LA RÉVOLUTION A MAURS (de Juillet 1789 à la Convention) DU MEME AUTEUR : « MAURS AU FIL DES SIECLES » Des origines à 1789

Le premier tirage — vendu au profit du Syndicat d'Initiative de la Région de Maurs — ayant été épuisé, un second tirage est en cours de vente.

Tous droits de reproduction, de traduction, d'adaptation et d'émission réservés. ROGER JALENQUES Ancien Maire de Maurs Ancien Vice-Président du Conseil Général du

LA REVOLUTION

A MAURS (de Juillet 1789 à la Convention)

Préface par Louis FORESTIER Professeur à l'Université de Paris

PREFACE

Parodiant la formule célèbre de l'abbé Siéyès, on pourrait dire que la ville de Maurs, vers 1789, n 'était rien et que, à défaut de pouvoir être tout, elle aspirait au moins à devenir quelque chose. C'est l'his- toire de ce devenir que retrace Maître Roger JALENQUES dans les pages que le lecteur va parcourir. Nul, mieux que lui, ne pouvait retracer l'histoire de notre ville. D 'abord parce que sa famille y a été glorieusement mêlée; sur ce point, l'auteur a observé une exemplaire et peu commune discré- tion : je me devais de rappeler d'un mot ce que sa modestie a passé sous silence. Les fonctions administratives qu 'il a longtemps occupées le conduisaient, d'autre part, à mieux comprendre le passé en le nourrissant d'une expérience vécue au jour le jour. Enfin, le succés de son précédent ouvrage — Maurs au fil des siècles — l'obligeait, en quelque sorte, à poursuivre ce qu'il avait entrepris. J'espère de tout cœur que ce livre, que j'ai l'honneur de présenter, sera suivi d'autres qui poursuivront, jusqu 'à nos jours, l'histoire d'une ville dont on a dit qu 'elle était la « Riviéra canta- lienne ». Monsieur Jalenques est un homme de rigueur et de probité. Il n 'avance que ce qu 'il sait. Il n 'affirme que ce que les documents lui ont révélé. Il ne veut nous offrir qu 'un ensemble de faits bruts. Il laisse à d'autres les vastes synthèses imaginatives et les spéculations philosophiques sur l'histoire. Il se borne à décrire avec exactitude et se plaît à répéter humblement qu 'il est un amateur. J'aime ce mot. Monsieur Jalenques lui redonne son éclat primitif: l'amateur est celui qui cultive un art pour son plaisir et avec compétence. Pour son plaisir; et pour le nôtre!... Rien n 'est plus instructif, ni plus curieux, que la suite d'événe- ments qu 'on va lire. Ils sont empruntés aux meilleures sources: archi- ves familiales, départementales, nationales. Couchés depuis des siè- cles sur le papier, les voici qui se lévent. Ils nous somment de con- fronter l'histoire d'hier à notre vie d'aujourd'hui. Rien n 'est bien différent, pas même les noms dont beaucoup survivent encore. Au bout de deux cent ans, nous croisons journellement une histoire faite par nous et pour nous. jusqu 'à 1789, Maurs, comme beaucoup de petites villes, vit de sa vie propre, loin des pouvoirs centraux. La Constituante et la Législa- tive pousseront à la centralisation des pouvoirs. Le grand problème devient celui-ci: comment un petit pays peut-il entrer dans le moule uniforme de la communauté nationale sans perdre son originalité? Les hommes de ce temps ont apporté quelques réponses qui pour- raient bien avoir force de leçons actuelles. Ce que j'en dis, est le fruit de mes réflexions après la lecture du livre de Monsieur Jalenques. Car l'auteur s'abstient de juger, de décerner le blâme ou l'éloge. Il nous donne à voir et à penser. Il nous montre comment, au fil des jours, une modernité s'affermit sans rejeter par-dessus bord tout ce qui fut le passé. Monsieur Jalenques nous montre que, dans ces temps incertains de 1789, l'homme resta l'espoir de l'homme. Puissons-nous retenir cette leçon!

