Direction régionale du Saguenay—Lac-Saint-Jean

Direction régionale de Montréal*

Service de l'aménagement et de l'exploitation de la faune

Service du marketing et des communications*

LE urix DU CANADA

par

Norman W.S. Quinn et Gerry Parker

Traduction: Pierre G. Vaillancourt, biologiste

Révision: Jacques F. Bergeron*, biologiste

Yves Jarretie, Service de l'éducation

Ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche

Jonquière, mai 1993 ii

Source: Quinn, N.W.S. and G. Parker. 1987. Lynx. Chapter 51 in Wildfurbearer Management and Conservation in North America. Edited by M. Novak, J.A. Baker, M.E. Obbard, B. Mallock. Ministry of Natural Resources, Ontario. pp. 683-694. iii

Ce document est une traduction intégrale du chapitre 51 «Lynx» du manuel ontarien «Wildfurbearer Management and Conservation in North America».

Cette traduction a été faite pour répondre avant tout aux besoins des membres de l'équipe de traduction.

Cette équipe sera heureuse d'accepter dans ses rangs tout biologiste qui souhaiterait volontairement participer à la traduction de ce manuel, soit en traduisant un autre chapitre, soit en révisant et en corrigeant le texte d'un chapitre déjà traduit. Pour s'entendre sur la question, il s'agit tout simplement de contacter l'un des auteurs de la présente.

L'équipe de traduction tient à remercier le Service de l'aménagement et de l'exploitation de la faune de la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean pour avoir réalisé la mise en forme finale de cette traduction et en avoir assuré la diffusion; l'équipe désire remercier de façon plus particulière madame Élaine D. Carrier pour avoir dactylographié les tableaux, corrigé le texte et l'avoir mis en page ainsi que monsieur Guy Biron pour avoir dessiné les figures.

AVERTISSEMENT

La présente traduction ne peut être utilisée qu'à des fins personnelles puisqu'aucun droit de publication n'a encore été accordé par l'auteur ou par l'éditeur. iv

AVANT-PROPOS

Le Lynx du Canada* (Felis lynx) et son proche parent le Lynx roux (F. rufus) sont les félidés sauvages les plus communs du Canada et des États-Unis. Le Lynx du Canada, animal à fourrure d'une beauté remarquable, est une composante importante dans l'industrie de la fourrure sauvage et contribue, de façon significative, au revenu des trappeurs du Grand Nord. Le fameux cycle de dix ans de la population du lynx a longtemps fasciné les naturalistes et les chercheurs de la faune.

Le Lynx, généralement considéré comme un animal rare de par sa nature discrète, est présentement assez commun dans l'ensemble de son aire de répartition en Amérique du Nord, laquelle englobe les vastes forêts boréales du Canada et de l'Alaska. L'arrivée de la motoneige, qui a ouvert l'accès à des régions jusqu'alors demeurées inaccessibles au piégeage, combinée à une augmentation sans précédent du prix de la fourrure vers la fin des années '70, a grandement augmenté la pression de piégeage sur le lynx. Cette augmentation de la pression de piégeage a inquiété les gestionnaires de la faune et a stimulé la recherche dans l'établissement de bases biologiques fermes pour sa gestion.

* connu aussi sous le nom de loup-cervier TABLE DES MATIÈRES

Page AVANT-PROPOS iv TABLE DES MATIÈRES LISTE DES TABLEAUX ... . . . ...... vi LISTE DES FIGURES vii

1. DESCRIPTION 1 2. RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE 5

...... 0 . 4 7 3. CYCLE VITAL . . . . . . 4 . . . 0 0

. ...... e 0 0 4 0 e 7 3.1 Reproduction . . . . 0 .... 3.2 Mortalité 11 4. HABITUDES ALIMENTAIRES 13 5. COMPORTEMENT 17 6. ÉCOLOGIE 19 6.1 19

6.2 Domaine vital . ...... . 6 . . a .. ... 19 6.3 Densité de la population 20 6.4 Dynamique de population 22 7. GESTION 29 7.1 Techniques de détermination de l'âge et du sexe 29 7.2 Recensement et estimation des populations 31 7.3 Estimation de la croissance de la population . . . . . 34 7.4 Régularisation de la récolte 36 7.5 Méthodes de capture à l'état vivant 44 7.6 Gestion de l'habitat ..... . ...... . . .. ... . 45 7.6.1 Introductions 46

7.7 Importance économique . ..... . . . 6 ...... 0 . e 0 0 46 8. CONCLUSION 49

BIBLIOGRAPHIE ...... . 00•00•Oe • • 600 52 LISTE DE DIFFUSION 53 vi

LISTE DES TABLEAUX

Page Tableau 1 Poids moyens (kg) et longueurs moyennes (cm) du Lynx du Canada dans différentes régions de l'Amérique du Nord (g ± SD) 3

Tableau 2 Études réalisées sur les habitudes alimentaires du Lynx du Canada ...... . . . . 14

Tableau 3 Densités de population de lynx estimées dans différentes études 21

Tableau 4 Taux annuels de la mortalité naturelle et de la mortalité due au piégeage évalués parmi les populations de lynx en Alberta durant la période de 1964-1965 à 1974-1975 24

Tableau 5 Taux de mortalité naturelle évalués chez les jeunes lynx d'âge 0+ et chez les adultes, en Alberta, de 1972 à 1974 . . ...•• • . .•.• • . • . . 25

Tableau 6 Structure d'âge et de sexe du lynx à cinq endroits de l'Amérique du Nord 38

Tableau 7 Qualité et valeur des fourrures de lynx par classe d'âge et de sexe provenant du Nord-Est de l'Ontario, de 1979 à 1982 . • . . . . . . . ...... 42 vii

LISTE DES FIGURES

Page Figure 1 Répartition géographique et densité de la récolte du Lynx (Felis lynx) au Canada et aux États-Unis pour la saison de chasse et de piégeage 1983-1984 (basées sur un relevé effectué par M. Novak et A.J. Satterthwaite, du Ministère des Ressources Naturelles de l'Ontario) . . 6

Figure 2 Coupe histologique d'un ovaire présentant un gros corps jaune (corpus luteum: CL) qui occupe la presque totalité de l'ovaire 8

Figure 3 Un utérus de lynx adulte présentant des cicatrices placentaires, avec une pigmentation foncée, caractéris- tiques de la dernière période de gestation 9

Figure 4 La diète alimentaire du lynx se compose principalement de lièvres d'Amérique ...... . . 15

Figure 5 Ventes de fourrures de lynx au Canada et aux États-Unis

et prix moyen indexé de la fourrure ...... . 26

Figure 6 Nature cyclique des récoltes de lynx telle que démontrée par les quantités de fourrures exportées de l'Alaska de 1909-1910 à 1983-1984 (Stephenson 1984) et par la quantité de fourrures récoltées en Ontario et au Québec de 1919-1920 à 1950-1951 (Obbard et al. 1987) 28

viii

Pane Figure 7 Une section longitudinale colorée d'une canine de lynx présentant des anneaux de croissance annuelle opaques dans le cément de la dent . . . . ...... 30

Figure 8 Changements mensuels dans la structure d'âges des lynx récoltés sur l'Ile du Cap-Breton de 1977-1978 à 1979-1980 (tiré de Parker et al. 1983) 40 1

I. DESCRIPTION

Le Lynx du Canada (loup-cervier) et le Lynx roux proviennent d'un ancêtre commun bien que les paléontologistes ne soient pas certains de son identité (R.L. Peterson, comm. pers.). Les deux espèces seraient possiblement le résultat d'invasions discontinues du Lynx d'Asie (F. lynx lynx) par le Détroit de Bering durant les périodes interglaciaires du Pléistocène (le Lynx d'Asie est aujourd'hui deux fois plus gros que Felis lynx et ressemble davantage au Lynx roux). Selon cette intrigante théorie, la première popula- tion immigrante du Lynx d'Asie aurait évolué de façon indépendante durant une longue période d'isolement géographique (pendant 20 000 années peut-être) et se serait éventuellement établie loin au sud, donnant un chat qui serait devenu le Lynx roux; au cours de sa seconde invasion, le Lynx d'Asie aurait occupé la niche laissée par le retrait du glacier et aurait connu à son tour une spéciation comme Lynx du Canada.

La classification du Lynx est encore contestée. Certains taxonomistes considèrent que le Lynx du Canada et le Lynx roux ne sont pas suffisamment différents des chats du genre Felis pour être classifiés dans un genre différent (Van Gelder 1977). Cette question n'a pas encore été résolue et demeure constestée parmi les taxonomistes.

Le Lynx du Canada est une espèce remarquablement homogène malgré la très grande étendue de sa répartition en Amérique du Nord. Il n'y a que deux sous-espèces reconnues et l'une est confinée sur l'île de Terre-Neuve (McCord et Cardoza 1982). Il existe plusieurs sous-espèces en Eurasie en incluant celle qui est isolée en Espagne et qui est considérée comme une espèce menacée de disparition (McCord et Cardoza 1982). On ne connaît aucun cas d'hybridation naturelle résultant d'un croisement entre le Lynx du Canada et le Lynx roux; ce phénomène, s'il existe, doit être rare (R.L. Peterson, comm. pers.).

Le lynx est un chat de taille moyenne, de couleur variant du rougeâtre au gris-brunâtre, avec de longues pattes arrière qui lui donnent une posture 2

inclinée vers l'avant. Le lynx est moins gros qu'il ne le paraît; ses longues pattes et sa fourrure dense amplifient sa taille, et le mâle adulte ne pèse qu'environ 10 kg (22 livres) (tableau 1). La femelle adulte est un peu plus petite et pèse environ 8,5 kg (19 livres). La longueur totale mesurée de l'extrémité du museau jusqu'à l'extrémité de la queue est d'environ 85 cm (33,5 pouces) chez le mâle adulte et de 82 cm (32 pouces) chez la femelle. Presque complètement de couleur grisâtre à son deuxième hiver, le lynx n'atteint complètement le poids de l'adulte qu'à son troisième hiver. Les bébés (ou les jeunes de l'année) grandissent rapidement, mais leur longueur est de 15 cm (6 pouces) inférieures à celle des adultes à leur premier hiver (Quinn et Gardner 1984).

Son pelage d'hiver est grisonnant, d'un mélange de brun grisâtre et de couleur chamois ou d'un brun pâle. L'abdomen, les pattes et les pieds sont d'un blanc grisâtre ou d'un blanc chamois. La fourrure claire ou plus étincelante des parties ventrales ou situées en dessous du corps rend la fourrure du lynx si précieuse. La fourrure du ventre, particulièrement chez les jeunes, est spécialement sélectionnée dans la fabrication des vêtements de haute qualité. Le lynx perd son manteau d'hiver à la mue qui survient vers la fin du printemps; il acquiert alors un pelage plus foncé de couleur brun rougeâtre.

