Cinéma Et Désert : De Tataouine À Ouarzazate
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Document généré le 25 sept. 2021 05:54 Téoros Revue de recherche en tourisme Cinéma et désert De Tataouine à Ouarzazate Lionel Lapompe-Paironne L’excellence des destinations Résumé de l'article Volume 30, numéro 1, 2011 Les paysages cinématographiques, réels ou imaginaires, peuvent constituer un élément déclencheur de la mobilité touristique, comme tout support visuel. URI : https://id.erudit.org/iderudit/1012112ar Landes, collines et montagnes de la série Lord of the Rings (Le Seigneur des DOI : https://doi.org/10.7202/1012112ar anneaux), mais aussi déserts de Lawrence of Arabia ou de Star Wars (La Guerre des étoiles), autant de paysages à la fois réels et imaginaires suscitent l’attrait Aller au sommaire du numéro touristique. Les environs de Ouarzazate (Maroc) et de Tataouine (Tunisie) ont servi et servent encore de toile de fond à des productions diverses et variées. Pourtant, si le cadre paysager reste identique, les conséquences sur l’aménagement touristique et sur la fréquentation ne sont pas les mêmes d’un Éditeur(s) bout à l’autre du Sahara, de même que les motivations des touristes qui se Université du Québec à Montréal rendent sur ces deux sites. Cette contribution, après avoir traité de la manière dont l’industrie cinématographique a exploité les paysages désertiques du Maroc et de la Tunisie, aborde la question de l’importance différenciée du ISSN ciné-tourisme dans les deux espaces considérés. Il s’agit de comprendre, 0712-8657 (imprimé) notamment grâce à la théorie des « marqueurs » de MacCannell (1976, 1923-2705 (numérique) r. 1989a), comment le tourisme lié au cinéma s’est développé selon deux modalités différentes, en termes de fréquentation et d’impact spatial, Découvrir la revue d’un bout à l’autre du Maghreb. Citer cet article Lapompe-Paironne, L. (2011). Cinéma et désert : de Tataouine à Ouarzazate. Téoros, 30(1), 90–98. https://doi.org/10.7202/1012112ar Tous droits réservés © Université du Québec à Montréal, 2011 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ 90 cINé-touRIsmE cinéma et désert De Tataouine à Ouarzazate Lionel LAPomPE-PAIRoNNE agrégé de géographie, docteur en géographie Université de Nice-Sophia-antipolis [email protected] RÉSUMÉ : Les paysages cinématographiques, réels ou imaginaires, peuvent constituer un élément déclencheur de la mobi- lité touristique, comme tout support visuel. Landes, collines et montagnes de la série Lord of the Rings (Le Seigneur des anneaux), mais aussi déserts de Lawrence of Arabia ou de Star Wars (La Guerre des étoiles), autant de paysages à la fois réels et imaginaires suscitent l’attrait touristique. Les environs de Ouarzazate (Maroc) et de Tataouine (Tunisie) ont servi et servent encore de toile de fond à des productions diverses et variées. Pourtant, si le cadre paysager reste identique, les conséquences sur l’aménagement touristique et sur la fréquentation ne sont pas les mêmes d’un bout à l’autre du Sahara, de même que les motivations des touristes qui se rendent sur ces deux sites. Cette contribution, après avoir traité de la manière dont l’industrie cinématographique a exploité les paysages désertiques du Maroc et de la Tunisie, aborde la ques- tion de l’importance différenciée du ciné-tourisme dans les deux espaces considérés. Il s’agit de comprendre, notamment grâce à la théorie des « marqueurs » de MacCannell (1976, r. 1989a), comment le tourisme lié au cinéma s’est développé selon deux modalités différentes, en termes de fréquentation et d’impact spatial, d’un bout à l’autre du Maghreb. Mots-clés : Ciné-tourisme, pratiques touristiques, désert, Maroc, Tunisie. le cinéma et son industrie ont généré et génèrent des flux forêts, font partie de ces décors susceptibles d’être rêvés puis touristiques spécifiques dont la mesure demeure difficile. investis physiquement par le biais du cinéma, notamment. Le Motivation de voyage parmi d’autres ou véritable pèlerinage désert est en effet présent dans un certain nombre de films, de fanatique averti, le « ciné-tourisme » tire son essence d’une comme dans Land of the Pharaohs, de H. Hawks (1955), où certaine forme de « topophilie » au sens de Tuan (1974). Ce « les scènes d’extérieur ne donnent que l’image de l’étendue « désir d’ailleurs » induit par le cinéma peut s’exercer, géogra- du désert » (liandrat-guigues, cité dans Mottet, 1998 : 83), phiquement parlant, à toutes les échelles : urbaine, par exem- mais il a également servi de décor pour le tournage de films ple Montmartre, dans Le fabuleux destin d’Amélie Poulain célèbres, tels que Lawrence of Arabia (1962) ou encore et sur- (Freytag, 2008 : 17), jusqu’à l’échelle nationale avec le cas de tout la série Star