Louis FORESTIER AVANT-PROPOS

Le sujet de cette étude : « La Révolution à Maurs » pour la période de juillet 1789 à la Convention est vaste. Il est complexe. Il soulève encore fréquemment des passions, avec les altéra- tions qu'elles entraînent dans le jugement. Meublant ma retraite, prise dans les conditions précédem- ment indiquées, ces notes sur notre histoire locale sont écrites dans le même esprit, dans le même souci d'objectivité que « Maurs au fil des siècles ». Elles veulent avoir simplement une valeur de documentation. Dans ce but elles suivent étroitement celle-ci, en laissant à chacun, le soin de porter son jugement. La Révolution de 1789 est constituée certes, à titre princi- pal par les événements de Versailles, puis par ceux de Paris et par les décisions qu'y prennent les pouvoirs publics. Elle l'est aussi par la germination des faits qui se produisent, par la diversité des manifestations qui se déroulent dans les di- verses contrées, localités de la Nation, telle celle de Maurs. J'ai tenté d'établir un lien sommaire entre notre histoire locale et celle du département, celle de la Nation. Un bref aide- mémoire est intercalé dans ce but entre certains chapitres. On pourra utilement le compléter. J'ai rapporté — sommairement aussi — la législation dont la connaissance m'a paru nécessaire pour mieux comprendre certaines délibérations municipales et faits locaux. De juillet 1789 à la Convention Nationale, nous assistons entre autres : à la naissance de la Commune de Maurs, de son canton, de l'organisation administrative, judiciaire, fiscale, à la mise en place des institutions nouvelles. Nous voyons les difficultés dues à des circonstances d'ordre local ou national, la tâche assumée par les Maires et Adminis- trateurs municipaux successifs de la Commune, les sentiments des Maursois à travers l'évolution politique; le départ des volontaires en 1792. Cette période forme une tranche de notre histoire locale, fertile en événements. Elle fournit, elle aussi, matière à amples et utiles réflexions. Que cet ouvrage obtienne, auprès de mes lecteurs et de mes lectrices, le même accueil de sympathie et d'intérêt que le précédent ! Je ne saurais terminer ce bref avant-propos sans remercier Louis FORESTIER, notre compatriote de Saint-Etienne-de- Maurs, ma commune natale à qui me lient tant de chers sou- venirs de mes jeunes années ! Il a accepté de préfacer ces modestes notes ! Je le lui ai demandé, en raison certes de la vieille et fidèle amitié que je lui porte, comme à sa famille, mais aussi de sa brillante réussite ! Qu'à travers lui il me permette de rendre hommage à tous et toutes les originaires du canton de Maurs disséminés sur notre territoire national, qui, dans l'exercice de leur profession ou par le bénévolat, font honneur, comme lui, à leur terre natale. Maurs, le 7 février 1979.

Sigles Les sources de cet ouvrage sont indiquées page 189. M.a.f.d.s. = Maurs au fil des siècles A. D. = Archives départementales du Cantal A.D. P. de D. = Archives départementales du Puy-de-Dôme Arch. Mun. St-Flour = Archives municipales de Saint-Flour Arch. Dioc. = Archives diocésaines et Chanoine Lafarge Arch. Nat. = Archives nationales Arch. fam. = Archives personnelles C.L.D. = Collection lois et décrets R.H.A. = Revue Haute Auvergne « Nous n 'avons pas la pensée de nier les grandes modifica- tions qui s'imposaient à notre situation politique et sociale quand éclata le grand mouvement de 1789. Il y avait des abus en 1789 et même de grands abus. Il y a eu surtout de sublimes initiatives, et nous constaterons que les grandes idées du mouvement de 1789 sont nées chez les classes dirigeantes ; que la noblesse les a exaltées avec plus d'enthou- siasme que de prudence ; que le clergé les avait adoptées tout en voulant suivre dans l'exécution des réformes une marche nor- male ; que le peuple enfin s'y montrait heureux, attendant d'une révolution pacifique une application pratique des idées qui se faisaient jour depuis trois siècles et que la guerre d'indépen- dance américaine venait de mettre au premier rang de toutes les préoccupations ». Le Moniteur du Cantal n° du 30 avril 1889. Le 14 juillet 1789, « cette date à jamais mémorable, fut le point de départ de toutes nos libertés, elle rappelle à nos souve- nirs les luttes de nos pères, leurs efforts pour conquérir et nous transmettre les franchises modernes. Aux ouvriers de nos villes, elle rappelle l'émancipation du travail, aux habitants des campa- gnes l'abolition de la corvée, de la dîme, l'anéantissement du servage et des vexations, à tous enfin les libertés et les préroga- tives dont nous jouissons aujourd'hui ». L'Indépendant du Cantal n° du 13 juillet 1889. « L'histoire de la Révolution dans le Cantal reste à faire. Une équipe, inspirée par le même esprit de rigueur et d'hon- nêteté scientifique, peut seule la mener à bien ». M. Leymarie (Revue de la Haute-Auvergne 1954-1955).

