels et exacts. Au terme de l’hystérie collective qui ensorcela le village de Salem, l’une des deux principales protagonistes avoua que l’agir des deux comparses tenait du simple divertissement. Mais, qu’en est-il de ce nouveau phénomène de la « cyberdépendance »? Relèverait-il d'une paranoïa collective similaire?

Rappelons que tout a commencé aux États-Unis dans le courant de la moitié des années quatre-vingt-dix à une époque où la popularité d’Internet était encore naissante. Ironiquement, le psychiatre américain Ivan K. Goldberg décide de parodier — sur un forum de discussion — le système de classification du DSM pour mettre en lumière la vive fascination de la société pour ses propres dépendances. Il propose une pseudo classification desdits « symptômes » de la dépendance à Internet qu’il prénomme Troubles dus à la dépendance à Internet : critères diagnostiques. Goldberg participe, ici, à la traduction en un « fait » de la « cyberdépendance ». Malgré le caractère un peu loufoque de son invention, ceci n’a pas empêché sa nouvelle classification de se répandre comme une trainée de poudre chez différents experts (ex. : médecins, psychologues, etc.) et dans l’espace médiatique et de créer un certain engouement face à ce nouveau « problème ». Le concept prendra ainsi vie indépendamment de son créateur; la chasse aux « cyberdépendants » venait donc de débuter. Le fléau s’étendit à tel point que de nombreux internautes se mirent à s’auto-

267 identifier comme étant « cyberdépendants » et multiplier les témoignages publics en prétendant avoir observé lesdits symptômes décrits par le psychiatre Goldberg. En marge de telles connaissances, il convient de mettre en relief qu’à partir d’une simple blague sans fondement scientifique appuyée par plusieurs récits d’internautes basés essentiellement sur l’autodiagnostic, toute une construction discursive s’échafaudera autour du concept de « cyberdépendance » afin de le faire reconnaitre comme un problème public. C’est ainsi qu’une fausse « pathologie » venait de naitre et ouvrait, avec elle, un secteur inédit de spécialisation au sein des professions en soin et en relation d’aide. Dans cette veine, la psychologue clinicienne américaine Kimberly Young était aux premières loges, car elle fréquentait ce forum comme dépendante autodiagnostiquée. Témoin des réactions suscitées par la fabrication de toutes pièces de cette nouvelle dépendance, elle s’intéressa donc à ce nouveau « phénomène » et vit possiblement là, une occasion d’ouvrir un nouveau champ d’expertise et de gagner un espace d’intervention; elle se désigna rapidement comme étant la « traductrice » de ce nouveau problème, au nom de ses dites compétences comme « cyberdépendante ». Mais, les Anglo-saxons ne furent pas les seuls à s’attribuer la reconnaissance de la « cyberdépendance » ni à vouloir s’approprier jalousement ce champ d’intervention. Au Canada et au Québec, à l’instar de sa collègue américaine, le psychologue québécois Jean-Pierre Rochon, lui aussi autodiagnostiqué « cyberdépendant », a été le premier à présenter sa perception de la « cyberdépendance » et à exploiter ce nouveau créneau d’intervention.

Problématiser un nouveau phénomène social

Pour Spector et Kitsuse (1987), admettre que l’utilisation d’Internet puisse être problématique chez certains utilisateurs devient un enjeu lorsqu’il est reconnu et transformé en objet de discussions, de tensions voire de controverses, de descriptions divergentes ou de revendications. Mais la conception et la définition sont loin d’être des processus neutres dans la mesure où elles donneront le ton à la compréhension sociale de la « cyberdépendance », ainsi qu’aux différentes pratiques de gestion et régulation sociale du problème nouvellement construit. Là, où nous avons

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simplement l’impression de décrire, nous construisons. Les constructions discursives des acteurs sociaux qui émergent publiquement sont conséquemment révélatrices de la manière dont la négociation se déroulera.

Pour les détracteurs du domaine de la psychiatrie, de la médecine, de la psychologie, de la sociologie, de la criminologie et de la communication, la problématisation sociale de l’utilisation d’Internet est une tentative fabriquée de toutes pièces par certains acteurs — comme l’a été la paranoïa puritaine de la communauté de Salem — dont l’effet premier est de stigmatiser et médicaliser une pratique, et l’effet second de s’approprier un nouveau champ d’intervention. Pour d’autres, l’absence de preuve scientifique les rend perplexes. Ils préfèrent demeurer prudents et attendre des données probantes avant de prendre position. Bien que les médias de masse aient promulgué à plusieurs reprises des discours discordants remettant en doute l’existence d’une utilisation dite problématique d’Internet, nous constatons que l’accès à la sphère médiatique ne semble toutefois pas égal pour tous les acteurs sociaux. Faut-il en déduire pour autant que certains médias privilégient certains discours? Il n’en demeure pas moins que certaines positions restent marginales et demeurent toujours en périphérie, ne réussissant pas à capter suffisamment l’attention publique et à s’imposer. Ces quelques discours montrent, de façon moins dominante certes, que certains conflits peuvent opposer différents acteurs sociaux. Ceci donnant une image différente, moins consensuelle, tout en laissant transparaitre une dissonance quant à la problématisation de la « cyberdépendance ». Or, ces positions marginales sont contrecarrées par d’autres constructions discursives davantage prédominantes qui prônent, quant à elles, une reconnaissance pleine et entière de la « cyberdépendance » comme étant un problème public réel. Ces discours occupent une telle place dans l’espace public, qu’il est justifié de croire que majoritairement les acteurs sociaux ne semblent plus remettre en doute la légitimité de la « cyberdépendance » et reconnaissent de facto son existence. Bref, même s’il semble y avoir apparence de consensus parmi ceux qui parlent, ou ont l’air de parler, de la même chose, différentes batailles discursives sont livrées à l’intérieur des trois arènes publiques.

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De façon plus précise, nous avons constaté que se sont trois principaux groupes corporatistes tels que les médecins, les psychiatres et les psychologues qui luttent en multipliant les revendications afin d’inscrire dans une logique de biologisation toute forme d’utilisation dite abusive d’Internet ou de « cyberdépendance ». Qui plus est, plusieurs luttes se sont livrées en même temps et se sont entrecroisées entre les médecins, les psychiatres et les psychologues. Nous avons observé aussi que tout un pan de la médecine véhicule, principalement dans les différents médias de masse québécois et canadiens, un discours de la maladie physique en propageant certaines prémisses considérées comme scientifiques sous le couvert de la théorie neurobiologique ou venant du domaine de la génétique moléculaire. Ce faisant, ces tenants attribuent à la « cyberdépendance » des causes physiques de dysfonctionnement d’organes et du métabolisme ou d’une carence d’un gène spécifique. On saisit ici comment un comportement peut devenir pathologisé à la faveur de nouvelles découvertes médicales et psychiatriques. Or, malgré cette importante couverture médiatique accordée aux hypothèses neurologiques pour tenter d’expliquer la survenue de la « cyberdépendance », les trois plus importantes joutes discursives pour ces acteurs sociaux convaincus de son existence consistent à déterminer : 1) si la « cyberdépendance » doit être reconnue comme trouble psychiatrique à part entière et classée soit comme trouble du contrôle des impulsions ou comme trouble obsessionnel compulsif; 2) si Internet n’est qu’un moyen par lequel se révèlent d’autres troubles mentaux préexistants ou 3) si cette nouvelle tendance est une pathologie au même titre que les autres dépendances.

Pour Gusfield (2009), les « problèmes » humains ne surgissent pas d’un seul jet et ne sont pas déjà fabriqués dans la conscience populaire. Supposer que la « cyberdépendance » existe, exige d’abord que des acteurs sociaux s’entendent sur la sémantique qui permet de nommer, de décrire, de rendre compte du caractère problématique, et ensuite, de développer des critères « objectifs » qui permettront d’identifier et de catégoriser ledit problème. Selon notre étude, les défenseurs de l’hypothèse de la « cyberdépendance » comme problème public dominent non seulement cette première lutte, mais sont tout aussi dominants dans une seconde lutte

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soit celle consistant à attribuer une « identité » à la « cyberdépendance » afin d’en définir la structure « identitaire ».

Classifier et identifier la « cyberdépendance »

Dans un premier temps, nous avons constaté au terme de cette recherche qu’une quantité impressionnante de termes jargonneux a été inventée pour parler dudit problème. Cette construction s’est déroulée principalement à l’intérieur des arènes scientifique et médiatique. Il ressort clairement qu’il existe une plus grande diversité dans les propositions d’appellations francophones, comme si le milieu francophone cherchait à se démarquer dans sa manière de dire ou de nommer. Le débat n’est pas anecdotique comme le souligne Raison (2007). C’est « aussi constituer autour du concept (ou du terme) un champ sémantique, comme un champ de bataille pour une joute intellectuelle. C’est, à la limite, ôter à l’interlocuteur le choix des armes : on est souvent nommé (et péjorativement) par les autres » (Raison, 2007, p. 57). Pour Akrich, Callon et Latour (2006), cette panoplie de terminologies soulève la question de la mystérieuse adéquation entre les mots et les choses, entre ce que l’on dit de ces choses et ce qu’elles sont en réalité. Du moment où nous pensons décrire la réalité en lui donnant un nom, nous la construisons par des choix plus ou moins conscients. D’ailleurs, rappelons que nous avions soulevé cette même difficulté de nommer le problème sans que le lecteur présume de la posture épistémologique de l’auteure de cette thèse. Dans le processus de construction sociale dont il a été ici question, le terme francophone « cyberdépendance » ou anglophone « Internet addiction » est en voie de devenir prépondérant dans les différentes sphères scientifiques, professionnelles ainsi que dans l’opinion publique. Force est de constater que parler de « cyberdépendance » pour expliquer un comportement jugé indésirable, c’est déjà présupposer du caractère du phénomène, c’est-à-dire qu’il peut y avoir une dépendance; ce qui n’est pas neutre en soi. Comme le souligne Callon (1986), la propagation d’une terminologie privilégiée — telle que la « cyberdépendance » — contribue à sa légitimation et à son rayonnement, à travers le

271 temps et l’espace, et la reconnaissance de son existence en vient à s’imposer d’elle- même aux yeux de divers auditoires.

Dans un deuxième temps, même si le processus de construction sociale comprend, pour une bonne part, la nomination du problème, il doit aussi offrir une définition qui permette aux acteurs sociaux, participant à cette construction, de l’objectiver, c’est-à-dire, de rendre perceptible ce concept abstrait. Pour ce faire, les défenseurs de l’hypothèse de la « cyberdépendance » ont poussé cette objectivation régulatrice en découpant les particularités du phénomène, l’insérant ainsi au sein de différents systèmes de classification. Un tel découpage vise potentiellement à aider les différents experts à identifier une potentielle « victime » affectée par un trouble quelconque de « cyberdépendance ». Ainsi, de notre analyse documentaire découlent quatre catégories de fabrications classificatoires de la « cyberdépendance » construites par les différents acteurs sociaux québécois et canadiens qui laissent entrevoir le niveau de raffinement actuel du découpage de la réalité de la « cyberdépendance » en micros problèmes. La première, celle promulguée par des défenseurs de la maladie mentale, suggère de classifier la « cyberdépendance » à l’intérieur de deux sous-catégories diagnostiques, soit les troubles impulsifs (comme un trouble du contrôle des impulsions) ou les troubles compulsifs (comme un trouble obsessionnel compulsif). La deuxième, celle des défenseurs du désordre de dépendance, compare la « cyberdépendance » soit à une dépendance aux substances psychoactives ou encore aux dépendances comportementales. Comme troisième et quatrième systèmes classificatoires, certains tenteront de les ordonner soit en proposant des profils d’utilisation problématique d’Internet ou des typologies spécifiques en fonction des différents contenus numériques retrouvés en ligne. Or, ces multiples distinctions apportées par les différents acteurs des trois sphères d’influence amènent également leur lot de controverses et de joutes discursives parmi les acteurs qui, pourtant, souhaitent en arriver à un schème classificatoire consensuel. Nous observons une nette tendance se dessiner vers l’association à la dépendance.

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De plus, derrière les discours concernant la problématisation de la « cyberdépendance » se cachent également de vigoureuses luttes divisant le domaine de la recherche scientifique. Ces débats font ressortir très clairement l’enjeu que représente l’identification des critères diagnostiques qui permettraient également de reconnaitre objectivement quand l’utilisation d’Internet devient une « cyberdépendance ». D’ailleurs, Jodelet (2010) et Becker (1963, 1985) nous rappellent que ce sont les groupes dominants, les « entrepreneurs de morale » qui possèdent le pouvoir d’imposer leurs normes sociales et leurs critères pour définir en quoi l’autre est radicalement différent. Comme le soutiennent ces auteurs, les normes sont le produit de l’initiative de certains individus tels que les cliniciens et les chercheurs qui ont tenté, tant bien que mal, de se faire une opinion sur le caractère présumément psychopathologique d’un usage considéré être excessif d’Internet. Un grand nombre d’acteurs sociaux ont procédé à l’agencement de maints critères diagnostiques afin d’être en mesure d’identifier les internautes potentiellement « dépendants » à Internet; ils ont débattu de quatre systèmes classificatoires dans les trois arènes publiques. Ces quatre propositions conduisirent à l’impasse. Deux premiers groupes d’acteurs sociaux ont tenté d’établir des critères psychiatriques davantage rigides inspirés du DSM ou des critères psychosociaux communs aux dépendances. Ils ont poussé deux autres groupes d’acteurs sociaux à examiner la probabilité d’adopter des critères diagnostiques souples en privilégiant une approche quantitative d’utilisation d’Internet ou une approche qualitative d’une souffrance significative avec des conséquences psychologiques. En mettant à l’avant-scène la souplesse de leurs critères, ces acteurs estimaient qu’il serait plus facile de rallier les deux premiers groupes d’experts afin d’établir un consensus. Or, aucun consensus n’a vraiment réussi à s’imposer et à recevoir l’approbation d’une majorité d’acteurs sociaux.

De ces quatre systèmes classificatoires (critères psychiatriques, critères psychosociaux, approche quantitative ou approche qualitative), il subsiste toujours des controverses et des débats concernant la reconnaissance de la classification de la « cyberdépendance ». Parmi toutes ces controverses, trois éléments essentiels ont

273 davantage animé les joutes discursives : le choix des critères déterminant qu’un individu est « cyberdépendant », le nombre de critères nécessaires pour le taxer de « cyberdépendant » et l’établissement d’une limite maximale d’heures d’utilisation d’Internet. Mais le facteur qui suscite les plus vifs débats, et ce, dans les trois arènes, est la détermination du nombre d’heures minimales d’utilisation d’Internet requis pour considérer que cette utilisation est dite « problématique ». Dans cette veine, plusieurs propositions ont fait l’objet de discussion. Ces joutes discursives soulignent l’enjeu que représente le passage de la normalité à la maladie. Cette tentative collective de vouloir un découpage toujours plus précis suppose que, d’un côté, il y ait les conduites dites normales ou conformes et, de l’autre, celles jugées déviantes, voire pathologiques. Ainsi, toute une partie des revendications des tenants de la thèse de la pathologisation s’appuie sur le fait qu’ils ont besoin de ce genre de classification pour établir des diagnostics et pour être en mesure de proposer des traitements adaptés — principalement médicaux. D’ailleurs, le psychiatre Gekiere (2009) souligne que le diagnostic psychiatrique a une valeur marchande dans les services publics puisque le diagnostic est en quelque sorte un billet d’entrée pour l’obtention de prestations de soins et de services de santé. Or, faut-il rappeler, à ce titre, le faux scandale lié à la chasse aux sorcières de Salem? Ce drame historique suggère que la recevabilité de la preuve n’était pas évidente et que même si tous les inquisiteurs étaient d’accord pour retenir entre eux cinq critères (ex. : être bizarre, étrange ou en marge de la société, etc.) comme éléments de preuve pouvant identifier une sorcière, cette convention n’en validait pas, hors de tout doute, leur identification et encore moins leur existence.

Derrière la tentative de vouloir se démarquer, les deux premiers groupes, luttant pour intégrer la « cyberdépendance » à l’intérieur du système de classification du DSM, viennent ainsi cristalliser la représentation biomédicale de la « cyberdépendance ». Encore de nos jours, les défenseurs de la biomédicalisation continuent d’occuper majoritairement l’avant-scène dans les différentes arènes publiques. Mais avant d’atteindre l’étape ultime — soit d’instaurer des dispositifs de contrôle social sur des comportements jugés problématiques sur Internet —, la

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compréhension des « causes » dudit problème est prépondérante et se doit d’être approfondie. Pour certains acteurs, il est plus important de comprendre et d’expliquer pourquoi et comment certains internautes développent une dépendance à Internet tandis que pour d’autres, il est plus urgent de se concentrer sur les conséquences afin de les prévenir.

Expliquer la survenue d’une « cyberdépendance » chez un internaute

Dans leurs efforts de faire reconnaitre la « cyberdépendance » comme réel problème public, les défenseurs de la pathologisation poursuivent leur chasse aux sorcières, cette fois-ci en pourchassant les « cyberdépendants » en devenir. Selon eux, pour prévenir les conséquences indésirables, il faut d’abord élaborer les facteurs de risque — identifiant ainsi certains internautes comme faisant partie d’une population dite à risque — pour ensuite, être capable d’établir la liste de ces facteurs, permettant de cette façon aux intervenants sociaux de repérer systématiquement les individus à risque et de pouvoir intervenir au moindre signe avant-coureur. Ainsi, selon les tenants du désordre des dépendances plusieurs facteurs de vulnérabilité seraient à surveiller : individu, environnement, objet, car ils seraient à l’origine du développement d’une « cyberdépendance ». Quant aux défenseurs du trouble psychiatrique, un autre facteur s’ajoute concernant la concomitance de troubles mentaux en lien avec une dépendance dite pathologique. D’ailleurs, ce facteur de concomitance des troubles a dominé notre corpus documentaire.

Une majorité d’acteurs sociaux semble être d’accord pour reconnaitre une concomitance de facteurs de risque significatifs accompagnant le développement de la « cyberdépendance ». Même si cette hypothèse semble rallier à la fois les militants du désordre de dépendance et ceux du trouble psychiatrique en concomitance, elle n’a toutefois pas réussi à convaincre les défenseurs de la « cyberdépendance » comme trouble psychiatrique distinct. Or, le seul consensus qui semble se dégager entre eux est celui de l’importance de cibler rapidement les facteurs de risque qui

275 expliqueraient la survenue de la « cyberdépendance ». Depuis plusieurs décennies, des chercheurs soulignent l’intensification du discours public sur l’élargissement du regard médical, de la santé publique et de la médecine préventive et prédictive qui se pose en amont du développement de la maladie pour cibler l’individu à risque de développer une maladie (Armstrong, 1995; Foucault, 2004; Greene, 2007, cité dans Collin et David, 2016). Dans cette veine, l’article du quotidien québécois Le Journal de Québec du 29 novembre 2016 titré « Dépister la maladie mentale avant son diagnostic » illustre bien ces propos et nous interpelle, d’une part, parce que l’obtention d’un financement additionnel pour le Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (CRIUSMQ) pour poursuivre d’importants travaux visant à détecter les signes avant-coureurs des maladies neurologiques et psychiatriques montre l’intérêt marqué du gouvernement québécois et du ministère de la Santé et des Services sociaux pour la médecine préventive et prédictive (Bidégaré, 2016). Cette nouvelle médiatique nous interpelle, d’autre part, parce que les chercheurs continuent à scruter à la loupe le cerveau afin d’y repérer les moindres signes avant-coureurs d’une maladie mentale quelconque afin « d’empêcher la trajectoire » vers le développement de celle-ci (p. 2). Selon le directeur scientifique du centre Yves De Koninck, « la clé est la détection le plus tôt possible » (Bidégaré, 2016, p. 1). Cette nouvelle démonstration vient fournir pense-t-on des arguments supplémentaires aux défenseurs de la pathologisation de la « cyberdépendance » qui militent pour convaincre les sceptiques de l’importance d’identifier rapidement les facteurs de risque. On ajoute que la « cyberdépendance » pourrait aussi s’expliquer par des modifications neurochimiques ou biologiques dans le cerveau (cette hypothèse avait d’ailleurs été soulevée au chapitre 4). Ensuite, avec leurs futures découvertes, les chercheurs du CRIUSMQ souhaitent ainsi offrir un traitement médical adapté à l’individu bien avant que la maladie n’opère.

Pour d’autres, la présence de répercussions négatives, permettant de mieux saisir la gravité et l’étendue des dommages causés par l’utilisation dite excessive d’Internet, était la question centrale. Malgré cela, plusieurs controverses et questionnements persistent sur le lien à établir entre les répercussions et l’utilisation

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d’Internet. Au cœur de ces controverses, des chercheurs contestent encore la présence d’un lien de cause à effet entre le développement d’Internet et les répercussions vécues par l’individu (Beaulieu, 2012; Landry, 2001). Certains s’interrogent sur la nature et l’intensité des conséquences engendrées par ce problème. Sont-elles aussi sévères que celles associées au jeu pathologique et aux troubles liés aux substances? Peuvent-elles entrainer une détresse significative aussi importante que les autres dépendances? Malgré l’augmentation significative de la littérature scientifique sur le sujet au cours des dernières années, ces questions n’ont pas encore obtenu de réponses suffisantes. D’ailleurs, la réticence à intégrer la « cyberdépendance » comme nouvelle maladie dans la cinquième version du DSM est attribuable en partie à la controverse entourant la nature, le niveau de sévérité et l’étendue de ces répercussions sur l’individu (Dufour et coll., 2014). Il ne suffit donc pas de reconnaitre l’existence d’un problème, encore faut-il que les acteurs sociaux réussissent à convaincre la société que la persistance dans son utilisation entrainerait des conséquences négatives dans un contexte où l’utilisation d’Internet fait partie intégrante du quotidien des individus.