Le Lynx n'est pas une espèce morphologiquement diversifiée. Sa couleur ne présente pas de variante géographique remarquable en Amérique du Nord. Occasionnellement, il se capture ce qui est communément appelé du «Lynx bleu». Il s'agit d'une phase de couleur rare caractérisée par une fourrure d'un gris bleu pâle qui ressemble à de l'albinisme partiel. Les évaluateurs de fourrure ne trouvent normalement qu'une poignée de lynx bleus parmi les milliers de fourrures qu'ils manipulent chaque année (D. Craig, comm. pers.), et il ne semble y avoir aucune logique sur leur origine. Toutefois, on croit que les lynx bleus seraient plus communs au nord-ouest du Canada et particulièrement sur le territoire du Yukon. 3

Tableau 1. Poids moyens (kg) et longueurs moyennes (cm) du Lynx du Canada dans différentes régions de l'Amérique du Nord (g t SD).

AGE De AGE le ADULTES SOURCE

M F m F * F

POIDS CORPORELS (kg)

Terre-Neuve 10,6 8,5 (étendue 6,3 - 17,2) (4,9 - 11,7) Saunders (1963)

Alaska 6,8 t 0,7 5,1 ± 0,2 9,2 t 1,4 7,9 t 1,0 9,9 t 1,4 8,8 t 1,0 Nava (1970)

Ile du Cap-Breton 6,4 t 0,8 4,7 t 0,6 9,0 t 1,6 7,2 t 1,1 9,1 t 1,6 8,0 t 1,2 Parker et al. (1983)

LONGUEURS CORPORELLES (ce)

Terre-Neuve 89,2 84,3 (étendue 73,6 - 106,6) (76,2 - 96,5) Saunders (1963)

Ontario 68,5 t 5,3 67,3 t 5,0 83,7 t 3,8 80,5 t 2,9 85,2 t 3,2 81,2 t 3,0 Quinn et Gardner (1984)

Manitoba 70,0 t 3,1 67,4 t 3,1 79,5 t 3,5 76,5 : 3,0 83,5 t 3,0 80,5 t 2,5 Koonz (1976)

Alaska 71,2 t 9,0 70,0 t 4,6 83,4 t 5,5 79,7 t 3,0 87,0 t 3,7 82,1 t 2,7 Nava (1970)

Ite du Cap-Breton' 69,6 t 2,1 66,9 t 1,4 79,4 t 2,2 74,8 t 2,9 80,2 t 3,8 76,2 t 2,8 Parker et al. (1983)

Les mesures prises ont été converties de manière à les rendre conformes à la longueur mesurée du bout du museau jusqu'à la base de la queue. 4

Les pattes du Lynx du Canada sont larges et agissent comme des raquettes qui lui permettent de circuler facilement sur la neige épaisse ou profonde. Le «poids de charge d'une piste» ou le poids par unité de surface de l'empreinte est de 34 à 28 g/cm2 (0,48-0,54 livre/pouce2) (Van Zyll de Jong 1963), ce qui constitue une adaptation vitale pour lui permettre de poursuivre sa principale proie, le Lièvre d'Amérique (Lepus americanus). Le Lynx roux a des pattes plus courtes et de plus petits pieds; il se déplace moins facilement et est moins mobile sur la neige épaisse. Parker et al. (1983) ont découvert que les pattes du Lynx du Canada supportaient deux fois plus de poids sur la neige que les pattes du lynx roux (loup-cervier). En conséquence, l'accumulation moyenne de neige semble être le principal facteur qui limite au nord la répartition du Lynx roux; les deux espèces demeurent ou sont essentiellement allopatriques. Même si leurs aires respectives de répartition se recouvrent par endroits, ces espèces occupent des niches séparées, distinctes, en fonction des conditions de l'habitat durant l'hiver (McCord et Cardoza 1982). L'habilité du Lynx roux à se procurer avec succès de la nourriture lorsque la neige est épaisse dépend de la topographie, du couvert forestier et des conditions de la neige (par exemple, la formation fréquente de croûte assure une plus grande mobilité au Lynx roux). Avec de telles variables, il devient difficile d'identifier le seuil critique d'épaisseur de neige au-delà duquel le Lynx roux n'est plus capable de survivre.

Le Lynx du Canada se distingue davantage du Lynx roux par un pelage de couleur plus claire, moins tacheté et par des touffes plus longues de poils à l'extrémité des oreilles. Alors que l'extrémité de la queue du Lynx roux est noire uniquement sur le côté dorsal, celle du Lynx du Canada est complètement noire. La fourrure noire à l'extrémité postérieure des pattes arrière du Lynx roux fait contraste avec la fourrure d'un beige plus clair chez le Lynx. 5

2. RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE

La répartition du Lynx du Canada couvre presque la totalité du Canada et de l'Alaska (figure 1). Le Lynx est bien adapté aux forêts boréales alors qu'il ne l'est pas aux autres . Il existe des rapports périodiques sur sa dispersion vers le sud à des endroits déterminés et vers le nord dans la toundra, mais ces intrusions sont éphémères et se produisent à la suite des effondrements périodiques des populations de lièvres au coeur de sa répartition (Banfield 1974, Mech 1980).

Le Lynx habitera les zones agricoles à la condition qu'elles soient entrecoupées de vastes étendues forestières. La répartition préhistorique du Lynx du Canada (figure 1) est largement demeurée intacte, bien que certaines aires aient été perdues au sud de celle-ci. On croit que le Lynx aurait originellement occupé certaines parties au nord des États-Unis, mais qu'il s'en est retiré vers les années 1800 devant la colonisation du sud du Canada et du midwest des États-Unis. En ce qui concerne l'aire de répartition historique du Lynx en Europe et en Asie, les pertes ont été beaucoup plus sérieuses. Le Lynx a été éliminé d'une bonne partie du centre de l'Europe, bien qu'on le retrouve encore dans la région des Balkans, de la Tchécoslovaquie et de l'Espagne (McCord et Cardoza 1982). Il est commun en Suède, mais un peu plus rare en Finlande et en Norvège. La répartition du Lynx couvre de grandes étendues à travers l'Asie en partant de l'Iran jusqu'à l'Arctique, mais l'espèce s'est retirée d'une bonne partie du territoire qu'elle occupait en Union soviétique (McCord et Cardoza 1982). 6

Figure 1. Répartition géographique et densité de la récolte du Lynx (Felis lynx) au Canada et aux États-Unis pour la saison de chasse et de piégeage 1983-1984 (basées sur un relevé effectué par M. Novak et A.J. Satterthwaite, du Ministère des Ressources Naturelles de l'Ontario).

Légende: (A) 101- 300 km2/animal récolté (superficie de 1 752 000 km2) (B) 301-1 000 km2/animal récolté (superficie de 5 493 000 km2) (C) > 1 001 km2/animal récolté (superficie de 134 000 km2) (D) Aucune récolte (superficie de 364 000 km2)

L'aire totale de la répartition actuelle du lynx au Canada et aux États-Unis est de 7 743 000 km2. À noter que la présence de cette espèce dans les États du Michigan et de l'Utah n'a pas encore été confirmée (2,59 km2 = 1 mille').

(Source: Quinn et Parker 1987) 7

3. CYCLE VITAL

3.1 Reproduction

La saison d'accouplement du Lynx est courte. Elle s'étend de la mi-mars au tout début d'avril. Le comportement d'accouplement n'a pas encore été complètement décrit. Les femelles s'accouplent généralement à 1,5 ans (durant leur second hiver), mais l'âge de la maturité sexuelle est variable (Nava 1970, Brand et Keith 1979). Lorsque la nourriture est abondante et que le lynx est en bonne condition, plusieurs femelles peuvent engendrer ou se reproduire dès leur premier hiver (Nava 1970, Brand et Keith 1979; N. Quinn, données non publiées). On croit que les mâles ne sont pas capables de s'accoupler avant l'âge d'un an (Saunders 1961, Stewart 1973).

La période de gestation est de neuf semaines et les jeunes naissent entre la fin du mois de mai et le tout début du mois de juin. Ils demeurent avec leur mère durant leur premier hiver (Saunders 1963, Brand et al. 1976), mais deviennent probablement de moins en moins dépendants à mesure que l'hiver progresse. Les groupes familiaux se rompent vers la fin de l'hiver, à la saison d'accouplement (Saunders 1963).

Plusieurs chercheurs ont utilisé le comptage des structures ovariennes (figure 2) et des cicatrices placentaires (figure 3) pour étudier la reproduction du Lynx (Saunders 1961, Van Zyll de Jonq 1963, Nava 1970, Stewart 1973, Brand et Keith 1979, Mech 1980, Parker et al. 1983; N. Quinn, données non publiées). Bien que les structures ovariennes soient persistantes chez le Lynx, il est toutefois difficile de distinguer les corps jaunes (corpora lutea) produits au cours de la récente saison de reproduction des corps atrésiques (corpora albicantia) produits au cours des saisons précédentes (Nellis et al. 1972, Brand et Keith 1979) (figure 2). En conséquence, le comptage des cicatrices ovariennes ne permet pas de connaître avec certitude le nombre de jeunes produits au cours de la saison précédente. 8

Figure 2. Coupe histologique d'un ovaire présentant un gros corps jaune (corpus luteum : CL) qui occupe la presque totalité de l'ovaire (photographie prise par I. Watt). 9

Figure 3. Un utérus de lynx adulte présentant des cicatrices placentaires, avec une pigmentation foncée, caractéristiques de la dernière période de gestation (photographie prise par G. Parker). 10

On prétend que les cicatrices placentaires du Lynx persistent durant tout l'hiver qui suit la mise bas (Nava 1970) et qu'elles se flétrissent ou se résorbent par la suite avec les années (figure 3); toutefois, ces prétentions nécessitent des vérifications supplémentaires. N. Quinn (données non publiées) a observé une très grande variation dans l'apparence des cicatrices placentaires en résorption chez les lynx du nord-est de l'Ontario capturés durant l'hiver; il considère que certaines des cicatrices des années antérieures ont pu se résorber complètement. Quoiqu'il en soit, les chercheurs dénombrent les cicatrices placentaires des spécimens capturés durant l'hiver pour évaluer la production des jeunes du printemps précédent.

La disponibilité de la nourriture affecte directement la production et la survie des jeunes chez le Lynx. Le nombre de jeunes par portée diminue durant les périodes de rareté du lièvre. Par exemple, la taille des portées utérines ou le nombre moyen de cicatrices placentaires diminue chez les Lynx adultes de l'Alberta, de 4,6 à 3,4, lorsque les lièvres deviennent rares (Brand et Keith 1979). Les nouveaux-nés pèsent environ 200 g (7 onces) (Saunders 1961), sont aveugles et impuissants. Leur croissance et leur développement sont aussi reliés à la disponibilité de la nourriture. Lorsque la nourriture est abondante, les jeunes ont une croissance rapide; leurs yeux s'ouvrent au bout de 14 jours et le sevrage a lieu à 12 semaines. Les jeunes pèsent environ 4,5 kg (10 livres) vers le milieu de l'hiver. Lorsque la nourriture vient à manquer, ce qui se produit périodiquement, leur croissance est retardée; quelques jeunes survivent et le recrutement cesse complètement au sein de la population reproductrice (Brand et Keith 1979). Ces défaillances périodiques du recrutement sont la cause immédiate des déclins de la population du Lynx (Brand et Keith 1979).

