LE FIGARO, 1 Décembre 1903, P. 4. Dans La Grande Salle De
LE FIGARO, 1 décembre 1903, p. 4. Dans la grande salle de son château de Carduel, le roi Arthus célèbre la victoire qu’avec l’aide de Dieu, d’Escalibor – l’épée magique dont Merlin arma son bras, – des chevaliers de la Table ronde, et, entre tous, de son compagnon préféré, Lancelot, il vient de remporter sur le Saxon qui, «à pleines voiles, cingle à présent vers ses îles». Et tandis que, foulant le sol Jonché de roseaux coupés, écuyers et pages vont verser la cervoise et l’hydromel; tandis qu’aux mains des bardes en longs vêtements blancs, «le chant des harpes s’éveille» et que, seul, au milieu de la fête, baissant le front, messire Lancelot semble rêver, la reine Guinèvre descend les marches du trône, et lui tendant une coupe pleine, à voix basse, lui dit: «Cette nuit… le signal… viens!» Ces paroles, ces regards d’amants, Mordred les a surpris. Or, Mordred qui poursuit d’une égale haine la Reine, pour l’amour qu’il lui offrit Jadis et qu’elle dédaigna, et Lancelot, pour la faveur dont le couvre le Roi, aspire ardemment à se venger. Au second tableau, sur la terrasse du château, dans la tiédeur de la nuit, dans le silence à peine traversé par l’appel des veilleurs, sous les rayons de lune que voilent parfois les nuages, apparaissent enlacés, confondus en un rêve d’amour parfumé de suaves roses, Guinèvre et Lancelot. Non loin d’eux veille Lyonnel, comme veillait Brangaine [Brangäne] non loin d’Isolde et de Tristan. Et, comme Tristan oubliait le roi Mark [Marke], Lancelot, dans cette heure d’extase, oublie le roi Arthus, l’ami, le frère d’armes, c’est-à-dire l’honneur, la foi jurée, «l’inflexible vertu de sa vie d’autrefois».
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