REPUBLIQUE TUNISIENNE

MINISTERE DES AFFAIRES LOCALES OBSERVATOIRE DU LITTORAL ET DE L'ENVIRONNEMENT

CARTE GEOMORPHOLOGIQUE ET MORPHODYNAMIQUE

Feuille N° 21

LA GOULETTE

Tunis 2018

SOMMAIRE

INTRODUCTION ...... 2 I- LE CADRE MORPHOSTRUCTURAL ...... 2 1-Le relief montagneux ...... 2 2- Les plaines et les collines ...... 4 II- UNE VARIETE INDENIABLE D’HERITAGES QUATERNAIRES 5 III- MORPHOLOGIE ET MORPHODYNAMIQUE ACTUELLES ...... 9 1-A l’intérieur des terres ...... 9 2- Sur le rivage ...... 10 a- Les falaises ...... 10 Références bibliographiques ...... 16

Liste des Figures

Figure 1:Vue sur une partie du relief qui borde le golfe de : le versant marin de l’extrémité méridionale de Jbel et la plaine ...... 3 Figure 2:Détail des argiles et grès de Jbel Korbous et exemple des nombreuses failles qui les affectent (photo, A. Oueslati, 2015)...... 4 Figure 3:Coupe à Ain Oktor (d’après Oueslati A., 1994) ...... 7 Figure 4:Coupe au pied de Jbel Bou Kornine, à l’entrée nord de Hammam Lif (Paskoff et Sanlaville, 1983) ...... 9 Figure 5: Glissement dans la falaise au Sud d’Ain Oktor (photo, A. Oueslati, 2016)...... 11 Figure 6:La situation en 1924 donnant une idée sur la dynamique à l’état naturel : les nombreux éboulis qu’on voit sur l’estran et sur le versant proviennent du banc gréseux qui fait corniche et témoignent de l’importance des mouvements de masse (extrait d’une du fonds photographique de la Bibliothèque nationale de France, Département Société de Géographie, SG WC-474)...... 12 Figure 7:la situation aujourd’hui (photo, A. Oueslati, 2016) ...... 12 Figure 9: Évolution du littoral immédiatement à l'ouest des brise-lames de l'hôtel Solymar (photos : Ameur Oueslati, 2003, et Wissem Marzougui et Ameur Oueslati, 2013 et 2016)...... 15

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INTRODUCTION La carte de la Goulette montre une géomorphologie variée tant du côté du rivage que sur les reliefs qui le bordent. Le terrain qu’elle couvre offre des opportunités pour la connaissance des héritages quaternaires mais aussi pour l’étude de la dynamique actuelle. Celle-ci est parfois influencée par des interventions humaines dont les conséquences ont souvent été néfastes sur le bord de mer. I- LE CADRE MORPHOSTRUCTURAL Le terrain couvert par la carte de La Goulette montre une topographie variée avec une alternance de reliefs montagneux (jbels), de collines et de plaines. La géologie est relativement jeune et dominée par les structures plissées et faillées. 1-Le relief montagneux Le relief montagneux est représenté par l’ensemble Bou Kornine-Rorouf au Sud et Jbel Korbous à l’extrémité nord-orientale de la carte. Les altitudes sont modestes, le point culminant n’étant que de 576m et appartient à Jbel Bou Kornine. Mais les pentes sont souvent fortes et la topographie accidentée et souvent organisée en crêtes séparées ou traversées par des vallées étroites, profondes et bordées par des versants parfois très difficiles. Sur le plan géologique, une distinction doit être faite entre les deux ensembles. Le premier, ou ensemble Bou Kornine-Rorouf, correspond à une structure plissée. C’est un anticlinorium d’orientation méridienne, à ossature largement calcaire et affecté par de nombreuses failles. Sa partie orientale accorde une place importante aux formations marneuses et la structure est plutôt du type monoclinal. Quant au deuxième ensemble, ou ensemble de Korbous, il correspond à la moitié orientale d’un pli anticlinal dont le flanc occidental aurait été abaissé par faille et se trouve sous la mer. Le paysage est donc celui d’une structure monoclinale à front tourné vers l’Ouest.

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Il s’agit en fait d’une succession de crêts favorisés par la multiplication de binômes grès-argiles. Du côté du front, les bancs gréseux forment des corniches d’allures variées mais toujours accidentées et aux parois abruptes. Le revers, tourné vers le continent, retient l’attention par ses chevrons séparés par des ruz souvent profond et à topographie difficile.

Figure 1:Vue sur une partie du relief qui borde le golfe de Tunis : le versant marin de l’extrémité méridionale de Jbel Korbous et la plaine de Soliman (photo, A. Oueslati, 2015).

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Figure 2:Détail des argiles et grès de Jbel Korbous et exemple des nombreuses failles qui les affectent (photo, A. Oueslati, 2015).

