CENTRE UNIVERSITAIRE MANDE BUKARI WORLD RESOURCES- INSTITUTE CUMBU WRI

WORKING PAPER

DECENTRALISATION ET RESPONSABILITÉ DANS LES MODES DE GESTION DES RESSOURCES NATURELLES ET DES REDEVANCES Y AFFERENTES. LES BOURGOUTIERES YALLARBE DE

Par

Dr NAFFET KEITA Anthropologue

CENTRE UNIVERSITAIRE MANDE BUKARI (CUMBU)

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Bamako – MALI

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Résumé

Au Mali et plus particulièrement dans la région du Delta intérieur du Niger, l’environnement se dégrade et les enjeux sur le foncier augmentent. L’Etat, depuis plus d’une dizaine d’années, a vu sa légitimité et ses ressources fortement diminuées ; des transformations sociales et politiques ont lieu et ou continuent d’avoir cours : la démocratisation des systèmes politiques et la décentralisation. Pour les nombreux acteurs de la scène locale, la préservation et la gestion des ressources naturelles (RN) sont aujourd’hui définies com me une priorité. La tendance générale qui se dégage concernant le comportement des acteurs est de chercher à réaliser cet objectif ; en reconnaissant aux institutions communales un rôle central dans la gestion de l’espace-ressource. Cette approche se conçoit dans la perspective de la décentralisation comme renforcement des pouvoirs locaux à travers la dévolution d’attributions qui se traduit par la responsabilité (accountability : l'obliga- tion qu'a une institution ou un acteur prenant des décisions de rendre compte de sa gestion). En outre, elle comporte des enjeux en matière d’appropriation de la tenure foncière, de la répartition des pouvoirs et de la sécurisation des populations sur l’espace-ressource. La première partie de ce texte traite de la diversité et la complexité de l’espace-ressource à travers les pratiques des acteurs et les enjeux qui se dessinent. L’examen de ces questions nous permet de mettre en parallèle les dispositions réglementaires régissant les ressources naturelles avec les textes législatifs édictant les principes de la décentralisation En deuxième lieu, nous étudions l’état actuel d’avancement des innovations et l’impact de ces innova- tions sur la gouvernance locale. Cette étude nous permet d’avoir une idée plus précise sur l’effectivité des transferts de compétences et l’impact de ceux-ci sur la vie des acteurs locaux à travers les arran- gements institutionnels en rapport avec les pouvoirs et les acteurs qui les ont instaurés.

Mots clés: décentralisation environnementale (DE), ressources naturelles (R.N.), pouvoir, acteur, res- ponsabilité, conflit, subsidiarité, co-exploitation et intercommunalité. NAFFET DRAFT 3

SIGLES :

- Adéma : Alliance pour la Démocratie au Mali - BDIA : Bloc pour la Démocratie et l’ Intégration Africaine - CC : Conseil Communal - CDF : Code Domanial et Foncier - CE : Comité Exécutif - CM : Conseil Municipal - CMLN : Comité Militaire de Libération Nationale - CNID : Congès d’Initiative Démocratique - COCAN : Comité d’Organisation de la Coupe d’Afrique - COPPO : Collectif des partis de l’Opposition - CP : Charte Pastorale - CTD : Collectivités Territoriales Décentralisées - DNCN : Direction Nationale de la Conservation de la Nature - DRAER : Direction Régionale pour l’Aménagement et l’Equipement Rural - DRAMR : Direction Régionale d’Appui au Monde Rural - DRCN : Direction Régionale de la Conservation de la Nature - FENU : Fonds des Nations Unies pour l’Equipement - GREM et GLEM : Groupes Régionaux et Groupes Locaux d’Etudes et de Mobilisation - MDRE : Ministère du Développement Rural et de l’Environnement - MDRI : M ission de la Décentralisation et de la Réforme Institutionnelle - MPR : Mouvement Patriotique pour le Renouveau - PA : Plan d’Action - PDR : Parti pour la Démocratie et la Rénaissance - RACE : Recensement Administratif à Caractère Electoral - RAMAT : Rassemblement Malien pour la Travail - RA : Recensement Administratif - RDT : Rassemblement pour la Démocratie et le Travail - RGPH : Recensement Général de la Population et de l’Habitat - RN : Ressources Naturelles - RP : Ressources Pastorales - SDDR : Schéma Directeur du Développement Rural - SDE : Services Déconcentrés de l’Etat - SLACAER : Service Local d’Aménagement, de Contrôle et d’Equipement Rural - SRC : Service de la Réglementation et du Contrôle - TPI : Tribunal de Première Instance - UDD : Union pour la Démocratie et le Développement - UDPM : Union Démocratique du Peuple Malien - UICN : Union Mondiale pour la Conservation de la Nature - USRDA : Union Soudanaise du Rassemblement Démocratique Africain - VSF : Vétérinaires Sans Frontières

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Décentralisation et responsabilité dans les modes de gestion des ressources naturelles et des redevances y afférentes : les bourgoutières1 Yallarbé de Youwarou.

Au moment où le Mali, à l’instar d’autres pays du Sahel, s’engage dans la décentralisation2 - une notion clé de la gouvernance locale - de certains pouvoirs de gestion des RN auprès des CTD, la question du statut des RP et de leurs conditions d’exploitation est plus que jamais d’actualité (Thébaud 2001:162).

Cette décentralisation est sous-tendue par un transfert de compétences ; or la responsabilité dérive de la dévolution de pouvoirs. La responsabilité circonscrit les contours d’un partenariat de travail entre les principales parties prenantes. Cela en vue d’assurer la durabilité et l’équité dans la gestion des RN à travers une gestion ouverte et concertée. Un tel partenariat engage, aujourd’hui, trois groupes d’acteurs : communautés locales, institutions communales et institutions étatiques3.

L’étude de cas qui illustre le présent texte porte sur les bourgoutières Yallarbé4 du cercle de Youwarou, et particulièrement la commune du même nom. Le cercle de Youwarou est situé, dans la région de

Mopti (5eme région administrative du Mali), à l’extrémité nord du Delta intérieur du Niger qui couvre une superficie d’environ 3O OOO km² en période de crue. La région est par excellence une zone de pêche ; elle se prête, également, à l’élevage et à la riziculture. Actuellement dans le Delta, 70 à 80% de la po- pulation sont agriculteurs, 20 % vivent exclusivement de la pêche et 4 % pratiquent permanemment de la pêche (Vedeld 2001). La gestion et l’organisation de ces activités ont fait l’objet d’une appropriation

1 Le bourgou est une des ressources clés de l’élevage dans la région - Delta central et Boucle du Niger – Le bourgou est une graminée (Echinocloa Stagnina) à très haute productivité biologique (plus de 100 tonnes de matière verte ou 10 tonnes de matière sèche à l’hectare) qui pousse dans les plaines et cuvettes inondées par la crue annuelle du fleuve Niger, les bourgoutières. Il est un fourrage naturel de très haute valeur nutritive pour le bétail. 2 La décentralisation consiste en un transfert de l’autorité, de pouvoirs discrétionnaires et de responsabilités à des unités territoriales locales (CTD), gouvernées par des corps élus qui se chargent des affaires d’intérêt général avec un haut degré d’autonomie financière et administrative. Ces organes restent soumis à un contrôle de tutelle de la part de l’Etat, dont les modalités varient (contrôle a priori ou a posteriori) (Jacob et Blundo 1997 : 3 ; Ribot 2000 : 5). La DE a lieu lorsque le pouvoir de gérer les RN est transféré aux autorités locales et responsables vis-à-vis des populations locales (cf. le thème lancinant de la participation qui traverse les dernières décennies). La DE rend possible la convergence entre deux concepts politiques : le choix public et la participation populaire au développement. La DE est donc une forme institutionnalisée de l'approche participative (Manor 1999 ; Crook et Manor 1998 ; Agrawal et Ribot 1999). Contrairement à la déconcentration qui renvoie à la décentralisation administrative (les services de l'Etat et leurs démembrements) ; elle est le processus par lequel un gou- vernement central délègue des parcelles de pouvoirs à ses représentations locales – services déconcentrés - la DE se fonde sur l'interaction de trois éléments principaux: acteurs, pouvoirs et responsabilité (des dirigeants et des dirigés). 3 Les trois types d’autorité rencontrés sur le terrain sont : les autorités traditionnelles qui ont toujours existé et sont recon- nues par les populations, les autorités administratives d’Etat et les autorités élues (conseillers communaux). 4 Aujourd’hui, ce que nous appelons leyde Yallarbé a une superficie de 1 568 km2 et est subdivisé en cinq (5) sous-leydi qui ont pour nom: Buuli, Busamba, Nayi Fowru, Nyeebi et Hoore Debbi. Il s’étend de Sorme au lac Débo, des limites méri- dionales de Jallubé, Ténenkoun et Togueré Coumbé en passant par Walado. NAFFET DRAFT 5 mystico-religieuse de la part des groupes5 les plus anciennement installés en vertu du droit de première occupation, du droit de conquête, etc. Le pouvoir qui a cours dans le milieu est soit mystique soit mythi- co-lignager (rapport aux divinités d’eau, transmission lignagère de ce rapport) ou impérial (autorité ayant attribué le pouvoir). C’est ainsi que nous rencontrons les maîtres d’eau (ji tigi), de terre (dugukolo tigi) et de pâturage (dioro). Malgré l'intégration de la zone dans les royaumes et empires précoloniaux, qui a modifié bien des composantes de la gestion des ressources, ses fondements essentiels basés sur l’autorité religieuse et morale des détenteurs de maîtrise, ainsi que leur savoir-faire traditionnel n’ont pas été fondamentalement altérés pour autant. Les systèmes fonciers locaux (coutumiers ou tradition- nels) sont fondés sur une logique du territoire : l’ensemble des relations entre un groupe et une (ou des) autorité(s), dans un espace (Gruenais 1986 :309-325). Cet espace est multidimensionnel, il forme un ensemble de « forces sacrées » et de pouvoirs idéologico-religieux. Le territoire du groupe est la zone de compétence d’une autorité sociale reconnue. Là, un ensemble de relations (familiales, lignagères, clientèles, patronages, etc.) et de règles (islamique, coutumière et droit moderne) de gestion fonctionne.

Ces règles et relations sont perçues comme signifiantes, et où une (ou des) institutions et autorités sociales (ji tigi, dioro et dugu kolo tigi) sont reconnues comme compétentes par les communautés. Leur compétence est notamment en rapport à la gestion et la supervision des relations des hommes avec la terre et les RN. Ces systèmes fonciers sont forts complexes, dotés d’efficacité et de capacités d’adaptation réelles (Hesseling et Ba 1995) : les systèmes fonciers locaux sont en transition ; s’ils pren- nent racine dans le passé dont ils tirent, pour une grande part, leur légitimité et leur efficacité relative, ils sont aussi branchés sur le présent et s’ouvrent sur l’avenir.

Depuis plus de deux décennies, les bourgoutières Yallarbé ont retenu l’attention des acteurs de la vie publique. L’attention a porté sur la précarité des droits pastoraux et le rôle déterminant de l’interventionnisme étatique. Il s’est étalé de la période coloniale jusqu’au début des années 19916 et s’est traduit par l’instauration progressive d’un climat d’incertitude entourant les droits fonciers des pas-

5 Les groupes ou détenteurs de maîtrise ont mis au point une organisation qui a su résister des siècles durant et assurer ainsi la reproduction harmonieuse des hommes et des ressources (Fay 1989 ; Quensière et al. 1994 ; Kassibo 1996). 6 Elle s’est traduite par la domanialisation des ressources. NAFFET DRAFT 6 teurs (domanialisation des RN et son corollaire une politique d’aménagement du territoire aux concep- tions souvent très éloignées de la réalité pastorale et des législations foncières peu favorables à l’élevage – les pâturages, au statut foncier ambigu, résistent mal à la pression des défrichements -).

L’influence d’un tel interventionnisme sur les utilisateurs directs est très contrastée sur les plans de l’accès et l’exploitation de l’espace-ressource. En g énérale, les RP ne constituent pas, au sens strict, des biens privés faisant l’objet de droits d’usage exclusifs détenus par des individus : «l’exploitation des

RP relève donc d’une logique très particulière : celle de l’économie de partage» (Thébaud op.cit. :164).

Dans les faits, le partage des RP avec d’autres usagers est perçu à travers le prisme déformant de la législation moderne et à considérer la propriété privée et individuelle comme l’ultime étape de l’évolution de la maîtrise de l’homme sur la terre. Ainsi, l’utilisation en commun des ressources ne serait qu’une forme transitoire de tenure foncière destinée à évoluer vers une privatisation nécessaire de la terre. Au demeurant, les bourgoutières du Delta central génèrent des ressources financières substantielles. Ainsi, de perception de redevances obligatoires autrefois (ardubé, Dinah), la gestion des bourgoutières res- semble aujourd’hui à une levée de rentes foncières. L’utilisation de ces ressources financières s’avère problématique surtout avec le découpage communal de 19987. C’est dans cette logique qu’un groupe de recherche a été mis sur pied par le WRI8 pour mettre en évidence les arrangements institutionnels qui régulent effectivement les processus de confrontation et de négociation des différents groupes d’acteurs locaux à propos de l’usage et du contrôle des RN – ou qui émergent de ces processus -. C’est dire que l’étude se veut un cadre d’exploration de la gestion des pâturages : rendre intelligibles les pou- voirs qui y ont cours et tracer les contours de l’équité (disposition à respecter les droits de chacun, im-

7 Initialement, le découpage a donné 701 communes. Aujourd’hui, ce chiffre ne cesse de croître. 8 Le travail de recueil de données sur le terrain s’est étalé sur près de neuf mois (août 2000 en mai 2001). Le présent texte a été rendu possible grâce aux critiques et indications de nombre de personnes dont nous tairons, ici, les noms. L’approche méthodologique a consisté à observer le quotidien des acteurs (gestionnaires traditionnels, usagers, conseillers commu- naux, services déconcentrés de l’administration). Cela se traduit par l’analyse de contenu des discours et représentations de nos «informateurs», discours et représentations qui sont à la fois supports et matériaux de notre propre analyse, tiennent ici une place centrale (de Sardan 1984). L’approche historique a constitué de ce fait le second appui de la méthode que nous avons utilisée. En plus, nous avons utilisé alternativement l’analyse documentaire et les entretiens semi-dirigés. Ensuite nous avons établi un parallèle entre les événements marquants dans la gestion de la ressource et l’évolution actuelle (dé- centralisation, communalisation - communaliser, c’est mettre sous la domination des communes ; la communalisation, ici, renvoie au transfert de toutes les compétences que l’Etat n’avait pu gérer efficacement -). NAFFET DRAFT 7 partialité), la responsabilité et la gestion durable des RN. En outre, nous avons analysé les dispositions réglementaires et législatives régissant les RN. Ceci, pour anticiper les solutions qu’exige la responsabi- lisation des acteurs dans le processus d’une gestion concertée : favoriser l’accès, l’optimiser la RN en- tre gens du « terroir » et préserver leur durabilité.

1. L’histoire socio-politique de l’accès et du contrôle des bourgoutières Yallarbé :

Dans tout le Delta intérieur du Niger l'exploitation et la gestion des ressources fourragères demeurent l'affaire des groupes sociaux autochtones spécialisés, partageant souvent malgré eux, cette tâche avec certains STD (commandement et la conservation de la nature) et des usagers (allochtones et étrangers).

1.1. Les ressources, caractéristiques, distribution physique et gestion :

Les RN du Delta sont constituées de pâturages, d’eau (fleuve – affluents et défluents -, lacs et mares ) et de champs de culture. Le premier trait commun à ces ressources est leur « saisonnalité » (Cissé et Togola

1996). Seule la terre cultivable semble poser des problèmes de disponibilité, encore qu'à certains endroits, des aménagements sont nécessaires pour son utilisation concrète et profitable. Là où elle existe, elle fait l’objet d’une négociation âpre et renouvelable chaque année. Le second trait commun à ces ressources est leur distribution spatiale : leur présence ou leur abondance varie d'un site à un autre. Ainsi certains sites permettent la confluence des activités (agriculture, élevage et pêche) alors que d'autres ne le permettent pas ; de même que la présence des points d'eau commande le mouvement des animaux. Les caractéristiques des ressources (abondance ou non, distribution saisonnière ou spatiale) déterminent leur exploitation (modalités et conditions d’accessibilité). Cependant, le rôle joué par les groupes sociaux dans cette détermination n'est pas négligeable : elle est liée aux configurations socio-professionnelles, ethniques et les rapports de pouvoir qu’ils ont pu négocier dans la société.

L’un des points communs qui ressort de toutes les études sur la zone Delta porte sur la définition et la répartition des groupes de producteurs en présence. Cette caractérisation est circonscrite par trois facteurs : ethnicité, spécialisation professionnelle et milieu naturel ou la trilogie (eau, herbe et terre)

(Gallais 1984; Schmitz 1986 ; Fay 1989i, 1989ii ; Quensière et al. 1994, etc.). Si les espaces NAFFET DRAFT 8 administratifs ne correspondent pas aux espaces de production c’est parce qu’il est partagé entre groupes ethnico-professionnels en secteurs de production : les éleveurs Peul occupent alternativement le Seno et le bourgou; les agriculteurs (Rimaïbé et Marka) sont installés dans les cuvettes rizicoles et les

Bambara sont sur les bordures sèches ou plaines exondées (riziculture inondée ou pluviale)9 et enfin les pêcheurs Bozo et Somono sont sur le fleuve ou dans les plaines inondées, les lacs et les mares

(Fay 1989i:160). L'espace pastoral du Delta intérieur serait essentiellement caractérisé par une forme d'andodromie pastorale : les parcours sont occupés de façon séquentielle par des groupes différents qui peuvent ne pas se retrouver aux même endroits ; la nature et les objectifs de leurs activités font d'eux des usagers traditionnels d'un même espace : cela favorise l’interpénétration et le dynamisme des groupes sur l’espace en fonction de l’antériorité ou du lien avec les chefferies de fondation et ou de gestion. Ces chefferies ont eu la spécificité d’influencer particulièrement les pratiques ou la vision des populations dans la gestion des RN. Ainsi apparaît la juxtaposition du rapport entre pouvoir, territoire, mode d’exploitation et groupes d’acteurs. C’est dans cette superposition d’activités et de droits10 qu’apparaît la complexité du foncier. Cette caractérisation est informée par les conquêtes successives du Delta qui ont marqué ou perturbé l’ordre d’attribution des territoires ou des terroirs.