« L'histoire de la Révolution en Haute-Auvergne est à faire. Les travaux fragmentaires et combien précieux de Marcellin Boude t et du Chanoine Del mas ne peuvent être considérés comme une véritable histoire de la Révolution dans le Cantal... Des articles, de courtes monographies ont aussi vu le jour. Beaucoup sont inspirées d'idées tendancieuses ; peu méri- tent le qualificatif d'oeuvres historiques ». Chanoine Joubert « scènes de la Révolution dans le Cantal (éd. 1972). Je souhaite que cette étude contribue à l'histoire objective de la Révolution dans. le Cantal.

CHAPITRE I LA PÉRIODE PRÉ-RÉVOLUTIONNAIRE

Depuis 1765, Maurs connaît des transformations profondes. Elles ont été évoquées dans mes précédentes notes (1). Par des délibérations du Corps municipal, les démarches, ou les correspondances qu'elles occasionnent, nous avons un aperçu de la vie économique, sociale, administrative, religieuse de MAURS. A aucun moment n'y paraît l'indice d'une situation ex- plosive. Peut-on dire que celle-ci existe à l'état sous-jacent dans les faits suivants : — le refus en 1782, sous des prétextes divers, par trois mar- chands de toile de la ville - (corporation puissante) - d'exercer les fonctions de garde juré, puis par les marchands eux-mêmes de s'assembler (2). Sur l'influence de PAGES de VIXOUZE, subdélégué de l'Intendant d'Auvergne à l'Election d', un garde juré est nommé courant février 1783. Il accepte cette fonction après avoir été assuré « qu'il sera soutenu contre les émeutes qu'il a paru craindre ». — les procès engagés par le Corps municipal, nommé par le Roi en 1785, dont trois contre des ecclésiastiques : l'Evêque de Saint- Flour ; l'Evêque de Clermont (alors co-seigneur de Maurs) ; le Curé de Maurs pour « lui disputer un deuxième vicaire quoique la ville ne doive pas lui donner un sol ». — la manifestation du 30 juin 1788 (3) d'une quarantaine de femmes « criant qu'il fallait un second vicaire », se transportant « devant la maison des Officiers municipaux, invectivant deux religieux ». Cet attroupement avait « causé un grand scandale dans la ville ». Tout ceci, malgré son caractère local, ne révèle-t-il pas un état d'esprit en corrélation avec la crise qui atteint l'Ancien Régime, avec les prodromes des convulsions successives qui vont jeter à bas les anciennes assises politiques du pays et lui en substituer de nouvelles ? (1) M.a.f.d.s. 169 - 186 et suiv. des marchands(2) Ces gardes-jurés de toile. Arch.étaient P.d.D. élus par voie de scrutin, au cours d'une assemblée générale (3) M.a.f.d.s. p. 245. L'explosion