2- Les plaines et les collines Les plaines occupent dans différentes parties, parfois étendues, de la carte et ont en commun la faiblesse de leurs altitudes le plus souvent inférieures à 20m et surtout leur grande platitude. Mais le contexte structural permet de distinguer deux types de situations. A l’Ouest, la plaine du bas Miliane s’est formée autour du cours inférieur de cet oued et occupe le fond d’une structure synclinale subsidente. A l’Est, la plaine de Soliman occupe également un terrain en affaissement mais s’inscrit dans le prolongement septentrional d’une structure effondrée, à savoir le graben de .

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Les collines ponctuent les plaines ou se trouvent à leur périphérie ce qui les rend assez apparentes dans le paysage malgré des altitudes le plus souvent inférieures à une trentaine de mètres. Les plus étendues se trouvent à la limite occidentale de la plaine de Oued Miliane et à la hauteur de Soliman. Les premières se succèdent selon une orientation SW-NE, entre les quartiers d’ et Radès. Elles correspondent à de petites ondulations anticlinales à ossature de grès, sables et argiles néogènes ou à des dunes d’argile quaternaires. Les secondes correspondent à un ancien cordon littoral quaternaire sur lequel on reviendra. Dans un tel cadre le réseau hydrographique local est peu important par la longueur de ses artères. Mais il s’agit d’un réseau relativement dense et l’écoulement se fait souvent, dans la partie montagneuse, dans des vallées profondes. La région abrite aussi l’embouchure de Oued Miliane, le deuxième grand d’eau exoréique de la Tunisie. Enfin, la faiblesse des altitudes et des pentes dans les plaines a favorisé une grande extension des terres humides du type sebkhas, chotts et marécages d’eaux douces. II- UNE VARIETE INDENIABLE D’HERITAGES QUATERNAIRES La carte de La Goulette renferme des héritages quaternaires liés à la fois à l’action d’agents continentaux et d’agents marins. Sur le rivage, les falaises exposent parfois des coupes intéressantes. L’une d’elles se trouve à Ain Oktor. Elle montre, sur des dépôts de plage attribués au Tyrrhénien (dernier interglaciaire) compte tenu du fait qu’ils renferment des coquilles d’une faune chaude dont notamment Stombus bubonius, une importante accumulation continentale et une éolianite épaisse. Le dépôt continental a donné son nom à l’une des formations (formation Ain Oktor) et sert de référence dans les études relatives au quaternaire côtier en Tunisie.

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Il est attribué au Pléistocène supérieuret considéré, dans l’échelle stratigraphique, comme le plus ancien parmi les dépôts mis en place après le Tyrrhénien (Paskoff et Sanlaville, 1983). Des travaux plus récents indiquent qu’il peut être divisé en deux unités séparées par un encroûtement calcaire. Ils ont également permis de découvrir dans sa partie supérieure une industrie lithique atérienne ce qui augmente l’intérêt scientifique et la valeur patrimoniale du site (Oueslati, 1994). L’éolianite est attribuée à la formation Cap Blanc d’âge pléistocène supérieur (fig. 3).

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Figure 3:Coupe à Ain Oktor (d’après Oueslati A., 1994) 0-substratum oligocène ; 1-conglomérat de plage à strombes (Tyrrhénien) ; 2a et 2b-dépôts liés au ruissellement ; 3-éolianite ; 4-restes d’un dépôt colluvial ; 5-éolianite ; 6-colluvions et dépôts de pente actuels. Industrie lithique associée aux dépôts : -Atérien archaïque : 1-pointe pseudo-levallois ; 2-racloir simple convexe sur éclat levallois. -Atérien moyen à évolué : 5-éclat levallois ; 6-racloir simple convexe ; 7-racloir simple convexe pédonculé ; 8- fragment proximal d’une pointe levallois pédonculée ; 9-éclat simple denticulé. -Ibéromaurusien : 10-fragment proximal de lamelle ; 11-tablette de ravivage de nucléus.

