ABS Magazine [Numéro 44]

PARENTRETIEN JEAN-PIERRE URBAIN

Remerciements à Martin Bruendler, Guido Schmidt, la direction du Schweizerhof Hotel à Lucerne, Jean-Luc Vabres pour son aide précieuse, Miki Mulvehill, Bob Trenchard, Betsie Brown et Bob Corritore. Ci-dessous : , et Mark Clay, Lucerne Festival, 14 novembre 2014. Photo © Marcel Bénédit “Soul Brothers”

En cette fi n d'année, Otis Clay et Johnny Rawls créent l'évènement dans le monde du soul-blues. La qualité incontestable de leur nouveau disque « Soul Brothers », avec des duos bien dans la lignée de ceux déjà présents sur le disque de Johnny Rawls « Remembering O.V. » paru en 2013 et la complicité évidente entre ces deux bonshommes qui émane de ces deux disques ne pouvaient que titiller la curiosité d’ABS. Nous avons donc profi té de leur passage au Lucerne Blues Festival 2014 en novembre pour essayer d’en savoir un peu plus sur cette rencontre musicale. Tout souriants, visiblement heureux d’être là, notre rencontre fut de celles dont on apprécie chaque minute. Les propos qui suivent sont extraits de ce qui fut une interview chaleureuse où sourires, rires et connivences furent les mots d’ordre pour nos deux amis. Une belle rencontre avec deux grands Messieurs.

OTIS CLAY

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oui ! Tu sais, la soul est très populaire dans le connaissons. Johnny et moi-même nous que les choses vont. Tu revis l’histoire, leur ENTRETIEN le Mississippi ou j’ai grandi. Le gospel et la avons un background gospel, nous pouvons histoire, quand tu parles d’eux, quand tu soul c’est tout ce que nous avions, c’était en parler, et il n’y a pas beaucoup d’artistes écoutes leur musique, quand tu la joues. Cet entretien s'est déroulé dans le notre monde. Wilson, Otis et Tyrone nous qui peuvent le faire. Cela fait la diff érence ; • Johnny Rawls : Otis vient de mention- lobby de l'hôtel Schweizerhof, à Lu- les considérions comme nos meilleurs amis, sa musique m’est familière car c’est dans la ner les Dixie Hummingbirds, sur ce gos- cerne, Suisse, le 13 novembre 2014. ils étaient des frères pour nous, j’ai été élevé lignée de celle des gens dont nous aimons pel que j’ai écrit et qui s’appelle Halleuljah au son de Otis. Quand nous étions en stu- parler, sur lesquels nous aimons échanger. Lord, nous avons interprété le morceau « à dio, je chantais « Oh Darling... » et Otis m’a C’est diffi cile pour moi de dire quand j’ai la » Ira Tucker et James Walker en chan- I Dans quelles conditions a eu lieu votre repris en me disant : « non, non, il faut faire pour la première fois entendu sa musique. tant « Thank you, thank you ». Avec Otis nous première rencontre ? pouvez-vous nous Oooh Darling » avec sa profondeur en plus. J’entends toujours chez lui, dans sa musique nous sommes dit : « nous allons faire ce truc dire à quand elle remonte ? Quand il a fait cela en studio c’était quelque et sa manière de jouer et de chanter aussi, à la Tucker et Walker ! ». Ils avançaient et re- • Johnny Rawls : Sans pour autant le chose d’unique pour moi, venant de lui, de plein de choses que je ne connaissais pas. culaient tout le temps avec le microphone. connaitre en personne, j’ai d’une certaine l’homme qui a fait l’original, pour moi qui Tout cela est venu naturellement de nos manière toujours connu Otis Clay. Quand a été élevé avec sa musique, cela a été un I Venons-en justement à votre disque oreilles, de nos mémoires, de ce que nous je jouais avec O.V. Wright et différents moment très spécial. La première fois que je « Soul Brothers », pourriez-vous nous dé- avons écouté au fi l des années, cela vient