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Vie des Arts

Art-actualité

Volume 18, Number 71, Summer 1973

URI: https://id.erudit.org/iderudit/57829ac

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Publisher(s) La Société La Vie des Arts

ISSN 0042-5435 (print) 1923-3183 (digital)

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Cite this review (1973). Review of [Art-actualité]. Vie des Arts, 18(71), 70–83.

Tous droits réservés © La Société La Vie des Arts, 1973 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/

This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ (1931), le peintre nous fait deviner le jaillis­ sement d'une eau captée le long d'une allée automnale et que protège une niche de pierre. art-actualité Jean Hugo aime les sources et les bois, niciens, mais dont le délire assez souvent non pas uniquement pour leur secret et leur calculé n'écarte pas toujours la recette. Jean fraîcheur; mais parce qu'ils constituent des Hugo a baigné son rêve dans un rayon qui éléments de ce vrai paganisme qui attendent vient d'ailleurs, un rayon qui nous purifie et une bénédiction. A L': nous anime. Ce rayon traverse la nature qui Depuis de nombreuses années, la peinture JEAN HUGO manifeste ainsi le respect du regard qui l'a vit dans la hantise du tumulte et de ses Une affirmation est devenue aujourd'hui contemplée, respect devant la nature qui a pu manifestations; elle se veut dans l'état d'une courante, celle de parler de la peinture tradi­ être comparé à celui des Chinois ou de nébuleuse qui porte en gestation tous les tionnelle, entre laquelle et la leur propre les Brueghel. mondes. Projet ambitieux et parfois simplisteI artistes contemporains auraient creusé un Dans ses oeuvres plus anciennes Jean La véritable audace ne consiste-t-elle pas gouffre, sans possibilité de retour. Cette affir­ Hugo s'était plongé dans le fantastique; c'est aujourd'hui à laisser l'action s'apaiser, à mation résulte bien souvent d'une envie à l'époque où les morceaux de la terre qu'il mettre entre la pensée et le mouvement de la l'égard des oeuvres réalisées par les maîtres; recrée devant nos yeux sont habités par des main la lenteur d'une distillation spirituelle? pour Nietzsche, le dédain est la flèche du centaures ou des licornes; celles-ci sont éclai­ L'homme commence à ressentir, dans sa vie, désir vers l'autre bord. rées par une lumière qu'adoucit une brume, le besoin de ralentir le temps; et la peinture, Il est difficile de définir la peinture tradi­ elle-même produite par la respiration d'arbres elle aussi, veut redécouvrir cette suspension tionnelle, puisqu'elle comprend tout; mais en dont les troncs et les branches défoliés se du temps. C'est ce qu'ont fort bien compris réalité ce qu'elle représente s'identifie plutôt déploient comme des poumons. Dans Le Café, Richard Wattenmaker et l'Art Gallery of Onta­ à un art contemplatif, qui est un art de tou­ la nuit (1926), si les consommateurs attablés rio en consacrant à Jean Hugo une exposition jours. Pour beaucoup, la peinture contempla­ se profilent dans l'irréel, en revanche le fais­ — du 18 mai au 27 juin. tive, la peinture d'un Fra Angelico qui nous ceau lumineux que laisse passer une petite Jean MOUTON baigne dans sa lumière, s'oppose aujourd'hui lucarne sur le fond d'un mur noir projette la à la peinture active, non pas tellement d'ail­ réalité la plus tangible de ce nocturne. leurs à la peinture qui serait en voie de Dans la suite, c'est le monde quotidien, LA GALERIE AGGREGATION disparition, mais à cet « art du corps » qui sans aucun symbole, que nous aurons devant Le quartier de Front Street, à Toronto, est aurait poussé Van Gogh à se couper une nous; mais ce monde directement regardé, un des plus intéressants de la ville. Il garde, oreille pour la porter chez une prostituée. Un sans aucun intermédiaire, deviendra le rêve malgré la présence des centres St-Laurent et jeune peintre viennois, mort martyr de cet art le plus hallucinant; ainsi, cette Rue à la O'Keefe, un caractère très victorien; les à l'âge de 29 ans, n'a-t-il pas mutilé son corps chaise, Estartit (1953), entre des maisons à façades de brique peinte de ses anciens entre­ pour le faire photographier après l'avoir en­ la fois vivantes et transfigurées, cette rue où pôts y témoignent d'un temps où Toronto touré de bandelettes? une chaise abandonnée sert de support à était une ville britannique, comparable (par Sommes-nous arrivés à un terme où, comme une nappe, dont les amples plis semblent l'architecture comme par le protestantisme le rappelait récemment un critique, la question préparés pour on ne sait quelle mystérieuse militant) à Glasgow ou à Belfast plus qu'aux n'est plus de savoir si l'empereur n'a plus cérémonie d'incantation. Dans Ramsgate métropoles nord-américaines. C'est dans ce de vêtement, mais si, sous le vêtement, il y a (1959), les façades, métarmorphosées par un quartier que se dressent le vieux marché encore un empereur. Ainsi l'oeuvre de Jean soleil qui ne marque plus les heures, se haus­ couvert St-Laurent, et le remarquable Gooder- Hugo, qui atteint l'homme au plus profond de sent côte à côte, comme des topazes, des ham Building (en forme de fer à repasser) lui-même, ressurgit à la lumière; elle est de opales ou des rubis. dont le mur occidental est maintenant peint ces oeuvres dont une époque, qui a mécanisé Suprême aboutissement de la fusion du de couleurs vives par les soins de Dan jusqu'à l'amour, a soif. réel et du surréel, c'est lorsque Jean Hugo Solomon. C'est dans ce quartier que se trouve Jacques Maritain rappelait avec justesse nous montre l'homme tentant d'établir une depuis plus de quatre ans la Galerie Aggrega­ qu'il y a, d'un côté, les fils de la Musique, communication avec son Créateur. Dans la tion, fort originale parmi les galeries de pein­ les créateurs qui peuvent être en même temps villa de Meudon se trouvait un Ermite de ture de Toronto, et non seulement par son de parfaits artisans, et, d'autre part, les fils Meudon (1933); à l'abri d'un bosquet dans emplacement inhabituel (loin de Yorkville ... ). de la Technique, les professionnels qui peu­ un creux de terrain, qui forme une petite La Galerie Aggregation a quitté ses anciens vent aussi être de mauvais artisans. Jean cellule comme celle d'une abeille dans son locaux de Jarvis Street à l'automne dernier, Hugo se range parmi les fils de la Musique. alvéole, l'homme agenouillé travaille patiem­ mais elle est demeurée fidèle au quartier, Il fut très lié avec les poètes et les peintres ment pour que s'écoule le miel de son oraison. puisqu'elle s'est installée 83, Front Street Est, surréalistes, tous en général d'excellents tech­ Dans La Fontaine miraculeuse de Kerinec précisément dans un de ces anciens entrepôts

Le peintre Jean HUGO. Jean HUGO (Phot. Claude O'Sughrue) L'Ermite de Meudon, 1933. Détrempe sur toile; 10% PO. x 13%, (26 x 33.6 cm.) Coll. Jacques Maritain.

70 à la glorieuse façade ornementée. le minimalisme. Particulièrement remarquables il s'agit d'un courant qui importe aujourd'hui, L'originalité de cette galerie tient d'abord à sont les peintures acryliques sur plexiglass de et le contenu canadien y serait naturellement sa politique. Elle entend montrer les oeuvres Gabriele Abel (jeune femme d'origine tchèque) mis en valeur. La diffusion serait ensuite de « jeunes artistes canadiens ». Lynne Wynick, à la technique pointilliste, aux couleurs écla­ assurée non seulement par des expositions, qui anime la galerie en compagnie de David tantes, aux formes pures inspirées de coquil­ mais aussi par des programmes éducatifs où Tuck, nous explique qu'il s'agit de nationa­ lages et da figures géométriques; les abstrac­ jouerait un grand rôle la collection de diapo­ lisme bien entendu et non de chauvinisme: tions de paysages du Torontois Bob Jordan, sitives que la galerie a d'ores et déjà com­ les artistes représentés résident en principe qui, après une période de purs aplats, mani­ mencé à constituer systématiquement pour au Canada; peu importe d'ailleurs qu'ils s'y festent à nouveau un élément plus expressif servir à la défense et illustration de ces trouvent depuis quelques mois ou de nom­ sinon expressionniste dans le coup de pin­ artistes. breuses années. L'essentiel est que leur oeuvre ceau; l'oeuvre de Robert Sinclair, artiste des Ajoutons que la galerie s'intéresse aussi reflète l'influence du milieu canadien, qu'on Prairies dont le chemin a curieusement croisé bien aux oeuvres d'art réalisées en verre, en y puisse lire la trace de I' « environnement x celui de Jordan, et qui a une prédilection pour tissage, en poterie, qu'aux tableaux, sculptures canadien, soit naturel, soit culturel et idéolo­ le thème épuré de la route, qu'il traite en et gravures ou dessins. Les animateurs jugent gique. Quant à la «jeunesse, » elle n'est pas aquarelle et en sculpture de plastique; les que les arts appliqués ont tendance à être davantage affaire d'état-civil; il convient sim­ gravures d'Ed Bartram (né à London) qui sont maltraités de ce côté-ci de l'Atlantique, n'ont plement que ces artistes ne soient pas connus, essentiellement des détails très agrandis de pas conquis un statut équivalent à celui des établis, lorsqu'ils commencent d'exposer à la lichens ou de veines rocheuses et qui com­ oeuvres d'art pur. D'ailleurs, montrant de jeu­ galerie. Contrairement à ce qui se passe dans posent des paysages microcosmiques. Le nes artistes, la galerie s'adresse à un public la plupart des galeries, les artistes ne sont paysage, soit sous sa forme (hyper) réaliste, extrêmement varié mais dans l'ensemble jeune ici liés par aucun contrat; ils sont donc libres soit sous sa forme quasi abstraite, constitue lui-même, et qui, ayant des moyens financiers de partir ou d'exposer ailleurs à tout moment. une des préoccupations majeures de la galerie, limités, peut être davantage tenté par l'achat La galerie à son tour tire un avantage de cet qui, à l'heure où ces lignes seront publiées, de telle oeuvre dite (bien à tort) d'art appliqué. arrangement, car elle évite ainsi le risque de aura sans doute réalisé son projet d'une Citons notamment les sculptures en céramique devenir prestigieuse mais trop exclusive, de exposition de printemps consacrée au Paysage de Michael Davis, les tissages de Tony Tudin ne s'attacher que quelques noms dont la liste canadien et à laquelle auront précisément et d'An Whitlock, le verre soufflé à la main ne saurait guère se renouveler ou s'allonger participé Sinclair, Jordan, Bartram, peut-être de Michael Robinson, les très purs objets que très lentement au fil des années. Sylvia Palchinski, qui incarne une tentation d'acrylique de Dik Zander. Parmi les oeuvres Jusqu'à présent, le bilan de la galerie nous plus fantaisiste, proche parfois d'une Joyce d'art graphique, n'oublions pas les composi­ semble extrêmement positif. Jamais les oeu­ Wieland, réalise des tableautins malicieux et tions extrêmement attachantes de Doreen vres d'un artiste n'ont été rejetées faute de naïfs d'où s'échappent des reliefs de nuages Foster, enneigées de bleu et rappelant curieu­ place ou de temps. Les nouveaux locaux de sous plastique, et ne craint pas la satire sement le fantastique de rêve des livres pour Front Street en particulier permettent d'abriter politique et sociale. enfants 1900. simultanément une exposition courante, un A long terme, l'ambition de Lynne Wynick Jean-Loup BOURGET coin pour les oeuvres d'art graphique et un et de David Tuck consisterait à donner des choix des artistes habituels de la galerie au « jeunes artistes canadiens » une image aussi sous-sol. L'éclectisme préside à la sélection, complète que possible, et à contribuer à les EVERTON ET TOWN A LA mais on remarque une prédilection marquée faire connaître tant au Canada qu'à l'étranger. GALERIE MAZELOW pour certaines tendances. Ainsi, l'hyper-réa- Il conviendrait à cette fin que la représenta­ La Galerie Mazelow de Toronto présentait lisme: citons le nom de Bruce St. Clair, qui tion géographique des artistes soit plus variée, récemment une exposition conjointe des sculp­ peint des paysages du Nord-Ontario dans un car à l'heure actuelle elle est disproportion­ tures sur bois de William Nathaniel Bird style < réaliste magique » hallucinant; person­ née (quoique de façon bien compréhensible) Everton et les dessins que celles-ci inspirèrent nellement, ses tableaux nous semblent très en faveur de l'Ontario. Seuls viennent de à Harold Town. supérieurs aux oeuvres récentes de Ken Danby, l'Ouest Robert Sinclair et Sylvia Palchinski, William Everton (1881-1962), artisan auto­ par exemple. Citons encore David Barnett, tous deux nés dans la Saskatchewan et expo­ didacte de Toronto, consacra à la sculpture voisin de l'hyper-réalisme puisqu'il part de sant fréquemment dans l'Alberta. Il faudrait sur bois tous les loisirs que lui laissèrent les I' « album de famille » et vise à reproduire donc davantage d'artistes de l'Ouest canadien divers métiers qu'il exerça pour subsister. Il le flou de la photographie, mais dont les (ils auraient d'ailleurs des chances d'être for­ fut, entre autres choses, pompier de la Ville- ambitions fort intéressantes nous paraissent mellement et thématiquement plus « cana­ Reine, au cours des années de la crise. Ses insuffisamment réalisées. Parmi les autres diens » que d'autres) et aussi de l'Est cana­ voyages dans l'Ouest, les héros et légendes mouvements bien représentés à la galerie, dien, Québec et Maritimes. D'autre part, la de cette époque lui inspirèrent la plupart de mentionnons la tendance à l'abstraction, la galerie aimerait recruter davantage de réalis­ ses thèmes, et l'exposition offre une suite variation sur le pop art; à un moindre degré, tes; la raison ici encore est sans doute double: impressionnante de chefs indiens, sur un pied

La Galerie Aggregation fait peau neuve William EVERTON Harold TOWN a Toronto. Cowboy. Cowboy. 1972. (Phot. Mike Dobel) Sculpture sur bois. Dessin d'après l'oeuvre d'Everton. Toronto, Galerie Mazelow. Toronto, Galerie Mazelow.