1.2. La superposition d’usages différents dans l’espace-temps :

Historiquement trois moments circonscrivent l’organisation et la gestion de l’espace pastoral: la préco- loniale, la coloniale et la postcoloniale. La précoloniale décrit les mouvements de conquête effectués par les ardubé pour s’approprier les pâturages et leur organisation en leydi11 et en sous-leydi12 dirigés

9 Nous avons les cultures sèches : mil et sorgho et l’agriculture de décrue. 10 Nous avons les droits suivants : droit coutumier, droit musulman, droit dit moderne, etc. (Schmitz 1986 : 349-394 ; Lund 1996 :135-150). Lund caractérise cette situation par le dualisme ou le pluralisme juridique. Elle se traduit formellement par la mise en scène d’un ou des acteurs en position d’autorité (traditionnelle ou politique). Ces acteurs ont la possibilité de jouer sur plusieurs registres en fonction des contextes. Cette présence est informée par la prépondérance du fait politique dans ledit milieu. Ainsi, ces « politiques » ont la possibilité d’intercéder, non seulement, auprès des gestionnaires traditionnels et des usagers mais aussi, ils peuvent court-circuiter l’administration à travers ses structures qui gèrent le foncier. L’important est d’exercer une sorte d’influence sur la ou les structures qui gèrent et ou exploitent la ressource. L’influence doit produire des libéralités en terme de reconnaissance et de légitimité pour ces acteurs qui intercèdent. 11 Selon Schmitz (1986 : 349), « le leydi est apparu avec la domination Peul, (il) désigne l’extrémité des aires de transhu- mance situées à proximité des fleuves et fréquentées en saison sèche par les troupeaux bovins qui s’y alimentent grâce aux restes végétaux des cultures de décrue (Fuuta Tooro) ou aux pâturages de décrue – burgu – (Maasina) ». En résumé, nous disons que le leyde est un domaine pastoral ou un territoire de parcours qui comprend trois éléments: un groupe d’éleveurs dominants, leurs troupeaux et ceux de leurs alliés et un espace assujetti à certaines règles foncières. Un leyde peut renfer- NAFFET DRAFT 9 par des chefs (militaire et pastoral); ensuite son organisation par la Dinah et enfin l’institution des seuls

Yallarbé13 comme les gestionnaires attitrés.

1.2.1. Sékou Ahmadou s’est appuyé sur le Coran (le code de la Dinah) et les affinités socio-culturelles et géographiques pour organiser l’élevage et gérer le terroir de la façon suivante : il a imposé aux n o- mades (Peul et Bozo) la sédentarisation et cela a eu pour résultat une réorganisation des mouvements de transhumance. Pour cela, Sékou Amadou (1818-1862) a non seulement respecté le partage des ardubé, il a aussi organisé les bourgoutières en prévoyant les pistes de passage des animaux (burti), les zones de séjours des animaux (billé). En plus, il a prévu et « consacré » les différents mouvements des troupeaux au cours de l’année (Ba et Daget 1962 : 83-101 ; Schmitz 1986 : 358). Ainsi les fractions se sont sédentarisées en (dounti), en fractions de petite transhumance (benti) et en fractions de grande transhumance (garti), confiées aux bergers; la Dinah précise les itinéraires de transhumance et

établit leur calendrier. Le groupe de transhumance egguirgol est organisé militairement avec un enc a- drement et des effectifs réglementés. Les entités Peul n’ayant pas un domaine pastoral traditionnel

étendu à la périphérie du Delta, aux cuvettes profondes, placent leur cheptel derrière les premiers et constituent un échelon de l’egguirgol. A la tête des egguirgol se trouve un dioro, responsable du dérou- lement de la transhumance et du respect des règles de gestion et d’accès des pâturages (nous y re- viendrons); enfin, la Dinah a établi des entités territoriales. Ces territoires réunissaient divers éléments géographiques et les unités sociales nécessaires à leur fonctionnement (Ba et Daget, 1962). Un fait d’importance est de noter que la victoire militaire de la Dinah a été consolidée par la restructuration de l’espace politique à travers la délimitation de frontières entre les leydi, l’attribution des titres de cheffe-

mer plusieurs espaces pastoraux dépendant des familles identifiées (par rapport à leurs troupeaux) et des communautés villageoises. Schmitz en a dénombré une quarantaine et J. Gallais (1984) en a compté trente-sept (37). 12 Chaque subdivision est coiffée par un amiru nayi (représentant du dioro et chef d’un egguirgol – troupeau -). Les amiraabe nayi avaient la double vocation militaire et pastorale. En l’absence du dioro, un amiru nayi (généralement celui de Buuli – amiru mawdo) coordonne les activités des autres amiraabe-nayi et rend compte; ce chef est aussi coiffé par le dioro. La tradition nous signale que les cinq amiraabe nayi appartenaient au même suudu-baaba que le dioro. Ils sont Yallarbé, des hommes de confiance mais pas des ardubé. Les amiraabe nayi prélevaient et perçoivent encore le tollo (droit de pacage) dont ils envoient une partie au dioro. 13 Bien avant la Dinah, les Yallarbé, une composante des Peul de Youwarou, n’étaient pas les seuls gestionnaires des pâtu- rages. Avec les conquêtes de la Dinah, les Yallarbé payèrent un lourd tribut de sang. La Dinah devenue victorieuse, leur conféra la gestion. Cette disposition a été maintenue et continue d’avoir cours aujourd’hui. NAFFET DRAFT 10 ries locales à des lettrés musulmans et le règlement des rivalités entre groupes d’éleveurs (Schmitz

1986 : 358). Cette tenure foncière semblait régler les rivalités internes à la société Peul et sécurisait par là-même les animaux en transhumance. Théoriquement, le leyde comprend un pâturage réservé aux benti, le harima, des pâturages pour le petit bétail et des pâturages de profondeur (bourgoutières) pour le stationnement prolongé du gros bétail. Ainsi la Dinah a établi une correspondance socio-culturelle affirmée entre fraction Peul – egguirgol – bourtol – leyde (cipea/odem op.cit. ; Clément 1949 ; Diakité

1993). Ainsi la primauté de l’ordre pastoral s’est traduite par la nécessité de trouver une forme harm o- nieuse de gestion de ces riches pâturages et terres de culture. Cela parce que les ressources étaient convoitées par les autochtones et les nouveaux arrivants. La stabilité était donc dans le respect des règles de gestion pour permettre la coexistence des systèmes dominants de production. Selon les in- formations recueillies, l’institution du dioro a é té initiée par les ardubé, guerriers païens et dont le chef

était Canbanja14. Elle a été popularisée par la Dinah à travers le réaménagement de l’espace pastoral : le découpage des leydi et la formation des harimaaji [le pouvoir théocratique favorise les lettrés musul- mans (Cadi ou chef religieux) qui se voient propulsés comme gestionnaires]. Ces dispositions ont per- mis la sédentarisation des pasteurs Peul au XVem siècle (Ba et Daget 1962). En soumettant les ardubé,

Sékou Ahmadou a procédé à une rationalisation légale de la ressource et son exploitation. Dès lors, le leyde apparaît comme un territoire administratif et militaire. C’est ainsi qu’émergea la figure du dioro. A la différence des maîtres de terre, de chasse et d’eau, le dioro n’assure aucune fonction rituelle liée à un culte. Cette fonction étant assurée dans la société Peul préislamique par le Saltigui ou Siltigui (maî- tre des initiés) ou par l es amiraabe nayi (Clément 1949; Diakité 1993; Kassibo 1996; Maïga et Diallo

1998). Il assure la gestion des bourgoutières. Celle-ci consiste en la répartition, la distribution des zones de pâturages. Il préside l’entrée des animaux dans l’espace pastoral qui relève de sa gestion; la pré-

14 Il faut noter avec Me Dembélé (1997:105-111) que: «tous les leydi du Delta central ont été répartis entre les différentes familles de la communauté Peul sous le règne des ardubé. Bien avant l’arrivée des ardubé, existaient déjà sept grands troupeaux: Naye Hadi, Teti Sabaré, Horè Niali Koumbé, Horè Dioudi, Peli Dioli, Horè Debedji et Horè Loundi. Ensuite la Dinah et enfin le mouvement expansionniste Toucouleurs en créèrent ». A l’époque des ardubé, on pouvait parler de destitu- tion du dioro. Ce modèle avait été plusieurs fois remis en cause. Cette pratique de destituer le dioro était ressentie par la communauté comme une usurpation, un acte arbitraire d’un droit d’honneur. Cette organisation a survécu au règne des ardubé jusqu’à l’avènement de la Dinah. NAFFET DRAFT 11 séance est de rigueur, son troupeau est le premier à y accéder. Il fixait, e n accord avec son patriclan, la quotité et la répartition des redevances (tollo, droit de pacage). Le dioro maintient la paix et la stabilité dans son espace pastoral, il règle les différends entre les membres de son patriclan; il préside la ré- union du groupe avec lequel, il doit planifier la progression des troupeaux sur leur espace pastoral; il admet ou non les animaux étrangers (Diol Dioli) au même titre que les animaux de son patriclan (cette clause est assortie d’une concertation préalable avec le chef des terres). Il accorde des zones d’exploitation agricole aux riziculteurs. En période d’exploitation du bourgou, il y a une concertation et un accord tacite entre les différents dioro et sous-dioro : coordonner l’accès, la répartition et l’utilisation du bourgou pour qu’il y ait le moins de conflits possibles. Si à chaque troupeau est consacrée une place en rapport avec la préséance de la famille et du patriclan du dioro, la durée de présence des animaux dans les pâturages est fonction de l’appréciation de chaque éleveur. Il est donc issu de cette commu- nauté d’éleveurs qui s’est battue auprès des ardubé de l’époque (Canbanja, chef politique) afin de conserver l’espace territorial comme propriété familiale (Clément 1949 ; Diakité 1993). Cette commu- nauté relève de l’assemblée des chefs de lignages du leyde (suudu baba). Elle nomme le dioro à partir des critères simples et précis: l’appartenance à l’un des lignages, le lien avec le troupeau initial, l’âge, etc. En pareil cas, la succession paraît fort simple a u regard des critères mentionnés ci-dessus. La suc- cession suit l’ordre collatéral, agnatique ou ascendante. Dans le cas des familles polygamiques, l’ordre de succession renvoie au droit d’aînesse du patrilignage. La filiation de succession (Dinah) est violée depuis, c’est la succession père-fils qui semble prendre le pas sur le principe de la filiation frère-frère.

Ainsi d’un côté, nous avons les formes de l’Etat moderne et de l’autre on loue la formation dynastique.

Cela n’est pas sans influence sur la cohésion des groupes qui gèrent les RN; une cohésion de plus en plus entamée15. A ce niveau de notre analyse, notons que la Dinah a instruit trois ordres

15 Depuis plus d’une décennie, certaines subdivisions du leyde sont réfractaires à l’autorité du dioro. L’exemple le plus frap- pant est le cas de Nyeebi. La décentralisation est venue renforcer cette tendance de manière insidieuse (nous y reviendrons aux pages suivantes). NAFFET DRAFT 12 d’arrangements institutionnels : les leydi (bourgoutières familiales16) pour les dioro ; les beit-el-mal17 ou pâturages en déshérence pour l’Etat (la communauté) et les harimaaji18 ont été généralement cédés aux villages de lettrés. Ces arrangements ont permis l’autonomisation des dioro par l’institution des taxes qui fournissent des acomptes à l’Etat, de même que les rezzou et les guerres sont mieux maîtri- sées : c’est l’avènement de l’Etat « moderne ». L’Etat n’a jamais été absent de la gestion des RN. La multiplication actuelle des gestionnaires corrobore l’entrisme étatique.

D’après ce qui suit, les prescriptions de la Dinah ont subsisté et ont, par conséquent, informé ce mou- vement réformateur puissant qui a su donner une certaine stabilité et séc urisation foncière aux grands propriétaires d’alors. Ici, une observation s’impose, la situation dans le Delta diffère des autres régions du pays. Dans le Sud du pays, le droit coutumier attribue de vastes espaces de brousse à un individu, un groupe de familles ou un village. Ces terroirs sont exploités d’abord par les villageois et leurs des- cendants, ensuite attribués par consensus à des étrangers de passage ou voulant s’installer provisoi- rement ou définitivement. Dans les régions sahariennes, occupées principalement par les Touareg et les Arabes, l’organisation de l’espace est extrêmement légère. L’espace ne fait pas l’objet de droit fon- cier d’aucune sorte si ce n’est les points d’eau aménagés par des individus. Les parcours pastoraux délimitent de fait d’approximatifs territoires pastoraux et tribaux, ils s’enchevêtrent et se superposent en certains lieux. Les seuls droits traditionnels portent sur les puits qui appartiennent à la collectivité ou aux individus qui les ont forés. C’est par ce biais que certains « droits d’usage » peuvent être revendiqués sur les terres qui les entourent. A y regarder de près, les techniques d’élevage diffèrent d’une zone à

16 La région du Delta comporte les leydi suivants: Dialloubé Jenneri, Wuro Sebera, Wuro Hari, Wuro Yero, Wuro Ali, Leydi Diafarabé, Leydi Swengo, Leydi Cubi, Leydi Kootiya, Leydi Komongallu, Leydi Cooki Nyaaso, Leydi Wuro Ngiya, Leydi Taa- raaji, Leydi Jamali Doogo, Leydi Jallubé Burgu, Yallarbé, Sossobé, Salsalbé, Togge Hamadi, Wuro Modi, Murari, Boodi Kubay, Daiebe et Naayo Awdi, Nuruube Cikam, Uuruube Duude, Kunari (les cinq) leyde et Feroobe Wuro Nema. 17 Les beit-el-mal sont des terres cédées en jouissance à ceux qui la travaillent. Le propriétaire réel peut être soit la chefferie d'un village ou soit l'administration officielle (représentant de l'Etat) ; aujourd’hui, elles n’existent presque plus dans le Delta. 18 Le harima est le pâturage communautaire réservé aux vaches laitières et aux bœufs de labour, après une période de bonne pluviométrie, le fauchage du bourgou y est autorisé. Ce sont des pâturages spécifiques, interdits à la culture et aux animaux « étrangers » ; ils relèvent d’un village ou d’un groupe de villages et ne fonctionnent qu’en début de saison sèche (Cissé 1988). La gestion relève essentiellement des chefs de villages, de leurs conseillers et des fois de la chambre d’agriculture comme c’est le cas à Youwarou. NAFFET DRAFT 13 une autre (Traoré 1995:10; Digard, Landais et Lhoste 1995; Cissé et Togola 1996; Keita 1999: 66-73 ;

Berge 2001 :182-207).

1.2.2. L’administration coloniale admet la Dinah (convention n° 88, 1904). En maintenant les chefferies locales et les règles d’administration locale ; il oblige ainsi les chefferies à fournir la main-d’œuvre et des recrus pour l’armée, l’administration coloniale discrédite ainsi ces autorités et leur capacité à gérer les ressources mises en commun (Hesseling et Coulibaly, 1991 ; Coulibaly et le Roy, 1990). Autrement dit, les chefferies et les dioro n’ont pas une position officielle ; elles sont maintenues avec des marges de manœuvre réduites sur la gestion de la ressource. Les limites des réformes a dministratives ne correspondaient plus et pas toujours avec le découpage administratif des cantons. Ainsi nombre de villages des Yallarbé ne faisaient plus partie du canton de Farimaké-Youwarou-(Cipea / Odem 1982: 2).

Au cours de cette période la position du colon s’est traduite dans un mouvement de balancier de recon- naissance et d’ignorance des gestionnaires traditionnels. En 1904, l’administration coloniale déclare les terres non mises en valeur comme faisant partie du domaine privé de l’Etat. Ensuite, on encourage l’appropriation privative des ressources ce qui inaugure la transformation des territoires pastoraux en espaces pour las agriculteurs à terme. Ce processus ouvre l’espace-ressource à de nouveaux arrivants

(agriculteurs et éleveurs) à travers l’institution d’un laisser-passer administratif (1919). La nouvelle poli- tique intègre les populations du Delta dans l’économie - monde et foule ainsi au pied les règles de ges- tion coutumière (accès et exclusion). Ce sont les Français qui introduisent la conférence régionale sur les bourgoutières et qui fixe les dates, les points d’entrée et les modalités d’accès à la ressource. Les colons n’ont pas tardé à réviser cette disposition et à opter pour les conventions locales19.

1.2.3. Avec le Mali indépendant, la gestion des bourgoutières a subi les assauts du nouvel Etat. Nous notons l’hibernation camouflée de l’autorité des chefferies et gestionnaires traditionnels par le décret de

1963 qui prône la domanialisation des terres, des eaux et des pâturages : donc une reconduction tacite des premières dispositions coloniales.

19 La colonisation a signé plusieurs conventions portant sur la gestion et l’attribution des terres à pâturages, notamment dans les 5e, 6e, et 7e régions (dans le Delta et le long du fleuve). La dernière date du 16 juillet 1947 (Grandet, 1958:25-46). NAFFET DRAFT 14

Contrairement à la situation qui a prévalu au Sénégal (les leydi du Fuuta Tooro), l’Etat malien a encou- ragé l’expansion de l’agriculture dans la zone. L’une des conséquences de cette politique serait que les points de passages (burti et billé) ont été obstrués par des rizières et la libération des Rimaïbé (escla- ves cultivateurs). Paradoxalement, au même moment, les populations continuaient non seulement à conférer à l’autorité des dioro et sont demeurées des agro-pasteurs. De 1960 à nos jours, il y a eu de nombreuses dispositions réglementaires (lois, décrets, arrêtés) pour gérer le foncier pastoral. Certes, cela ne doit point nous empêcher de nous pencher sur certaines dispositions et en saisir les dynam i- ques et contradictions20. Avant cela que recouvrent les enjeux de la DE pour Youwarou?

2. Constitution des communes du cercle de Youwarou :

Youwarou, avant d'être érigée en commune21, a été chef-lieu d'arrondissement et de cercle. Le rôle stratégique que Youwarou a joué sur le plan politique, pendant les périodes pré et post-coloniale, mérite qu'on s’y arrête un peu. Longtemps intégrée dans des entités géopolitiques dominantes, elle est deve- nue cercle, sous le nom de baptême de « cercle du grand lac » en 197922. D’une superficie de 7 139 km², le cercle a une population s’élevant à 81 828 habitants dont la tranche d’âge la plus importante et la plus active (14 à 59 ans) constitue plus de la moitié (50 293). La zone est parmi celles qui ont le plus grand nombre d’imposables de la région de (31 629 personnes soit 38,18%)23.