Soudain c'est l'explosion ! Elle est d'autant plus inattendue qu'antérieurement n'appa- raissent pas de réactions maursoises aux événements qui se sont produits à l'échelon national. Elle est révélée par une délibération du Corps municipal du 7 octobre 1788, dont un large extrait a déjà été donné (4). Il ne vient pas alors à l'esprit de substituer un autre régime à celui existant ! (5) Rares sont d'ailleurs les pays dont le gouvernement n'est pas à base monarchique. Parmi eux la République des Etats-Unis d'Amérique, à l'indépendance desquels la a si généreuse- ment contribué (6). Aussi bien la délibération précitée contient-elle une enthou- siaste approbation des mesures prises par Louis XVI, « gracieux souverain dont l'amour pour son peuple est universellement reconnu » ainsi qu'il vierit d'en donner « une preuve éclatante ». Ensemble se trouvent ainsi visés : la fixation (8 août 1788) au 1 mai 1789 de la réunion des Etats Généraux, primitive- ment prévue pour 1792 ; le rappel (25 août 1788) de Necker, qui jouit à Maurs d'une grande popularité ; la nomination comme Garde des Sceaux de BARENTIN, en remplacement de LAMOIGNON, auteur de réformes - parmi lesquelles la suppression des Parlements - que le Corps municipal tance dure- ment ; la révocation (22 septembre 1788) des édits qui ont supprimé les Parlements. Le Roi, dit Antoine DEZE, « était certainement entouré de mauvais serviteurs, les lois triomphent, la justice est vengée ». L'ensemble des décisions prises par le Roi portent en germe les événements de 17 89. Elles motivent la résolution du Corps municipal d'organiser des réjouissances publiques pour le 12 octobre. Ce jour-là, c'est une explosion de joie populaire, d'enthou- siasme : cortège des officiers municipaux « en habit de cérémo- nie », précédés « des valets de ville et porte-flambeaux », sui- vis (7) de toute la noblesse, des notables citoyens, distribution de vin et de vivres, battement des tambours et sons des fifres, caril- lons des cloches, décharges de mousqueterie, illuminations en marquent le déroulement, tandis que de toutes parts s'élèvent les vivats à l'adresse du Roi, dù Parlement, de Necker. Toute la population s'associe à cette journée ! « La saison des craintes et des terreurs est passée, celle des espérances lui succède ».

(4) M.a.f.d.s. 274 (5) M.a.f.d.s. 274, le cahier de doléances de Maurs vient à l'appui de cette assertion ! (6) Des Maursois ont participé à la guerre d'indépendance des Etats-Unis. M.a.f.d.s. p. 262. (7) Arch. dioc. Un Cahier des doléances (9 mars 1789) (8) est établi. Des députés sont nommés pour l'élection des représentants du Tiers Etat de la Haute Auvergne aux Etats Généraux, des réunions ou des manifestations ont lieu : — dont celles du 12 juillet 1789, où des remerciements sont adressés aux « Communes de France qui, en forçant les deux ordres privilégiés à se réunir ont fait commencer le grand œuvre de la régénération du royaume » ; — du 20 juillet 1789, où les membres de la Commune et du Clergé font les offres les plus illimitées de leur fortune et de leur vie pour obtenir la régénération de la Constitution. Une milice est formée (21 juillet), un traité d'alliance conclu avec Aurillac (23 juillet) : la première et le premier de la Haute Auvergne (9). On a le sentiment d'une adhésion quasi unanime des Maur- sois aux événements qui se déroulent à l'échelon national, en même temps que d'une volonté ferme pour la promulgation d'institutions nouvelles. L'une et l'autre s'expliquent principalement par des raisons d'ordre général, mais aussi par celles d'ordre particulier évo- quées lors de la suppression du Monastère, puis dans le cahier des doléances (10). Des événements propres à Maurs n'ont-ils pas en outre accru l'unité des Maursois ? — le long combat que la population unanime mène depuis dix neuf ans, avec ses Corps municipaux successifs, pour la dévolu- tion — jugée vitale — des biens du Monastère au profit de Maurs. Ce combat n'est pas encore terminé. Maurs demande que justice lui soit rendue. — le spectacle accru de la pauvreté par la venue d'hommes, de familles,, extérieurs à la paroisse, en quête de travail et de se- cours. Ils ont augmenté le nombre des « pauvres » existant à Maurs (11). — les difficultés d'approvisionnement consécutives à une mauvaise récolte, les craintes qu'elles inspirent,

