Peuple Versus People. Morpho-Syntaxe Et Sémantique D'un Couple De Paronymes À Cheval Sur Deux Langues
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Faculteit der Letteren & Wijsbegeerte Taal-& Letterkunde : Twee talen : Frans- Spaans Année académique 2009-2010 Peuple versus people. Morpho-syntaxe et sémantique d'un couple de paronymes à cheval sur deux langues Leroy Nele Promoteur : Prof. Dr. Lauwers P. i Nous tenons à remercier ici très sincèrement notre promoteur Prof. Dr. P. Lauwers pour son aide et son soutien lors de la rédaction de notre travail. C’est grâce à ses conseils et ses relectures que la composition du présent travail a été possible. Nous remercions également nos parents et nos amis pour leur soutien tout au long de nos études. ii 1. Introduction Dans le présent travail, nous nous sommes intéressée au fonctionnement de deux mots en français : peuple et people. L’intérêt de ces mots est multiple. D’abord, diachroniquement, ils dérivent du même substantif latin populus, qui a donné pople en ancien français. Peuple s’est naturellement formé en français à partir de ce mot latin, tandis que people est entré plus récemment dans la langue française par le biais d’un emprunt à l’anglais. En effet, people est d’origine anglaise, et est entré en anglais au Moyen Age, grâce à un emprunt à l’ancien français pople. Les deux mots sont donc intimement liés par leur origine commune. En plus, autre particularité de ce couple, c’est que, à l’origine, ils fonctionnaient comme des noms. Ensuite, ils ont tous les deux développé des emplois adjectivaux. Enfin, synchroniquement, peuple et people se comportent comme des paronymes en français, c’est-à-dire des mots qui présentent une certaine analogie phonétique, mais qui ont néanmoins un sens différent, parfois opposé (Trésor de la Langue Française, version informatisée). L’objectif du présent travail consiste donc à déterminer la valeur sémantique ainsi que le comportement morphosyntaxique des deux mots. L’examen de ces deux mots se révèle particulièrement intéressant parce qu’il nous permettra d’aborder plusieurs phénomènes langagiers intéressants. En effet, nous aurons affaire, au long de ce travail, - au processus d’emprunt interlangagier et aux difficultés que ces emprunts peuvent entraîner. - à la problématique de la catégorisation, notamment au problème de l'adjectif (prototypique) et des sous-classes adjectivales. L’examen de peuple nous occupera en premier lieu (3.1). Il s’agira surtout de déterminer son comportement en tant qu’adjectif. La fonction de base de peuple est nominale, mais ce substantif peut subir des transferts catégoriels et fonctionner comme adjectif ou même comme adverbe. Vu qu’il s’agit d’une recatégorisation, peuple présentera quelques 1 particularités par rapport aux adjectifs prototypiques, tels qu’ils ont été définis par Goes (1999). Notre objectif sera de déterminer quelles sont ces particularités ; dans quelle mesure peuple s’éloigne-t-il de ces adjectifs prototypiques ? Sur quels points se rapproche-t-il de ceux-ci ? Nous tenterons également d’analyser quels sont les effets du processus de recatégorisation. Après cette partie morphosyntaxique, nous nous concentrerons sur les effets de sens de peuple. Dans cette optique, nous analyserons les différents référents desquels peuple s’accompagne. La question est de savoir quel est le lien entre le sens de peuple comme substantif et son sens lorsqu’il s’emploie comme adjectif. En deuxième lieu, c’est l’anglicisme people qui retiendra notre intérêt (3.2). Comme people est un mot d’origine anglaise, nous regarderons d’abord les différentes variantes graphiques qui existent en français, pour ensuite passer à son examen morphosyntaxique et sémantique. Nous passerons en revue les différentes fonctions dans lesquelles people apparaît : d’abord les emplois nominaux, ensuite les emplois adjectivaux et finalement les emplois comme prédicat de phrase. Pour chaque catégorie d’emploi, nous déterminerons les spécificités de people par rapport aux mots qui appartiennent au fonds propre de la langue française. Nous révélerons également quelques difficultés qui vont de pair avec l’emprunt interlangagier. Il est clair que people présente une énorme variété de fonctions dans la langue française et un de nos objectifs sera d’établir un lien entre ces divers emplois. L’identification des effets de sens de people occupera également une partie importante du présent travail. Le sémantisme de people sera défini pour chacun de ses emplois (catégories et fonctions morphosyntaxiques) et nous examinerons quels facteurs influencent sa signification. Sur la base de ces deux études, nous serons en mesure d’établir les liens qui existent entre les sens de people en anglais et en français. Du point de vue méthodologique, l’examen du comportement morphosyntaxique et sémantique de people et peuple s’est fait essentiellement de manière empirique à base de plusieurs corpus. Les corpus utilisés pour people sont essentiellement journalistiques. Par contre, les exemples de l’emploi adjectival de peuple proviennent généralement de Google, 2 vu la pauvreté de ces emplois dans d’autres