2.1. Avec la loi n° 96-059, nous dénombrons dans le cercle sept communes, toutes rurales: Youwarou,

Farimaké, Bimbré Tama, Sah, Dongo, et . Avec le découpage communal, le cercle a perdu ses principaux centres économiques dont Attara et une bonne partie de Ouro N’gia. Le décou- page s'est réalisé dans un cadre qui devrait harmoniser le choix des populations à se regrouper en

20 Ici, nous n’allons pas énumérer toutes les dispositions législatives ou réglementaires; simplement nous référer à un texte, qui complète d’ailleurs le présent sur le sujet : Thierno Diallo. 2001. Le cadre juridique de la gestion décentralisée au Mali. Draft: Cumbu-WRI. 21 La commune rurale de Youwarou comprend vingt-deux villages qui sont : Ouro, Homboloré, Koïra, Gourèye, Sakamara, Simassi, Faffou, Roubéré, Yagoro, M’baradou, Diolly, Kangourou, Tanna, Kadigui, Banguitta, M’banadjé, Walado, Enguem, Aouré, Ouamam, Prisse et Dienna. . 22 L’ordonnance n° 77-45/CMLN du 12 juillet 1977. 23 Les différentes données statistiques sont tirées du RA effectué au Mali en 1996. Certes, nous n’avons pas fait référence au dernier RGPH 1998 et au RACE 2001; les données sont provisoires et les services techniques compétents n’ont pas fini de traiter les différentes rubriques. Bien qu’étant provisoires, certaines données du RGPH nous ont été d’un grand apport par exemple: le nombre de concessions (12 089 pour le cercle et 2 526 pour Youwarou commune); de ménages (16 600 ménages/cercle et 3 935 pour la commune) et de la population actuelle (cercle: 82 319 habitants - commune de Youwarou: 21 434 soit 10 428 hommes pour 11 006 femmes). NAFFET DRAFT 15 communes. Les critères24 ont été largement expliqués aux populations par les GREM et les GLEM afin de les guider objectivement dans leur prise de décision. Les arrondissements qui devaient, au premier abord, se transformer en communes ont été morcelés entre des entités nouvelles dont la viabilité éco- nomique pose problème. Les six (6) arrondissements (Youwarou central, , Dogo, Ghati-Loumo,

Guidio et Sah) qui composaient le cercle ont donné naissance à sept communes. Si les nouvelles communes ont adopté les anciennes dénominations cantonales, elles n’ont pas pour autant choisi les anciens pôles de pouvoir comme chef-lieu. Ceci donna lieu à de nombreux tiraillements entre anciens et nouveaux pôles de pouvoir, des défections et des reconstitutions de nouvelles entités communales sur la base d'intérêts hégémoniques culturels ou purement économiques. D'où l'intérêt qu'elle suscite sur le double plan de la décentralisation et de la problématique de la gestion des RN par les acteurs locaux (à travers les pouvoirs et l’aspect responsabilité qu’elle recèle).

2.2. La commune rurale de Youwarou :

La commune avait 18 726 habitants en 1996 (RA), soit 5 personnes par ménage (RGPH 1998) avec plus de 177 pirogues, 110 charrues et 69 charrettes (RA). La commune compte quatre secteurs de développement, vingt-trois associations et une ONG (l’UICN). Les pêcheurs représentent 34% de la population; les éleveurs 29% et les agriculteurs moins de 50% (Henry 1994 : 124).

Le chef-lieu de la commune rurale est constitué de deux villages distincts: Ouro (constitué essentielle- ment de Peul, Rimaïbé, Diawambé ou Diawando et Gnégno - griots et forgerons) et Homboloré25 (es- sentiellement formé de Bozo et Somono); y sont présents d’autres groupes ethniques comme les Bam- bara par exemple. Ces entités (Peul et Somono) ont évolué séparément au cours de l'histoire en main- tenant un bicaméralisme au niveau du fonctionnement des instances traditionnelles de pouvoir, bien que relevant des mêmes aires politico-administratives au sein desquelles elles ont été intégrées

(royaumes, leydi, cantons, cercles, etc.). Chacune des deux entités revendique l'antériorité d'installation

24 Les critères mis en avant par la MDRI sont les suivants : les critères socioculturels, le critère démographique, les critères de distance et d'accessibilité, les critères de viabilité économique, les critères géographiques et spatiaux (1998). 25 De hombolbé qui signifie Som ono en pular. NAFFET DRAFT 16 ainsi que les droits de maîtrise y afférents : le bourgou (pâturage) pour les Peul et les eaux pour les

Somono. S’agissant de l’organisation du chef-lieu de commune nous avons :

* A Ouro, l’organisation sociale et politique est dominée par deux entités: les Yallarbé (Ba) et les Dia- wambé (N’douré). Le chef de village est assisté par un conseil à neuf (9) membres. Dans le conseil, toutes les ethnies (Peul, Diawambé) et groupements socio-professionnels tels les Gnégno (griots), les

Rimaïbé et forgerons sont représentés. Toutes les communautés sont, également, conviées en réunion

à travers leurs représentants. Cela ne doit pas nous faire oublier que ces communautés s’assemblent sans se ressembler. Ainsi à côté du quartier habité par les Peul et les Diawambé, nous avons celui des

Gnégno et des forgerons.

- Les maîtres des pâturages sont les Ba du clan Peul des Yallarbé. C’est Sékou Ahmadou le souverain

Peul du Macina, avec l’institution de la Dinah, qui a confirmé ou concédé la suprématie des Yallarbé

(Ba) sur les bourgoutières de Youwarou. C’est en reconnaissance du lourd tribut de sang versé par ceux-ci que Sékou Ahmadou leur accorda la prééminence sur les bourgoutières du même nom 26. Ainsi ces derniers ont pu accéder aux riches prairies de la cuvette deltaïque.

Les Yallarbé contrôlent exclusivement les pâturages et la distribution des terres, ils n'exercent pas la chefferie du village qui revient de droit aux N'douré du clan des Diawambé.

- Les N'douré sont les fondateurs du village de Ouro. Ils appartiennent au clan des Diawando affiliés au groupe Peul. Ils détiennent la maîtrise du sol, mais c'est le dioro qui distribue les terres situées sur les pâturages. Ils sont sédentaires et s'adonnent en majorité à l'agriculture ; ils sont aussi grands propriétai- res de bétail et entretiennent un commerce florissant. A côté des Ba et des N’douré gravitent les grou- pes de dépendants ou cadets sociaux : Rimaïbé, griots, Bellah, etc.

* Contrairement à Ouro, à Homboloré il n’y a pas de dissociation entre le gestionnaire des ressources et la chefferie du village proprement dite. La maîtrise de l’eau et le pouvoir temporel se trouvent concen-

26 Les Yallarbé ont été précédés dans la zone par les férobé (Sow), fraction issue du clan de Ouro N’gia. C’est au cours d’une altercation entre les férobé et les Yallarbé que les derniers en payaient un lourd tribut ; Sékou Ahmadou, souverain du Macina (fin XIXem siècle), a alors dépossédé les férobé au profit des Yallarbé, comme prix du sang versé.

NAFFET DRAFT 17 trés dans les mains des seuls Somono Tié Tiao. Le village a été fondé par l'ancêtre des Somono du lignage Tié Tiao. Il est nommé saare - village à population non Peul, essentiellement composé d’agriculteurs ou de pêcheurs (Ba et Daget 1962) - par le groupe Peul pour marquer la différence avec

Ouro. Le nom Youwarou viendrait d’une dénomination Peul. Ils désignaient le village par l'une de ces principales activités qui consistait à harponner le poisson. Homboloré est l’un des plus grands centres de pêche de la région de Mopti. Jusqu’à une certaine époque, la population vivait exclusivement de la pêche et ne cultivait pas. C'est bien plus tard qu'elle s’est intéressée à l'agriculture. C’est principalement le chef de village de Ouro et le dioro qui distribuent la terre. Les pêcheurs n’ont pas d’emprise terrienne réelle mais fluctuante au gré de la crue et de la décrue du fleuve et des lacs : ils sont installés près des mares, des marigots, des bras de fleuve et des lacs.

En somme, cette forme de répartition spatiale des groupes statutaires et professionnels a eu pour conséquence d’empêcher qu’un groupe n’ait l’exclusivité en matière de contrôle territorial. Ainsi, les

éleveurs (Peul) sont sur les riches pâturages des plaines d’inondation ; les Diawambé entretiennent un commerce florissant de bétail ; les pêcheurs (Somono) sont sur le fleuve et les grands affluents tandis que les Bozo sont sur les mares et les marigots ; les agriculteurs (Rimaïbé, Marka et Bambara) sont un peu plus dans les cuvettes profondes du bourgou, dans les plaines exondées. Tous ces groupes socio- professionnels et même ethniques ont accès au contrôle territorial, même limité (Schmitz 1986 :355). Si la superposition des différents groupes est une des caractérisations de la zone ; la position et les rela- tions entre les groupes procèdent des contraintes inhérentes à la gestion d’un tel espace-ressource.

Donc en plus du déterminant écologique, nous avons le déterminant historique. L’ensemble de ceux-ci informe l’organisation sociale et territoriale27 (Mathieu et Laurent 1995 : 23). La superposition de ces activités ou des usages différents sur un même espace-ressource dénote d’une bonne maîtrise d’un système complexe des eaux et l’importance des relations d’hospitalité entre les communautés riverai- nes. A la différence de Ouro, Homboloré semble plus ouvert sur les autres communautés. Pour preuve

27 Ce territoire social de relations et des institutions n’est cependant pas le seul pertinent pour la gestion des RN. C’est dire que les changements institutionnels, les enjeux fonciers et de pouvoir sont aussi révélateurs. NAFFET DRAFT 18 tous les services administratifs et assimilés sont installés sur son territoire. L’histoire du peuplement montre l’existence de groupes de lignages dominants. Ces groupes ont étendu leur monopole, non exclusif, sur l’exploitation des RN et imposés leur domination politique en vertu des droits de première occupation et/ou par la force.

* Les organes administratifs auxiliaires de Youwarou central (les villages de Ouro et Homboloré) pro- meuvent des exemples de «gestion ouverte». Les deux villages ont des conseils. Ici, la chefferie échoit

à des familles bien précises. Le chef de village est toujours assisté d’un conseil dont le nombre varie entre 9 et 10 membres, chacun représentant l’un des grands lignages ou groupes socio-professionnels.

Ceux-ci constituent le conseil de village, chargé de gérer les affaires du village. Les conseillers sont choisis par leurs lignages et groupes socio-professionnels d’appartenance respectifs. En principe, c’est l’homme actif le plus âgé qui est choisi pour le représenter, une nomination à vie. Ces conseils respec- tifs ont aussi une instance pour la gestion des RN. A Ouro, le chef de village ne se confond pas avec le gestionnaire des bourgoutières par exemple; cela n’est pas le cas à Homboloré où la personne du chef de village se confond avec celle du maître des eaux : les deux charges échoient à la même personne.

Avec le gestionnaire des pâturages, nous avons déjà noté qu’il est assisté par son patriclan et certains grands lignages de Ouro. Les règles de gestion concernant les pâturages sont édictées par ce collège

(suudu baaba) en réunion ouverte et le dioro communique cette réglementation à qui de droit (les ami- raabe nayi : sous-dioro) et en assure l’application. En plus, les chefs sont considérés comme des auxi- liaires de l’administration publique et servent d’interfaces entre celle-ci et la population. Dans cette or- ganisation, les éléments démocratiques de gestion se présentent de manière diffuse. Nous les avons appréhendés à travers ce qui suit :

* tous les grands lignages et les groupes socio-professionnels d’importance sont représentés dans le conseil du village et consultés sur les grandes questions concernant l’espace-ressource. Remarquons que le chef « traditionnel » ne peut provenir de n’importe quel lignage même si aujourd’hui, après NAFFET DRAFT 19

« l’élection » du chef par les lignages, il est légitimé par l’administration qui l’installe. Ici, la participation n’est pas assez ouverte.

* le principe d’une séparation des pouvoirs se manifeste. A Ouro par exemple, le chef politique et le chef traditionnel sont séparés, chacun s’occupant de choses différentes « le chef des hommes et le chef des animaux » note M. N’douré (chef de village de Ouro). En ce qui concerne la gestion du leyde, le conseil de village ne participe pas à l’élaboration de la réglementation. Dans la gestion de l’harima, le conseil villageois est consulté par le président de la chambre d’agriculture qui assure sa gestion;

* le principe de l’alternance est une réalité bien que sa forme renforce la prééminence de quelques groupes. Cela est inhérent à la réalité du pouvoir qui se joue dans la zone car les statuts sont dévolus à vie et la succession est strictement interne aux lignages et groupes socio-professionnels. Ainsi, le conseiller de chaque lignage sait qu’à sa mort il est remplacé par un autre membre de son lignage, qui n’est pas forcément de sa famille restreinte. D’où l’intérêt de se conduire de façon « responsable », et non de manière à favoriser les intérêts de sa famille au détriment des autres familles restreintes du lignage. S’il abuse de sa position de conseiller, sa propre famille risque d’être « pénalisée » à sa mort par son successeur. Si ces dispositions peuvent être des vécus quotidiens à Ouro, tel ne semble pas le cas à Homboloré où le lignage des Tié Tiao a une main-mise totale sur l’eau et les pêcheries ;

* les conseils des deux villages, en matière de délibération, semblent procéder sur la base du consensus. Les décisions sont prises en assemblée, après l’établissement d’un consensus. Ce genre de prise de décision peut marcher à l’échelle villageoise où la com munauté est assez restreinte et où les gens se connaissent mieux.

En somme, il est possible de cerner les éléments de gestion participative dans la plupart des villages du

Mali. Ces éléments peuvent également servir d’indicateurs de la responsabilité. En examinant le degré auquel ces systèmes sont participatifs, il est clair que les femmes et les jeunes ont beaucoup moins de possibilité. Cette graduation est plus poussée à Ouro qu’à Homboloré vu les caractéristiques des res- sources et les systèmes de production. Le suffrage paraît être quasiment limité à certaines catégories NAFFET DRAFT 20 sociales et au groupe des hommes les plus âgés. L’amélioration d’un tel système tient à l’organisation des différents producteurs allochtones et des circuits de pêche et d’élevage ; dans lesquels, les femmes et les jeunes ont élu cité, en un embryon de société civile.

2.2.1. Les acteurs clés de la décentralisation environnementale :

Nous rencontrons trois types d’acteurs : les gestionnaires traditionnels et les usagers, les services dé- concentrés et les ONG, enfin les élus communaux.

* S’agissant des acteurs élus, remarquons que le bureau CM compte dix-sept (17) conseillers. Sur les neuf (9) partis présents dans la commune (BDIA, UDD, ADEMA, PDR, RAMAT, RDT, USRDA, CNID et

MPR), seuls quatre ont participé aux municipales de 199828 et sont représentés dans le conseil com- munal : l’ADEMA (8), le BDIA (7), le PDR (1) et l’UDD (1). Deux femmes sont membres du CM.

Le dioro qui gère les bourgoutières Yallarbé se nomme Guimba Amadou Bâ ; c’est aussi lui qui est le

Maire de la commune. D’après les informations recueillies, son élection procède d’une série de coïnci- dences et d’achoppements : le consensus opéré par les différentes tendances du parti Adéma à Yo u- warou29 à l’issue de leur débâcle lors des législatives de 1997 - bien évidemment avec l’alliance concoctée avec le PDR - débâcle consécutive au parachutage d’un candidat fut-il autochtone de la commune, par la direction du parti et la division du parti en tendance - et la volonté des Yallarbé, prin- cipalement celle du dioro, de renouveler et d’accentuer son emprise sur les RP. La figure du dioro est d’abord représentative de son suudu baba et par-delà, toute la communauté des éleveurs. C’est à la

28 L’absence des autres partis s’explique par le mot d’ordre de boycott du COPPO (Collectif des Partis de l’Opposition), depuis les élections générales de 1997. 29 La tendance du secrétaire général et celle de Kassé (deux fois député de l’ancien parti unique constitutionnel – l’UDPM – et député du RDT de 1992 à 1997. Signalons que la victoire du RDT aux élections générales (municipales et législatives) en 1992 s’explique en partie par le fait que toutes les chefferies traditionnelles militaient dans ce parti. La pratique de la gouver- nance locale des élus RDT a provoqué des remous entre les gestionnaires traditionnels ; remous qui d’ailleurs étaient attisés par les élus et l’administration. M. Kassé quitta le RDT pour rejoindre l’Adéma à la veille des élections générales de 1997). Boubacar Kassé avait le soutien du CE Adéma et l’autre tirait sa légitimité des réalités locales, une pratique de vie com- mune : « je sers dans le cercle il y a de cela plus de vingt ans et nombre de cadres originaires de Youwarou sont passés entre mes mains (de l’école en passant par le mouvement pionnier et les activités de jeunesse) » et l’un de ceux qui ont mis sur place les premiers comités Adéma (de l’association au parti) : « Aujourd’hui, personne à Youwarou ne peut me traiter d’allochtone, d’étranger. Ce que j’ai abattu comme travail dans la zone peu d’originaires, d’autochtones l’ont réalisé. En plus, je suis très bien intégré dans la communauté et les autochtones me considèrent d’ailleurs comme un des leurs. Ce qui s’est passé est à mettre au déphasage entre le Comité Exécutif (CE) de notre parti et la section de Youwarou. Nous regrettons que jusque-là, le CE puisse accorder un blanc seing à certains personnages fussent-ils originaires de telle ou telle localité » remarque M. Modibo Séga Konaté (secrétaire général de la section Adéma et membre du bureau et du CC). NAFFET DRAFT 21 suite de la mobilisation d’une telle parentèle et du patriclan qu’il a pu devenir un élu de la commune de

Youwarou. L’élection du dioro à la tête du bureau communal l’illustre. Avec la décentralisation, la réma- nence des chefferies traditionnelles doit être comprise non comme une volonté politique manifeste des gouvernements de faire dérouter le processus actuel, mais une renégociation formelle de la légitimité de celles-ci. Cela s’explique par d’autres facteurs histo riques et politiques liés à l’hégémonie Peul dans le Delta: les codifications faites par la Dinah et son corollaire le clientélisme politique qui l’informe. A ce propos M. Nouhoum Tié Tiao (issu de la famille du gestionnaire des eaux et élu BDIA) est plus expli- cite : « l’établissement des listes de candidatures à Youwarou répond à une véritable géographie so- ciale. Toutes les composantes sociales doivent y figurer même si quelquefois on ne tient pas compte du poids électoral de chaque communauté ; l’attention est portée sur la tête de liste ». La forte représenta- tion des allochtones (5 conseillers) est informée par le fait que les premiers militants et sympathisants du Parti (Adéma) sont des fonctionnaires qui avaient milité dans l’ancien parti unique et viennent les familles des gestionnaires traditionnels - 5 conseillers - (eau - 3 -, pâturage - 2 -). Remarquons que l’élection de certains conseillers ne relève pas totalement de leur extraction sociale c’est-à-dire leur appartenance à certaines grandes familles mais de leur parcours dans la jeunesse de l’UDPM30. Même si la remarque de J. Ribot doit être relativisée31parce que face à certains enjeux et principalement ceux venant de l’extérieur, les sociétés inégalitaires et même segmentaires ont tendance à concentrer de pouvoirs substantiels aux mains de leurs dirigeants. En cas d’espèce, le Maire a désormais la possibilité de jouer sur deux registres (le statut de dioro et le statut de responsable politique). L’édile de Youwarou apprécie la nouvelle situation par ce qui suit : « La décentralisation et la relecture du CDF ont été salu- taires. Pour une fois, les autorités reconnaissent nos droits. Certes, des inquiétudes demeurent, puis- que nos terres sont dispersées sur plusieurs communes. L’une des raisons pour lesquelles j’ai voulu

30 Union Démocratique du Peuple Malien, ancien parti unique constitutionnel créé en 1979 et suspendu en 1991 après les évènements de mars de la même année. Ce parti comportait une subdivision importante, l’UNJM (Union Nationale des jeunes du Mali) qui était très active et dans laquelle, les jeunes devaient fourbir leurs armes à travers le mouv ement pionnier. 31 « Confier le pouvoir environnemental à des chefs traditionnels ou à d’autres autorités ou institutions administratives ne peut que renforcer leur pouvoir au détriment des autorités représentatives, ce qui ne ferait que ralentir la transition démocra- tique » (Ribot 2001i : 3). Certes, on pourrait nous rétorquer que l’auteur parle d’une dévolution verticale à des représentants désignés (approche projet) et qu’ici, la démarche est autre : elle est d’essence élective et le pouvoir est issu des urnes. Ceci relève d’un préjugé trop favorable à la démocratie libérale. NAFFET DRAFT 22 devenir conseiller vient d’être comblée car notre souhait est de participer à tout débat portant sur le foncier ».