(8) Environ 30 à 35.000 Cahiers de doléances furent établis. Aucune synthèse ne paraît jamais en avoir été faite. Les décisions prises par l'Assemblée Nationale dans la exprimés.nuit du 4 août — et jours suivants — réaliseront une partie des souhaits qui y étaient nale. (9) M.a.f.d.s. p. 274 à 294 - Le 17 juin, le Tiers-Etat s'était érigé en Assemblée Natio- (10) M.a.f.d.s. p. 215 et 274. (II) M.a.f.d.s. p. 227. Les députés de la Haute Auvergne aux Etats Généraux étaient : Pour la noblesse: Louis Robert, Duc de Caylus, « Grand Bailly, Lieutenant général du haut paysAmable d Auvergne baron de ;Brugier, Pierre FrançoisChevalier de de Saint-Martial, Rochebrune. marquis de Conros, baron d'Aurillac PourVerniere, le clergé Cure :de Mgr Saint-Flour RUFFO : deLOLIER, LARIC, Curé évêque d'Aurillac. de Saint-Flour ; Jean Joseph BIGOT de Pour le Tiers-Etat:. Pierre BERTRAND, Avocat en Parlement, Procureur du Roi à François ARMAND, Avocat en Parlement, habitant Aurillac ; Jean Baptiste Saint-Flour;sonDE AvocatVILLAS, au Avocat baillage en deParlement, Saint-Flour habitant ; Antoine LESCURIER, ; Jean DAUDE, Conseiller Conseiller du Roi. duLieute- Roi nant général Civil et Criminel des Montagnes d'Auvergne, demeurant à ; Pierre FlourHEBRARD, le 28 mars Avocat 1789. en Parlement à Aurillac. Chaque ordre a élu ses députés à Saint- — l'épidémie, dont la nature n'est pas indiquée. En 1788 il y a 75normale. décès. En 1789 il y en a 85. Environ le double d'une année Enfin Maurs paraît avoir une population « éclairée ». Nous avons vu l'accueil fait à M. de Saint-Vincent, exilé à Maurs en 1771 (11 bis). Son nom est évoqué à diverses reprises dans les délibérations du Corps municipal contemporaines à la Révolution. Il est mêlé aux vivats des Maursois dans la période pré-révolutionnaire.

Le 26 juillet 1789

Ce jour-là se déroule une manifestation où Maurs exté- riorise une nouvelle fois une même communauté de sentiments. Messe d'action de grâce « sur les bienfaits de la Providence, qui n'a pas permis l'exécution des mauvais desseins formés sur la ville de Paris », musique, décharge de mousqueterie, ban- quet « où tous les citoyens, de quelque classe et conditions qu'ils soient ont été conviés », feu de joie, illuminations générales, « carillons des cloches de nos deux églises » en ont émaillé les heures, avivé la joie. A onze heures, le soir, les tambours ont « battu la retrai- te », les carillons se sont tus. Un à un, les lumignons « mis sur les fenêtres, au-dessus des portes, aux tours des églises » s'étei- gnent ! Maursois et Maursoises s'endorment, le cœur à nouveau rempli d'une vaste espérance. Ils sont entrés dans une ère nouvelle. La manifestation du 26 juillet revêt en effet un caractère particulier : elle se situe dans le sillage du 14 juillet à Paris. C'est dans ce même sillage que, le 29 juillet, Maurs, posé- ment, délibérément, entre — non plus verbalement mais effecti- vement, résolument — dans la voie réformatrice. Des chroniqueurs ont écrit, à juste titre, que la Révolution à Maurs « commence en beauté » ; qu'« un appel à la concorde et l'union des différents ordres marque ses débuts ». Tout ceci est profondément exact. « La France entière » dit Louis FORESTIER, « sans vouloir renverser la monarchie (cette notion est essentielle si l'on veut bien comprendre le début de la Révolution) aspirait cependant à revivifier cette monarchie sclérosée » (11 ter). Telle est l'optique de Maurs. Aux transformations nombreuses intervenues à Maurs depuis 1765, va s'ajouter le changement politique.

