Bashu, Le Petit Étranger

Total Page:16

File Type:pdf, Size:1020Kb

Bashu, Le Petit Étranger BASHU, LE PETIT ÉTRANGER Bashu, garibe kotchek DE AHRAM EYZAIE B B lm fi FICHE TECHNIQUE IRAN - 1986 - 2h che fi Réalisation, scénario & montage : Bahram Beyzaie Image : Firooz Malekzadeh Musique : tirée du folklore iranien Interprètes : Sussan Taslimi (Naie) Aduan Afravian (Bashu) La guerre entre l’Iran et l’Irak fait rage. Une bombe déchi- quète un champ. Un enfant d’une dizaine d’années, au Parviz Pourhosseini teint mat, Bashu, fuit cet enfer. Quelques instants plus (mari de Naie) SYNOPSIS tard, on le voit sortir de sous la bâche d’un camion : le paysage a changé et les gens aussi qui sont clairs de peau. Le gamin a émigré (involontairement) de son sud natal vers le nord. Une jeune femme, Naie, mère de deux enfants, et dont le mari est dans une autre contrée (au front ?), accueille Bashu. D’abord méfiante, car il ne parle pas le même dialecte qu’elle, Naie fait néanmoins des efforts pour communiquer avec lui. Mais les villageois, imbus de préjugés, jasent et se demandent de quelle race est cet être venu d’ailleurs. Ce sont les enfants qui, les premiers, vont vers Bashu et échangent des signes avec lui. De son côté, l’«intrus» commence à saisir des bribes de langage autochtone. A son retour, le mari de Naie, devenu invalide, rejette Bashu… 1 CRITIQUE Vietnam même si c’est tout aussi montagneux, il débouche dans stupéfi ant, c’est une guerre pau- une rizière, Vietnam ? Guerre ou Bashu, le petit étranger, comme Où vre, périphérique, désertique paix ? Deux enfants jouent avec est la maison de mon ami ? d’Ab- loin des médias ; et si c’est aussi un chien ; ils découvrent Bashu bas Kiarostami, a un enfant comme énergique que le meilleur cinéma endormi, noir de fumée, noir de protagoniste principal. Cela est dû américain, c’est un cinéma diffé- peau. «Maman». Plein écran, le vi- à de multiples causes. D’abord, rent dont on sent immédiatement sage arrêté de la femme alertée, une fraction très importante de la la propre énergie interne. Cette ou plutôt ses yeux seuls géométri- population iranienne a moins de belle énergie ne se démentira pas quement encadrés par son foulard vingt ans. Ensuite, les métaphores pendant les deux heures que dure islamique blanc que chacune de (figures de style quasi obligatoi- l’histoire de Bashu, le petit étran- ses mains tend à la diagonale de res sous tous les régimes forts) ger dans son propre pays, l’Iran. l’écran. Regard épervier de la mère qui touchent au monde des en- Cette intensité doit autant à la su- vers ses enfants, regard fauve de fants peuvent plus aisément pas- perbe composition des cadrages la femme vers l’autre. L’impact ser entre les mailles de la censure et au vigoureux tempo des acteurs de ce plan fi xe est d’autant plus que les autres. Un organisme spé- qu’à l’étonnante rythmique des grand que le geste est arrêté et cialisé, qui a produit ce film - et changements d’angles et d’échelle qu’en même temps on ne s’y arrête tant d’autres -, offre des moyens de plans. Qu’on en juge par la sim- pas : la nécessité de l’histoire (le conséquents aux cinéastes pour ple manière, proche de la tragédie rythme du montage) ne cède pas travailler sur l’enfance et forger grecque, dont Bashu conte en une au charme de l’instant(ané). Naïe, les citoyens de demain. Dans ce rafale de quelques lamentations et superbement interprétée par Sus- cadre, les réalisateurs responsa- fl ashes-back son malheur à la fem- san Taslimi, la femme qui sent et bles peuvent aisément tricher avec me émue qui ne comprend même sait tous les cris d’animaux, de les schémas des scénarios, car du pas sa langue. (…) Il y a dans Bashu l’aigle au sanglier, va apprivoiser constat à la critique la paroi est deux plans proprement stupéfi ants, le petit sauvage étranger jusqu’à mince. Probablement destiné, à deux images arrêtées, non pas l’amener (en quelques plans essen- l’origine, à montrer les ravages images fi xes mais plans dans les- tiels vivement découpés) à ce qui causés dans la population par quels les acteurs sont comme fi gés va devenir son foyer d’adoption. l’agression irakienne, Bashu s’est eux-mêmes. Et le spectateur reste L’amour sera scellé par l’échange rapidement transformé en mise en là, saisi devant la beauté et l’intel- des mots et des noms. «Moi Noïe. cause des préjugés interethniques ligence du cinéma de Beyzaie : car Et toi ? - Bashu». L’épreuve pour qui clivent la société iranienne. comment mieux saisir que par ces elle sera