* Pour ce qui concerne les services déconcentrés, remarquons qu’ils ont structurellement évolués de- puis 1991. Ainsi lors de la Conférence Nationale, les paysans s’en sont violemment pris au service des

Eaux et Forêts. Les Etats Généraux du monde rural ont été organisés pour imprimer une nouvelle dy- namique à l’orientation du développement rural et jeter de nouvelles bases de relations entre l’Etat et les producteurs. Les travaux ont abouti à la définition du SDDR en mars 1992. Ce choix politique, ren- forcé par l’option de décentralisation, s’est traduit en 1995 par un PA du MDRE. Ce PA devait traduire les options du SDDR en proposant une réforme institutionnelle et législative visant à concrétiser les orientations : sociale32, économique33 et écologique34. Le PA a servi de précurseur en matière de trans- fert de pouvoirs. Il a présidé à la différenciation des missions de l’Etat et de ses services déconcentrés.

Cela afin de situer les domaines devant faire l’objet de transfert de compétences vers le secteur privé, les CTD et les organisations paysannes. Aujourd’hui, cette réforme semble montrer ses limites. Pêle- mêle, nombre d’agents de ces structures nouvelles soutiennent leur non-articulation avec la politique de la décentralisation actuelle. Dans la pratique, ces structures (SRC, DNCN, SLACAER, DRAMR,

DRAER) se chevauchent et rendent inintelligibles les actions sur le terrain (Leener 1999 ; Konaté 2000 ;

Kouma 1994). C’est dire qu’entre les dispositions réglementaires et la pratique il y a tout un abîme.

Ainsi les efforts mal structurés de décentralisation compromettent à la fois la gestion de l’environnement et la recherche de l’équité, et parfois même menacent la décentralisation et la dém ocratisation locale.

* S’agissant du fonctionnement des CTD, les acteurs stratégiques n’ont pas les mêmes avis et nombre de personnes interrogées se déclarent insuffisamment informer sur la DE: c’est le retour aux cantons, la disparition pure et simple de l’Etat à travers l’administration. Ainsi traduite, la décentralisation par « le retour du pouvoir à la maison » renforce de façon subreptice l’autorité des gestionnaires. Malgré cette prégnance quelques inquiétudes demeurent : « les gens ont compris tout de travers : ils croient que

32 Responsabilisation des ruraux dans la gestion de l’environnement. 33 Développement des filières et libéralisation partielle des marchés (produits et intrants). 34 Préservation et res tauration de la biodiversité. NAFFET DRAFT 23 c’est la spoliation des biens d’autrui qu’on a décrétée. S’agissant du découpage, il ne peut y avoir un nouveau partage différent de l’ancien. Ce qu’on a hérité de nos ancêtres nous revient de droit. Si c’est pour servir l’intérêt de la population, il faut qu’on nous porte du respect : qu’on nous consulte » note

Allaye Tié Tiao (chef de village de Homboloré et ji tigi). A ce niveau, il serait prématuré et même pré- somptueux de parler d’une adaptation ou d’une accommodation des chefferies aux nouvelles institu- tions : à savoir les organes partisans (partis) et les principes de la démocratie. Certes, elles ont été les plus aptes à opérer une reconversion, à s’accommoder et à tenir fermement les rouages des nouvelles

CTD ; les chefferies ont, plus d’une fois, été confrontées à la remise en cause de leur légitimité par leurs sujets et concitoyens d’une part, et les STD à travers les diverses orientations de la politique nationale

(socialiste, clientéliste et libérale) d’autre part. Pour le chef de village de Homboloré : « la décentralisa- tion a contribué à aiguiser les divergences dans les villages. Les populations ne respectent plus rien, les autorités traditionnelles ne représentent plus grand chose aux yeux des gens. Dans tous les cas pour la bonne marche de la décentralisation, il faut qu’on nous laissent gérer nos eaux. Pour gérer l’eau, il faut comprendre le langage des eaux et des poissons ». Ces propos contrastent quelque peu avec l'avis de ce citoyen vivant à Ouro qui loue les bienfaits de la décentralisation. Pour lui, « les populations ayant le choix de leurs représentants, les préoccupations à la base seront mieux cernées puisque les élus se- ront des nôtres ; l’utilisati on que ces derniers feront de nos impôts et taxes permettra d’amorcer le déve- loppement à la base. Nous pensons que les autorités traditionnelles doivent être associées à la gestion et peuvent efficacement aider les élus à mieux résoudre les litiges et conflits. En plus, les populations reconnaissent et respectent ces autorités ».Cependant, certains acteurs (CA, les pinassiers et charre- tiers) de la commune entendent participer pleinement à la prise des décisions à travers leurs représen- tants. Ils expriment clairement leur volonté de s'acquitter de tous les devoirs qui vont dans le sens de la promotion de la commune; cela s'entend du devoir de s'acquitter des taxes, y compris les redevances d'accès et d’exploitation des pâturages et d’eau. Ces acteurs souhaitent, en contrepartie, que les fonds mobilisés soient judicieusement utilisés. D’autres pensent que la meilleure façon de prendre en compte NAFFET DRAFT 24 les besoins spécifiques des communautés, c’est la constitution d’un fonds de dotation tiré des redeva n- ces foncières. Ce fonds serait géré en fonction d'une clef de répartition à définir. De cette appréciation à la réalité (fonctionnement du CM et ses rapports avec la tutelle et les STD) subsistent nombre de pro- blèmes parmi lesquels nous notons : la volonté du parti ADEMA à vouloir s’arroger l’essentiel du pou- voir, le retard dans la confection des rôles et le faible niveau de la levée de l’impôt (moins de 50%), l’analphabétisme des élus conjugué au manque d’information et la méconnaissance des textes, les conflits de compétences et l’intrusion récurrente de l’administration dans la gestion des RN, l’unicité des caisses, etc. Tous ceux-ci contribuent à l’assimilation des communes par la population au cantonat, à la disparition de l’Etat et du commandement. Ainsi, la stratégie d’anticipation du CC dans la gestion envi- ronnementale s’explique par l’effet d’annonce que par l’existence réelle de décrets d’application et même si ceux-ci existent, leur applicabilité pose problèmes et il n’y a pas de dévolution effective de pouvoirs. Le CM estime que quels que soient les efforts (la définition d’une clé de répartition acceptée de tous), le bon démarrage de la décentralisation exigera des appuis extérieurs substantiels et un trans- fert réel de pouvoir. Pour lui, il urge de lutter contre l’analphabétisme par la formation des élus. Cette thèse est soutenue par les acteurs sociaux et politiques. Pour qui, le découpage a montré un certain nombre de constats qui risquent d'être des entraves à la décentralisation administrative. Au nombre de ces constats nous avons: l'émergence de nouveaux pôles de pouvoir au détriment des premiers ; le manque de ressources humaines, matérielles et financières qui constituent les conditions essentielles de viabilité des nouvelles CTD; la domanialité de l’Etat et la définition unilatérale des règles de gestion des RN. La réussite du processus dépendra du degré d'appropriation de ces principaux enjeux par les populations, la définition des compétences et leur dévolution aux CTD. L’existence de compétences propres repose sur la reconnaissance des affaires dites locales à côté de celles nationales, dont l’Etat est le garant. A ce titre, la responsabilité et la légitimité des CTD sont en rapport aux compétences qui leur sont reconnues35. Toute fois l’Etat disposerait d’un pouvoir de contrôle sur elles36 en tant que re-

35 Si la responsabilité des CTD relève des mêmes règles que celles de l’Etat, toutefois elle relève des règles du droit privé dans les cas suivants : les contrats et litiges concernant son domaine privé (art. 14, loi 93 – 008). NAFFET DRAFT 25 présentant de l’intérêt général. La tutelle a une fonction de légalité (art. 230 de la loi n° 95-034). Les ac- teurs communaux de Youwarou incriminent la tutelle par nombre d’observations : « la tutelle cherche par tous les moyens à nous détourner des objectifs. On dirait que ce qu’elle donne de la main droite elle le retire de la main gauche. Jusque-là, il n’y a pas eu de transfert, les décrets d’application n’existent pas ; pour couronner le tout, on nous impose une unicité des caisses au niveau de la perception ». Certes, ils sont conscients que des difficultés demeurent en plus de l’impréparation des élus à assumer valable- ment leur mandat par le manque de formation et la non disponibilité de certaines lois, décrets, codes et chartes particuliers. Pour les organes de la tutelle, le CM a une part de responsabilité : « les taxes et impôts ne sont recouvrés que si la tutelle s’implique. Cette année encore, ils n’ont pas fini d’établir les rôles et a fortiori commencer à levée l’impôt (TDRL). Nous souffrons tous de l’inexistence de certains textes réglementaires, lois et décrets. Notre Honorable député nous rend rarement visite ».

2.2.2. Les éléments émergeants dans la gestion des ressources fourragères :

Un certain nombre d’éléments semblent informer les dynamiques nouvelles en œuvre dans l’évolution du système de gestion du leyde Yallarbé. Nous pouvons les saisir par ce qui suit :

2.2.2.1. Dans les systèmes de production-reproduction des sociétés rurales, les rapports fonciers o c- cupent une place centrale. Ils réalisent l’articulation et la cohérence de la composante matérielle

(l’accès, facteur de reproduction de la gestion pastorale) ; de la composante sociale (définition des iden- tités et de statuts sociaux, la détermination des rapports de pouvoir, d’appropriation, de dépendance, de solidarité, etc.) et de la reproduction des sociétés et des individus. Vu cette fonction du foncier, il est normal et inévitable que ce soient les règles foncières réelles du groupe, préexistantes au découpage communal, qui s’imposent de façon plus ou moins explicite dans les modalités d’exploitation : l’usager qui pénètre dans une bourgoutière familiale, par exemple, reste dépendant de l’ensemble des règles et contraintes de la reproduction sociale. Celles-ci n’évoluent que très lentement par transformations pro- gressives des mécanismes de la reproduction sociale traditionnelle. Autrement dit, il y a un décalage

36 Le contrôle de l’Etat sur les organes et les actes des CTD doit respecter leur autonomie. Ce qui exclut a priori l’absence de pouvoir hiérarchique entre les CTD : on parle de contrôle de « tutelle » par opposition au contrôle « hiérarchique ». Le contrôle de l’Etat sera un contrôle de légalité et parfois un contrôle d’opportunité. NAFFET DRAFT 26 entre l’évolution des règles de la reproduction sociale globale, les changements dans la gestion et l’exploitation des bourgoutières (familiales ou communautaires) : changements qui sont le plus souvent, dans le cas qui nous occupe, initiés et imprimés par la monétarisation croissante de l’économie rurale.

La violation de la succession collatérale du dioro prescrite par la Dinah et son changement en succes- sion agnatique. Cela favorise une concentration de pouvoirs (droits de jouissance) aux mains de la fa- mille de ce dernier et écarte du coup les prétendants initiaux. Ceci procède d’une volonté manifeste de la part des dioro actuels à monopoliser la rente (tollo, droit de pacage) tirée de l’exploitation des pâtura- ges (la location des parcelles à des riches éleveurs et aux riziculteurs). L’un des effets d’une telle situa- tion serait que la segmentation lignagère fasse le lit de la contestation et se traduit dans les faits par l’affaiblissement du suudu baaba. La conséquence serait l’individuation de la gestion des amiraabe nayi. Si la transformation du tollo en rente foncière relève de la monétarisation qui du reste aiguise les appétits, elle porte un coup sérieux à l’équité : l’accès prioritaire des membres du suudu baaba et la contestation du dioro par la multiplication des gestionnaires. Cet accès inégalitaire serait l’une des cau- ses à la dégradation des pâturages.

Dans le système de gestion traditionnelle, la responsabilité est ascendante. Elle se déploie dans une singularité décapante propre au système de pouvoir inégalitaire et même segmentaire : se sont les organes inférieurs qui rendent compte à ceux situés dans les échelons supérieurs (les amiraabe nayi rendent comptent à l’amiru mawdo et celui-ci aux dioro ; le dioro rendait compte également au suudu baaba qui à sont tour informait le conseil de la Dinah). Si une telle organisation était tolérée par les

Etats (coloniaux et les régimes à parti unique post indépendance), c’est parce qu’ils sont tous d’essence centralisatrice. Avec la libéralisation des systèmes politiques et économiques qui, instruisant l’égalité des citoyens, se traduit dans les faits par une sorte de « révolution de palais ». Cette révolution, en matière de gestion des RN, s’exprime par le refus de nombre de gestionnaires « auxiliaires » à déférer

à l’autorité du dioro. Cet état de fait n’est pas informé par la seule donne libéralisation, la monétarisation croissante des rapports gestionnaires-usagers en est pour quelque chose (de plus, cette forte monétari- NAFFET DRAFT 27 sation initie et consacre la pratique de location des parcelles de bourgou aux riches éleveurs étrangers) et le changement de l’ordre successoral des dioro. Comment en est-on arrivé là ?

L’explication se trouve sur le terrain politique. Or, la décentralisation découle également du même prin- cipe politique, principe qui a priori devant facilité la participation, la responsabilité et la démocratisation des institutions à la base. Ainsi de la collusion des principes sus-mentionnés avec ceux de la gestion traditionnelle d’une RN à valeur économique évidente et stratégique, nous voilà situer dans la complexi- té des choix politiques et de ses succédanés.

2.2.2.2. Dans le Delta, les relations entre groupes sociaux créent des enjeux de pouvoir qui sont révélés par des interventions externes comme les réformes étatiques. Ces réformes reconfigurent les systèmes de légitimité37; la légitimité des acteurs et des représentations procède d’une certaine habitude de vie et de gestion commune à travers : tradition, conventions, règles, lois et décrets. Là, les règles et pratiques foncières locales adaptent la législation ancienne au vécu quotidien du moment. Ce qui suppose, en même temps, la référence à la nouvelle législation et l’habile usage de ses dispositions particulières et alimentent les références juridiques des populations du Delta. Ce faisant, malgré l’apparente autonomie des dioro, c’est l’Etat qui distribue les cartes par l’entretien savamment orchestré des flous dans les réglementations ce qui s’apparente à des passe-droits : l’intervention des STD dans le règlement des conflits et leur désintéressement à travers le système de redistribution dont ils contribuent à accentuer l’inflation ; la privatisation des forces de l’ordre par les actions de police menées dans les bourgoutières au profit des dioro et dont les frais de mission journalière sont pris en charge ; la fixation des calendriers de transhumance par l’exécutif (régional, de cercle et de commune) par arrêté lors des conférences régionales sur les bourgoutières ; les vaccinations obligatoires et rémunérées du bétail à l’entrée des pâturages et la levée des taxes annuelles sur le bétail par le trésor public ; les dioro soumis aux contri-

37 Nous avons les légitimités suivantes : légitimité sociale - le droit de la première occupation ou le droit de gérance -, légitimité de fait – le tribut de sang payé par exemple pour les Yallarbé – et légitimité politique – en rapport aux prescrip- tions d’un courant ou d’un mouvement d’obédience religieuse, par exemple la Dinah -. NAFFET DRAFT 28 butions « volontaires » pour l’organisation de la CAN 200238. A l’exception de l’impôt par tête d’animaux, aucune disposition n’autorise ces interventions. Le CDF et la CP reconnaissent aux gestion- naires lignagers le droit de gérer leur patrimoine. La domanialisation et la possibilité pour les gestionnai- res de d emander afin que leur patrimoine soit classé en propriété foncière font penser à une gestion assistée ou cogestion des RP.

2.2.3 . Evolution du système de taxation et répartition des redevances :

Comme la gestion des pêcheries, les bourgoutières offrent ainsi une plus grande articulation du sys- tème de taxation et l’imposition étatique. De même forme mais d’étendues différentes, les bourgoutières

à travers la gestion du dioro nous plongent dans un système infra-étatique dont tous les éléments cons- titutifs de l’imposition étatique lui sont adjoins. Du dioro aux amiru nayi en passant par l’amiru mawdo, nous avons là les relais nécessaires qui charpentent la structure de la levée des redevances. Des pré- sents de l’époque, on en est aujourd’hui à des redevances qui oscillent entre 5 000 et 50 000 Fcfa par troupeau soit 100 à 125 FCfa par tête de bête. Au lieu que les dispositions réglementaires assouplissent un tel état de fait, nous assistons à un contournement subtil ; au début voilé mais par la suite assez visible, de la part des gestionnaires et de certains représentants des STD chargés de veiller à l’application stricte de telles dispositions. De ce contournement s’est créé un réseau de monnayage des libéralités engrangées dans l’exploitation des bourgoutières : un système de redistribution entretenu par les gestionnaires traditionnels, la DNCN et le commandement. Le fort d’un tel réseau est de subvertir les dispositions réglementaires étatiques et coutumières au profit d’une minorité. Cela n’est pas sans influence sur les hiérarchies locales : « aujourd’hui, nous éprouvons de sérieuses difficultés à organiser le Deggal. Premièrement, les amiru nayi ne participent plus activement à cette fête, de même que les

éleveurs ; deuxièmement, les autorités attachent beaucoup d’importance à cette fête parce qu’il y a le tourisme à développer et troisièmement, les forces de l’ordre exigent des frais de déplacement impor- tants » note le dioro. Le contrôle externe de la gestion foncière par l’Etat, par les organismes

38 En plus des tickets COCAN (7 500 Fcfa) que chaque troupeau devait payer à l’entrée des bourgoutières familiales, l’Assemblée régionale a voulu que chaque Dioro paye 2 000 000 Fcfa comme contribution « volontaire » pour l’organisation dudit événement. NAFFET DRAFT 29 d’encadrement ou les STD mandatés par lui, est donc condamné à rester limité et peu efficace : les acteurs dominants dans les sociétés loc ales vont inévitablement tenir fermement et s’approprier les règles foncières qu’on tente de leur imposer de l’extérieur de façon réglementaire39. C’est là que cer- tains parlent de la rémanence des chefferies locales ou la revanche des sociétés traditionnelles (Bayart

1989). Un tel scénario se traduit dans la réalité par la phagocytose des institutions étatiques pour préserver leurs pouvoirs. Du reste il n’est pas sans influence sur la responsabilisation des acteurs. Qu’en est - il de la gestion de l’harima de Yo uwarou ?