Quand à savoir si l'ovulation chez le Lynx est spontanée ou induite, le problème demeure entier. L'ovulation chez le chat domestique (Felis catus) est généralement considérée comme induite et on prétend qu'il en est de même pour le lynx. Toutefois, Scott et Lloyd-Jacob (1955) ont constaté que le chat domestique pouvait ovuler spontanément et Van Zyll de Jong (1963) croit en une ovulation spontanée chez le Lynx. Fritts et Sealander (1978) 11

considèrent que le Lynx roux est un ovulateur spontané. Si on fait le bilan de l'ensemble des opinions, il ressort actuellement que le Lynx du Canada et le Lynx roux sont à tout le moins des ovulateurs partiellement spontanés.

3.2 Mortalité

Le cycle de population du Lynx résulte essentiellement d'une interaction prédateur-proie (Brand et Keith 1979). Les facteurs dominants de la mortalité sont probablement la privation de nourriture chez les jeunes et, au cours des récentes années, le piégeage des adultes (voir: «Dynamique de la population»). Il ne semble pas y avoir d'autres facteurs, telle la maladie par exemple, qui puissent jouer un rôle important dans la régulation des populations de lynx. Toutefois, la malnutrition peut prédisposer le lynx aux infections et aux parasites, et la maladie pourrait jouer un rôle qui n'est pas encore défini.

On connaît peu de chose sur la parasitologie du Lynx du Canada. Des études réalisées en Alberta, dans les Territoires du Nord-Ouest et en Ontario (Van Zyll de Jong 1966a, Smith et al. 1986) ont démontré que le lynx était l'hôte d'une faune parasitaire diversifiée et la plupart des espèces identifiées étaient communes aux trois territoires d'étude. Plusieurs espèces de nématodes ont été observées, incluant les genres Toxascaris et Toxocara qui sont des vers intestinaux communs du chien (Canis familiaris) et du chat, et le genre Troglostrongylus qui peut causer une pneumonie chez les animaux des jardins zoologiques. Les vers à crochets et plusieurs espèces de vers plats (Taenia spp.) sont également communs. Le nématode colonial (Cvlicospirura felineus) est un intéressant parasite particulier du Lynx. Ce dernier vit à l'intérieur de petits kystes situés sur la paroi interne de l'estomac, et il peut y avoir jusqu'à 70 vers dans chacun des kystes. Ces kystes n'influencent probablement pas le fonctionnement normal de l'estomac de sorte que le parasite n'est pas considéré comme un sérieux problème chez le Lynx (Pence et al. 1978). Le cycle vital de ce ver rond n'est pas connu. L'absence d'espèces helminthes chez le Lynx résulte probablement de la 12 d'une espèce (le Lièvre d'Amérique) dans sa diète (Smith et al. 1986).

Bien qu'on ait déjà observé la rage chez le Lynx (McCord et Cardoza 1982), elle est cependant considérée comme étant peu commune. Le lynx est aussi sujet au distemper félin et à la panleukopénie (McCord et Cardoza 1982). L'épizootie de ces deux maladies au sein des populations de lynx est inconnue.

Le Lynx a peu d'ennemis naturels. Les Loups (Canis lupus) abattront les lynx qu'ils réussiront à capturer en terrain découvert (Banfield 1974). Une observation écrite rapporte qu'un Carcajou (Gulo qulo) aurait tué un lynx pris au piège (Berrie 1973). Le principal prédateur du lynx pourrait être le lynx lui-même: ainsi, Elsey 1984 rapporte qu'un lynx adulte (probablement un mâle) aurait attaqué deux jeunes lynx. L'infanticide semble être commun aux et il pourrait, jusqu'à un certain point, agir comme régulateur de la population chez certains félidés (Keith 1974). Toutefois, on ignore si ce comportement est un facteur important de régularisation des populations de lynx. 13

4. HABITUDES ALIMENTAIRES

Presque toutes les études effectuées sur les habitudes alimentaires du lynx (tableau 2) démontrent que celui-ci s'alimente principalement de lièvres d'Amérique (figure 4) et ce, principalement lorsque ceux-ci sont abondants. Le lièvre représente au moins 60% de sa diète durant l'hiver et environ 40% de sa diète durant l'été. Parmi les autres proies, nous retrouvons les souris (du genre Peromvscus spp.) et les campagnols (Clethtrionomys spp. et Microtus spp.), l'Écureuil roux (Tamiasciurus hudsonicus), les Polatouches ou Écureuils volants (Glaucomes spp.), la Gélinotte huppée (Bonasa umbellus) et les lagopèdes (Lagopus spp.). Lorsque les populations de lièvres déclinent, le lynx peut se tourner vers ces autres espèces (Brand et Keith 1976). Toutefois, il n'y a que le lièvre qui puisse supporter une forte densité de population de lynx (Brand et Keith 1979).

Le lynx abat approximativement deux lièvres à tous les trois jours. Son succès de chasse ou son taux d'abattage varie en fonction de la densité du lièvre. Brand et al. (1976) rapportent, pour un lynx adulte, durant les hivers où le lièvre est abondant, un taux de consommation moyenne journalière de 37% supérieur à celui observé en période de rareté. Le lynx se cache des réserves de lièvres, mais ne revient pas toujours à sa cachette (Nellis et Keith 1968). Il consomme des végétaux (Saunders 1963) et on retrouve souvent de l'herbe dans les estomacs de lynx trappés (Saunders 1963, Stewart 1973). Toutefois, ces dernières observations sont habituellement interprétées comme la résultante d'une aberration du comportement alimentaire à la suite de la capture. La prédation sur des grands mammifères est rare. Le lynx abattra occasionnellement des faons de Cerf de Virginie (Odocoileus spp.) et de Caribou (Rangifer tarandus), des veaux d'Orignal (Alces alces) (Saunders 1963) et, dans de rares cas, des cerfs ou des caribous adultes. Quoiqu'il en soit, la plupart des poils de cerf ou d'orignal trouvés dans ses crottins proviennent d'une alimentation nécrophage et le lynx n'est pas considéré comme un prédateur important des ongulés. Il existe cependant une exception notable sur l'île de Terre-Neuve, où les lynx exercent une forte prédation sur les veaux du caribou (Bergerud 1983). Les Lynx ont déjà été dans le 14 Tableau 2. Études réalisées sur les habitudes alimentaires du Lynx du Canada.

X DES PROIES" ENDROIT SAISON SOURCE LIÉVRE D'AMÉRIQUE SOURIS ET umpAcuct timeam PERDRIX AUTRES OISEAUX AUTRES'

Alberta Hiver 35 - 90 4 - 28 9 - 12 2 - 6 3 - 6 2 - 15 Brand et Keith (19791'

Alberta Hiver 69 1 13 17 Nellis et Keith (1968)°'

Alberta/ Été 33 19 11 3 19 14 Van Zylt de Jong (1966b)' Territoires du Nord-Ouest Hiver 60 7 1 7 10 13 Van 2yll de Jong (1966b)°

Terre-Neuve Été 45 21 21 15 Saunders (1963)°

Automne 63 6 13 19 Stewart (1973) Ontario Hiver 70 4 3 5 5 13 Stewart (1973)

lie du Cap-Breton Hiver 93 3 1 3 Parker et al. (1983)°

Les données proviennent de l'analyse des contenus stomacaux à moins que cela ne soit autrement indiqué; les quantités indiquées correspondent aux quantités d'occurrence exprimées en X de toutes les occurrences pour tous les items alimentaires à moins de spécifications contraires. o Principalement de la charogne, des végétaux et des restes non identifés.

Les figures varient selon ta densité du lièvre. o les données proviennent d'observations faites sur des lynx récoltés.

Les quantités indiquées correspondent au X du poids total.

Valeurs converties à partir des pourcentages d'occurrence.

Les valeursindiquées correspondent au pourcentage du volume total. 15

Figure 4. La diète alimentaire du lynx se compose principalement de lièvres d'Amérique (photographie prise par N. Quinn). 16 passé extrêmement rares à Terre-Neuve et ils s'alimentaient probablement de Lièvre arctique indigène (Leptis arcticus) avant que ne soit introduit le Lièvre d'Amérique vers les années 1860. La population de lièvres introduite a prospéré de même que celle du lynx. Lorsque la population de lièvres s'est mise à chuter pour la première fois, le lynx, devenu alors commun, aurait appris par nécessité à s'alimenter sur les veaux de caribou. La prédation exercée alors par le lynx sur la population de caribous a été tellement importante qu'elle devint le principal facteur limitant l'expansion de la population de caribous (Bergerud 1983). Il s'est ainsi développé un système de transfert de proie (Bergerud 1983), et la dynamique des troupeaux de caribous de Terre-Neuve dépend maintenant, en partie, de l'état de la population du lièvre (Bergerud 1983). Toutefois, la récente augmentation des populations de caribous sur l'île de Terre-Neuve a eu pour effet de réduire l'importance relative de la prédation du lynx dans la mortalité totale des veaux.

Le Lynx d'Eurasie, qui est plus gros que le Lynx du Canada (McCord et Cardoza 1982), s'alimente apparemment plus souvent sur des grands mammifères comme le chevreuil (Capreolus capreolus). Les lièvres et les petits animaux demeurent toutefois des composantes importantes de sa diète (Haglund 1966). 17

5. COMPORTEMENT

Les lynx sont considérés comme étant des animaux non sociables, solitaires, qui ne se fréquentent que durant la brève période de l'accouplement. Une récente étude suggère toutefois que les lynx ne seraient pas aussi asociaux que ce que l'on a déjà cru. Des chercheurs de l'île du Cap-Breton ont mis en évidence que les lynx se rencontraient régulièrement dans les marécages à épinettes (Picea spp.), apparemment pour socialiser (Parker 1981). Les mâles adultes ne sont toutefois pas sociables en captivité. Les domaines vitaux se recouvrent, particulièrement pour les animaux de différents âges et sexes (Nellis et al. 1972, Brand et al. 1976), mais les lynx de même sexe semblent être mutuellement hostiles et maintiennent des territoires qui s'excluent mutuellement (Berrie 1973, Mech 1980). Les Lynx, grâce aux balises fixées par la senteur de leur urine, s'évitent en milieu naturel. Ils semblent préoccupés par ce comportement de marquage olfactif et urinent fréquemment, aussi souvent que 32 jets d'urine/km (52 jets d'urine/mille) parcouru (Saunders 1963). Les lynx roux et, possiblement, les lynx du Canada, ont développé de complexes rituels de marquage olfactif qui entraînent l'utilisation de l'urine, d'excréments et de sécrétions des glandes anales (Bailey 1973). Ce comportement pourrait servir aux individus à faire connaître leur âge, leur sexe et pourrait ainsi contribuer au maintien de la structure sociale des populations.

Les lynx sont habituellement plus actifs de nuit que de jour. Toutefois, le patron de l'activité journalière semble être influencé par le succès de chasse. Un lynx affamé se promènera plus longtemps à la recherche de nourriture qu'un lynx bien repu. Les déplacements extensifs que le lynx effectue durant les années de disette ou de rareté du lièvre sont un exemple extrême. Les félidés ont un sens peu développé de l'odorat et comptent énormément sur leur vision pour détecter leurs proies. Les yeux du lynx sont bien adaptés pour la chasse nocturne, car les bâtonnets, qui permettent d'intensifier la lumière et de distinguer les formes dans l'obscurité, sont abondants dans la rétine de l'oeil. De plus, les yeux orientés vers l'avant 18 du crâne donnent à ce prédateur la vision stéréoscopique dont il a besoin pour évaluer la distance qui le sépare de sa proie.

