191 LE BASSIN DE SAINT-CÉRÉ ET SES MARGES : PAYSAGES, CONTRAINTES ET VALORISATION D'UNE RÉGION EN POSITION DE CONTACT

Bernard PICOT Professeur agrégé I.G.A.R.U.N.

RÉSUMÉ: Le bassin de Saint-Céré, au nord-est du département du , forme un espace où la notion géographique de «région de contact» prend une signification particulière . L'analyse des paysages dévoile un certain nombre de risques et contraintes qui ont été pris en compte lors d'aménagements parfois anciens. L'objectif est de montrer que cet espace constitue une entité régionale dynamique dont la ville-centre, Saint-Céré, a su tirer parti en exploitant ses complémentarités. A cette échelle et sur la bordure occidentale du , elle est un exemple original d'aménagement et de valorisation réussis d'un espace à dominante rurale.

ABSTRACT: The Saint-Céré basin, in the north-eastem part of the french départment of Lot (in the south-western Massif Central) constitutes an area where the geographical concept of «contact area» takes on a special meaning . An ana!ysis of the landscape reveals a certain number of risks and constraints which had to be taken into account when the area was developed, and this from the earliesl period. This essay will show that the dynamism of this area is of regional importance, and that the central town, Saint-Céré, has been able to profit from il by rigourously exploiting urban/rural symbiosis. On this scale and in this region along the western edge of the Massif Central, the area is an original and successful exarnple of the development and improvemenl of a predominantly rural region.

Mots-clés : Contraintes et risques naturels - Systèmes agraires - Pôles ruraux - Région de contact.

Key-words: Natural hazards - Agrarian systems - Rural centres - Contact area.

Introduction

Au nord-est du département du Lot, le bassin de Saint-Céré qui s'ouvre au NW sur la vallée de la , marque la transition entre le Massif Central et le Bassin Aquitain représenté ici par le causse de : autrement dit entre Ségala et Quercy. Mais cette situation de contact trouve d'autres expressions. L'une tient à l'histoire puisque nous sommes ici aux confins du duché d'Aquitaine et des possessions des comtes de Toulouse que se disputèrent de puissantes familles seigneuriales tels les Turenne, les et les Castelnau dont les forteresses ceinturent la région. Aujourd'hui, trois régions administratives s'y rencontrent : Aquitaine, Midi-Pyrénées et ; ce qui fait de cet espace l'une des portes du «Midi atlantique» et du «Grand Sud-Ouest». D'autres résultent de multiples contrastes paysagers et des conditions géographiques particulières aux régions de contact tenant:

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LE BASSIN DE SAINT-CERE, croquis de localisation

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Failles principales !.350! Points cotés © Villes 0 Villages --Vallées alluviales [QJ Escarpement majeur D

~ Terrains sédimentaires ---< Cours d'eau Echelle 1/62 500 [:EJ Terrains de socle A:xes routiers AM Picot - DAO cestanMB fN 193

- à la nature du substrat tout d'abord (calcaires jurassiques du causse de Gramat à l'ouest et dépression liasique de Saint-Céré contrastant avec les terrains primaires métamorphiques des contreforts ségaliens à l'est) ; - au faciès des paysages végétaux ensuite (végétation caussenarde calcicole à tendance xérophile, prairies et jardins maraîchers irrigués de la vallée de la Bave puis pâturages, chênaies mésophiles et châtaigneraies annonçant le Massif Central) ; - aux types de mise en valeur de l'espace rural enfin qui trahissent parfois une certaine et inégale déprise malgré des tentatives souvent réussies de diversification agricole et de valorisation par le tourisme notamment.

Ce secteur géographique bien délimité tend à cumuler les activités, bien qu'en apparence défavorisé par une situation qui le place à l'écart des grands axes méridiens de circulation entre l'Ile-de- et l'Atlantique et par son éloignement des centres régionaux. Il s'agira donc de montrer comment le cadre naturel a été aménagé et exploité malgré des contraintes nombreuses pour conduire à la diversité actuelle des paysages. (Les secteurs industriel et tertiaire ne seront pas présentés ici et feront l'objet d'une publication ultérieure).

I. LE CADRE RÉGIONAL ET LES PAYSAGES

Le bassin de Saint-Céré appartient tout entier au département du Lot, ce qui le place à l'extrémité ouest du Massif Central et en position très septentrionale et excentrée par rapport au reste de la région Midi-Pyrénées. Il en résulte un incontestable éloignement des centres de décision régionaux que sont Toulouse au sud, Limoges au nord, Clermont-Ferrand au nord-est et à l'ouest. Ce trait se retrouve à l'échelle du département puisque Saint-Céré est à plus de 70 km au nord-est de et échappe aux concurrences secondaires de Gourdon et . Ce sont en fait deux villes de second rang appartenant à des régions voisines, Aurillac à 60 kms à l'est et Brive, à 50 km au nord, qui semblent les pôles d'attraction les mieux équipés en services marchands et non marchands pour la clientèle du Haut-Quercy ou du Nord-Est lotois.

L'isolement de cette région, souvent mis en avant pour justifier ses difficultés de développement, est très relatif. Elle se trouve au carrefour de plusieurs axes historiques : en premier lieu la liaison La Rochelle-Montpellier de direction NW-SE et la route Clermont-Ferrand-Toulouse d'orientation NE-S, par la haute vallée de la Dordogne prolongée vers les causses. Ces routes ne sont plus dominantes aujourd'hui et ont cédé le pas à d'autres liaisons de moindre amplitude ; il s'agit de l'axe Périgueux­ Brive-Aurillac raccordé à l'ouest aux radiales Paris-Bordeaux-Espagne et Paris­ Limoges-Toulouse et, à l'est, à l'autoroute en devenir Paris-Clermont-Ferrand-Béziers, qui suit elle aussi un axe historique. Les communications intra-régionales restent médiocres et le refus de certains Saint-Céréens d'accueillir le chemin de fer au siècle dernier en est l'une des causes . Son tracé fut plus septentrional au profit de et Biars-sur-. Les relations avec Figeac et Cahors en souffrent mais Saint-Céré conserve ainsi une prééminence sur sa région.