2.2.4. La gestion de l’harima de Youwarou:

Les personnes interrogées40 entendent conserver la propriété des investissements réalisés par elles ou avec leur participation avant la décentralisation (Winter 1994). La gestion de l’harima de Youwarou

(7 km de long et une largueur de 6 km) illustre cette position. A la différence des autres harimaadji du

Delta, celui de Youwarou a été restauré par Vétérinaires Sans Frontières (VSF). VSF a réhabilité l’harima à travers la régénération dont la population supposait naturelle. Depuis le bourgou existe au large de la commune qui n’en avait presque plus. La méthode était simple : les premières actions consistaient à réimplanter le bourgou. La régénération a été faite par repiquage et par semis avant l’arrivée de la crue, puis par marcottage lorsque le bétail pâture le bourgou en enfouissant une partie des tiges dans le sol encore boueux au retrait de la crue. C’est après une série d’échecs que la régé- nération réussisse. Elle a apporté des transformations dans le système de gestion : la mise en place de règles d’exploitation et de gestion collective, tendant à assurer la durabilité de la ressource (Voir annexes) : coupe contrôlée, gardiennage, mis en défens durant certaines p ériodes de l’année, etc. Ce n’est qu’après maints efforts que l’harima a retrouvé son lustre d’alors. Les efforts des VSF ont été renforcés par l’UICN à travers des appuis financiers. La gestion et l’exploitation de l’harima sont villa-

39 Comme le notent Funel et Laucoin : « Tant que la propriété foncière ne sera pas considérée pour ce qu’elle est, (…) un système de pouvoir, et tant que les problèmes de pouvoir ne seront pas abordés globalement, (…) en proposant une nou- velle organisation des pouvoirs, ni l’évolution foncière des aménagements ni surtout leur évolution sociale et économique ne seront maîtrisées » (1980 :162). 40 Nous nous sommes entretenu avec: le président de la CA de Youwarou qui assume la gérance du comité, les chefs de villages de Ouro et de Homboloré, quelques usagers qui procédaient au fauchage de la ressource et certains bergers. NAFFET DRAFT 30 geoises bien que des individus entretiennent des parcelles. Au début, l’accès était subordonné à la paye de 500 F/mois. Ces sommes étaient réinvesties dans la régénération et servaient à payer le gar- dien de l’harima. L’accès ne pose aucun problème après une saison hivernale bonne. Mais il se com- plique avec une pluviométrie mauvaise où il est régulé en fonction des quotités établies par le co-mité de gestion (seuls les autochtones pourront procéder à la fauche en vue de stocker)41. Toutefois, l’harima est exclusivement accessible aux benti (les vaches laitières, les brebis) et les bœufs de la- bour. Si la CP (38, 39 et 40) reprend les grandes lignes de cet arrangement - le CDF s’en inspire d’ailleurs -, en outre elle préconise le transfert de l’harima aux CTD. La conséquence serait que le CM travaille de concert avec le comité de gestion en vue de l’établissement de conventions et de règles d’exploitation ; ainsi que l’élaboration d’une clé de répartition des bénéfices tirés de son exploitation.

Signalons, dès à présent, que le centre décisionnel principal (CM) est absent de la scène faute de décret d’application lui permettant de jouer crânement son rôle.

3. Les implications sur le jeu des acteurs et leur responsabilité :

La mise en oeuvre de la décentralisation montre les réactions multiples des acteurs sociaux et politi- ques. Les enjeux et les interactions dans l’exploitation des ressources entrevoient l’analyse des conflits et posent le problème de la gestion du patrimoine communal (Sylla 1993 ; Toé 1997).

3.1. Recomposition des arènes socio-politiques et les processus de confrontation :

L’émergence de nouveaux pôles de pouvoirs contestés par les anciens, la persistance du leadership et son influence prépondérante sur le jeu politique, l’exclusion des groupes de dépendants et marginalisés

(descendants d’esclaves, cadets sociaux, jeunes, femmes et étrangers) de l’arène du pouvoir, la gestion conflictuelle de l’espace-ressource entre les gestionnaires eux-mêmes d’une part et entre les usagers d’autre part, l’absence d’un véritable processus de régulation, entraînent la recrudescence des conflits qui

41 En 1992, ce montant a été ramené à 250 F et cela pendant toute la période que couvrait l’exploitation (80 à 120 jours). La somme a été ramenée, par la suite, à 100 F ; là seul le gardien était payé. C’est le moment où les repousses devenaient importantes. La situation s’est compliquée entre 1999 et 2000. Les crues ont causé des dégâts importants et personne n’a eu à payer. De même qu’en cette année (2001), les gens n’ont rien payé. Les raisons avancées ont été les suivantes : rentrée tardive des animaux, le fauchage important et désordonné qui s’est matérialisé dans la location de laitières (Les conditions d’accès voudront que seules les laitières appartenant aux gens de Youwarou aient accès prioritaire à la ressource, cela a été l’occasion pour nombre de ceux -ci à monnayer ce privilège aux étrangers). NAFFET DRAFT 31 sont les symptômes les plus évidents de la recomposition et des arrangements qui se construisent. Là, on est au cœur du problème de gestion du patrimoine (étatique ou non) et la superposition des intérêts des préposés (agents et gestionnaires traditionnels) en lieu et place de ceux de l’Etat et des communautés

(communes). Cet état de fait a retardé, pour longtemps, l’avènement d’une citoyenneté véritable. Ainsi, l’hibernation de toutes les actions visant à instaurer la responsabilité (rendre compte), l’équité entre les gestionnaires et les usagers. Dans le procès d’exploitation de l’espace-ressource, les usagers qui, pour la circonstance, deviennent plus exigeant sur la qualité des ressources. Longtemps cantonnées dans la gérance des seules ressources, avec le jeu démocratique, les chefferies passeront facilement le pas pour se retrouver au devant de la scène politique. L’élargissement des perspectives, consacre là, la légitimité dont elles ont eu de tout temps besoin. Car, si elles étaient menacées avec l’entrée, plus ou moins, de certains chefs d’egguirgol en dissidence, la démocratie multipartite leur offre ainsi u ne occasion de légi- timation nouvelle : la copulation des alliances de légitimité avec la légalité. Cela les autorise de jouer sur plusieurs registres (coutumiers, ethnique et politique). Cette pratique confirme la grande flexibilité des sys- tèmes fonciers locaux et leur capacité à évoluer face aux nouveaux enjeux. De nouveaux arrange-ments institutionnels doivent nécessairement se construire à partir des groupes d’intérêts actuels, de leurs fa -

çons d’utiliser les ressources, de leurs droits et pouvoirs respectifs (Ribot 2001i, 2000ii ; Rossi et al. 1998).

3.1.1. Le processus de confrontation :

Les confrontations les plus marquantes se jouent entre les gestionnaires (dioro et sous/dioro) à travers le prisme de la levée du tollo qui déborde souvent le cadre territorial du leyde. Remarquons que les sous-leydi des Yallarbé ont une position excentrée (Nayi Fowru est situé dans le village de Sormé qui relève de la commune de Dialloubé ; Horè Deebi fait frontière avec le village de Kakanya et Nyeebi dont le sous-dioro et sa famille y résident). Ainsi nous assistons aux problèmes d’exploitation frauduleuse des terroirs : l’exemple illustratif est l’exploitation de l’harima de Kakanya par le sous-dioro de Horè

Deebi (Banal Ahmadou) en accord tacite avec les gens de Daiebé. Au-delà des problèmes de tollo, un fait important refait surface : si les Yallarbé sont les gestionnaires attitrés du leyde (dioro et sous/dioro), NAFFET DRAFT 32 ils sont de même niveau statutaire. Or, dans l’exploitation du bourgou, la structuration du mécanisme sous-tend une hiérarchisation qui, en réalité, n’est que de façade. Pour les gens de Kakanya et de Ouro

Alfaka, le leyde Yallarbé a été institué suivant l’ordre qui suit : Buuli, Nayi Fowru, Horè Debbi, Nayi Bu- samba et Nyeebi ; c’est dire que chaque sous/leyde a une possession, un territoire mais devant rendre compte au dioro de Buuli (pour seulement l’honneur qui sied au rang de premier leyde) : « les Yallarbé de Buuli ont voulu s’arroger tout le territoire du leyde or ils n’en sont pas les seuls gestionnaires.

L’accès était réservé aux familles des seuls gestionnaires et leurs voisins directs par alliance. Au- jourd’hui, ceux-ci ne sont plus les grands éleveurs d’autrefois et de plus les étrangers sont plus nom- breux et ne rechignent pas à payer le prix fort pour avoir accès à la ressource » note Amadou Cissé

(Chef de village de Ouré, Kakanya). Ainsi, des rapports de clientèle entretenus entre les gestionnaires et l’administration en plus de la monétarisation des rapports gestionnaires-usagers, nous voilà situé en creux dans la confluence du pouvoir d’avec l’argent : « la disjonction entre pouvoir et richesse, où celle- ci procéderait d’une accumulation d’espèces, (…), marque que le pouvoir se suffit à lui-même, qu’il y a presque liaison directe entre détention du pouvoir et jouissance » (Izard, 1985: 562). De plus, les fonc- tions de coordinateur (dioro de Buuli), il doit s’efforcer d’établir les relations avec les autorités adminis- tratives et judiciaires. Mandaté par le groupe auprès de tous, il doit parler au nom du Suudu Baaba.

3.1.2. Aujourd’hui, les bourgoutières de Youwarou aiguisent les appétits: d’où les nombreuses interro- gations. Celles-ci portent sur l’exploitation et les dispositions contradictoires du droit positif malien

(Hesseling et Coulibaly 1995), les pratiques de location de parcelles de bourgou à des riches éleveurs et à des riziculteurs. Le délégué du gouvernement de Youwarou situe les enjeux en ces termes : « le challenge de la décentralisation pour Youwarou est : de réussir la gestion équitable et consensuelle des

RN qui pourrait révolutionner la gouvernance locale et apporter au budget communal une marge substantielle de ressources financière ; d’intégrer et concrétiser l’aspect dynamique du leadership local et son influence croissante sur le jeu politique; mieux juguler la prétention des gestionnaires traditionnels à continuer de gérer les RN dans le cadre familial, ce qui présage des conflits de compétence avec les NAFFET DRAFT 33 leaders communaux et enfin apporter des correctifs à l'exclusion des groupes dépendants et marginali- sés de la sphère du pouvoir décisionnel». Cela prouve que la compétition pour l’accès des RN est fonc- tion de leur valeur marchande42. Les pressions foncières constituent à cet effet un point d’entrée pour démêler les interactions et les dynamiques que recèle la gestion des pâturages.

3.2. Les pratiques locales dans l’utilisation des bourgoutières :

Les pressions foncières qui ont cours dans les bourgoutières sont de deux sortes: les zones soumises à l’exploitation agricole aux fins de rizicultures et les limites extrêmes des pâturages dont la gestion recèle des ambiguïtés.

3.2.1. Les changements et les conflits dans la gestion des espaces pastoraux :

Comparé aux autres leydi du Delta, le leyde Yallarbé paraît bien tranquille même si des tensions sem- blent perceptibles. Ces tensions prennent leur origine dans les rivalités entre différents dioro et dans les découpages territoriaux ou administratifs successifs (établissement des cantons, des cercles, des an- ciens arrondissements et aujourd’hui des communes). Certes, des changements sont perceptibles et ceux-ci informent, pour une bonne part, les conflits43 qui ont cours actuellement.

3.2.1.1. La responsabilité des CTD et l’effectivité des transferts de compétences:

Les CTD sont dotées de la personnalité juridique44 et de l'autonomie financière (art. 1er, loi n ° 93-008).

Dans le domaine pastoral, s’agissant plus précisément des redevances, le législateur l’énonce à l’art. 2945.

Cette disposition ne concerne que les bourgoutières communautaires. Car le CDF et la CP confirment le droit de propriété des gestionnaires traditionnels sur les bourgoutières familiales. Elle ne dénature pas le pouvoir des gestionnaires des harimaadji, mais renforce les thèses pour la cogestion. S’il y a

42 Pour une commodité d’analyse, ici, nous ne ferons pas cas des histoires de vie des acteurs ou leurs trajectoires politi- ques. Cette perspective a été déjà prise en charge dans la synthèse de M. Kassibo (Team leader). 43 Les conflits demeurent et sont de plus en plus récurrents: « c’est toujours sous d’autres aspects que les mêmes affaires reviennent en intervalle de temps. Ce sont des affaires extrêmement sensibles et très complexes » remarque M. Barré (Ma- gistrat à Youwarou). Entre 1995 - 1999, nous avons pu recenser 128 affaires civiles au TPI de Youwarou dont 51 concernent l’eau et 32 se rapportent à la terre soit 65% des affaires mises en délibérées portent sur le foncier. 44 La personnalité juridique est l’aptitude à être titulaire de droits et à être soumis à des obligations. C’est la personnalité juridique qui confère à une institution la possibilité de participer à la vie civile : être propriétaire des biens mobiliers et immobiliers, passer des contrats, recevoir des dons, faire des emprunts, etc. 45 « les taux de redevances perçues à l’occasion de la délivrance des autorisations d’accès aux pâturages sont fixés par l’organe délibérant de la collectivité territoriale après consultation de la chambre régionale d’agriculture ». NAFFET DRAFT 34 détermination des limites de pouvoirs à divers organes (élus et gestionnaires traditionnels) cela ne signifie pas forcément qu’il y aura comptabilité. Ce qui constitue une menace contre la traduction de la responsabilité, de l’équité et de la gestion durable de la ressource. Nombreux sont les lois et décrets qui délèguent des attributions et avantages certains mais insuffisants pour motiver les acteurs locaux à s’acquitter des responsabilités nouvelles en matière de gestion des RN. Dans l’ensemble, le dosage approprié d’attributions et de fonctions des différents acteurs locaux dans les questions de RN est, au mieux, mal défini (Ribot 2001ii). Certes, les textes accordent aux CTD le droit de gérer leurs ressources avec les organisations professionnelles et les STD ; mais aucune obligation ne leur est faite en la matière.

D'autre part, les textes prévoient la consultation des conseils de village, de fraction et de quartier par le

CM pour la prise de certaines décisions ; la consultation est déclarée obligatoire dans certains domaines tel que nous l'avons vu plus haut. En outre, le CM n'est pas obligé d'user des droits de collaboration que lui confère la loi n° 96-050. Dès lors, l'application des différentes dispositions relatives à la collaboration entre les autorités villageoises, de fractions ou de quartiers et les CTD ne pourraient dépendre que du bon vouloir de ces dernières. Ce processus bien qu’imparfait constitue un pas vers la responsabilisation des

élus locaux (Fenu, 2000). A ce stade, les difficultés rencontrées pourraient s’assimiler au manque de volonté politique de l’Etat de procéder à une réelle dévolution de pouvoirs consacrée par des décrets d’application afin de pallier au faible niveau des capacités locales (l’analphabétisme) de mobiliser l’épargne limite les possibilités d’auto-financement (Fenu, 2000). Si l'article 236 (loi n° 95-034)46 resitue la gestion des biens indivis entre CTD, en outre elle complète les dispositions concernant la gestion des bourgoutières familiales qui se situerait au-delà des limites communales. Ainsi les possessions

Yallarbé pourront être concernées par l’intercommunalité. Là s’impose une réglementation de l’Assemblée Régionale en lieu et place du Haut-commissariat qui semble jouer jusqu’alors le rôle des anciens Gouvernorats. Ces dispositions tardent à devenir réalité. Est-ce cela est du au caractère incrémental du processus de décentralisation au Mali ou alors qu’est-ce que les STD attendent pour

46 « Lorsque deux ou plusieurs collectivités possèdent des biens ou droits indivis, il est institué une commission spéciale composée d'un nombre égal de représentants de chacune d'elles ». NAFFET DRAFT 35 prendre les mesures nécessaires afin que ces dispositions réglementaires et législatives soient appropriées par les populations ? Les bourgoutières familiales sont situées dans le domaine public (arts.