d’imposer le petit mo- Comme on le voit, l’approche du parfaits suspens dans le rythme si ricaud aux villageois méfi ants et racisme n’est pas loin. (…) enlevé du fi lm, par ces deux arrêts au mari absent, espérant un ac- R. B. qui ne font qu’en accroître la ten- quiescement de chacune de ses Saison Cinématographique - 1991 sion, deux moments-clés de l’his- lettres. L’épreuve pour Bashu sera toire. Tension montante : Bashu a de parvenir à effacer les spectres fui les bombardements, sa maison, tutélaires de ses parents dispa- sa famille carbonisées, en grim- rus, qui continuent de le hanter. pant dans ce camion générique qui Au lieu de l’herbe d’ici, il voit en- Un camion roule vers nous à tom- réchappe de l’enfer de fumée et de core le désert de là-bas, il marche beau ouvert zigzaguant entre les poussière. Beaucoup plus loin, de dans son cauchemar encadré par bombes. Ce vacarme de feu et de nouvelles explosions le font sau- ses parents, il croise Naïe portant sable, scandé par un chœur tam- ter du camion, il fuit maintenant une lourde échelle et qui l’appelle bour, ce n’est pas la guerre du dans un Iran inconnu, vert-bleu, à la rescousse. Il saura attraper 2 l’échelle de la réalité, comme elle gamin normal, pas un idéal petit A PROPOS DU FILM saura farouchement imposer son lord Fauntleroy : il est sale, trop amour aux voisins et à Bashu lui- effrayé pour être aimable et sur- Lorsqu’il réalise Bashu, le petit même. Par un soir d’orage, digne tout préoccupé par sa nourriture. étranger en 1986, les hostilités des beaux fi lms indiens, elle re- La guerre en a fait un animal. Un avec l’Irak durent encore, si bien trouvera dans une cabane le fu- animal craintif qui attend qu’on que le film doit attendre la fin gueur dépité et le corrigera «Pour- l’apprivoise. La mère n’a rien d’une de la guerre pour sortir dans son quoi dors-tu ici, alors que tu as sainte. Elle commence même par propre pays. Après quatre ans une maison à toi ?» jeter des pierres au petit. Mais, d’interdiction en Iran, le film est Tension descendante. Toute la avant les autres, elle réalise qu’il autorisé en 1989. Bahram Beyzaie famille, Bashu compris, s’est ren- faut le protéger. Devoir, instinct, a depuis réalisé trois autres due au marché. Scènes du marché coup de cœur ? On ne le saura films : Shayad Vaghti Deegar quasi documentaires. Mais repris pas. Et qu’importe ! Ce qui compte, (Peut-être une certaine autre par ses hantises, Bashu décide de c’est qu’elle le fera. Ce que nous heure) en 1988, Mosaferan, film débarrasser Naïe de sa présence. raconte le fi lm, c’est l’apprentissag dramatique, en 1992, et Sagkoshi Les marchands remballent, Naïe ne d’un sentiment. La chronique d’un (Tuer les chiens fous), thriller, retrouve plus Bashu. Sur la place amour annoncé. Amour-bulldozer, en 2001. Bashu, le petit étranger, du marché déserte, jonchée d’épa- qui écrase tout pour conquérir est le huitième film de Bahram ves - détritus ou éclats de guerre ? l’autre. La rencontre de la mère Beyzaie. (…) - l’image de cette femme pétrifi ée, avec Bashu, c’est le choc d’une www.carlottafilms.com un enfant au bout de chaque bras, main de fer sur une peau dure. On n’est-ce pas l’instantané de toutes pense parfois, devant cette adop- les guerres perdues, des vaines tion musclée, à cette scène de Mi- prières et des amours rompues ? racle en Alabama où l’infi rmière de (...) Susan Taslimi, une des plus Vision triste et belle qui nous pa- la petite sourde-muette tranforme grandes comédiennes d’Iran au ralyse alors que Naïe tourne déjà un repas en pugilat pour l’obliger théâtre comme au cinéma, est les talons, reprend sa course et le à manger proprement. Nous aussi, depuis réfugiée politique en fi lm avec elle. (…) comme Bashu, nous sommes se- Suède, et le film est plus que François Niney coués, puis séduits. Tellement que jamais d’une parfaite actualité. Cahiers du Cinéma n°442 Beyzaie peut se permettre de faire apparaître le fantôme de la vraie mère de Bashu sans jamais nous Attention : ce film n’est pas ano- déconcerter. «Apprivoise-moi.» Le din. cri muet de Bashu ne s’oubliera Comme souvent dans le cinéma (…) Attention : sujet à risques. pas. C’est déjà ce que, dans un iranien, on est dépaysé, mais plus La guerre, un petit orphelin, une désert, un renard disait à un pe- encore dans ce film qui commen- brave femme qui le recueille... On tit bonhomme qui voulait qu’on lui ce, sans détour, par nous plonger peut tout faire avec ça, et surtout dessine des moutons… dans des images de guerre.