musiciens, nous étions parfois tous sur la l'ai entendu je m’en souviens, je devais avoir crire l’ambiance qui régnait pendant ces des Dixie Hummingbirds. Rien n’était pré- même affi che, je le connaissais donc, mais trois ans alors qu’Otis en avait vingt-huit. sessions d’enregistrements? paré à l’avance. C’était vraiment du genre je ne lui avais jamais dit un mot. Je ne fai- Et oui ! C’était sur un disque intitulé « I’m • Otis Clay : Quand tu écoutes le disques, « hey man, on fait un truc à la Tucker-Wal- sais qu’observer, je passais mon temps à lui Satisfi ed ». J’étais habitué à aller chercher des tu reconnais vite et tu entends clairement ker ? ». Je suis taillé du même bois qu’Otis, il piquer des trucs en fait, tu vois ce que je veux 45’s quand j’étais gamin. C’était fou, tout le les infl uences de tous les musiciens que était là avant moi, des décennies avant moi dire ! Au travers des années, je ne l’ai jamais monde admirait , Jimmy nous connaissions, pour lesquels nous même, mais j’étais là aussi tout ce temps. vraiment rencontré. Nous nous sommes Hughes, Otis Clay, O.V. Wright. Chaque fois avons une très grande estime. On pense Quoi qu’il dise, je sais exactement de quoi peut-être salués, mais nous n’avons jamais que j’écoutais un disque j’imaginais que je à O.V. naturellement, mais aussi a beau- il parle, s'il parle des Swan Sivertones, des porté plus d’attention l’un pour l’autre. La serais béni des dieux si je pouvais rencontrer coup d’autres artistes qui font partie de Nightingales, je sais exactement de quoi il première vraie rencontre fut à Phoenix il y a ou jouer avec ces gars. C’est quelque chose ce groupe de musiciens. Nous parlons parle. Nous prenons simplement du plai- Nightingales intitulé I Want to Be at The Mee- I C’est pour cela Otis que vous avez dit que je n’aurais jamais imaginé quand j’étais des Dixie Hummingbirds, d’Ira Tucker, de sir ; c’était vraiment du plaisir à l’état pur. ting (ndlr : cf cd « Broadcasting Blues »). J’étais « je le connaissais avant de le connaître » ? jeune. Je n’osais même pas rêver que cela James Walker, ensuite nous allons parler à la guitare. C’est la première fois que nous • Johnny Rawls : Oui, et c’est valable pour puisse arriver un jour, vraiment. Imagine, des Swans Silvertones et d’autres... C’est I Dites-nous comment le disque Soul nous sommes vraiment parlé. Je le connais tous les deux, et en plus cela va bien au- gamin je mettais des posters chez moi avec comme si cela nous donnait l’occasion de Brothers s’est retrouvé sur label Catfood donc depuis vraiment de très nombreuses delà de la musique. Tu sais, regarde le O.V. Wright, Jackie Wilson, Otis Clay, Bobby les ramener ici à nouveau. Parler d’eux, Records de Robert Trenchard ? années, mais j’étais toujours resté un peu en groupe de gospel des Luckett Brothers ; il Blue Bland. J’imaginais les limousines, les c’est comme se dire qu’ils ne nous ont pas • Johnny Rawls : Bob et moi sommes amis. retrait. La fois suivante, je pense que c’était les connait depuis près de cinquante ans et costumes, les bus et soudain, en un claque- quittés, et en fait ils sont toujours là, ils ne Quand je lui ai dit que j’avais parlé à Otis aux Blues Awards et je lui dit « cela te dirait de mon côté j’ai été leur arrangeur et gui- ment de doigts, il est là en studio en train de sont pas partis, la musique est toujours Clay de l’éventualité de travailler ensemble que nous fassions un truc ensemble ? ». Il tariste pendant des années, mais pourtant chanter avec moi ! Je n’ai jamais eu de plans, ici. Nous écoutons la musique, imaginons sur le disque précédent, Bob avait réagi de