Le lynx a des comportements de chasse diversifiés. La méthode la plus communément utilisée consiste à chercher, au hasard, un bon habitat à lièvre et à faire courir la proie hors du couvert. Le succès de la poursuite qui s'en suit dépend de plusieurs facteurs, incluant la profondeur et la dureté de la neige, ainsi que la distance initiale de la proie (Nellis et Keith 1968). Le taux de succès de ces poursuites varie de 9 à 42% (Saunders 1963, Nellis et Keith 1968, Parker et al. 1983). Une deuxième méthode consiste simplement à se coucher à proximité des concentrations de sentiers et à attendre les lièvres (Brand et al. 1976). Les femelles adultes, accompagnées de leur portée, peuvent chasser en coopération, particulièrement durant l'hiver (Saunders 1963, Barash 1971, Parker et al. 1983). Ainsi, dans un habitat prometteur, les lynx s'avanceront en ligne droite sur un même front, feront sortir et poursuivront ensemble les lièvres.

19

6. ÉCOLOGIE

6.1 Habitat

Le choix de l'habitat du Lynx du Canada n'est pas très bien compris et mériterait d'être étudié davantage. Les lynx dépendent de leur principale source de nourriture, le Lièvre d'Amérique; un bon habitat pour le lièvre serait donc, présumément, un bon habitat pour le lynx. Plusieurs études ont été faites sur l'habitat du lièvre (Bider 1961, Wolff 1980, Orr et Dodds 1982, Wilff et al. 1982, Pietz et Tester 1983). Les lièvres préfèrent différents types de forêt où l'alternance marécages-conifères sert de couvert et où les ouvertures broussailleuses sont utilisées pour l'alimentation. Dans certaines parties de l'ouest du Canada, la forêt de peupliers (Populus spp.) des hautes terres supporte de fortes densités de lièvres et de lynx. Dans la plupart des habitats dominés par les conifères, les associations de boisés résineux denses avec des ouvertures forestières de deux à quatre hectares (cinq à dix acres) sont idéales. Parker (1981) a indiqué que les besoins d'habitat pour le lynx étaient très spécifiques. Le lynx préfère, durant l'hiver, les habitats en regénération et la forêt de conifères mature avec des ouvertures; il évite la forêt mélangée mature (c'est-à-dire qu'il préfère les habitats davantage fréquentés par les lièvres). L'utilisation des habitats à conifères augmente durant l'été. Les forêts décidues matures et les zones de fortes concentrations d'aulnes (Alnus spp.) sont évitées autant l'été que l'hiver (Parker 1981). Tout patron irrégulier de feu ou de coupe forestière en forêt boréale devrait produire un habitat de première qualité pour le lièvre (et, par le fait même, pour le lynx).

6.2 Domaine vital

Le domaine vital du lynx varie normalement de 16 à 20 km2 environ (6 à 8 milles2), mais peut également osciller entre 12 et 243 km2 (5 à 94 milles2) (Saunders 1963, Berrie 1973, Brand et al. 1976, Mech 1980, Parker et al. 1983). Les domaines vitaux des mâles sont plus grands que ceux des femelles. Brand et al. (1976) n'ont pas observé de relation évidente entre les 20

dimensions des domaines vitaux du lynx et les densités de population du lièvre et du lynx. Leur échantillon était toutefois petit et des facteurs comme la qualité de l'habitat et la disponibilité des proies influenceraient vraisemblablement la dimension du domaine vital. Mech (1980) a étudié une population transitoire (une population située à un niveau intermédiaire du cycle d'abondance) de lynx au Minnesota et a observé des domaines vitaux de dimensions inhabituellement grandes. Il a émis l'hypothèse que cela résultait d'un relâchement des pressions sociales quand la population est relativement clairsemée. Le changement de l'organisation spatiale des populations de lynx au cours du cycle d'abondance est peu compris et mériterait d'être étudié. Par exemple, si les lynx se concentrent dans les pochettes d'abondance de lièvres durant les déclins de population, une pression de piégeage concertée pourrait décimer les populations ainsi concentrées.

6.3 Densité de la population

Il y a peu d'information sur la densité des populations de lynx, qui sont extrêmement difficiles à recenser. Des chercheurs de l'Alberta ont étudié une population en suivant les pistes durant plusieurs hivers et ils ont trouvé que cette population fluctuait de près de 0 à 10 lynx/100 km2 (39 milles2) (Brand et Keith 1979). Bergerud (1971) a procédé à des prélèvements par piégeage pour estimer, à 3,9 et 7,7 individus/100 km2, les densités de lynx rencontrées durant l'hiver en deux endroits de Terre-Neuve. Parker et al. (1983) ont estimé la densité à 20 lynx/100 km2 dans un secteur d'étude restreint de l'île du Cap-Breton. Le tableau 3 fournit un résumé des densités de lynx estimées à différents endroits de son aire de répartition. Il semble que le lynx peut atteindre des densités aussi élevées qu'un individu par 5 à 10 km2 (2 à 4 milles) durant ses sommets d'abondance, sur des superficies restreintes d'habitat favorable, et des densités aussi faibles qu'un individu par 50 à 70 km2 (19 à 27 milles2). La plupart des densités estimées se situent entre un individu par 15 à 25 km2 (6 à 10 21 Tableau 3. Densités de population de Lynx du Canada estimées dans différentes étude?.

DENSITÉ LOCALISATION ET SITUATION SOURCE (km /lynx) DE LA POPULATION

11,4 et 13,5 Densité durant deux sommets Brand et al. (1976) d'abondance successifs dans un secteur de 125 km2 de l'Alberta 49,9 Densité pendant un creux d'abondance Brand et al. (1976) en Alberta 43,5 Densité au début d'un creux Brand et al. (1976) d'abondance en Alberta 17,9 Haut niveau d'abondance au centre de Iurgensen (1955) la Russie 58,8 Faible niveau d'abondance au centre Iurgensen (1955) de la Russie 13,0 - 25,6 Densité cinq ans après le sommet de Bergerud (1971) population du lièvre (phase descendante du cycle), à Terre-Neuve, qui correspond à une pochette d'abondance durant une phase de déclin 4,9 Population à un haut niveau Parker et al. (1983) d'abondance sur l'île du Cap-Breton 7,7 - 18,1 Population à un niveau d'abondance Stephenson (1984) modérément élevé, près de Tok, en Alaska, au début de l'hiver 1982-1983 16,6 - 18,6 Population à un niveau d'abondance . R. Stephenson modéré en début d'hiver dans la phase (données non descendante du cycle dans un bon , publiées) habitat situé le long de la rivière Wood, en Alaska. À la fin de l'hiver, la densité de population a diminué à un spécimen/33,9 - 45,3 km2, à la suite du prélèvement, par le piégeage, de 17 lynx représentant 51,5% de la population 4,9 - 10,1 Densité observée durant le sommet T. Bailey (données d'abondance de 1973-1974 dans la non publiées) péninsule de Kenai, en Alaska 21,8 - 76,7 Pour différentes régions de la T. Bailey (données péninsule de Kenai, en Alaska, de non publiées) 1977 à 1982 Source: Stephenson (1984) 22 milles2). Toutefois, comme c'est le cas pour la plupart des carnivores, le lynx présentera des niveaux d'abondance significativement différents d'une région à l'autre dépendamment de la disponibilité de la nourriture et des habitats favorables.

6.4 Dynamique de population

Les chercheurs ont d'abord découvert, il y a de cela déjà plusieurs décennies, la relation de synchronisme entre les populations du lièvre et du lynx (Elton et Nicholson 1942). Les naturalistes ont observé, dans les rapports produits par la Compagnie de la Baie d'Hudson depuis les années 1800, un cycle de dix ans dans les récoltes de lièvres et ont découvert que la récolte de lynx suivait le même patron de fluctuations, mais avec un léger décalage. Cette relation prédateur-proie est souvent présentée comme exemple dans les manuels depuis des années. La mécanique du cycle lièvre-lynx n'a cependant été clarifiée que très récemment (Brand et Keith 1979).

L'interaction entre le Lièvre d'Amérique et sa réserve de nourriture est la cause fondamentale de ce cycle (Keith 1974). Les lièvres peuvent atteindre des niveaux stupéfiants d'abondance: des densités de 1 700 lièvres/km2 (4,403 lièvres/millet) ont déjà été enregistrées (Brand et al. 1976). A mesure que les populations de lièvres augmentent, elle surbroutent leur habitat et la quantité absolue de nourriture disponible devient limitative. La qualité de la nourriture se détériore également (Sinclair et Smith 1984). Certaines plantes ligneuses, comme les saules (Salin spp.) et les aulnes, lorsqu'elles sont broutées, réagissent en produisant des composés chimiques secondaires, incluant les terpènes. Ces composés inhibent la digestion des protéines chez certaines espèces d'. Ainsi, à mesure que les lièvres abondent, ils sont obligés de compter sur une réserve de nourriture qui diminue et qui devient de moins en moins comestible (Bryant 1981, Bryant et al. 1985).

La baisse initiale de la quantité de lièvres est probablement due à la famine ou à l'inanition; elle serait ensuite suivie par plusieurs années de 23

mortalité élevée résultant de l'effet combiné de la malnutrition et de la prédation. On croit que la prédation peut être, à elle, seule suffisante pour diminuer les densités de lièvres dans la période finale du déclin (Keith et•al. 1984).

Tel que mentionné précédemment, le lynx dépend grandement du Lièvre d'Amérique pour s'alimenter. À mesure que les populations de lièvres déclinent, les lynx ne réussissent plus à trouver une nourriture de remplacement adéquate et leurs populations s'effondrent. Toutefois, cet effondrement résulterait moins de la famine que d'une baisse subite de la production et de la survie des jeunes. Les lynx femelles en pauvre condition produiront de plus petites portées. À mesure que le déclin se poursuit, la proportion des femelles qui s'accouplent (ou femelles gestantes) diminue et le taux de survie des jeunes devient extrêmement faible. Le recrutement cesse virtuellement au creux du cycle. Brand et Keith (1979) ont développé un modèle pour illustrer l'effet du changement dans le taux de mortalité chez les lynx adultes et juvéniles, au cours des différentes phases du cycle d'abondance de la population d'un territoire d'étude, en Alberta (tableau 4). La mortalité, autre que celle causée par le piégeage, approche les 100% chez les jeunes de l'année, durant le déclin de la population (tableau 5).

Le cycle se renverse lorsque les ressources alimentaires se rétablissent. Cette interaction prédateur-proie-fourrage présente un cycle apparemment perpétuel d'environ dix ans (figure 5). Ce genre de système instable est typique des populations fauniques qui vivent dans les écosystèmes nordiques, relativement simples, où la diversité et l'abondance des ressources alimentaires sont limitées. 24

Tableau 4. Taux annuels de la mortalité naturelle et de la mortalité due au piégeage évalués parmi les populations de lynx en Alberta durant la période de 1964-1965 à 1974-1975'.