71 de guerre, auréolés de plumes et l'arc bandé; DYNAMISME DU CENTRE CULTUREL d'intrépides cow-boys ou encore des officiers PARIS CANADIEN DE PARIS de la Gendarmerie Royale, malicieusement Foisonnante activité du Centre Culturel réduits à des tailles de gnomes face à leurs Canadien de Paris en ce premier trimestre de protagonistes! De nombreux pompiers sont LE CANADA AU MUSÉE D'ART MODERNE la saison parisienne, après la très importante aussi reproduits fidèlement et parfois de ma­ Une importante exposition, Canada Trajec­ exposition consacrée à Jean-Paul Riopelle, nière très satirique, sans oublier quelques toires 1973, reflétera les toutes dernières durant plusieurs mois, car le Centre a, depuis, jolies filles d'Eve; parmi celles-ci, une Dan­ tendances de l'art canadien au Musée d'Art réalisé sept nouvelles expositions; celles des seuse espagnole avec serpent, aux volumes Moderne de la Ville de Paris, du 14 juin au sculpteurs Philippe Scrive et Pierre Heyvaert; fort incurvés, projette éloquemment une sen­ 28 août 1973. L'exposition comprend cinq des peintres Marcelle Ferron, Tom Forrestal, sualité des plus expressive. sections; elle englobe la participation de Seymour Segal, Murielle Parent, et d'un en­ Harold Town découvrit les sculptures d'E- nombreux groupes et artistes répartis à travers semble de travaux du Graff. verton chez divers antiquaires de Toronto et le pays, dont voici un aperçu: peinture-sculp­ « Mes thèmes? », écrit Philippe Scrive. « Le il parvint à en rassembler une importante ture (West Coast Independents, Image Bank, rêve, l'imaginaire. Il faut inventer, l'invention collection — une cinquantaine de pièces — de Vancouver, , de Toronto, et est mon dada, la forme pour la forme ne me dont il est conjointement le propriétaire avec Point Zéro, de Montréal); céramique (le suffit pas. » Et en effet, chez Scrive, les for­ la Galerie Mazelow. La panoplie de person­ groupe Funky de Regina); film (La Cinéma­ mes rejoignent un certain esprit imaginaire nages créés par le sculpteur fascinèrent Town thèque du Pacifique, de Vancouver; la Cana­ et surréel. Employant de gigantesques tubes et lui inspirèrent une suite de dessins où dian Filmmakers Distribution, de Toronto; La en chlorure de polyvinyle, de couleurs diffé­ l'artiste a su capter, sans les trahir, l'esprit et Cinémathèque Québécoise et l'Office National rentes, sortis directement de l'usine et véri­ les traits spécifiques de l'oeuvre d'Everton. du Film, de Montréal); et, enfin, vidéo (A tables tuyaux d'orgue, qu'il travaille au cha­ Sculptures et dessins sont juxtaposés: s'y Space, de Toronto, Nova Scotia College of lumeau à air chaud, il façonne des sculptures retrouvent la même expressivité, un dynamis­ Art and Design, d'Halifax, Société Nouvelle et qui prennent des allures mélangées d'hommes, me et un sens de l'humour qui coule de Vidéographe, de Montréal). de totems, d'arbres, souvent d'une ironie qui, source. L'idée de cette exposition s'est concrétisée par exemple, dans Les Juges, cache une in­ Cette exposition conviait à la fête tous les à la suite d'une visite au Canada, l'an dernier, quiétude sociologique et métaphysique qui est aficionados, petits ou grands, qui ont rêvé de Pierre Gaudibert et de Suzanne Page. Elle peut-être sa véritable nature. du Far West, et ce, bien avant l'avènement des est présentée par le Groupe ARC (Art/Re­ Pierre Heyvaert, de son côté, a exposé des Western Spaghetti de Sergio Leone I cherche/Confrontation), une section du Mu­ sculptures aux plans triangulaires peints qui, Aima de CHANTAL sée d'Art Moderne, et, après la Suède, consti­ en même temps, par l'emploi des vides, se tue le deuxième volet de la série Nouvelles trouvent directement intégrés dans l'espace et Tendances, qui exige que les participants qui, par les couleurs, dans un certain ordre SCULPTURE FIGURATIVE DE JOHN LIM n'aient jamais antérieurement exposé en Eu­ assemblées, déterminent un mouvement per­ La sculpture contemporaine comporte de rope. L'exposition est financée à part égale pétuel, cinétique, selon la lumière, l'espace nombreux exemples d'artistes pour qui la fi­ entre le Conseil des Arts et les Affaires Exté­ global et les déplacements du spectateur au­ gure humaine peut encore être exploitée en rieures du Canada. Elle est organisée sous la tour de l'oeuvre. tant que thème sculptural et en relations direction de Suzanne Rivard-LeMoyne, avec L'exposition de la bien connue Marcelle d'espace et de volumes. L'oeuvre de John la collaboration de Luke Rombout et de Penni Ferron, qui fut l'un des premiers membres du Lim manifeste cette conviction. Jaques, tous du Conseil des Arts. Le com­ mouvement automatiste, a été particulière­ Lim utilise différentes techniques, ainsi que missaire, Alvin Balkind, est directeur de la ment consacrée aux 31 tableaux sur verre différents supports; borinte ou pierre calcaire galerie d'art de l'Université de la Colombie- réalisés dernièrement et à quelques-unes de ou pierre de savon. Il s'attache à rendre ses Britannique, à Vancouver. La sélection des ses oeuvres peintes entre 1945 et 1965, et figures par une orientation très étudiée des participants et la publication du catalogue ont que l'on revoit toujours avec grand intérêt. membres et des différentes parties du corps, été confiées à Normand Thériault, membre du C'est un univers étrange, inquiétant, qui ainsi que leurs relations axiales de l'une Groupe de recherches en administration de n'est pas sans révéler une sensibilité quelque vis-à-vis de l'autre. l'art, à l'Université du Québec. peu romantique, que celui, hyperréaliste, de Dans Seated Nude, l'organisation des axes René ROZON Tom Forrestall, lequel vivant dans le Nouveau- formés par les jambes, les bras et la tête est Brunswick, peint à la détrempe à l'oeuf, savamment construite. inlassablement et avec minutie, le décor qui John Lim, d'origine chinoise, semble avoir l'entoure, après avoir tout d'abord réalisé un intégré à son art plusieurs tendances, par cliché photographique, longuement étudié, qui exemple l'apport de la sculpture esquimaude lui sert de point de re-départ. Il crée alors un dont il est très près. monde fascinant, silencieux, insolite, d'une Durant les années 1961-1964, Lim a tra­ précision angoissante et profondément vaillé et exposé ses oeuvres en Angleterre. poétique. En 1964, il émigrait au Canada et habite, Tout autre est celui de Seymour Segal, qui depuis, à Toronto. Il a participé à plusieurs affirme, lui, une lutte permanente entre l'es­ expositions de groupe dans les années soixan­ pace et la forme humaine; la perspective te et a tenu deux expositions particulières, géométrisée, abstractisée, et la forme humaine, une à Toronto et l'autre à New-York. à la ligne ondulante, sensuelle, vibrante et A Montréal, on peut voir ses oeuvres à la sensible. Quant à l'univers de Murielle Parent, Galerie Gauvreau, qui en tient de façon il est la simplification graphique en larges permanente. plans colorés, schématisés et synthétiques de Françoise Le GRIS la réalité elle-même, telle qu'elle la sent et la voit, comme en témoignent par exemple Exit ou Dédoublement. Enfin, l'exposition consacrée au Centre de Conception Graphique Graff, dans lequel les artistes, comme on sait, peuvent en toute liberté, à n'importe quel moment du jour et de la nuit, venir travailler et chercher leur moyen d'expression, montre, par certaines oeuvres parfaitement réussies, l'originalité éthique et technique de cet Atelier. Le début de l'année, au Centre Culturel, n'a pas été moins riche en expositions que le dernier trimestre de 1972; en effet, successi­ vement ou parallèlement, ont été présentées John LIM des oeuvres de Crosthwait, Molinari, Tousi­ Nu assis. gnant, Vilder et Heywood. Calcaire. Sous le titre général de 3e Galaxie, dans Toronto, Galerie Shaw-Remmington.

72 un style fort proche de la peinture gestuelle, lorsque les lignes-barres sont mises en mou­ désormais à la Commission Internationale que Crosthwait aborde de nouveau le paysage, vement; alors ses oeuvres — faites souvent revient la tâche d'inviter les artistes aussi l'espace et cherche à désintégrer l'homme d'un boîtier noir avec barres blanches ou de bien français qu'étrangers, ainsi que la con­ pour le fondre dans cet espace même. boîtes blanches avec barres noires — se mo­ ception et l'organisation générale de l'expo­ Espace-lumière; couleurs bleues, oranges, difient perpétuellement, devenant à chaque sition dans toutes les disciplines représentées. vertes, dans de grands mouvements rythmés, seconde qui passe autres, et ce, presque à De plus, la Commission Internationale a établi aux larges plans, comme dans Galaxie Cathé­ l'infini. Dans ses dernières réalisations, Vilder un réseau de correspondants dans de nom­ drale, par exemple; obsession de l'homme: les complique même en rendant les barres breux pays concernés par les problèmes cul­ L'Homme végétal. Portrait sur X ou Celui qui lumineuses et colorées. Une oeuvre incontes­ turels actuels. C'est dans le but de disposer vient, autant de variations sur des thèmes tablement originale. d'une information aussi objective et exhaus­ qui sont les différents aspects d'un monde Enfin, plus jeune de trois ans que Vilder, tive que possible, à l'échelle mondiale, qu'elle intérieur subtil et fluide. Cari Heywood — il a trente-deux ans — a a entrepris cette vaste opération. Elle a égale­ Au mouvement automatiste, avait succédé, exposé une série de sérigraphies très intéres­ ment invité, à titre d'observateurs, quelques au Québec, un mouvement constructiviste, santes, qui sont autant d'images significatives représentants des principales associations d'ar­ concrétisé par le Manifeste des d'instants de notre vie, abstraites ou figuratives, tistes existant en France à l'heure actuelle. de 1955, suivi, la même année, d'un second mises côte à côte, sans liens entre elles que Dans le domaine des arts plastiques, la manifeste qui confirmait la nouvelle tendance. ceux de l'esprit et de l'immédiat subconscient. VIIIe Biennale présentera d'une part des oeu­ Mais, déjà, celle-ci allait prendre des voies Henry GALY-CARLES vres et d'autre part des informations sur différentes, certains artistes réalisant des l'activité artistique internationale. Y seront oeuvres plus particulièrement axées sur des également représentées d'autres formes d'ex­ jeux d'équilibre de plans dans un espace sans LA VIIIe BIENNALE DE PARIS pression, tels les spectacles, le cinéma et la référence, d'autres, tels Guido Molinari et La VIIIe Biennale de Paris, manifestation musique, tout en gardant l'accent sur le Claude Tousignant, se préoccupant davantage internationale des jeunes artistes, se tiendra caractère individuel de la recherche artistique. de la problématique spatiale. C'est ce que au Parc Floral de Paris, du 14 septembre au Les organisateurs ont également décidé de prouvent l'exposition des estampes de Moli­ 21 octobre 1973. Cette année, la Biennale donner une importance accrue au catalogue nari, Noir-Blanc, réalisées en 1955, dans les­ présentera un visage tout à fait nouveau, en pour en faire un document d'appoint. La quelles rectangles, quadrilatères, pentagones vue de s'adapter à l'évolution du monde conception graphique entière de cette mani­ et hexagones noirs, par leurs arêtes vives, artistique et à ses manifestations actuelles. festation a été confiée à M. Jean Widmer. leurs structures, créent avec intensité un La conception et l'organisation ont été con­ F. le G. champ spatial bidimentionnel, et l'exposition fiées à une Commission Internationale qui déli­ des sérigraphies de Claude Tousignant, faites bère souverainnement, sous la présidence du entre 1951 et 1971, qui retracent toute une Délégué Général de la Biennale de Paris, M. MARIO PRASSINOS: évolution plastique qui le conduisit à . . . Georges Boudaille. PRÉTEXTATS ET PROPOTEXTATS « éliminer la composition pour rendre plus La Commission est composée de neuf clairement le choc de la couleur » et à affimer membres: Daniel Abadie, critique d'art (Pa­ Né en 1916 à Constantinople, Prassinos, d'ori­ par la suite que « ce qui m'intéresse, ce sont ris); J.-C. Ammann, directeur du Musée des gine grecque, est naturalisé Français. Son oeuvre reflète plusieurs tendances et techniques: période les relations de couleurs et non la forme Beaux-Arts de Lucerne; Wolfgang Becker, surréaliste (1934-1938), Signes blancs et noirs, prise indépendamment ». directeur de la Neue Galerie d'Aix-la-Chapelle; masques africains (années 50), calligraphies de paysages provençaux, criblages, série de portraits Mais l'art n'arrête jamais de se transformer, Gérald Forty, directeur adjoint au British de la chanteuse Bessie Smith (1962-1964) ou du d'évoluer. Au géométrisme rigoureux d'artistes Council (Londres); Toshiaki Minemura, criti­ Grand-père Prétextât (1964-1970). Intérêt marqué pour le noir et blanc dans ses gravures également: comme Molinari et Tousignant, devait suivre que d'art (Tokyo); Raoul-Jean Moulin, criti­ il a illustré les oeuvres d'Apollinaire, Queneau, le mouvement du cinétisme. C'est dans ce que d'art (Paris); Ausgar Nierhoff, sculpteur Sartre, Poë et Rimbaud. Par ailleurs, son coloris­ me se manifeste dans les décors et les costumes sens que se développe l'oeuvre très prenante (Cologne); Gys van Tuyl, conservateur au de troupes de ballet et de théâtre dont le T.N.P., de Roger Vilder, car, contrairement à nombre Stedelijk Museum (Amsterdam) et Radu Varia, depuis les années 40 et jusqu'aux années 60; et dans les tapisseries qu'il exposait en 1972 dans de cinéticiens qui parviennent par le canal de critique d'art (Bucarest). les écuries de l'Abbaye de Cluny, avant de parti­ l'usine à la perfection désincarnée et froide, A l'issue d'une réunion de ses membres, ciper à la 6e Biennale Internationale de la Tapis­ Vilder réalise lui-même ses oeuvres, ce qui la Commission a pris des décisions qui don­ serie, à Lausanne, de juin à septembre 1973. leur confère une vie et une présence qui neront à la Biennale une nouvelle orientation. témoignent de ce que l'Homme, même dans La nouvelle tendance se manifeste par des le cinétisme, peut psychiquement se réincar­ mesures très concrètes. M.B. — Maria Prassinos, par quoi avez-vous ner. Vilder fait évidemment référence à Mon­ Tout d'abord, le système traditionnel de débuté? drian; il simplifie au maximum ses données participations nationales, organisées par des M.P. — En faisant des personnages à appa­ géométriques mais il les rend fascinantes. commissaires nationaux, est abrogé. C'est rence d'êtres humains, un peu à la manière