m’a répondu « oui, pourquoi pas ». Nous il ne me connaissait pas personnellement. mais je suis heureux que ce soit arrivé ! une histoire qu’ils auraient pu avoir vécue suite en disant : « C’est vrai ? Tu l’as vraiment avons ainsi fait le disque « Remembering Mais il connaissait fort bien Nate et James. • Otis Clay : Tu n’entends pas beaucoup ou dont ils ont parlé, et c’est comme cela fait ? ». Il était de suite partant, il était excité O.V. » où Otis est sur quelques titres ; le Nous nous sommes croisés, il a joué avec ni souvent des artistes comme Johnny ou disque a bien été reçu. Après quoi je lui ai des gens avec qui moi aussi j’ai joué. Quand comme moi-même. Quand je suis avec proposé de produire un et il m’a ré- je jouais avec O.V. Wright, tout le monde Buddy Guy, je lui parle comme je parle à pondu : « faisons-le ensemble ce disque ! ». aimait O.V., sa voix, son chant. J’ai été son Johnny car Buddy et moi nous connais- Et voilà ! Nous n’avions jamais rien planifi é directeur d’orchestre et nous avons souvent sons et avons connu les mêmes personnes. à l’avance, nous n’avions pas fait de plans partagé la même affi che avec Otis, avec B.B. Quand on parle de ce qu’il y a autour de la au préalable, c’est venu en un claquement King et beaucoup d’autres, mais c’était de musique, de la vie, Buddy et Johnny sont de doigts ! tellement gros trucs que tu n’as pas l’occa- diff érents, parce qu’on pourrait considérer • Otis Clay : Tu sais, il y a une chose, avec sion de vraiment faire connaissance. Je les Johnny plus comme un chanteur de soul, Johnny nous parlons constamment de observais, comment ils se fringuaient, com- un vrai soul-singer. Je n’aime pas du tout musique, des gens qui ont fait la musique ment ils se comportaient, histoire de piquer les catégories, mais comme nous parlons que nous connaissons, et plus nous parlons, quelques idées et d’être certain que nous de musique, Johnny et moi nous avons plus nous découvrons qu’il y a beaucoup de faisions les choses correctement. une connaissance de la musique qui fait de musiciens dont nous connaissons et aimons • Otis Clay : Tu sais, tu empruntes toujours nous les “Soul Brothers”. Cela va plus loin la musique. Ce sont les mêmes personnes, le un passage, une partie de phrase qu’ils ont que de dire que nous connaissons Howlin’ même cercle de gens bien que nous ne nous chanté, quelque chose qu’ils ont fait. C’est Wolf et Muddy Waters, nous connaissons connaissions pas vraiment. Comme nous facile quand cela vient à toi ; en particu- aussi Sam Cooke, ce sont des artistes qui avions le même cercle de connaissances, lier en gospel où tous les grands lead sin- étaient ici avant nous. Nous ne sommes c’est un peu comme si nous nous connais- gers avaient leur propre identité, avaient pas ce que les gens appellent des artistes sions déjà fi nalement. Connaître et apprécier quelque chose qui faisait qu’il était toujours de blues, nous savons le chanter car nous les mêmes personnes ça aide ! C’est comme facile de les identifi er. une bonne dizaine d’années, Bob Corritore cela que nous nous sommes rencontrés ; en nous avait invités à sa station de radio pour parlant de chansons, car nous connaissons I Avez-vous chacun suivi la carrière de Page 40 : Lucerne, 13 nov. 2014. Photo © Philippe Prétet y faire quelque chose en direct. Je me rap- beaucoup de choses, en parlant de gospel, de l’autre au cours du temps ? Ci-contre : Otis et Johnny, Sonic Ranch Studio, Tornillo, Texas, 2013. Photo James Gregus pelle, c’était un morceau des Sensationnal soul, de blues, de musique séculaire. • Johnny Rawls : Moi j’ai suivi la sienne, © 40 41 ABS Magazine [Numéro 44] ENTRETIEN