A N C D E F G N I

ANNÉE 111000GIOUE POPULATION. DE. LYNX POPULATION DE LYNX POPULATION DE LYNX TAUX DE MORTALITÉ TAUX DE NORTALITÉ (Bai à mai) ESTIMÉE EN NAI TAUX D'ACCROISSE- EN MAI RÉCOLTE TOTALE AU MOIS DE MAI NATURELLE (X) eue AU PIÉGEAGE LYNX PAR 100 loi (avant ta aise MENT FINI DE (après ta mise DE LYNX POPULATION DE LYNX SUIVANT (mai à nandembee) (X) ROCHESTER' bas) LA POPULATION DUE bas) DURANT L'HIVER' APRÈS PIÉGEA(INe (avant ta mise (F - G)/D• X 100 (novembre à mars) A X 531 000 hi à LA REPRODUCTION' 8 X C* bas)' E/D - (F - G*) X 100

1964-1965 6 495 45 100 13

1965-1966 8,5 45 100 (1,5)° 67 650 1 638 66 012 20 200 68 8

1966-1967 3,8 20 200 (1,5)° 30 300 1 098 29 202 12 200 56 8 1971-1972 22 776 53 100 30 1972-1973 10,0 53 100 2,4 127 440 18 084 109 356 40 900 54 31

1973-1974 7,7 40 900 1,8 73 620 8 056 65 564 20 200 62 29 1974-1975 3,8 20 200 1,5 30 300 3 445 26 855 16 500 34 17

Source: Brand et Keith (1979.

Données tirées de Brand et al. (1976).

Voir Brand et Keith (1979) pour les calculs de l'augmentation de ta population due à ta reproduction. o Données tirées de Obbard et al. (1987) et de A.W. Todders (communication personnelle).

Nombre théorique de lynx présents en mai, si toute la mortalité résulte uniquement du piégeage.

Résultats à La Ligne suivante de ta colonne B. o On assume que les taux d'augmentation due à la reproduction pour tes années 1965 et 1966 sont semblables à celui observé en 1974 alors que les niveaux d'abondance du lièvre sont comparables.

•Cotonne A, 8, C, D, E, F, ou G multipliée (X) par ou soustraite (-) de 25

Tableau 5. Taux de mortalité naturelle évalués chez les jeunes lynx d'âge 0+ et chez les adultes, en Alberta, de 1972 à 1974a.

A B C D MORTALITÉ MORTALITÉ ENREGISTRÉE CHEZ LES ENREGISTRÉE CHEZ LES ANNÉE JEUNES (X) ADULTES (X) NOMBRE DE JEUNES NÉS NOMBRE D'ADULTES NOMBRE DE JEUNES NOMBRE D'ADULTES (de ■ai à novembre) (de mai à novembre) EN MAI° PRÉSENTS EN MAI' PRÉSENTS EN NOVEMBRE' PRÉSENTS EN NOVEMBRE' (A - C)/A (B - 0)/B

1972 74 340 53 100 26 000 33 000 65 38

1973 32 720 40 900 1 700 26 600 95 35

1974 10 100 20 200 1 200 18 700 88 7

Source: Brand et Keith (1979).

o Calculé à l'aide des données du tableau 4 (B X (C - 1)).

• Colonne B du tableau 4.

d Calculé à l'aide de ta proportion de jeunes dans la population estimée à l'automne, D - (F - G) au tableau 4.

Calculé à l'aide de la proportion d'adultes dans la population estimée à l'automne, D - (F - G) au tableau 4. 26

< 4 Cm 100 z 120 rrr 000) rn 1, m (x 75

40 an) DE LYNX 50 RES RRU

CIO" FOU 25

DE O 0.1 G1

VENTES CD' 0 O c.,O O O O O t O h. O

Figure 5. Ventes de fourrures de Lynx au Canada (bâtonnets hachurés) et aux États-Unis (avant 1970, bâtonnets non hachurés; après 1970, bâtonnets pointillés) et prix moyen indexé [ligne foncée (dollar canadien de 1970 = 1,0)].

Source: Obbard et al. (1987) dans Quinn et Packer (1987). 27

Un aspect intrigant du cycle du lynx (et, par le fait même, de plusieurs cycles de la faune boréale) réside en ce qu'il est rigoureusement synchronisé sur de vastes étendues. Le niveau de récolte du lynx, en Ontario et au Québec, pour la période des trente années qui se sont écoulées de 1919-1920 à 1950-1951, est chronologiquement similaire à celui de l'Alaska et ce, spécialement pour la période s'étendant de 1919-1920 à 1930-1931 (figure 6). Le patron spatial du cycle d'abondance du lièvre est bien documenté à l'échelle du continent; ce cycle débute et émane périodiquement du centre du Canada (Smith 1983). Keith (1974) a émis l'hypothèse que les fluctuations des populations correspondantes de lièvres tendaient à se déphaser, mais qu'elles étaient périodiquement synchronisées par les hivers plus doux qui s'étendaient sur l'ensemble du continent. La récolte canadienne de lynx ne pourrait évidemment pas présenter un cycle bien défini, si les populations de lynx n'étaient pas plus ou moins bien synchronisées dans l'ensemble du pays.

La preuve de la diminution du lynx dans une région, en raison du synchronisme spatial, pourrait probablement s'appliquer à des régions de plus grandes étendues. Cette hypothèse nécessiterait des vérifications supplémentaires.

28

22

20

18

16

000) 14 1,

(x 12

10 DE LYNX RRURES FOU E RE D MB O N

(O (O (.0 CO (O 1• 0 G O r N c) 1 1 0 Ô 0 u) 0 I N CO) M tt) In CC) (r) O O 01 O Q) a) O 0) a) a) O O

Figure 6. Nature cyclique des récoltes de lynx telle que démontrée par les quantités de fourrures exportées de l'Alaska (trait plein) de 1909-1910 à 1983-1984 (Stephenson 1984) et par la quantité de fourrures récoltées en Ontario et au Québec (trait en pointillés) de 1919-1920 à 1950-1951 (Obbard et al. 1987).

(Source: Quinn et Parker 1987) 29

7. GESTION

7.1 Techniques de détermination de l'âge et du sexe

Tout comme chez les autres félidés, le sexe du lynx peut être facilement déterminé par les organes génitaux. Bien que les mâles soient généralement plus gros et plus lourds que les femelles du même âge, la taille de l'animal ne peut cependant pas être utilisée comme un moyen sûr pour distinguer les sexes. Il est impossible de déterminer le sexe des lynx observés en nature ou dans des cages de capture autrement que par l'examen des organes génitaux. Tous les autres moyens ne permettent pas d'identifier avec certitude le sexe de l'animal.

L'âge du lynx peut être déterminé à l'aide de la dentition et par la déposition des annuli dans la couche cémentaire. Les jeunes de l'année acquièrent leur dentition permanente durant leur premier hiver et ces jeunes se distinguent des adultes par l'examen de l'orifice à la base des canines; cet orifice demeure ouvert jusqu'au second hiver (Saunders 1961). Toutefois, une étude réalisée sur le Lynx roux du Kansas (Johnson et al. 1981) a démontré que le canal de la racine des canines permanentes de portée tardive, pouvait demeurer ouvert jusqu'aux premiers mois du second hiver (spécimens d'un an +) et qu'on pouvait commettre une erreur significative en classant comme jeunes de l'année (spécimens d'âge 0+) tous les lynx roux qui présentent une ouverture dans la racine de la canine. Cette observation pourrait également s'appliquer au Lynx du Canada.

L'âge des spécimens dont les canaux de la racine dentaire sont fermés peut être déterminé en comptant les annuli de la couche cémentaire (figure 7). Les annuli du cément peuvent être comptés sur des coupes histologiques de canines décalcifiées et colorées (Parker 1981) ou par d'autres procédés histologiques qui permettent de mettre en évidence ces annuli, comme de fines coupes histologiques de canines non décalcifiées et examinées sous un éclairage polarisé de rayons ultraviolets-fluorescents ou en contraste d'interférence (Johnston et Watt 1981). La technique fonctionne bien 30

Figure 7. Une section longitudinale colorée d'une canine de lynx présentant des anneaux de croissance annuelle opaques dans le cément de la dent (photographie prise par I. Watt). 31

pour le lynx bien que les annuli des spécimens plus âgés deviennent parfois difficiles à distinguer et à isoler. Les annuli du cément ont aussi été utilisés en Europe pour déterminer l'âge du Lynx d'Europe (Kvam 1984). L'âge est déterminé en ajoutant le chiffre 1 à la quantité d'annuli dénombrés, parce que le premier annulus ne se forme qu'à la fin du second hiver de l'animal (Nava 1970).

Le mesurage des peaux est une méthode prometteuse, simple et efficace, pour identifier les jeunes. Quinn et Gardner (1984) ont découvert que la plupart des peaux classées petites [dont la longueur mesurée du bout du museau jusqu'à la base de la queue était < 81 cm (32 pouces)] étaient exclusivement des jeunes lynx et qu'il y avait très peu de peaux de jeunes lynx dans les catégories de taille supérieure. La distribution des longueurs des fourrures mises en marché peut être utilisée pour connaître l'importance des jeunes dans la récolte. Si la localisation des captures est enregistrée, l'état des populations ainsi localisées peut également être déterminé.

Les jeunes sont perceptiblement plus petits que les lynx adultes (Quinn et Gardner 1984). Les trappeurs devraient être ainsi capables de les distinguer des adultes et de pratiquer un piégeage sélectif en libérant les adultes indemnes ou capturés vivants (particulièrement les femelles). La libération des lynx non visés devrait spécialement être réalisable avec l'emploi des pièges à patte coussinés, récemment développés.

7.2 Recensement et estimation des populations

Comme pour la plupart des espèces d'animaux sauvages, le dénombrement et le recensement complets des populations de lynx à l'échelle régionale sont impossibles. Sur les superficies plus petites où les populations sont étudiées de façon plus intense, il peut être pratique de réaliser un programme de capture-marquage-libération. L'identification des lynx par amputation d'un orteil (ou par étiquetage de l'oreille ou par la pose d'un collier) est d'une application limitée. La télémétrie est beaucoup plus pratique et on peut évaluer les densités de lynx avec passablement de 32

précision en enregistrant les déplacements des lynx munis d'un collier émetteur et en reliant leurs déplacements à la disposition des pistes, dans les aires d'étude de superficie restreinte durant l'hiver. Toutefois, une telle approche perd de son efficacité sur les territoires de plus grande dimension, en raison des difficultés logistiques évidentes.

Les résultats obtenus dans les secteurs d'étude de superficie plus restreinte peuvent être utilisés pour évaluer les densités de population sur des superficies plus vastes, en se basant sur les relations existantes entre les densités de lynx et la fréquence ou l'abondance des pistes. Les techniques d'estimation de population utilisant les méthodes de marquage-recapture, comme la méthode d'estimation de Petersen (index de Lincoln), ne peuvent s'appliquer à la vaste étendue sauvage occupée par le Lynx au Canada et ne sont uniquement pratiques que sur les aires d'étude de superficie restreinte.

La dépendance du Lynx du Canada envers une seule source de nourriture, le Lièvre d'Amérique, est unique parmi les animaux à fourrure. Pour cette raison, et parce que le lièvre suit normalement un cycle bien connu de dix ans, les densités du lynx suivent également un cycle caractéristique de dix ans. Ce cycle naturel et prévisible de l'augmentation et de la diminution des densités du lynx a été observé et enregistré depuis le tout début du commerce des fourrures en Amérique du Nord par les Européens. Il a aussi été documenté de façon approfondie par Elton et Nicholson (1942).