Derrière cet enjeu théorique, se dessine une concurrence entre les défenseurs du désordre des dépendances et les tenants du trouble de santé mentale qui rivalisent pour acquérir les titres de « propriété » dudit problème ou de se voir accorder la responsabilité exclusive de le réguler en se spécialisant dans ce domaine d’action publique. En effet, Gusfield (2009) nous rappelle qu’une telle propriété leur permettrait d’ancrer leurs visions et de prescrire leurs propres dispositifs de gestion et de régulation sociale pour réagir à la « cyberdépendance ». Une telle propriété permettrait également de répondre à la question de savoir à quel type de spécialistes l’on devrait confier lesdits « cyberdépendants ».

Réagir à la « cyberdépendance »

L’idée du syndrome médical, proposée par la majorité des acteurs sociaux, a contribué à propulser Internet dans l’arène des services de santé et des services

277 sociaux. Sans égard aux différentes luttes entourant la reconnaissance de la « cyberdépendance » comme trouble psychiatrique distinct, comme trouble psychiatrique sous-jacent ou comme dépendance, tous convergent en fin de course vers le même objectif, soit de favoriser sa médicalisation, voire sa pathologisation. À l’instar de Conrad (1995), nous estimons que l’enjeu clinique est ici d’imposer un cadre médical où tout s’explique par le biologique favorisant automatiquement la prise en charge médicale avec des protocoles de soins dans lesquels la prescription de médicaments psychotropes est souvent perçue comme une composante essentielle du traitement même pour des problèmes non médicaux (particulièrement les problèmes psychosociaux). Notons également que l’idée concomitante à l’inclusion progressive de comportements dans la sphère de la « pathologie » est celle selon laquelle seuls des spécialistes médicaux (ex. : médecins, psychiatres, etc.) sont compétents dans la gestion et le contrôle de la « cyberdépendance ». Par conséquent, cela n’est pas sans conséquence pour les intervenants sociaux puisqu’un des principaux enjeux corporatistes des professions en relation d’aide consiste à faire valoir leur vision particulière d’une « situation problème » dans le but d’obtenir de conserver ou d’étendre une partie, voire l’exclusivité de leur pouvoir d’intervention thérapeutique.

Dans notre analyse, l’évidence même de la « cyberdépendance » ne semble faire aucun doute aux yeux des principaux protagonistes. Toutes les modalités d’intervention privilégiées par ces derniers s’inscrivent dans un continuum de soins et de services reconnu en matière de santé publique. Ce continuum s’inspire d’un découpage temporel divisé en trois moments interventionnistes, soient l’intervention préventive c’est-à-dire avant qu’une situation qui est socialement jugée indésirable ne pose problème, le repérage systématique et l’intervention précoce (pendant, afin de la contrôler) et l’intervention curative (après, afin de l’éliminer). De plus, dans chaque moment interventionniste, les acteurs sociaux s’assureront d’acquérir une compétence d’expertise en proposant leurs constructions des modalités d’intervention. Dans la lignée du processus de pathologisation, les dispositifs et les stratégies de prévention, d’évaluation et de contrôle social proposés par les différents acteurs semblent

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emprunter, jusqu’à maintenant, le même chemin que celui qui a été tracé pour d’autres formes de dépendance.

De plus, à l’instar de Bentayeb et Goyette (2013), nous portons notre réflexion sur l’utilisation à outrance des méthodes quantitatives par les défenseurs de la « cyberdépendance comme pathologie » qui domine dans les systèmes de classification desdits cyberdépendants (ex. : DSM), et dans les outils cliniques de surveillance (ex. : outils diagnostics, évaluations cliniques, etc.) et dont le but ultime est de développer des outils standardisés permettant de dépister le plus rapidement possible les populations dites à risque de « cyberdépendance » comme si, dans la réalité, la complexité de la vie sociale pouvait être quantifiée et mesurée. Or, à force de vouloir tout standardiser et mesurer, nous risquons de négliger des aspects plus importants et plus parlants des pratiques sociales, qui par définition, sont plus complexes, nous rappellent Bentayeb et Goyette (2013, p. 67). À cet égard, Martucelli (2010, p. 30) confirme que « plus l’activité devient difficile à mesurer, plus on assiste à une déferlante de critères entrainant une gangrène de la mesure » (cité dans Bentayeb et Goyette, 2013, p. 67). Vincent de Gaulejac (2005, p.70-72) parle pour sa part avec justesse et humour de la quantophrénie, de cette « maladie » managériale voulant partout et toujours traduire toute la vie sociale en signe mathématique (cité dans Bentayeb et Goyette, 2013, p. 67). Pour les défenseurs de ces méthodes, la mesure quantitative est justifiée par le souci d’objectivité. Or, comme l’a bien démontré Alain Desrosières, la quantification est un processus de connaissance. En effet, les caractéristiques à la base même de la construction des indicateurs quantitatifs prennent leur sens dans les opinions, les perceptions, les connaissances et les sentiments des populations — critères pourtant d’ordre qualitatif (cité dans Bibeau, 2002, p.6; cité dans Bentayeb et Goyette, 2013, p. 68). Ainsi dans le domaine du social, l’évaluation quantitative renseigne peu ou pas du tout. Il est inconcevable de réduire la problématique de la « cyberdépendance » à un désordre individuel de nature intrapsychique ou pathologique. Le regard positiviste peut opérer une réduction plutôt simpliste des phénomènes humains étudiés. La « cyberdépendance » relèverait plutôt d’un phénomène de construction sociale

279 multifactorielle au sein duquel le chiffre statistique aurait acquis une place privilégiée en tant que mode de production de connaissances.

Notons que le travail de documentation de la construction d’un discours, tel qu’effectué par Erikson, a été pertinent pour notre étude dans la mesure où il a mis en exergue qu’à partir d’une simple présomption sans fondement objectif réel, toute une construction discursive et professionnelle pouvait s’échafauder autour du concept de la « cyberdépendance ». Qui plus est, différents groupes d’acteurs sociaux continuent de débattre d’un phénomène qu’ils ont bâti de toutes pièces et pour lequel les chances pour un individu de devenir dépendant semblent presque nulles aux yeux de plusieurs. Et pourtant, leur persévérance dans ce processus de construction sociale témoigne de la présence d’enjeux suffisamment cruciaux pour les inciter à poursuivre leur chasse aux « cyberdépendants ». Cette chasse permet — au terme de répétitions, d’argumentations, d’approbations par les pairs et de récupérations médiatiques — de se convaincre de l’existence objective de la « cyberdépendance » au point où s’ensuit la création de stratégies d’intervention.

Notre analyse du processus de construction sociale de la « cyberdépendance » au Québec et au Canada a permis de dégager sept grands constats généraux. Comme premier constat, dès le début de nos analyses du corpus documentaire, nous avions supposé noter la présence d’une diversité de discours portant sur l’utilisation jugée abusive d’Internet dans quatre arènes publiques suivantes : scientifique, psychosociale, médiatique et judiciaire. Nous avions également supposé que ces quatre arènes s’influenceraient mutuellement et qu’elles auraient un impact sur le processus de construction sociale du discours entourant la « cyberdépendance », notamment par la participation des différents acteurs sociaux dans l’une ou plusieurs arènes publiques dans lesquelles ils proposeraient leur propre construction du problème et leurs propres façons de résoudre ledit problème. Cependant au terme de cette étude, nous constatons que les différentes joutes discursives se sont déroulées principalement dans la sphère scientifique et entre trois groupes corporatistes soient les psychiatres, les médecins et les psychologues. Cette arène est le lieu privilégié de

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la négociation constructiviste. Les arènes psychosociale et médiatique ont donc servi en quelque sorte de vecteurs qui auront permis aux trois groupes corporatistes de propager et relayer leur propre construction de la « cyberdépendance » et ainsi alimenter le débat public sur la problématisation sociale d’Internet.

Dans cet esprit, nous constatons, deuxièmement, que la sphère médiatique a occupé une place de premier plan dans cette dissémination des différents discours issus de la sphère scientifique sur la « cyberdépendance ». Notons que les médias ont été les premiers vecteurs à répandre l’idée (propulsée par la science) qu’il était possible de devenir dépendant à Internet. Parmi les 290 articles et 312 minutes audios et audiovisuelles provenant de sept provinces canadiennes qui ont été recensés dans le cadre de cette étude, seules les provinces du Manitoba, de la Nouvelle-Écosse et de la Saskatchewan n’ont pas servi de vecteur de diffusion du débat sur la « cyberdépendance ». C’est donc dire le rôle important joué par les différentes plateformes médiatiques francophones et anglophones dans la construction et la dissémination au grand public des discours (essentiellement scientifiques) sur la « cyberdépendance »! Qui plus est, de par leur rôle d’informateur, les différents médias de masse traitent des « faits » ou des « événements » qu’ils jugent importants (sur la base de considérations proprement journalistiques et mercantiles) et ils contribuent, dans une certaine mesure, à les faire connaitre et à les faire traverser du domaine privé au domaine public. Ainsi, les médias de masse viennent façonner et fabriquer collectivement une représentation sociale de la situation de par leur manière de nommer, d’assembler et de raconter l’événement. Les médias agissent comme véritables véhicules de sens. Ils ont contribué à la présentation et à la vulgarisation des différents discours promulgués par ces acteurs sociaux issus des sphères de la science et du psychosocial. Les médias peuvent donc devenir d’importants lieux de débats, de mobilisation et d’enrôlement de nouveaux alliés autour de grandes questions sociales. C’est précisément le rôle qu’ils ont joué, au Québec et au Canada, dans la construction sociale de la « cyberdépendance ».

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Toutefois, rappelons que par leurs choix, les médias laissent aussi plusieurs points de vue et enjeux dans l’obscurité. C’est ce qu’Elisabeth Noëlle-Neumann (1974) a appelé la théorie de la « spirale du silence », selon laquelle les médias interviennent dans l’espace social en réprimant la diversité des opinions. Ainsi les médias ne reflètent pas la totalité des points de vue conçus par les individus ni l’ensemble des expressions répandues dans l’espace public, mais seulement les points de vue jugés majoritaires et dominants. Une petite population ou un groupe d’acteurs dominants sont capables de limiter le sens critique des acteurs se retrouvant à contre- courant de l’opinion publique, en les retirant des débats; ainsi ils entrent dans une spirale du silence, faisant ainsi la part belle aux opinions dominantes. Citons en guise d’exemple, les discours minoritaires mettant en doute la conceptualisation de l’utilisation d’Internet comme problème public (référence chapitre 4). À ce stade-ci, nous pouvons nous interroger à savoir si les acteurs sociaux qui tentent d’exprimer une opinion divergente courent le danger de se faire isoler par les acteurs qui dominent la joute discursive. Bien qu’elle n’ait pas cherché à répondre précisément à cette question, notre analyse soulève néanmoins le problème des intentions des acteurs sociaux minoritaires; préfèrent-ils se taire ou s’abstenir? Par ce silence, ils aggravent l’impression factice d’un consensus et renforcent l’opinion majoritaire, entrainant en fin de course la disparition apparente, voire réelle, de toute opinion minoritaire.

Pour notre troisième constat, notons que les différents médias de masse ont privilégié à maintes reprises, comme stratégies mercantiles, de cadrer les débats et les revendications sociales en cours autour de l’association entre « médicalisation » et « dépendance ». Rappelons que nos analyses ont mis en exergue que cette association a constitué le thème majeur le plus médiatisé par les médias francophones et anglophones. Cette conclusion fait écho aux propos de Hulsman et Bernart de Celis (1982), Potvin (2008) et Suissa (2005). L’appellation d’un problème influence l’importance accordée à certains points de vue et il a des conséquences sur l’interprétation de l’enjeu qu’en feront les consommateurs d’actualités médiatiques. Pour Marc Angenot (2008), le débat public n’est possible que si un cadrage a été

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établi préalablement. Comme des « maitres de cérémonie », les médias orientent les problèmes (et les aspects de ces questions) méritant selon eux de faire l’objet d’un débat dans la société (Potvin, 2008). Les opérations de cadrage jouent un rôle important dans la mesure où elles visent à activer dans la mémoire de l’auditoire des contenus de valeurs symboliques et à les associer au cadrage effectué. En guise d’exemple, le fait de ranger et catégoriser la « cyberdépendance » du côté de la dépendance au même titre que les toxicomanies plutôt que sous tout autre angle peut activer chez l’auditoire des représentations symboliques, voire stéréotypées. À ce titre, Radio-Canada et le quotidien La Presse, pour ne nommer que ceux-ci, titrent tour à tour leurs nouvelles « Une drogue nommée Internet516 » et « Internaute et drogué »517. En mettant ainsi en saillance et en scène à maintes reprises la dyade Internet/drogue, les médias de masse ont certes contribué à propulser dans l’espace public l’idée que la « cyberdépendance » est une dépendance aussi « dangereuse » que la consommation de drogue.

De plus, la publication fréquente par les médias de masse d’événements liés à la « cyberdépendance » paraît relever d’une stratégie d’appel à la peur laissant ainsi au récepteur la possibilité d’entrevoir les conséquences indésirables d’un comportement jugé néfaste (Daignault, 2007, cité dans Dupuis et Bérubé, 2016). Les titres suivants offrent une telle fenêtre sur l’univers de l’effroi : « Les otages du Web. Un bagne où le boulet est la souris et la cellule, le monde virtuel?518 », « Pris dans la toile519 ». Cette technique de communication de masse a pour principal objectif d’augmenter la perception du risque lié au comportement non désiré afin que la personne soit motivée à l’abandonner (Frenette, 2010, cité dans Dupuis et Bérubé 2016).

Pour le quatrième constat, nous avions postulé d’emblée que l’analyse de décisions judiciaires sur des questions relatives aux utilisations d’Internet jugées

516 Aouan, C. (27 juillet 2011). Une drogue nommée Internet. Radio-Canada. 517 s.n. (18 février 2001). Internaute et drogue. La Presse. 518 Hirtzmann, P (23 octobre 2000). Les otages du Web. Un bagne où le boulet est la souris et la cellule, le monde virtuel? La Presse. 519 s.n. (3 février 2010). Pris dans la toile. Société Radio-Canada.

283 socialement « problématiques » devait nous éclairer sur l’interprétation que les tribunaux se font de ces questions. Les tribunaux jouent un rôle crucial dans la création et la transformation du droit à partir des jugements qu’ils rendent et contribuent, par le fait même, à construire des déviances ou à en légaliser quelques autres. Dans le cadre de cette thèse, nous avions analysé, en début de parcours, 58 décisions judiciaires provenant de sept provinces canadiennes et totalisant 662 pages de données brutes 520-521, mais après analyse, force fut de constater l’absence d’un débat dans l’arène judiciaire. Ce constat laisse présupposer que, pour la majorité des acteurs judiciaires (ex. : juges, procureurs de la couronne, avocats de la défense) et les témoins experts (ex. travailleurs sociaux, éducateurs, psychologues, etc.), la légitimité même de la « cyberdépendance » tend davantage à être tenue pour acquise que remise en cause.

À cet effet, les psychiatres et les pédopsychiatres, témoignant au tribunal, ont joué un rôle majeur en émettant dans deux cas précis de « cyberdépendance », des diagnostics de troubles majeurs cliniques (à l’Axe 1). Ce fait nous a semblé pour le moins étonnant, car dans un premier temps, la « cyberdépendance » n’a reçu aucune reconnaissance officielle comme trouble mental et dans un deuxième temps, aucun consensus n’avait été établi, au moment du témoignage de ces deux experts, relativement aux choix des critères, du nombre et des grilles médicales (ex. : DSM) pour identifier ladite problématique. Dans un domaine aussi spécialisé que la santé mentale, c’est aux « experts qualifiés », tels que les psychiatres ou pédopsychiatres, que revient la responsabilité d’évaluer la présence ou non d’une « problématique » de santé mentale. En apposant ainsi le sceau officiel de la psychiatrie sur l’existence de la « cyberdépendance » dans deux affaires entendues dans deux différents tribunaux du Québec — la Chambre de la jeunesse et le Tribunal administratif —, ces « experts » sont venus en quelque sorte cristalliser l’idée selon laquelle la « cyberdépendance » relève bel et bien du domaine de la santé mentale (Holstein,

520 Précisons que nous n’avons eu accès qu’aux jugements et non à la mise en preuve. 521 Notre matériel d’analyse provient de trois bibliothèques virtuelles soit celle de l’Institut canadien d’information juridique concernant le droit canadien (CanLII, 2013) et deux autres issues du Québec soit le SOQUIJ Intelligence juridique (SOQUIJ, 2013) et le Réseau juridique du Québec (RJQ, 2013).

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2005). Holstein (2005) abonde dans ce sens, car selon lui, instituer le médecin, non seulement comme un expert, mais aussi comme une autorité psychiatrique donne une valeur de garantie particulière au diagnostic apposé et à sa reconnaissance.

Notre cinquième constat repose sur le fait que d’autres « experts » tenteront, pour leur part, de quantifier le nombre d’heures d’utilisation d’Internet pour justifier la gravité dudit problème. Dans 46 % (n = 27/58) des affaires entendues dans les différents tribunaux québécois et canadiens entre 2002 et 2012, l’équation entre la durée d’utilisation de l’ordinateur ou d’Internet et la « cyberdépendance » a servi de facteur atténuant pour plusieurs acteurs (ex. : avocat de la défense, intervenants sociaux, etc.) qui ont tenté de montrer la présence ou non du problème comme étant la principale explication des déconvenues jugées devant les tribunaux québécois et canadiens. Malgré cet assentiment implicite des différents acteurs quant à la durée d’utilisation d’Internet et à son caractère causal des déboires, un obstacle majeur pointe à l’horizon : aucun consensus n’a été établi quant au seuil « normatif » à partir duquel l’utilisation d’Internet deviendrait pathologique ou inacceptable socialement. Les appréciations des témoins-experts paraissent donc reposer davantage sur l’arbitraire plutôt sur des bases dites scientifiques. Comme nous le verrons dans le sixième constant, le domaine judiciaire n’est pas le seul à s’appuyer sur des données non scientifiques.

Le sixième constat nous amène à l’incapacité actuelle de cerner l’ampleur de la « situation problème ». En dépit de cela, il n’en demeure pas moins que l’utilisation d’Internet pourrait engendrer des répercussions jugées indésirables et occasionner certaines formes de détresse chez les utilisateurs ou leur entourage. Dans cette veine, le psychiatre français Marc Valleur redoute d’ailleurs que la non- reconnaissance de la « cyberdépendance » comme pathologie s’accompagne aussi de la non-reconnaissance de la souffrance des internautes522. De plus, selon plusieurs défenseurs de la pathologisation, si certains utilisateurs souffrent de leur propre

522 Barnéoud (septembre 2012, p. 3).

285 utilisation d’Internet, nulle nécessité d’attendre que la science apporte des réponses. Telle est l’assise sur laquelle s’appuie ce groupe d’acteurs pour revendiquer la mise en place de dispositifs d’intervention sociale en matière de « cyberdépendance ». Dans cette veine, nous avons pu observer que différents groupes professionnels s‘impliquent à divers degrés dans cette construction sociale de la « cyberdépendance » en devenant en quelque sorte les « porte-paroles » de cette « nouvelle » clientèle en demande d’aide.

Notre septième et dernier constat porte sur le rôle des travailleurs sociaux. Plus précisément dans cette étude, nous souhaitions documenter le rôle des travailleurs sociaux dans ce processus de construction sociale. Nous avons souligné, au terme de nos analyses, qu’ils n’ont pas réussi à se démarquer des autres professionnels afin de capter l’attention publique, voire gouvernementale. Cette faible visibilité des travailleurs sociaux dans la construction sociale de la « cyberdépendance », particulièrement en raison de son enchâssement prédominant au sein du champ des dépendances, peut étonner. Nous en avons donc tenté d’en comprendre les raisons. Depuis plusieurs décennies, le champ des dépendances s’inscrit dans la tradition du service social. Souvent considérés comme des « experts » du fonctionnement social, les travailleurs sociaux ont été parmi les premiers acteurs sociaux à intervenir dans le traitement et la prévention des problèmes estimés être reliés à l’alcool, aux drogues et au jeu pathologique (Aubertin, 1965; Aubertin et Berlinguet, 1971; Brunet, 1977; Demers, 1995). Ayant investi ce champ de manière notable, sur le plan historique, les travailleurs sociaux ont été parmi les premiers à être confrontés aux « méfaits » potentiellement engendrés par les différentes utilisations d’Internet. Depuis un certain temps, ils sont sollicités par cette nouvelle « clientèle » qui se présente en traitement (Nadeau et coll., 2011) et sont partie prenante de toute une gamme de services, tant publics que privés, qui sont offerts afin de venir en aide à cette nouvelle clientèle.

Les travailleurs sociaux restent encore les intervenants clés dans l’application des stratégies d’intervention psychosociale auprès de cette « clientèle ». À partir du

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moment où les discours dominants prêchent que la « cyberdépendance » est une nouvelle forme de dépendance, tout porte à croire que la légitimité des travailleurs sociaux — déjà acquise dans le champ des dépendances — pourrait les amener à se situer au cœur même de la construction sociale de la « cyberdépendance ». Or, certaines de nos analyses laissent plutôt entrevoir qu’ils se retrouveraient en périphérie de certains autres corps professionnels tels que les psychologues, les médecins et les psychiatres qui participent plus activement à la construction sociale de la « cyberdépendance » et qui parviennent davantage à imposer leurs visions (habituellement biomédicales) de la « cyberdépendance ». Comme la définition même du « problème » n’est pas encore arrêtée et qu’en ce moment la tendance à la biomédicalisation semble dominer l’offre de produits et services en santé et services sociaux, le rôle des travailleurs sociaux devrait être de soutenir et de défendre un discours et une intervention plus sociale de la « cyberdépendance ». Ainsi, les travailleurs sociaux devraient mettre à l’avant-plan, dans le débat public, l’importance de tenir compte de l’environnement social (ex. : entourage, réseau social, etc.) et d’améliorer les déterminants sociaux (ex. : sécurité physique, alimentaire, financière, résidentielle, etc.) de l’individu dans le processus de réadaptation. Mais, encore faut-il que les travailleurs sociaux réussissent à s’imposer dans l’espace public afin d’y exercer une certaine influence. Pour le moment, leur rôle édulcoré — voire imperceptible — reste à éclaircir.