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?•';./*--T,i î"lU .': f "):jy?..; ->V m?}& Mario PRASSINOS, peintre. Mario PRASSINOS (Phot. Atzinger) Prétextât, 1965.

73 de Picasso. Je me suis vite aperçu que c'était coup. Célèbre maintenant et reproduit par­ allait vers la gauche ou vers la droite, qu'il une chose qu'il valait mieux lui laisser faire tout! Voilà sa photo dans Plaisir de France! allait se lever et marcher. C'était gênant. Il ... Au fond, Picasso est un individu assez M.B. — Vous étiez lié à votre grand-père fallait que je le tienne assis, au moins le dépourvu d'humanité, qui traite le visage d'une façon quelconque, consciemment ou temps que je fasse le tableau. Toujours des humain comme une carafe, avec, évidemment, non? Prétextats différents, mouvants, inquiétants toute la dextérité et l'invention extraordinaire M.P. — Il ne s'agit pas là de la nostalgie du souvent. . . qu'il possède. grand-père. C'était un bonhomme assez gro­ D'abord, je me suis trop souvent identifié à Alors, ici en Provence depuis vingt ans, en tesque et radoteur. Je suppose que, pour un lui, accident inévitable. J'ai été aussi bien Grèce aussi (mon pays d'origine), j'ai tourné enfant, le grand-père apparaît comme quelque l'enfant qui regardait se dissoudre un vieil­ le dos à tout ça. C'est difficile d'expliquer . . . chose d'extrêmement intrigant; c'est un per­ lard, celui qui peint cette dissolution et le Si on n'a pas vécu les périodes de la fin de sonnage qui est très loin. vieillard que je serai se dissolvant quelque l'avant-guerre et du début de l'après-guerre, M.B. — Le haut de la pyramide . . . part un jour. Je me suis surpris, voulant pein­ on ne se rend peut-être pas bien compte à M.P. — C'est Dieu, au fond .... et comme je dre ce qui a été, à peindre ce que chacun quel point la peinture en France était soumise ne suis pas croyant, ça m'arrange assez. craint de devenir, ce tas piteux, cette lueur à une espèce de déterminisme assez stupide M.B. — Vous ne l'avez jamais été? molle séparés des autres par quelques mètres qui la faisait l'héritière de Cézanne, à travers M.P. — Non, jamais. Mais Dieu m'intéresse qui vont de la porte au fauteuil devant la Braque et Picasso. Or, par ma formation énormément, comme tous les incroyants, fenêtre, quelques mètres que nul ne pourra surréaliste, j'étais, malgré tout, informé de d'ailleurs! C'est une vedette, il n'y a pas de plus franchir pour venir jusqu'à lui. Ce bon­ l'existence de Klee, de Kandinsky et d'autres. doute! homme ridicule, à un moment donné, a pris J'ai donc oublié toutes ces conneries de M.B. — Vous aimez les chats? les traits du temps et de la mort. Il me fallait Cubisme, de Post-cubisme, de reconstruction M.P. — Oui, mais cet imbécile de chien les aller plus loin dans la vérité du modèle. d'un monde cézannien, pour faire le paysage a tous chassés. M.B. — Le dernier Prétextât que je viens de tel quel, devant moi, par voie d'écriture M.B. — Je pense aux yeux chattesque de voir est radieux comme un ressuscité; couché automatique. Bessie Smith. N'avez-vous pas écrit que tous cette fois, il se repose, il ne cherche plus? M.B. — L'écriture automatique peut-elle les portraits que vous avez faits d'elle étaient M.P. —A mon avis, finalement, j'ai fait Dieu. décevoir? comme «la création du visage du Christ »? Le Père Eternel, je l'ai peint. Vous savez ce M.P. — N'en sort que ce qui peut en sortir. M.P. — J'ai dit que je n'arrivais pas à faire qu'a dit Joyce? « God is a dog », et, comme Il faut, bien entendu, que l'automatisme soit le portrait de Bessie parce qu'elle était deve­ je le confirme, il n'y a pas de doute là-dessus. d'une certaine qualité puisque sa fonction nue un type, comme la lente création du M.B. — Votre projet de peinture comique est de révéler ce que nous ignorons nous- visage du Christ, à travers les siècles, a serait donc un échec? En tous cas, votre mêmes. Tout ce que j'ai fait, depuis vingt abouti au Christ byzantin, porteur de tant prétextat-dieu, dieu-chien, ou chien de Dieu ans, est fondé là-dessus. d'expression qu'il n'est plus le Christ mais la est une garantie d'éternité . . . Avec un sujet En Grèce, j'ai développé l'idée de paysages souffrance des hommes, non pas une image pareil, vous êtes loin d'en avoir fini! non plus dessinés mais projetés, c'est-à-dire divine mais le signe de la condition humaine. M.P. — Oh! là j'ai du pain sur la planchel envoyés sur la toile avec des pinceaux, par Les portraits de Bessie venaient d'une mé­ J'ai déjà commencé à lui donner un environ­ gouttelettes. Cela supprimait le graphisme. Une moire imprécise, imaginaire (je ne l'ai jamais nement que j'appelle Portraits de famille et autre chose à détruire! Nous avons eu beau­ connue). Ils ont raconté ce que je croyais Paysages turcs, ce qui revient à peu près au coup de choses à détruire: les masses, les savoir, à travers l'histoire et la musique d'une même. C'est l'objet de mon exposition actuel­ plans et, ensuite, le graphisme. chanteuse de blues noire, buveuse de gin et le et surtout un vieux rêve que je caresse M.B. — Nous? qu'on laissa, dit-on, mourir sur la route après depuis longtemps: un tout petit Prétextât et M.P. — Les quelques-uns qui voulaient se un accident d'auto: il n'y avait pas d'hôpital un espace gigantesque à peupler de tout ce dépatouiller dans cette merdasse de la pein­ pour gens de couleur à proximité . . . Elle s'est que je vois autour de lui . . . ma mythologie ture dite contemporaine, dite française. . . , reformée en peinture pour moi par ce côté personnelle, en somme! de l'École de Paris, en particulier. romantique: le jazz, le gin, le sang et l'injus­ Mona BROWN M.B. — Vous aviez des périodes de doute à tice. A partir du moment où j'avais fait le travers ces transitions? signe de Bessie, j'avais fini mon travail. M.P. — Toujours, bien entendul Oui, de doute, Avec Prétextât, c'est différent: j'ai voulu parce que, quand on est plus jeune, on a le toucher à quelque chose que je connaissais, sentiment que la peinture se situe entre sans me douter au départ jusqu'où cela me l'apostolat et la réussite matérielle; ce qui mènerait ... En réalité, j'envisageais de faire est aussi bête l'un que l'autre! Quand on des peintures comiques. Par ses manies, ses admet finalement, comme moi. que ce n'est ridicules, ce grand-père (qui n'était pas mon jamais qu'une occupation de schizophrène, grand-père, mais le second mari de ma on se fiche parfaitement des doutes ... Il faut grand-mère) était le plus approprié à mon simplement combler la chose qu'on cherche. dessein de peinture antihéroïque. Il était un On n'y arrive à peu près jamais, que par peu la risée de la famille d'ailleurs. Toute approximations toujours, mais approximations une conspiration existait contre lui parce parfois agréables. Ou alors, la surprise: le qu'il ne parlait ni le grec, ni le turc, ni tableau qui vient d'on ne sait où, le rêve pur, l'arabe; il était français, et inculte en plus, comme ces petits monstres, là, sur la table. encore à dire que Baudelaire était un porno- J'en ai fait plusieurs, 150 environ, sur des graphe, ce qui horripilait mon père. Mais plaquettes de bois de 10 cm. sur 10, que je nous, les gosses, avions beaucoup d'affection colle ensuite ensemble. Un immense, entre pour lui. Le plus drôle, c'est que les vrais autres, dont je n'ai pu me défaire, tout bordé petits-fils, aujourd'hui, revendiquent la grand- de ces petites choses, avec six Prétextats paternité de Prétextât; ils m'accusent, dans au centre. L'Express, d'avoir attirer à moi seul ce grand M.B. — Vous en faites encore des Prétextats? personnage . . . M.P. — Ils sont maintenant devenus des Pro- Je suis donc parti d'un schéma qui res­ potextats, à cause du chien Propo. J'ai telle­ semblait à un cône étêté, arrondi au sommet, ment vécu avec ce chien, un chien venu un dôme pointu, quelque chose dont la tête d'ailleurs .... qui s'est mis à ressembler aux serait le sommet et le reste croulant autour, tableaux que je faisais. Né ici, dans le jardin, plus ou moins haut, plus ou moins bas, selon tout à fait contre mon gré, par hasard (nous l'humeur. De cet aspect voûté, tassé, les sommes entourés de tant de choses de ce deux taches noires, la grande et la petite, genre!). Nous l'avons gardé quelques jours la tache claire du visage, ont commencé les pour que la mère puisse l'allaiter, et il s'est choses intéressantes, les métamorphoses. J'ai imposé en quelque sorte. Plus il grandissait, été surpris par les formes inattendues qu'il plus il prenait la figure de Prétextât, au point revêtait parfois: araignée, éléphant de mer, de finir par le remplacer littéralement. Il suit vieux singe, etc., avatars animaux dont il est tous mes mouvements et regarde mon travail facile de saisir le sens métaphorique. Il toute la journée. Je crois qu'il m'aide beau­ m'arrivait aussi d'avoir le sentiment qu'il