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Cette dernière ne se trouve pas fermée pour autant et profite de sa position de contact ; un seul secteur est difficilement desservi du fait de son paysage de moyenne montagne ; il est situé entre Sousceyrac et Latronquière près de Labastide-du-Haut­ Mont, commune lotoise la plus élevée à 790 mètres d'altitude, et où la déprise semble plus marquée. Les hautes terres cantaliennes sont proches et le passage du pays de tuiles aux pays d'ardoises et de lauzes se fait sur quelques kilomètres ; cela se retrouve au nord entre Beaulieu-sur-Dordogne et .

1. Un contact de trois «pays»

Cette portion d'espace appartient à trois «pays» : le Ségala du Quercy à l'est entre la vallée de la Cère au nord, à sa sortie du et celle du Célé au sud, en amont de Figeac ; le Limargue à l'ouest, région intermédiaire de coteaux et zone de dislocation complexe qui se prolonge au sud par le Terrefort dans la région de Figeac, et par les vallées de la Bave et de la Tourmente au nord ; le causse de Gramat, en position occidentale délimité par la Dordogne et la vallée du Lot, dont l'apreté et la relative homogénéité contrastent avec les régions précédentes. La région de Saint-Céré située au point de rencontre de ces trois «pays», s'étend pour l'essentiel dans une dépression allongée et évasée aux bordures contrastées correspondant à la partie aval de la vallée de la Bave jusqu'à sa confluence sur la rive gauche de la Dordogne.

a - Marges et versants

A l'Est, la transition avec le Ségala est marquée par une ligne forestière continue vers 300 m d'altitude qui souligne l'escarpement rectiligne, méridien, à regard W-SW, de 200 m de commandement qui domine le bassin. En arrière s'étend un plateau boisé à 70 %, incliné vers l'ouest, dont les altitudes gagnent rapidement 500 à 600 m et où le réseau hydrographique est dense et profondément encaissé. On retrouve là des traits communs aux plateaux limousins proches, traits renforcés par la nature cristalline des terrains de socle : roches métamorphiques appartenant à la série du Bas-Limousin ou plutoniques, armées de filons quartzeux. Les sols, souvent pauvres, argileux et lourds sont occupés par une forêt de feuillus défrichée en clairières d'interfluves telle celle qui entoure le hameau de à quelques kilomètres à l'est de Saint-Céré ; un peuplement faible en petits villages ou hameaux à dominante agricole, vivifiés par des activités valorisant la forêt ou tournés vers la transformation agro-alimentaire des produits locaux, achève le tableau.

Mais c'est l'originalité de l'escarpement au nord et nord-est de Saint-Céré qui retient l'attention. En effet, il présente une juxtaposition de versants relativement rectilignes rejoignant la vallée par une courte concavité basale et des formes intermédiaires originales compliquant la transition vers la Bave : il s'agit, soit de collines coniques raccordées par une gouttière topographique au versant précédent raccourci (butte de Saint-Laurent et Pech d'Ambrieu), soit d'une butte tabulaire digitée aux versants boisés, nettement séparée du Ségala par une vallée large suivie par la départementale 940. Sa surface est cultivée et constitue le terroir principal du hameau de Saint-Michel Loubéjou ; la sécheresse du milieu, traduction de la perméabilité, trahit la présence du calcaire.

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Au Sud-Ouest, le rebord nord-oriental du causse de Gramat semble plus simple quant à sa structure et à l'agencement de ses paysages. Il présente, à la différence de son vis-à-vis, une orientation W-NW et surtout, à l'ouest de Saint-Céré, un tracé très irrégulier : il s'agit du «Pendit», formé de promontoires effilés se terminant par une corniche qui domine un talus concave parfois dédoublé. C'est sur le replat intermédiaire que se sont fixés certains villages tels Saint-Jean !'Espinasse ou Saint-Médard de Presque. Ces «césarines» délimitent de profondes échancrures dont une prend une allure de reculée : . Leur nom vient de l'existence de ruines de «fortifications» datées de l'époque gallo-romaine qui constituent l'un des nombreux «camps de César» existant dans le Massif Central. ·

La structure sédimentaire présente ici des terrains calcaires jurassiques formant un front de côte qui domine la dépression périphérique orientale à dominante liasique. La forme de l'escarpement vient de la superposition de deux binômes lithologiques principaux : le binôme supérieur correspond à une corniche bajo-aalénienne de plusieurs dizaines de mètres surplombant un premier talus de marnes toarciennes (à oolithes ferrugineuses) occupé par des prairies naturelles, quelques bois sur les secteurs les plus pentus et des parcelles en broussailles témoignant de la déprise ; ainsi, dans la vallée d'Autoire, une partie des terroirs de pente, autrefois pâturés par le petit bétail, est désormais reconquise par les bois de chênes, de frênes et de robiniers. Le binôme inférieur débute avec une corniche domérienne peu épaisse (moins de 30 m, à calcaires bioclastiques ferrugineux roux et bleutés), servant de réservoir aquifère naturel. D'ailleurs, un chapelet de sources souligne le passage au talus formé de marnes et argilites grises micacées du Domérien inférieur et du Carixien qu'interrompent de petits bancs de calcaires marneux noduleux. Sa pente douce a permis un usage agricole intensif favorisé par la présence de formations superficielles non évacuées mais entravé par une exposition à dominante septentrionale.

C'est en effet là que l'on trouve les terroirs cultivés les plus vastes associant prairies artificielles, champs de céréales et vergers. Il faut noter que vers l'ouest et le nord-ouest, ces binômes deviennent local ement secondaires dans l'explication des paysages car l'action de l'efficace agent d'érosion qu'est la Dordogne l'emporte largement sur les réponses nuancées de la structure à l'érosion différentielle . Le talus devient donc très raide même sur roches tendres et la rigueur de la pente alliée à une exposition nord n'autorise plus un usage agricole.