Nous émettons quelques hypothèses pour soutenir notre réflexion. Notre première hypothèse est celle selon laquelle l’individualisation des problématiques et la médicalisation de la dépendance transcendent la vision psychosociale privilégiée par les travailleurs sociaux. L’intervention des travailleurs sociaux devient alors de plus en plus imprégnée par la vision médicale qui domine progressivement le champ des dépendances. Selon cette vision, le « problème » serait intrinsèque à l’individu. Dans la foulée, les travailleurs sociaux seraient davantage appelés à intervenir sur le plan des caractéristiques individuelles pour contrôler ladite maladie et modifier les comportements socialement définis comme étant problématiques. Par ailleurs, comme l’a souligné Roy (2013), les travailleurs sociaux empruntent parfois des outils au

287 domaine médical (ex. : DSM) dans le but de se renseigner sur les symptômes de ladite « maladie ». Selon Roy (2013), les travailleurs sociaux contestent peu le fait que la personne soit « malade » tout comme ils critiquent peu la prise en charge des difficultés par l’institution médicale. Par conséquent, il est justifié de se demander si le rôle des travailleurs sociaux n’est pas devenu un prolongement des professions médicales. En privilégiant ainsi un cadre médical, les intervenants sociaux ne deviennent que des intermédiaires à la prise en charge.

De plus, notre seconde hypothèse est celle selon laquelle l’individualisation des problématiques et la standardisation et la protocolisation des pratiques professionnelles entrent en conflit avec le regard spécifique des travailleurs sociaux sur les situations ainsi que leur prise en compte des aspects sociaux. Inspirés du monde biomédical anglo-saxon et directement lié à la perspective des pratiques fondées sur les données probantes (Evidence Based Practice), les protocoles d’intervention se propagent au Québec depuis plusieurs années dans le domaine du travail social (Couturier et Carrier, 2003). Ces protocoles sous-tendant une conception médicale du problème et de l’intervention visent à établir des procédures uniformisées pour tous les usagers, à mesurer les pratiques, à formater voire techniciser l’intervention clinique des travailleurs sociaux et à limiter ainsi leur réflexion. C’est en ce sens qu’Amadio (2009) articule son argumentation sur le travail social, insistant sur le fait que sa managérialisation produit une perte de sens et un amenuisement de l’esprit critique des travailleurs sociaux.

Le courant des « meilleures pratiques » (best practices), c’est également développé et largement répandu dans le domaine du traitement des dépendances en Amérique du Nord (Landry, Tremblay, Bertrand et Ménard, 2010). Notre étude a mis en lumière le fait que l’approche cognitivo comportementale semble privilégiée comme modèle d’intervention en « cyberdépendance ». D’ailleurs, nous retrouvons cette approche dans le guide des pratiques reconnues comme étant efficaces dans le traitement des jeunes et des adultes aux prises avec une dépendance (Landry, Tremblay, Bertrand et Ménard, 2010). Notons que cette approche s’inspire des

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disciplines psy et qu’elle considère que ce sont les difficultés « psychologiques » de l’individu liées à des pensées et des comportements inadéquats et appris. Harper et Dorvil (2013) nous rappellent que cette approche ne laisse aucune place au « regard sur le social » qui est propre au travailleur social.

Globalement, nous pouvons conclure que les joutes discursives entourant la construction sociale de la « cyberdépendance » se poursuivent toujours. À la lumière de nos analyses, l’on peut présumer que les défenseurs de cette nouvelle « pathologie » espéraient assister à la consécration de son inclusion dans la cinquième version du DSM. Nous avons des données suggérant que malgré cette déception, ces derniers continuent de militer pour que la « cyberdépendance » soit reconnue comme entité universelle dans une prochaine version révisée (DSM-5.1). De plus, comme ce processus social de la reconnaissance d’une dépendance à Internet suit toujours son cours, nos analyses ont permis de mettre en exergue quatre pistes intéressantes de recherche pouvant enrichir la compréhension du processus de construction de la « cyberdépendance ».

Nouvelles perspectives de recherche

Piste de recherche #1 : La construction sociale de la « cyberdépendance » selon le DSM-5

Nous aimerions revenir sur la publication de la cinquième version du DSM, car elle a subi plusieurs modifications qui viennent en quelque sorte dessiner a priori les orientations futures de la « cyberdépendance ». Les nouvelles orientations conceptuelles du DSM-5 ont été définies par la recherche scientifique des vingt dernières années, donc elles sont marquées par les pratiques et les savoirs neuroscientifiques des domaines de la psychopathologie, de la génétique, de la pharmacogénomique, de l’imagerie structurelle et fonctionnelle et de la neuropsychologie (Bueno, 2014). Plusieurs responsables du DSM entrevoient avec confiance les progrès de la science — neuro et génétique — et sa capacité à

289 diagnostiquer et à traiter la dépendance à Internet (Bueno, 2014); ce qui viendrait donc placer les techniques de visualisation moléculaires et génétiques au centre de la pratique clinique psychiatrique. Ainsi, l’enjeu serait de légitimer la constitution identitaire du « cyberdépendant » à l’aide des neurosciences (Bueno, 2014, p. 94).

De plus, on assista, avec le DSM-5 (2013), à la création d’une toute nouvelle catégorie classificatoire, soit celle des « Troubles liés à des substances et aux addictions ». C’est dans cette catégorie que pourrait potentiellement se retrouver, un jour, la « cyberdépendance ». Au sein de cette nouvelle catégorie s’est déjà ajoutée la sous-catégorie des « Addictions et troubles associés » qui ne compte actuellement que le trouble du jeu (anciennement le jeu pathologique), considéré comme trouble distinct (APA, 2013). Le jeu pathologique, auparavant classé dans les troubles du contrôle de l’impulsion, se retrouve donc maintenant dans la catégorie des dépendances relatives à une substance. Cette reclassification, quoiqu’elle puisse apparaitre surprenante d’emblée, résulte de deux sources : d’abord 1) des études cliniques démontrant que le jeu active les systèmes de récompense et produit certains symptômes comportementaux similaires à ceux associés aux troubles liés aux substances (APA, 2013; DSM, 2013) et ensuite, 2) du rapport de recherche de Potenza (2006) soutenant que le jeu pathologique partage suffisamment de critères avec les troubles liés aux substances pour y être associé. Or, cette reclassification laisse poindre l’inclusion, au sein de la sous-catégorie des « Addictions et troubles associés », d’autres dépendances comportementales comme la « cyberdépendance ».

Dans cette lignée, Kiefer (2012) et Frances (2013) s’interrogent sur la tendance à élargir la portée du contrôle social (et de la médicalisation) des addictions dont le champ ne cesse de s’étendre. Forcément, la médicalisation de la dépendance à Internet se retrouve, ici, aux premières loges. Ce qui a commencé par une blague douteuse est vite devenu sérieux puisque, depuis, l’addiction comportementale figure dans le DSM-5 parmi les troubles mentaux. Frances (2013) estime que même si, dans le DSM-5, on a fait preuve de retenue en reléguant, pour le moment, la dépendance à Internet à un obscur appendice au lieu de légitimer son statut de trouble mental à part

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entière, cette réserve ne peut empêcher cette présumée nouvelle pathologie de prendre de l’ampleur tant sur le plan discursif que sur le plan clinique, et ce, avec ou sans l’approbation du DSM (p. 285). À la lumière de nos analyses, nous estimons que l’inclusion de la « cyberdépendance » dans la prochaine version du DSM est imminente et pensons que la poursuite de cette démarche mériterait d’être documentée par le biais d’un cadre constructiviste similaire à celui ayant inspiré nos travaux doctoraux.

Le sociologue Marcelo Otero (2006) et le psychiatre Allan Frances (2013) sonnent ici l’alarme, comme l’avaient fait auparavant Conrad et Schneider (1980), Cohen (2001), Gergen (1991), Maddux (2002) et Suissa (2005) et dénoncent cette pathologisation du quotidien comme forme de contrôle social. Le médecin suisse, Bertrand Kiefer (2012), s’interroge : cette médicalisation croissante va-t-elle, à la fin, « cannibaliser » toutes les autres activités de la société (p.73)? Selon Frances (2013), tous les éléments sont réunis pour que la contagion se répande. Déjà, une porte est entrouverte avec la nouvelle catégorie d’addiction comportementale quant aux dangers imminents de surdiagnostiquer et surmédicaliser divers comportements ou problèmes sociaux de la vie quotidienne en pathologies psychiatriques. Keifer (2012) « reconnait que plus grand-chose ne reste de l’existence, des émotions, des actes relationnels, des rapports intimes, des pensées, des mensurations et fonctionnements du corps qui ne relève pas — et de plus en plus — d’une approche médicalisée » (p. 73). Minotte et Donnay (2010) affirment que nos sociétés développent tranquillement le sentiment que seuls des professionnels de la santé (ex. : médecins, psychiatres) sont compétents pour traiter et, dans le même sens, Conrad (2005) met en garde contre le risque que courent les intervenants psychosociaux de devenir des intermédiaires ou des éléments accessoires à la prise en charge médicale.

Depuis un certain temps, les acteurs, préoccupés par les méfaits qui seraient liés à la « cyberdépendance », ont déjà commencé à participer à l’attribution et à la délimitation des responsabilités relatives à sa régulation sociale. Nous constatons, depuis quelques années déjà, que les centres de réadaptation en dépendance du

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Québec participent à la lutte que se livrent différents groupes d’acteurs sociaux afin de s’approprier la responsabilité de l’offre de produits et services en matière de « cyberdépendance » alors que, dans le reste du Canada, la régulation sociale de la « cyberdépendance » tend à être essentiellement incluse dans les programmes de santé mentale. Dans ce contexte où la médicalisation semble se dessiner comme étant l’avenue privilégiée tant dans la conceptualisation que dans la réaction sociale à la « cyberdépendance », une nouvelle donne s’est récemment ajoutée au tableau qui pourrait éventuellement avoir des impacts sur l’offre de services en « cyberdépendance » au Québec. Nous voulons parler de la réorganisation du réseau de la santé et des services sociaux.

Piste de recherche #2 : Impacts de la réorganisation du réseau de la santé et des services sociaux sur les services en dépendance

Depuis le 1er avril 2015, le réseau de la santé et des services sociaux du Québec s’est substantiellement transformé avec la création des Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS). L’objectif gouvernemental de cette métamorphose vise l’harmonisation des pratiques, tout en assurant une meilleure fluidité des services offerts par la fusion des diverses installations, et ce, au profit des usagers et de la population. Une de ces fusions concerne spécifiquement les programmes en dépendance et en santé mentale. Alors qu’ils relevaient de deux entités distinctes avant 2015, ces deux programmes relèvent maintenant d’une même direction, sous une nouvelle appellation « Programmes santé mentale et dépendance » (MSSS, 2016). Pour le moment, il semble que la fusion soit essentiellement administrative puisque les deux programmes sont encore offerts distinctement. Toutefois, le travailleur social Gascon (2015) ne voit pas d’un bon œil cet arrimage. Dans son article publié dans le bulletin de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, Gascon (2015) lance un cri d’alarme auprès des membres : « Les centres de réadaptation en dépendance (CRD) sont disparus, dit-il, avalés par les services en santé mentale des gigantesques CISSS » (p. 10). Pour les professions en relation d’aide, l’enjeu ici est majeur et central, car la

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fusion viendra probablement déterminer ce qu’il adviendra de la vision psychosociale de la dépendance et de la réadaptation, sachant que les Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) sont dominés par une logique biomédicale et psychiatrique (Gascon, 2015, p.10). Les professionnels en relation d’aide perdront-ils le loisir de privilégier une approche davantage sociale de la réadaptation en dépendance? Une approche unique dans le traitement de la dépendance qui a distingué le Québec de par le monde.

En effet à la fin des années 70, le Québec innovait en mettant de l’avant une approche psychosociale dans le domaine de l’intervention en toxicomanie. Cette approche était particulière du fait qu’elle ne trouvait pas de pendant direct dans la littérature américaine et européenne. Elle se voulait un contrepoids à la construction biomédicale des dépendances qui dominait déjà ce champ à l’époque (Mercier, 1985, Brisson, 2000). Cette approche s’actualisait dans une pratique singulière, à travers des techniques d’intervention multidimensionnelles et éclectiques, favorisant le recours à des intervenants cliniques formés en sciences sociales plutôt qu’en médecine (Mercier, 1985; Quirion et Plourde, 2009, 2010). Alors que la tendance lourde consiste à inclure de plus en plus de comportements dans la sphère de la « pathologie mentale » et à médicaliser l’intervention, la vision psychosociale de la dépendance est mise à mal et ses tenants pourraient avoir à lutter davantage, dans un futur rapproché, pour assurer les arrières de cette vision et garantir sa propre survie ainsi que celle des professionnels en relation d’aide. Une telle lutte mériterait de s’inscrire dans des études à venir.

De plus, dans la foulée de la fusion administrative des « programmes de santé mentale et dépendance », le dépôt d’un avis, sur les modèles de dispensation des services pour les personnes présentant des troubles concomitants de santé mentale et de dépendance — produit et présenté par l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESS, 2016) —, attire particulièrement notre attention. Cet avis soulève un enjeu non négligeable de la réorganisation puisqu’il affecte les services touchant les troubles concomitants et les dépendances. La complexité des troubles

293 concomitants de santé mentale et de dépendance demeure une préoccupation constante pour les acteurs du système de santé et des services sociaux, surtout relativement à la dispensation des services. Pour plusieurs auteurs de la sphère scientifique (Castel, Rush, Urbanoski et Toneatto, 2006; Demetrovics, 2009; Kesseler, Nelson, McGonagle, Edlund, Frnak et Leaf, 1996; Regier, Farmer, Rae, Locke, Keith, Judd et Goodwin, 1990), ces troubles concomitants représenteraient la règle plutôt que l’exception. D’ailleurs, les taux élevés de prévalence observés parmi les individus en traitement dans les services de toxicomanie ou de psychiatrie signalent l’importance du phénomène pour les services cliniques (Fillion-Bilodeau, Nadeau et Landry, 2012). Pour plusieurs défenseurs de la concomitance, la « cyberdépendance » ne semble pas y échapper. L’INESS (2016) voit, dans la création des CISSS, l’occasion d’établir des collaborations solides basées sur un travail en commun et sur la nécessité de réfléchir au degré d’intégration des programmes — déjà existants — de dépendance et de santé mentale.

Dans ce contexte, il sera certes intéressant, dans un premier temps, de continuer d’observer, dans le cadre de la restructuration québécoise, les luttes de pouvoir déjà entreprises entre les tenants de la santé mentale et les défenseurs du désordre des dépendances qui chacun de leur côté, tentent de revendiquer la responsabilité exclusive de la régulation de la « cyberdépendance ». Dans un deuxième temps, il deviendrait intéressant de documenter comment s’opérera la délimitation des responsabilités de régulation et de la gestion des troubles concomitants de santé mentale et des dépendances.

Piste de recherche #3 : Internet et les « nouvelles techniques d’information et de communication »

Depuis le début des années 2000, l’environnement communicationnel est en mouvance. De fait, de nouveaux dispositifs techniques apparaissent régulièrement et contribuent à repenser et redéfinir les pratiques communicationnelles. Pensons,

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notamment, à la baladodiffusion (podcasting), l’intégration du flux continu ou streaming sur Internet, etc. Il ne s’agit là que de quelques exemples qui illustrent à quel point l’émergence de tels outils communicationnels vient teinter le quotidien avec tout ce qu’il comporte de relations, de statuts et de rôles sociaux (Proulx, 2006; Rieffel, 2010, cités dans Luckerhoff, 2016). De plus, le développement des technologies de l’information et de la communication – dont les téléphones intelligents avec fonctionnalité Internet et la montée en puissance depuis 2010 de l’« Internet des objets » : connexion des terminaux mobiles à des objets, connexion directe entre objets (réseaux électroniques intelligents ou « Smart Grids », santé mobile ou « m-Santé », etc.) – vient changer considérablement l’utilisation d’Internet. Par conséquent, tout le matériel documentaire que nous avons analysé dans le cadre de cette étude ne permet pas de mettre en relief tous ces changements dans la problématisation de la dépendance à Internet dont nous avons fait état. L’Internet dont il a été question dans cette thèse ressemble surtout à celui qui existait à la fin du XXe siècle, ou avant l’avènement des réseaux sociaux tel que Facebook. Compte tenu de cette évolution, la vision du « cyber » abordée dans notre corpus documentaire ne reflète pas ces changements et nous semble périmée. À notre avis, il ne fait plus aucun sens de parler du temps passé « sur Internet » ou « sur un ordinateur ». Ainsi, dans les recherches futures il serait digne d’intérêt dans tenir compte. Cela permettrait de brosser certainement un tableau différent dans la promulgation de l’idée qu’il est possible de devenir accro à un objet.

Piste de recherche #4 : Le rôle des travailleurs sociaux dans la construction sociale de la « cyberdépendance »

Depuis une vingtaine d’années, un nombre sans cesse grandissant d’articles scientifiques sont publiés sur la « cyberdépendance » dans les champs de la médecine et de la psychologie (Beaulieu, 2012), mais du côté des chercheurs en service social, on tarde à joindre ce mouvement. Cependant, la problématisation sociale de la « cyberdépendance » pourrait bel et bien représenter un intérêt pour la recherche en service social puisque plusieurs études font état de la sollicitation de plus en plus

295 grande des travailleurs sociaux dans l’intervention auprès de cette clientèle (Beaulieu, 2012). Dans cette lignée, l’étude de Wells, Mitchell, Finkelhor et Beaker-Blease (2006) rapportait que, dans leur échantillon, près des trois quarts (73 %) des travailleurs sociaux avaient déjà travaillé avec un client présentant une expérience problématique avec Internet (p. 42). Dans une autre étude s’intéressant aux travailleurs sociaux pratiquant en milieu scolaire, 46 % d’entre eux auraient rencontré un étudiant ayant un problème lié à Internet (Wells, 2006, p. 238). Considérant le rôle de premier plan que jouent, depuis toujours, les travailleurs sociaux dans l’intervention auprès des personnes aux prises avec des difficultés qui vulnérabilisent leur fonctionnement social, l’insertion de la « cyberdépendance » dans le champ des dépendances fait en sorte de rapatrier dans la cour de cette discipline, en quelque sorte, la recherche au Québec. Or, il faudrait que les travailleurs sociaux participent en plus grand nombre au débat public entourant la construction sociale de la « cyberdépendance » au Canada et au Québec et luttent contre une vision individualiste et médicalisée des problèmes sociaux en proposant une lecture plus critique des aspects sociaux de ladite problématique.

