Thèse De Doctorat
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TH ÈSE DE DOCTORAT de l’Université de recherche Paris Sciences et Lettres PSL Research University Préparée à l’Ecole des hautes études en sciences sociales Quel futur pour le passé ? Mémoire contemporaine : le retour aux temps mythiques. Ecole doctorale n°286 ECOLE DOCTORALE DE L’EHESS Spécialité Histoire et Civilisations COMPOSITION DU JURY : M. Ogilvie Bertrand Paris VIII, Rapporteur M. ORY Pascal Paris I Panthéon-Sorbonne, Rapporteur M. Hartog François EHESS, Membre du jury Soutenue par Christophe RIME le 18 janvier 2018 h Dirigée par Stéphane Audoin- Rouzeau « Savoir se souvenir de l’avenir » Bernard Noël Pour Leslie Mae Pour nos enfants À la mémoire de Jean-Claude Favez R EMERCIEMENTS Les inventeurs Mes remerciements vont tout d’abord au Professeur François Hartog, lequel accueillit de manière affable la proposition d’un inconnu, sortie tardivement des « marges », lequel était venu lui soumettre un projet ambitieux qui ne proposait rien de moins que de travailler dans la continuité de quelques aspects d’une thèse qu’il avait contribué à formuler, le présentisme. Il prêta une oreille attentive et critique au projet au sujet duquel il ne manqua pas de faire valoir une expertise sévère, laquelle m’a forcé à prendre conscience de la démesure de ce projet de thèse que je venais lui soumettre. Toutefois, le choix du directeur de thèse n’était pas fortuit. Mon éveil à l’histoire s’est construit en grande partie par ses ouvrages interposés alors que je n’étais qu’au début de mes études universitaires, en histoire antique, égyptologie et histoire contemporaine à l’Université de Genève. Chacun de ses travaux agit alors comme un choc brutal, et à la fois, comme une injonction à mieux comprendre la chose historique. Dès lors, la compréhension de l’obligation d’une approche mêlée de regards croisés, au minimum métissés entre histoire et anthropologie, s’est imposée à ma conception de ce que devait être un dialogue historique de qualité. De même, j’y ai trouvé la formulation d’une exigence fondamentale à tout propos qui se voulait historique, soit ce va-et-vient permanent entre passé et présent, comme cet aller-retour constant entre les multiples temps de l’histoire, enjambant et croisant l’analyse de l’histoire antique et celle du temps présent. Puis, plus récemment, au moment où se faisait jour l’idée d’un travail sur le temps présent, les ouvrages tels que Régime d’historicité, Croire en l’histoire ou encore La chambre de veille, trois livres de nature fort différente, mais tout trois véritablement initiateurs et dynamiques, ont permis à une idée confuse de trouver ses balises de réflexion. Le temps de l’acmé se présentait. Pour toutes ces raisons et bien plus encore, le Professeur Hartog tient donc une place particulière dans la genèse et l’élaboration de cette recherche, celle des ouvreurs de chemin. Pour toutes ces actions, je le remercie vivement. — 2 — Ensuite, Karel Bosko, que je tiens pour mon premier maître véritable à l’Université de Genève. Du moins le premier à m’avoir révélé l’immensité des contraintes et contingences de l’écriture et de la pensée historiques, laquelle à nulle autre pareille ne peut être comparée. Grand pédagogue au savoir immense, il a été le correcteur des ébauches de textes qui furent mes premières tentatives d’organisation d’un discours historique. Le premier également, il l’a été, à m’avoir montré toute l’insondabilité et la puissance de cet instrument de pensée qu’est l’histoire, panoptique, englobant tant le micro que le macro, migrant allégrement entre désir de Weltanschauung et l’obligation manifeste de se rapprocher du terrain, comme du régional. Le premier, il l’est assurément à m’avoir subtilement fait comprendre que même si le propos historique se doit de reposer sur un appareil de notes sans faille, sur une méthodologie pointue, l’érudition scientifique n’est pas tout et qu’il est un subtil entre-deux à trouver où s’élabore une pensée problématisée, un propos dialectique, lequel n’a pas nécessairement besoin de prouver et de clore la démonstration. Qu’il trouve ici autant de marques chaleureuses confirmant la dette contractée à son endroit. Le capitaine-mentor Patrice Delpin – que dire si ce n’est qu’il symbolise le compagnon de route, en même temps que le guide par excellence, celui sans lequel une grande partie des chapitres présentés au long de cette thèse n’aurait tout simplement pas pu être exhumée des tréfonds de ma pensée. Plus qu’un correcteur infatigable et attentif, aussi implacable que pointu, il fut bien souvent l’initiateur de nouvelles réflexions, de formulations neuves sur des points de vue classiques. Un fertilisateur en somme. Cette thèse ne saurait formuler au plus près tout ce qu’elle lui doit depuis plus d’une dizaine d’années de collaboration, lesquelles ont grandement contribué à faire mûrir et à entretenir ma réflexion sans jamais que mon attention historique ne se relâche. Qu’il reçoive ici les remerciements