74 BREVE RENCONTRE . . . AVEC PICASSO LAUSANNE NEW-YORK Si courte fut cette longue vie tant elle a passé rapidement, au rythme qui escamote les heures, si brève fut ma rencontre avec Picasso: SIXIEME BIENNALE INTERNATIONALE DUBUFFET AU GUGGENHEIM l'espace d'un avant-midi de juin 1945. A cette DE LA TAPISSERIE La petite Austin verte foncée de Dubuffet époque, Picasso habitait un hôtel du XVIIe La tapisserie contemporaine connaît au­ nous emporte, Frantisek Chaun, musicien siècle, sur la rue des Grands-Augustins, entre jourd'hui une très grande popularité. Tout tchèque ce jour-là aphone, Dubuffet au volant le Quartier Latin et Saint-Germain-des-Prés. Je d'abord, remarquons que la tapisserie a subi et moi sur le siège arrière. Frantisek a perdu me souviens que nous étions passés, mon un profond renouveau. On ne traduit plus de la voix, la veille, à des exercices vocaux qui frère Paul et moi, à travers de grandes salles la peinture en tapisserie, mais désormais on visaient à transposer sur bande magnétique litéralement bourrées de liasses qui nous sem­ pense en tapisserie. Elle s'impose donc com­ l'effet sur lui produit par VHourloupe. Nous blaient une accumulation d'oeuvres gravées. me moyen d'expression autonome. Par la rebondissons sur les pavés parisiens, laissant A l'étage, sous les combles, on découvrait un variété infinie des procédés utilisés et des sur notre droite, le grand sorbet de ciment immense espace d'artisan méditerranéen: murs différents matériaux employés, elle donne lieu sur lequel s'ébattent les mouflons du zoo de badigeonnés, toiles au sol contre le mur, légu­ à des expériences plastiques des plus nova­ Vincennes. Nous venons de passer l'après- mes secs en tresses et quelques tableaux ac­ trices. D'autre part, par ses caractéristiques midi dans un grand hangar où une escadrille crochés, peut-être un instrument à cordes aussi de matière chaleureuse et colorée, la tapis­ de porte-avions tiendrait à l'aise, partie inté­ mais, surtout, une table rustique sur laquelle serie s'intègre aux autres formes d'art et de­ grante des anciennes Cartoucheries de Vin­ un livre de comptabilité, massif et redondant, vient alors tapisserie sculpturale, tapisserie cennes. Dubuffet qui venait de terminer ses était ouvert sur une page couverte de graffitti: architecturale. installations à Périgny, haut lieu de fleuristes la page de l'instant, dernière à ce jour d'une Cet intérêt pour la tapisserie contemporaine et d'horticulteurs de la banlieue parisienne, quantité incalculable de feuilles sur lesquelles s'est concrétisé par l'organisation de biennales s'y était trouvé bientôt à l'étroit et avait s'accumulaient depuis des décades, écritures internationales de la tapisserie par le Centre décidé de transporter la partie la plus encom­ et graphies: textes, signatures de lettres reçues International de la Tapisserie Ancienne et brante de ses activités à Vincennes ... Le retranscrites, décomposées, démontées, orne­ Moderne (CITAM). Manifestations très im­ nouvel atelier ne paye pas de mine à l'exté­ mentées, désarticulées ... ; portraits de per­ portantes sur le plan mondial, ces activités rieur, mais à qui en pousse la porte, est sonnages, réels ou imaginaires, traités de mê­ ont permis la rencontre des artistes, la con­ réservé matière à véritable étonnement. Tout me façon. J'ai gardé le sentiment d'une frontation de leurs recherches, stimulant et au fond de l'immense espace, VHourloupe, alchimie qui s'est confondue avec la nature promouvant la création dans ce domaine. débité en panneaux découpés de formes du personnage: le fond même de sa person­ Désirant poursuivre ces rencontres et con­ outrancières, retrouvant son familier bariolage nalité. frontations, le CITAM annonce la tenue d'une bleu, blanc, noir et rouge, porté pour ainsi dire à bout de bras sur des colonnettes de métal Puis, au mur, un grand canevas, support Sixième Biennale Internationale de la Tapis­ à des hauteurs variées, forme un vaste hémi­ d'un tracé au fusain, linéaire et dépouillé, serie, qui aura lieu du 16 juin au 30 septembre cycle de Praticables (éléments mobiles de avec de nombreux repentirs, signe de l'ache­ 1973, au Musée Cantonal des Beaux-Arts de décor). minement rationnel mis en équilibre après un Lausanne, en Suisse. Les travaux d'organi­ départ d'instinct: prélude, peut-être aux tra­ sation de cette prochaine biennale sont en D'un cabinet cubique, situé sur la droite, vaux de La Guerre et la paix, de 1952. Picas­ cours et les artistes-tapissiers de tous les sort bientôt d'inquiétants personnages, les so nous met au fait de ses recherches et pays du monde ont été invités à soumettre pieds empêtrés dans d'énormes cothurnes aboutissements, naturellement, simplement . . . leurs travaux. Le CITAM désire élargir son glissant au sol plus que déambulant, revêtus Vers l'heure du midi, nous prenons congé; je action en présentant, par la suite, cette de costumes, coiffés de têtes effroyablement sors inconscient de la valeur des instants qui même exposition dans plusieurs villes im­ déformées. Ils sont invités à prendre place viennent de se transformer en un souvenir portantes des États-Unis. dans la forêt des Praticables qui, actionnée auquel poussent des ailes. Je file aussitôt Luce VERMETTE par des ressorts, va se mettre bientôt en à l'atelier de l'École des Beaux-Arts. Dans la mouvement.. On les invite à traduire en rue Bonaparte, nouvelle rencontre: de hasard gestes des vociférations, des déclamations, cette fois: « Venez me revoir. » Je n'ai jamais des murmures préalablement enregistrés sur osé frapper à sa porte, mais je fus, par le magnétophone. Ils n'y réussissent qu'à moi­ regard d'un être, capté l'espace d'un instant, tié, l'un perdant sa tête, l'autre, ses mains à marqué pour toujours. quatre doigts. Parmi les ouvriers occupés ailleurs dans ces vastes lieux, une jeune fille Claude BEAULIEU venue d'Extrême-Orient est mise bientôt à contribution. Elle est invitée à revêtir un

Hommage à PICASSO Jean DUBUFFET Le Bazar. (Phot. Kurt Wyss)

75 costume et, formée aux déhanchements bali- nais ou aux tournoiements des acteurs de QUEBEC OTTAWA Kabuki, elle réussit là où des étudiants de Conservatoire avaient failli misérablement. Dubuffet, assis sur une chaise droite, se QUEBEC 1900: LA BANQUE D'OEUVRES D'ART lève, se rasseoit, se relève, corrige l'effet DE PLÂTRE ET DE PAPIER DU CONSEIL DES ARTS DU CANADA d'un costume, discute par signes ou par sons Je ne sais pas trop ce que venait faire, L'automne dernier, le Conseil des Arts du avec le musicien, commente à mon usage le au Musée du Québec, en début de printemps, Canada décidait de constituer une Banque déroulement de cette fête improvisée . . . Que l'exposition La Vie québécoise à l'époque d'oeuvres d'art afin d'encourager les artistes se passe-t-il donc? L'Hourloupe, tenté par 1900. En fait, ce n'est pas tant l'exposition et de faire connaître au public la production l'architecture, vient de trouver son nouveau elle-même qui m'agaçait que, peut-être, l'en­ artistique contemporaine du Canada. Cette champ. N'est-il pas vrai que le mental aime droit où elle se tenait et la façon de la Banque a pour mission de louer les oeuvres à se donner des spectacles qui, prenant le présenter. C'était presque à la conjoncture du acquises aux différents ministères et organis­ contre-pied de la réalité, élabore des scènes musée de cire et de celui du costume. mes fédéraux qui désirent les exposer dans où l'erreur est laissée enfin à son libre Dans une grande salle, on avait regroupé, des lieux publics. Le Conseil des Arts espère, cours? Mais le théâtre mental de Dubuffet sur des tribunes et par groupe de trois ou par cette initiative, stimuler l'activité des col­ n'a rien de la rêverie sage du sommeilleur. quatre, une vingtaine de mannequins de plâ­ lectionneurs et servir d'exemple à l'entreprise Il y souffle un vent de délire qu'on n'y trouve tre, blanchis et habillés de costumes de privée. pas d'habitude. l'époque. Le visiteur circulait parmi ces îlots. Le 19 janvier dernier, le Conseil des Arts Depuis l'été dernier, date de ma visite à Les costumes de Paul Bussière et de Denis publiait une première liste de 194 artistes Vincennes, bien sûr tout a évolué, s'est Séguin (et c'est ce qui fait l'originalité de professionnels canadiens dont les oeuvres ont modifié. Au Praticable en dur s'en sont ajou­ cette exposition) avaient été exclusivement été acquises pour sa Banque. A cette date, le tés de très légers, tout spécialement conçus exécutés en papier; des messieurs endiman­ Conseil avait acheté 1128 pièces, d'une va­ pour le spectacle, portés par des machinistes. chés, d'élégantes dames aux larges chapeaux, leur globale de $669,500. Cette somme repré­ D'autres ont été articulés. On peut maintenant des enfants emmitouflés . . . Tout ça dans sente environ les deux tiers du million de changer les décors, faire des liens entre dif­ des tons de blanc. Et la lumière jouant dans dollars dont la Banque dispose pour l'année férentes scènes. Surtout, un jeu important les textures révélait les détails, les merveil­ 1972-1973. On sait que le budget total de la d'éclairage est venu s'ajouter à l'ensemble, leux détails, en même temps que les mille Banque pour une période de cinq ans s'élève lui donnant une dimension nouvelle. La trame et une possibilités d'un matériau si commun. à cinq millions. sonore a aussi évolué. Dubuffet a lui-même C'était beau. Dommage que l'éclairage n'ait Le choix des oeuvres a été effectué avec le enregistré une bande. Un musicien new- pas été blanc lui aussi: sous le jeu des concours de comités consultatifs réunissant yorkais a été mis à contribution . . . Surtout, projecteurs, les personnages passaient du des conservateurs de musées, des collection­ le sens de l'entreprise a été arrêté. Dans une vert au jaune, puis du rouge au bleu, etc. neurs privés, des artistes et d'autres spécia­ note concernant la chorégraphie de Coucou Aux murs, quinze larges photos de Luc listes. Ces comités sont volontairement pro­ Bazar, datée du 27 février 1973, Dubuffet Chartier, de cette époque dont on voulait visoires, de sorte que l'artiste doit faire face, précisait: « Il s'agit d'un spectacle essentielle­ rappeler le souvenir. Mais ces photos, remar­ à chaque présentation, à un groupe entière­ ment visuel. (...) Table rase étant ainsi faite quables pourtant, passaient presque inaper­ ment différent. de tout rappel des situations habituelles dis­ çues, faute d'éclairage. Jusqu'en janvier dernier, les comités ont cernables, et même des plus élémentaires et La vue générale de la présentation me examiné plus de 5000 pièces dans un certain des plus générales de celles-ci, il en résultera désolait un peu; alors je me suis attardé aux nombre de villes du Canada. D'autres comi­ un théâtre ne faisant plus appel qu'à des détails et je me suis laissé charmer. tés seront formés pour visiter les régions et faits (de très menus faits) simplement don­ J'aurais cependant souhaité voir ces per­ localités qui n'ont pas encore reçu une pre­ nés à voir et qui ne sont plus liés les uns sonnages ailleurs, dans une vitrine de maga­ mière visite. Tout artiste désireux de proposer aux autres que par des motivations optiques sin, par exemple, et les découvrir au hasard des oeuvres peut, néanmoins, envoyer direc­ ou plastiques, sinon même par le seul caprice d'une promenade. Quelle agréable surprise tement des diapositives ou d'autres documents et sans aucune raison. » cela aurait été. au Conseil des Arts, à Ottawa. M. Luke C'est que le Bazar allait être bientôt mon­ Luc BENOIT Rombout, chargé de la Banque, croit que tout tré. Le Guggenheim, qui présentait, du 26 artiste sérieux aura plusieurs occasions, au avril au 31 juillet 1973, une très importante cours du programme, de présenter ses oeuvres. rétrospective Dubuffet (plus de 300 numéros Jusqu'en janvier dernier, vingt-huit per­ au catalogue) montrait, à partir du 16 mai, sonnes ont fait partie de ces comités. Parmi à l'auditorium du musée, un tableau animé celles-ci, on compte des artistes de différen- fait des éléments que nous venons de décrire et donnait au public un aperçu des derniers avatars de la production de Dubuffet. Au public montréalais, pour qui le déroulement de l'oeuvre était déjà familier depuis la rétrospective du Musée des Beaux-Arts (19 décembre 1969 au 31 janvier 1970), était donc donné la chance d'en voir la suite, à New-York. François GAGNON

Paul BUSSIERE et Denis SEGUIN. Luke ROMBOUT, chargé de la Banque La Vie québécoise à l'époque 1900. d'œuvres d'art du Conseil des Arts du Canada. Plâtre et papier. (Phot. Luc Chartier, Musée du Québec)