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355

Annexe A — Principales terminologies du phénomène de « cyberdépendance »

356

Tableau 5

Principales terminologies du phénomène de « cyberdépendance » dans l’arène scientifique

Nombre Nombre Termes français de fois Termes anglais de fois dénombré dénombré DÉPENDANCE Termes liés à la dépendance Cyberdépendance 22 Cyberaddiction 4 Trouble de cyberdépendance 1 Cyberaddict 1 Addiction au Web 1 Internet addiction 22 Addiction à Internet 4 Internet addicts 5 Addiction au cyberespace 1 Internet addiction disorder 6 Addiction en ligne 1 Cyberespace addiction 2 Addiction au Net 1 Virtual addiction 1 Addiction liée aux technologies 1 Technology addicts – 2 de l’information technological addiction Addiction communicationnelle 1 Addicted to Web surfing 1 Troubles liés à l’addiction à 1 Addicted to a communication 1 Internet medium Trouble addictif à Internet 1 Computer-mediated 2 Dépendance à l’Internet ou à 13 communication addiction Internet Net addiction 2 Syndrome de dépendance à 2 Online addiction 1 Internet ou à l’ordinateur Online addict 1 Désordre de dépendance à 1 Internet dependency 3 Internet Internet dependence 1 Trouble de dépendance à Internet 2 Tech-dependent 1 Dépendance dans l’Internet 2 High Internet dependency 2 Dépendance aux 5 Hooked on the Internet 1 technologies/technologique/à la technologie 1 Dépendance aux ordinateurs 1 Dépendance au Web 1 Dépendance pathologique à Internet 1 Dépendance aiguë à l’endroit de l’Internet 1 Dépendance générale à Internet 1 Grande dépendance à Internet 1 Accro du binaire 1 Accro d’Internet 1 Accro des ordinateurs

357

Tableau 5

Principales terminologies du phénomène de « cyberdépendance » dans l’arène scientifique (suite)

Termes liés à la consommation Net junkie 1 Netaholic 2 Termes liés à la manie Internetomania 3 Ordinomanie 1 DSM Termes liés à la pathologisation Usage/Utilisation pathologique 17 Pathological Internet use (PUI) 11 d’Internet Pathological use of computers 1 Trouble pathologique 1 Pathological use of technology 1 d’utilisation d’Internet Trouble pathologique de 1 dépendance Pathologie de la société 1 d’information Termes liés à l’abus Utilisation abusive d’Internet 3 Internet misuse 2 Usage abusif d’Internet 2 Internet abuse 3 Usage intentionnellement abusif 1 Termes liés à la compulsivité Usage compulsif d’Internet 5 Compulsive Internet use 6 Utilisation compulsive d’Internet 4 Compulsive misuse of the 1 Surutilisation compulsive 1 computer and Internet d’Internet Compulsive Internet disorder 1 Cybercompulsif 1 Netcompulsion 2 Pratique compulsive d’Internet 1 Termes liés à l’obsession Technology-related obsession 1 PSYCHOSOCIALE Termes liés à l’excessivité Usage excessif de l’Internet 5 Excessive Internet use 6 Utilisation excessive d’Internet 4 Excessive use of technology 1 Utilisation excessive d’un 1 Heavy Internet use 1 ordinateur

358

Tableau 5

Principales terminologies du phénomène de « cyberdépendance » dans l’arène scientifique (suite)

Termes liés à la problématisation Expériences d’Internet 1 Problematic Internet use 9 problématique Internet problematic use 1 Usage/Utilisation problématique 11 d’Internet Problèmes liés à l’utilisation 1 d’Internet Usage problématique 1 d’applications Difficultés associées à 1 l’utilisation d’Internet Usage problématique d’Internet 1 et des nouvelles technologies Usage problématique d’Internet 1 ou de certaines de ses applications

Termes liés à l’inadéquation Utilisation inappropriée 2 d’Internet 1 Usage immodéré d’Internet 1 Utilisation potentiellement délétère d’Internet Termes liés à la surutilisation Surutilisation d’Internet 2 Overuse of the Internet – 2 Surutilisation des technologies 1 Overuse the Internet Grande utilisation d’Internet 1

359

Tableau 6

Principales terminologies du phénomène de « cyberdépendance » dans l’arène psychosociale

Nombre de Nombre de Termes français fois Termes anglais fois dénombré dénombré DÉPENDANCE Termes liés à la dépendance Cyberdépendance/Cyberdépend 48 Cyberaddiction 4 ance en ligne Internet addict 5 Cybernétique 1 Internet addiction 10 Addictions liées à 4 Internet addiction disorder 1 Internet/Addiction à Internet Oneline addiction to Internet – 2 Dépendance à Internet 16 Online addiction Dépendance au cyberespace 2 Technology-related behavioral 1 Dépendance virtuelle 1 addiction Dépendance du Web 1 TechAddiction 2 Syndrome de dépendance à 1 Hooked on the Internet 1 Internet Trouble de dépendance à 1 Internet Accros du net 1 Termes liés à la consommation Internet junkies 1 DSM Termes liés à la pathologisation Utilisation pathologique 7 Pathological use of computers 1 d’Internet/Usage pathologique d’Internet Termes liés à l’abus Utilisation abusive d’Internet 3 Internet abusive use 1 Usage abusif d’Internet 3 Internet abuse 1 Termes liés à l’obsession Websessif 1 PSYCHOSOCIALE Termes liés à l’excessivité Usage excessif 7 Excessive online use 1 d’Internet/Utilisation excessive Excessive computer use 1 d’Internet Excessive tech use 1 Excessive use of the Internet 1 Excessive Internet 1

360

Tableau 6

Principales terminologies du phénomène de « cyberdépendance » dans l’arène psychosociale (suite)

Nombre de Nombre de Termes français fois Termes anglais fois dénombré dénombré Termes liés à la problématisation Usage problématique 8 Problematic Internet use 1 d’Internet/Utilisation problématique/ 2 Usage problématique des technologies Termes liés à l’inadéquation Usage exagéré d’Internet 1 Inappropriate Internet activity 1 Surconnexion 1

361

Tableau 7

Principales terminologies du phénomène de « cyberdépendance » dans l’arène médiatique

Nombre de Nombre de Termes français fois Termes anglais fois dénombré dénombré DÉPENDANCE Termes liés à la dépendance Cyberdépendance 113 Cyberespace addiction 1 Troubles liés à la 1 Troubles of the technology use 1 cyberdépendance Internet addiction 66 Cyberaddiction 1 Internet addicted 5 Addiction à Internet 3 Internet addicts 28 Addiction aux univers 1 Internet use disorder 1 numériques Internet use addictions 1 Dépendance à Internet et aux 1 Addicted to the Net 1 ordinateurs Addicted to Internet / Addicted 8 Trouble de la dépendance à 2 to the Internet Internet Addiction to the Internet and 1 Dépendance au cyberespace 4 electronic gadgetry Dépendance aux technologies de Addicted to the Web / addicted 4 l’information/Dépendance 2 to the net technologique Addicted to Internet surfing 1 Dépendance au Web 4 Net addiction/Net addicted 5 Dépendance au monde virtuel 1 Web addicts/Web addiction 9 Dépendance numérique 1 Digital addict-Digital addiction 2 Dépendance à l’Internet 52 Virtual addicts 1 Accoutumance à Internet 1 Online addict-online addiction 4 Accro à l’ordinateur 1 Internet-related addictions 2 Accro aux écrans/Accro à 2 Computer addiction 1 l’écran Internet or social media 1 Accro à l’Internet/Accro à 15 addiction Internet Wired addict 1 Accro du Net 2 Addiction to communication 1 Accro du Web/Accro au Web 10 Online communication addiction 1 Accro de la techno/Accro à la 4 Addiction to technology 1 technologie/Accro aux technos Technology addiction 2 Accro à la Toile 1 TechAddiction 4 Fanatique d’Internet 1 Connectivity addicts 1 Addiction to media – media 2 addiction Hooked on the Web 3 Hooked on the computer 1

362

Tableau 7

Principales terminologies du phénomène de « cyberdépendance » dans l’arène médiatique (suite)

Termes liés à la dépendance Digitial dependency 1 Social media dependency 1 Dependent of the Internet 1 Cyber-habit 1 Termes liés à la consommation Infolisme 1 Online aholics 2 Netaholique 2 Netholisme 1 Webaholism 1 Webaholics 1 Drogué à l’Internet/Drogué 6 Internet junkie 6 d’Internet Net junkie 1 Drogue numérique 2 Crackhead 1 Drogué de la Toile 1 Drogué du Web 2 Drogué du Net 1 Junkies numériques 1 Cyberjunkies 2 Junkie virtuelle 1 Junkie de l’information 1 Toxicomane du Web 1 Toxicomane numérique 1 Cyberdrogué 2 Cybertoxicomane 1 Fumeurs de techno 1 DSM Termes liés à la pathologisation Dépendance pathologique à 1 Internet addiction to disorder / 15 Internet Internet addiction disorder Usage pathologique d’Internet 1 Online pathological behavior 1 Surfeurs pathologiques 1 Pathological computer use 1 Utilisation pathologique du Web 1 Pathological use of the Internet / 2 Pathological Internet use 2 Pathological dependency of the 1 Internet Termes liés à l’abus Utilisation abusive du Web 1 Internet overuse 1 Utilisation abusive de l’Internet 2 Overuse of the Internet 1 Abus/Surutilisation de 2 Oversusing digital devices and 1 l’ordinateur et d’Internet the Internet 1 Tech overuse

363

Tableau 7

Principales terminologies du phénomène de « cyberdépendance » dans l’arène médiatique (suite)

Termes liés à la compulsion Utilisation compulsive d’Internet 1 Compulsive Internet use 4 Compulsive Web surfing 1 Termes liés à l’obsession Usage obsessif de l’Internet 1 Obsessed with the Web/Web 3 Obsessif du Net 1 obsessed Obsédé du Web 1 Obsessive Internet use 1 Online obsession 3 PSYCHOSOCIALE Termes liés à l’excessivité Usage excessif d’Internet 4 Excessive Internet use 4 Utilisation excessive Internet 5 Internet excessive use 1 Heavy Internet use 1 Termes liés à la problématisation Usage problématique d’Internet 5 Problematic Internet use 3 Usage problématique d’Internet 2 Problematic computer use 1 et des nouvelles technologies Problematic Internet addiction 1 Problèmes liés à l’Internet 1 Termes liés à l’inadéquation Connexion exagérée à Internet 2 Extreme Internet addiction 1 Usage exagéré des nouvelles 1 Extremes of addiction 1 technologies AUTRES Otage du Web (prisonnier) 2 Slave to the screen (esclave de 1 Bagnard du Web (prisonnier) 1 l’écran) Dérive numérique (déroute) 1 Écrangivore (magnétisme) 1

364

Tableau 8

Synthèse des terminologies dans les trois arènes

Termes français (131) Termes anglais (111) Termes liés à la cyber Cyberdépendance/Trouble de la Cyberaddiction-cyberaddict cyberdépendance/Troubles liés à la Cyberespace addiction cyberdépendance/Cyberdépendance en ligne/Cybernétique Termes liés à l’addiction Trouble lié à l’addiction à Internet/Trouble Internet addiction/addicts/addicted addictif à l’Internet Internet addiction disorder –Internet addiction Addiction au Web to disorder Addiction à Internet Internet use disorder Addiction au cyberespace Internet use addiction Addiction en ligne Cyberespace addiction Addiction au Net Virtual addiction/addict Addiction liée à Internet Net addiction/addicted Addiction aux univers numériques Web addicts/addiction Addiction liée aux technologies de Digital addict/addiction l’information Oneline addiction to Internet/Online addiction Addiction communicationnelle (addict)/Oneline Internet addiction Online communication addiction Connecvity addicts Technologies addicts — technological addiction/technology addiction / TechAddiction Addicted to Web surfing/to Internet surfing- to the Net / Addicted to communication medium/Addiction to communication Addicted to Internet / Addiction to the Internet Addiction to the Internet and electronic gadgetry Commputer / mediated communication addiction Computer addiction Internet — related addiction Addiction to media / Media addiction Internet or social media addiction Wired addict Termes liés à la dépendance Dépendance à Internet ou à l’Internet Internet dependency/Dependence Dépendance dans l’Internet Tech-dependence Syndrome de dépendance à Internet ou de High Internet Dependency l’ordinateur Digital Dependency Désordre de dépendance à Internet Social media Dependency Trouble de dépendance à Internet Dependent of the Internet

365

Tableau 8

Synthèse des terminologies dans les trois arènes (suite)

Termes français (131) Termes anglais (111) Termes liés à la dépendance Dépendance aux technologies/technologique/à Cyber-habit la technologie Hooked on the Internet Dépendance aux technologies de l’information Hooked on the Web Dépendance aux ordinateurs Hooked on the computer Dépendance pathologique à Internet Dépendance aux Web/du Web Dépendance au cyberespace Dépendance virtuelle/au monde virtuel Dépendance numérique Dépendance aigüe à l’endroit de l’Internet Dépendance générale à Internet Grande dépendance à Internet Accoutumance à Internet Accro au binaire Accro d’Internet/à l’Internet/à Internet Accro du Net Accro du Web/au Web Accro des ordinateurs/à l’ordinateur Accro aux écrans/à l’écran Accro de la techno/à la technologie/aux technos Accro à la Toile Fanatique d’Internet Termes liés à la pathologie Usage/utilisation pathologique d’Internet Pathological Internet use / use of the Internet Utilisation pathologique du Web Pathological computer use / use of computers Trouble pathologique d’utilisation d’Internet Pathological use of technology Trouble pathologique de dépendance Pathological dependency of the Internet Pathologie de la société d’information Online pathological behavior Dépendance pathologique à Internet Surfing pathologique Termes liés à la manie Ordinomanie Internetomania Maniaque d’Internet

366

Tableau 8

Synthèse des terminologies dans les trois arènes (suite)

Termes liés à la problématisation Usage problématique d’Internet et des Problematic Internet use nouvelles technologies Problematic Internet addiction Usage problématique d’Internet ou de Internet problematic use certaines de ses applications Problematic computer use Expériences d’Internet problématique Trouble of the technology use Usage problématique d’Internet et ses applications Usage problématique des technologies Utilisation problématique d’Internet Problèmes liés à l’utilisation d’Internet/à l’Internet Difficultés associées à l’utilisation d’Internet Termes liés à l’excès Usage excessif de l’Internet / d’Internet Excessive Internet use / use the Internet Utilisation excessive d’Internet / d’un Excessive Internet usage ordinateur Excessive Internet Websessif Excessive use of technology Excessive online use Excessive computer use Excessive Tech use Internet excessive use Heavy Internet use Termes liés à l’abus Usage abusif d’Internet / de l’Internet Internet abusive use Utilisation abusive d’Internet / du Web Internet abusive / abuse Usage intentionnellement abusif d’Internet Internet misuse Usage immodéré d’Internet Abus de l’ordinateur et d’Internet Termes liés à la compulsion Usage/utilisation compulsive d’Internet Compulsive Internet use / usage Surutilisation compulsive d’Internet Compulsive use of the Internet Cybercompulsif Compulsive misuse of the computer and Pratique compulsive d’Internet Internet Compulsive Internet disorder Compulsive Internet and computer use Compulsive Web surfing Netcompulsion Termes liés à l’obsession Usage obsessif de l’Internet Obsessed with the Web — Web obsessed Obsédé du Web Obessive Internet use Obsessif du Net Online obsession Technology-related obsession

367

Tableau 8

Synthèse des terminologies dans les trois arènes (suite)

Termes liés à l’inadéquation Utilisation inappropriée d’Internet / de Inappropriate use of the Internet l’Internet Made improper and unauthorizer use of your Utilisation d’Internet d’une manière Internet inappropriée et déraisonnable Overuse of the Internet / the Internet Surutilisation d’Internet / des technologies / de Internet overuse l’ordinateur Overusing digital devices and the Internet Grande utilisation d’Internet Tech overuse Utilisation potentiellement délétère d’Internet Termes liés à l’exagération Connexion exagérée à Internet Extreme Internet addiction Usage exagéré des nouvelles technologies / Extreme of addiction d’Internet Utilisation exagérée d’Internet Surconnexion Termes liés à la consommation Consommation électronique Internet junkie Drogué d’Internet/à l’Internet Net junkie Drogué numérique Crackhead Drogué de la Toile Netaholic / Netholisme Drogué du Web/du Net Online aholic/Webaholic Cyberdrogué Webaholism Junkie numérique/virtuelle/numérique/de l’information Cyberjunkie Toxicomane du Web/numérique Cybertoxicomane Fumeurs de techno Infolisme Netaholique Termes liés à l’esclavage Bagnard du Web Slave to the screen Otage du Web Autres Dérive numérique Écrangivore

368

Annexe B — Classification en fonction de profils d’utilisation d’Internet

369

Tableau 9

Classification scientifique en fonction de profils d’utilisation d’Internet

Auteurs Cités par les auteurs Catégorisations Définitions QUATRE TYPES DE PROFILS Pratarelli, Browne et Sergerie (2005) 1) Comportement dysfonctionnel 1) Associé à l’utilisation d’Internet Johnson (1999) Davis (2003) 2) Utilisation fonctionnelle d’Internet 2) Utilisation efficace et productive du 3) Utilisation dans le but de recevoir des réseau gratifications sexuelles 3) Usagers timides, introvertis 4) Aucun intérêt pour la technologie 4) Perçu de manière aversive Young (1999) Cliche (2001) 1) Actes déviants, trompeurs et souvent 1) Visionnement d’images obscènes, de criminels matériel pornographique, etc. 2) Fausse représentation de soi dans les 2) Création d’un personnage cyberrelations avec les autres internautes 3) Infidélité virtuelle 4) Fuite des difficultés quotidiennes TROIS TYPES DE PROFILS Ferron et Dugay 1) Cyberabsent (2004) 2) Cyberfaible 3) Cybermoyen Swickert, Hittner, Sergerie (2005) 1) Utilisation technique 1) Utilisation des babillards électroniques, Harris et Herring 2) Utilisation pour les échanges salles de clavardage, création de pages (2002) d’informations Web, participation aux environnements 3) Utilisation pour les loisirs MUD (multiuser Dungeon, multiuser domain) 2) Utilisation des courriers électroniques 3) Utilisation de messageries instantanées et jeux en réseaux

370

Tableau 9

Classification scientifique en fonction de profils d’utilisation d’Internet (suite)

DEUX TYPES DE PROFILS Scherer (1997) Acier et Kern (2009) 1) Utilisation/usage essentielle ou 1) Utilisation pour le travail ou les études Beaulieu (2012) professionnelle 2) Utilisation récréative Brisebois (2011) 2) Utilisation/usage non essentielle ou Labbé Thibaut et coll. personnelle (2009) Van Mourik (2011) Vaugeois (2006) Davis (2001) Brisebois (2011) Davis 1) Usage/utilisation pathologique 1) Non spécifique à un contenu particulier (2003) généralisé de l’Internet (UPGI) et n’existerait pas en l’absence Davis et coll. (2002) 2) Usage/utilisation pathologique d’Internet (ex. : clavardage, courriel). Goyette et Nadeau spécifique de l’Internet (UPSI) Seul réel problème lié à l’usage (2008) d’Internet Labbé Thibaut et coll. 2) Spécifique à un contenu bien particulier. (2009) Existerait même en l’absence d’Internet Sergerie (2005) (ex. : cybersexe, casino en ligne, etc.). Sergerie et Lajoie Ce qui ne constitue pas un problème lié (2007) à l’usage d’Internet Labbé Thibault et coll. (2009) Vaugeois (2006)

371

Tableau 9

Classification scientifique en fonction de profils d’utilisation d’Internet (suite)

Caplan (2002) Oxford Handbook of 1) Usage problématique spécifique de 1) Contenus non spécifiques. Il s’agit Internet Psychology l’Internet d’un usage abusif d’Internet qui ne (cité dans Beaulieu, 2) Usage problématique généralisé de pourrait pas exister en dehors 2012) l’Internet d’Internet (ex. : Clavardage, Vaugeois (2006) courriels, jeux en ligne, jeux en ligne)

DEUX TYPES DE PROFILS Vaugeois (2006) 1) Usage problématique spécifique 1) Existeraient quand même en hors ligne l’absence d’appareil électronique 2) Usage problématique généralisé (ex. jeu de patience sur ordinateur, hors ligne jeux de cartes bien précis). Ne relève pas de la cyberdépendance 2) N’existerait pas en l’absence d’appareils électroniques (ex. : jeux vidéos multijoueurs) Relève de la cyberdépendance

372

Tableau 9

Classification scientifique en fonction de profils d’utilisation d’Internet (suite)

Vaugeois (2006) 1) Cyberdépendance de type 1) Tel que défini par les usages I/Cyberdépendance en ligne personnels problématiques 2) Cyberdépendance de généralisés de l’Internet type II/Cyberdépendance hors 2) Tel que défini par les usages ligne personnels problématiques généralisés des appareils électroniques

373

Tableau 10

Classification psychosociale de profils d’utilisation d’Internet

Auteurs Cités par les auteurs Catégorisations Définitions DEUX TYPES DE PROFILS Davis (2001) Dufour (octobre 2003) 1) Utilisation pathologique 1) Dépendant d’une fonction d’Internet spécifique spécifique d’Internet 2) Utilisation pathologique (services ou matériels d’Internet généralisée sexuels, Internet gambling) 2) Dépendant d’une surutilisation générale et multidimensionnelle d’Internet (aspect social et procrastination) Scherer (1997) Acier (cité dans 1) Usages essentiels 1) Pour le travail ou les Bouchard, 2009) 2) Usages non essentiels ou études Sergerie (2010) personnels 2) Récréatifs/ou le potentiel Van Mourik (2011) de devenir excessifs. Nadeau 1) Utilisation en ligne 1) Un continuum entre (octobre 2012) 2) Utilisation hors ligne l’utilisation en ligne et le hors-ligne

374

Tableau 11

Classification médiatique de profils d’utilisation d’Internet

Médias Catégorisations Définitions TROIS TYPES DE PROFILS CBC (avril 2009) 1) Normal 2) Potentiellement dépendant 3) Sérieusement dépendant DEUX TYPES DE PROFILS The Globe and Mail 1) Dépendance modérée à Internet (décembre 2009) 2) Dépendance sévère à Internet Le Devoir (novembre 2006) 1) Usage professionnel ou essentiel Pour le travail La Presse (octobre 2006) 2) Usage à des fins personnelles ou Récréatif The Globe and Mail non essentielles (novembre 2006)

375

Annexe C — Classification en fonction du contenu en ligne

376

Tableau 12

Classification scientifique en fonction du contenu en ligne

Auteurs Cités par les auteurs Catégorisations Définitions CINQ TYPES DE CONTENUS SPÉCIFIQUES Young (1996) Acier et Kern (2011) 1) Dépendance à la sexualité en 1) Utilisation compulsive de sites Internet Beaulieu (2012) ligne pour adultes. Cybersexualité : Block (2008) 2) Cybercommunication Participation à des activités sexuelles Cliche (2001) 3) Dépendance aux transactions et effectuées par l’entremise de l’ordinateur Collier (octobre 2009b) au jeu compulsif en ligne ou d’Internet (ex. : clavardage, Dufour et Acier (2010) 4) Dépendance à la surcharge vidéoconférence). Cyberpornographie : Dufour, Gagnon et Landry d’information téléchargement, achat ou visionnement (2011) 5) Dépendance à l’ordinateur de matériels pornographiques. Sergerie et Lajoie (2007) 2) Cybercorrespondance : (ex. : clavardage, Suissa (2007) courriel, blogue) Cyberrelation : Van Mourik (2011) surimplication dans des relations Vaugeois (2006) virtuelles Widyanto et Griffiths (2006; 3) Jeux de hasard et d’argent, encans, cités dans Brisebois, 2011) transactions boursières Young (2009, cité dans Beaulieu, 4) Dépendance à tout genre d’informations 2012) sans être capable de les trier Young, Pistner, O’Mara et 5) Jeux sur ordinateur et console Buchanan (1999, citésdans Sergerie, 2005) Collier 1) Jeux en ligne 1) Ensemble des jeux en ligne (octobre 2009b) 2) Jeux de hasard et d’argent 3) Pornographie 4) Réseautage social 5) Boursicotage et magasinage en ligne