Wars (1977-2005). la Nouvelle-zélande, lieu de tournage de Lord of the Rings ce sont les paysages désertiques d’Afrique du Nord qui (carla et al., 2007). ont fait office de toile de fond paysagère à ces productions le paysage, au sens large, joue ici un rôle important : cinématographiques. Il s’agit plus précisément des environs « acteur », lui aussi (François, 1999 : 87), il contribue en amont de Ouarzazate, dans le Sud marocain, et de ceux de Tataouine, fortement à l’attrait touristique, cet attrait étant ensuite ren- à quelques 500 kilomètres au sud de Tunis. Les lieux de tour- forcé par l’œuvre cinématographique. Parmi ces paysages, nage, bien que différents d’un lieu à l’autre, peuvent être visi- les grandes étendues, les confins et les espaces « vierges » ou tés et participent à l’activité touristique à leur manière au sein à faible empreinte sont privilégiés. Ainsi, Cazes (2005 : 125) de ces deux États bien insérés dans la mondialisation touristi- rappelait la « recherche prioritaire des destinations étrangè- que et particulièrement proches du foyer émetteur européen. res, des confins et des extrêmes, du type des «déserts» ». Les Il s’agit donc de deux cas de ciné-tourisme induits par une paysages désertiques, comme les espaces de montagne ou les ressource paysagère identique, à savoir le désert, au sens large. TÉOROS, vol. 30, no 1, p. 90-98 © 2011 Lionel LAPomPE-PAIRoNNE : Cinéma et désert 91 N Océan Atlantique ALGERIE Moyen-Atlas TUNISIE MAROC TATAOUINE Chott- Haut-Atlas el-Jerid OUARZAZATE 30° N 30° N Grand Erg Oriental Anti-Atlas Grand Erg Occidental LIBYE ILLUSTRATION 1 : Carte de situation 0 150 km de Ouarzazate et de Tataouine (source : l’auteur). Ouarzazate et Tataouine : Les deux sites de ciné-tourisme nord-africains Il faut toutefois préciser le sens donné ici à l’expression Situées toutes deux au sud de deux anciennes colonies « ciné-tourisme », terme encore peu utilisé dans les travaux françaises, à des latitudes relativement similaires (30 degrés en français. En effet, le passage du cinéma au tourisme peut nord pour la première, 32 degrés nord pour la seconde), elles se faire suivant deux modalités. En premier lieu, les évène- ont également comme point commun leur relative impor- ments de type « festival » sont générateurs de flux touristi- tance administrative, respectivement au sein de la province ques : on pensera ainsi au cas d’Avoriaz (desaubes, 1997) ou de Ouarzazate et du gouvernorat (ou wilaya) de Tataouine. à Cannes. En second lieu, il y a la visite de lieux de tournage, l’importance de ces deux sites pose la question de leurs voire de structures permanentes résultant des nécessités de points communs en termes paysagers au sens large : quels fac- tournage (Orueta et Valdés, 2007 : 185), comme c’est le cas à teurs peuvent expliquer leur élection pour divers tournages ? hollywood, à Los Angeles, ou encore lorsqu’il s’agit de visiter les environs des deux localités sont caractérisés par des les studios de Bombay. Nous entendons ici le ciné-tourisme paysages façonnés par l’aridité. D’un côté on trouve le Sud au sens anglo-saxon de « movie-induced tourism » ou « film- tunisien, aux confins de la Libye à l’ouest, et de l’Algérie à induced tourism », à savoir la deuxième modalité (Riley et l’est, qui est caractérisé par un climat aride aux alentours Van Doren, 1992 ; Riley et al., 1998 ; Busby et Klug, 2001). de Tataouine. Nous sommes ici à l’est de la région la plus c’est dans cette perspective théorique que cet article tente méridionale de Tunisie, au sud du Chott-el-Jérid et en bor- de cerner comment et dans quelle mesure l’exploitation ciné- dure du Grand Erg oriental. Du côté marocain, Ouarzazate matographique de certains paysages désertiques nord-africains se situe dans une province englobée dans la vaste région de a généré une fréquentation touristique et un aménagement Souss-Massa-drâa, allant de l’Atlantique (Agadir) à la fron- différenciés. En effet, nous sommes en présence de deux cas tière algérienne (province de Zagora). Il s’agit donc de deux semblables et différents, car si le désert a été exploité en tant « portes du désert » au sens large, comme les promoteurs que support paysager, il a servi de toile de fond à des paysages touristiques en tous genres aiment le clamer (Bouaouinate, considérés comme « réels » d’un côté, et comme « imaginai- 2008 : 54). Le climat y est assez aride pour évoquer le « vrai » res » de l’autre. Quelles sont les conséquences de cette diffé- désert, mais elles ne sont pas aussi isolées que des oasis à rence d’exploitation sur la fréquentation touristique ? proprement parler comme Douz, Ksar Ghilane ou Zagora, Pour répondre à cette question, on rappellera d’abord où l’influence du désert se fait beaucoup plus sentir.