6 et 7 de la loi n° 96-050) et les harimaadji relèvent du domaine public artificiel (art. 8, CDF). En incorporant au domaine privé des CTD les terres non immatriculées situées dans les limites de celles-ci, l’art. 8 (loi n° 96-050) créé une contradiction avec les articles 58 et 59 du CDF47 et précise que le domaine privé des CTD est géré par le président de l'organe exécutif (Maire, Président du Conseil de Cercle et

Président de l’Assemblée Régionale) (art. 13, loi 93-008). Ces dispositions ne sont pas suivies, jusque-là, de décrets d’application ; de même qu’il n’existe pas toujours de schéma d’aménagement du territoire national réactualisé. Nous sommes, en réalité, au stade des intentions. Le statut des villages et des fractions (la loi n° 93-008 et loi n° 95-034, art. 60) pose le problème de l'exercice des droits fonciers coutumiers et de celui de la responsabilité des autorités coutumières. Le CDF apaise pour peu ces inquiétudes en confirmant et en constatant les droits fonciers coutumiers (arts. 43 à 46) et les conventions antérieures (art. 48). L’arrêté issu de la conférence régionale sur les bourgoutières de Mopti en est la parfaite illustration. La CTD ne peut être légitime aux yeux de l'Etat et des partenaires au développement que par le fait qu'elle soit représentative (les élections); or les gens du terroir s’intéressent plus à la légitimité des individus qu’à celle des organes élus ou n on. Sur le plan politique, une organisation représentative présente la possibilité à des groupes marginalisés, les cadets sociaux et les plus faibles (femmes et jeunes) de participer et d'influencer les affaires locales. Le chef n'est plus la seule autorité légitime en ce qui concerne les affaires communales. Cependant, la légitimation des réseaux de clientèle, de parrainage ou de patronage est posée. Ainsi, l’idée de discussions publiques des affaires communales ne contribue pas forcément à des meilleures prises de décisions et entrave sérieusement la responsabilité des élus. Mais la définition des tâches des communes impose une distinction entre deux secteurs d'activité: les pouvoirs que les communes doivent exercer en vertu de la loi communale, s'opposent à ceux qui font l'objet de réglementations spécifiques,

47 Ces articles précisent que ne peuvent faire partie du domaine privé immobilier des collectivités que les seuls terrains objet d'un titre foncier établi ou transféré à leur nom à la suite d'une cession par l'Etat, d'une acquisition à titre onéreux ou gratuit ou à la suite de la transform ation d'un droit de concession rurale après mise en valeur du terrain concédé. NAFFET DRAFT 36

établies par les lois particulières : cette disposition constitue l'affirmation d'une clause générale de compétence qui laisse aux CTD une liberté de définir les affaires d'intérêt local. Il appartient en dernière instance au tribunal administratif de contrôler, par l'examen des recours qui lui seront présentés, si une question rentrait bien dans la catégorie des affaires communales. Ce qui suppose que la loi malienne admet la dualité des entités locales. Les communes ont une double fonction: la gestion de l'autonomie locale (leur compétence est ici soustraite à l'autorité hiérarchique de l'Etat - loi n° 96-008 - art. 20) ; les communes ont des tâches en tant qu’organes de l’Etat (elles sont soumises dans cette fonction à compétence générale d’instruction). Le principe de subsidiarité conviendrait pour traduire la réalité. Dans tous les domaines, les organes centraux peuvent cependant modifier à tout moment la répartition des compétences (décret n° 98/408/P -RM du 17-12-199848). En contre partie, les communes peuvent se charger, de leur propre initiative, de toute tâche que la loi ne leur interdit pas ou qu'elle n'a pas expressément confié à une autorité. De plus, rien n'indique que l'expérience des commissions villageoises de gestion sera répliquée à l’échelle nationale, même si beaucoup d'aspects positifs sont à retenir. Les plans de gestion villageois établis par les projets de gestion des terroirs ont permis aux producteurs d'acquérir une connaissance globale de la vocation des ressources. Cette vocation leur permet d'envisager une dynamique de développement plus rationnelle dans leurs

48 Ce décret n’est valable qu’en foresterie seulement où il fixe le taux, les modalités de recouvrement et de répartition de la taxe perçue à l'occasion de l'exploitation du bois dans le domaine forestier de l'Etat. L'objectif est de ramener le bois à sa valeur économique réelle et de réduire l'exploitation du type incontrôlé par l'application des taxes différentielles. Ainsi, le Conseil communal de Ménaka (Gao) donne du fil à retordre aux services déconcentrés de l'Etat, pour ce qui est de l'exploita- tion de la seule réserve forestière de la région. Notons que ce sont les ressources ligneuses de cette forêt qui approvision- nent toute la région. Les élus s'étonnent, d'une part, du non transfert des ristournes que l'Etat leur doivent et, d'autre part, ils exigent la révision de la quotité et demandent même son reclassement. Cela confirme l’appréhension que l'exigence d'une DE est fonction des CTD et des acteurs en présence. Cependant, n'oublions pas que la région et ses populations ont été les premières à exiger une nouvelle réorientation de la gouvernance des hommes et des biens. Ce qui explique, sans doute, la célérité avec laquelle les dispositions du Pacte National, les lois et décrets particuliers sont appliquées. En réalité, ce décret ne protège que les exploitants privés; sinon les mesures de conservation ont été appliquées sur des terrains communautai- res, mais gérées et contrôlées par les groupes privés. Dans ce cas, il est essentiel que les droits de propriété commune soient respectés. Ce respect assure une bonne gestion des R.N. L'organisation locale avec des objectifs communs concer- nant la gestion des ressources est l'une des conditions nécessaires au succès. Ainsi, l'arrangement sur un ensemble de règles, excluant certains utilisateurs extérieurs et prévoyant des sanctions efficaces contre ceux qui ne respecteraient pas le système. Ce sont des groupes relativement petits et homogènes qui semblent être plus efficaces, surtout lorsqu'ils gèrent des ressources considérées de valeurs et faciles à protéger (Chris Reij et al., 1995). Pour les CTD, l'appropriation des R.N. par les exploitants privés est considérée comme une procédure administrative. Le corps social c'est-à-dire les responsables traditionnels locaux sont ignorés, tout comme la valeur économique de la ressource. Les difficultés rencontrées par les ex- ploitants privés montrent que la détention d'un titre administratif ne procure pas la légitimité, il faut que le titre s'accompagne d'une reconnaissance sociale. NAFFET DRAFT 37 terroirs. La construction de la société civile doit s'étendre aux terroirs. S’agissant de la responsabilité des autorités coutumières dans la gestion des RN, le législateur a prévu leur consultation dans l'élaboration et l'exécution des programmes de développement les concernant (arts. 1749, 63 et 64, loi n° 95-034 et art. 72 alinéas 3 du CDF50). Aussi, certaines dispositions entrevoient une plus grande responsabilisation des autorités villageoises en matière fo ncière et stipulent que les organes délibérants des CTD peuvent procéder à des délégations de pouvoir à celles-ci (art. 14, loi n ° 96-050).

Dans la pratique, ceci est loin d’être prouvé. Etant entendu que le statut juridique des villages, fractions et quartiers les empêchent de mener certaines activités (arts : 63 et 64 de la loi 95-034).

3.2.1.2. Les conventions et règles relatives à l’utilisation des pâturages:

La gestion coutumière a eu des conséquences sur les demandes croissantes en superficies cultivables et le non-entretien des pâturages. L’amélioration de la santé animale a entraîné l’accroissement du cheptel, donc des besoins importants de pâturages. Ces mutations connues du monde rural n’ont pas fait évoluer la gestion des bourgoutières. Néanmoins, dans certaines régions les mutations ont montré l’inadéquation des pratiques coutumières en matière de gestion de l’espace pastoral51. De même que dans d’autres, elles ont permis de sauvegarder les pâturages et d’éviter des situations conflictuelles

(Cissé 1982 ; 1989). Le législateur malien ne donne aucune définition du droit coutumier. Nous le défi- nissons comme un ensemble de préceptes dont les populations se prévalent sur la terre, l’eau et les pâturages. Ce droit est de tradition orale et s’applique au domaine local (Keita, 1999 : 72 et Bâ, 1993 :

5). Si cette définition du droit coutumier campe bien de quoi il est question, de Sardan est plus expli-

49 « (…) la voirie, les collecteurs de drainage et dégoûts ; le transport public ; l'occupation préventive du domaine public ; le cadastre ; l'organisation des activités agricoles, pastorales, sylvicoles, de pêche ou de chasse ; la création des puits et points d'eau ; le schéma d'aménagement du territoire communal et les plans d'occupation du sol ; la protection de l'environnement et la gestion des ressources naturelles ; la gestion du domaine public et privé communal ; l'implantation et la gestion des équipements collectifs ». 50 Ces matières sont les suivantes : l'organisation des activités agricoles, pastorales, sylvicoles, halieutiques et cynégétiques ; l'implantation et la gestion des équipements collectifs ; l'élaboration et la mise en œuvre des schémas d'aménagement et des plans d'occupation du sol ; la protection de l'environnement et la gestion des ressources naturelles ; les litiges domaniaux et fonciers ; la partie du programme de développement concernant leur village, fraction et quartier. 51 S'agissant du domaine pastoral, il comprend : les zones de pâturage, les jachères de plus de 10 ans, les parcours pastoraux et les points d'eau (art. 26, loi n° 096-050). NAFFET DRAFT 38 cite52. A l’individualisme du code civil s’oppose la solidarité du groupe (famille, clan, tribu, ethnie et même genre de vie). A la laïcité du droit moderne s’oppose la nature religieuse ou fétichiste du droit coutumier (Comby 1995 : 3 et 4). Le problème spécifique que pose l’analyse du droit coutumier est celui de la détermination de la nature juridique des droits exercés par les populations en un lieu donné (zone de culture, d’élevage, de pêche ou de chasse). Nous sommes en plein dans une situation de dualisme ou de pluralisme juridique (Lund 1996; Hesseling et Ba 1995). Si le droit traditionnel se conçoit sur le principe d’inaliénabilité des RN, par contre le droit moderne malien met l’accent sur la domanialisation. Il importe de rappeler que ce droit se superpose au droit coutumier qui s’applique au domaine local (art.

44). Implicitement, le droit coutumier attribue la propriété des ressources à des entités collectives et publiques (lignages autochtones, clans, ethnies, etc.). Cette superposition devient alors source de mau- vaises interprétations, d’inadéquation, de tensions et de conflits. Au -delà, le domaine foncier apparaît comme un lieu de compromis dont les fondements sont définis dans le CDF (art. 28). C’est l’Etat qui doit transférer certaines parties aux CTD et aux personnes physiques et morales53.

3.2.1.3. Innovations et contradictions des dispositions légales :

Ici nous allons porter l’attention sur les principales dispositions légales en matière de gestion des RN54. De même, nous pourrions nous référer à souhait aux textes législatifs et réglementaires en matière de gestion des ressources forestières, fauniques et halieutiques de 1999. Certes, nous n’allons pas faire référence aux structurations et déstructurations des services techniques nationaux de gestion des RN qui avaient ou qui continuent de gérer le foncier et plus particulièrement les ressources fourragères. Cette perspective a déjà

été prise en compte infra et dans d’autres études (Agrawal et Ribot 1999 ; Berthé 1999).

52 Olivier de Sardan note : « Au sens le plus strict, le droit coutumier est issu de l’interprétation faite par les administrateurs des droits sur la terre et sur les personnes tels que les chefs les ont décrits rétrospectivement, aux premiers temps de l’occupation coloniale. On a donc affaire à un double filtre : d’une part, celui des chefs et des notables qui tentent de faire surestimer et souvent inventer les redevances dont ils sont bénéficiaires, les privilèges qu’ils détenaient, les terres qu’ils contrôlaient ; d’autre part, celui des administrateurs qui cherchent à exprimer cette version interne, proches du droit occiden- tal, et à le rendre compatible avec les exigences du système colonial » (1984 : 223). 53 Selon l'art. 1er de l’Ordonnance n° 00-027/P-RM portant CDF il est écrit que : « le domaine national du Mali, (…), comprend : les domaines public et privé de l'Etat ; les domaines public et privé des collectivités décentralisées ; le patrimoine foncier des autres personnes physiques ou morales ». Pour ce qui est du domaine des CTD et des personnes physiques et morales, nous pouvons nous référer à souhait aux Articles 51 à 137 du CDF. 54 Ce sont celles de la Constitution de la République du Mali du 25 février 1992, de la loi n° 00-027/P-RM du 22 mars 2 000 portant CDF, les lois et décrets sur la décentralisation, la CP (adoptée par l’assemblée le 08 février 2000). NAFFET DRAFT 39

3.2.2. Les dispositions légales et la gestion des ressources pastorales :

Si la Constitution reconnaît à chacun, le droit de propriété et précise que « nul ne peut être exproprié que pour cause d'utilité publique et contre une juste et préalable indemnisation» (art. 13). Le CDF confirme cette disposition et reconnaît même les droits des propriétaires coutumiers (art. 43). Qu'en est- il de la propriété pastorale, de son acquisition et de sa gestion?

La CP (arts. 9 et 10) confirme ces dispositions (CDF : art. 28). Elles vont plus loin et consacrent, une fois encore, la présence prépondérante de l’Etat en ce qui concerne la garantie du droit d’accès aux RP

(arts. 9 et 33 de la CP). Certes, la loi accorde aux CTD et aux personnes physiques et morales le droit de propriété (art. 3, 51 à 53). Il faudrait, au préalable, qu’il y ait délimitation, classement et déclasse- ment (art. 13, 14, 15 et 16, 54 du CDF). S’agissant particulièrement des bourgoutières, le législateur

(art. 33, CDF) caractérise beaucoup plus les bourgoutières communautaires (les harimaadji) et non les bourgoutières familiales (art. 38) ; il codifie leur accès en ces termes : « L’accès aux bourgoutières est ouvert à tous. Toutefois, les animaux de la communauté détentrice de droits coutumiers sur la bourgou- tière y ont droit d’accès prioritaire, dans le respect des droits d’usages pastoraux ». L’accès aux bour- goutières communautaires peut donner lieu à la perception d’une taxe ou redevance par les CTD com- pétentes. A ce sujet, les CTD peuvent édicter une réglementation. Cela est valable pour la fixation des dates d’ouverture et de fermeture, les conditions d’accès non prioritaire des animaux d’autres localités.

S’il y a lieu, elles peuvent interdire l’exploitation commerciale des bourgoutières (art. 35 et 40). Cette disposition n’est sanctionnée d’aucun décret d’application. Pour l’instant, les CTD ne peuvent gérer que les bourgoutières communautaires relevant de leur ressort territorial, en collaboration avec les organisa- tions de pasteurs. A cet effet, des comités de gestion pourront être mis en place (art. 38).

3.2.3. Les trajectoires des conflits:

Les litiges qui dépendent des découpages administratifs sont aujourd’hui en latence. Le législateur et le service de la cartographie n’ont pas jusqu’ici procédé à la territorialisation des communes ; les commu- nes n’ont jusqu’ici pas manifesté le besoin ou l’urgence de matérialiser les limites intercommunales. NAFFET DRAFT 40

Cela ne saurait tarder aux dires des gestionnaires traditionnels (dioro et ji tigi) quand des pouvoirs réels seront transférés de l’Etat aux CTD. Selon le dioro, l’acceptation des animaux étrangers est condition- née à la paye des redevances aux amiru nayi ; « la monétarisation est un couteau à double tranchant.

La location des parcelles permet d’avoir de ressources financières substantielles ; en même temps, elle corrompt les amiru nayi qui risqueront de ne plus déférer à notre autorité. Cette pratique défavorise les usagers autochtones qui s’en plaignent » (dioro). Le phénomène de location est travesti par une exploi- tation qui se soucie peu de la durabilité de la ressource et de son corollaire l’extension de la superficie des rizières. Nous illustrerons les litiges par quelques cas célèbres dont principalement celui existant entre le dioro et l’amiru nayi de Nyeebi et les autres litiges nous servirons d’éléments de comparaison

(Yallarbé / Jallubé, Yallarbé / Kakanya et entre le dioro et certains grands éleveurs de Nayi Fowru).

· Le cas de Nyeebi :

Le litige qui oppose le dioro à l’amiru nayi de Nyeebi semble illustratif car susceptible d'informer les recompositions de la structure sociale et de l’arène politique locale. Le litige est circonscrit par « la vo- lonté d’appropriation » de la famille de l’amiru nayi des bourgoutières de Nyeebi. La contestation porte sur le passage de la gérance d’un bien communautaire à la gestion privative des biens de la commu- nauté par une famille. Selon le dioro, l’amiru nayi de Nyeebi gère les bourgoutières à ses seuls profits : il ne verse ni les présents d’alors (5 000 Fcfa, une vache laitière et du beurre) ni la quotité actuelle (la moitié des redevances). Ainsi, au lieu que toute la parentèle de l’amiru nayi de Nyeebi soit opposée au suudu baaba des Yallarbé, l’opposition qui a lieu est entre la famille du dioro et celle de Sembré Hama

Ba, fils de Hama Samba Jam Ba qui avait de tout temps déféré à l’autorité du dioro, de même que son frère qui l’avait remplacé (Boubou Samba Ba). Pour le dioro, l’actuel amiru nayi bénéficie du soutien de son père et de son oncle55. Aux dires du dioro, ce dernier ignore les réalités du milieu parce qu’ayant eu

à séjourner assez longtemps à l’extérieur.

55 Signalons que les deux prédécesseurs avaient été récusés et exclus par le dioro. Cette information nous a été fournie par le frère cadet du dioro. Mais aucune explication ne nous a été donnée sur la nomination de Sembré Hama Bah. NAFFET DRAFT 41

Pour les gens de Nyeebi, l’actuel dioro n’est plus représentatif. Au lieu de s’en tenir au tollo traditionnel, il a transformé cette redevance en rente foncière avec la complicité de l’administration: « nous ne som- mes pas opposés aux recommandations de la Dinah. Les bourgoutières doivent être gérées ensemble et non au seul profit d’un homme ou d’une famille. Les temps évoluent, de même que les mœurs, nous aussi avons droit à quelque chose ; du moment où les relations sont monétarisées (usagers- gestionnaires). Alors, nous n’allons plus travailler pour préserver les intérêts d’un homme, d’une famille : nous aussi sommes Yallarbé. Nous devons d’abord préserver nos intérêts et ceux de nos alliés.

L’administration et la gendarmerie ne sont pas là pour quelques personnes seulement. Le conseil com- munal actuel n’y pourra rien. Car ceux qui ont des intérêts dans le bourgou n’accepteront pas pour qu’un tel sujet soit au menu d’une réunion communale. Et comme ce n’est pas le cas maintenant, la gérance appartiendra au plus prompt, au fin négociateur » soutient Sembré Hama Bah.

A la différence de la gestion des maîtres d'eau où tout semble coïncider à une concentration des pou- voirs entre les mains d’un individu, la gestion des bourgoutières exige une délégation de pouvoir à des

échelons correspondants (les divisions en sous - leydi). Ainsi chacun des amiraabe nayi rend compte à l’amiru mawdo qui à son tour au dioro. La gestion des egguirgol nous renseigne qu’ils font l’objet d’un contrôle fréquent de la part de l’amiru mawdo et du dioro. C’est ainsi que certains chefs d’egguirgol et de propriétaires de troupeau ont été destitués par le dioro. Formellement, cette éviction est due au fait que l’amiru nayi participait très peu à l’organisation du Deggal56. En plus de cette éviction, les exclu- sions sont légion dans le leyde : ainsi dans l’egguirgol de Nayi Fowru, le troupeau de Gamaaji a été exclu parce que son propriétaire, Wariyo Ba, ne s’acquittait jamais des cotisations en vue de l’organisation du Deggal. Certes, le tollo a désormais changé de forme et de continu extensible : les am iraabe nayi et les usagers ont désormais à faire à une véritable imposition. Dans ces conditions, la levée du tollo n’est possible qu’avec le recours des forces de l’ordre. Cela à condition qu’un gestion- naire se montre plus prompt (entre l’amiru nayi de Nyeebi et le dioro) à s’attacher leur service (la pré-

56 Le Deggal est une fête qui couronne l’entrée des troupeaux dans le leyde. Cela se passe en présence de l’administration et des services techniques. C’est aussi le moment par excellence de renouvellement des allégeances, depuis le temps de la Dinah, entre les gestionnaires traditionnels eux -mêmes et entre ceux -ci et les représentants de l’Etat. NAFFET DRAFT 42 sence dissuasive de ces forces lors de la rentrée des animaux dans les bourgoutières). Selon le chef du cantonnement des gardes de Youwarou, ces frais sont plus stables maintenant (4 000 Fcfa / jour).