Recommended publications
  • Staging Iranian Modernity: Authors in Search of New Forms
    Copyright by Maryam Shariati 2016 The Dissertation Committee for Maryam Shariati certifies that this is the approved version of the following dissertation: Staging Iranian Modernity: Authors in Search of New Forms Committee: Elizabeth M. Richmond-Garza, Supervisor Mohammad R. Ghanoonparvar, Co-Supervisor Lynn R. Wilkinson Katherine M. Arens Sofian Merabet Staging Iranian Modernity: Authors in Search of New Forms by Maryam Shariati, B.A.; M.A. Dissertation Presented to the Faculty of the Graduate School of The University of Texas at Austin in Partial Fulfillment of the Requirements for the Degree of DOCTOR OF PHILOSOPHY The University of Texas at Austin May 2016 Dedication For my soulmate, Ehsan. For everything. Acknowledgements I wish to gratefully acknowledge the guidance and support I have received, intellectual and otherwise, throughout the process of composing and revising this dissertation. My first debt of gratitude is to my dissertation committee members and in particular my indefatigable supervisor, Professor Elizabeth Richmond-Garza, for her unflinching encouragement and infinite forbearance throughout my studies at The University of Texas at Austin. She has been an erudite mentor, critical commentator, and encouraging guide and I thank her for sharing her wealth of knowledge, invaluable insight and expertise in this project. To my co-supervisor, Professor Mohammad R. Ghanoonparvar, I owe immeasurable debt of gratitude for his intellectual guidance and strong commitment to my research—from the start to finish. His boundless enthusiasm, great knowledge, and unfathomable erudition opened an avenue to many stimulating discussions and enabled me to have a clear direction of my project. Another substantial acknowledgement must go to Professor Lynn Wilkinson for her instrumental role at every stage of my research: conceptualizing, researching, and writing.
    [Show full text]
  • 28 F E Stiva L in Te Rn a Tio N a L D E F Ilm S D E F Ribo U Rg 2
    28e Festival International de Films de Fribourg 2014 Fribourg International Film Festival — Festival International de Films de Fribourg — Internationales Filmfestival Freiburg 3 Parallel Sections Special Screenings Contents 1 3 Sections parallèles 4 Séances spéciales Parallelsektionen Sondervorführungen 1 Table des matières 4 Index of Films 102 Decryption: Struggle for the crisis 264 Carte Blanche to Inhaltsverzeichnis Index des films Décryptage : Petits remèdes contre Visions du Réel Filmverzeichnis la crise à Visions du Réel 2 Entschlüsselt: Ringen mit der Krise an Visions du Réel 8 Film Director’s Index Index des réalisateur(trice)s 122 Diaspora: Slava Bykov and Russia 272 FIFFamily in Latin America Verzeichnis der RegisseurInnen Diaspora : Slava Bykov et la Russie FIFFamille en Amérique latine Diaspora: Slava Bykov und Russland FIFFamilie in Lateinamerika 3 14 Messages 138 Genre Cinema: Survive! 280 Films of the International Jury 26 Board of Honour Cinéma de genre : Survivre! Films du Jury international Comité d’honneur Genrekino: Survive! Filme der internationalen Jury Unterstützungskomitee 4 164 Hommage à…: History of iranian 286 Passeport Suisse 28 Jury Members cinema by its creators Passeport suisse Membres des jurys Histoire du cinéma iranien par Jurymitglieder 298 Midnight Screenings ses créateurs 5 Séances de minuit Iranische Filmschaffende Midnight Screenings präsentieren Schlüsselwerke ihres Official Selection Landes 2 Sélection officielle 6 Offizielle Selektion 226 Terra Incognita: Madagascar School Programme Nouveau territoire
    [Show full text]
  • O Novo Cinema Iraniano Arte E Intervenção Social Alessandra Meleiro Copyright Do Texto©2006 by Alessandra Meleiro Copyright Da Edição©2006 by Escrituras Editora