76 tes villes du Canada: Ronald Bloore (Toronto); housie, P.O.; Robert Hedrick, Toronto; D'Arcy North Battleford, Sask.; Roger Savage, Three Bruno Bobak (Toronto); David Bolduc (To­ Henderson, Vancouver; Tom Hodgson, Toron­ Fathom Harbour, N.-E.; Robert Savoie, Mon­ ronto); Vera Frenkel (Toronto); Yves Gaucher to; Reginald Holmes, Toronto; Kathy Hooper, tréal; Noboru Sawai, Calgary; Henry Saxe. (Montréal); Gerson Iskowitz (Toronto); Nabuo Hampton, N.-B.; Miljenko Horvat, Montréal; Montréal; Jack Shadbolt, Vancouver; Gordon Kubota (Toronto); Kenneth Lockhead (Mani­ Cathrin Hoskinson, Montréal; E. J. Hughes, Smith, Vancouver-Ouest; Joel Smith, Vancou­ toba); Guido Molinari (Montréal); Kim On Vancouver; Jacques Hurtubise, Montréal; ver; Michael Snow, Toronto; Ron Spickett, daatje (Toronto); Orner Parent (Québec); Henry Gerson Iskowitz, Toronto; Don Jean Louis, Calgary; Guérite Steinbacher, London, Ont.; Saxe (Montréal); Joyce Wieland (Toronto). Toronto; Denis Juneau, Montréal; Ann Kipling, Hannelore Storm, Montréal; Sylvia Tait, Van­ Parmi les autres membres des comités, Richmond, C.-B.; Harry Kiyooka, Calgary; Roy couver-Ouest; Armand Tagoona, Baker Lake, figuraient des directeurs de musées et de Kiyooka, Vancouver; Dorothy Knowles, Sas­ T. N.-O.; Takao Tanabe, Banff, Alb.; Tony galeries d'art, et d'autres personnalités dont katoon; Chris Knudsen, Montréal; Jack Korner, Tascona, Saint-Boniface, Man.; Maschel Tei- la profession s'exerce dans le domaine des Vancouver; Nabuo Kubota, Toronto; William telbaum, Toronto; Eugene Tellez, Toronto; arts plastiques: Alvin Balkind, directeur de Kurelek, Toronto; Richard Lacroix, Montréal; Pierre Thibaudeau, Montréal; George Tiessen, la Galerie des Beaux-Arts de l'Université de Normand Laliberté, Montréal; Winston Lea­ Victoria; Claude Tousignant, Montréal; Harold Colombie-Britannique (Vancouver); Ann Brod- thers, Winnipeg; Michel Leclair, Montréal; Town, Toronto; Angus Trudeau, Montréal; zky, rédactrice en chef de la revue Arts- Fernand Leduc, Montréal; Hugh Leroy, Mon­ Tony Urquhart, Waterloo, Ont.; Thelma Va- canada, Dorothy Cameron, conseiller artisti­ tréal; Rita Letendre, Toronto; Les Levine, nalstyne, Don Mills, Ont.; Barry Wainwright, que; John Climer, directeur de la Galerie New York; Ernest Lindner, Saskatoon; Kenneth Montréal; Esther Warkov, Winnipeg; Norman d'art Mendel (Saskatoon); Nancy Dillow, di­ Lochhead, Winnipeg; Gino Lorcini, London; White, Toronto; Tim Whiten, Toronto; An recteur de la Galerie d'art Norman Mackenzie C. S. McConnell, Saskatoon; Jean McEwen, Whitlock, Toronto; Irene Whittome, Montréal; (Regina); Terry Fenton, directeur de la Gale­ Montréal; Kathleen McFall, Halifax; John Joyce Wieland, Toronto; Sally Wildman, To­ rie d'art d'Edmonton; Philip Fry, conservateur MacGregor, Toronto; Art McKay, Regina; Jo ronto; Donald Wright, St-Jean, T.-N.; Alex de la Galerie d'art de Winnipeg; Colin Graham, Manning, Toronto; Waltraud Markgraf, Mon­ Wyse, Ottawa; Ed Zelenak, London. directeur de la Galerie d'art du Grand-Victoria; tréal; Jack Markle, Toronto; Robert Markle, F. Le G. André Marchand, directeur du service des Toronto; Sam Markle, Toronto; David Mayrs, arts plastiques au Ministère des Affaires Cul­ Vancouver; Jan Menses, Montréal; John Mere­ turelles (Québec); Peter Mellen, écrivain et dith, Toronto; Mario Merola, Montréal; Guido JUDITH EGLINGTON: professeur à l'Université York (Toronto); Molinari, Montréal; André Montpetit, Montréal; VISIONS TERRESTRES Doris Shadbolt, directeur adjoint de la Galerie Guy Montpetit, Montréal; Michael Morris, « L'artiste choisit ses sujets; c'est là sa d'art de Vancouver; David Silcox, vice-doyen Vancouver; Douglas Morton, Toronto; Bernard façon de louer »1. Judith Eglington, photogra­ de la Faculté des beaux-arts à l'Université Mulaire, Montréal; Robert Murray, New York; phe, veut dans la même optique « célébrer2 York; Normand Thériault, critique d'art (Mon­ Kazuo Nakamura. Toronto; Bryan Nemish, l'éternité de la vie »3. Cette coïncidence révèle tréal) et Dennis Young, professeur adjoint au Calgary; J. Nicoll, Calgary; Jean Noël, Mon­ l'intention première du créateur qui s'exprime Nova Scotia College of Art and Design tréal; Katie Ohe, Calgary; Jeff Olsen, Leth- à travers un chant, un cri. L'intensité des sons (Halifax). bridge, Alb.; Kim Ondaatje, Toronto; Bruce devient proportionnelle à l'état d'âme de La Banque a acquis au total 844 oeuvres O'Neil, Calgary; Toni Onley, Vancouver; l'artiste, sa perception et sa compréhension graphiques, 241 peintures et 43 sculptures. John Palchinski, Toronto; Sylvia Palchinski, des gens, de leur environnement et du sien, Voici la liste des artistes: Toronto; Jacques Palumbo, Montréal; Bruce il va sans dire. De la même façon, l'harmonie H. J. Ariss, London, Ont.; Pierre Ayot, Mon­ Parsons, Halifax; Alfred Pellan, Québec; Wil­ provient de l'équilibre entre les dualités tréal; Freda Bain, Montréal; Marcel Barbeau, liam Perehudoff, Saskatoon; Ken Peters, (qu'exprime toute oeuvre) et sur lesquelles Montréal; Maxwell Bates, Victoria; Pat Martin Montréal; Bodo Pfeifer, Vancouver; Helen repose toute vie. Bates, Victoria; lain Baxter, Toronto; Tib Piddington, Vancouver-Ouest; Joe Plaskett, Ces réflexions qui peuvent nous venir en Beament, Montréal; Anthony Benjamin, To­ Paris, France; Christopher Pratt, St. Mary's regardant les photographies d'Eglington se ronto; Marcella Bienvenue, Montréal; B. C. Bay, T.-N.; Donald Proch, Winnipeg; Gordon renforcent lorsque nous les approfondissons Binning, Vancouver; Lise Bissonnette, Mon­ Rayner, Toronto; Jeanne Rhéaume, Montréal; au niveau de leur composition en premier tréal: David Blackwood, Toronto; Ronald René Richard, Montréal; Jean-Paul Riopelle, lieu et de ce qu'elles signifient ensuite. Bloore, Toronto; Bruno Bobak, Fredericton; Paris, France; Milly Ristvedt, Toronto; David Chacune d'entre elles représente des élé­ Molly Bobak, Fredericton; Gilles Boisvert, Roberts, Vancouver; Goodridge Roberts, Mon­ ments agencés les uns par rapport aux autres Montréal; David Bolduc, Toronto; Lucie Bou­ tréal; William Roberts, Toronto; Otto Rogers, dans des rapports inhabituels. L'essence rassa, Montréal; John Boyle, St. Catharines, Saskatoon; William Ronald, Toronto; William même des photographies se rattache aux Ont; Claude Breeze, Vancouver; Gordon F. Ross, Toronto; Robert Roussil, Tourette-sur- connotations des signes (matière inerte: Brown, Calgary; Kittie Bruneau, Montréal; Loup, France; Robert Sakowski, Winnipeg; sable/rocher, terre noire contrastant avec Dennis Burton, Toronto; Jack Bush, Toronto; Kenneth Samuelson, Calgary; Allen Sapp, l'horizon blanc, et matière vivante: corps de Joseph Calleja, Toronto; Janis Campbell, Sackville, N.B.; Patricia Caryi, Halifax; Jack Chambers, London, Ont.; Donovan Chester, Regina; Louis Comtois, Montréal; Ulysse Comtois, Montréal; Stanley Cosgrove, Mon­ tréal; Graham Coughtry, Toronto; Jack L. Cowin, Regina; Greg Curnoe, London, Ont.; François Dallégret, Montréal; Ken Danby, Toronto; René Derouin, Montréal; Jennifer Dickson, Montréal; John Dobereiner, Victoria; Audrey Capel Doray, Vancouver; André Du­ four, Montréal; Henry Dunsmore, Toronto; Chantai DuPont. Montréal; John Eaton. Rupert, P.Q.; John K. Esler, Calgary; Sorel Etrog, Toronto; Paterson Ewen, London, Ont.; Ivan Eyre, Winnipeg; Gathie Falk, Vancouver; Wil­ liam Featherston, Victoria; Harold Feist, Cal­ gary; Marcelle Ferron, Montréal; Brian Fisher, Vancouver; John Fox, Montréal; Carol Fraser, Halifax; Charles Gagnon, Montréal; Ian Gar- rioch, Penticton, C.-B.; Yves Gaucher, Mon­ tréal; Lise Gervais, Montréal; Gilles Gheer­ brant, Montréal; Gerald Gladstone, Toronto; Betty Goodwin, Montréal; Richard Gorman, Ottawa; Kay M. Graham, Toronto; Arthur Handy, London, Ont.; Jim Hansen, St-Jean, Judith EGLINTON T.-N.; Cathy Harbison, Toronto; Michael Har­ Photographie tirée de ses Visions terrestres. ris, Winnipeg; Chris Hayward, Station Dal­

77 femme; oiseau — mais inanimé quelquefois aussi, relation entre l'oiseau gisant et la fem­ SACKVILLE SAINT-JEAN me étendue près de lui). Ne peut-on pas célébrer la vie dans la négation de la mort? Autant d'aspects que nous révèle Visions EXPOSITION ITINERANTE DE L'HOTEL DE VILLE ET LES ARTS terrestres, recueil de photographies que pu­ LAWREN P. HARRIS L'Hôtel de ville de Saint-Jean vient de bliera une maison de Toronto. Auparavant, Suite logique au doctorat honorifique qu'elle créer un très heureux précédent dans les en février 1973, elle les avait exposées à la lui décerna en 1971, la Dalhousie University Provinces de l'Atlantique en invitant les Galerie de l'Image (ONF), à Ottawa. d'Halifax, par les soins de sa galerie d'art, artistes du Nouveau-Brunswick à soumettre Pierre DUPUIS fait actuellement circuler l'exposition Lawren deux de leurs oeuvres à un concours assez P. Harris 37/72. Il s'agit d'une rétrospective spécial. Afin d'agrémenter l'intérieur de leur 1. Nietzsche, Le Gai Savoir, p. 245. qui regroupe trente-et-une peintures et une nouvel édifice, le maire et les échevins ont 2. Célébrer (in Robert): Faire publiquement et avec force l'éloge, la louange de. aquarelle réalisées sur une période de trente- mis à la disposition d'un comité une somme 3. Judith Eglinton, Lettre à Vie des Arts, 1973. six ans. Lawren Phillips Harris est né à Toron­ de dix mille dollars aux fins d'achat d'oeuvres to en 1910. Après deux années d'étude à la d'art. 94 résidents de la province (dont 26 Boston Museum School of Fine Arts, il entre­ artistes invités) envoyèrent 166 oeuvres. Un AQUARELLES ET DESSINS ALLEMANDS prit une carrière d'enseignant qui aura bientôt jury de cinq personnes (Moncrieff William- DU 19e SIÈCLE quarante ans. Il s'engagea dans l'armée cana­ son, directeur de la Confederation Art Gallery Tel était le sujet de l'importante exposition dienne en 1940 mais, de 1943 à 1946, on de Charlottetown; Ernest Smith, directeur de que présentait la Galerie Nationale, le prin­ l'affecta au rôle moins belliqueux d'artiste de la Dalhousie University Art Gallery d'Halifax; temps dernier. A cette occasion, le public eut guerre. Depuis septembre 1946, Lawren Harris Ghislain Clermont, professeur d'histoire de l'avantage de voir le travail de plus d'une est directeur du Département des Beaux-Arts l'art à l'Université de Moncton; l'échevin cinquantaine d'artistes allemands. de la Mount Allison University, de Sackville. Louis Murphy, de Saint-Jean et Mme Logie Les oeuvres recoupaient les grandes ten­ Les influences sont fort nombreuses sur la Armstrong, de Rothesay) recommanda l'achat dances qui ont partagé en deux moitiés le peinture de Harris: le Cubisme et le Supré- de 19 oeuvres, qui s'ajoutèrent à un fusain XIXe siècle. D'une part, les Friedrich, Over- matisme (des débuts à 1955), Gauguin, dans de Miller Brittain et à une aquarelle de Jack beck, Cornelius, etc., se rattachant à l'école la Negress de la Beaverbrook Art Gallery Humphrey, deux artistes de Saint-Jean qui Nazaréenne (fondée à Rome, en 1810), qui (1937), Kandinsky, dans Project (1947) et décédèrent à la fin des années soixante. C'est optait en faveur d'un retour à la manière de surtout le Néo-plasticisme de Mondrian à ainsi que l'Hôtel de Ville de Saint-Jean de­ Durer et au style de la Renaissance italienne. partir des années soixante. L'oeuvre de Harris vient l'édifice public des Provinces de l'Atlan­ D'autre part, la seconde moitié du siècle a vu fils bénéficia aussi des enseignements de celle tique — hors les Universités et les galeries naître les oeuvres de Menzel, Feuerbach, Hans du Harris du Groupe des Sept, et leurs por­ d'art — qui a la meilleure collection d'art: von Marées et Leibl. Paysages, portraits, traits officiels — on leur en a commandé bon un tableau de Lawren P. Harris, la dernière scènes de genre, études pour tableaux de nombre — se ressemblent beaucoup. On sent sérigraphie d'Alex Colville, un relief de Claude chevalet et peintures murales, autant de que vers les années 56/58 le style devient Roussel, une aquarelle de Tom Forrestall, une sujets offerts au bon goût du public. plus personnel avec Sea Stones, Harbour, peinture de Robert Percival et de Fred Ross, John David Farmer (ancien conservateur Portrait of H. O. McCurry, Aerial Tensions et deux sculptures de Marie-Hélène Allain ... Et du Busch-Reisiger Museum) et quelques étu­ un dépouillement progressif conduira Harris la liste n'en est qu'à ses débuts: l'Hôtel de diants du Département des Beaux-Arts d'Har­ à ne plus pratiquer que le non-figuratif. Cette ville veut répéter cette première quatre fois vard organisèrent cette exposition itinérante, fois-ci ses abstractions seront mieux cons­ encore, en élargissant l'éventail des artistes qui sera vu également au Metropolitan Museum truites, davantage simplifiées et aérées que invités pour que toutes les régions du Canada de New-York et au Minneapolis Institute of ses premières des environs de 1950. soient finalement représentées. Arts. Cette rétrospective, compacte mais révé­ G.C. P.D. latrice, montre un développement continu et très positif dans l'oeuvre de Harris. L'artiste sait où il se dirige et, s'il a courtisé diverses tendances européennes et nord-américaines, l'osmose a été généralement bénéfique. Cer­ taines qualités se retrouvent tout au long de ces trente-six années; un dessin précis et délicat, une composition solide, des formes architectoniques qui donnent aux oeuvres une impression de permanence, une maîtrise de l'exécution, une recherche à rejoindre tout autant l'esprit que le plaisir visuel. Une .. . Jiflg^V musicalité se dégage souvent des grandes peintures des derniers douze ans, musicalité proche parente de celle des systèmes contem­ porains, où l'électronique remplace l'archet et le clavier. Les oeuvres des cinq dernières années mon­ trent que Harris est devenu un sensible qui utilise des formes géométriques bien définies mais en altère la sévérité en les disposant d'une manière dynamique, en les rehaussant de couleurs pures et chaudes, en jouant avec les plans et les espaces. Ghislain CLERMONT