(11 bis) M.a.f.d.s. p. 262 ( 11 ter) Forestier op. cit. Formation d'un Conseil Municipal (29 juillet 1789) A l'instigation du Corps municipal, en place depuis quatre ans, un Conseil municipal est constitué. Suivant la pratique plusieurs fois séculaire employée pour la réunion de l'Assemblée des habitants, « la commune de la ville et paroisse de Maurs » est convoquée dans la matinée au son d'une cloche. Quatre officiers municipaux (DEZE, MALROUX, Maire, CHAULE, PALIS, Procureur du Roi) assistent à cette réunion. Ce dernier s'y exprime ainsi : « L'état de crise où venait de se trouver le royaume, les révolutions qui pouvaient en être les suites, exigeaient les délibé- rations les plus mûres et les plus réfléchies pour le maintien de la tranquillité publique. D'un autre côté, les changements qui allaient s'opérer dans la Constitution et l'organisation de l'Etat exigeaient de la part des communes en général, et des citoyens en particulier, l'attention la plus sérieuse. Dans cette position, les officiers municipaux en exercice, voulant donner à la commune de cette ville et au clergé des marques du dévouement le plus illimité pour le salut public, ont cru devoir inviter les différents membres à vouloir bien concourir avec eux à la formation d'un Conseil municipal, à l'effet par ledit Conseil de prendre en con- sidération l'état des affaires de la Commune, tracer un plan de conduite sage et soutenu pour toutes les circonstances qui peu- vent survenir, veiller à la tranquillité publique, exercer les diffé- rents actes de police qui pouvaient en être la suite et générale- ment porter une attention scrupuleuse et soutenue à la conser- vation des droits, privilèges et prérogatives de tous les individus de ladite ville et paroisse ». Des sentiments de gratitude sont exprimés au Corps muni- cipal par les « membres du clergé et de la commune assemblée » dont le nombre des présents n'est pas indiqué. Il est unanimement décidé de « procéder sur le champ à la nomination de trente membres de la commune et du clergé » à l'effet de constituer, concurremment avec les officiers munici- paux en place, un nouveau Conseil Municipal. Sont élus : Martin MONTAMAT, curé ; Jean GALTAYRIES, notaire royal ; Antoine-Benoit JALENQUES, avocat en Parlement et Juge de la ville ; Louis GOURDON, négociant ; Pierre ROU- ZIÈRES, notaire royal ; Louis SAGET, prêtre, syndic de la communauté ; J.B. DARSSES, médecin ; Maurice FOURNIER de COUZE ; Antoine-François CANTAREL, avocat et notaire ; Pierre Louis AURIAC, bourgeois ; Jean BORIES, marchand ; Jean BORIES, chirurgien ; Antoine LAFARGE, chirurgien ; Antoine AURIAC, avocat ; J.B. DELFOUR, cellerier ; J.B. DOMERGUE, cadet ; Dominique CARRAYROU, cadet ; Antoine DARSSES, père ; J.B. GINALHAC, prêtre ; Antoine DEZES, cadet, cordonnier ; Jean LABORIE marchand ; Pierre MAYONADE, bourgeois ; Antoine REYT, procureur ; François ROUQUIER, procureur ; Hippolyte MARCENAT, greffier ; Jean Nicolas MARCHAL, marchand ; Pierre CHANAN, mar- chand sellier ; Marc SALESSES, marchand serrurier ; Antoine VAURS, tailleur ; Antoine CHAULE, prêtre-syndic du cha- pitre. Au début de l'après-midi, les Officiers municipaux et les trente membres élus qui leur sont adjoints prennent, préalable- ment à l'élection du Conseil, la délibération suivante :

Traître à la Patrie Il sera enjoint au Conseil municipal de reprendre l'exercice de la police (12) qui a toujours appartenu à cette ville. Aucune atteinte ne devra y être portée par d'autres personnes. « Sera traître à la Patrie quiconque s'immiscera dans ladite police ». Sera également « traître à la Patrie » et « infâme » « quiconque accepterait, directement ou indirectement, des « pouvoirs, des fonctions, dont quelques membres de la présente « assemblée pourraient être dépouillés par l'effet de leur « adhésion aux sentiments patriotiques qui viennent d'être « manifestés ».

Membres du premier Conseil Municipal

Il est décidé que le Conseil Municipal comprendra un Prési- dent honoraire, un Conseiller honoraire, un Président et douze Conseillers — dont celui ayant obtenu le plus de voix aura le tître et la qualité de Vice-Président — un Procureur ; un Substi- tut ; un Trésorier et trois Secrétaires. Le scrutin est ensuite ouvert pour la désignation des Membres du Conseil. Sont ainsi élus : MONTAMAT, Président (13) ; JALENQUES, Vice- Président ; Conseillers : GALTAYRIES ; CHAULE, docteur en Médecine ; J.B. DARSSES ; SAGET ; CHAULE, prêtre ; AURIAC ; GOURDON ; CARRAYROU cadet ; CANTAREL ; BORIES, marchand ; MAYONADE. Procureur de la Commune : PALIS Substitut : ROUZIERES