Sembré Hama Bah a révolutionné la gestion par la location de parcelles à des grands éleveurs et

Nyeebi rapporte autant que tout le reste des possessions Yallarbé. La location n’a pu s’incruster qu’avec les années de sécheresse (1983 - 1985 ; 1989). Pour les usagers, « nous sommes tondus de toute part. Nous avons nos intérêts à défendre: de bons pâturages et en abondance pour le bétail en un endroit sûr plutôt que des kilomètres à faire pour peu de pâturage. En plus, il n’y a pas d’équité dans la gestion du dioro et des sous-dioro. De même l’Etat, jusque-là, n’arrive pas à se décider parce que tirail- lé par des intérêts contradictoires » soutient ce groupe de Peul venant du Seno.

Les Yallarbé reprochent aux gens de Kakanya d’être sortis des limites autorisées et d’avoir voulu éten- dre leurs possessions au détriment du leyde. Un premier arrêt du tribunal de Mopti en 1976 (Décision n° 097 GRM-CAB) tranche en défaveur des Yallarbé. Depuis cette date, les Yallarbé ne cessent de demander réparation et voudraient que les limites de partage soient celles d’avant 1976. Pour le jeune- frère du dioro, qui récuse au passage les arrêts de justice, la solution réside dans l’acceptation et la reconnaissance des seuls Yallarbé de Buuli comme les gérants inamovibles.

A l’opposé des litiges mentionnés plus haut qui sont internes au leyde, il existe d’autres conflits exter- nes. Nous avons par exemple celui existant entre Yallarbé et Jallube : si les raisons sont tues, elles sont en rapport direct à la perception du tollo (redevance sur les pâturages) d’une part, et les tentatives d’extension territoriale (par exemple Jallubé a emmené dans son escarcelle le village de Sorme) et nombre de possessions des Yallarbé sont situés sur son territoire (Horè Deebi et Nyeebi) d’autre part.

En somme, si le litige de kakanya a ouvert les premières brèches de contestation et de remise en cause de la légitimité des « invincibles » (Yallarbé), les autres litiges enfoncent le clou des lendemains assez troubles. En nous reportant à certaines dispositions de la CP, le législateur ne définit pas exactement les contours des biens familiaux. Ce qui signifie en soi que ces ressources ne seront pas transférées aux CTD. Le cas Kakanya est certes différent de celui de Nyeebi et cela sur plusieurs points. A Kaka- NAFFET DRAFT 43 nya, il n’a que l’harima. Le différend porte, comme nous l’avons déjà souligné, sur la perception du tollo et son partage : conséquence de la monétarisation des ressources et des dynamiques de changements intervenus dans leur gestion. Ces dynamiques trouvent leur illustration dans les contrats fonciers moné- tarisés qui ont cours actuellement.

· Les contrats fonciers monétarisés :

La pratique de location des bourgoutières se conçoit par la mise à disposition d’une partie ou des par- celles de bourgou à certains grands éleveurs, généralement allochtones, moyennant forte redevance.

En numéraire, elle rapporte plus de redevances au gestionnaire et obstrue également l’accès équitable de la ressource. Ici, il s’agit de déroger à la gestion coutumière, ce qui constitue en soi le prélude à une prolifération des gestionnaires traditionnels.

S’agissant des riziculteurs, la tendance est intervertie e t prend une toute autre forme. Car après avoir payé pour un certain temps, ceux-ci ne veulent plus quitter les pâturages, ni abandonner les parcelles.

Par suite des sécheresses récurrentes, l’éleveur se transforme en agriculteur pour vouloir exploiter une partie de la mare, du lac ou du fleuve qu’il utilisait pour faire paître ses animaux. Cette pratique est cou- rante du moment où le harima est souvent transformé en terrain de culture. Ici, il y a une tentative de transformer une exploitation temporaire en droit d’exploitation pérenne.

La problématique de la gestion des bourgoutières ne peut se résumer seulement au diptyque : bâilleur et locataire comme soutenu déjà par Me Boya Dembélé (op.cit.), paiement de redevances57. Elle revêt d’autres formes plus complexes. A la différence des harimaadji, aux tailles limitées bien que parcelli- sées et avec des droits de propriété privative (individuelle), elles sont gérées par des comités de ges- tion, les bourgoutières sont familiales et de vastes étendues. Leur entretien semble plus difficile et oné- reux. Car de plus en plus, nous avons les dégâts de cultures et de pâturages. A ceux-ci s’ajoute le pul-

57 Cet auteur nous informe que, par exemple, la bourgoutière de Mayo Dendi peut rapporter 20 millions Fcfa et celle de Mayo Ranéo de l’ordre de 10 à 15 millions de Fcfa par an (Me Dicko, 1997:101). Si le dioro de Youwarou ne conteste pas ces chiffres, il dira que la gestion de ces leydi diffère de celle des Yallarbé : « chez-nous, nous ne procédons pas à la location des parcelles, chose contraire à notre tradition de gestion et d’exploitation. Depuis un certain temps, la levée du tollo en numéraire nous a été imposée par la forte intrusion de l’administration dans la gestion et l’exploitation des pâturages. Cela a fait que nous nous sommes intéressés de plus à l’accès et, c’est seulement, à ce niveau que nous pouvons nous attendre à quelque chose. C’est vrai que nous gagnons plus que nos pères et grands-pères, mais pas comme dans les cas cités ». NAFFET DRAFT 44 lulement d’une sorte d’herbes et d’arbustes épineux qui rendent difficile l’accès des bourgoutières. Ces herbes sont indigestes pour les animaux, elles sont également sources de maladies pour eux. Ainsi, pour certains agents du SRC : « on dit souvent que les gestionnaires traditionnels sont dotés d’une certaine technicité, mais quelle technicité ? Ils ne voient que ce qu’ils gagnent. La regérénération des pâturages est bien naturelle ; pourquoi leur confier la gestion des ressources ? L’entretien et la recher- che de l’aide à améliorer la qualité du bourgou sont plus faciles par les CTD que par le dioro. Un trou- peau paye en moyenne des milliers de sous pour avoir accès au bourgou. Les gestionnaires tradition- nels ne payent rien en retour aux CTD même s’ils « graissent » au passage les représentants de cer- tains STD. Donc, exigence d’une limitation du pouvoir des gestionnaires traditionnels ». La préservation de l’environnement part du principe que c’est dans l’entretien que la lutte contre les mauvaises herbes qui côtoient le bourgou est possible ; ensuite c’est dans le surcreusement des mares que l’exploitation de la ressource peut ê tre durable, en toute saison, à des fins d’abreuvoirs et de sites halieutiques de préservation de l’espèce. Dans les faits, nous notons que les CTD sont supplantées par les organismes de tutelle : « j’ai été convié à la Conférence régionale, non pas en tant que Maire mais en tant que dio- ro. Ils ont demandé que chacun des dioro paye 2 000 000 Fcfa. Il me semble que rien d’important n’a changé dans les rapports entre administrés et administrateurs. Les réflexes de vouloir tout décider sont toujours d’actualité. » soutient le dioro. Cet avis est également partagé par les dioro de , Sos- sobé et celui de Ouro Alfaka. Ainsi depuis des années, dans la région de Mopti, les conférences régio- nales sur les bourgoutières sont organisées par le Haut-commissariat et les résolutions sont assorties par un arrêté qui fixe les dates de sortie et d’entrée des animaux dans le bourgou (art. 27). En principe, si les gestionnaires traditionnels (dioro) sont conviés à la conférence, ils ne sont pas concernés par son application correcte (cf. art. 4 dudit arrêté). En règle générale, les dates proposées par les gestionnaires traditionnels, lors de la conférence régionale, ne sont pas prises en compte. Aux dates prévues, les conditions hydrologiques font que celles-ci sont reportées et là, forcément, les délégués du gouverne- NAFFET DRAFT 45 ment et de cercle fixent une autre date, cette fois-ci après consultation des gestionnaires traditionnels.

Ainsi durant l’année en cours, l’exploitation des bourgoutières Yallarbé a été reportée de plus d’un mois.

3.2.5. Règlement des conflits et les dynamiques de changement:

La diversité des conflits recommande une multiplicité d’approches tendant à trouver les solutions dura- bles. En rapport aux cas de Kakanya et de Nyeebi décrits plus haut, nous remarquons que le recours aux formes traditionnelles de conciliation ne pouvait marcher. Car ce sont précisément les instances qui ont la charge de trancher les différends, qui s’opposent entre elles. Dans le temps, ce sont les Bozo qui intervenaient ; aujourd’hui, c ’est l’approche « ressource »58 qui semble prendre le pas sur la communauté. Si les litiges internes aux sous-leydi trouvent généralement leur solution auprès des instances locales ; par contre, d’autres litiges, comme ceux existant entre amiru nayi et dioro, trouvent difficilement solution dans les chefferies locales. Les tentatives de conciliation des chefferies de fondation sont court-circuitées par l’administration, les forces de sécurité et la justice. La mise en retrait des chefferies dans le règlement des litiges et conflits s’explique par la volonté de chaque gestionnaire de vouloir gérer seul ses ressources et les privilèges qui s’y attachent ; les actions de conciliation des chefferies sont parfois mal comprises, d’où la réserve observée par celles-ci, sauf s’il y a une invite expresse. Pour éviter tout quiproquo, le chef de village de Ouro remarque : « à Ouro, il y a deux chefferies : la chefferie qui gouverne les hommes et la chefferie qui s’occupe des animaux. Moi, je m’occupe des hommes et le dioro gère les animaux. Chacun de nous gère ses et je pense que c’est mieux ainsi ». Pour sa part, Allaye Tié Tiao pense que ces conflits sont attisés par l’administration et la justice et mieux les communautés en conflit y perdent plus qu’elles ne gagnent.

Dans le différend qui oppose M’banadjé à Walado, les intercessions du dioro ont été mal interprétées.

Pour les gens de M’banadjé, le dioro aurait pris position pour Walado. Et ceux-ci ne cessent de citer le dernier arrêt du tribunal de Mopti (février 2001) qui a tranché le différend en leur faveur.

58 Cette approche voudrait que seuls ceux qui exploitent la même ressource interviennent dans la résolution des conflits ayant rapport à l’exploitation de ladite ressource : les éleveurs pour le bourgou et les pêcheurs pour l’eau. NAFFET DRAFT 46

L’intervention du CM ne permet, non plus, de trouver une solution définitive : les deux parties peuvent le saisir à titre consultatif et non de s’y remettre irrémédiablement pour la recherche de solution durable.

Chacun des protagonistes a conscience des limites du pouvoir du CM, il lui manque l’appareil de ré- pression et en plus, il ne légifère pas sur les RN. Tout de même, le CM de Youwarou se vante d’avoir permis l’exploitation des ressources halieutiques du lac Walado Débo et la pêche des rivières en défi- nissant un cadre consensuel d’exploitation qui du reste n’a pas constitué une jurisprudence pour l’arrêt du tribunal de Mopti. Dans la pratique, la saisie de la justice pour trancher un différend n’empêche pas les convoitises, plutôt elle les aiguise : c’est la spirale d’arrêts et de cassations qui se succèdent. Cer- tes, les conflits liés aux dégâts de cultures sont facilement gérés par les chefferies et très peu de cas ont été portés devant l’administration locale et la justice. Les litiges de contestation de préséance et de droit d’accès qui sont les plus complexes le sont généralement (les cas de Nyeebi et Nayi Fowru). Ces litiges perdurent quand il y a opposition entre groupes socio-professionnels ou entre allochtones et au- tochtones ou encore entre gestionnaires eux-mêmes. La récurrence d’un tel conflit est en rapport à l’immixtion orientée de l’administration, à travers certains STD du développement rural (les Eaux et

Forêts), la justice et les forces de sécurité. Cette intrusion est à mettre en rapport aux flous qui ento u- rent les lois et décrets qui régissent les rapports entre administration et chefferies (art. 62, loi n° 95-

034), l’accès et l’exploitation de la ressource par les usagers. C’est dire qu’il n’y a pas d’articulation claire entre les dispositions réglementaires étatiques et les pratiques locales de gestion : d’où l’invisibilité des relations et des dynamiques de responsabilisation ainsi que l’explication, toute trouvée, aux nombreuses contradictions. L’influence de l’administration corrobore l’économie du jeu politique à travers la création des réseaux de clientèle politico-administrative. Au -delà de l’existence d’un tel contentieux, nous soulignons son caractère itératif dont l’objectif est une appropriation privative future de la ressource. L’hypothèse de la non maîtrise des textes de la décentralisation par les populations rurales et particulièrement les gestionnaires traditionnels ne tient pas. Les gestionnaires ont une inter- prétation i ntéressée des textes et les limites du pouvoir des chefferies de village sont connues. NAFFET DRAFT 47

Au demeurant, nombreux sont les acteurs locaux (conseillers communaux, chefferies de village et ges- tionnaires traditionnels) qui soutiennent que l’on doit retourner au m ode traditionnel de règlement ; cela au grand dam de la CP qui prévoit un conseil de conciliation pour le règlement à l’amiable des conflits.

A la question de savoir si les partis politiques sont à la base de l’aggravation de la situation, notre inter- locuteur pense que les enjeux du foncier expliqueraient certainement cela :« qui gouverne le foncier dans la zone, détient forcément le pouvoir politique et économique. Chez nous, le problème se présente autrement. L’exacerbation des conflits fonciers nourrit beaucoup plus et tout le monde en a cons- cience ». Ici, allusion est faite au courtage ethnico-politique de M. Kassé59. Pour l’opposition, le régime en place favorise la corruption ; les politiques influencent le cours des jugements, les magistrats font l’objet de trop de sollicitations. La position des autorités de tutelle est à l’opposé de la volonté des a c- teurs locaux que nous avons rencontrés jusqu’ici.

S’agissant du rapport décentralisation / partis politiques, nous disons que l’articulation n’est pas assez visible mais plutôt l’exacerbation des rapports partisans et le courtage. Certes, elle a eu des consé- quences qui sont perceptibles dans la levée des taxes et impôts. Des gens traînent avant de s’acquitter de leur devoir de citoyen (M. Konaté). D’autres pensent le contraire, par exemple pour Nouhoum Tié

Tiao :« la commune ne cesse de créer des taxes et qu’elle n’a pas de réalisation à son actif. Au lieu que le parti au pouvoir rectifie le tir en informant correctement la population, il s’en prend à l’opposition.

Quelle misère ? La population s’attend à ce que les élus rendent des comptes ». Ces griefs s’adressent

également aux gestionnaires traditionnels : «ils n’ont rien compris de la décentralisation. Pour eux la décentralisation est le retour du pouvoir des chefferies. Aujourd’hui, nous payons différemment à deux instances: gestionnaires traditionnels et Etat.» soutient un pêcheur de Akagoun.

Dans l’hypothèse analytique qui conçoit le colonialisme comme un modèle relativement universel de la modernisation ; avec les indépendances, le modèle est remplacé par des systèmes qui se modifient

59 L’honorable député aurait détourné les pénalités (2 000 000 Fcfa) que le dioro devait payer à la justice. NAFFET DRAFT 48 par réaction à la modernité et qui la manipulent60 à travers des réseaux. Pour nombre d’observateurs tels les ONG (UICN par exemple), l’avènement de ces réseaux remonte a ux années 1979 (création du parti UDPM). A ses débuts, le « parti unique constitutionnel » ratissait large dans les rangs des cheffe- ries et trouvait, dans le milieu rural, ses meilleures marques. Après les différentes tentatives infructueu- ses pour leur abolition par l’US RDA61, le régime de l’UDPM offrait une nouvelle honorabilité à ces chef- feries en changeant d’approche sans pour autant que la gestion des RN par celles-ci ne soit à l’abri des politiques sectorielles et du coup des interférences des agents de commandement et des services ayant des prérogatives à intervenir sur la gestion des RN (les Eaux et Forêts et le service de l’élevage). Cette situation voudrait donc dire que l’Etat ne semble pas prêt à octroyer aux CTD une réelle autonomie, mais des pans de pouvoir qui leur permettront de se gérer sous sa bienveillance. Cet avis est égale- ment partagé par les ONG : l’Etat demande aux CTD d’élaborer des plans d’aménagement alors qu’il n’a jusque-là pas élaborer de plan d’aménagement national. Or sans ces plans il n’y aura point de trans- fert de compétences entre l’Etat et les CTD (CCA-ONG 2001). En même temps, l’Etat reconnaît la pos- sibilité pour les CTD de taxer toute activité lucrative ; s’agissant de la gestion des RN, la CTD pourrait prélever un pourcentage sur les recettes issues de leur exploitation. Pour l’administration publique, cette situation ne dénote pas d’une mauvaise volonté de l’Etat. Cela est en rapport à l’approche mise en œu- vre. C’est ainsi que mission a été donnée aux autorités administratives de proximité de s’interposer entre les populations afin d’éviter les affrontements (Echos n° 1744). Nous avons là, l’illustration par- faite que la superstructure juridique (CDF) favorise les catégories urbaines à travers des réseaux de patronage. Ces catégories savent s’y retrouver dans les procédures qui, d’ailleurs, sont ignorées pour

60 « Leur (chefferies traditionnelles) autorité dériva de la loi européenne et non plus de la tradition (....) si bien que l’utilisation de moyens externes et non coutumiers pour maintenir la légitimité traditionnelle fut incompatible avec le maintien de cette culture traditionnelle » (Apter 1950 : 150-151). 61 Pour les dirigeants du nouvel État, l'unité nationale devait se réaliser par dans la refonte complète des structures sociales des pasteurs-nomades qui voient ainsi, comme les autres maliens, disparaître les structures féodales surannées (l’Essor 1962). Le socialisme malien part de l'idée que les nouveaux principes politiques apportent un bouleversement de l'ancien ordre social, étape considérée comme un préalable à tout développement économique et social cohérent. Délibérément, le pouvoir choisit l'élimination de la chefferie, qui apparaît comme une institution archaïque et compromise par le pouvoir colo- nial qui en avait fait sa chose (Kouyaté 1962). Certaines chefferies ont été maintenues et ont accepté de se conformer aux principes du parti. Les autres, qui ne se sont pas accommodées du nouveau régime, ont été mises en demeure de cesser toute activité (Keita 1960 : 5). NAFFET DRAFT 49 une bonne part par les populations : d’où la prise en compte approximative des pratiques et des capaci- tés locales de gérer les RN par le législateur (Leclercq 1994). Un tel principe serait en rapport à ce que la

MDRI qualifie d’approche incrémentale62; une particularité, s’agissant du processus de transfert des com- pétences aux CTD : le but visé est de per-mettre une grande flexibilité et de se donner le temps de com- prendre pour que la population s’approprie le processus ; éviter la précipitation et la mise en œuvre centralisée de la décentralisation en privilégiant la concertation à tous les niveaux. En somme, c’est une telle démarche qui a présidé à toutes les opérations de réflexions au découpage territorial ; ensuite le processus est ascendant : des villages qui se constituent volontairement en communes ; celles-ci for- ment les cercles qui à leur tour formeront les régions. Une telle approche semble discriminer les élus au profit des chefferies dans la gestion des RN.