que seul un disciple peut adresser à un maître. Cette thèse est un peu la sienne. Mes remerciements vont également aux généreux relecteurs du manuscrit – Sylvia Delpin, Alain Froidevaux – qui ont raturé, barré, souligné les différentes épreuves du texte pour me suggérer ici et là, de nouvelles formulations. Ce livre a également beaucoup mûri grâce à Pierre- Etienne Glauser, Philippe Ruffieux, Miguel Quintana et Frank Fredenrich, leurs regards scientifique, méthodique, extérieur et leur grande culture générale venant souvent disputer mes idées parfois confuses, pour le meilleur. Pour toutes ces discussions sur la pratique de l’histoire en tant que discipline, j’ai contracté une dette particulière envers eux. — 3 — Une pensée particulière pour l’historien Stéphane Audoin-Rouzeau, lequel accepta de se joindre à cette aventure singulière, sans la moindre hésitation et avec la profondeur bien connue de son expertise, laquelle n’a pas manqué de faire bouger avec pertinence l’angle d’analyse avec lequel j’envisageais l’objet de cette thèse jusqu’à notre rencontre. Le regard que je portais alors sur la thématique de la mémoire s’en est trouvé considérablement enrichi au gré de notre collaboration. De nouveaux champs d’investigation, ainsi que de nouvelles perspectives de travail en ont surgi, rendant mon travail plus cohérent, plus abouti. Finalement, à mes étudiants, source intarissable de regards à la promesse d’interrogation sans cesse renouvelée. Dans l’obligation qui m’a été faite de leur délivrer un message cohérent, synthétique et maîtrisé, je fus toujours plus poussé à comprendre la nature profonde, complexe de la discipline que je leur enseignais. Cette tension permanente a été l’une des dynamiques majeures qui m’ont fait me plonger dans l’épistémologie historique. — 4 — R ÉSUMÉ ET MOTS CLÉS Résumé Depuis plus d’une trentaine d’années, l’histoire, et plus généralement les sciences sociales, apparaissent comme bousculées sur leurs assises, brutalisées sur leurs acquis, heurtées jusque dans leurs concepts et leurs méthodes. Cela n’aura échappé à personne, l’histoire, ce métarécit de véridiction, est en perte de vitesse, en proie à une désorientation manifeste. Il semble que ce qu’annonçait Jean-François Lyotard, dans son ouvrage identifiant le postmodernisme en 1979, soit en passe de trouver des conditions favorables de réalisation. À quels phénomènes est due cette métamorphose frappant l’histoire ? Quelles sont les racines de cette mutation de la place des savoirs dans la société ? Est-ce dû à une forme d’accélération de l’histoire, aux déstructurations imposées par le mouvement de la globalisation, ou à ce simultanéisme auquel il soumet un monde de plus en plus connecté ? Sont-ce les crises multiples et de tous ordres qui entraînent également l’histoire dans le tourbillon créé par cette tyrannie du présent que l’historien François Hartog a identifié comme le présentisme ? Ce monde en mutations profondes, lesquelles redéfinissent la place des savoirs au sein des collectivités occidentales, laisse songeur. Quel futur restera-t-il pour le passé ? Quel est l’avenir de la discipline scientifique historique ? Les objectifs de cet essai engagent plutôt à comprendre ce qui est à l’œuvre et se confronte à l’histoire comme discipline, comme rapport au passé également, comme régime d’historicité surtout. Dans cette perspective, l’indice le plus révélateur, le plus signifiant et le plus directement identifiable de cette perte de repère est l’ère de la mémoire qui s’est installée en Occident, depuis la deuxième moitié du XXe siècle. Excès de mémoire qui a assez rapidement mené au mémorialisme, et à la politique de la mémoire, au polymémorialisme et à l’hypermnésie enfin. Histoire et mémoire, mémoire et histoire. Le débat qui questionne la relation chahutée entre ces deux ennemis complémentaires ne semble pas neuf, pourtant le surgissement massif de la mémoire, au cours du deuxième vingtième siècle, jette les cartes d’une nouvelle redistribution des enjeux, des attentes et usages sociaux du passé, dans ce présent hyperprésent. Une réflexion critique, entre mémoire et histoire, parce qu’il « faut ouvrir un futur au passé », comme l’écrivait le philosophe Paul Ricoeur. — 5 — Mots clés Histoire, Mémoire, Mémorialisme — 6 — A BSTRACT AND K EYWORDS Abstract For the last thirty years, history, and more generally social sciences, have been upset in their foundation, their knowledge brutalized and their concepts and methods attacked. It has not eluded anybody that this meta-narrative of veridiction which is history, has been losing momentum, prey to blatant disorientation. It seems that what Jean-François Lyotard announced in his work identifying postmodernism in 1979, is on the verge of finding favourable circumstances of realization. Indeed, history, as one of those meta narratives, whose future loss of credibility was predicted by the philosopher, is showing worrisome signs of debilitation of its position of authority within Western contemporary societies.