Un dernier point peut être souligné : la base de l'escarpement est constituée de roches dures du Sinémurien mais il n'y a pas de corniche apparente car elle est masquée par les colluvions ce qui prouve l'intensité et l'efficacité des processus morphogéniques dans ce secteur et la faiblesse de l'ablation depuis les dernières périodes froides.

b - La dépression et la vallée de la Bave

Ces deux versants délimitent une vaste dépression évasée vers le NW, large de un à trois kilomètres, qui se dédouble vers le nord au delà du seuil de la Croix Blanche et à l'est du plateau de Saint-Michel Loubéjou pour rejoindre la petite «conurbation

Cahiers Nantais n° 40 196 mésopotamienne» de Bretenoux-Biars . C'est l'existence d'un double système de failles qui l'explique : le premier ensemble marque le contact entre le Massif Central et les terrains sédimentaires aquitains, l'autre est située plus à l'ouest, dans le bassin sédimentaire. La dépression semble donc résulter de l'érosion différentielle entre terrains sédimentaires et roches cristallines du socle, favorisée par la présence de ces failles fragilisatrices. C'est probablement à partir d'une vallée de ligne de faille que l'évolution en dépression pé1iphérique a pu se faire et les roches sédimentaires situées entre les deux failles étant plus anciennes que celles du bassin proche, il en résulte un escalier de failles . C'est sans doute une reprise d'érosion post-Pliocène liée à un rejeu des failles ou à un simple soulèvement tectonique localisé qui a entaillé le bassin sédimentaire en prenant tout d'abord l'allure de vastes «couloirs d'érosion villafranchiens» larges (2 à 3 kms) et peu profonds (30 à 40 m) qui sont exploités au Quaternaire par les cours d'eau en alternant phases de dépôt et de creusement.

Le causse, plus à l'ouest, a lui aussi subi une tectonique cassante qui se traduit par une grande faille, celle de , qui délimite un bassin interne liasique beaucoup mieux exploité par l'agriculture que ne l'est le reste du causse.

Enfin, le dégagement de l'escarpement occidental semble lié à celui de la dépression ; il s'est fait à partir d'une surface d'aplanissement polygénique tertiaire jalonnée de matériel sidérolithique con-espondant à une phase alluviale détritique qui a favorisé un épandage de ces dépôts ferrugineux issus du Massif central proche ; on retrouve ces dépôts sur le socle cristallin, sur le plateau de Saint-Michel et sur le causse de Padirac.

c - Des conditions climatiques modérées mais plutôt avantageuses

On constate tout d'abord que l'ensemble du département est bien arrosé puisqu'aucun secteur ne reçoit moins de 750 mm de pluie par an ; les précipitations augmentent du SW vers le NE, passant de 790 mm à Castelnau-Montratier à plus de 1 400 mm dans la Chataîgneraie avec 1 460 mm à Latronquière. La région de Saint­ Céré se situe en position intermédiaire avec un mètre d'eau annuel ce qui constitue un total déjà élevé, semblable à celui de Gramat. Seule la vallée de la Dordogne connaît des valeurs un peu inférieures, proches de 900 mm par an. Le caractère océanique et le facteur orographique sont donc importants, les fortes précipitations tombant sur les régions les plus élevées ; mais le bassin saint-céréen présente une originalité ; les valeurs observées sont liées aux fortes précipitations hivernales mais aussi à la fréquence des phénomènes brutaux de convection, printaniers ou estivaux, favorisés par la disposition topographique quasi-fermée de cet espace et par sa faible altitude (100 à 150 mètres). Les dernières années sèches restent exceptionnelles et la pluviométrie annuelle a toujours dépassé 700 mm. L'eau ne manque pas à condition que sa gestion soit rigoureuse et que sa qualité soit maintenue ; les pompages incontrôlés dans la Bave, l'épuration qui rend· l'eau limpide mais modifie ses qualités et les excessives ponctions estivales, nécessitent une approche concertée du problème.

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Un second ensemble de faits met en évidence des caractères du milieu économiquement intéressants. Le Lot est bien ensoleillé puisque Gourdon atteint 2060 heures annuelles et Saint-Céré dépasse les 2 100 heures ; on est bien sûr loin des valeurs de La Rochelle (plus de 2 300 heures) ou du littoral varois (plus de 2 900) mais cela confère à cet espace un caractère méridional qui se retrouve dans les données thermiques. La moyenne des températures maxima est de 17° et celle des minima de 7,5°. Les gelées tardives sont rares, les chutes de neige peu fréquentes, et les étés sont chauds : la région bénéficie d'une identité climatique peu contraignante pour l'agriculture et attractive pour le tourisme. Cela explique l'intense mise en valeur des vallées du Lot et de la Dordogne aux climats particulièrement doux et aux sols limoneux et profonds, qui peuvent aisément associer ces deux activités tout en profitant de manière indirecte de la proximité des petits pôles industriels qui se sont localisés sur l'arc méridien Figeac-Saint-Céré (pôle confiturier à Biars, machines-outils à Saint­ Céré).

2. Contraintes, risques naturels et aménagement des paysages

Ce cadre physique contrasté impose un certain nombre de contraintes dont certaines sont parfaitement visibles dans le paysage.

a- Les versants

Le versant occidental souffre d'une certaine instabilité qui nuit à l'aménagement agricole. Si on prend le cas de la reculée d'Autoire, on relève tout au long du versant la présence de gélifracts en provenance de la corniche supérieure. Ils donnent de véritables tabliers d'éboulis : les groizes, hétérométriques, et d'une épaisseur moyenne dépassant 7 à 8 mètres. Au pied de la corniche, ces groizes ou grèzes sont stériles et souffrent d'une pente accusée ; elles ne sont pas litées témoignant d'une mise en place tardive. En revanche, elles le sont sur le reste du talus où le développement d'un véritable sol a permis une mise en valeur agricole sous forme de prairies naturelles ou, parfois, de champs en banquettes. Les murets qui soutiennent ces derniers sont fréquemment «fossilisés» par suite de la reptation des débris sur les pentes. Mais leur assez bonne tenue malgré le manque d'entretien affirme la relative stabilité d'ensemble du versant ; cela peut s'expliquer par une bonne perméabilité de ces formations et un sapement basal faible à cause de la maigreur du ruisseau d'Autoire en toutes saisons. La médiocrité de ces terres explique en grande partie leur abandon progressif et leur reconquête rapide par les broussailles et les bois de modeste qualité, difficilement exploitables si ce n'est pour le chauffage.

Au pied du causse de Crézou, au sud-ouest de Saint-Médard-de-Presque, des phénomènes de solifluxion apparaissent. Ils se produisent d'ailleurs régulièrement sur le rebord nord-oriental du causse de Gramat. Ils s'expliquent par le fait que dans ces secteurs moins pentus, les groizes, relativement stabilisées, sont recouvertes d'un sol mince et mélangées à de l'argile de décalcification qui les rend plastiques quand elles sont imbibées d'eau. A la faveur d'averses répétées ou durables se produisent des glissements de quelques mètres qui déchirent en surface le tapis végétal et bouleversent

Cahiers Nantais n° 40 198 la topographie initiale des prairies {lesquelles favorisent l'infiltration alors que les champs favorisent le drainage par des sillons parallèles à la pente). La mise en valeur agricole de ces espaces s'en trouve compliquée.

