La Vie En Haute-Provence De 1600 À 1850
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LA VIE EN HAUTE-PROVENCE DE 1" 1600 à 1850 Photographie de la couverture : La diligence, par Etienne MARTIN, (musée de Digne). RAYMOND COLLIER Docteur en Histoire Directeur des Services d'archives des Alpes-de-Haute-Provence LA VIE EN HAUTE-PROVENCE DE 1600 à 1850 SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE DES ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE DIGNE 1973 COLLECTION « HA UTE-PROVENCE » Déjà paru : Monuments et art de Haute-Provence (épuisé) (Ç) R. COLLIER, 1973. A LA MEMOIRE DE MES GRANDS-PARENTS A MES PARENTS PRÉFACE Sans doute n'ai-je pas été un bas-alpin, un haut-provençal par conséquent, -— car les Alpes-de-Haute-Provence remplissent essentiellement la Haute-Pro- vence - un haut-provençal, dis-je, absolument fidèle mais, paradoxalement, d'une constance, quoique intermittente, à peu près inébranlable. Je suis né rue Mère-de-Dieu, à Digne, qui fut le port d'attache de ma vie, où, hélas ! je n'ai pas relâché assez souvent à mon gré, mais où mon existence, en dépit de tant de voyages, d'errances, de séjours lointains, d'exils, a maintenu toujours son centre moral et presque physique, au moins imaginairement. J'ai quitté Digne, suivant mon père et ma mère, irréprochablement bas-alpins eux aussi, dès ma plus tendre enfance, à la fin de l'âge qui ne laisse pas encore de souvenirs. Ensuite, jusqu'à la fin de ma jeunesse, j'y ai passé le temps fécond et riche en souvenirs des vacances, aux Sièyes, dans le vieux mas qui a appartenu à mon grand-père, puis à mon oncle. ' J'ai parcouru tous les districts, les montagnes et les vallées entre le Verdon, la Durance, l'Ubaye, car la passiÓn de la route me possédait, déjà, comme elle n'a cessé de le faire. J'ai puisé dans ces loisirs prodigieusement actifs, ce qui compose ma person- nalité, les formes, la tonalité et les couleurs de ma conception du monde. Je dois tout ou presque tout à la Haute-Provence ; je crains parfois de ne pas le lui avoir rendu assez généreusement. Vous saisissez aisément, dès lors, avec quel intérêt sans failles, j'ai pu lire sur épreuves, avant qu'il parût, dans son état, en quelque sorte, de virginité litté- raire, le livre que vient de consacrer à mon pays véritable, M. Raymond Collier. « Un livre complet et aéré, large, d'une érudition prodigieuse, d'un amour qui ne se relâche pas. Un livre exhaustif en vérité, qui épuise son sujet mais qui paraît bref, le pittoresque du détail, la science des ensembles, la solidité de la construction générale de l'ouvrage, la minutie de l'information et la cohésion du tout piquant et relevant sans cesse la curiosité. Une somme énorme de recher- ches, un travail considérable et d'une patience infinie de prospection d'archives et, par-dessus cela, une âme de poète, d'évocateur dont la ferveur unit et fond ce qui, chez un auteur moins fervent, pourrait parfois sembler dépouillement de textes et de témoignages quelque peu àride, documentation appliquée, érudition. Non, ici, tout vit ; la poussière des grimoires et des paperasses n'étouffe rien. Bien au contraire, tout brille, tout respire ; le passé jaillit dans sa fraîcheur magiquement retrouvée. Grâces en soient rendues à M. Raymond Collier. Ce n'était pas une tâche facile que de ressusciter aussi exactement, aussi abondamment, avec tant ctâme et de scrupules, la Haute-Provence du xvn- siè- cle, du XVIIIe siècle et de la première moitié du xix® siècle. Mœurs souvent primitives, violences des choses et des êtres, âpreté de la nature et des gens qui sont nos ancêtres, fêtes, coutumes, économie paysanne, cloisonnement des villages, solitudes de la montagne, déchaînement des tempêtes et ravages furieux des torrents, que sais-je encore ? Rien n'y manque, tout y est. Voici un maître-livre et qui demeurera ; je le souhaite, je le prévois, j'en suis sûr. t Alexandre ARNOUX de l'Académie Goncourt AVANT-PROPOS Une longue et silencieuse gestation a précédé l'élaboration de cet ouvrage. Vivant depuis de nombreuses années déjà dans l'intimité du passé haut-proven- çal, nous avons vu peu à peu se concrétiser sous nos regards la physionomie des choses et des gens d'un monde que l'agitation mécanique n'avait pas encore trop perturbés, acteurs et témoins d'une vie qui, à l'échelle de l'histoire, touche notre temps, mais qui, par elle-même, en diffère autant que s'il s'agissait d'une planète lointaine. De fait l'on n'imagine guère qu'un tel ouvrage, pour dépasser le niveau de l'historiette et du pittoresque, puisse résulter d'autre chose que d'une profonde familiarité avec une époque, un pays : il faut avoir vécu intensément en contact avec les archives anciennes, s'être imbibé du passé par une osmose aussi prolon- gée que pénétrante, pour pouvoir s'assimiler