A la une / Actualité

Festival international du film de Locarno

Un avant-goût littéraire

L'édition 2003 du festival di film de Locarnomélange les genres à l’image de cette petite localité de la Suisse méridionale qui abonde en cultures majestueuses et insolites. Anticipant sur la prochaine rétrospective que présentera en octobre la Cinémathèque de Bologne en hommage à l’écrivain suisse Dürrenmatt, Locarno a choisi de proposer aux festivaliers un avant-goût pictural et littéraire de ce peintre, dramaturge et écrivain bernois, sans doute l’un des noms majeurs de la littérature du vingtième siècle.

Alors que les peintures de Dürrenmatt sont présentées au musée de la Casa Rusca jusqu’au 17 août, un hommage cinématographique permettra de visionner sept films inspirés par l’univers dualiste et insolite de cet homme de lettres suisse-allemand. Parmi les cinéastes séduits par cet auteur prolixe, source intarissable d’inspiration pour le septième art, figurent quelques œuvres remarquables et originales, comme The Pledge, réalisée par qui reste remarquablement fidèle à un des thèmes chers de l’écrivain, en l’occurrence la subversion des mythes modernes. La figure du policier, emblématique de la défense de la vertu, est ici décomposée dans ses moindres recoins, jusqu’à la moralité et la folie, puisque confronté à un assassin mystérieux. Encore plus originale, Hyènes du Sénégalais Djibril Diop Mambéty, qui transpose avec humour La visite de la vieille dame à Colombane, misérable ville aux confins du Sahel. L’ancienne prostituée, devenue plus riche que la Banque Mondiale, peut s’offrir la mise à mort de l’amant qui l’a bafouée des années auparavant. Le parlé wolof met une saveur chatoyante à ce classique dont le film propose une version plus traditionnelle : The visit of Bernhard Wicki, considéré comme l’un des meilleurs films du réalisateur, qui bénéficie ici d’un casting époustouflant, entre Ingrid Bergman incarnant à merveille l’ambiguïté, et Anthony Quinn, traité de manière impitoyable puisqu’il a jadis négligé cette femme devenue millionnaire. On citera succinctement une première adaptation du maître du cinéma à travers Es geschah amhellichten Tag de , Portrait eines Planeten, portrait discret et intimiste de l’écrivain par son épouse, Charlotte Kerr-Dürrenmatt. L’univers dürrenmattien, obsédé par la poursuite de la justice impossible, baigné de culpabilité et de vengeance, a permis au maestro de l’humour italien, , de réunir Michel Simon et dans La più bella sera della mia vita, qui met en scène la soirée que passent de vieux magistrats à condamner à mort un industriel, juste pour rire… l’ambivalence imprègne tous ces films, dont Des Richter und sein Henker qui poussent les protagonistes à l’extrême, peu importe les méthodes.

T. H.