377

Tableau 12

Classification scientifique en fonction du contenu en ligne (suite)

CINQ TYPES DE CONTENUS SPÉCIFIQUES Dufour, Gagnon et 1) Jeux d’action et d’aventure Nadeau (2011) 2) Jeux de hasard et d’argent Van Mourik (2011) 3) Clavardage 4) Pornographie et cybersexe 5) Recherche d’informations QUATRE TYPES DE CONTENUS SPÉCIFIQUES Young (1998) Sergerie (2005) 1) Usage problématique d’Internet 1) Pornographie et sexualité. Sergerie et Lajoie (2007) et activités sexuelles en ligne 2) Engagement significatif dans des 2) Usage problématique et relations en ligne cyberrelations 3) Jeu pathologique (gambling) en ligne, 3) Usage problématique et le jeu jeux vidéos en réseau, achats et enchères en ligne en ligne 4) Usage problématique d’Internet 4) Surcharge d’informations et la recherche d’informations (infobésité) Landry (2001) 1) Cybersexualité 1) Pornographie et sexualité 2) Dépendance aux relations 2) Clavardages, courriels virtuelles 3) Casinos virtuels 3) Jeux ou achats compulsifs 4) Navigation sur le Web, jeux effectués sur 4) Dépendance à l’ordinateur l’ordinateur

378

Tableau 12

Classification scientifique en fonction du contenu en ligne (suite)

Rochon (2004) 1) Compulsion à la navigation sur 1) Recherche continuelle et soutenue le Net d’informations, naviguer au hasard, accro 2) Cybercommunication de l’information compulsive 2) Échanges par courriels, clavardage, etc. 3) Cybersexe compulsif 3) Sexualité sur toutes ses formes 4) Compulsion au Net (Webcams, visites de sites pornographiques, échange de matériels) 4) Jeux en ligne, casinos virtuels, day trading, commerce électronique QUATRE TYPES DE CONTENUS SPÉCIFIQUES St-Yves (2011) 1) Dépendance cybersexuelle 1) Pornographie et sexualité 2) Dépendance cyberrelationnelle 2) Surinvestissement de relations virtuelles 3) Recherche pathologique 3) Surcharge d’informations d’informations 4) Casinos virtuels, magasinage 4) Net gaming Taylor (2008) 1) Pornographie 2) Interaction sociale 3) Jeux de hasard et d’argent en ligne 4) Jeux et jeux de rôle

379

Tableau 12

Classification scientifique en fonction du contenu en ligne (suite)

TROIS TYPES DE CONTENUS SPÉCIFIQUES Vaugeois (2006) 1) Dépendance reliée à la sexualité 1) Cyberpornographie et cybersexualité 2) Dépendance reliée à l’aspect 2) Clavardage, courriels, jeux en ligne interactif d’Internet 3) Encans (Ebay), casinos, achats en ligne 3) Dépendance à caractère monétaire Block (2008) Beaulieu (2012) 1) Cybersexualité ou 1) Pornographie et sexualité Dufour et Acier cyberpornographie 2) Aspect interactif d’Internet (clavardage, (2010) 2) Dépendance liée aux courriel, message instantané) Young (2009) cyberrelations 3) Jeux vidéos en ligne et jeux de rôle 3) Dépendance aux jeux vidéos en ligne ou gaming Hamburger et Ben- Sergerie (2005) 1) Aspect social 1) Clavardage, groupe de discussions Artzi (2000) 2) Informations 2) Recherche d’informations liées au travail 3) Loisirs ou aux études 3) Navigation sur Internet au hasard et visite de sites Web présentant du matériel sexuel

380

Tableau 12

Classification scientifique en fonction du contenu en ligne (suite)

DEUX TYPES DE CONTENUS SPÉCIFIQUES Acier et Kern (2011) 1) Jeux vidéos d’action et Goyette et Nadeau d’aventure (2008) 2) Relations virtuelles Nadeau et coll. (2011)

381

Tableau 13

Classification psychosociale liée aux différents contenus en ligne

Formes de Auteurs Cités par les auteurs Définitions cyberdépendance CINQ TYPES DE CONTENUS SPÉCIFIQUES Young (1996) Bourque et coll. (2012) 1) Cybersexualité 1) Échange, visionnement, téléchargement de matériel Conrad (2009) 2) Cyberrelation pornographique (cyberpornographie), recherche de Laflamme (2011) 3) Compulsion Internet partenaires sexuels en ligne cybersexe Sergerie (2008, 2010) 4) Cyberamassage (cybervoyeurisme, cyberexhibitionnism), TechAddiction (2005) 5) Dépendance aux jeux comportements masturbatoires 2) Relation en ligne par le biais de salons de clavardage, messagerie instantanée, forums, courrier électronique, réseautage social (Facebook, MySpace, Twitter, blogue), clavardage (texto, messagerie mobile, MSN Messenger, etc.), rencontres amoureuses en ligne 3) Jeu obsessionnel en ligne, magasinage, transactions boursières, etc. 4) Surfer excessivement sur le Web, cyberamassage : ramassage d’importantes quantités de contenus et d’informations en ligne

5) Gambling en ligne, jeux vidéos, informatiques, jeux en ligne massivement multijoueurs (MMO : Massively Multiplayer Online), jeux d’argent (poker, casinos virtuels, etc.), enchères et achats en ligne, transactions boursières

382

Tableau 13

Classification psychosociale liée aux différents contenus en ligne (suite)

CINQ TYPES DE CONTENUS SPÉCIFIQUES Université de 1) Cyberdépendance à 1) Dépendance au clavardage entre adultes, dépendance à Moncton (n.d.) caractère sexuel la pornographie 2) Cyberdépendance à 2) Sites de rencontres amicales individuelles ou de groupe caractère relationnel 3) Gambling compulsif sur Internet, encan ou 3) Compulsion Internet comportement obsessif de ventes 4) Surcharge d’informations 4) Recherche de données, navigation obsessive 5) Dépendance à 5) Jeux obsessifs, dépendance à la programmation l’ordinateur Optima Santé 1) Jeux vidéos 1) Type 1 : recherche l’excitation; globale (2012) 2) Jeux de hasard/jeu 2) Type 2 : Aime manipuler les figurines de pixels et les pathologique en ligne avatars; Type 3 : Joue uniquement pour être reconnu; 3) Cyberrelations Type 4 : Aime la compagnie 4) Recherche d’informations 3) Gambling, sites d’enchères à un sou sur Internet 5) Messagerie instantanée 4) Activités sexuelles en ligne/sextos 5) Cyberamassage. Partage de fichiers en ligne, poste à poste Cyberdépendance à l’information (effet YouTube) Cyberdésinformation 6) Messagerie instantanée Morin (2011) 1) Jeux d’action et d’aventure 2) Jeux de hasard et d’argent 3) Utilisation du Web à des fins sexuelles 4) Cyberrelation 5) Infobésité

383

Tableau 13

Classification psychosociale liée aux différents contenus en ligne (suite)

QUATRE TYPES DE CONTENUS SPÉCIFIQUES Rochon (mai 1996, 1) Courrier électronique 1) Courrier électronique 1998) 2) Jeu compulsif 2) Transactions électroniques, jeu sur Internet, achat de Psynternaute 3) Dépendance affective et logiciels ou de CD-ROM (1997) compulsion dans le sexe 3) Relations virtuelles 4) Day trading 4) Transactions boursières électroniques Acier (cité dans 1) Jeux vidéos d’action et Bouchard, 2009) d’aventure 2) Jeux de hasard et d’argent 3) Pornographie 4) Relations virtuelles Louati, Lederry, Richard (mai 2009, 1) À caractère monétaire 1) Jeux de hasard en ligne, PokerStars, etc. Scariati et Theintz janvier 2011) 2) Aux jeux 2) Jeux d’action et d’aventure (ex. : World of Warcraft, (2007) 3) À caractère Second Life, etc.). Console de jeux connectée à Internet informationnel (ex. : Xbox Live, jeu Halo III) 4) À caractère sexuel 3) Utilisation de sites d’informations (ex. : Wikipédia, Cyberpresse) 4) Utilisation sites pour adultes

384

Tableau 13

Classification psychosociale liée aux différents contenus en ligne (suite)

Centre Casa (2011) 1) Dépendance à l’outil 1) Ordinateur informatique 2) Courrier électronique et groupes de discussion 2) Dépendance aux formes 3) Sites pour adultes de communication 4) Tout genre d’achats en ligne synchrones et asynchrones 3) Dépendance à la sexualité sur Internet 4) Dépendance aux achats compulsifs online QUATRE TYPES DE CONTENUS SPÉCIFIQUES Biron, Bourassa- 1) À caractère sexuel 1) Sites pornographiques Dansereau (2010) 2) Aux jeux 2) Jeux vidéos et en réseau et en ligne 3) À caractère relationnel 3) Courrier électronique, clavardage, blogue 4) Vagabondage 4) Naviguer pour le plaisir, découvrir de nouveaux sites : électronique aucun problème TROIS TYPES DE CONTENUS SPÉCIFIQUES Computing Canada 1) Jeux multijoueurs (1998) 2) Clavardage 3) Cybersexe

385

Tableau 13

Classification psychosociale liée aux différents contenus en ligne (suite)

Young (1999) Vachon (janvier 2007) 1) Dépendances liées à la sexualité sur Internet 2) Dépendances liées au mode interactif qu’offre Internet 3) Dépendances à caractères monétaires UN TYPE DE CONTENU SPÉCIFIQUE Thétrault (2012) 1) Jeu vidéos hors-ligne Goyette (octobre 1) Activités sexuelles en 2013) ligne

386

Tableau 14

Classification médiatique liée au contenu offert sur Internet

Auteurs Cités par les médias Formes de cyberdépendance Définitions CINQ TYPES DE CONTENUS SPÉCIFIQUES Young The Globe and Mail 1) Compulsion au NET 1) Jeu en ligne, vente aux enchères, (juillet 2000) 2) Cybersexualité négociation d’actions 3) Cyberrelation 2) Sexualité 4) Surcharge d’informations 3) Réseaux sociaux, clavardage, texto 5) Dépendance générale à l’ordinateur 4) Quantité importante d’informations 5) Jeu sur ordinateur Marie-Anne Sergerie Journal de Montréal 1) Jeux 1) Vidéos, hasard et d’argent (décembre 2009) 2) Relations en ligne 2) Sites de rencontre, clavardage 3) Pornographie 3) Sites de pornographie 4) Cyberamassage 4) Recherche d’informations non 5) Transactions en ligne essentielles QUATRE TYPES DE CONTENUS SPÉCIFIQUES Marie-Anne Sergerie Émission Desautels à 1) Cyberpornographie /cybersexualité 1) Pornographie, sexualité en ligne Radio-Canada (2010); 2) Jeux 2) Jeux vidéos Radiojournal de Radio- 3) Cyberrelation 3) Clavardage, réseautage social Canada (octobre 2010); 4) Compulsif de l’information sur le (Facebook, blogue, Twitter, etc.) net (Stockage compulsif) 4) Quantité importante d’informations Valérie Van Mourik Radio-Canada (mars 2010) à trier Téléjournal, Radio-Canada (2009) Centre Jeunesse Montréal (YouTube, 2011)

387

Tableau 14

Classification médiatique liée au contenu offert sur Internet (suite)

QUATRE TYPES DE CONTENUS SPÉCIFIQUES Elias Aboujaoude La Presse (octobre 2000, 1) Dépendance affective 1) Relations en ligne 2006) 2) Dépendance sexuelle 2) cybersexualité/cyberpornographie Canoë (février 2010) 3) Dépendance ludique 3) Jeux vidéos en ligne (gamers), Jean-Pierre Rochon Émission François Paradis 4) Daytrading casinos TVA (2008) 4) Boursicotage sur Internet (parier TVA Nouvelles (mars sur des actions en bourse/marchés 2006) financiers) Jerald Block Winnipeg Free 1) Jeu excessif Press (mars 2008) 2) Sexualité 3) Messagerie instantanée, salles de clavardage, etc. 4) Magasinage en ligne TROIS TYPES DE CONTENUS SPÉCIFIQUES Winnipeg Free Press 1) Dépendance aux jeux en ligne 1) Multijoueurs, jeux de rôle (juillet, 2006) 2) Dépendance à la pornographie 3) Dépendance aux sites d’enchères, marché boursier CBC News (juin, 2009) 1) Jeux en ligne 1) Multijoueurs, casinos, jeux vidéos Virginie Bueno L’après-midi porte conseil 2) Dépendance à caractère sexuel 2) Pornographie en ligne à Radio-Canada (2010) 3) Dépendance à caractère 3) Réseaux sociaux, forums La Sphère à Radio-Canada relationnel discussions, blogues, etc. (2012) Young The Current CBC (2013) Sympatico (octobre 2009)

388

Tableau 14

Classification médiatique liée au contenu offert sur Internet (suite)

TROIS TYPES DE CONTENUS SPÉCIFIQUES (suite) David Greenfield RedDeer Advocate 1) Jeux en ligne 1) Jeux vidéos, de rôle, multijoueurs (novembre 2009) 2) Messageries instantanées, blogues Hilary Cash The Globe and Mail 3) Négociation des marchés (décembre 2005) boursiers DEUX TYPES DE CONTENUS SPÉCIFIQUES Catriona Morrison La Presse (février 2010) 1) Jeux Louise Nadeau L’après-midi porte- 2) Pornographie conseil, Radio-Canada (2010) Le Point, Radio-Canada (mars 2011) Louise Nadeau Express (décembre 2008) 1) Dépendance aux jeux TVA Nouvelles (juin 2) Dépendance aux interactions SMS, texto, chat 2010) Stéphanie Milot Salut Bonjour TVA (février 2012) François Charron UN TYPE DE CONTENU SPÉCIFIQUE Canoë (juillet 2005) Cybersexualité ou 1) Dépendant de la pornographie Geneviève Parent TVA Nouvelles (juillet cyberpornographie virtuelle 2005) The Globe and Mail (janvier 2004)

389

Tableau 14

Classification médiatique liée au contenu offert sur Internet (suite)

UN TYPE DE CONTENU SPÉCIFIQUE (suite) CNW Telbec (mai 2010) Jeux 1) Jeux sur Internet, vidéos, jeux CTV News (octobre 2008) interactifs, jeux rôles, Le Devoir (avril 2007, mai multijoueurs, électroniques 2007) Le Droit (février 2008) Le Réveil Île-du-Prince- Édouard à Radio-Canada (2012) Magali Dufour Première Heure Radio- Canada (2013) Téléjournal Radio-Canada (2013) La Nouvelle Union (juin Courriers électroniques, messageries 2011) textes, réseaux sociaux La Presse (juin 2000; avril 2013) Progrès-Dimanche (juin 1999) Tout un samedi Radio- Canada Radio (2013) The Globe and Mail (juillet 2010; aout 2012) Rue Frontenac (janvier Cyberamassage, Infolisme 2011) Triplex Radio-Canada (2012)

390

Annexe D — Synthèse des critères diagnostiques inspirés du DSM selon les tenants de la santé mentale

391

Tableau 15

Synthèse des critères diagnostiques inspirés du DSM selon les tenants de la santé mentale

Auteurs Nombre de critères SCIENCE Goldberg (1995) 3 Young (1996) 5 Beard et Wolf (2001) 6 Shapira et coll. (2003) 6 Ko et coll. (2005) 7 PSYCHOSOCIALE ET MÉDIAS Rioux (2011) 3 Tao et coll. (2010) 4 Acier et Kern (2009) 4 Young (1996) 5 The Globe and Mail (1999) 5 Beard et Wolf (2001) 6 Young (1999) 6 Ko et coll. (2005) 7

392

Annexe E — Critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du désordre de dépendance

393

Tableau 16

Classification scientifique de critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du désordre de dépendance

Nombre de Auteurs Cités par les auteurs Critères critères Goodman (1990) Pineault (2008) A) Impossibilité de résister aux impulsions; 9/14 Rochon (2004a) B) Sensation croissante de tension précédant immédiatement le début du Vaugeois (2006) comportement C) Plaisir ou soulagement D) Sensation de perte de contrôle E) Présence d’au moins cinq des neuf critères suivants : 1. Préoccupation fréquente au sujet du comportement ou de sa préparation; 2. Intensité et durée des épisodes, plus importantes que souhaité à l’origine; 3. Tentatives répétées pour réduire, contrôler ou abandonner le comportement; 4. Temps important consacré à préparer les épisodes, à les entreprendre, ou à s’en remettre 5. Survenue fréquente des épisodes lorsque le sujet doit accomplir des obligations professionnelles, scolaires, familiales ou sociales 6. Activités sociales, professionnelles ou récréatives majeures sacrifiées du fait du comportement; 7. Perpétuation du comportement malgré les conséquences; 8. Tolérance marquée : besoin d’augmenter l’intensité pour obtenir l’effet désiré; 9. Agitation ou irritabilité en cas d’impossibilité.

394

Tableau 16

Classification scientifique de critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du désordre de dépendance (suite)

Nombre de Auteurs Cités par les auteurs Critères critères Davis (2001) Sergerie et Lajoie Perte de contrôle face à Internet Renforcements obtenus par l’utilisation 7 (2007) d’Internet Conséquences négatives (ex. : conflits conjugaux, familiaux, problèmes financiers, des difficultés au travail, etc.) Anticipation des prochaines séances de connexion à Internet Sentiment de culpabilité ou de honte par rapport à son usage d’Internet Mensonge au sujet du temps réel consacré sur Internet ou la perte d’intérêt pour certaines activités Griffiths Nadeau (2010) Prépondérance (salience) 6 (1995, 1996, 1997) Sergerie (2005) Modification de l’humeur Sergerie et Lajoie Conflits (2007) Rechute Vaugeois (2006) Tolérance Symptômes de sevrage Nadeau (2010) Obsession mentale 5 Incapacité de s’abstenir Craving Problèmes de santé et problèmes psychosociaux variés Peur de la souffrance psychique en cas d’arrêt Block (2007, 2008) Dufour et Acier Utilisation excessive souvent associée à une perte de la conscience du temps et 4 (2010) à une négligence des besoins fondamentaux (ex. : manger, dormir, etc.) État de manque ou de sevrage Développement d’une plus grande tolérance Présence de conséquences négatives Acier et Kern Déséquilibres dans les sphères de la vie 4 (2011) Problèmes associés Perte de contrôle Dégradation ou détresse significative

395

Tableau 16

Classification scientifique de critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du désordre de dépendance (suite)

Nombre de Auteurs Cités par les auteurs Critères critères Shaffer, Hall et Bilt Landry (2001) Perte de contrôle 3 (2000) Tolérance Incapacité de s’arrêter malgré les conséquences néfastes

396

Tableau 17

Classification psychosociale de critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du désordre de dépendance

Nombre Auteurs Cités par les auteurs Critères de critères Goodman (1990) Rochon (Psynternaute, Préoccupation fréquente 5/9 1997) Intensité et durée des épisodes Tentatives répétées pour réduire, contrôler ou abandonner Temps important consacré à préparer les épisodes, à les entreprendre Arrivée à l’improviste fréquente des épisodes de cyberdépendance lorsque le sujet doit accomplir des obligations professionnelles, scolaires, familiales ou sociales Activités sociales, professionnelles ou récréatives majeures sacrifiées Perpétuation du comportement malgré les conséquences négatives Tolérance Agitation ou irritabilité Griffiths (1995, Cyberdependance.ca Prépondérance (salience) 6 1996, 1997) (2008) Modification de l’humeur Dufour (2012) Conflits Dufour et Acier Rechute (2010) Tolérance Dufour et Parent Symptômes de sevrage (janvier 2009) Optima Santé globale (2012) Sergerie (2010) Centre de Préoccupations excessives 4 consultation Sevrage psychologique de Augmentation de l’investissement des ressources pour les activités reliées à l’Université de Internet Montréal (2012) Tolérance

397

Tableau 17

Classification psychosociale de critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du désordre de dépendance (suite)

Nombre Auteurs Cités par les auteurs Critères de critères Sergerie Préoccupations quant à l’utilisation ou anticipation des prochaines sessions 4 (2005, 2010) Incapacité à diminuer ou cesser l’usage des technologies Besoin d’augmenter le temps d’utilisation (tolérance) Détérioration du niveau de fonctionnement (physique, psychologique, social, etc.). Acier et Kern (2009) Richard (mai 2009, Préoccupations pour Internet 4/8 janvier 2011) Désir persistant ou efforts répétés, mais infructueux pour contrôler, réduire 12 mois ou arrêter Agitation ou irritabilité lors de tentative de réduction ou d’arrêt Utilisation d’Internet pour échapper aux difficultés ou pour soulager une humeur dysphorique Utilisation d’Internet plus longue que prévu Conséquences négatives Poursuite de l’utilisation malgré la connaissance de l’existence d’un problème Mensonges à sa famille, à son thérapeute ou à d’autres Nadeau (2010, Perte de contrôle 4 octobre 2012) Incapacité à s’abstenir Van Mourik (2011, Obsession mentale n.d.) Besoin irrésistible de vivre l’activité Nadeau et coll. Monette (avril 2012) Usage excessif 4 (2011) Sensation de malaise (manque) Tolérance Répercussions négatives

398

Tableau 17

Classification psychosociale de critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du désordre de dépendance (suite)

Nombre Auteurs Cités par les auteurs Critères de critères Griffiths (n.d.) Dufour (octobre 2003, Augmentation de l’investissement des ressources pour les activités reliées à 3/7 mars 2012) l’Internet Dufour et Acier Sentiments négatifs quand la personne n’est pas en ligne (2010) Tolérance Van Mourik (n.d.) Préoccupation par rapport à Internet Tentatives pour réduire, diminuer ou contrôler

Perpétuation du comportement malgré les conséquences Activités sociales, professionnelles ou récréatives sacrifiées Sergerie et Lajoie Morin (2011) Préoccupations inadaptées par rapport à l’usage d’Internet 3 (2007) Usage excessif se concrétisant par des périodes d’utilisation plus longues que prévu Détresse significative ou une détérioration du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres sphères de la vie.