(12) Cette question de la police avait suscité parfois antérieurement controverse ou discussion. Le cahier des doléances en fait état. (13) Martin MONTAMAT, Président du Conseil Municipal, est originaire de la Mois- settie, Cne d'AURILLAC. Bachelier en droit de l'Université de TOULOUSE, il a été Vicaire d'ARPAJON. Nommé à la cure de MAURS le 18 juillet 1 777 par François de SENE- ZERGUES. Abbé de l'abbaye bénédictine Saint-Pierre de MAURS, il en a pris possession le 22 juillet. Il s'est associé aux demandes des Corps Municipaux en vue de la dévolution des biens du Monastère au profit de MAURS. Il a pris part en 1789 à l' élection des députés du clergé de la Haute Auvergne aux Etats Généraux (Arch. dioc.). Secrétaires : MARCENAT ; ROUQUIER ; REYT Trésorier : Balthazar CARRAYROU (qui paraît, sauf erreur de prénom, ne pas avoir fait partie des trente membres élus). Cette assemblée, ainsi constituée, est la première à avoir porté, dans notre histoire, l'appellation de « Conseil Municipal » FOURNIER de COUZE et Antoine MALROUX (précé- dent Maire) sont respectivement nommés : le premier, Président honoraire, le second, Conseiller honoraire de ce Conseil. Dans le courant du mois de juillet, en France, des Comités permanents, ou des Conseils Municipaux, se forment suivant des modalités diverses. Il en est ainsi à Aurillac dès le 23 juillet, où le Conseil Municipal est présidé par M. de LORUS. Maurs n'innove donc pas en la matière. Mais elle est parmi les premières paroisses de la Haute Auvergne à agir ainsi. Au cours d'une séance ultérieure (4 août), l'un des membres du Conseil Municipal exprime les sentiments qui animent ceux- ci : « Dans ce moment heureux mais critique, où la France doit être régénérée, où les abus de son ancien régime vont être dé- truits, où toutes les parties souffrantes du corps politique vont recevoir une nouvelle vie, il y a eu peut-être de notre part quel- que témérité d'avoir accepté des fonctions auxquelles la paix et le bonheur de nos concitoyens sont essentiellement liés. Mais on nous eut peut-être accusé de faiblesse si, dans ce moment, nous avions rejeté sur d'autres le poids des charges publiques. Le pa- triotisme de nos concitoyens... a dû nous servir de prétexte au- tant que d'exemple, et nous avons pensé que si, dans cette occa- sion mémorable, nous devions à la Patrie l'hommage de nos sen- timents, nous ne lui devions pas moins celui de nos travaux. Ce motif est le seul qui nous a déterminés ». Les Maursois qui, membre du Conseil Municipal, prennent alors de telles responsabilités, ne sont pas des sanguinaires ! Aucun d'eux n'a souillé ses mains du sang de ses compa- triotes, n'a été l'instigateur d'excès ou de voies de fait, ne s'y est associé ! Représentant les Maursois, ils appartiennent — comme les Maursois eux-mêmes — à cette très grande majorité de Français qui, de la noblesse, du clergé, du tiers-état, de tous milieux so- ciaux, mûs par un idéal, ont une autre conception de la société, des rapports humains, de la vie économique, sociale. Ils veulent des réformes. Ils demandent la régénération de la Constitution, la moder- nisation des institutions politiques. Ils veulent — et ils le disent — l'« harmonie entre les Fran- çais », « la concorde », le « salut public », le « bonheur du peuple », celui de la Nation. CHAPITRE II LA GRANDE PEUR Au cours du mois de juillet 1789, elle se propage en France. Alors que le Conseil Municipal vient d'être constitué, qu'il est encore inorganisé, elle atteint MAURS. Elle fait l'objet d'un long compte-rendu, sous le titre « Procès-verbal de l'alarme en cette ville des 31 juillet et 1 août ». Elle fournit un exemple typique de psychose collective. Le 31 juillet, J.B. DARSSES, GALTAYRIES, JALEN- QUES, députés par une délibération précédente du Corps Municipal quittent paisiblement Maurs. PALIS, CANTAREL les accompagnent. Les premiers ont pour mission de reprendre, avec les Con- suls de Figeac, les négociations entreprises antérieurement au 26 juillet par