    O Novo Cinema Iraniano Arte e Intervenção Social Alessandra Meleiro Copyright do texto©2006 by Alessandra Meleiro Copyright da edição©2006 by Escrituras Editora Todos os direitos reservados. Nenhuma parte desta edição pode ser utilizada ou reproduzida – em qualquer meio ou forma, seja mecânico, eletrônico, fotocópia, gravação etc. – nem apropriada ou estocada em sistema de banco de dados, sem a expressa autorização da editora. Escrituras Editora e Distribuidora de Livros Ltda. Rua Maestro Callia, 123 04012-100 – Vila Mariana – São Paulo, SP Tel.: (11) 5082-4190 – [email protected] http://www.escrituras.com.br Editor Raimundo Gadelha Coordenação Editorial Helena M. Uehara Revisão de texto Denise Pasito Saú Capa Helena M. Uehara Tami Inoue Projeto gráfico Vera Andrade Editoração eletrônica Tami Inoue Tratamento de imagens Márcio Uva Impressão Palas Athena Dados Internacionais de Catalogação na Publicação (CIP) (Câmara Brasileira do Livro, SP, Brasil) Meleiro, Alessandra O novo cinema iraniano : arte e intervenção social / Alessandra Meleiro. -- São Paulo : Escrituras Editora, 2006. Bibliografia. ISBN 85-7531-212-X 1. Censura - Irã 2. Cineastas - Irã 3. Cinema - Irã 4. Irã - Política cultural 5. Irã - Política e governo 6. Islamismo - Irã I. Título. 06-4683 -791.430955 CDD-791.430955 Índices para catálogo sistemático: 1. Cinema iraniano : Arte e intervenção social 791.430955 2. Irã : Cinema : Arte e intervenção social 791.430955 Impresso no Brasil Printed in Brazil O Novo Cinema Iraniano Arte e Intervenção Social Alessandra Meleiro Agradeço ao embaixador Cesario Melantonio Neto, pela hospe- dagem em Teerã e pelas valiosas dicas, ao guia iraniano, Amir, por propiciar o acesso ao farsi e aos códigos culturais do mundo islâmico, a Teixeira Coelho, Lucia Nagib, Babak Payami, Mohammad Atebbai, Neloufer Pazira, Mamede Jarouche, Renato Hofer e Ivan Melo, pela colaboração, e a Isabel Cristina Westin, pelas cuidadosas traduções.
    [Show full text]
  • An Investigation Into Representations of Women in Iranian New Wave Cinema
    COPYRIGHT AND USE OF THIS THESIS This thesis must be used in accordance with the provisions of the Copyright Act 1968. Reproduction of material protected by copyright may be an infringement of copyright and copyright owners may be entitled to take legal action against persons who infringe their copyright. Section 51 (2) of the Copyright Act permits an authorized officer of a university library or archives to provide a copy (by communication or otherwise) of an unpublished thesis kept in the library or archives, to a person who satisfies the authorized officer that he or she requires the reproduction for the purposes of research or study. The Copyright Act grants the creator of a work a number of moral rights, specifically the right of attribution, the right against false attribution and the right of integrity. You may infringe the author’s moral rights if you: - fail to acknowledge the author of this thesis if you quote sections from the work - attribute this thesis to another author - subject this thesis to derogatory treatment which may prejudice the author’s reputation For further information contact the University’s Director of Copyright Services sydney.edu.au/copyright Sydney College of the Arts The University of Sydney MASTER OF FINE ARTS 2013 RESEARCH PAPER (A thesis submitted in fulfilment of the requirements for the degree of Master of Fine Arts.) AN INVESTIGATION INTO REPRESENTATIONS OF WOMEN IN IRANIAN NEW WAVE CINEMA by Masoud Sheikhi Shoushtari August 2013 STATEMENT This volume is presented as a record of the work undertaken for the degree of Master of Fine Arts at Sydney College of the Arts, University of Sydney.
    [Show full text]