Victor Emil JANSSEN (1807-1845) Un peintre du Nouveau-Brunswick: Etude d'homme barbu, 1834. Lawren P. HARRIS. 1 Fusain; 12 /2 po. x 9% (31.7 x 24.7 cm.) Hamburger Kunsthalle.

7S the priests explaining to us the laity, the an actual Delaunay and tell the next inter­ WINNIPEG mysteries of art that would be unexplainable viewer that Delaunay was a seminal impor­ if it were not for their guidance. For example, tance to his early work. To put in the vernacu­ "Ryman may determine as an act of pre- lar, "you pays your money and you take your NEW ART CRITICISM executive choice the kind of brushstrokes to chances". Last year I read an article in an American be employed: strokes of certain lengths, It is the job of the critic not only to report art magazine about an exhibition by an artist strokes which are a function of how long the on what he sees, but call attention to shams whose art consists of him masturbating under paint stays in the bristles (the duration of as well as those rare true break-throughs of a platform specially built in a New York art time wherein pigment is exhausted), and artistic genius in language as simple as he gallery while the viewers, who in this case strokes in consonant directions. These deci­ can make it. The critic being human, has might more aptly be called an audience, sions remove the brushstrokes from esthetic every right to make mistakes and the walk on the platform over the unseen artist. graphicism, from calligraphy, from sensibili­ good critic will probably make many and This interaction betwen artist and his audience ty"3. This little section on the American like the good art historian will publically was the exhibition1. What bothers me is not painter Robert Ryman by Roger Pincus-Witten, admit his errors when they come to his the activity but the article that under the admittedly out of context, should illustrate attention. The critic armed with as much fac­ mask of criticism gave credence to this what I mean. "Esthetic Graphicism", indeed. tual information as he can get and hopefully event, as if it were the equal in the history What has happened is that many artists today some background and training can then make of art of the first viewing of the Sistine instead of occupying centre stage, where they an educated guess. Aristotle said it far better Ceiling. The particular artist or writer of the belong, find themselves cast in play, generally than I and with fewer words "... he who article in question is of little importance in a supporting rôle, written by a combination does a thing well must also do it, but he who because one does not have to look very hard of art experts be they critics, curators and does it merely need not also do it well"4. to find similar articles in art magazines every dealers, all who want, and do, use the artists Virgil HAMMOCK month. Somehow along the line we have lost work to their own ends. sight of the goals of art and replaced them In spite of how it sounds I like, not love, with the euphemistic rhetoric of the new art and artists. I am not surprised when I criticism surely a case of the tail wagging find an artist who does work I find to be the dog. interesting, that they are interesting people as The philosophers of the new criticism are well and the opposite is equally true. It is not guilty of the same crime of that of Hermann a question that my taste is for only one type Hesse's main character in Steppenwolf. Harry of art. I enjoy the work of artists who can't Haller, that of taking oneself too seriously. stand each others work. Often they have told They have forgotten that art does not exist me that they can't understand how I can't like as an excuse for them to pontificate nor should their work if I like so and so's, who they it be created for that reason but alas it is my assure me is a charlatan. Perhaps this is opinion that much of today's so-called art is. what makes them good artists — dedication There is today a need for criticism that is to their work as if it were the only one valid. truly critical and by that I don't mean reac­ But, in general, they are articulate about their tionary, but, it is a fact that the failure of work and that of their peers, be it praise or many contemporary critics is a fear of being damnation, and they are conversant with wrong or not 'with it' — to be labeled in other areas both in and out of the arts. I am some future history as not recognizing true amazed at the amount of verbiage that genius at its birth, be it masturbation or mas­ appears in art magazines about living artists terpiece. Best for the critic is to be credited based on poor scholarship and guesswork as the midwife of a new school if not the when the most direct thing to do would be father, mother and child in one package à la to ask the artist. I was reminded recently by 1. Robert Pincus-Witten, "Vito Acconci and the Con­ Greenberg. Indeed, seemingly, many critics a friend who is an eminent modern art his­ ceptual Performance", Artforum, Vol. X, Number 8 (April 1972). pp. 47-49. think of themselves as more important than torian that even this approach has its pitfalls 2. John Noel Chandler, "Notes Towards a New the art or artist that they write about. What is as artists, like any other human being, are Aesthetic", Artscanada. Issue Nos. 172/173 (October/November 1972), p. 17. even worst is that I have talked to artists who likely to change their minds after they tell 3. Robert Pincus-Witten, "Ryman, Marden, Manzoni: agree with this rather perverse thesis. you one thing and claim new influences in Theory, Sensibility, Mediation ", Artforum, Vol. X, Number 10 (June 1972), p. 52. Try as I will, a pile of felt in random their work as they come across them. Thus 4. Philosophies of Art and Beauty, Ed. by Albert order on the floor remains a pile of felt des­ the artist who tells that Delaunay had no Hofstadter and Richard Kuhns. New York, The Modern Library, Random House, Inc., 1964, Aris­ pite my efforts to transform it into something influence on his early work, might later see totle, What is Art? Trans, by W. D. Ross, p. 82. more. This is not due to a lack of sensitivity on my part, but because the work is pedes­ trian. It is the artist's job, and it always has been, to transform materials and of course ideas, into a work of art — not that of the viewer or even the so-called participant. I must agree with much of what John Noel Chandler said in an excellent, and painfully honest, article. Notes Towards a New Aesthe­ tics in a recent issue of Artscanada. He writes: "Art is authentic; the making and the experience of art is authentic, when it is reliable, trustworthy, of undisputed origin, genuine. If artists worried more about being reliable than being artists most art would be authentic"2. Formalist art criticism has ma­ naged to become an art form of its own. It creates in a wake of purple prose art that does fit their narrow formula simply from the choice of artist and art work the critic chooses to write about and the natural desire of many artists to have their work praised by these same magical theoreticians, hence they work to please if not to order. I tried to explain to my class the other day how some of this new criticism has to all Serge LEGAULT intents and purposes taken on itself the Infuse, 1973. mantle of a religion where the critics become Acajou; haut. 18 po. (45.7 cm.) (Phot. Richard Poissant)

79 mêmes à une représentation mentale acquise MICHE VILLENEUVE-LOISELLE: MONTRÉAL par notre formation culturelle. Car nous le LA CARICATURE DU DÉTAIL ET DU TOUT savons, les poissons n'ayant pas toute cette Quand on passe une heure avec Miche forme . . . ) Une dimension nouvelle est don­ Villeneuve-Loiselle, on ne sait plus, de PROBLEMES D'ART ET CREATION née au réalisme abstrait. Pour valoriser ce retour à sa table de travail, si c'est de l'artiste INDIVIDUELLE processus de création, il envisage aujourd'hui ou de l'oeuvre qu'on doit parler, tant l'une Nous savons l'importance de l'exposition de sculpter à partir d'une esquisse et d'un et l'autre sont colorées. Une chose m'appa- des Moins 35, qui eut lieu l'hiver dernier. moule de glaise. Parallèlement, il a choisi de raît certaine: l'harmonie entre les deux. Cette manifestation, on s'en souvient, s'est revenir à des oeuvres moins imposantes. Ma­ Miche Villeneuve-Loiselle est de soi un tenue à l'échelle du Québec (cinq centres à joritairement, c'est le produit de ce travail personnage. Personnage plein de vie, bour­ Montréal ainsi qu'aux Trois-Rivières et dans la qu'il exposera à la Galerie Georges Dor, en donnant d'activité, exubérant, qui va de sa Vieille Capitale). Un nombre impressionnant septembre prochain. machine à coudre (faut bien gagner sa vie) de jeunes artistes participèrent à l'initiative P.D. à ses caricatures, maintenant devenues pour du groupe Médiart de l'Université du Québec. (1) Marks, Peter, Hoiv to bargain elegantly?, in Art elle une véritable passion. L'ampleur d'une telle démonstration (une News, Nov. 72, p. 28. Sa technique: le collage. "C'est arrivé acci­ (2) Brecht, Bertolt Ecrits sur la littérature et l'art, 1, preuve par l'absurde quoil) soulève le problè­ (Travaux 7), Ed. de l'Arche, p. 173. dentellement, dit-elle. Un jour que je voulais me majeur de la diffusion. Jetons ici quelques travailler, j'ai constaté que je n'avais plus de données qui nous semblent importantes: peinture. J'ai pris du papier de couleur et des La cote des oeuvres FERNANDE SAINT-MARTIN AU MUSEE ciseaux ..." Ses personnages (on en comp­ Bargaining for Art is like sex — some do, D'ART CONTEMPORAIN te souvent dix ou vingt par tableau) sont some don't but most do. As with sex, most Il faut du courage et beaucoup d'idéal pour entièrement découpés, assemblés et collés. of those who do bargain prefer not to talk accepter de diriger un musée d'art contem­ Elle reproduit rigoureusement chaque détail, about it, not so much out of modesty, but porain au Québec, en ces jours agités. Fer­ mais chaque détail est alors caricaturé. Les because they are reluctant to share an nande Saint-Martin, la nouvelle directrice cinq doigts de la main, par exemple, sont expertise they have learned throught bitter du Musée de la Cité du Havre, n'en manque comptés, et les ongles aussi sont présents, experienced I. pas. Résolue, patiente, forte d'une expérience collés là où il faut. Si les mains sont jointes, Miserait-on sur les créations comme s'il réussie comme rédactrice en chef de la revue les doigts sont entrelacés. s'agissait de valeurs boursières? Incidemment, Châtelaine, après une carrière fort active dans Il en va de même pour les nez, les yeux, les galeries présentent un type de marchan­ le journalisme, elle continue, depuis son en­ les sexes. La couleur amplifie leurs formes: dise envers lequel les médiums d'information trée en fonction en décembre dernier, à se ils sont rouges, oranges, verts . . . Elle ajoute — la critique en général (sic) — ont suscité préoccuper du développement de la création ensuite à la plume, quelques poils, quelques un intérêt certain. Bertolt Brecht s'intéressa à artistique et de sa diffusion. Comme critique, rides. Et ses personnages ont la tête de l'em­ cette problématique: Mme Saint-Martin s'intéresse depuis plusieurs ploi: un évêque, une religieuse, un défunt ou Le goût du public, cette chose compliquée, années à l'esthétique et aux lignes d'orienta­ un bébé au berceau ne sont pas seulement qui coûte et qui rapporte à la fois, freine tion des grandes expériences contemporaines. identifiables à leur costume ou position, mais le progrès. Il est hors de doute que l'in­ Auteur de Structures de l'espace pictural et à l'expression de leur visage. fluence des acheteurs sur le façonnage du de nombreux articles et monographies, ses Ce qui distingue encore le travail de Miche produit est croissant et qu'elle a des recherches portent sur les mécanismes de Villeneuve-Loiselle de ce qu'on attend d'une conséquences réactionnaires!2). toute expression vraiment créatrice. caricature traditionnelle, c'est sa source Une telle réalité demande cependant à être Elle saura sûrement convaincre les autorités d'inspiration. Certes, on y retrouve quelques éclaircie et traitée en tenant compte de et tous ceux qui s'intéressent au développe­ hommes politiques ou des figures connues de nuances relatives à chaque artiste selon les ment d'un grand musée d'art contemporain à tout le monde; bref, les têtes de turc choyées intentions qu'il privilégie et la teneur même Montréal de l'urgence des nombreuses mesu­ des caricaturistes et des imitateurs. Mais c'est de ses oeuvres. Évidemment, il existe tou­ res à prendre afin de faciliter l'établissement davantage dans le quotidien qu'elle puise ses jours une distorsion entre les désirs et les d'un programme et l'accès au musée. sujets. Ce qu'Yvon Deschamps chante dans réalisations, pour ainsi dire, des actes qu'il Andrée PARADIS ses monologues, Miche Villeneuve-Loiselle le faut (ou ne faut pas) poser. Il semble indé­ raconte dans ses caricatures. On ne regarde niable alors que la capacité de rapprocher ces pas les caricatures de Loiselle, on les lit. deux pôles (à résoudre des états contradic­ « J'arrive du Palais de Justice où je suis toires) sera le témoignage d'une maturité allée faire des croquis de juges et d'avocats », certaine. me dit-elle, en me montrant une scène de Ces problèmes, qui engendrent la mécon­ divorce: un énorme juge essayait de faire naissance des artistes et de leurs créations, respecter l'ordre alors que l'épouse venait rendent plus aigu le rôle de la critique, devant elle-même s'entendre à leur donner la parole. Serge Legault, Sculpteur Ses pièces de bois (dont quelques-unes atteignent huit pieds de hauteur) retiennent de son désir de travailler une matière vivante, qu'il taille sans schéma préconçu. Du moins, les oeuvres exposées au Patriote, en mars dernier, étaient le fruit d'une semblable dé­ marche. Un cisaillement en prédestine un autre. Au point de départ, il possède une image sans résonnance avec le monde réel/ quotidien. Son intention évolue à chaque coup et, progressivement, sa sculpture adopte la forme qu'il avait préalablement pensé mais elle le fait sous l'apparence première d'un objet voisin. Il utilise ce miroir pour refléter en quelque sorte une autre réalité (phénomène d'une substitution visuelle), celle qui se ca­ che derrière les conventions, les tabous, le quotidien enfin. (Supposons une image type: l'oeuf. Les réminescences sont nombreuses mais toutes orientées vers une idée motrice, un concept latent à notre existence. Il facili­ tera le passage de la perception du spectateur à cette forme voilée — sortie de son contexte Fernande SAINT-MARTIN, nouveau directeur Miche LOISELLE coutumier d'oeuf — par le biais des lignes du Musée d'Art Contemporain de Montréal. Les Curés en prière. ovoïdales du poisson qui correspondent elles- Collage. (Phot. Ed Lawless)