Plus au nord, à Mézels, en rive gauche de la Dordogne, ces glissements de faible ampleur ont pu prendre une allure carrément catastrophique, tel celui du 4 Octobre 1960.

Un contexte météorologique exceptionnel engendrait des crues dans l'ouest du Massif Central : une averse «méditerranéenne» particulièrement violente, liée à la présence d'une profonde dépression centrée sur l'ouest de l'Irlande mais poussant un talweg vers le Golfe de Gascogne. Cette averse de type cévenol a affecté des régions exceptionnellement septentrionales et atlantiques ; plus de 140 mm de pluie se sont abattus en quelques heures sur la région. Ce jour là, la Dordogne occupait son lit ordinaire à plein bord ce qui a favorisé le sapement et la mise en déséquilibre du versant au pied duquel elle coule, un versant que la présence d'une source importante rend particulièrement humide à cet endroit. Des ceps de vigne plantés dans le sens de la pente au-dessus des bâtiments d'un corps de ferme créent un ravinement intensif et accélèrent la concentration de l'eau en aval. Le site était considéré comme stable ; une vieille maison, autrefois relais de diligence, composée de plusieurs bâtiments y était implantée près d'un frêne âgé de plus de 300 ans. En cette journée du 4 Octobre, le frêne et les maisons ont été engloutis par deux nappes successives : glaise argileuse sur marnes toarciennes et groizes.

Compte tenu des conditions climatiques particulières, le processus peut être comparé aux glissements en planche mobilisant les altérites sur 15 à 20 m d'épaisseur qui se produisent sous climat tropical humide. Il n'y eut pas de victime et les causes anthropiques de l'évènement peuvent être, a posteriori, jugées minimes. En revanche, le paysage fut modifié par la vaste niche d'arrachement en amont et par la langue d'accumulation qui se poursuivit jusqu'à la rivière ; ces formes demeurent parfaitement visibles sur la carte topographique de au 1/25 000.

Ces types de phénomènes sont pris en compte par les aménageurs aujourd'hui, surtout lorsqu'il s'agit de construire des maisons ou des résidences secondaires pour des propriétaires recherchant des positions topographiquement éminentes ou foncièrement abordables. Les agriculteurs, moîns nombreux, délaissent ces secteurs menacés, y pratiquent des cultures de plein champ ou les maintiennent en prairies ou terrains de parcours pour les ovins et caprins car les bovins, par tassement résultant de passages répétés qui dénudent le sol, peuvent accentuer l'érosion des versants.

Le versant oriental présente localement quelques phénomènes analogues aussi bien au contact du socle que sur les pentes des buttes-témoins ou des avant-buttes, mais ils sont bien main$ nombreux. Cela peut s'expliquer par la meilleure stabilité des versants cristallins, moins inclinés, dépourvus de tablier d'éboulis, par une exposition W-SW qui accélère l'assèchement des sols et enfin par une couverture forestière qui a fréquemment été maintenue ou reconstituée. De petites parcelles de vigne fixées par des terrassettes sont aujourd'hui laissées à l'abandon.

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b - La vallée

Un dernier secteur a rencontré des problèmes d'aménagement : c'est le fond du bassin et de la vallée de la Bave. Cette rivière constitue le débouché d'un certain nombre de cours d'eau issus du Ségala imperméable, ce que traduit clairement l'extrême hiérarchisation du réseau hydrographique à l'est. Ces organismes sont bien alimentés en toutes saisons, les précipitations convectives estivales étant favorisées par l'humidité du bassin de Saint-Céré et l'accroissement rapide des altitudes vers l'est qui déclenche des pluies orographiques associées aux perturbations atlantiques. La plupart des ruisseaux affluents de la Bave confluent avec elle en amont de la ville mais le collecteur principal reçoit aussi des eaux venues du sud, issues cette fois d'exsurgences affleurant à la faveur des niveaux argilo-marneux du talus caussenard . Les pertes et les phénomènes de rétention étant accrus en été, l'étiage est durable en cette saison et l'assèchement fréquent. La faiblesse et l'homogénéité des altitudes du bassin ainsi que l'importance de l'écoulement notamment hivernal, expliquent la fréquence passée des inondations. Elles ont participé au colmatage de la vallée et ont permis un apport d'alluvions et de sédiments fins sablo-argileux qui ont donné des terres franches fertiles expliquant en partie la richesse des terroirs et leur intense mise en valeur. Cette dernière a toutefois nécessité des aménagements, menés dès l'époque féodale et complétés aux XVII et XIXèmessiècles. Auparavant, il s'était agi surtout d'accélérer le drainage et d'éviter les défluviations ; quelques canaux avaient été aménagés autour de la ville mais leur insuffisance avait conduit les vicomtes de Turenne, suzerains de la cité, et les consuls municipaux, à envisager des interventions lourdes . Un ingénieur hollandais, Van Der Dowe, fut chargé de la réalisation des travaux en 1611 ; l'aménagement consista à protéger la ville, encore enceinte de remparts, en captant la Bave à l'amont et en la divisant au nord en plusieurs bras canalisés, pendant qu'au sud était creusé un large canal profond de 4 mètres et large de 10, rectiligne et maçonné qui est actuellement pris, à tort, pour le vrai lit de la rivière . Des moines Récollets participèrent aux travaux et ils s'installèrent sur la rive gauche de la rivière amenant l'extension de la cité vers le sud, hors des fortifications. Au XJXème siècle, la plupart des canaux, à l'exception du collecteur principal, furent recouverts après l'arasement des murailles ; la croissance urbaine put se poursuivre sans obstacle. Cependant, à l'occasion de crues exceptionnelles, des inondations se sont produites, par exemple en 1962 où les rues furent couvertes par plus d'un mètre d'eau après l'obstruction des conduites souterraines.

Ces canaux ont une autre fonction : celle de permettre l'irrigation en période estivale soit à partir du réseau primaire par dérivation et création de «levades», soit par pompage direct dans la Bave canalisée. Destinée à l'origine aux prairies artificielles, l'eau est désormais utilisée par les producteurs de maïs pour pallier le déficit hydrique estival mais aussi par les maraîchers et les horticulteurs qui se sont installés à l'ouest de la ville annonçant les aménagements plus étendus développés le long de la vallée de la Dordogne. Mais le recours à l'irrigation résulte plus d'une volonté de compenser les pertes par infiltration dans le bassin et sur le causse et d'accroître les rendements , que d'une lutte acharnée contre un déficit pluviométrique excessif.