399

Tableau 18

Classification médiatique de critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du désordre de dépendance

Nombre de Auteurs Cités par les médias Critères critères Hilarie Cash (ReStart) La Presse (1er décembre 2005) Inconnu 15 Huffington Post (12 mars 2013) Voir Annexe G 10 Progrès-Dimanche (13 juin 1999) Voir Annexe G 9 Kimberly Young Le Soleil (7 septembre 2009) Voir Annexe G 7 La Presse (mars 2006) Voir Annexe G 7 Sympatico (16 octobre 2009) Voir Annexe G 7 Huffington Post (31 mai 2013b) Voir Annexe G 7 Institut National des La Presse (21 avril 2009) Inconnu 6 médias et de la famille

Griffiths La Nouvelle Union (22 juin 2011) Prépondérance 6 Le Soleil (28 mai 2007a) (salience) Radio-Canada (19 février 2001) Modification de V (2013) l’humeur Conflits Rechutes Tolérance Symptômes de sevrage 6

Douglas Gentile CBC News (16 septembre 2010) Voir Annexe G 6

Journal de Montréal (20 mai 2010) Voir Annexe G Hilarie Cash (ReStart) Toronto Star (1er février 2013) Voir Annexe G 5/12

Virginie Bueno La Sphère à Radio-Canada (2012) Utilisation excessive 5 Tolérance Difficulté à se contrôler ou réduire les utilisations Symptômes de manque ou de sevrage Répercussions négatives sur les relations sociales

La Presse (18 février 2001) Voir Annexe G 4/10

400

Tableau 18

Classification médiatique de critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du désordre de dépendance (suite)

Nombre de Auteurs Cités par les médias Critères critères CBC News (8 juin 2009) Utilisation excessive 4 Envie (craving) Symptômes de sevrage Conséquences négatives

The Globe and Mail (19 novembre Obsession 4 2007, aout 2012) Perte de contrôle Tolérance Sentiment que le bien- être est compromis

CTV (News, janvier 2012) Perte de contrôle 4 Obsession Sevrage Conséquences négatives Kimberly Young Radio Canada Nouvelles (2 octobre Plusieurs tentatives 3 1999) pour réduire ou cesser l’utilisation d’Internet Utilisation plus longue que prévu Utilisation pour échapper à des problèmes ou à la dépression

Magali Dufour Radio-Canada (La Tribune, Perte de contrôle 3 décembre 2011; Le Réveil Île-du- Obsession Prince-Édouard, 2012; Le Réveil Conséquences Nouveau-Brunswick, Radio, 2012) négatives Rue Frontenac (29 janvier 2011a) significatives à la suite d’une trop grande présence dans le cyberespace

CBC (News, janvier 2012) Obsession ou 3 V (2013) préoccupation excessive Perte de contrôle Sevrage

401

Tableau 18

Classification médiatique de critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du désordre de dépendance (suite)

Nombre de Auteurs Cités par les médias Critères critères Louise Nadeau Jour de Plaine Radio-Canada (2012) Utilisation excessive 3 Perte de contrôle Conséquences négatives

Sympatico (16 octobre 2009) Obsession 3 Manque Conséquences négatives

Triplex Radio-Canada (2012) Prépondérance 3 (Saillance) Manque Conséquences négatives

The Globe and Mail (19 novembre Perte de contrôle 3 2007) Tolérance Sevrage Global News (janvier 2012) Préoccupation 2 excessive ou obsession Tolérance

La Presse (2 novembre 2006) Perte de contrôle 2 Symptômes de manque lors des tentatives d’arrêt ou de réduction

La Voix de l’Est (29 janvier 2011) Prépondérance 2 Radio-Canada Nouvelles (février (saillance) 2001; RCI, n.d.; Triplex, n.d., 2012) Sevrage ou manque RedDeer Advocate (novembre 2009) Augmentation du nombre d’heures The Globe and Mail (aout 2012) Marie-Anne Sergerie Sevrage lorsque 2 Radio-Canada (Désautels, 2010) l’individu n’est pas en ligne

402

Tableau 18

Classification médiatique de critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du désordre de dépendance (suite)

Nombre de Auteurs Cités par les médias Critères critères CBC (janvier 2012) Perte de contrôle ou 1 CTV News (2 octobre 2008) l’incapacité à s’arrêter Global News (12 janvier 2012) dans une conduite et La Presse (19 avril 2007, 1er la perte de liberté février 2010a) Radio-Canada (L’après-midi porte conseil, 2010a) CBC (1er mars 2013) Symptômes de 1 L’après-midi porte conseil Radio- sevrage ou de manque Canada (28 avril 2010) Radio- Canada Nouvelles (27 juillet 2011) The Telegram (6 mars 2010)

403

Annexe F — Critères diagnostiques inspirés du DSM selon les arènes scientifique et psychosociale

404

Critères diagnostiques de la cyberdépendance selon Young (1996)

Doit présenter cinq symptômes ou plus parmi les suivants :

1. Préoccupé par l’Internet (ex. : préoccupation par la remémoration de sessions en ligne passées ou par la prévision de sessions en ligne, à venir); 2. Besoin d’utiliser l’Internet de plus en plus longtemps afin d’être satisfait; 3. Efforts répétés, mais infructueux pour contrôler, réduire ou arrêter l’utilisation de l’Internet; 4. Agitation ou irritabilité lors des tentatives de réduction ou d’arrêt de l’utilisation de l’Internet; 5. Demeure en ligne plus longtemps que prévu; 6. Met en danger ou risque de perdre une relation affective importante, un emploi ou des possibilités d’étude ou de carrière à cause de l’Internet; 7. Ment à sa famille, à son thérapeute ou à d’autres pour dissimuler l’ampleur réelle de son utilisation de l’Internet; 8. Utilise l’Internet pour échapper aux difficultés ou pour soulager une humeur dysphorique (ex. : des sentiments d’impuissance, de culpabilité, d’anxiété, de dépression).

Selon Young (2004), les symptômes doivent être présents depuis au moins six mois pour être pris en considération (cité dans Dufour et Acier, 2010; Nadeau, 2010; Pineault, 2008; Rioux, 2011; Vachon, janvier 2007; Vaugeois, 2006). Young (1996, traduction : Khazaal, Billieux, Thorens, Khan, Loutati et coll., 2008, cités dans Van Mourik, 2011).

Obtenir 6 des 8 critères dont au moins un parmi 6-7-8 (Van Mourik, 2011) (Dufour mars 2012; Rioux, cité dans Bourque et coll., 2011; TechAddiction, 2005; UMoncton, n.d.)

Obtenir 5 des 8 critères (Dufour, octobre 2003) (Goldsborough, 1997; Widyanto et Griffiths (2006; Vaugeois, 2006; Dowling et Quirk, 2009; Ko et coll., 2009; Young, 2009a, cités dans Brisebois, 2011).

405

Dix symptômes de cyberdépendance selon Goldberg (1996)

1. L’utilisation des services Internet d’une manière quotidienne et routinière; 2. La perte de la notion du temps dès que la connexion à Internet est établie; 3. L’isolement physique de son environnement social pour demeurer devant son ordinateur; 4. Les périodes de repas sont écourtées (à la maison ou au travail) pour disposer d’un temps plus long de navigation sur Internet; 5. La dénégation de la dépense excessive de temps sur Internet; 6. Le rejet des plaintes de l’entourage social face à la surutilisation d’Internet; 7. La vérification du courrier électronique d’une façon exagérée et sans attente précise d’un message; 8. Le désir de s’informer sur les nouveautés de l’espace virtuel (par exemple, nouveaux sites, nouveaux programmes) plutôt que sur l’actualité réelle et quotidienne; 9. La navigation sur Internet se poursuit malgré une urgence au travail; 10. La personne se connecte sur Internet lorsque le conjoint, la famille ou les amis sont absents, et ce, avec un sentiment de soulagement d’être seule.

(cité dans Cliche, 2001)

406

Critères diagnostiques de l’usage problématique de l’Internet selon Beard et Wolf (2001)

A. Doit présenter les cinq symptômes suivants :

1. Préoccupé par l’Internet (ex. : préoccupation par la remémoration de sessions en ligne passées ou par la prévision de sessions en ligne à venir); 2. Besoin d’utiliser l’Internet de plus en plus longtemps afin d’être satisfait; 3. Efforts répétés, mais infructueux pour contrôler, réduire ou arrêter l’utilisation de l’Internet; 4. Agitation ou irritabilité lors des tentatives de réduction ou d’arrêt de l’utilisation de l’Internet; 5. Demeure en ligne plus longtemps que prévu;

B. Doit présenter au moins un des symptômes suivants :

6. Met en danger ou perd une relation affective importante, un emploi ou des possibilités d’étude ou de carrière à cause de l’Internet; 7. Ment à sa famille, à son thérapeute ou à d’autres pour dissimuler l’ampleur réelle de son utilisation de l’Internet; 8. Utilise l’Internet pour échapper aux difficultés ou pour soulager une humeur dysphorique (ex. : des sentiments d’impuissance, de culpabilité, d’anxiété, de dépression).

(Cité dans Vachon (janvier 2007; Vaugeois, 2006)

407

Critères diagnostiques de l’usage problématique de l’Internet selon Shapira et coll. (2003)

A. Préoccupation inadaptée face à l’usage de l’Internet comme indiquée par au moins un des symptômes suivants : 1. Préoccupations face à l’usage de l’Internet qui sont vécues comme irrésistibles; 2. Usages excessifs de l’Internet pour des périodes de temps plus longues que prévu. B. L’usage de l’Internet ou des préoccupations face à son usage causant soit une détresse psychologique cliniquement significative, soit des problèmes dans les sphères sociales, occupationnelles, ou dans d’autres sphères de fonctionnement. C. L’usage excessif de l’Internet ne survient pas exclusivement dans des périodes d’hypomanie ou de manie et n’est pas mieux expliqué par d’autres troubles de l’Axe I au DSM-IV-TR.

(Cité dans Vaugeois (2006)

408

Critères diagnostiques de la cyberdépendance chez les adolescents selon Koet coll. (2005)

A. Doit présenter six symptômes ou plus parmi les suivants :

1. Préoccupé par l’Internet; 2. Échecs répétés pour résister à l’impulsion d’utiliser l’Internet; 3. Tolérance : augmentation marquée de la durée d’utilisation de l’Internet pour obtenir une satisfaction; 4. Sevrage qui se manifeste par : a) Symptômes d’humeur dysphorique, d’anxiété, d’irritabilité et d’ennui lorsque privé d’Internet; b) Utilisation de l’Internet pour calmer ou éviter les symptômes de sevrage. 5. Usage de l’Internet pour une période de temps plus longue que prévu; 6. Désir persistant et/ou échecs répétés pour cesser ou réduire l’usage d’Internet 7. Durée excessive du temps passé sur l’Internet; 8. Effort excessif pour obtenir l’accès à l’Internet; 9. Usage excessif d’Internet malgré la connaissance d’un problème physique ou psychologique, persistant et récurrent, pouvant être causé ou exacerbé par l’usage de l’Internet.

B. Difficulté fonctionnelle : un des symptômes suivants (ou plus) doit être présent :

1. Négligence des obligations scolaires ou familiales à cause d’un usage répété de l’Internet; 2. Problème dans les relations sociales; 3. Violation des règlements de l’école ou des lois à cause de l’usage de l’Internet.

C. La cyberdépendance ne doit pas être mieux expliquée par un trouble psychotique ou un trouble bipolaire de type I.

(Cité dans Vaugeois, 2006).

409

Critères diagnostiques proposés pour la cyberdépendance selon Tao et coll. (2010)

A. Symptômes :

1. Présence des deux critères suivants : a) Préoccupations à propos des technologies (penser aux activités en ligne antérieures ou anticiper les prochaines sessions en ligne); b) État de manque, manifesté par une humeur dysphorique, de l’anxiété, de l’irritabilité, de la colère ou de l’ennui lorsque l’accès aux technologies est impossible. 2. Présence d’au moins un symptôme parmi les suivants a) Tolérance (besoin d’accroitre le temps d’utilisation pour être satisfait); b) Désir persistant ou tentatives infructueuses pour contrôler, réduire ou cesser l’utilisation des technologies; c) Maintien d’une utilisation excessive des technologies en dépit des problèmes physiques ou psychologiques récurrents ou persistants causés ou exacerbés par l’utilisation des technologies; d) Perte d’intérêt ou réduction des activités, passe-temps ou des divertissements hors ligne; e) Utilisation des technologies pour éviter ou soulager une humeur dysphorique (p. ex., impuissance, culpabilité, anxiété).

B. Critères d’exclusion :

L’utilisation excessive d’Internet n’est pas mieux expliquée par un épisode psychotique, un épisode de manie ou d’hypomanie.

C. Critère d’altération significative : altération significative du fonctionnement (réduction des habiletés sociales, scolaires ou professionnelles) incluant la perte de relations significatives, d’un emploi ou d’opportunités sur le plan scolaire ou professionnel.

D. La cyberdépendance doit survenir à tout moment sur une période de 3 mois, avec une utilisation des technologies (non reliée au travail ou aux études) d’au moins 6 heures par jour.

(Cité dans Dufour, mars 2012; Sergerie, 2010).

410

Critères diagnostiques selon Acier et Kern (2009)

Si l’utilisateur répond positivement à au moins 4 critères parmi les 8 suivants sur une période d’au moins 12 mois, nous pouvons croire à l’existence d’un problème de cyberdépendance :

1. Préoccupations pour l’Internet; 2. Désir persistant ou efforts répétés, mais infructueux pour contrôler, réduire ou arrêter l’utilisation d’Internet; 3. Agitation ou irritabilité lors de tentative de réduction ou d’arrêt; 4. Utilisation d’Internet pour échapper aux difficultés ou pour soulager une humeur dysphorique; 5. Utilisation d’Internet sur un laps de temps plus long que prévu; 6. Mise en danger ou perte d’une relation affective importante, des activités professionnelles, sociales, occupationnelles ou de loisirs en raison de l’utilisation d’Internet; 7. Poursuite de l’utilisation malgré la connaissance de l’existence d’un problème déterminé ou exacerbé par l’utilisation; 8. Mensonges à sa famille, à son thérapeute ou à d’autres pour dissimuler l’ampleur réelle de ses habitudes d’utilisation.

(Cité dans Richard, mai 2009; janvier 2011).

411

Annexe G — Critères diagnostiques psychosociaux selon les tenants du désordre de dépendance

412

Critères diagnostiques des dépendances comportementales Goodman (1990)

A. Impossibilité de résister aux impulsions à réaliser ce type de comportement; B. Sensation croissante de tension précédant immédiatement le début du comportement; C. Plaisir ou soulagement pendant sa durée; D. Sensation de perte de contrôle pendant le comportement; E. Présence d’au moins cinq des neuf critères suivants : 1. Préoccupation fréquente au sujet du comportement ou de sa préparation; 2. Intensité et durée des épisodes, plus importantes que souhaité à l’origine; 3. Tentatives répétées pour réduire, contrôler ou abandonner le comportement; 4. Temps important consacré à préparer les épisodes, à les entreprendre, ou à s’en remettre; 5. Survenues fréquentes des épisodes lorsque le sujet doit accomplir des obligations professionnelles, scolaires, universitaires, familiales ou sociales; 6. Activités sociales, professionnelles ou récréatives majeures sacrifiées du fait du comportement; 7. Perpétuation du comportement bien que le sujet sache qu’il cause ou aggrave un problème persistant ou récurrent d’ordre social, financier, psychologique ou physique; 8. Tolérance marquée : besoin d’augmenter l’intensité ou la fréquence pour obtenir l’effet désiré, ou diminution de l’effet procuré par un comportement de même intensité; 9. Agitation ou irritabilité en cas d’impossibilité de s’adonner au comportement. F. Certains éléments du syndrome ont duré plus d’un mois ou se sont répétés pendant une période plus longue.

(Cité dans Pineault, 2008; Psynternaute.ca, 1997; Vaugeois, 2006).

413

Critères de Goodman (1990) adaptables à la « cyberdépendance » selon Rochon

Doit avoir la présence d’au moins cinq de ces critères, de la manière suivante :

1. Préoccupation fréquente au sujet du comportement ou de sa préparation en rapport avec Internet; 2. Intensité et durée des épisodes, où on utilise l’ordinateur, plus importantes que souhaitées à l’origine; 3. Tentatives répétées pour réduire, contrôler ou abandonner le comportement virtuel; 4. Temps important consacré à préparer les épisodes, à les entreprendre, ou à s’en remettre lorsque le sujet est sur Internet; 5. Survenues (c.-à-d. des arrivées à l’improviste) fréquentes des épisodes de cyberdépendance lorsque le sujet doit accomplir des obligations professionnelles, scolaires, familiales ou sociales; 6. Activités sociales, professionnelles ou récréatives majeures sacrifiées du fait du comportement cyberdépendant; 7. Perpétuation du comportement, bien que le sujet sache qu’il cause ou aggrave un problème persistant ou récurrent d’ordre social, financier, psychologique ou psychique; 8. Tolérance marquée : besoin d’augmenter l’intensité ou la fréquence d’utilisation d’Internet pour obtenir l’effet désiré ou diminution de l’effet procuré par un comportement de même intensité; 9. Agitation ou irritabilité en cas d’impossibilité de s’adonner au comportement de cyberdépendance. Certains éléments du syndrome ont duré plus d’un mois ou se sont répétés pendant une période plus longue.

(Cité dans Psynternaute, 1997).

414

Critères diagnostiques de la dépendance comportementale de Griffiths (1995, 1996, 1998)

1. Prépondérance ou salience : L’activité particulière devient l’activité la plus importante dans la vie de la personne. Elle domine ses pensées (préoccupations et distorsions cognitives), ses sentiments (ex. : sentiment de manque) et ses comportements (détérioration des comportements socialisés); 2. Modification de l’humeur : Est une conséquence de l’adoption de l’activité et peut être une stratégie de coping (excitation, surexcitation, sentiment d’évasion ou d’apaisement); 3. Tolérance : Représente une hausse, à travers le temps, des quantités afin d’obtenir les mêmes effets (par exemple, du nombre d’heures consacrées à l’activité, du montant des gageures pour le gambling en ligne, etc.); 4. Symptômes de sevrage : Sensations désagréables ou des effets physiologiques (ex. : humeur dépressive, irritabilité, tremblements) qui surviennent lorsque l’activité ne peut avoir lieu ou lorsqu’il y a une réduction, par exemple, dans la fréquence du comportement; 5. Conflits : Conflits interpersonnels (entre le dépendant et l’entourage de celui-ci) ou conflits intrapsychiques (entre la volonté de ne pas céder aux tensions causées par la dépendance à l’activité et le besoin psychologique de s’adonner à l’activité); 6. Rechute : La tendance à retourner aux habitudes liées à l’activité après une période d’abstinence ou de contrôle de la dépendance comportementale.

(Cité dans cybedependance.ca, 2008; Dufour et Parent, janvier 2009; Nadeau, 2010; Sergerie, 2005, 2010; Vaugeois, 2006).

415

Critères généraux pour la dépendance à Internet (selon Griffiths)

Doit obtenir 3 des 7 critères suivants :

1. Une augmentation de l’investissement des ressources pour les activités reliées à l’Internet; 2. Des sentiments négatifs (anxiété, dépression, etc.) quand la personne n’est pas en ligne; 3. Une augmentation de la tolérance aux effets d’être en ligne; 4. Préoccupations par rapport à Internet; 5. Tentatives pour réduire, diminuer ou contrôler le comportement virtuel; 6. Perpétuation du comportement bien que la personne sache qu’il cause ou aggrave un problème existant; 7. Activités sociales, professionnelles ou récréatives majeures sacrifiées en raison de l’utilisation d’Internet;

(Cité dans Dufour, octobre 2003, mars 2012; Dufour et Acier, 2010; Van Mourik, n.d.).

416

Critères généraux pour la dépendance (Davis, 2001, 2003)

1. Perte de contrôle face à Internet; 2 Renforcements obtenus par l’utilisation d’Internet; 3. Conséquences négatives (ex. : conflits conjugaux, familiaux, problèmes financiers, des difficultés au travail, etc.); 4. Anticipation des prochaines séances de connexion à Internet; 5. Sentiment de culpabilité ou de honte par rapport à son usage d’Internet; 6. Mensonge au sujet du temps réel consacré sur Internet ou la perte d’intérêt pour certaines activités.

(Cité dans Sergerie et Lajoie, 2007).

417

Critères de dépendance selon Block (2008)

1. L’usage excessif (dont la perte de la notion du temps est un signe); 2. Une sensation de malaise quand l’ordinateur est inaccessible (colère, tension et/ou dépression); 3. Le développement d’une plus grande tolérance (besoin d’équipement plus moderne, augmentation du nombre d’heures passées devant l’ordinateur; 4. Les répercussions négatives sur la vie (personnelle, professionnelle) de l’usager.

(Cité dans Dufour et Acier, 2010).

418

Critères communs aux dépendances selon Nadeau (2010)

1. L’obsession mentale; 2. L’incapacité à s’abstenir; 3. Craving; 4. Problèmes de santé et problèmes psychosociaux variés; 5. Peur de la souffrance psychique en cas d’arrêt.