Le cycle du lynx est normalement déphasé d'un an, en arrière du cycle du lièvre. Ainsi, lorsque les données permettant de suivre dans le temps l'abondance du lièvre sont compilées, la «position» du lynx dans le cycle naturel d'abondance peut en être déduite. L'abondance du lynx ne peut toutefois pas être déterminée de façon précise à partir des tendances observées sur la densité du lièvre ou de sa population. Ainsi, la gestion du lynx doit s'effectuer de manière à régulariser sa récolte en suivant de très près le cycle déclencheur du lièvre. 33

Du fait que le lynx et le lièvre sont étroitement reliés et parce que les changements cycliques de la densité du lynx sont inévitables, les gestionnaires des animaux à fourrure ont permis son exploitation lorsque ses densités étaient élevées et ont reconnu la règle selon laquelle la diminution des réserves de lynx en bas de cycle, lorsque ceux-ci se font rares, influençait à la baisse les récoltes futures (voir la section sur la régularisation de la récolte). Des études récentes suggèrent que le rebon- dissement ou le retour de la population de lynx à un niveau d'abondance com- parable au sommet d'abondance précédent pouvait être abaissé, si l'on poursuivait le piégeage durant la période précédente de faible densité et de recrutement négligeable (Brand et Keith 1979, Parker et al. 1983, Bailey et al. 1986). La récente demande pour la fourrure du lynx, qui a eu comme conséquence d'élever sa valeur, a laissé l'espèce sans protection durant ses années de rareté, au moment où il aurait fallu en protéger les réserves nécessaires, de manière à permettre une bonne reprise du cycle. Une seule capture de lynx peut encore être rentable pour le trappeur et inciter celui- ci à poursuivre son piégeage.

Une régularisation de la récolte ajustée à la dynamique du cycle de densité du lynx peut remplacer différents indices de terrain qui permettent de suivre les changements d'abondance des espèces à fourrure, pour lesquelles les fluctuations de population sont moins prévisibles. Une réglementation flexible de la récolte peut s'appuyer sur les indicateurs suivants: les tendances observées dans la récolte annuelle totale; le nombre de jeunes d'âge 0+ dans la récolte (déterminé à l'aide de l'examen des fourrures); les tendances observées dans l'abondance du lièvre à l'aide des résultats enregistrés par les chasseurs de petit gibier; des questionnaires-réponses envoyés aux chasseurs et trappeurs; ou encore par les rapports annuels produits par le personnel de terrain du Service de la faune.

La corrélation entre les densités de lièvres et de lynx, tout comme la validité des programmes d'enquête auprès des utilisateurs de la faune afin de documenter l'abondance du petit gibier (du lièvre), ont déjà été démontrées. Des estimations supplémentaires sur la fécondité peuvent être obtenues en 34 suivant annuellement la proportion des femelles gestantes dans chaque catégorie d'âge et le nombre moyen de spécimens produits par portée à l'aide des échantillons de carcasses des femelles. Ces méthodes se combinent à un programme de gestion dynamique qui peut assurer une utilisation optimale de la ressource et une protection contre la surexploitation.

7.3 Estimation de la croissance de la population

Les changements temporels qui surviennent dans le succès de la reproduction régularisent la dynamique des populations de lynx. La fécondité du lynx est étroitement corrélée à la disponibilité de la nourriture, cette dernière étant régularisée à son tour par les variations cycliques de l'abondance du lièvre. L'identification des jeunes de l'année dans l'échantillon annuel des fourrures (que ce soit au niveau du district, du département ou des maisons d'encan), est la méthode la plus facile pour suivre le recrutement au sein de la population. Toutefois, cela peut ne pas être la méthode la plus sûre; la collecte des fourrures échelonnées dans le temps peut influencer la représentation des jeunes au sein de l'échantillon puisque le nombre de jeunes dans la récolte augmente avec la longueur de la saison (Parker et al. 1983, Quinn et Thompson 1985). La connaissance des biais associés au sexe et à la structure d'âge des récoltes annuelles devrait permettre au gestionnaire d'interpréter adéquatement ces données.

Sur la base du facteur temps, l'examen d'un échantillon annuel de carcasses de lynx, recueillies auprès des trappeurs, demeure la méthode la plus exacte. L'examen des utérus dans le but de dénombrer les cicatrices placentaires permet au gestionnaire de déterminer la fécondité globale (nombre d'embryons produits par femelle); cette information combinée à la structure d'âge, obtenue par l'analyse des dents, permet de connaître et de suivre la fécondité spécifique de chacun des âges. Cela est spécialement important pour les jeunes de l'année. Un pourcentage substantiel de lynx s'accouplent durant la première année (spécimens d'un an +) dans une population en phase d'expansion, mais la reproduction dans cette classe d'âge cesse virtuellement durant la phase de déclin. 35

Les taux de mortalité des différentes classes d'âge peuvent être calculés à l'aide des échantillons d'âge connu obtenus durant la récolte. De telles données, toutefois, sont entachées d'erreur parce qu'on considère dans cette approche que toutes les classes d'âge ont la même vulnérabilité au piégeage, de sorte que ces données sont difficilement utilisables dans les plans de gestion du lynx. La mortalité, plus particulièrement celle des juvéniles, est très volatile et est étroitement reliée à la position occupée par la population dans le cycle d'abondance. Cette position à l'intérieur du cycle peut servir comme indice de la mortalité juvénile (puisque la mortalité juvénile est inversément corrélée à l'abondance de la population de lynx). Lorsque les populations de lynx déclinent, suite à la diminution des ressources alimentaires, la reproduction chez les jeunes femelles cesse, le taux de gestation et la taille des portées diminuent chez les adultes et la mortalité des jeunes durant leurs premiers mois augmente (Brand et Keith 1979, Parker et al. 1983).

Le taux de croissance de la population de lynx est régularisé par la disponibilité du lièvre. Toutefois, l'évidence suggère que l'intensité du précédent déclin peut influencer la remontée en nombre du lynx, suite à l'augmentation des réserves alimentaires et que la poursuite du prélèvement pendant la phase de faible recrutement peut sérieusement affecter cette remontée (Brand et Keith 1979).

La régularisation de la récolte mise en relation avec le recrutement est spécialement importante dans la gestion du lynx parce que le recrutement du lynx fluctue entre des extrêmes prévisibles. En assumant que les fluctuations de la récolte, spécialement celles observées durant les premières années de la commercialisation des fourrures, correspondent à des fluctuations de densité d'un même ordre de grandeur, les populations de lynx pourraient augmenter jusqu'à cinq fois en cinq ans. De Vos et Matel (1952) ont démontré que les sommets de récolte de lynx ont diminué de 1929 à 1951 et ils prétendent que ce déclin peut être attribuable à la surexploitation et aux changements écologiques de son habitat. De récentes études, qui ont démontré la perte de recrutement durant les déclins et les creux de la 36

densité de population (Brand et Keith 1979, Parker et al. 1983), ont souligné la possibilité d'une surexploitation du lynx durant ses années de rareté. Les populations de lynx peuvent si sévèrement être épuisées qu'elles pourraient ne plus être en mesure de retrouver le même niveau de densité enregistré lors du cycle précédent, durant les périodes d'abondance du lièvre où le succès de reproduction est maximal.

7.4 Régularisation de la récolte

Sur la base des résultats de piégeage enregistrés, la récolte de lynx varie ou fluctue essentiellement avec le cycle d'abondance du lynx. Là où ils sont utilisés, les quotas de récolte sont tout simplement établis en se basant sur la situation des populations locales et des tendances récentes observées dans la récolte. En Ontario, les officiers de la faune des différentes localités établissent des quotas annuels de récolte de lynx sur les lignes de trappe légalement tracées, en se basant sur les récoltes enregistrées dans le passé sur ces dernières et après consultation du trappeur. Bien que cette façon de procéder devrait assurer le maintien de la population (les trappeurs, en tant que cogestionnaires de la ligne de trappe, n'ont aucun intérêt à éliminer la source de leur gagne-pain), il n'y a cependant aucun moyen pour parvenir à un rendement optimum précis. À cause de l'état peu sophistiqué de la gestion du lynx, il est peu probable que les populations du lynx puissent être gérées à travers le continent sur la base d'un rendement maximum soutenable.

Il est nécessaire de réglementer ou de régulariser la récolte de façon flexible sur l'ensemble de l'aire de répartition du Lynx du Canada. Comme les populations de lynx présentent des phases d'augmentation et de diminution prévisibles et documentées, les gestionnaires ne devraient pas s'attendre à ce qu'il puisse se produire des renversements soudains dans les tendances de population, en dehors de ce qui est prévu pour un point particulier du cycle de la population. L'élément «prévisible» de la dynamique de la population du lynx devrait aider le gestionnaire. Lorsque la population de lynx approche et atteint son sommet de densité, la réglementation sur la récolte peut et devrait être libéralisée. 37

Toutefois, dans certaines régions comme sur l'île du Cap-Breton et dans certains secteurs restreints du nord et de l'ouest du Canada et de l'Alaska où la pression de piégeage peut devenir particulièrement sévère, des saisons et des quotas restrictifs peuvent s'avérer nécessaires pour éviter une exploitation excessive et cela même durant les périodes de fort recrutement. La récolte de lynx doit ainsi être réglementée de très près pour empêcher sa surexploitation. La pression de piégeage ne doit pas amplifier ou précipiter le déclin naturel du lynx de manière à abaisser sa densité de population en dessous d'un seuil minimum, seuil en deçà duquel elle ne réussit pas, dans ses remontées subséquentes, à regagner ou à retrouver les niveaux antérieurs d'abondance. Il est plus profitable de fermer la saison de piégeage pendant plusieurs années, au cours des dernières années du déclin et des premières années de la remontée de la population, plutôt que de poursuivre l'exploitation de la population résiduelle en bas de cycle, soit une popu- lation de faible densité et sans recrutement. Les bénéfices économiques résultant d'une stratégie de gestion qui vise à augmenter au maximum les pics d'abondance dans le cycle du lynx, et par le fait même les pics de récolte, devraient largement compenser pour les années de fermeture, sans prélèvement.

Les structures d'âge et de sexe diffèrent de façon marquée selon que les populations de lynx sont en augmentation ou en diminution. Cependant, elles se ressemblent de façon remarquable entre les populations très éloignées qui sont rendues à la même étape du cycle d'abondance (tableau 6). Brand et Keith (1979) ont établi trois points importants:

1) les populations de lynx diminuaient à cause d'un manque complet de recrutement et la récolte d'une population en déclin contenait peu sinon aucun jeune; 38

Tableau 6. Structure d'âge et de sexe du lynx à cinq endroits de l'Amérique du Nord".

r...... STRUCTURE D'ÂGE (X) RAPPORT DES ENDROIT ANNÉE N SEXES' SITUATION DE LA SOURCE SPÉCIMENS D'ÂGE SPÉCIMENS D'ÂGE ADULTES (M : F) POPULATION O+ Am 1+ Am 2 ANS ET PLUS

1967 0 9 91 222 Décroissante Berrie (1973) Alaska 1970 30 • 23 47 391 59 : 41 Croissante Berrie (1973) Territoires du 1961-1962 27 36 36 32 64 : 36 Abondance Van Zyll de Nord-Ouest élevée Jong (1963)

1978 29 52 19 42 68 : 32 Sonnet Parker et al. Ile du d'abondance (1983) Cap-Breton 1980 2 39 59 55 45 : 55 Décroissante Parker et al. (1983)

1972 31 54 16 52 48 : 52' Croissante Brand et Keith (1979) Alberta 1974 0 44 56 284 Décroissante Brand et Keith (1979)

1980 20 54 26 548 57 : 43 Croissante N. Quinn Ontario (Données non publiées

4 Plusieurs de ces études sont à long terme et les données présentées dans ce tableau sont celles qui représentent le mieux l'étape à laquelle se trouve la population de lynx dans son cycle. • Le rapport des sexes de 1967 a été biaisé par l'échantillonnage.