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II. VALORISATION AGRICOLE ET DYNAMIQUE DES PAYSAGES

Nous nous proposons, ici de caractériser l'agriculture de cette région de contact et montrer son évolution récente en comparant plusieurs communes du canton de Saint­ Céré situées : en Ségala-Chataîgneraie, dans le bassin de Limargue et sur le causse ; nous verrons ensuite comment est structuré cet espace rural et quels sont les pôles qui exercent une fonction régionale.

1. Population et peuplement

Le canton de Saint-Céré dans lequel se trouvent les communes étudiées couvre une superficie de 15 000 ha (150 km2), soit moins de 3 % (2,87) de la surface du Lot et il regroupe 7462 hbts (en1982 contre 7208 en1975), soit 5% (4,78) de la population lotoise. Les densités sont donc plus fortes dans cet espace en atteignant 50 h/km2 (49,74) contre seulement 30 pour le département (53 pour Midi-Pyrénées et 104 pour la France).

POPULATION ET STRUCTURES AGRAIRES DANS LA RÉGION DE SAINT CÉRÉ

Frayssinhes Saint-Lauren Saint-Céré Autoire (SÉGALA) (PIÉMONT) (LIMARGUE (CAUSSE) (CAUSSE)

Superficie (en hectares) 1 215 1 084 1 133 715 2 375

Population 177 831 3758 272 448

Densité (Hab/km2) 14,5 76,5 331 38 19 Pourcentage d'actifs agricoles 52,4 17 3,2 23 72 S.A.Utilisée totale (Ha) 618 495 676 404 1189 dont en F.V.D (Pourcentages 72,5 comparés 1970/1988) 89,1/59,1 78171,2 71,3 / 69,7 89,7 / 60,7 72,5 / 72

Exploitations totales 27 34 51 22 43 dont à temps complet 22 (80%) 23 (67%) 33 (64%) 10(45%) 23 (53%)

Superficie moyenne (Ha) 22,9 14,6 13,5 18,4 29,7

Prix moyen des terres 22 500 21 000 24 700 17 000 12 500 (en francs par hectare, 1992)

Superficie (en hectares) - Irrigable 54 / 68 / 43 - Irriguée 27 / 36 / 5 - Drainée 22 / 34 26 0

Les densités, dans l'ensemble, sont basses, largement inférieures à la moyenne française (104) sauf dans la commune de Saint-Céré où elles sont trois fois supérieures ; cette dernière est urbaine, peu étendue et déborde à peine sur les versants moins peuplés qui l'encadrent. Deux secteurs ont de faibles densités bien que plus fortes que la moyenne lotoise : le rebord du causse avec Autoire (38) et la bordure orientale du bassin avec Saint-L_aurent-Les-Tours (76,5). Dans le premier cas, le finage se confond avec la reculée sauf vers l'est où il déborde sur le causse ; les bons terroirs des basses pentes et le fond de la vallée ont retenu les hommes mais ce sont surtout les apports extérieurs de personnes travaillant hors de la commune mais y résidant qui expliquent le maintien ou l'accroissement des densités . Dans le second cas, c'est le deuxième élément

Cahiers Nantais n° 40 201 d'explication qui domine. Les deux communes marginales de Loubressac et Frayssinhes traduisent nettement les oppositions de densités humaines entre le causse, le Ségala et le bassin. Les finages sont étendus, notamment sur le plateau caussenard, mais les hommes y sont rares. On retrouve donc sur un espace réduit un résumé du peuplement du Lot associant des secteurs ruraux peuplés, vallées du Lot et de la Dordogne, Limargue ici, et des étendues presque vides d'hommes correspondant aux plateaux calcaires et à la moyenne montagne de socle.

On remarque que les finages strictement caussenards ou ségalins sont les plus agricoles puisque plus d'un actif sur deux travaille dans ce secteur ; l'absence d'autres activités due à la petite taille des chefs-lieux et à leur relatif éloignement de la ville dominante peuvent l'expliquer. En revanche, Autoire où la déprise a été forte et où un certain nombre de maisons ont été rachetées par des personnes extérieures à la commune (parfois étrangères) et souvent rénovées, a vu son pourcentage baisser fortement. Les exploitations à temps complet représentent 45 % du total et 53 % à Loubressac, ce qui montre bien la nécessité de chercher ailleurs des compléments de revenus. Le même phénomène s'observe à Saint-Laurent qui devient une banlieue pour les Saint-Céréens lancés à l'assaut des pentes sur lesquelles ils font bâtir des maisons individuelles de qualité ; ainsi, Saint-Céré a perdu 296 habitants entre 1982 et 1990. Saint-Laurent en a gagné 216. Ces transferts s'expliquent par la proximité et les facilités d'accès, par le coût modéré des terrains constructibles, par le site embrassant le bassin et par l'exposition S-SW sur des pentes stables et ensoleillées. Cette extension se fait aux dépens d'anciennes parcelles agricoles délaissées et elle provoque un phénomène de rurbanisation. Paradoxalement ce processus a un effet positif sur l'agriculture : il élimine les micro-parcelles de pentes devenues constructibles ; la vente de ces dernières permet à leurs propriétaires, soit d'acheter de bonnes terres dans la bassin comme le faisaient autrefois les caussetiers dans la vallée de la Dordogne, soit de moderniser ou d'agrandir leur domaine en rachetant leurs terres aux exploitants âgés ou tournés vers d'autres activités. Les exploitations à temps complet y présentent le pourcentage le plus élevé derrière Frayssinhes, en Ségala.

2. Les structures d'exploitation

Le total cantonal des exploitations est de 433 dont 37 % à temps partiel ce que l'on retrouve à Saint-Céré même (36 %) et, comme on vient de le voir, à Saint-Laurent (33 %). La situation est très différente à Loubressac (47 %) et à Autoire (55 %) où parfois plus de la moitié des exploitations ne sont plus à temps complet. Frayssinhes se place à part avec les 4/5èmes de ses exploitations demeurant à temps complet. La concurrence d'autres activités industrielles ou de services dans le bassin, les difficultés économiques des exploitants, le coût élevé des aménagements destinés à entretenir ou valoriser les terres, l'isolement dans le cas de Frayssinhes, commune classée en zone montagne, permettent de comprendre ces disparités.