8o d'assommer son minuscule mari d'un bon Arts à Montréal, elle expose, en 1964, des s'arrêtant pas à leurs limites, au contraire coup de sac à main. A l'expression du mari, tableaux abstraits. Elle commence à carica­ propageant la lumière, irradiant, pour créer je soupçonne la femme d'avoir mis une brique turer, l'année suivante, et maintenant se comme un transparent mystère. Peu m'importe dedans. donne presque exclusivement à ce mode ce que représentent les tableaux de Robert J'ai aussi vu un collage qu'elle a réalisé au d'expression. Nadon. Je m'intéresse au flux seulement qui retour d'un vernissage au Musée d'Art Con­ Ses travaux ont été vus dans plusieurs passe en vous, en chacun, dans la tige temporain. Tout y était: le ministre, les coupes galeries de Montréal, mais aussi à la Contem­ verticale ou tranchée, et qui balance l'Océan, de vin. le directeur du musée, les tableaux porary Art Gallery, de Cincinnati, en 1968; et qui meut les étoiles, la rosée, et les ouies exposés, les belles madames et elle-même, on la retrouve, en 1969 et 1970, en Californie, des poissons. Je voyage. Le monde tourne — toute seule dans son coin, qui regardait. Et, où elle tient trois expositions. En 1972, ses non pas une roue, mais la sphère immesurée à chaque nouvelle caricature qu'elle sortait, caricatures circulent au Salon de l'Humour, que justement ici la mesure rend sensible. elle riait autant que moi. à Aix-en-Provence, et, avec d'autres carica­ Quand les artistes seront las de la mode et Tout pour elle est prétexte à rire: la famille turistes, dans des centres culturels français, tenteront de devenir modernes au lieu de se québécoise, (où on distingue à peine le mari cette présente année. mettre à genoux devant l'actualité, alors nous derrière son épouse), les salons funéraires, Je vous laisse sur une scène de Miche assisterons à la reconquête visuelle et poéti­ les courses de chevaux, même (surtout) les Villeneuve-Loiselle, la dernière (notre photo). que du véritable visage, du véritable paysage, slogans publicitaires comme « Choisissez vo­ Jacques Prévert disait: « Ils n'étaient pas lesquels originellement nous habitent, mais tre taille, SILHOUETTE fera le reste ... ». Faut dans leur assiette. Elle se tenait toute droite que les strates recouvrent, nous habituant au voir ici ce que Miche Loiselle a fait du reste. derrière leur tête. » trompe-l'oeil. Il est réconfortant de constater Tout en restant dans la caricature, Miche L.B. que, malgré tout, certains osent encore ne pas Loiselle travaille aussi en trois dimensions. se laisser intimider. Ils ont pour lot la solitude Il s'agit de personnages de plâtre, hauts d'en­ et le silence. Cela va de soi. Ils ne procèdent viron deux pieds, coloriés et exagérés tout ROBERT NADON, PEINTRE DU pas par théorie et manifeste. Ce qui se mani­ autant que ses collages. C'est d'ailleurs cin­ PERPETUEL feste chez Robert Nadon, c'est la lente et quante-quatre de ces personnages qu'elle a L'homme est de courte mémoire, et pour­ attentive écoute, le cheminement illuminé, regroupés dans un Cirque et qu'on pourra voir tant cette mémoire encore l'encombre. Ac­ l'acuité du regard, la qualité d'accueil. De ses au Pavillon de l'Humour de Terre des Hom­ cablé par la culture, il fait le ménage en sa mains, il a dégagé patiemment une ancienne mes, cet été. maison et, au nom de la science, accumule source de jouvence enfouie au-dessous de la Miche Loiselle est une des rares femmes et analyse son savoir. On sait les ravages forêt détruite. Avec l'eau, il y recueille la caricaturistes et, peut-être ici, la seule à que la fiction néo-scientiste opère dans le sève et le ciel, l'aube de l'aubier, le sang, travailler ses sujets de la façon qu'on vient domaine des arts et lettres. On sait qu'il y a la chlorophylle, tout ce qui se meut et circule, de voir. Son langage est direct, audacieux, encore pas mal de gens instruits et cultivés et fait mouvant et vivant le tissu du monde mais sans provoquer le scandale ni l'agressi­ pour adorer l'idole qui a nom sens de l'his- en quoi nous sommes tissés. vité, même si parfois il y a controverse. toire. Il est plus facile d'aller au fil de l'eau La peinture de Nadon n'est pas poétique, En 1969. Miche Loiselle exposait des cari­ que de nager à contre-courant. Il y a bien elle est acte poétique. Elle dit l'amour, elle catures au Café des Artistes, à Montréal. longtemps que le mot avant-garde n'a plus de dit le jeu des luttes et des noces, elle est Une cliente choquée s'était plainte à la direc­ sens, puisqu'il signifierait qu'on est au poste image et miroir, et l'envers de la vitre. Contre tion de l'établissement: « Impossible de man­ le plus périlleux, alors qu'il se confond avec l'adversité, sa fragile force perpétue le visage ger devant des choses pareilles. » On avait néo-conformisme. neuf du perpétuel inconnu. décroché tout. Puis vint un article dans un Dans un monde envahi par l'objet, dans un Robert MARTEAU journal, favorable au travail de Miche Loiselle. monde qui se réifie, comme on dit si bien, Alors revinrent les caricatures, là et aussi au m'alertent l'oeil et l'âme qu'un peintre, au pavillon de l'Humour. Depuis, on la retrouve lieu de céder à la pression extérieure et de ALBERS CHEZ MARLBOROUGH GODARD tous les ans à Terre des Hommes, avec des se propulser dans l'environnant, obéisse à Des recherches et des réalisations menées collages ou des sculptures. l'immémorial et se laisse choisir et guider. sur le sigle de la continuité, de la patience et Une autre de ses expositions ne dura Quand j'ai tout oublié, quand je ne vois plus de l'obstination, une sorte de méditation s'éla­ qu'une heure. C'était à Menlo Park, en Cali­ le cadre et la toile, ni le mur qui les sup­ borent dans l'indifférence générale. Puis, le fornie, à la Stanford Research Institute Gal­ porte, c'est par une musique modulée que se triomphe éclate et s'amplifie un succès qui se lery. Le soir même de l'ouverture, le directeur poursuit en moi ce que peint depuis deux ans dessinait avec une grande lenteur. Tel est le du centre, un homme sérieux, après un tour Robert Nadon. cas de Josef Albers, grand maître de l'art rapide, fait tout enlever. Dans les oeuvres qui l'ont mené le plus optique ou plus exactement, comme il le Miche Loiselle n'a pas toujours fait que loin, les figures ne sont jamais imposées, désire et le dit lui-même, du « perceptual art » de la caricature. Après ses études aux Beaux- mais par vibrations elles se composent, ne ("Op art and/or Perceptual Effect").

Miche LOISELLE Josef ALBERS La Cène. White Line Squares. Collage; 20 po. x 24 (50.8 x 60.9 cm. Lithographie; 20% po. x 20% (52.7 x 52.7 cm.) (Phot. Ed Lawless) Montréal, Galerie Marlborough Godard.