419

Liste de dix signes de l’usage problématique d’Internet (Huffington Post, 12 mars 2013)

1. Increased time spent on online activities; 2. Preoccupation or obsession about online activities; 3. Failed attempts to set boundaries or control behaviour; 4. Neglecting important tasks such as school, work or spending time with friends or family; 5. Dishonesty about activities or time spent online; 6. Decreased sense of achievement or meaningful engagement in online activities (but continuing to do them anyway); 7. Increased emotional responses in association with online activities (e.g. guilt, shame, fear, sadness or anger); 8. Physical changes such as loss of sleep, weight loss or gain, backaches or headaches.

Attention changes, such as difficulty concentrating, trouble remembering or a frequent lack of awareness of time passing. Disinterest in other activities that they used to enjoy

420

Liste de neuf symptômes de la dépendance à Internet (Progrès Dimanche, 13 juin 1999)

1. Vous possédez une ligne téléphonique qui est occupée 12 heures par jour; 2. Vous mentez à vos amis et à votre famille sur vos connexions; 3. Vous communiquez plus souvent avec des personnes virtuelles qu’avec vos voisins; 4. Vous répondez à votre courrier électronique en laissant s’entasser votre courrier ordinaire; 5. Vous oubliez de manger ou dormir parce que vous êtes trop occupé à « chatter »; 6. Votre ordinateur coûte plus cher que votre télévision; 7. Vous allumez votre ordinateur avant d’allumer votre télévision; 8. Votre époux (se) vous surprend à 3 heures du matin : « Quand viens-tu dormir?»; 9. Votre carte de visite héberge deux nouvelles adresses : celle de votre courriel et de votre site Web.

421

Liste de sept signes de Kimberly Young (Le Soleil, 7 septembre 2009)

1. Préoccupé par des pensées tournées vers Internet; 2. Être en ligne plus longtemps que nécessaire; 3. Faire des efforts répétés, mais vains pour en maîtriser l’usage; 4. Mettre en péril ses relations avec son entourage, l’école ou son travail pour pouvoir passer plus de temps sur la toile; 5. Mentir pour cacher son utilisation; 6. Utiliser le Net pour échapper aux problèmes ou à la dépression; 7. Prendre du poids, avoir des maux de tête ou encore un syndrome du canal carpien.

422

Questionnaire (Huffington Post, 31 mai 2013b)

1. Do you surf the Internet alone? 2. Do you plan social gatherings around your ability to access the internet? 3. Have you ever turned down an invitation to a kegger or other drink and/or drug- based recreation in order to use the internet? 4. Is the statement: "I have seen more pixellated and/or downloaded boobs than real, live boobs" true for you or your loved one? 5. Is the statement "I have never seen real-live boobs, I have all the ones I need on the internet" true for your or your loved one? 6. Please count one for each of the follow terms/abbreviations that you understand and/or use: [] pwned [] nsfw [] WoW [] lemon party [] lol [] lolcatz [] btw [] btw,dyhatlbswm? * *The last letters of this phrase may or may not indicate "wardrobe malfunction." 7. Do you tweet more than ten times in a 24-hour period? 8. Do you tweet more than 24 times in a 24-hour period? 9. Does the term "going off the grid" frighten you? Please count two points if it induces sweat and/or shrieking fits. 10. Are a majority of the people you count as friends individuals you have never actually met in person? 11. When was the last time you spoke to a live individual? If within the last eight hours, do not mark anything, if between 8 and 24 hours, mark one, if between 24 hours and one week, mark two, if over one week, please look online for our agoraphobia treatment options, available from home! (Note : phone conversations can be counted as speaking contact, barring conversations with telemarketers, home-shopping personalities, or any brand of tech support. Headset communications with other WoW users cannot be counted) 12. Do you check your e-mail hourly or more regularly? Work e-mail does count; remember, denial is one of the most common features of addiction problems. 13. Have you ever had to reupholster your parents' basement couch cushions because of your internet 'usage?' 14. Have you ever seen a donkey show? (If show was viewed in Mexico, or on any spring-break excursion, feel free to leave this box blank) 15. Have you witnessed more than a dozen celebrity sex acts, despite living in Topeka? 16. Have you ever referred to food as "manna?" 17. Do you picture yourself as having a health-meter? 18. Do you ever accidentally refer to yourself and/or sign credit card receipts with your screen name?

423

Questionnaire (Huffington Post, 31 mai 2013b) (suite)

19. Does your internet usage interrupt your sleep? Waking up, restlessness, or guilt inspired by images seen while surfing the Web count when answering this question. - Please count one for every message board you contribute to daily or more frequently (commenting on news sites counts); - Please count one for every blog you maintain regularly or on which you have admin access; - Please count one for every social networking site you visit daily or more frequently ; - Please count one for every person you hated in high school, but whom you've friended on Facebook, anyway.

If you have checked 0-3 boxes: you likely do not have a problem. Fall City would like to offer their self-monitoring software, though, at a low cost of just $19.99/mo. in order to make sure you maintain a healthy internet attitude.

If you have checked 4-8 boxes: you are exhibiting addictive behaviors which, if not checked, could develop into a full-blown problem. We recommend a week's stay at Fall City in order to nip those bad habits in the bud.

If you have checked 9-12 boxes: just claiming that your internet use is a product of fitting into and competing in the modern world doesn't change the facts: you are spending a dangerous amount of time on the Web. You may consider yourself a functioning internaholic right now, and it may actually be helping you both personally and professionally, but who knows how long you can keep all those balls on the trapeze. See? That sort of metaphor-mixing is just one of many side-effects of your addiction. We suggest a 12-week course of treatment, starting immediately, with weekly follow-up appointments to continue indefinitely.

If you have checked 12 or more boxes: you are a Robert Downey Jr.-level addict; no matter how many times you may pull the plug, your need to connect will always be stronger, and you'll soon resort to behaviors like stealing wireless signals, sitting in coffee shops for hours on end in order to get your fix, even creating excuses like "having a job" and "the way the majority of the world does business" and "how else will I know where my interview/party/new apartment is?" just to check your e-mail. We strongly suggest you check in for an extended stay, at least a year, in order to really have a chance at leading a normal, productive, internet-free existence.

424

Liste de sept symptômes (La Presse, 13 mars 2006)

1. Obtient des sensations intenses de plaisir ou de culpabilité devant l’ordinateur; 2. Ne pense et ne parle que du jeu, même lorsqu’il n’est pas devant un ordinateur ou une console; 3. Passe de plus en plus de temps à jouer, au détriment de sa famille, de ses amis et même de son travail; 4. Ment sur le temps passé à jouer; 5. Devient irritable, colérique ou dépressif lorsqu’il ne peut jouer pendant un certain temps; 6. Dépense de plus en plus pour le jeu; 7. Laisse le monde virtuel et les rencontres sur Internet remplacer sa vie émotive avec son partenaire et sa famille.

425

Liste de sept symptômes à surveiller (Sympatico, 16 octobre 2009)

1. Le sentiment de bien-être et d’euphorie lors de l’utilisation d’Internet; 2. L’incapacité d’arrêter l’utilisation Internet; 3. Le besoin d’augmenter de plus en plus le temps d’utilisation d’Internet (le cyberdépendant se lèvera la nuit pour utiliser Internet); 4. Le manque de temps pour la famille, les amis ou d’autres loisirs; 5. Les problèmes d’assiduité ou de performance au travail ou à l’école; 6. Les mensonges à la famille ou aux amis sur le temps consacré à Internet; 7. La dépression ou l’irritabilité lorsque la personne est privée d’Internet.

426

Les six signes de dépendance à Internet (CBC News, 16 septembre 2010)

1. Preoccupation with the substance of behaviour; 2. Repeated unsuccessful attempts to reduce it; 3. Mood disturbances related to attempts at reducing it; 4. Greater use than anticipated or desired; 5. Jeopardizing employment, relationships or education; 6. Lying about use.

427

Six symptômes à surveiller (Journal de Montréal, 20 mai 2010)

1. A-t-il tendance à s’isoler constamment (pour vivre sa dépendance) et à passer des heures et des heures (sans même s’en rendre compte) devant un ordinateur? 2. Est-ce qu’il a parfois tendance à mentir sur le nombre d’heures consacrées à l’ordi? 3. A-t-il de la difficulté à s’arrêter (au point de devoir parfois le forcer)? 4. Est-ce qu’il présente des réactions agressives lorsque vous abordez le sujet? 5. Avez-vous remarqué des changements d’humeur importants, des troubles du sommeil, une baisse de performance scolaire ou des difficultés à se concentrer en classe ou aux devoirs? 6. A-t-il tendance à vouloir sauter les repas ou cesser certaines activités qui lui étaient pourtant agréables?

Si la réponse à la majorité de ces questions est oui, il y a là des symptômes indiquant clairement qu’il faut réagir en tant que parent.

428

Liste de 12 signes et symptômes pour diagnostiquer la dépendance à Internet selon Hillarie Cash (Toronto Star, 1er février 2013)

If you answer yes to five or more, Cash suggests you may have a problem :

1. Increased amounts of time spent on computer and Internet activities; 2. Failed attempts to control behaviour; 3. Heightened sense of euphoria while involved in computer and Internet activities; 4. Craving more time on the computer and Internet; 5. Neglecting friends and family; 6. Feeling restless when not engaged in the activity; 7. Being dishonest with others; 8. Computer use interfering with job or school performance; 9. Feeling guilty, ashamed, anxious or depressed as a result of behaviour; 10. Changes in sleep patterns; 11. Physical changes such as weight gain or loss, backaches, headaches or carpal tunnel syndrome; 12. Withdrawing from other pleasurable activities.

429

Questionnaire (La Presse, 18 février 2001)

Sur une période de douze mois, si au moins quatre des réalités suivantes s’appliquent à vous, soyez aux aguets :

1. Se sentir préoccupé par l’Internet; 2. Avoir besoin d’accéder à Internet pour des périodes de plus en plus longues; 3. Être incapable de restreindre votre usage; 4. Se sentir agité et irritable au moment de couper le lien; 5. Utiliser Internet pour oublier ses problèmes ou chasser sa mauvaise humeur; 6. Mentir sur le nombre réel d’heures d’utilisation; 7. Risquer la perte d’une relation significative, d’un emploi ou d’une opportunité professionnelle concernant les études; 8. Dépasser le budget prévu pour les coûts d’utilisation; 9. Se sentir déprimé ou nerveux quand on n’est pas en ligne; 10. Demeurer en ligne plus longtemps que prévu.

430

Annexe H — Critère diagnostique souple : approche quantitative d’utilisation d’Internet

431

Tableau 19

Construction psychosociale du critère diagnostique souple selon l’approche quantitative d’utilisation d’Internet

Auteurs Cités par Nombre d’heures d’utilisation Nawla et Anaud (2003) Vaugeois (2006) 2 h par jour Niemz et coll. (2005) 14 h par semaine Leduc (2011) 2 h par jour Tremblay (2008) 14 h par semaine CEFRIO (2011) Dufour et coll. (janvier Petit utilisateur : 10 h par semaine 2013) Moyen utilisateur : 11 à 20 h par semaine Grand utilisateur : 20 h+ par semaine Dufour (2012) 25 h+ par semaine : utilisateur Dufour et coll. (janvier excessif 2013) Vachon (janvier 2007) 3 h+ par jour Beard et Wolf (2001) Dufour (2012) 35 à 40 h sur 5 à 6 jours ou Dufour (janvier 2009) sur une période continue de 72 heures 60 h par semaine : utilisation dite extrême

432

Tableau 20

Construction médiatique du critère diagnostique souple selon l’approche quantitative d’utilisation d’Internet

Nombre d’heures Auteurs Médias d’utilisation Glynis Sherwood, Recovery Vancouver Sun (18 novembre 2 h par jour* (1) Counselling Services Toronto 2010) 14 h par semaine Magali Dufour, psychologue La Voix de l’Est (29 janvier 20 h+ par semaine 2011) 60 h par semaine Le Réveil Île-du-Prince- Édouard Radio-Canada (2012) Institut national sur les médias La Presse (21 avril 2009) 24 h par semaine* (2) et la famille de l’université de l’Iowa Douglas Gentile, professeure en psychologie Valérie Van Mourik, TS Radio-Canada Téléjournal (18 25 h par semaine janvier 2013) Bruce Ballon, Centre for CBC News (16 septembre 7 h par jour* (3) Addiction and Mental Health 2010) 49 h par semaine Dennis Kimberly, Memorial's The Telegram (6 mars 2010) 3 h+ par jour School of Social Work 60 h par semaine Hans-Jürgen Rumpf, Directeur La Presse (26 septembre 2011) 4 h+ par jour* (4) de l’étude auprès du ministère Allemagne

Lawrence Lamm, chercheur Le Droit (11 février 2008c) 5 à 10 h par jour La Presse (3 septembre 2009) The Globe and Mail (2 aout 2010)* (5) Louise Nadeau, psychologue Toronto Star (1er février 2013) Moyenne : 66 h par semaine Nombre d’heures d’utilisation des internautes selon les témoignages Calgary Sun (25 juillet 2011) Moyenne : 3.3 h par jour* (6) The Globe and Mail (6 février 4 à 5 h par jour 1998) La Presse (15 juin 2000) 5 h+ par semaine Huffington Post (14 aout 2009) 4 à 6 h par jour CBC The Current (1er mars 5 à 7 h par jour 2013) CTV (14 juillet 2009) 6 h+ par jour The Globe and Mail (23 aout 7 h par jour 2012)

433

Tableau 20

Construction médiatique du critère diagnostique souple selon l’approche quantitative d’utilisation d’Internet (suite)

Nombre d’heures Auteurs Médias d’utilisation CBC News (16 septembre 7+ h par jour 2010) Canoë (7 novembre 2008) 7 à 10 h par semaine CBC (6 mars 2010) 8 h+ par jour Huffington Post (28 novembre 2011) The Telegram (6 mars 2010) Canoë (3 mai 2007) 10 h par jour CTV News (28 mai 2010) La Presse (1er février 2010b) National Post (10 mars 2008) The Globe and Mail (17 février 2000) Vancouver Sun (18 novembre 2010) Le Devoir (28 avril 2007) 10 h+ par jour CTV News (2 octobre 2008) 12 h par jour Huffington Post (1er décembre 2012) La Presse (13 mars 2006) La Presse (23 janvier 2009) 15 h par jour Canoë (5 juillet 2011) 16 h par jour La Presse (1er février 2010a) La Presse (22 novembre 2007; 17 h par jour 1er février 2010c) The Globe and Mail (19 novembre 2007) CTV News (2008) 20 h par jour Le Droit (29 mai 2006) 20 h par semaine Sympatico (23 février 2012) 22 à 40 h par semaine La Presse (17 octobre 2006) 30 h par semaine Radio-Canada Nouvelles (2 juin 1998) La Presse (18 février 2001) 30 h+ par semaine La Presse (2 novembre 2006) 35 h par semaine Canoë (1er juin 2010) 45 h par semaine La Presse (10 juin 2008) Téléjournal RC (18 janvier 50 h par semaine 2013)

434

Tableau 20

Construction médiatique du critère diagnostique souple selon l’approche quantitative d’utilisation d’Internet (suite)

Le Soleil (23 avril 2010) 60 h par semaine CTV News (22 octobre 2008) The Telegram (6 mars 2010) 60 h+ par semaine Jour de plaine Radio-Canda 70 h par semaine (2012) CTV News (22 octobre 2008) 80 h par semaine The Globe and Mail (18 février 1998) The Globe and Mail (21 86 h par semaine octobre 2002) Radio-Canada Nouvelles (2 100 h par semaine juin 1998)

* (1) Utilisation normale d’Internet * (2) Moyenne de 3.5 heures/jour = dépendance * (3) Utilisation un peu hors de contrôle * (4) 4 heures+/jour = dépendance * (5) Utilisation excessive * (6) En dehors du travail

435

Annexe I — Synthèses des facteurs de risque de la cyberdépendance

436

Tableau 21

Synthèse des facteurs prédisposants des trois arènes

Caractéristiques Caractéristiques Caractéristiques sociodémographiques émotionnelles comportementales Âge Estime de soi Déficience au niveau des habiletés sociales Sexe Timidité Impulsivité Introversion Agressivité Inhibition sur le plan social Sensibilité au rejet

437

Tableau 22

Synthèse des facteurs facilitants et de renforcement des trois arènes

Facteurs facilitants (environnement) Facteurs de renforcement (milieu de vie) Pauvreté Dysfonctionnements familiaux Problèmes financiers Piètre supervision parentale Présence de psychopathologies dans la famille Absence de centres d’intérêt diversifiés Peu d’activités Temps libre

438

Tableau 23

Synthèse des facteurs précipitants des acteurs des trois arènes

Accessibilité Anonymat Contrôle Abordabilité Excitation Multiplicité du contenu Communication Médium actif

439

Annexe J — Internet Addiction Test — Internet Addiction Scale — Indices de Détection de Cyberdépendance — Generalized Problematic Internet Use Scale — Test d’Orman — Tests retrouvés sur Internet

440

Internet Addiction Test (IAT) Young (1998)

Répondez aux questions suivantes en utilisant cette échelle :

1. Rarement 2. Occasionnellement 3. Parfois 4. Souvent 5. Toujours

1. À quelle fréquence demeurez-vous en ligne plus longtemps que vous ne l’aviez prévu? 2. À quelle fréquence négligez-vous vos travaux domestiques pour passer plus de temps en ligne? 3. À quelle fréquence préférez-vous le divertissement que vous procure l’Internet, à l’intimité avec votre partenaire? 4. À quelle fréquence vous arrive-t-il de créer de nouvelles relations interpersonnelles en étant en ligne? 5. À quelle fréquence vos proches se plaignent-ils du temps que vous passez en ligne? 6. À quelle fréquence négligez-vous vos études ou vos travaux scolaires à cause du temps passé en ligne? 7. À quelle fréquence regardez-vous vos courriels avant de faire d’autres tâches pressantes? 8. À quelle fréquence votre performance au travail ou votre productivité a été affectée à cause de l’Internet? 9. À quelle fréquence avez-vous été sur la défensive ou offusqué si quelqu’un vous demandait ce que vous faites en ligne? 10. À quelle fréquence oubliez-vous vos problèmes personnels en focalisant votre attention sur l’Internet? 11. À quelle fréquence avez-vous anticipé de vous retrouver encore en ligne? 12. À quelle fréquence avez-vous pensé que la vie sans Internet serait ennuyante, vide et sans joie? 13. À quelle fréquence vous êtes-vous mis en colère si quelqu’un vous dérangeait lorsque vous étiez en ligne? 14. À quelle fréquence avez-vous manqué de sommeil parce que vous étiez resté en ligne trop tard le soir? 15. À quelle fréquence avez-vous pensé à l’Internet ou souhaité être en ligne, quand vous n’étiez pas en ligne? 16. À quelle fréquence, lorsque vous étiez en ligne, vous êtes-vous dit à vous- mêmes : « juste quelques minutes encore »? 17. À quelle fréquence avez-vous tenté sans succès de diminuer votre temps d’utilisation de l’Internet? 18. À quelle fréquence avez-vous tenté de dissimuler le temps que vous passez en ligne? 19. À quelle fréquence avez-vous choisi d’être en ligne plutôt que de sortir avec d’autres personnes? 20. À quelle fréquence vous êtes-vous senti déprimé, triste ou nerveux si vous n’étiez pas en ligne et que votre humeur revenait à la normale si vous retourniez en ligne?

441

Internet Addiction Scale (IAS) Nichols et Nicki (2004)

Indiquez le niveau avec lequel chacun des énoncés s’applique à vous, en encerclant le nombre qui reflète le mieux l’intensité de votre réponse. L’utilisation d’Internet fait référence à tout ce que vous faites en ligne (chat, courriel, cyberpornographie, groupe de discussion, utilisation en réseau, recherche, etc.)

1. Jamais 2. Rarement 3. Parfois 4. Fréquemment 5. Toujours.

1 Quand j’essaie de diminuer ou d’arrêter d’utiliser l’Internet, l’irritation que je ressens s’estompe lorsque je retourne sur l’Internet; 2 Maintenant, quand j’utilise l’Internet, je ne me sens pas aussi bien que j’en avais l’habitude auparavant; 3 J’ai utilisé l’Internet plus longtemps que j’en avais l’intention; 4 J’aimerais passer moins de temps sur l’Internet; 5 Parfois, je tente de dissimuler le temps que j’ai été sur l’Internet; 6 J’ai abandonné un loisir afin d’avoir plus de temps à consacrer à l’Internet; 7 Mes études ou mon travail ont souffert à cause de mon temps passé sur l’Internet; 8 Je me suis dit à moi-même « encore quelques minutes sur l’Internet »; 9 J’ai manqué de sommeil à cause de mon utilisation d’Internet; 10 Je vois mes amis moins souvent à cause du temps que je passe sur l’Internet; 11 J’ai le sentiment que la vie sans l’Internet serait ennuyante et vide; 12 J’ai négligé des choses qui sont importantes et que je dois faire; 13 Je trouve que j’ai besoin d’utiliser plus l’Internet pour obtenir la même satisfaction qu’avant; 14 Plus je passe de temps sans être sur l’Internet, plus je deviens irritable; 15 Quand j’utilise l’Internet, je vis une expérience agréable (c.-à-d., un sentiment de bien-être; 16 J’ai manqué l’école ou le travail afin d’avoir plus de temps pour l’Internet; 17 L’Internet a eu un effet négatif sur ma vie; 18 Lorsque je suis sur l’Internet, j’ai l’intention d’y rester pour un bon bout de temps; 19 J’ai essayé de passer moins de temps sur l’Internet, mais j’en ai été incapable; 20 Après avoir utilisé l’Internet tard le soir, je me lève plus tard le matin à cause de cela; 21 Je me retrouve à faire plus de choses sur l’Internet que j’en avais l’intention;

442

Internet Addiction Scale (IAS) Nichols et Nicki (2004) (suite)

22 J’utilise l’Internet afin de m’évader de la réalité; 23 Je me surprends à penser/désirer me retrouver à nouveau sur l’Internet; 24 J’aime le plaisir/l’excitation d’être sur l’Internet; 25 Je me sens affligé quand je ne peux pas passer autant de temps que d’habitude sur l’Internet; 26 J’ai essayé sans succès de restreindre mon utilisation d’Internet; 27 Depuis que j’ai commencé à utiliser l’Internet, j’ai remarqué l’augmentation de mon utilisation et non de ma satisfaction; 28 J’ai accédé à plus d’informations sur l’Internet que je ne l’avais prévu; 29 J’ai un désir persistant de diminuer ou de contrôler mon utilisation d’Internet; 30 Lorsque je me sens seul, j’utilise l’Internet pour parler avec les autres; 31 J’utilise tellement l’Internet que je dois rattraper le temps ainsi perdu.