Rapport total; données annuelles non fournies. 39

2) la mortalité résultant du piégeage était additive, et non compensatoire à la mortalité naturelle, et les populations de lynx étaient vulnérables à la surexploitation durant leurs déclins;

3) enfin, les populations de lynx pouvaient être protégées et la récolte pouvait être augmentée à long terme en suspendant le piégeage durant les 3-4 années du déclin de cycle.

Cette recherche, réalisée en Alberta, est la plus importante étude d'ensemble réalisée jusqu'à ce jour sur la biologie des populations de lynx. La con- clusion de cette étude en regard d'une fermeture temporaire du piégeage se base en partie sur un modèle pour lequel plusieurs hypothèses mériteraient d'être davantage vérifiées. Néanmoins, sa logique est irrésistible; l'exploitation d'une population, pendant la période de trois à cinq ans où le recrutement est essentiellement nul, ne constitue pas de la bonne gestion.

Les saisons de piégeage peuvent aussi être réglementées individuellement, de manière à influencer la structure des âges et des sexes dans la récolte. Durant les périodes où le succès de la reproduction est élevé, les jeunes d'âge 2 représenteront une proportion importante de la récolte. Cette classe d'âge semble particulièrement vulnérable au piégeage et sa représentation dans la récolte est au maximum au début de la saison de piégeage puis tend à diminuer par la suite (figure 8). Les jeunes de l'année, apparemment protégés par la femelle plus expérimentée, n'apparaissent dans la récolte que beaucoup plus tard, vers la fin de l'hiver, lorsqu'ils commencent à s'éloigner de la femelle ou lorsqu'ils deviennent orphelins et vulnérables à la suite de la capture de la femelle. Les lynx adultes représentent un seg- ment assez constant de la récolte. Comme pour les autres espèces à fourrure, la valeur des fourrures du lynx varie selon la période de capture. De plus, la valeur des fourrures varie selon le sexe et l'âge. 40

) TAILLE DE L'ÉCHANTILLON 70 - 1 ANS

D 2 ANS (19) 60 lui 3+ ANS

(17) .01.1•41,

50 - (15) (13)

(22)

ÉCOLTE (12) 40 82 (20) DE R I ! ÉES ANN

3 I 30 I DE ENTAGE

RC (12 I ) 1

POU 20 -

Il

(4)

10- I II

121 NOV JAN F„ MAR

Figure 8. Changements mensuels dans la structure d'âges des lynx récoltés sur l'Ile du Cap-Breton de 1977-1978 à 1979-1980 (tiré de Parker et al. 1983). 41

Les fourrures des jeunes lynx sont particulièrement estimées pour leur apparence soyeuse, et les fourrures des mâles obtiennent souvent un prix supérieur à celui des fourrures des femelles parce qu'elles sont plus grandes (voir Obbard 1987) (tableau 7). Les fourrures de lynx de première qualité sont celles des mois de décembre et de janvier (Stains 1979). En déterminant les saisons de piégeage du lynx, les gestionnaires doivent tenir compte des vulnérabilités différentielles au piégeage qui prévalent durant toute la saison et de leur relation avec l'âge et avec le sexe ainsi que de la période de capture permettant la récolte de fourrures de la meilleure qualité.

Dans l'aire de répartition historique du lynx (en contraste avec les aires périphériques où le lynx peut ne pas présenter des fluctuations cycliques d'abondance bien définies), les saisons et les quotas (s'ils sont nécessaires) peuvent être réglementés selon un plan qui respecte un cycle de dix ans. Les indices d'abondance du lynx et du lièvre qui peuvent être utilisés pour contrôler ce cycle ont déjà été discutés.

Les lynx se trappent facilement. Pour cette raison, et cela même durant les années de fort recrutement, les quotas sont recommandés dans des régions spécifiques où les lynx peuvent être vulnérables à une pression excessive de piégeage. Dans les régions éloignées du Canada et de l'Alaska, là où la pression de piégeage est plus dispersée, l'utilisation de quotas restrictifs n'est pas recommandée, du moins pas durant les années de fort recrutement.

La démographie des populations de lynx a été tellement bien documentée, et les facteurs régularisant les changements de population ont tellement été étudiés et publiés de façon méticuleuse, que la gestion de cette espèce devrait suivre un plan bien défini et bien programmé. Les données minimales requises pour gérer les populations de lynx comprennent:

1. Un suivi chronologique des récoltes et de la réglementation en vigueur dans les zones ou les secteurs de gestion. 42

Tableau 7. Qualité et valeur des fourrures de lynx par classe d'âge et de sexe provenant du Nord-Est de l'Ontario, de 1979 à 1982a

CLASSE DE QUALITÉ (NOMBRE DE FOURRURES) VALEUR` TOTAL N EXCELLENTE BONNE MOYENNE PAUVRE MOYENNE' ÉTENDUE

JEUNES (0,5 an) 21 6 5 1 33 330 A 100-640 35

JEUNES (1,5 an)

Mâles 26 29 10 0 65 287 BC 106-400 76

Femelles 11 27 10 1 49 272 B 84-430 45

ADULTES

Mâles 14 13 3 0 30 309 AC 195-560 29

Femelles 7 14 7 0 28 230 130-335 29

Source: Quinn et Gardner (1984).

O En dollars canadiens par fourrure.

Les moyennes ayant la même lettre majuscule ne sont pas significativement différentes (test de t, P > 0,05). Toutes les autres paires de moyennes diffèrent (P < 0,05). 43

2, Un suivi chronologique de l'abondance du lièvre dans les zones ou les secteurs de gestion (c'est-à-dire des résultats de chasse au petit gibier, des rapports d'exploitation des chasseurs de petit gibier, des enquêtes, etc.).

3. Utilisation des suivis précédents pour évaluer l'ampleur et les fluctuations temporelles du cycle lièvre-lynx au niveau régional.

4. Échantillonnage annuel des carcasses de lynx (ramassées auprès des trappeurs) pour connaître et suivre les structures d'âge et de sexe ainsi que la fécondité.

5. Évaluation de la situation sur la base des résultats obtenus à l'item 4 mis en relation avec ceux obtenus en 1 et 2.

6. Collecte annuelle d'«indices sur l'abondance du lynx durant l'hiver» basés sur les «évaluations» du personnel de terrain ou à l'aide de trajets de recensement de pistes fixtes sur la neige (c'est-à-dire à l'aide de véhicules spécifiques, de la motoneige ou de sentiers de raquettes).

7 Recherche et documentation par les gestionnaires de toute la littérature qui concerne les cycles lynx-lièvre et compréhension des principes qui régissent les densités de lynx.

Les gestionnaires doivent savoir qu'il peut y avoir des conflits interspécifiques entre le Lynx du Canada et le Lynx roux. De Vos et Matel (1952) ont noté la nature apparemment allopatrique de ces deux espèces. Parker et al. (1983) ont documenté les déplacements provoqués chez le Lynx du Canada par la dispersion des lynx roux dans les basses terres de l'île du Cap-Breton autour des années 1955, et ils considèrent que le Lynx réussit à se maintenir dans les régions plus élevées du relief parce que l'épaisseur de la neige y est plus importante et qu'elle gêne la mobilité du Lynx roux. Le mécanisme exact qui permet au Lynx roux de déplacer le Lynx du Canada est 44

inconnu, mais il serait probablement relié à son comportement plus agressif. Les gestionnaires doivent être informés sur la possibilité d'un conflit interspécifique là où la répartition de ces deux espèces se recoupe.

7.5 Méthodes de capture à l'état vivant

Bien que le lynx puisse se capturer à l'aide de boîtes ou de cages de capture, le succès de ces engins est cependant faible si on le compare à celui obtenu à l'aide des lacets et des pièges à patte modifiés. Les pièges à pattes coussinés (# 21/2, 3) obtiennent le meilleur succès pour capturer le lynx en toute saison. L'habitude du lynx d'uriner fréquemment sur les grosses bûches, les souches d'arbre et les petits conifères rend les engins de capture plus efficaces à ces sites de marquage olfactif. Comparativement au coyote (Canis latrans) et au renard (Vulpes vulpes), le lynx se capture facilement et il n'est ainsi pas nécessaire de prendre des précautions extrêmes lors de l'installation des engins de capture.. Toutefois, le taux de succès augmentera si on laisse le moins de trace possible de senteur humaine et si les pièges sont soigneusement dissimulés par de la terre tamisée ou de la litière. Durant l'hiver, les pièges peuvent être installés sous la neige aux mêmes sites de marquage olfactif; ils devront cependant être visités plusieurs fois par jour pour éviter que les animaux ne se blessent (par engelures des doigts ou des pattes) et pour les ajuster à l'épaisseur de la neige et aux conditions de gel et de dégel.

Un lynx pris dans un lacet à pattes est rarement agressif et il restera normalement tranquille, si on évite de l'approcher brusquement ou de faire des mouvements brusques. Le lynx peut être retenu par le cou ou à l'avant de la poitrine à l'aide d'un bâton fourchu ou encore par le noeud coulant que l'on passe dans le creux d'un tuyau de métal et que l'on glisse autour d'une patte libre; le lynx est alors maintenu au sol de manière à l'éloigner du piège. Les lynx doivent être maniés avec soin dans la région du cou à cause de leur grahde prédisposition à la strangulation. 45

Les lynx peuvent être immobilisés par une injection intramusculaire de kétamine hydrochlorée [100 mg/ml (15 mg/kg de poids corporel)]. Ce tranquillisant a une large étendue de tolérance et permet, si cela s'avère nécessaire, de prolonger la durée de l'immobilisation par des injections additionnelles.

7.6 Gestion de l'habitat

La gestion de l'habitat du lynx consiste à fournir un environnement forestier approprié pour maintenir les populations de Lièvre d'Amérique. Les forêts d'âges variables présentant une couverture relativement ouverte pour stimuler la croissance de la strate végétale sous-jacente, tout comme les étendues forestières inégalement perturbées, sont idéales. Certaines méthodes qui modifient l'exploitation forestière en milieu boréal, comme la coupe en bandes ou en damier, produiront l'habitat varié essentiel au lynx et au lièvre. La coupe à blanc pratiquée de façon extensive est inacceptable parce qu'elle enlève le couvert forestier qui est une composante de l'habitat du lynx. Bien qu'il ne soit pas réaliste de penser pouvoir gérer les forêts uniquement en fonction du lynx, une exploitation forestière modifiée de manière à gérer l'habitat de la faune aquatique, de l'orignal et du Cerf de Virginie, devrait aussi être profitable au lynx.