à l’idée de le faire. Ce fut aussi facile que venu avec l’idée de jouer I Found Love (ndlr : I Nous sommes ici à Lucerne, festival qui Lucerne. J’y ai enregistré un album live et je cela. Il était vraiment super enthousiaste, de Wilson Pickett), là il s’agit non pas de deux a développé nous semble-t-il une relation pense qu’à l’époque, en 2003, nous avions comme il l'a été pour ce nouveau ce projet. mais bien de trois générations. Nous vou- privilégiée avec vous. Pourriez-vous nous déjà établi une relation avec cette ville, avec • Otis Clay : Je ne connaissais pas Bob lions jouer un de mes vieux titres que j’avais en dire quelques mots ? cette région, essentiellement grâce aux per- avant de travailler sur ces projets. Tout cela enregistré il y a longtemps, Got to Find a Way, • Johnny Rawls : Ce sont les promoteurs sonnes. Mais il n’y a pas qu’ici à Lucerne ; est parti de discussions que nous avions avec et je lui ai dit : « Dave, pourquoi ne pas faire un Martin et Guido qui font qu’on se sent de ils sont venus en Amérique, et nous nous Johnny. C’est encore une fois alors que nous ? », il venait de mourir. Il voulait suite comme faisant partie de la famille. Ils retrouvons là-bas. Nous passons du temps discutions de musique. À l’époque, Johnny faire Ain’t no Love in the Heart of the City, je traitent les gens avec tant d’attention. De ensemble, c’est une chose de se rencontrer travaillait sur « Remembering O.V. », ça a lui ai proposé This Time I’m Gone for Good, plus, les gens ici sont très reconnaissants, ici, c’est une toute autre chose de dire : « ar- commencé comme cela. Nous étions partis mais il n’avait jamais entendu la chanson ils apprécient vraiment sincèrement la rête toi à l’occasion, viens chez moi à la maison ». sur l’idée de faire une seule chanson, et une et pourtant Dave est vraiment quelqu’un musique qu’ils entendent. Je pense qu'ils C’est cela que nous vivons avec eux. Si je fois en studio on s’est dit : « Hey man, pour- qui connait très bien la musique. Quand j’y la ressentent au plus profond de leur cœur, dis : « viens chez moi, nous allons diner à la mai- quoi pas ce morceau aussi ! », et nous avons pense, cette chanson a été son », ou quelque chose fi nalement fait trois chansons. Sur ce nouvel publiée en 1973, c’est déjà il du genre, c’est autre album, « Soul Brothers », nous ne parlons pas y a pas mal de temps ! Dave Nous n’avions pas fait de plans au préalable, chose. C’est ce genre uniquement de O.V. ; il y a des titres origi- n’était pas du tout familier de relations que nous naux, de même que d’autres choses comme avec ce morceau extrait c’est venu en un claquement de doigts ! entretenons depuis le ce avec quoi Bob est venu, tel le titre Only du disque « His California début. Nous savons You Know and I know de Dave Mason. Bob a Album » de Bobby Bland, on ce que c’est d’être en un fort penchant pour la même musique que ne le réalise pas toujours, mais 1973 c’est déjà ils aiment et surtout il te disent à quel point dehors des sentiers battus. C’est marrant, nous, donc il a proposé pas mal de choses, un fameux bout de temps en arrière ! Quand ils apprécient. Tout est parfait, hôtel magni- Mr Hauser, le directeur de l'hôtel qui est des idées à propos d’une ou l’autre chanson. tu y penses tu te dis : « Ooohhh, c’est il y a déjà fi que, paysage et endroits superbes, nour- aussi dans l'organisation du festival, quand Bob sait beaucoup de choses sur la musique si longtemps », tu vois ce que je veux dire ? riture parfaite. C’est bon. Je pense qu’aux je l’ai vu l’autre soir, nous avons parlé de que nous