Une autre do.nnée permet de caractériser globalement cet espace agricole, la surface agricole utilisée (SAU) ; elle représente pour le canton, 8 186 ha (54 % de la superficie totale) et une moyenne par exploitation de 19,2 ha. (Lo : 9 090 exploitations en 1990 contre 14 107 en 1970 pour une taille de 22,5 contre 16,4 ha) . Le pourcentage

Cahiers Nantais n° 40 202 de SAU par rapport à la surface totale varie de 45 % à St-Laurent à 60 % à Saint-Céré. Les tailles des exploitations vont de 13,5 ha en moyenne à Saint-Céré, à 29,7 ha sur le causse, à Loubressac. Les concurrences pour l'occupation des sols, la pression foncière qui en résulte, leurs qualités variables et leurs inégales aptitudes, les aménagements dont ils font l'objet et les types d'exploitation et de production, expliquent pour l'essentiel ces variations. On retrouve cela dans le prix des terres qui traduit à la fois le dynamisme d'une région agricole donnée et les potentialités agronomiques de ses terroirs. Les contrastes sont ici forts puisque nous sommes dans une région de contact où les caractères des milieux sont nettement différenciés ; ainsi le prix des terres en francs par hectare (moyenne des terres labourables et des prairies naturelles) montre un rapport de 1 à 3 entre la vallée de la Dordogne et le causse : 31 200 F/ha contre 12 500 F/ha (données de 1992). Les prix restent élevés car la plupart des agriculteurs, face aux contraintes de zonages imposées par la P.A.C, ont choisi de s'étendre, notamment en Ségala-Châtaigneraie ; le Limargue se trouve en position intermédiaire à 24 700 F l'hectare devant le Ségala à 22 500 F. On peut voir ainsi que la qualité agronomique des sols n'est pas le seul critère pris en compte ; la pression foncière forte dans les vallées a parfois provoqué un morcellement des parcelles, la nature des productions à base de cultures permanentes, légumières le plus souvent, et la possibilité d'irriguer, font monter les prix.

A l'inverse, le causse n'attire guère. Seules les dépressions karstiques, dolines et vallées sèches, offrent quelques possibilités de labours. Le reste sert de terrains de parcours aux moutons et aux chèvres sur des sols peu épais, couverts de landes à genévriers. Les productions animales caprines mais surtout ovines sont dominantes au sein d'exploitations semi-extensives qui doivent être vastes pour être viables.

Le Ségala se maintient et le prix des terres a progressé depuis 1986 ; les productions se sont diversifiées , des vergers ont été plantés sur les versants les mieux exposés, l'élevage hors-sol est de plus en plus fréquent dans une région de contact gastronomique, réputée pour ses volailles et sa charcuterie et les exploitations, en se mécanisant, se sont étendues. Les exploitants sont moins nombreux mais plus jeunes, plus productifs et peut-être plus novateurs qu'autrefois ; l'image d'un Ségala enfermé dans ses archaïsmes semble dépassée, surtout à proximité de son «piémont» occidental dont le dynamisme lui profite.

Le faire-valoir direct (exploitation des terres par les propriétaires eux-mêmes) reste partout dominant, représentant en moyenne les deux tiers des superficies exploitées, mais il a reculé depuis 30 ans et ce, de manière très inégale :

- certaines communes ont connu des variations trentenaires négligeables (moins de 5 points) ; Saint-Céré et Loubressac par exemple. On peut penser dans le premier cas que le bon rapport des terres, la possibilité de mener des productions spéculatives qui peuvent s'adapter aux aléas du marché et provoquent peu de transactions foncières alliés à un équilibre structurel précocement trouvé, n'ont pas nécessité de réajustement. Pour Loubressac, l'analyse est différente ; un équilibre existe mais il résulte d'un accroissement incessant des surfaces exploitées qui se fait en achetant des terres

Cahiers Nantais n° 40 203 labourables et en louant parallèlement des terrains de parcours ou des prairies. Les départs d'exploitants âgés, sans successeur, jouent le rôle de soupapes de la pression foncière en alimentant le marché des terres agricoles et en permettant parfois l'installation de nouveaux paysans. - ailleurs, les variations ont pu être plus fortes, entre 5 et 15 points sur trente ans. Cela est visible à Saint-Laurent et au niveau cantonal ; cela traduit le souci des agriculteurs d'avoir une plus grande souplesse d'action afin, comme on l'a vu pour Saint-Laurent, de vendre certaines parcelles constructibles pour investir ensuite dans des moyens de production (bâtiments pour l'élevage des volailles par exemple), et étendre leurs exploitations en recourant au fermage si cela s'impose. - enfin, les variations ont été importantes (près de 30 points) pour Frayssinhes et Autoire. A chaque fois, on constate que le faire-valoir direct était écrasant en 1970 et traduisait un certain retard lié aux contraintes du milieu, un système agraire routinier et un vieillissement des exploitants peu enclins à s'étendre ; l'évolution a été d'autant plus spectaculaire qu'elle a commencé tardivement, et elle se poursuit. Les modes de faire­ valoir mixtes se sont imposés en réponse à la réorientation des exploitations ; à Autoire, extension des prairies, des céréales, des vergers et des cultures sous serres avec recul du nombre de têtes des troupeaux de chèvres entraînant la progression du couvert forestier sur les versants de la reculée ; ou encore remplacement des céréales aux rendements aléatoires soit par des prairies bien arrosées destinées à l'engraissement des bovins ou à la production de lait, soit par des parcelles couvertes de tunnels légumiers ou plantées en pommiers, à Frayssinhes.