JALENQUES, mandaté à cet effet, en vue de la conclusion d'un traité d'alliance entre les deux villes. Arrivés à Figeac, ils ont la surprise de trouver la ville en « proie aux alarmes les plus vives par l'appréhension de voir fondre sur elle à l'improviste une troupe nombreuses de bri- gands » qui a déjà « ravagé plusieurs villes dans le Quercy et s'avance vers Gramat et La Capelle-Marival ». Suivant le vœu des Consuls de Figeac, les députés de Maurs et leurs accompagnateurs ne poursuivent pas leur mis- sion. Les uns regagnent Maurs en diligence. PALIS va alerter Saint-Félix, Saint-Jean et le voisinage. CANTAREL, de son côté, alerte MONTREDON, , , SAINT-SANTIN-DE-MAURS, SAINT-CONSTANT. Par ail- leurs, GALTAYRIES et AURIAC avertissent BAGNAC et . Le mécanisme se trouve ainsi, avec une entière bonne foi, déclenché ! Le Conseil Municipal se réunit en assemblée extraordinaire. Il met la milice sous les armes, envoie des exprès à Aurillac et dans diverses paroisses pour les informer. Il fait sonner le tocsin en vue d'aviser les habitants et de leur faire connaître les mesures qui « suivant les circonstances seront exécutées ». Il envoie d'heure en heure des exprès à Figeac à qui on destine les « secours que l'urgence exigera ». GALTAYRIES - PALIS - AURIAC, arrivant à la réunion du Conseil, confirment les nouvelles alarmantes, malgré un « corps de troupe qui s'est formé à Rudelle », Lacapelle — L es 7 et 8 septembre il est procède, dans l'une des salles du Collège, à la désignation : — du Conseil Général du district (parmi les membres Antoine DEZÈS, Jacques Antoine PALIS de Maurs) — du Procureur Syndici — des Présidents et Juges du Tribunal de district (15) — de Suppléants de juge du district d'Aurillac — de deux suppléants — dont ROUZIERES — à l'administration du directoire du district — des Curés pour pourvoir aux cures vacantes (dont CHINIARD pour celle de MOURJOU) — du Commissaire national près le Tribunal civil du district d'Aurillac. Il y avait 132 votants pour l'élection du Conseil Général de district. Les nouveaux mem- bres avaient réuni la majorité absolue » ; le procureur syndic « la majorité des suffrages ». Pour l'élection des Juges du district, suppléants et autres, il n'y a pas d'indication du nombre des votants. Pour les suppléants à l'administration du directoire et le Commissaire national, il y avait 132 votants. Il est dit que les membre désignés l'ont été à la pluralité des suffrages. Les trente six membres composant désormais le Conseil de département sont : Jean Antoine DESTANNF ; Joseph Thomas LAFONT ; Guillaume VAURS ; René TOURNIER ; Antoine POMIER ; Antoine VIDAI ; Pierre BERNARD ; Joseph DUBOIS ; Jean Baptiste RAMES, de Thiezac ; DAUDF ; BASTIDE aîné de ; Jean Baptiste FAU de l' eynhac ; Pierre VAISSIER, Vicaire episcopal de Saint-Flour ; Hugues BOISSET ; Jean-François BONAVENTURE TEII LARD ; Pierre DEMOUSTIER ; Antoine SAI SAC ; Pierre GUANUH ; Jean Louis BLADIER ; AL TAROCHE ; Martial PONS : GRANDET ; Antoine BENOIT ; Jean Joseph MILHAUD aîné ; DAUDE de Moulinger ; Antoine CHABRIER ; Pierre DESTAING père ; BOYER ; FERLAT, de ; Michel GINESTOUS ; Jean Antoine DEPRADES ; Jean Baptiste ARMAND ; Jean Baptiste VAL ARCHER ; Jean Baptiste DUCIOS ; Christophe LADENT ; DEVII.AS. Les membres du Conseil de district sont : Jean Pierre LINTILLAC ; Louis BERTRAND ; François Henri BOUYGUES : Antoine DEZES ; Joseph Bernard DENEVERS ; Germain Pierre BESSE ; MATRF ; François BOUDIER ; Joseph Aymar NOUVEAU ; Pierre BOUYSSOU ; Jacques Antoine PALIS ; Pierre PRADEINHES. En un peu plus de deux jours les administrations départementales, de district, les tribunaux etc... se trouvent ainsi renouvelés. Sauf omission de ma part, soixante et onze citoyens ont été ainsi promus à des fonctions administratives, en ce non-compris les repré- sentants du Cantal à la Convention et leurs suppléants.

(15) SERIEYS en devient le Président — GENESTE — DELZONS — LAVAL — DEZES, Juges

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