aimons, sur notre musique. • Johnny Rawls : Quand je joue aux US, USA les gens apprécient également, mais ils son épouse, et je lui demande : « au fait, quel • Johnny Rawls : Oui, son apport a été quand je fais des concerts live, les gamins ne te le disent pas, ils sont habitués, pensent âge à le bébé ? » et il me répond en rigolant : important. Je n’avais jamais entendu la veux, végétarien si tu le désires, tout ce que cela que nous écoutions la musique dans qui sont ainsi amenés à découvrir cette que c’est normal et prennent tout comme « le bébé est là ! », il était assis au bar ! Quand chanson de Dave Mason de ma vie, je ne tu désires. En fait tu ne dois te tracasser de le temps. C’est étonnant, quand je parle musique l’aiment vraiment ; ils découvrent allant de soi. C’est ce que je ressens. Ici les j’ai vu comme il avait grandi j’ai demandé connaissais pas le titre jusqu’au moment rien, tout est organisé et tu peux te concen- de cette musique, bien qu’elle remonte à grâce aux concerts et ensuite ils achètent gens entendent probablement ce genre de « c’est lui le bébé ? » Il me regardait comme où nous l’avons enregistré. Je connaissais trer sur la musique sans autre tracas. deux générations, je me rends compte qu'il des disques vinyles ! musique moins que là-bas. À , tu si j’étais fou. Tu t’attends toujours à ce que Dave Mason de nom, mais je n’étais vrai- • Otis Clay : C’était la deuxième fois que reste beaucoup de gens qui doivent encore • Otis Clay : C’est vrai ! On peut parler prends ta voiture, tu vas chez Buddy Guy, les choses ne changent pas mais ce n’est pas ment pas familier avec sa musique. Ce que je m’y rendais, nous y étions déjà allés se familiariser avec elle. Même quand on du nouveau fi lm « Take Me to the River » au Kingston Mines, au Gene's, tu vois ce comme cela que ça se passe ! C’est ainsi que, je fais dans ce cas, c’est écouter une fois, pour « Remembering O.V. ». Je suis devenu parle de stations radio noires, il faut réaliser (ndlr : cf chronique page 56), et nous voilà que je veux dire, c’est là, à portée de main mine de rien, je regarde toute une nouvelle éteindre le truc et après cela je fais à notre cette fois familier avec cet endroit. C’est depuis combien de temps le hip-hop est là, en plein dans la question de générations. et donc on considère cela comme acquis. génération qui grandit. Ce genre de rela- façon. Je suis certain que je ne chante pas un endroit unique en matière de son ; tu avant on était au disco. Donc nous avons Si tu ne sais pas que William Bell a écrit I • Otis Clay : Je pense qu’en Europe c’est tions, quand cela va au-delà de simplement comme Dave Mason ! J’imagine que si tu as de tout, diff érents studios qui sont dans facilement deux générations qui n’ont pas Forgot to be Your Lover, tu penses que c’est plus - si je peux utiliser le terme - « bran- faire des aff aires ensemble, c’est quelque connais, tu peux reconnaitre que c’est une des maisons diff érentes, c’est presque que été confrontées à cette musique à grande de quelqu’un d’autre. Il y a eu un hit récem- ché ». C’est la quatrième fois que je viens à chose d’important. C’est ce que je vis ici. de ses chansons, mais nous ne la chantons comme un complexe. Tu as du « high tech », échelle, des Noirs comme des Blancs, qui ment avec une reprise de ce morceau. C’est pas comme lui la chante. J’en suis certain. aussi bien que de l’analogique. Il n’y a rien n’ont pas beaucoup entendu, même si cela ce gars, Jaheim Hoagland, et les jeunes C’est vrai que c’est une bonne chanson. d’autre à faire là-bas que d’enregistrer. Vrai- sonne bizarre, les choses que nous