UTILISATION DU SOL ET PRODUCTIONS AGRICOLES DANS LA RÉGION DE SAINT-CÉRÉ

Frayssinhes Saint-Laurent Saint-Céré Autoire Loubressac (SÉGALA) (PIÉMONT) (LIMARGUE) (CAUSSE) (CAUSSE)

Utilisation de sol (en hectare~ - ST 448 325 469 324 906 - Terres labourables 128 154 154 65 249 - Cultures permanentes 42 16 31 17 37 - Terrains de parcours 179 153 168 142 612 - Bois et forêts 216 153 201 76 264

Cultures principales (en hectares) - Céreales 22 69 43 41 130 - Fourrages 99 80 102 22 114 - Légumes 6 5 26 1 1 - Vigne 1 9 6 4 3 - Fleurs I I 2 I I

Cheptel (nombre de têtes) - Bovins 767 619 833 707 225 - Ovins 1 295 111 860 209 7 453 - Caprins I 18 I 176 489 - Porcins 982 20 26 16 3 - Volaille 852 6 649 861 1564 3 907

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3. L'utilisation du sol et les productions

Les STH (surfaces toujours en herbe) dominent partout et vont de pair avec une grande place de l'élevage ovin ou bovin. Les terrains de parcours sont étendus sur le causse, destinés aux moutons à viande à Loubressac (développement du label «agneau fermier du Quercy») et aux bovins, pour la production de veaux de lait à Autoire et dans la vallée. L'élevage du porc s'est développé sur le Ségala pendant que le bassin perpétuait la production des veaux et se faisait une spécialité d'engraissement des agneaux.

Les terres labourables arrivent ensuite ; d'extension médiocre sur le causse et le Ségala, elles deviennent proportionnellement plus importantes dans le bassin et sur le finage de Saint-Laurent. Fourrages et céréales occupent l'essentiel des surfaces mais une articulation existe entre le causse et le reste de la région ; à partir d'Autoire les céréales priment avec surtout du maïs (sur les basses pentes et dans la vallée) puis de l'orge alors que Loubressac, sur le causse, produit de l'orge (escourgeon) et du blé tendre, le maïs venant ensuite du fait de la difficulté à irriguer. La vigne est présente partout mais elle a régressé et occupe des surfaces faibles, limitées aux versants les mieux exposés, atteignant 9 hectares à Saint-Laurent et 6 hectares à Saint-Céré, elle alimente quelques pressoirs privés ; les coteaux de , quelques kilomètres plus au nord, produisent un petit vin de pays dont la diffusion, ordinairement confidentielle, s'accroît à la belle saison par la consommation des touristes de passage . Enfin , les cultures de légumes destinées en priorité aux marchés locaux et à l', ne deviennent vraiment significatives qu'à l'ouest de Saint-Céré ; les jardiniers produisent des tomates, des salades, des asperges ainsi que des choux, des poireaux et des oignons ; les fruits rouges existent dans le bassin mais n'occupent des surfaces étendues qu'à l'est du Limargue (traduisant une extension depuis le bassin de Brive) dans la vallée de la Cère où l'on a planté des fraisiers entre les vergers de noyers et en aval, avec les groseillers de la vallée de la Dordogne.

Ces types de production ont nécessité le recours à l'irrigation, principalement par aspersion, particulièrement développée dans le bassin. Saint-Céré possède ainsi 10 % de sa surface agricole utilisée irrigable ; cela se fait pour l'arrosage du maïs, par pompage dans la Bave canalisée ou dans les canaux secondaires, des systèmes plus perfectionnés et moins dispendieux étant utilisés par les maraichers pour les cultures sous serres. En revanche, la topographie sub-horizontale nécessite souvent de drainer certaines terres argileuses imperméables facilement engorgées lors des fortes pluies et proches des cours d'eau. Les proportions de terres irrigables sont moins élevées ailleurs puisque Frayssinhes atteint 8,7 % et Loubressac 3,6 % de la SAU. Il s'agit alors, soit de compenser les pertes liées à la rapidité du ruissellement sur les pentes des champs cultivés, soit de maintenir une humidité constante dans les prairies artificielles et les parcelles de cultures fourragères afin de permettre plusieurs coupes entre mai et septembre tout en accroissant les rendements.

On a donc pu constater que se juxtaposaient sur un espace restreint trois types principaux d'aménagements et de productions agricoles mais qu'en fait la disposition et la topographie des versants, l'exposition, les pratiques culturales et l'inégal dynamisme

Cahiers Nantais n° 40 205 des exploitants qui doivent faire face parfois à la progression des espaces bâtis et à l'attraction des centres urbains proches, introduisent de multiples nuances dans ce paysage et l'enrichissent.

III. SAINT-CÉRÉ : PRINCIPAL CENTRE À STRUCTURE URBAINE DU BASSIN

Le département du Lot a un fort taux de ruralité (population vivant dans des agglomérations de moins de 2 000 habitants), 66 % (le plus élevé de la région Midi­ Pyrénées) et les villes de grande taille sont absentes ; l'expansion urbaine a été tardive et limitée malgré un peuplement et une mise en valeur précoces. Cahors n'atteint pas 20 000 habitants, Figeac 10 000, Gourdon 5 000 ; à Saint-Céré, la population communale diminue, passant de 4 089 habitants en 1975, à 4 056 en 1982 et 3 758 en 1990 (populations sans double compte). Elle regroupe pourtant près de la moitié de la population cantonale et forme le principal noyau urbain de ce secteur ; seule la petite conurbation de Bretenoux-Biars avec 3310 habitants, dont la croissance se poursuit actuellement et qui profite de sa position et de la bonne santé de ses industries agro­ alimentaires avec les confitmiers Andros et Boin, constitue un pendant à son influence. A l'ouest, sur le causse, Gramat qui compte 3 530 habitants s'individualise et commande un espace plus homogène, plus étendu mais moins riche car exclusivement caussenard .

Saint-Céré a connu un développement tardif puisque la cité naît vers le VIIIème siècle en contrebas du château de Saint-Laurent, alors Saint-Serenus, placé sur une butte-témoin à 306 mètres d'altitude ; ses tours abritent depuis 1991 un atelier-musée exposant les travaux du tapissier Jean Lurçat qui y vécut de 1945 à 1966. Ce type de site perché se retrouve fréquemment en Limargue, dans la vallée de la Tourmente plus au nord, entre Brive et Vayrac, avec l'un des châteaux des comtes de Turenne ou au sud­ ouest de Bretenoux, avec la forteresse de Castelnau. Passées les difficultés du bas Moyen-Age, la ville s'étend dans la plaine en l'aménageant et en maîtrisant l'eau ; elle profite d'une durable période de paix pour prospérer et jouir de sa situation de carrefour entre Limousin, Auvergne et Quercy ; cela se marque dans l'architecture de la ville imprégnée de l'esprit de la Renaissance mais qui conserve une sobriété proche du monde rural dont elle tire en partie ses ressources ; le château de Montal, construit au XVJème siècle, en témoigne avec discrétion. Le cœur médiéval, encerclé par un boulevard qui suit le tracé des remparts supprimés au XIXème siècle, a conservé des ruelles étroites séparant des maisons à encorbellement dont les façades modestes dissimulent souvent de splendides cours intérieures. Précocement dotée de franchises et libertés municipales, la ville devînt un centre de foire pour les campagnes environnantes et développa les échanges avec les provinces voisines, l'Auvergne et l'Aquitaine.