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L’équivalent des dépôts qu’exposent les coupes des falaises se retrouve dans d’autres parties de la carte. L’éolianite affleure en différents points aussi bien sur les versants qu’au bord de l’eau. Du côté de la bordure méridionale de Jbel Korbous, elle pénètre sur plus de deux kilomètres à l’intérieur des terres. De son côté, la plage à strombes devient plus développée dans la plaine de Soliman. Elle prend la forme d’un épais cordon littoral épais et assez volumineux. C’est sur un tel cordon, qui se présente dans la morphologie sous la forme d’un alignement de collines allongées W-E, qu’est construite, en partie, la ville Soliman. Les plaines sont constituées dans leurs niveaux supérieurs par des alluvions holocènes ou d’âge historique. Ces alluvions passent latéralement à un modelé de cônes de déjection à la sortie des oueds des reliefs montagneux. A l’intérieur de ces derniers, elles se prolongent, au fond des vallées, par une terrasse basse plus ou moins bien conservée. Les piémonts, surtout ceux de l’ensemble de Bou Kornine-Rorouf, ont hérité, en plus, un modelé de glacis et de cônes de déjection encroûtés attribués au Pléistocène. Encore plus haut, sur les versants, se détachent des replats, peu étendus pour être cartographiés, mais bien tranchés dans le paysage. Il s’agit vraisemblablement des vestiges d’anciennes formes d’aplanissement qui remonteraient au Quaternaire ancien ou moyen. Les interfluves pentus portent différents dépôts liés à la gravité. Il s’agit souvent d’une superposition de couvertures faites de matériaux hétérométriques avec des niveaux encroûtés mais sans stratigraphie nette. L’étude de certains versants calcaires a toutefois permis d’identifier des accumulations qui évoquent, par leur structure et leur position, les dépôts ordonnés impliquant une intervention du froid, voire à affinité périglaciaire. L’une des coupes les plus significatives se voit dans une carrière à l’entrée de Hammam Lif. Les dépôts sont attribués au Pléistocène supérieur (Paskoff et Sanlavilleet al., 1983).Ils surmontent une éolianite qui pourrait correspondre à celle décrite dans la coupe de la falaise d’Ain Oktor.

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Figure 4:Coupe au pied de Jbel Bou Kornine, à l’entrée nord de Hammam Lif (Paskoff et Sanlaville, 1983) III- MORPHOLOGIE ET MORPHODYNAMIQUE ACTUELLES 1-A l’intérieur des terres Sur les versants la dynamique se fait sous l’effet de l’érosion hydrique et, là où les données topographiques et lithologiques le permettent, interviennent des mouvements de masse. Les effets de l’érosion hydrique apparaissent surtout à travers des ravinements et se manifestent le plus dans les formations tendres, notamment dans la partie argileuse ou marneuse du front des reliefs monoclinaux et sur les versants des vallées de la partie montagneuse. Au fond des oueds, s’ajoute le sapement des berges qui se fait souvent aux dépens de la basse terrasse.

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Les mouvements de masse affectent les versants de certaines vallées mais ils sont les plus nombreux sur le front des reliefs monoclinaux, surtout ceux de Jbel Korbous à ossature de grès et argiles. Ils se manifestent par des éboulements et des glissements. Les premiers affectent les corniches gréseuses et sont parfois à l’origine d’amas de gros blocs chaotiques qui ont parfois fini par rejoindre le fond des vallées ou l’estran. Les seconds se produisent dans les parties argileuses des versants et sont à l’origine de modelés variés. Les plus fréquents de ces derniers sont du type arrachements. Des modelés de niches et de loupes de glissement existent aussi, notamment dans les reliefs dominés par des corniches très fissurées permettant une pénétration des eaux et une imbibition importante des formations argileuses sous-jacentes. La situation s’aggrave sur le versant marin où s’ajoute l’action des vagues au pied des versants. De telles dynamiques ont déjà imposé le recours à différentes interventions par des ouvrages visant à protéger la route côtière. 2- Sur le rivage En plus des rivages artificiels du lac de Tunis et de la zone portuaire de Radès-La Goulette, la côte couverte par la carte montre deux types de morphologies : des falaises et des plages sableuses. a- Les falaises Deux types de situations existent : de petites falaises bordées par des terres basses et des falaises relativement hautes et dominées par des versants pentus. Le premier type existe entre Sidi Errais et Soliman Plage. Les falaises sont le plus souvent taillées dans des grès éoliens et/ou dans des formations meubles éoliennes ou alluviales. Leur évolution se fait principalement par sapement basal à l’origine d’une dynamique par un système encoche-éboulement. Elle est parfois à l’origine d’une évolution assez rapide comme en témoigne l’état de la végétation de la dune bordière, dont des arbres déchaussés et parfois abattus sur l’estran.

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Les falaises du deuxième type caractérisent le pied de Jbel Korbous et sont le lieu d’une dynamique déjà à l’origine de risques préoccupants. Elles évoluent par un système encoche-éboulement qui alimente des grèves grossières et parfois épaisses. Mais elles subissent aussi les effets de la dynamique des parties moyennes et supérieures du versant côtier soumis à l’action des eaux courantes et des mouvements de masse évoqués plus haut. Ceci a déjà causé des dégâts au niveau de la route côtière dont différents tronçons ont été abandonnés (fig. 5). Le tronçon qui permettait l’accès à Ain Oktor fut fermé à la circulation, depuis janvier 2000, suite à un éboulement survenu au lieu-dit Kef El Hendi.

Figure 5: Glissement dans la falaise au Sud d’Ain Oktor (photo, A. Oueslati, 2016).