jouons. sont convaincus que le morceau est de lui. • Otis Clay : J’aime bien la manière dont ment rien, et c‘est bien ! Tant aux USA qu’ici en Europe. Et pour- Quand tu leur fait remarquer que c’est de nous l’interprétons. D’autres avant nous tant, il faut réaliser que quand on parle William Bell, ils te disent : « William Bell, ont repris ce titre, comme Delaney et Bon- I Depuis que le disque est sorti, est-ce que d’Europe, Tommy Hunt vivait en Europe, c’est qui ? ». William Bell a eu un gros hit, nie, mais nous c’est autre chose. (ndlr : Ce vous avez eu beaucoup l’occasion de faire Edwin Starr vivait ici en Europe, et beau- mais c’était en 1967, cela fait un sacré bout sur quoi Johnny Rawls demande : « c’est qui de la scène en tant que « Soul Brothers » ? coup d’autres. Ces types qui étaient depuis de temps. Avec le disque (ndlr : il parle de la eux ? »… « Les années 60 ! » répond Otis Clay). • Otis Clay : Pas encore. L’album va dans longtemps dans la soul ont décidé de vivre B.O. du fi lm, disque publié sur Stax), les gens un sens nous dicter ce que le futur va être ici en Europe. De nos jours, c’est donc peut- ont l’occasion d’entendre, ou plutôt de I La production de l’album est vraiment pour nous. Il n’y a pas eu de duo comme être un peu plus « branché » d’écouter cette trouver un point d’entrée dans ce monde, excellente. Pourquoi le choix de ce studio, celui-là depuis un certain temps, en par- musique ici qu’en Amérique. comprendre que quelqu’un d’autre a fait le Sonic Ranch, à Tormillo au Texas ? ticulier dans le monde musical qui est le ceci avant, et j’espère qu’il se dira : « je me • Johnny Rawls : Bob vit au Texas. C’est un nôtre. Ce n’est pas uniquement du blues I Une question de génération peut-être ? demande comment ça sonne » et ira écouter très bon studio là-bas, l’atmosphère y est ou de la soul ; c’est une combinaison de • Otis Clay : Si je reviens à cette question de les originaux. Les gens qui vont entendre excellente. C’est loin de tout dans la cam- toutes ces choses, c’est typiquement ce que génération, une anecdote me vient à l’esprit. le petit P-Nut avec moi sur le disque pagne texane, il y règne une impression de la musique était il y a des années. Quand Avec avec qui j’ai enregistré « Take me to the River » vont entendre une calme, c’est très paisible. Pas de distrac- tu écoutais la radio, en particulier les sta- pour Delmark, nous parlions un peu comme deuxième version du titre Trying to Live tions, pas de sirènes, pas de téléphones, tions noires, il était diffi cile de distinguer je parle avec Johnny : « pourquoi ne pas faire My Life Without You, pour la deuxième fois d’ailleurs ton téléphone ne marche même les genres. Tu entendais le dernier Muddy ceci, pourquoi ne pas faire cela ? ». Dave est et cela va peut-être leur sembler familier. pas là-bas, il n’y a pas de réseau ! Ils ont Waters, de même que le nouveau disque de Le fait qu'il y ait sur ce disque diff érentes aussi le meilleur équipement que tu puisses quelqu’un sur Motown. C’est typiquement générations de musiciens ensemble va per- trouver ; d’excellents ingénieurs de son. Tu le genre de combinaison que nous aimons, Ci-dessus : Otis et Johnny avec Bob Trenchard, Sonic Ranch mettre aux gens d’entendre de la musique Studio, Tornillo, Tx, fevrier 2014. Photo Christopher Klug as toutes guitares que tu désires, tous types que nous créons ; une musique qui repose © enracinée dans les bons vieux temps mais Page 43 : Lucerne, 14 nov. 2014. Photo Marcel Bénédit de micro ; pour la bouff e on te fait ce que tu sur différents fondements, c’est comme © sous une forme toute nouvelle. 42 43