443

Generalized Problematic Internet Use Scale (GPIUS) Caplan (2002)

Indiquez votre niveau d’accord ou de désaccord avec l’énoncé, sur une échelle allant de 1 (fortement en désaccord) à 5 (fortement en accord)

1. J’utilise l’Internet pour discuter avec les autres, quand je me sens seul; 2. Je recherche des personnes en ligne, quand je me sens seul; 3. J’utilise l’Internet pour me sentir mieux, quand je me sens triste; 4. Je vais en ligne pour me sentir mieux, quand je suis déprimé; 5. Je suis mieux traité en ligne que dans des relations face à face; 6. Je me sens plus en sécurité en ligne qu’en face à face; 7. J’ai plus confiance en moi pour socialiser en ligne plutôt qu’en face à face; 8. Je suis plus avec l’ordinateur qu’avec les gens; 9. Je suis mieux traité en ligne que dans la réalité; 10. J’ai des problèmes au travail/à l’école, à cause de l’Internet; 11. J’ai été absent de l’école ou du travail parce que j’étais en ligne; 12. Je me sens sans valeur hors ligne, mais je suis quelqu’un en ligne; 13. J’ai manqué des événements sociaux, car j’étais en ligne; 14. J’ai essayé sans succès de contrôler mon utilisation de l’Internet; 15. Je suis incapable de réduire mon temps en ligne; 16. Je me sens coupable à cause de mon temps en ligne; 17. J’ai essayé d’arrêter l’Internet pour une longue période de temps; 18. Je perds la notion du temps en ligne; 19. J’utilise l’Internet pour plus longtemps que je ne l’avais prévu; 20. Je passe beaucoup de temps en ligne; 21. Je passe plus de temps en ligne que je ne l’avais prévu; 22. Je suis préoccupé par l’Internet si je ne peux me connecter pendant un certain temps; 23. Ça me manque d’être en ligne si je ne peux pas aller sur l’Internet; 24. Quand je suis hors ligne, je voudrais savoir ce qui se passe sur l’Internet; 25. Je me sens perdu si je ne peux être en ligne; 26. Je suis préoccupé par ce qui m’attend en ligne; 27. Je ne me préoccupe pas de mon apparence lorsque je socialise en ligne; 28. Je ne me préoccupe pas de m’impliquer dans une relation lorsque je socialise en ligne; 29. J’ai le contrôle sur la façon dont les autres me perçoivent en ligne.

444

Indices de Détection de Cyberdépendance (IDC)

Ce document n’établit pas de diagnostic, il est seulement un guide pour vous diriger dans vos habitudes de vie.

Répondez à chacune de ces questions en choisissant la lettre qui correspond le mieux à votre situation.

A) Jamais; B) Rarement; C) De temps en temps; D) Régulièrement; E) Souvent; F) Toujours.

1. À quelle fréquence vous arrive-t-il de rester sur Internet plus longtemps que prévu? 2. Vous arrive-t-il de négliger vos tâches quotidiennes afin de rester plus longtemps sur le Net? 3. Vous arrive-t-il de préférer surfer sur Internet plutôt que de sortir avec des amis (es)? 4. Vous arrive-t-il de manquer de sommeil à cause du temps passé sur Internet? 5. Votre entourage se plaint-il du temps que vous passez sur Internet? 6. Votre travail ou vos études souffrent-ils du temps que vous consacrez à Internet? 7. Vous arrive-t-il de vous imaginer en train de surfer sur Internet pour vous distraire d’une préoccupation ou d’une contrariété? 8. Vos performances professionnelles diminuent-elles à cause du temps que vous passez sur Internet? 9. Vous arrive-t-il de mentir lorsqu’on vous demande ce que vous êtes occupés à faire sur Internet? 10. Vous arrive-t-il d’aller voir vos courriels alors que vous avez des priorités plus importantes? 11. Vous arrive-t-il de constater que vous pensez à Internet avant même d’y être connecté? 12. Vous arrive-t-il de penser que la vie serait ennuyeuse, vide et triste sans Internet? 13. Lorsque quelqu’un vous dérange quand vous êtes sur Internet, ressentez-vous de l’agacement ou l’envoyez-vous promener? 14. Vous arrive-t-il de faire de nouvelles connaissances par Internet? 15. Vous arrive-t-il de fantasmer à propos d’Internet ou d’y penser lorsque vous n’êtes pas encore en ligne? 16. Vous arrive-t-il de vous dire « juste quelques minutes de plus » lorsque le moment est venu de vous déconnecter? 17. Vous arrive-t-il de ne pas respecter vos engagements pour passer davantage de temps sur Internet? 18. Mentez-vous à propos du temps que vous passez sur le Net? 19. Vous arrive-t-il de préférer surfer sur Internet plutôt que de passer un moment en compagnie de votre meilleur(e) ami(e) ou de votre partenaire? 20. Avez-vous remarqué que votre cafard ou votre nervosité disparaissait dès que vous vous trouviez sur Internet? a) Jamais

445

Indices de Détection de Cyberdépendance (IDC) (suite)

Résultat : Additionnez vos lettres b à f a) = 0 point b) = 1 point x ___ = ____ c) = 2 points x ___ = ____ d) = 3 points x ___ = ____ e) = 4 points x ___ = ____ f) = 5 points x ___ = ____

TOTAL :

rencontrer de problème avec l’Internet, mais continuez à rester vigilant.

ATTENTION! Vous êtes en perte de contrôle. Essayez de maîtriser votre fréquentation du net.

RÉAGISSEZ!

(Référence : http://www.stopouencore.be/internet.html cité dans http://www.centrecasa.qc.ca/kcfinder/upload/files/pdf/questionnaire_Indices-de- Detection-de-Cyberdependance_centrecasa.pdf

446

Questionnaire de Jean-Pierre Rochon (2004)

Vous n’avez qu’à répondre par OUI ou par NON aux questions suivantes :

1. Croyez-vous passer trop d’heures devant 1'écran de votre ordinateur ou dans Internet? 2. Est-ce que l’un des premiers gestes que vous accomplissez le matin au réveil est de démarrer votre ordinateur? 3. Vous arrive-t-il le soir ou la nuit de combattre le sommeil afin de naviguer plus longtemps dans Internet? 4. Vous obstinez-vous à chatter de longues heures? 5. Dans le cadre de votre travail (présenter une conférence, un rapport), vous arrive- t-il de passer plusieurs heures à travailler la mise en page, la forme picturale de votre présentation sans pour autant en améliorer le contenu? 6. Avez-vous de la difficulté à être éloigné de votre ordinateur pendant plusieurs jours ou pendant les vacances? 7. Vous arrive-t-il, lors de périodes d’insomnie, de vous lever et d’aller utiliser votre ordinateur? 8. Sentez-vous que votre travail peut être ralenti ou affecté, par exemple, par l’attente obsessive d’une réponse à un message que vous avez transmis par courrier électronique? 9. Êtes-vous déçu lorsque vous ne recevez pas beaucoup de réponses à vos courriers électroniques ou que les réponses mettent du temps à vous parvenir? 10. Vous arrive-t-il d’attendre avec impatience que les membres de votre famille aillent se coucher ou que des amis écourtent leur visite afin de pouvoir utiliser votre ordinateur? 11. Avez-vous choisi de vous orienter ou de travailler dans le domaine de l’informatique afin de camoufler ou de vous donner bonne conscience quant au temps passé à votre ordinateur ou dans Internet? 12. Vous arrive-t-il d’enregistrer un bon film à la télévision et de remettre son visionnage à plus tard afin de naviguer plus longuement dans Internet? 13. Avez-vous souvent envie de passer vos journées à naviguer dans Internet? 14. Préférez-vous la facilité du contact chaline aux relations interpersonnelles directes? 15. Vivez-vous de la frustration lorsqu’Internet ne fonctionne pas ou que vous êtes incapable d’établir une connexion? 16. Avez-vous de la difficulté à limiter votre temps d’utilisation de l’ordinateur ou d’Internet en dehors des besoins de votre travail? 17. Y a-t-il des gens dans votre entourage qui vous reprochent d’utiliser votre ordinateur trop souvent ou trop longtemps? 18. Souffrez-vous de relations interpersonnelles moins satisfaisantes avec votre entourage immédiat à cause de votre utilisation de l’ordinateur? 19. Avez-vous de la difficulté à contrôler vos impulsions lorsqu’il s’agit d’un achat d’un produit informatique ou d’un service offert par Internet?

447

Questionnaire de Jean-Pierre Rochon (2004) (suite)

20. Avez-vous tenté, sans succès, de diminuer l’utilisation d’Internet? 21. Avez-vous tendance à vous isoler socialement à cause de votre utilisation de l’ordinateur et d’Internet? 22. Vous êtes-vous fait installer une deuxième ligne téléphonique ou la haute vitesse afin de naviguer plus librement et plus longuement dans Internet? 23. Vous arrive-t-il de négliger votre travail ou vos activités personnelles pour naviguer dans Internet? 24. Vous sentez-vous moins efficace au travail (fatigue) à cause d’une trop grande utilisation d’Internet? 25. Vous arrive-t-il de vous défendre d’être cyberdépendant?

Vous pouvez sommairement évaluer par le nombre de oui :

0 à 5 : vous n’êtes pas dépendant 6 à 10 : vous êtes très peu ou pas dépendant 11 à 15 : vous êtes sans doute légèrement dépendant 16 à 20 : vous êtes sans doute assez dépendant 21 à 25 : vous êtes sans doute très dépendant

448

Test d’Orman (Sympatico, 16 octobre 2009, 21 juin 2012)

Si vous avez plus de trois réponses positives, vous avez une petite tendance qui n’est pas inquiétante. De quatre et six réponses positives, vous êtes à risque de développer la pathologie. De sept et neuf réponses positives, vous êtes en danger de cyberdépendance.

1. Est-ce que vous passez plus de temps connecté sur l’Internet, que vous auriez pensé initialement? OUI/NON 2. Est-ce que ça vous dérange de limiter le temps passé sur l’Internet? OUI/NON 3. Est-ce que des amis ou des membres de votre famille se sont plaints par rapport au temps que vous passez sur l’Internet? OUI/NON 4. Est-ce que vous trouvez difficile de rester sans être connecté pendant quelques jours? OUI/NON 5. Est-ce que le rendement de votre travail professionnel, ou les relations personnelles ont souffert à cause du temps que vous passez sur l’Internet? OUI/NON 6. Est-ce qu’il y a des zones de l’Internet, des sites particuliers, que vous trouvez difficiles à éviter? OUI/NON 7. Est-ce que vous avez du mal à contrôler l’impulsion d’acheter des produits ou des services étant en relation avec l’Internet? OUI/NON 8. Avez-vous essayé, sans succès, d’écourter l’usage de l’Internet? OUI/NON 9. Est-ce que vous déviez beaucoup de vos champs d’action et satisfaction, à cause de l’Internet? OUI/NON

Les réponses possibles sont : OUI ou NON

De 1 à 3 réponses positives : vous avez une petite tendance qui n’est pas inquiétante. De 4 et 6 réponses positives : vous êtes à risque de développer la pathologie. De 7 et 9 réponses positives : vous êtes en danger de « cyberdépendance »

449

Heron et Shapira (2003, 2005)

1. Est-ce que le temps de connexion à Internet est plus long que celui qui était prévu au départ? 2. Est-ce que les autres responsabilités ou activités sont négligées? 3. Est-ce que les tentatives pour réduire ou cesser l’utilisation d’Internet sont infructueuses? 4. Est-ce qu’il y a des conflits sur le plan relationnel en raison de l’utilisation d’Internet? 5. Est-ce qu’il y a des pensées excessives ou de l’anxiété lorsque l’individu n’est pas en ligne?

450

TechAddiction (2005)

Are you addicted to the Internet? Answer these seven questions:

1. Does my online use cause significant problems in my relationships, at school, at work, or how I feel about myself? 2. Do I often neglect or ignore important responsibilities in favor of going online? 3. Have I tried to cut back on my Internet use with little or no success? 4. Are other people concerned about how much I use the Internet? 5. Do I often go online because it takes my mind off problems in my life? 6. Has my Internet use steadily increased over time? 7. Has the quality of my life deteriorated as a consequence of the amount of time I spend online?

451

Service de psychologie (UMoncton, n.d.)

Il est possible, à partir de certaines questions, de déterminer si vous êtes cyberdépendant :

1. Êtes-vous préoccupé par l’Internet (vous pensez aux activités en ligne précédentes ou vous anticipez la prochaine session en ligne)? 2. Vous sentez-vous fatigué, irritable, de mauvaise humeur ou déprimé lorsque vous tentez de diminuer ou de cesser l’usage de l’Internet? 3. Demeurez-vous sur l’Internet plus longtemps que prévu? 4. Avez-vous compromis ou risqué la perte de relations significatives, d’un emploi, d’occasions éducatives ou de carrière à cause de l’Internet? 5. Mentez-vous aux membres de votre famille ou à d’autres personnes pour masquer votre utilisation de l’Internet? 6. Utilisez-vous l’Internet comme un moyen de vous échapper de vos problèmes ou encore pour soulager des malaises (exemple : sentiment d’impuissance, de culpabilité, de colère, de dépression)? 7. Avez-vous manqué à vos obligations à cause des heures passées devant l’ordinateur? 8. Avez-vous déjà décidé d’arrêter l’usage de l’Internet sans pouvoir tenir plus que quelques jours? 9. Avez-vous eu déjà l’impression que votre vie serait plus simple si ce n’était de l’envahissement de l’Internet?

452

Questionnaire : Êtes-vous cyberdépendant?

1. Vous sentez-vous préoccupé par Internet (en pensant à votre dernière activité sur le Net et en anticipant votre prochaine session)? 2. Éprouvez-vous le besoin de naviguer sur le Net pendant des périodes de plus en plus longues avant d’être rassasié? 3. Avez-vous tenté à plusieurs reprises et sans succès de limiter, contrôler ou arrêter votre utilisation de l’Internet? 4. Vous sentez-vous fatigué, épuisé, déprimé ou irritable lorsque vous tentez de limiter ou arrêter votre utilisation de l’Internet? 5. Restez-vous sur le Net plus longtemps que ce que vous aviez prévu au départ? 6. Avez-vous mis en danger ou risquez-vous de perdre une relation significative, un travail, une opportunité de carrière ou d’affaire à cause de l’utilisation d’Internet? 7. Avez-vous menti à votre famille, votre thérapeute ou d’autres personnes afin d’avoir de plus en plus de temps pour utiliser l’Internet? 8. Utilisez-vous Internet pour vous évader et échapper à vos problèmes ou à des émotions négatives (abandon, culpabilité, anxiété, déprime)?

Pour les besoins de l’étude de Kimberly Young, les sujets qui répondaient « oui » à cinq ou plus de ces questions étaient considérés comme des utilisateurs souffrant d’une addiction à l’Internet. Toutefois, si vous avez répondu oui à plus de trois et moins de cinq de ces questions, il convient de vous poser de sérieuses questions sur l’utilisation que vous faites de l’Internet (Par Alain Rioux, Ph. D., Psychologie, Québec, cité dans Bourque et coll., 2011)

453

Guide de prévention des usages problématiques d’Internet et des nouvelles technologies (UMontréal, 2012)

Voici quelques questions à se poser pour évaluer si son utilisation d’Internet est problématique ou non :

1. Demeurez-vous connecté plus longtemps que prévu? 2. Avez-vous négligé vos autres responsabilités (étude, emploi, famille, amis) en raison de vos activités en ligne? 3. Avez-vous tenté sans succès de réduire ou de cesser l’utilisation d’Internet? 4. Vivez-vous des difficultés avec les autres, en raison de l’utilisation d’Internet? 5. Vous sentez-vous anxieux, irritable ou préoccupé de façon excessive lorsque vous n’êtes pas connecté?

454

Questionnaire pour les parents

1. Quelle est la place des ordinateurs dans la maison? 2. Dans la famille, quelle est la valeur de l’ordinateur au quotidien? 3. Est-ce que j’utilise l’ordinateur ou les nouveaux gadgets comme la gardienne? 4. Est-ce que je connais le contenu des jeux auxquels mon enfant joue? 5. Est-ce que je m’intéresse et que je discute avec mon enfant des jeux que je lui achète? 6. Combien de fois ai-je joué avec mon enfant? 7. Comment mon enfant parle-t-il de la distinction qu’il fait entre le « monde virtuel » et le « monde non virtuel »? 8. Comment une meilleure connaissance du monde des jeux vidéos m’aiderait à fixer des règles adaptées? 9. Quelles sont les limites que nous avons fixées par rapport aux sports et autres loisirs? Sont-elles respectées? 10. Où se situe le jeu par rapport à la norme de Classification européenne des Jeux (www.pegi.info) ou la norme des États-Unis (www.esrb.org) (Dufour et Acier, 2010)?

455

Questionnaire pour les enfants

1. Ai-je expliqué à mes parents en quoi consiste le jeu auquel je joue? 2. Est-ce que je parle de mes jeux à mes camarades? 3. Ai-je envie de reproduire dans la vie ce que je vois à l’écran? 4. Qu’ai-je appris en jouant à ce jeu? 5. En quoi ce jeu me permet-il de faire des choses que je ne pourrais pas faire ailleurs? 6. Est-ce que je néglige mon travail scolaire en raison du jeu? 7. Est-ce que je renonce à voir mes copains si je pense avoir un jeu à finir? 8. Est-ce que je renonce à mes activités sportives, n’ayant plus le temps de les pratiquer en raison du jeu? 9. Depuis quand n’ai-je plus partagé un repas avec mes parents? 10. Depuis quand n’ai-je pas passé un moment avec mes frères et sœurs? 11. Comment pouvez-vous rassurer vos parents?

(Dufour et Acier, 2010)

456

The Globe and Mail (16 august 1997)

1. Do you feel irritated and restless when you're not surfing the Internet? 2. Do you often intend to stay on-line for only 15 minutes but are still in front of the computer two hours later? 3. Are you spending more money on-line than you can afford?

If you've answered "yes" to any of these questions, you could be a certifiable Net junkie.

CNW Telbec (13 décembre 2010)

1. Passez-vous plus de temps sur Internet qu’avec des gens? 2. Les jeux vidéos sur console ou en réseau n’ont plus de secret pour vous et votre vie de famille s’en ressent? 3. Votre iPhone ou votre BlackBerry est en train de devenir votre meilleur ami?

Peut-être, vous reconnaitrez-vous face à l’une de ces questions ou, à tout le moins, vous saurez identifier un proche. Nous voilà possiblement face à un usage problématique d’Internet et des nouvelles technologies en général, usage communément appelé cyberdépendance.

Questionnaire sur Radio-Canada Nouvelles (2 octobre, 1999)

1. Avez-vous fait plusieurs tentatives ratées pour vous modérer? 2. Avez-vous l’impression de passer de plus en plus de temps sur Internet malgré vous? 3. Vous réfugiez-vous sur le Web pour échapper à vos problèmes ou soulager une dépression?

Questionnaire dans La Presse (28 mars 2008)

1. Une fois connectés à Internet, perdez-vous la notion du temps? 2. En oubliez-vous de vous nourrir? 3. Êtes-vous angoissés quand vous n’avez pas de clavier ni de souris sous la main? 4. Mentez-vous quant à votre temps passé en ligne? 5. Cela vous conduit-il à vous isoler socialement?

Si vous avez répondu oui à toutes ces questions, vous avez probablement un usage exagéré des nouvelles technologies.

457

Suzanne Vallières, psychologue (Journal de Montréal, 20 mai 2010)

1. A-t-il tendance à s’isoler constamment (pour vivre sa dépendance) et à passer des heures et des heures (sans même s’en rendre compte) devant un ordinateur? 2. Est-ce qu’il a parfois tendance à mentir sur le nombre d’heures consacrées à l’ordi? 3. A-t-il de la difficulté à s’arrêter (au point de devoir parfois le forcer)? 4. Est-ce qu’il présente des réactions agressives lorsque vous abordez le sujet? 5. Avez-vous remarqué des changements d’humeur importants, des troubles du sommeil, une baisse de performance scolaire ou des difficultés à se concentrer en classe ou aux devoirs? 6. A-t-il tendance à vouloir sauter les repas ou cesser certaines activités qui lui étaient pourtant agréables?

Si la réponse à la majorité de ces questions est OUI, il y a là des symptômes qui nous indiquent clairement qu’il faut réagir en tant que parent. Si vous avez répondu OUI à toutes ces questions, vous avez probablement un usage exagéré des nouvelles technologies.

458