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Figure 6:La situation en 1924 donnant une idée sur la dynamique à l’état naturel : les nombreux éboulis qu’on voit sur l’estran et sur le versant proviennent du banc gréseux qui fait corniche et témoignent de l’importance des mouvements de masse (extrait d’une du fonds photographique de la Bibliothèque nationale de France, Département Société de Géographie, SG WC-474).

Figure 7:la situation aujourd’hui (photo, A. Oueslati, 2016)

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b- Les rivages sableux Ces rivages occupent la place la plus importante, par leur longueur. Ils s’étendent depuis la zone portuaire de Radès-La Goulette jusqu’à Sidi Erraies et correspondent à une plage localement relayée par de petits champs dunaires. A l’exception de deux secteurs, relativement limités, situés au contact de l’embouchure de Oued Miliane et à la hauteur de la forêt de Bir El Bey, la tendance est un peu partout au retrait du rivage. Certains segments ont déjà perdu, partiellement ou entièrement, leur plage naturelle dont l’emplacement est désormais occupé par des ouvrages de protection, notamment des brise-lames, des enrochements et des murs de soutènement. D’autres plages, sont actuellement le siège d’une érosion rapide. Le secteur compris entre l’embouchure de Oued Seltène et l’hôtel Slymar et celui situé à l’Est de l’hôtel Andalous en donnent des illustrations très expressives (fig. 8 et 9). Une comparaison de photos aériennes et d’images satellitaires couvrant une période de 68 ans (de 1948 à 2016), montre que l’avancée de la mer s’est accélérée avec le temps et est devenue particulièrement nette depuis les années 1970 pour atteindre une vitesse annuelle parfois supérieure à 5m. Les raisons d’une telle évolution se trouvent largement dans différents travaux d’aménagement imprévoyants dont en particulier l’envahissement des dunes qui bordent la plage par des constructions en dur ainsi que le dérèglement du transit littoral suite à certains ouvrages de protection dont notamment les brise-lames (Oueslati, 2004 ; Marzougui et Oueslati, 2017). Ces ouvrages ont certes permis la formation de tombolos mais ces derniers ont joué le rôle d’obstacle sur le chemin de la dérive littorale privant les secteurs situés en aval de ce courant de l’alimentation sédimentaire dont ils profitaient et y a par conséquent accentué l’érosion. Sur le côté opposé, se sont parfois posés des problèmes d’ensablement comme à la hauteur de l’hôtel Andalous. A tout cela s’ajoutent les différentes formes de dégradation au niveau du paysage et de la qualité des eaux.

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Une telle dégradation a atteint un niveau très élevé dans la plage de Hammam Lif, l’une des premières à être équipée par des brise-lames. La situation a déjà obligé à des interventions dont l’enlèvement de certains tombolos. Ceci semble déjà permettre une certaine amélioration en permettant une meilleure circulation des eaux.

Figure 8: Évolution du trait de côte entre 1974 et 2016 entre Oued Seltène et Soliman Plage (Marzougui et Oueslati, 2017)

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Figure 8: Évolution du littoral immédiatement à l'ouest des brise- lames de l'hôtel Solymar (photos : Ameur Oueslati, 2003, et Wissem Marzougui et Ameur Oueslati, 2013 et 2016).

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Références bibliographiques

. Marzougui W. et Oueslati A., (2017)- Les plages de la côte d'Ejjehmi-Soliman (golfe de Tunis, Tunisie) : exemple d'accélération de l'érosion marine dans une cellule sédimentaire artificiellement tronçonnée ; Physio-Géo, Volume 11 ; 1 ; p. 21-41. . Oueslati A. (1994)- Les côtes de la Tunisie ; Recherches sur leur évolution au Quaternaire ; Publ. Fac. Sc. Hum. & Soc.; Tunis, 402 p. . Oueslati A., (2004)- Littoral et aménagement en Tunisie ; ORBIS ; 2004 ; 534p. . Paskoff R. et Sanlaville P. (1983)- Les côtes de la Tunisie ; variations du niveau marin depuis le Tyrrhénien ; Maison Orient Médit.; 192 p.

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Coupe synthétique 1-relief de la bordure interne (géologie variée ; principalement tertiaire) ; 2-cordon littoral eutyrrhénien (formation ) ; 3-éboulis et dépôts de pente d’âges variés ; 4-cône de déjection ; 5-éolianites (Pléistocène supérieur) ; 6-dépôts de pente (Pléistocène supérieur) ; 7a-alluvions holocènes (modelé de cône de déjection ; 7b-plaine alluviale (Holocène) ; 8-terres humides ; 9-cordon littoral actuel.

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Ensablement du marabout de Sidi Jehmi (photo couverture) (photo, A. Oueslati, 2017)

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