Contrairement aux bourgoutières où l’exploitation et l’accès à la ressource n’exigent pas de permis délivré par l’administration, la pêche s’organise différemment. L’usager doit se prémunir, d’abord, d’un permis délivré par le SLACAER et ensuite s’acquitter de la redevance due aux gestionnaires traditionnels (manga ji). Pour les usagers, la redevance payée aux gestionnaires traditionnels est en réalité plus lourde que le permis de pêche. Dans ces conditions, les ressources halieutiques seront d’accès libre. Ce qui signifie que l’exploitation sera sans limite et sans contrainte - sauf que l’on tiendra compte des engins utilisés en rapport aux lieux et à la nature de pêches (la pêche des mares, des marigots et d es fleuves) - . Ainsi, les pinassiers itinérants exploitent sans se préoccuper de la durabilité de la ressource et soucieux uniquement du profit maximum. Une telle situation illustre donc de façon saisissante ce que Hardin (1968:1243-1248) a appelé la tragédie des ressources communes, qui n’est en réalité que la tragédie des ressources en accès libre. Le caractère libre de l’accès à ces ressources est informé par une très forte pression des usagers et la monétarisation croissante des rapports entre les usagers (allochtones) et les gestionnaires traditionnels.

3.2.6. La gestion intercommunale :

62 La démarche et les principes des transferts constituent des particularités: « la démarche malienne est un processus in- crémentiel. Il consiste à changer les aspects significatifs de l’administration territoriale en laissant le jeu et le temps aux acteurs finaux, en capitalisant les résultats positifs générés sur le terrain par une législation graduelle » (MDRI 1998). NAFFET DRAFT 50

Aujourd’hui, avec les multiples mutations qui s’amoncèlent à l’horizon, deux perspectives s’offrent aux

CTD : la cogestion avec les chefferies et/ou l’intercommunalité63. Pour nombre d’observateurs, le pro- cessus de gestion intercommunale est et sera une exigence dans un futur proche. Si les litiges qui dé- pendent des découpages communaux sont en latence, le législateur et le service de la cartographie n’ont pas jusqu’ici procédé à la territorialisation des communes ; de même les communes n’ont pas manifesté le besoin ou l’urgence de le faire. Ainsi, si cela devenait réalité, elle inaugurerait ou serait source de nombreux conflits. La condition transitoire serait la mise en marche, dès à présent, du pro- cessus de l’intercommunalité et une coordination de gestion des bourgoutières par les différents dioro du Delta. Une telle logique est informée par l’effet d’annonce et constituerait une mesure d’anticipation circonscrivant les arrangements probables à construire. Le Dioro-maire perçoit la situation comme suit : « la décentralisation met en avant l’intérêt de la commune. Pour nous éleveurs, rien ne vaut le terroir. Les éleveurs de Youwarou ont conscience des problèmes qui se dessinent. Nous consti- tuons la porte de sortie nord du bourgou de la région du Delta. Ce sont les autres qui viennent chez nous. Si le cercle a perdu nombre de ses possessions par le fait du découpage, c’est à nous d’établir l’équilibre. Cela n’est possible que si tous les élus et gestionnaires traditionnels parlent le même lan- gage. Le bourgou de Youwarou appartient à toute la population et c’est à celle-ci de savoir l’utiliser et de le mettre en valeur ». Ce point de vue postule, d’abord, la préservation de la ressource et des acquis situationnels des gestionnaires et ensuite, la formation d’une marge ascendante de manœuvre (CC) sur le cours des négociations futures64. Telle est l’économie générale qui se dégage de notre entretien avec les gestionnaires et les élus de Youwarou. Les gestionnaires sont confrontés à un dilemme qui est d’associer le CM à la gestion et au partage des redevances générées par le bourgou et l’eau. Les in-

63 Ici, l’intercommunalité est le principe d’une gestion concertée d’un même espace-ressource par deux ou plusieurs com- munes. Le principe n’est pas exclusif : il est situationnel et ou contextuel. La gestion intercommunale peut porter sur un ou des aspects de la gestion, de la répartition, de l’accès et ou au droit de propriété. 64 Un tel comportement a été campé par Laurent lorsqu’il traitait de la société Mossi. Son commentaire correspond bien à la situation qui nous occupe. Il note : « Les tactiques populaires rusent par une invention quotidienne. Cet art se compose à la fois d’une pratique du ‘coup par coup’, c’est-à-dire de l’acuité à se saisir de l’occasion et de la transformer en opportunité, d’un fort sentiment d’autonomie vis-à-vis de l’ordre institué qui peut s’exprimer par la docilité ou de la résistance passive et enfin l’élaboration d’un réseau de relations basé sur le don, le recours à la dépendance réciproque (dans le sens du don créateur du tissu social) » (1996 :15). NAFFET DRAFT 51 quiétudes du dioro sont légitimées par le fait que ses possessions se trouvent largement a u-delà du territoire communal ; au cas où on proc éderait à la territorialisation des communes, il verrait plus de 90

% de ses possessions dans d’autres communes. Par exemple, le leyde contient neuf villages officiels65.

Sept villages sont recensés dans la c ommune de Youwarou, les deux autres, Sorme et Rogonta dé- pendent respectivement de Jallubé et de Togueré Coumbé. Aussi, nous pouvons noter le non- recensement de certains villages66 qui renferment les possessions Yallarbé. Pour lui, il urge de coopé- rer avec le conseil communal et de défendre ses bourgoutières comme si c’était le patrimoine fourrager de Youwarou. La position du CM est pleine d’enseignements : il prône une rencontre inter régionale des dioro, d’abord, qui ensuite inaugure la coopération intercommunale stratégique autour des bourgouti è- res et la vision du long terme intègrera celles-ci comme une ressource fiscale d’appoint pour la com- mune. La vision s’inscrit dans l’autonomisation67 de la CTD (voir Annexe, tableau II). Nous avons noté plus haut que les bourgoutières familiales sont confiées à des autorités traditionnelles.

Les pratiques actuelles montrent que le règlement légal de la question des R.N. doit nécessairement s'accompagner d'une reconnaissance sociale de l'acquisition, l'exploitation, l a gestion et l’accessibilité de la ressource. Cependant pour concilier le local et le global, le social et le légal, l'exploitation et les investissements, pour appliquer les déclarations de politiques nati onales et lever les obstacles à une gestion concertée et décentralisée, il manque quelques arrangements institutionnels. Les organes et les structures, représentant un village ou un groupe de villages, pour être efficaces, doivent s'inscrire dans un cadre de négociation participative entre les dispositifs du droit moderne et les pratiques coutumières.

Un tel cadre regrouperait les délégués de l'Etat, les STD, les élus, les gestionnaires traditionnels et les usagers. Ce qui permettra de résoudre la question des R.N. par une responsabilisation collective et le partage des décisions (Zeba 1996). Cette situation imprime une dynamique nouvelle au fonctionnement

65 Nous avons les villages suivants: Youwarou, Banguitta, M’Baradou, Tanna, Kanguru, Kadiji, Walado, Rogonta et Sorme. Aujourd’hui, deux des villages cités ne font plus partie de la commune rurale de Youwarou (Rogonta et Sorme). 66 Ces villages sont : Gonoba, Kerjal, Nburi, M’Banajé, Kurbaka Njaabi, N’Garwoye Garoudjé, N’Garwoye Bougoudji, Bille Debeere, Kurndubaaje et Tanereeje. 67 L’autonomisation est la capacité que les populations doivent avoir à vivre de leurs propres forces : de gérer les activités, de résoudre les conflits, de générer de l’appui au profit de ses structures et en dehors de celles -ci. Les indicateurs suivants pourront mesurer cette autonomisation : ressources et activités, participation, renforcement des capacités et des connaissances, renforce- ment organisationnel et institutionnel, décentralisation, désengagement, auto-promotion et auto-développement. NAFFET DRAFT 52 des CTD: l’utilisation des canaux multipartites par les gestionnaires afin d’englober les préoccupations locales (Villages) dans celles des communes ; la multiplication des gestionnaires et des réseaux de clientèle entre les autochtones vivant en ville et ceux restés sur place. Ici la superstructure organisa- tionnelle de prise de décision dans le village est occultée au profit des intérêts communaux ou particu- liers. Dans les villages, les structures de prise de décision réduisent au silence ceux qui ne sont pas des dirigeants. Et la difficulté pour les femmes, les jeunes et les cadets sociaux de se construire une opinion concernant les affaires communauta ires. Cela d’autant plus que le CDF ne reconnaît que les seuls dioro et non le Suudu Baaba. De même dans la CP, le législateur en confirmant la reconnaissance des ges- tionnaires, limite par-là les ressources qui seront transférées aux CTD (les harimaadji – art. 38). Si ces transferts devenaient réels, ils consacreraient un véritable réaménagement de la structure sociale et de l’arène politique locale en terme de responsabilité. Cependant les droits de jouissance des gestionnai- res traditionnels n’ont pas été systématiquement supprimés. Ainsi, nous voilà passé de l’interdiction formelle à la légalisation d'une situation de fait. Car les usagers sont habitués à payer des taxes et même en nature (des génisses le plus souvent) pour accéder aux pâturages. D'autres (l’Assemblée

Régionale) se réfèrent à l'existence de cette taxe au Burkina Faso (Zeba 1996) pour justifier sa norma- tivité au Mali. Les textes ne sont pas clairs sur ce point; nous remarquons que ces droits s'exerceront selon des principes à élaborer par les autorités communales après avis des autorités coutumières. La sensibilité des uns et des autres fait que la concertation entre gestionnaires traditionnels et élus com- munaux tarde à voir jour. C’est dire qu’ils sont à la recherche du comment, du quand et du que faire à ce sujet. D’où l’exigence d’une formation à l’endroit des gestionnaires traditionnels et du CM.

Conclusion :

Le cercle de Youwarou et la commune du même nom sont sortis politiquement, démographiquement et

économiquement affaiblis du découpage territorial. Ainsi, le consensus qui a présidé, malgré les rivalités locales, risque de voler en éclat lors du fonctionnement effectif des CTD. Or, de toutes les réformes institutionnelles du Mali indépendant, la décentralisation semble être un axe prometteur pour la gestion NAFFET DRAFT 53 des RN. Elle repose à la fois sur des approches (participative et de proximité) qui permettent de définir des actions de développement (Winter 1998). Ces approches doivent répondre aux besoins de la popu- lation à la base. L’expérience montre que si la mise en œuvre des communes n’est pas suivie de trans- fert important de pouvoirs, la décentralisation serait un vœu pieux. Aujourd’hui, elle a permis le recen- sement de toutes les RN permettant de conférer à la commune des répondants financiers substantiels qui pourront servir valablement au manque de ressources financières ; de même, elle a permis de valo- riser le foncier. Certes, la représentation responsable (CTD) doit aller de pair avec la délégation de pou- voirs. Sans ce préalable, on ne saurait parler de décentralisation véritable. C’est alors aux CTD et à leurs élus de se faire sien le principe de responsabilité pour permettre l’ancrage de la démocratie locale et des avantages qui en découlent. Cependant, les CTD rencontrent de nombreuses difficultés dont le non-transfert de compétences, la faiblesse de revenus des populations et l’analphabétisme de nombre d’acteurs communaux. La décentralisation au Mali est inachevée. Les transferts de compétences tar- dent ; les CM manquent d’informations et de formation. Et réussir une politique de gestion décentralisée des RN est possible à condition que: les CM œuvrent à avoir une perception claire de l’environnement réglementaire et institutionnel nouveau et des enjeux du foncier rural ; les nouvelles CT D renforcent leurs capacités ; leurs actions ne se traduisent pas dans des interminables confrontations avec l’Etat.

Au contraire, les élus locaux, en appuyant les initiatives locales, doivent insérer leur programmation dans celle nationale et permettre un contrôle de leurs actions par la société civile. Les principaux ensei- gnements tirés de cette étude sont les suivants : le choix d’une mise en avant de la dimension humaine

(sociale et politique) de la décentralisation environnementale paraît constituer un préalable indispensa- ble des actions en matière d’aménagement, de gestion du territoire ou de développement des filières

économiques. Il ne s’agit plus dès lors de concevoir des actions avec la participation des acteurs locaux mais bien que le programme lui-même participe à leurs propres projets ; le renouvellement du consen- sus social autour de la gestion des espaces et des ressources qui paraît un élément déterminant pour un développement durable ; les expériences acquises dans la gestion d’autres ressources alternatives NAFFET DRAFT 54

(comme le coton et les marchés ruraux de bois-énergie et de charbon) illustrent non seulement les pos- sibilités de développement d’une économie diversifiée mais également, elles mettent en exergue les lignes d’actions en œuvre qui accompagnent de manière efficace les initiatives dans le domaine. Il a p- paraît très clairement que la valorisation économique d’une ressource ne suffit pas en elle-même à garantir la durabilité de son exploitation. Cette exploitation doit s’opérer non seulement dans un contexte économique favorable : un revenu suffisant pour les producteurs, revenu qui permet un réin- vestissement dans la reproduction de la ressource exploitée ; mais aussi, l’exploitation doit permettre un accès et un contrôle sécurisé pour les différents utilisateurs. Ce dernier point renvoie à la nécessité d’un aménagement du territoire pensé en termes de facteur de développement économique et se traduisant par la mise en œuvre de modes de gestion concertés (entre les responsables locaux et les utilisateurs) et dynamiques (évolution en fonction du degré d’exploitation).

Au cours de cette étude deux préalables à la décentralisation se sont dégagés. La réussite des politiques des programmes de décentralisation (institutionnelle et environnementale) nécessite d’une part l’existence de sites de pluralité économiques et politiques, d’autre part l’intervention d’un Etat régulateur. Ainsi au- delà d’une nécessaire redefinition juridique des droits fonciers des pasteurs et des agropasteurs, « seules des décisions négociées entre les parties concernées sont en mesure de sécuriser les droits et les usages »(Marty 1996). Dès lors, on ne peut se pencher sur le foncier pastoral sans interroger également sur le rôle fondamental d’arbitrage que l’Etat doit jouer dans la gestion des RP et dans le maintien de la paix civile. D’un côté, l’Etat doit s’affirmer en tant que promoteur et garant des règles d’accès et d’usage aux ressources qui soient mutuellement satisfaisantes et acceptables pour les usagers. De l’autre côté, il lui faut éviter de trop s’immiscer dans la définition de ces règles par les communautés concernées. Plutôt que de constituer des prescriptions imposées par le législateur, les règles doivent se présenter comme des cadres de référence visant à faciliter les négociations entre les usagers de ces ressources (Thébaud

2001 : 178). C’est dans ce contexte, également, que les usagers devront dorénavant faire valoir leurs droits. Les finalités de la décentralisation sont l’avancée de la démocratie à travers la progression de NAFFET DRAFT 55 l’autonomie et de l’organisation des populations à la base ; c’est dire que seuls ces éléments sont sus- ceptibles de contribuer de manière décisive à un développement participative équilibrée et à la réduction de la pauvreté : la décentralisation doit permettre aux couches marginalisées de tirer des profits, tout en assurant l’organicité dans l’espace local.

A l’état actuel des choses, étant donné l’impréparation, les acteurs locaux – élus, fonctionnaires, gestionnaires traditionnels et usagers – n’ont pas perçu les enjeux de la décentralisation (renforcement des capacités citoyennes à travers la participation, l’autonomisation et l’organisation des populations locales, la gestion équitable et durable des RN, etc.). Le renforcement des capacités d ans l’organisation

(saisir les opportunités qu’offre la décentralisation en terme d’organisation) ainsi que des politiques

éducatives élargies au-delà des aspects de diffusion de l’information sur les réformes institutionnelles (un bien pour l’exercice d’une citoyenneté). Ce renforcement des capacités doit s’adresser à une pluralité d’acteurs qui sont susceptibles d’inscrire leurs stratégies dans la décentralisation. Il est donc essentiel de sortir de la dichotomisation Etat/CTD qui guide les programmes de décentralisation au Mali en particulier et en Afrique de l’Ouest (Sénégal, Burkina Faso, etc.) pour y restituer le rôle des communautés de base

(la société civile). La reconnaissance du rôle de la société civile dans la dynamisation de la décentra- lisation, surtout dans la production de ressources, à terme destiné à la production des biens publics par les mécanismes fiscaux. Si les CTD sont soumises à un agenda exogène, le phénomène pourrait être dépassé par un double processus d’appropriation : appropriation locale des politiques nationales à travers des mécanismes de diffusion efficaces qui peuvent lutter contre la monopolisation de l’information (traduc- tion en langue nationale, développement des radios communautaires) ; appropriation des codes locaux dans la production normative dans le cadre de la décentralisation ; cela suppose la reconnaissance par la puissance publique d’un certain nombre de modes de recours et de procédures locales qui ont une fonc - tion constitutionnelle et législative. Le processus de reconfiguration de l’Etat nécessite que les institutions s’enrichissent des compétences locales, y compris dans la production du bien public. Cela peut aller de mécanismes de régulation des conflits à de modes de distribution des ressources. Il convient donc NAFFET DRAFT 56 d’interroger les mécanismes de décision des CTD peut-être en les clarifiant ou en les institutionnalisant lorsqu’ils sont efficaces. Dans la gestion des RN, l’accent doit être mis, non pas seulement sur l’accès, mais sur le contrôle par les groupes qui en sont généralement dépourvu. Ce travail doit passer par les structures communautaires qui régissent les droits d’usages et les réactualiser en élargissant le contrôle sur les ressources. Les mécanismes de régulation des conflits locaux se sont souvent avérées efficaces, il s’agit de les institutionnaliser en développant davantage l’équité. Les mécanismes communautaires ne sont pas toujours égalitaires, ils ne sont pas nécessairement contradictoires avec l’idée d’équité. Un axe de réflexion sur les problèmes de légitimité et de responsabilité des élus a été abordé au travers de la confrontation de différents mécanismes de représentation. Faut-il encourager la représentation partisane, par liste ou la désignation ? Cette question reste à démêler de façon systématique sans oublier la notion de mandat, car il paraît essentiel d’assigner des objectifs clairs pour facilité l’accountability.

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