corpus (cf. infra 3.0 : méthodologie). Pour ce qui est de leurs sémantismes, nous présenterons d’abord un bref examen des différentes significations fournies par les dictionnaires afin de pouvoir les comparer ensuite à nos exemples. Le plan du présent travail sera comme suite : la première partie consiste à dresser un bref cadre théorique succinct, dans lequel seront expliqués les principaux concepts nécessaires à la bonne compréhension du présent travail. En premier lieu, nous présenterons quelques études publiées concernant les anglicismes, afin de situer l’intégration de people en français dans un cadre plus général. Ensuite seront explicitées quelques notions par rapport aux adjectifs, qui se révéleront importantes dans la suite. L’étude de la littérature se terminera par une analyse des dictionnaires. La deuxième partie du travail sera entièrement consacrée à l’analyse du corpus. En premier lieu nous nous intéresserons au comportement morphosyntaxique et sémantique de peuple en tant qu’adjectif, pour ensuite passer à l’analyse des occurrences de people. Dans les conclusions (4) nous essaierons de formuler une réponse globale aux questions posées tout au long du travail. De même, une comparaison entre les deux mots s’imposera. En plus, pour chacun des deux mots, nous tenterons de restituer la filiation diachronique entre les différents emplois. 3 2. Etude de la littérature Avant d’entrer dans l’analyse des exemples du corpus, nous proposons de dresser d’abord un petit cadre théorique. Dans ce qui suit, nous clarifierons et approfondirons quelques notions et concepts importants dans le cadre de cette étude. D’abord nous essaierons de définir l’anglicisme (2.1). Un des deux mots traités dans le présent travail, people, est un mot d’origine anglaise, entré dans la langue française. People est donc un anglicisme. Afin de situer cet anglicisme dans un cadre plus large, nous passerons brièvement en revue quelques études qui ont été menées autour de ce type d’emprunts. Nous décrirons les divers facteurs responsables du contact entre les langues et les raisons pour lesquelles on recourt à un emprunt pour rendre compte d’un certain concept. Ensuite nous présenterons les différentes classifications des anglicismes proposées par les linguistes et finalement nous mentionnerons les difficultés éprouvées lors de l’intégration d’un mot d’origine étrangère dans le système du français. Ensuite, nous nous intéresserons à quelques aspects particuliers de l’adjectif français (2.2). Comme le présent travail se focalise essentiellement sur l’emploi adjectival de peuple et people, nous récapitulerons par la suite les caractéristiques principales de l’adjectif français. Nous présenterons également la théorie de Jan Goes (1999) concernant l’adjectif prototypique (2.2.1). Ensuite sera abordée la distinction entre adjectif relationnel et adjectif qualificatif (2.2.2). Enfin, nous expliciterons le fonctionnement de l’adjectif nominalisé et de l’emploi adjectival d’un nom (2.2.3). Tous ces concepts réapparaîtront dans l’analyse du corpus (3). Finalement, avant de passer à la partie empirique du travail, nous classifierons les diverses significations de peuple et people mentionnées par les dictionnaires (2.3). Ceci nous aidera dans la suite de notre travail, lorsque nous essaierons de déterminer le sens de ces mots dans les occurrences analysées. 2.1 Les anglicismes 4 Dans l’optique de définir les anglicismes, bon nombre d’études linguistiques ont été menées. Il semble toutefois difficile de donner une définition complète et correcte de ce qu’est un anglicisme, vu la complexité de la problématique. Il est bien connu que les différentes langues du monde sont en contact et s’influencent. L’histoire de la langue française montre clairement les influences importantes de plusieurs autres langues, telles que l’italien, l’espagnol, l’arabe, l’anglais, etc. Comme l’affirme Spence (2004 : 95) « les emprunts linguistiques reflètent des points de contact entre cultures ». Différents facteurs peuvent augmenter ou diminuer le contact entre langues. Par exemple, la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066 constitue un événement historique important qui permet d’expliquer l’énorme quantité de mots français entrés en anglais. Selon Spence, l’importation d’un produit exotique ou une innovation technique, sportive, vestimentaire, musicale ou intellectuelle peuvent également expliquer la présence de certains mots étrangers. Le prestige dont dispose une certaine langue importe également. Dans le cas d’un anglicisme en français, il s’agit d’une influence de la langue anglaise sur la langue française. Cette influence peut prendre plusieurs formes et toucher aux différents domaines de la langue. Rey-Debove (1987 : 257) affirme que l’anglais constitue la source la plus importante pour les emprunts du français contemporain. Selon lui, les anglicismes présentent 1500 sur 59000 des mots lexicaux présents dans le Petit Robert. Ce chiffre ne tient compte que des mots courants. Si nous incluions les mots moins courants ou considérés comme ‘argotiques’, le nombre d’anglicismes en français serait bien sûr plus élevé.