si Josef Albers a été un pionnier dans la lutte Le principe de l'interaction des couleurs est l'affiche, et elle est revenue le lendemain de l'art-matière vers l'art-énergie, de l'art remplacé par celui de la pénétration irration­ accompagnée de ses amies . . . statique vers l'art cinétique. Son oeuvre gra­ nelle des formes. Il poursuit toujours le même D'autre part, ce projet de quelques semai­ phique, présentée du 24 février au 15 mars à but: celui de démontrer la relativité de notre nes a permis aux artistes d'être en contact la Galerie Marlborough Godard, constitue une façon de voir ou mieux de notre perception avec d'autres artistes, tous ayant un back­ suite logique aux verres translucides de la visuelle. En regardant attentivement une gra­ ground et des aspirations différentes. Certains période du Bauhaus et aux peintures à l'huile vure, une première impression peut par la peignent déjà depuis quelques années alors des débuts de la période américaine. La même suite différer d'une perception ultérieure. Cette que d'autres (deux) en sont à leurs premières préoccupation se retrouve constamment dans incompatibilité provient du désir du spectateur armes. Beaucoup d'entre eux ont déjà exposé, ces oeuvres: l'instabilité de la surface. Et, d'établir une forme. Une première solution lui soit au McGill Student Centre, à l'automne pour ce, il fait appel à la couleur. Car pour est suggérée pour être, par la suite, remise 1971, à la Plaza Alexis Nihon, à l'été 1972 faire bouger la peinture, pour animer ses sur­ en question. (exposition étudiante de l'UQAM), à la Galerie faces, Albers n'a pas besoin du mouvement C'est là que se trouve le grand génie Ézotérique, à la Galerie de l'Etable du Musée réel, mais de la modulation des pigments de d'Albers. Mais, il ne faudrait pas se mépren­ des Beaux-Arts, au Centre d'Art du Mont- la couleur. Il constate que les couleurs vivent, dre et croire que ce peintre ne recherche Royal ... et deux d'entre eux sont boursiers qu'elles dégagent une impression de mouve­ qu'un exercice rétinien de la part du specta­ du Concours provincial Bourassa, à l'été 1972. ment d'avancée ou de recul, croissant ou di­ teur. Ses préoccupations humaines sont plus Et le spectateur a tôt fait d'être confronté minuant devant notre rétine, en fonction des profondes. Il tente plutôt de saisir les diffé­ avec plusieurs démarches picturales: paysage couleurs qui l'entourent. Josef Albers sait faire rentes manifestations dans l'acte de voir. Et figuratif: André Gauthier; paysage fantastique: vivre, faire éclater, faire danser une couleur. s'il existe un mouvement optique dans ses Jean-Louis Yelle et Claude Richard; paysage Il mesure la quantité de surface nécessaire à gravures, celui-ci se présente d'une façon très abstrait et abstraction lyrique: Bruno Tenti; faire bouger telle et telle couleur, à la faire tendre, à la manière d'une méditation . . . ou encore des recherches plasticiennes: Guy avancer, reculer ou se neutraliser. Une L.V. Deschêne; hard edge et effets optiques: Fran­ couleur, à l'origine très pauvre, il sait l'enri­ çoise Tounissoux; il y a aussi des démarches chir en travaillant celles qui la jouxtent. plus difficilement identifiables: celle de Nor­ Ainsi dans la série des Variants, le peintre POPILART 73 mand Moffat: abstraction qui tient du géomé­ se concentre sur un seul élément: la couleur. C'est à l'angle des rues Beaubien et d'Iber- trique et du minimal, traité en monochrome, Réduisant au minimum la forme grâce à un ville que, du 4 décembre au 28 mai, un et celle de Jacques Dominique Épaule, qui schéma sériel consistant en la superposition groupe de huit jeunes artistes du Québec ont tend vers la figuration onirique. de trois ou quatre carrés de diverses tailles, tenu leurs quartiers généraux: ateliers et salle Autant d'artistes que de démarches. Une il exécute un grand nombre de gravures qui d'exposition, dans le but premier de sensibi­ constante: chacun d'eux essaie d'être lui- ne varient que par la couleur. L'interaction des liser le profane à la peinture, tout en s'identi- même. Et l'heureux visiteur le perçoit rapide­ couleurs et la modulation des surfaces qu'elle fiant socialement. ment. Quant à la volonté initiale du projet: entraîne provoquent une réaction chez le Et c'est avec l'aide d'une subvention fédé­ désacraliser en quelque sorte l'identité et la spectateur: la sollicitation infinie de son oeil rale, dans les cadres d'un projet d'Initiative fonction traditionnelle de l'art, ou tout au par le jeu des couleurs juxtaposées. Car il Locale, qu'ils ont pu travailler à temps plein moins la rendre accessible à tous, elle s'est y a autant de modulations possibles qu'il y à leur production artistique tout en informant butée au paradoxe de l'art et de son intégra­ a de couleurs, chacune d'elles variant avec la le public. Ils ont d'abord mis sur pied un mini tion sociale, pour ce qui est de la peinture de quantité de surface peinte. Ainsi tel gris triste service d'information, avec animateurs perma­ chevalet, qui porte d'ailleurs déjà en elle ce chantera lorsqu'il sera accolé à un noir, tel nents à la disposition des visiteurs et infor­ paradoxe. violet tuera un rouge avoisinant et tel jaune mation écrite sur les différentes techniques Sylvie ROY éclatera s'il ressort d'un gris pâle. Albers artistiques. Puis, les artistes eux-mêmes poursuit sa recherche d'une manière plus veillaient à ce que le visiteur se sente bien à subtile dans la série des White Line Squares. l'aise pour discuter art avec grand A, ou GALERIE D'ART LES DEUX B Il fait ici une nouvelle découverte: une ligne tubes de couleur. L'ouverture d'une galerie d'art aménagée blanche, insérée au milieu d'une couleur, Mais si l'initiative avait de grandes ambi­ dans une maison canadienne située sur les semble diviser cette même et unique couleur tions, ses initiateurs devaient presque aller bords du Richelieu, à une trentaine de milles en deux tonalités. directement chercher le visiteur dans la rue au sud de Montréal, est une initiative qui En 1969, Albers met en application ses ou encore dans son salon! Seules quelques mérite d'être soulignée. Cet événement ac­ connaissances dans le domaine des illusions personnes se hasardaient, attirées d'abord par croît l'intérêt et ajoute une dimension nouvelle optiques dans une série intitulée Embossed la curiosité, mais elles étaient vite intéressées. au circuit habituel des galeries, généralement Linear Construction. Il s'agit d'une série de Une vieille dame s'est même présentée, cher­ établies dans le centre-ville ou dans les gravures exécutées en relief et sans encre. chant des prélarts, n'ayant pas su bien lire quartiers du Vieux Montréal.

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Le groupe POPILART 73; de gauche à droite : André Normand MOFFAT Gauthier, Claude Richard, Normand Moffat, Françoise Parachèvement. Tounissoux, Bruno Tenti, Jean-Louis Yelle, Guy Huile sur toile; 6 pi. x 4 (182.2 x 121.9 cm.) Deschênes (absent : Jacques-Dominique Epaule).

82 Décentraliser l'art, le présenter hors les quinzaine de pièces aux formes nettes, rele­ thodique le plastique dans le domaine du murs des hauts lieux traditionnellement liés à vant d'une démarche prudente. Le plastique lumino-cinétisme. sa diffusion, y convier un public nouveau, y est exploité pour certaines de ses qualités Laurent LAMY différent, fréquentant rarement ou jamais les bien spécifiques: son pouvoir de conduire la galeries, l'initier progressivement à l'art et lumière sans perte notable d'intensité jus­ ce, dans une ambiance chaleureuse et décon­ qu'aux extrémités, de la même façon que PARMI NOS COLLABORATEURS tractée, tels sont les objectifs des propriétai­ dans un tube de verre, l'eau pénètre à un bout Mona BROWN, une Canadienne d'origine res de la Galerie d'Art Les 2 B. C'est un défi et sort à l'autre, sans qu'on la voie circuler. québécoise, vit en France depuis quelques de taille! La lumière jaillit de dessous la sculpture, années. Elle a déjà publié dans différentes Depuis l'ouverture de la galerie, en juillet composée d'une ou de plusieurs plaques d'un revues plusieurs articles sur l'art et les 1972. cette maison à trois étages (dont un demi-pouce assemblées, en général, à angle artistes européens. • La montréalaise Aima grenier immense offrant une aire d'exposition droit. Les rainures pratiquées dans certaines de CHANTAL est céramiste, poète (L'Étrange particulièrement sympathique), rénovée avec plaques créent des effets optiques divers: saison. Miroirs fauves), traductrice de poèmes goût et meublée à la canadienne, servit de dans le plastique, la lumière, qui ne voyage; et auteur d'articles dans nombre de journaux cadre à plusieurs expositions, entre autres, pas de façon tout à fait égale, s'agglutine sur et revues littéraires (Amérique Française. Inci­ Fablo, J. Tahedl et, récemment, Powell Tru­ les tranches et aux extrémités. Venue d'ail­ dences, Le Devoir. Les Écrits du Canada deau. Ce dernier dépeint des saisons aux leurs, d'on ne sait où, la lumière dont la sour­ français, etc.). • Ghislain CLERMONT est paysages lisses et harmonieux, des scènes ce reste cachée, joue alors un rôle magique. professeur d'histoire de l'art au Départe­ maritimes, des maisons et des villes; il nous En variant l'intensité de la lumière dans ment d'arts visuels de l'Université de offre ces thèmes dans une gamme d'un coloris certaines parties de la sculpture, selon des Moncton. • Bernard DORIVAL, critique uniformément doux et feutré, d'où se déta­ rythmes programmés mais sans que l'inter­ d'art de réputation internationale, a publié de chent parfois certaines tonalités plus vives. vention du spectateur soit prévue, Brousseau nombreux ouvrages (généraux, monographies, Quelques aquarelles légères, diaphanes, ex­ multiplie et enrichit la combinaison des volu­ catalogues d'expositions) et rédigé de nom­ ploitent avec bonheur cet univers serein. mes très stricts en eux-mêmes. breux articles, notamment pour la Gazette des La galerie offre au public un large éventail D'un géométrisme volontairement systéma­ Beaux-Arts et le Burlington Magazine. Cofon- de noms réputés dont Ferron, Cosgrove, Belle­ tique, ignorant la plasticité du matériau qui, dateur du Musée National d'Art Moderne de fleur, Giguère, Gordon Pfeiffer, Monique Char­ contrairement au verre, peut se plier, ainsi Paris, il est présentement professeur d'his­ bonneau, Gérard Tremblay, Tobie Steinhouse, que les possibilités de la couleur, les oeuvres toire de l'art contemporain à la Sorbonne. • Denis Juneau, auxquels s'ajoutent les noms de de Brousseau ont des qualités honnêtes. Mais Virgil HAMMOCK est professeur d'art a jeunes peintres encore peu connus, entre elles restent en deçà des intentions puis­ l'Université du Manitoba (Winnipeg) et pré­ autres Paul Livernois, Lacelin, Miyuki Tanobe, qu'elles ont été présentées comme un envi­ sident de l'Association Universitaire des Arts Nicole Tremblay, Madu, Michel Allard. ronnement créé par des « volumes architectu­ au Canada. • L'historien d'art Luc d'IBER- Souhaitons la bienvenue à cette nouvelle raux et sonores ». D'une part, il y a eu la VILLE-MOREAU (doctorat du Courtauld Insti­ galerie, établie dans un site particulièrement musique de Laurentin Levesque travaillée au tute de Londres) est également muséologue attrayant, à l'entrée du village de Saint- magnétophone à partir de sons de cythare, de (études et stages au Metropolitan Museum of Antoine-sur-Richelieu. musique de Bartok et de Bach, et d'autre part Art de New-York et au Victoria and Albert A. de C. les sculptures lumino-cinétiques, dont les va­ Museum de Londres, ainsi que dans de nom­ riations lumineuses se succèdent à leur pro­ breux musées canadiens). Après avoir été pre rythme, sans qu'il y ait recherche de Conservateur général du Musée des Beaux- dialogue ou de contraste entre la lumière et Arts de Montréal et attaché culturel au Minis­ SCULPTURES LUMINEUSES DE le son. (Ce qui est gênant quand on sait que tère des Affaires Extérieures, à Ottawa, il est RAYMOND BROUSSEAU certains appareils convertissent les impulsions maintenant professeur d'histoire de l'art et Les rencontres de l'art et de la technologie sonores en impulsions lumineuses et que cer­ directeur de thèse en art canadien à l'Univer­ ne sont pas nouvelles dans la production taines discothèques utilisent ces appareils.) sité Sir George Williams, à Montréal. Il a artistique depuis dix ans. Ayant reçu une for­ Le terrain sur lequel s'est engagé Brousseau collaboré à plusieurs revues dont L'Oeil et La mation scientifique, il est logique que Ray­ n'est pas de tout repos: la facilité des effets Gazette des Beaux-Arts. • Harold KALMAN mond Brousseau, cinéaste depuis 66 à reste à craindre et les tentatives qui ont l'ap­ est professeur d'architecture au Département l'ONF, auteur de deux films expérimentaux, parence de l'audace ne doivent pas, en fin de des Beaux-Arts de l'Université de la Colombie ait été tenté par le courant du cinétisme, où compte, se révéler trop sages. Mais au Qué­ Britannique (Vancouver). Il est également la technique prolonge ou remplace l'activité bec, où en dehors de Peter Gnass qui avait membre de l'exécutif de l'Association d'Art de la main. utilisé le plastique pour d'autres qualités et Universitaire du Canada. • Membre de Au Musée d'Art Contemporain, du 18 mars selon une problématique différente, aucun l'AICA, Robert MARTEAU, venu s'établir à au 22 avril dernier, Brousseau a présenté une sculpteur n'avait exploité de façon aussi mé­ Montréal, est collaborateur permanent de la revue Esprit, où il tient une chronique litté­ raire et artistique. • Jean MOUTON, ancien conseiller culturel à l'Ambassade de France, à Ottawa, et grand humaniste et critique d'art, est l'auteur de nombreux ouvrages dont Le Style de Marcel Proust, Du silence au mutis­ me dans la peinture. Profanation et sanctifi­ cation du temps et Littérature et sang-froid. • Michel PARENT, un artiste de Québec (voir l'article de Pierre Dupuis, Les murs peints, dans Vie des Arts, Vol. XVII, No 70, p. 74- 75), est également un professeur d'art à l'Université Laval. • N.B. Dans notre numéro 70 (Printemps 1973), nous avons attribué par erreur l'article sur Paul Delvaux à Xavier, plutôt qu'à Bertrand MARRET. Collaborateur à la revue Études, Bertrand Marret est égale­ ment collaborateur pour différentes maisons d'éditions d'art, notamment: Les Éditions du Chêne [Fernand Léger, dessins et gouaches, avec Jean Leymarie) et Les Éditions Somogy (ouvrages consacrés aux peintres impression­ nistes, avec Bernard Dorival).

Powell TRUDEAU, Carrefour. 1972. Raymond BROUSSEAU Huile sur toile. Sculpture lumino-cinétique. Saint-Antoine-sur-le-Richelieu, Acrylique et éclairage incandescent; Galerie d'Art Les deux B. Haut. : 48 po. (121.9 cm.). «.!