L'expansion de l'agriculture continuera de réduire l'habitat du lynx; toutefois, l'effet de cette perte d'habitat sur l'espèce prise dans son ensemble sera mineur. La majeure partie de la forêt boréale ne convient qu'à la production commerciale de bois à papier et il est vraisemblable de penser que l'habitat propice au lynx demeurera en grande partie intact en Amérique du Nord.

Le rôle du feu dans les forêts inexploitées est important pour le lièvre et le lynx puisqu'il crée et maintient des habitats en régénération. Une mosaïque forestière qui se compose à la fois de forêts de bois mélangé en début de régénération, de marais, de marécages non brûlés ou de tout autre 46 type de forêt de conifères matures, constituera l'habitat idéal du lynx et du lièvre.

7.6.1 Introductions

Il y a eu quelques tentatives pour établir des populations de lynx par introductions. En Amérique du Nord, les lynx sont installés presque partout où ils peuvent avoir accès à un habitat forestier adéquat et approprié. Le lynx fut introduit avec succès au sud-est de l'Ontario vers les années '50 et il y est encore aperçu et même occasionnellement trappé. Malheureusement, l'opposition du public à l'égard de l'introduction du lynx, qui était perçu comme un dangereux prédateur, coupa court au projet d'introduction (H. Lumsden, comm. pers.). De telles attitudes ne sont pas justifiées. Le lynx, s'il peut razzier les poulaillers, ne le fait que très rarement et ses attaques sur l'homme sont quasiment inconnues. Il n'y a que deux cas d'attaque sur l'homme qui ont été documentés en Amérique du Nord. Dans un de ces cas, un trappeur aurait été attaqué à partir d'un arbre alors qu'il transportait plusieurs lièvres sur son dos (Hancock et al. 1976). Le lynx se serait probablement trompé et aurait, initialement du moins, dirigé son attaque sur les lièvres.

7.7 Importance économique

Le lynx est commercialement exploité dans la plus grande partie de son aire de répartition en Amérique du Nord et il est une importante composante dans l'industrie de la fourrure sauvage. La récolte annuelle canadienne a fluctué de 10 000 à 50 000 fourrures au cours des récentes années (figure 5).

Les données de récolte doivent être interprétées en tenant compte des dimensions relatives des territoires d'où elles proviennent. Le Québec, dont la récolte est plus importante que celle de la Saskatchewan, présente cependant un rendement ou une densité plus faible de récolte (lynx/100 km2) en raison de sa plus grande superficie exploitable (figure 1). La quantité 47

de lynx récoltés par unité de surface est une mesure plus réaliste pour évaluer la densité de la population dans les différentes régions. Ceci souligne encore la nécessité de suivre les densités du lynx au moyen de différentes techniques d'estimation de population.

La demande pour la fourrure du lynx a largement fluctué selon les besoins et les tendances de la mode. De fait, le lynx a déjà été considéré comme un animal nuisible et des primes ont même été versées dans certaines régions pour en réduire leur nombre. Toutefois, après une longue période d'impopularité, la demande pour les fourrures du lynx a augmenté de façon dramatique au cours des années '70 à la suite de la réapparition d'un intérêt généralisé pour la fourrure à poils longs. La valeur moyenne des fourrures brutes de lynx est passée de 40,00 $ (en dollars canadiens) en 1970 à plus de 300,00 $ en 1978. La valeur moyenne des fourrures a encore augmenté, lors des ventes de l'automne 1984 en Ontario, pour atteindre une valeur toute proche de 600,00 S. Les meilleurs manteaux de fourrure de lynx, fabriqués avec de la fourrure ventrale juvénile, peuvent se vendre au détail plus de 20 000,00 $ (U.S.).

Le lynx, en raison de sa préfèrence pour les régions sauvages et de sa nature relativement solitaire, a peu d'impact sur l'homme. Même aux endroits où ils sont communs, les lynx sont rarement vus. Ils ne représentent aucun danger pour l'homme et ne sont considérés comme porteurs d'aucune maladie nocive pour ce dernier (à l'exception de la rage, pour laquelle tous les mammifères sont d'ailleurs susceptibles d'être atteints). Il n'y a que sur l'île de Terre-Neuve où le lynx a un impact indirect sur l'homme et cela résulte de la propre intervention de ce dernier (c'est-à-dire d'une introduction de lièvres d'Amérique sur l'île qui a eu pour effet de rompre la stabilité de la relation lièvre arctique-lynx). Là, le lynx, en déplaçant sa prédation sur les veaux du caribou lors de la diminution des populations de lièvres, devient ainsi un compétiteur direct de l'homme pour la même ressource alimentaire (Bergerud 1983). 48

Plusieurs tentatives, pour la plupart infructueuses, ont été faites pour élever le lynx en captivité. Néanmoins, des éleveurs de lynx ont récemment signalé avoir réussi, sur une base expérimentale et à petite échelle, la reproduction du lynx en captivité (A. Brothers, comm. pers.).

Les lynx sont aussi utilisés comme aliment. Bien que l'idée de consommer de la viande de chat puisse être répugnante pour un grand nombre de personnes, la viande de lynx est considérée comme un mets délicieux. On dit que sa chair est légère, tendre et semblable à celle du poulet. 49

8. CONCLUSION

Les principes qui régissent le phénomène cyclique des populations de lynx, s'ils ne sont pas complètement compris, ont été à tout le moins bien documentés et ces principes semblent s'appliquer sur l'ensemble de son aire de répartition.

La dépendance alimentaire presque totale du lynx envers le lièvre emprisonne les populations de lynx dans le cycle d'abondance du lièvre: le déclin des populations de lièvres réduit le succès de la reproduction du lynx. Conséquemment, la mortalité dépasse le recrutement, d'où diminution des densités. Cette tendance est renversée par l'augmentation des populations de lièvres: le succès de la reproduction augmente, le recrutement dépasse alors la mortalité et les densités augmentent. Ce cycle est bien documenté sur le plan historique dans les archives de ventes de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Sur la base des plus récentes ventes de fourrures, le cycle se poursuit mais l'amplitude des fluctuations de population diminue. Cela peut être causé par des changements qui se produisent dans le cycle du lièvre: ce cycle deviendrait moins prononcé ou moins prévisible à la suite des transformations apportées à son habitat; ou, ce qui est encore plus vraisemblable, par une mortalité excessive du lynx due au piégeage durant les années où le recrutement a été nul, ce qui aurait supprimé le rebondissement naturel en cours de cycle.

Il ne semble pas que l'altération de l'habitat ait pu causer un impact mesurable sur les populations de lynx.

Les outils pour gérer les populations de lynx sont disponibles. Bien que la recherche d'une meilleure compréhension des mécanismes qui régissent les cycles du lièvre et du lynx doit être poursuivie, les réponses attendues de cette dernière ne sont cependant pas immédiatement nécessaires à la gestion de la ressource. 50

Les relations entre le Lynx du Canada et le Lynx roux doivent être étudiées. Le Lynx roux a étendu son aire de répartition vers le nord avec d'autres espèces du climat tempéré comme le Cerf de Virginie (Odocoileus virginianus). Cette expansion d'aire est probablement le résultat d'une amélioration du climat et des altérations de l'habitat qui ont créé un habitat plus favorable aux petits mammifères et au cerf. Les incursions du Lynx roux devraient, selon toute évidence, entraîner une diminution des densités du Lynx du Canada. Les gestionnaires ne doivent pas ignorer ce facteur lorsqu'ils apprécient les situations régionales et qu'ils interprètent les cycles d'abondance lynx-lièvres.

Dans l'est du Canada, la répartition sporadique du Lynx du Canada qui résulte probablement de l'expansion de l'aire de répartition du Lynx roux, nécessite des approches différentes de gestion. Au Nouveau-Brunswick, où le lynx est rare (particulièrement dans la partie sud de la province), l'espèce n'a jamais été exploitée. En Nouvelle-Ecosse, où le lynx ne se rencontre que dans les hautes terres de l'île du Cap-Breton, la récolte y est régularisée par des quotas et le lynx ne peut être exploité que durant les années où il est abondant. Les lynx furent autrefois abondants dans l'île de Terre-Neuve. Lorsque les lièvres devenaient rares, ils exerçaient leur prédation sur les veaux de caribou. Parce que cette prédation fut considérée au cours des années '60 comme un problème sérieux, les lynx furent systématiquement éliminés sur certains terrains de mise bas du caribou. Toutefois, les densités de lynx ont récemment diminué et on envisagea de limiter le prélèvement annuel. L'augmentation du prix de la fourrure et de la pression de piégeage peuvent avoir également contribué à réduire les densités du lynx.

Dans le refuge faunique national de Kenai, en Alaska (Bailey et al. 1986), les gestionnaires de la faune concluent que le piégeage excessif est le principal facteur qui ait pu contribuer à la récente diminution de la densité du lynx et ce, malgré l'augmentation des populations de lièvres. Ils ont recommandé, dans les secteurs très accessibles, la fermeture de la saison de piégeage durant les périodes de rareté du lièvre et l'établissement d'un système de quotas en période d'abondance du lynx analogue à celui de l'île du 51

Cap-Breton. Leurs recommandations représentent une approche pratique et raisonnable pour assurer un rebondissement cyclique maximum de la population de lynx et un bénéfice économique optimum pour les utilisateurs. Le plan de gestion proposé tient compte de l'ensemble des données et des informations présentées précédemment, et il devrait servir de «modèle» pour la gestion du lynx dans les autres régions de l'Amérique du Nord.

On a toutes les raisons d'être optimiste pour l'avenir du Lynx du Canada et pour la contribution de cette espèce sur le marché de la fourrure en Amérique du Nord. Le défi que rencontre le gestionnaire des animaux à fourrure est de suivre et de connaître, dans sa région, la situation du Lynx du Canada, du Lièvre d'Amérique, du Lynx roux, d'évaluer la pression de piégeage, d'analyser ces éléments à la lumière des connaissances actuelles sur leurs interrelations et de proposer un plan de gestion qui assurera une utilisation optimale d'une population viable de lynx. 52

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LISTE DE DIFFUSION

QUANTITÉ LOCALISATION

1 Éloi Cabot, S.C.F. - M.L.C.P. 1 Jacques Bergeron, Communications - M.L.C.P. 1 Bibliothèque de la faune - M.L.C.P. 1 René Lafond, D.G.E.H. - M.L.C.P. 1 Pierre Blanchette, Gestion des Ressources - M.L.C.P. 1 Rivard Larouche, président provincial Association des trappeurs indépendants Inc. 1 Laurent Rhainds, président régional Association des trappeurs du Saguenay—Lac-Saint-Jean 1 André Lavoie, premier vice-président Association des traPPeurs du Saguenay—Lac-Saint-Jean 1 Diane Bonneau, deuxième vice-présidente Association des trappeurs du Saguenay—Lac-Saint-Jean 1 Michel Huot, D.G.E.H. - M.L.C.P. 1 N.W.S. Quinn, M.R.N. - Ontario 1 G. Parker, M.R.N. - Ontario 1 Pierre G. Vaillancourt, S.A.E.F. - M.L.C.P.