l'esprit des gens, des institutions pour les voir surgir dans leur réalité spécifique, en un mot pour appréhender à la fois l'âme et le corps d'une époque. La part d'intuition qu'une telle prise de conscience suppose, ne peut procéder que d'une sorte d'infiltration souterraine, progressive, s'insinuant au fil d'années et d'années. Nous pourrions parler de vie quotidienne, mais plus exactement encore de vie traditionnelle, et cette dernière épithète aurait même pu s'accoler au titre de l'ouvrage. Effectivement, notre panorama historique, plus ample que le niveau de la vie quotidienne, embrasse des modes d'existence qui, durant des siècles, n'ont évolué qu'en surface, même à petits pas ; et nous avons eu comme objectif fondamental de dépeindre une vie qui, sans doute, techniquement, voire mentalement, se rapprochait plus de celle du Moyen Age que la nôtre, une vie où les mutations industrielles, commerciales, etc., n'avaient pas encore trop bouleversé le principe de la tradition dans les idées comme dans les choses. C'est au fond ce principe qui faufile un lien d'unité à travers la période, somme toute assez vaste, que nous envisageons. A vrai dire le propos essentiel de notre étude porte sur les XVIIe et XVIIIe siècles ; à la fin de celui-ci, des symptômes de décollement, d'ébranlement apparaissent qui s'accentuent au cours de la première moitié du xixe siècle. Si nous avons englobé cette dernière période dans notre champ descriptif, c'est qu'en fait de multiples aspects de la vie traditionnelle y subsistent ; et l'apparition, alors, d'une presse, de divers ouvrages imprimés qui n'existaient pas avant 1800, nous fournit des matériaux inexistants pour l'époque antérieure. Précisons bien que tous les faits mentionnés pour la première moitié du xixe siècle, ou même plus tard, ne l'ont été que dans la mesure où ils perpé- tuent, prolongent la vie traditionnelle au-delà de son assiette propre. Les choses humaines ont la racine dure, d'ailleurs ! L'on déniche aujourd'hui encore, ici ou là, des miettes d'une existence depuis longtemps passée de mode mais elles vont hélas ! en se raréfiant, en s'amenuisant toujours plus, bousculées, écrasées par le « char du progrès » ! L'ampleur du cadre que nous nous sommes fixé est cause que, pour une date donnée, nous n'avons pas eu nécessairement un ensemble complet d'informa- tions aisément maniables sur un sujet déterminé : par exemple, au point de vue social, les éléments de base de notre étude appartiennent surtout au XVIIIe siècle. Compte tenu du fait que l'évolution suivait autrefois un cours bien plus lent qu'aujourd'hui, l'on peut estimer en gros que certains aperçus de notre travail, pour être localisés dans le temps, ont une portée plus générale. Ce n'est qu'à partir du xix" siècle que les choses commencèrent à prendre, avec rapidité, un visage très différent. Cette inégalité de documentation est due aussi au caractère synthétique, pour une part, de cet ouvrage. En effet, sur une période si ample et pour des matières si diverses, il n'était pas toujours possible d'effectuer des recherches de première main ou, en tout cas, d'assembler une documentation exhaustive ; nous avons dû à plusieurs reprises nous fonder sur une sélection de documents ou utiliser pour une part des travaux extérieurs. Même dans les cas extrêmes, cependant, la fusion d'éléments divers et certaines recherches originales ont permis une synthèse inédite, éclairant le sujet d'un jour à la fois plus large et plus clair. Bien que, évidemment, chacun de nos chapitres soit susceptible de dévelop- pements plus fournis et même de donner la matière d'une thèse spéciale, nous apportons de manière constante ou des vues entièrement neuves, voire inatten- dues, ou un panorama qui n'existait pas auparavant. Et nous estimons que des études plus approfondies ne feront que renforcer nos conclusions ; bien des fois, certains documents venus s'agréger en cours de route au noyau des fiches, n'ont fait que se fondre dans la masse et corroborer les aperçus primitifs. L'inverse ne s'est pas produit. Synthétique pour une part, écrivions-nous plus haut, parce que, s'appuyant sur une documentation qui, si large soit-elle, est sélective ou de seconde main (et il ne pouvait pas en aller autrement) la Vie en Haute-Provence de 1600 à 1850 l'est dans un sens plus haut, c'est-à-dire dans la mesure où, philosophique- ment, le terme de synthèse signifie concret, qualitatif. Nous insisterons un peu sur ce point, car notre conception de l'histoire est essentiellement pragmatique. Pour nous, l'histoire est avant tout « événementielle » : elle a pour trame ce que les hommes vivent jour après jour, ce qui se déroule sous leurs yeux ; elle doit (avec des correctifs) transposer sous les yeux de la postérité ce que les contem- porains ont vu.