Sa situation prévalut sur son site de fond de vallée sujet aux inondations et fermé par un vaste amphithéâtre au sud-est, haut de 400 à 500 mètres et seulement percé de routes difficiles vers Sousceyrac et l'Auvergne ou vers , Figeac et la vallée du Lot. Sa croissance en souffrit et son influence régionale s'en trouva limitée, reportée vers le bassin et les rives du causse. Le cloisonnement spatial explique en partie cela car il a

Cahiers Nantais n° 40 206 favorisé la dissémination des petits centres urbains dans un cadre rural où la variété des terroirs offrait de multiples possibilités de cultures. Il permet aussi de comprendre la précoce mise en place d'une micro-société bourgeoise à armature d'artisans et négociants un peu repliée sur elle-même ; Saint-Céré mit longtemps à s'en départir et il fallut attendre les années cinquante et l'échec du mouvement poujadiste qui naquit ici, dans l'anière boutique d'une librairie de la ville suite à la bévue d'un agent du fisc trop zêlé, pour que les mentalités changent définitivement.

Cela eut des conséquences plus grandes quand la ville refusa au XIXème siècle successivement, d'être sur le tracé de la grand-route (qui devint la R.N.20) puis d'accueillir la ligne de chemin de fer Paris-Aurillac par Brive, qui fut construite au nord en longeant la vallée de la Cère. Cette mise à l'écart a certes préservé le cadre mais pose à la ville de réelles difficultés d'insertion dans son département et sa région ainsi que de croissance économique hors des services traditionnels.

Son relatif isolement lui imposa de posséder très tôt des ateliers et des usines pouvant fournir les maté1iels nécessaires aux campagnes voisines ; l'omniprésence de l'eau facilita l'implantation de moulins le long de la Bave et certains sont encore visibles en pleine ville. Ces équipements alliés à un savoir-faire reconnu ont permis, à l'époque contemporaine, la création d'usines de mécanique par exemple (usine SERMATI employant 240 salariés en 1992) et le développement d'autres activités dans les secteurs de l'agro-alimentaire, du cuir et du bois. Ce mouvement d'industrialisation se prolongea vers le nord et la vallée de la Cère puis s'étendit vers la Dordogne ; un processus semblable concerna la vallée du Lot au sud cette fois. Ainsi, l'essentiel du mouvement d'industrialisation du nord du département se fit dans les cantons de Saint-Céré, Bretenoux, Vayrac et Souillac. Les principaux foyers naquirent sur des espaces de contact entre des milieux complémentaires, élément commun à toute la bordure occidentale du Massif Central et particulièrement visible dans cette région. Ainsi, les industries sont presque toujours un hélitage de l'ancienne métallurgie liée aux dépôts sidérolithiques ou des activités m1isanales associées autrefois à l'exploitation des forêts et de l'énergie fournie par les rivières sur les marges du socle et des terrains sédimentaires.

L'objectif affirmé aujourd'hui par les collectivités locales est de promouvoir un «Arc Industriel» entre Figeac et Saint-Céré qui mette en relation les deux vallées latitudinales et favorise un renouveau du Haut-Quercy. Il s'agit aussi de maintenir des emplois industriels de bon niveau en milieu rural et d'éviter une tertiarisation excessive. Il s'agit en fait d'une tentative de réanimation de la notion géographique qui a guidé notre réflexion : celle de «région de contact». On retrouve cela dans la disposition du réseau urbain où les villes de marges, Brive, Saint-Céré, Figeac et Villefranche-de­ Rouergue tracent un remarquable alignement sub-méridien qui a pu bénéficier des anciennes routes de migrations et de peuplement qui suivaient les causses et des grandes vallées au contact du Massif Central.

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CONCLUSION

Cette étude a permis de montrer que cet espace, même s'il reste à dominante rurale, ne s'est pas enfermé dans un processus régressif fréquent sur les marges occidentales du Massif Central. Il souffre pourtant des mêmes maux : un manque d'axes de communication transversaux, un cadre physique contraignant mais aménagé, une population agricole qui vieillit, des activités industrielles en crise lorsqu'elles sont restées traditionnelles, un tertiaire supérieur sous-représenté et un tissu urbain trop lâche où les villes prennent souvent l'allure de gros bourgs ruraux.

En revanche, les atouts pouvant permettre un renouveau semblent ici plus nombreux que dans les régions voisines, du Limousin ou de l'Auvergne par exemple:

- la région est dotée d'un patrimoine touristique exceptionnel ; ce critère, à première vue subjectif, ne l'est plus lorsqu'il faut vendre une image de qualité pour un produit donné. Elle joue aussi quand il s'agit d'attirer du personnel qualifié qui n'est pas indifférent au climat, aux loisirs offerts ou aux «affaires» immobilières. La proximité du futur aérodrome de Brive-Cressensac avec des vols quotidiens pour Paris et l'achèvement attendu de l'autoroute A20 Brive-Montauban, sont des atouts supplémentaires. - la diversité des terroirs et les grandes possibilités de diversification des productions apportent une certaine liberté d'action aux agriculteurs les plus dynamiques et maintiennent un pourcentage d'actifs parfois élevé dans le secteur agricole ; l'effet d'entraînement sur le commerce en milieu rural est bien connu et freine son transfert vers les centres urbains les plus proches. - le tissu industriel s'est diversifié et concerne des domaines spécifiques qui semblent moins sensibles à la crise ou qui sont trop spécialisés pour être fortement concmTencés au niveau national. - le tourisme enfin, ne s'en tient plus à la contemplation inerte des paysages mais a été réorienté vers une participation accrue des touristes à la réussite de leur séjour, en ouvrant l'éventail des activités proposées quitte à succomber parfois à la mode en tolérant quelques nuisances.

Cette région de contact qui offre un cadre de vie attractif ainsi qu'un terrain d'investigation géographique complet pourra donner lieu ultérieurement à d'autres études thématiques.

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BIBLIOGRAPHIE

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