Gérard HIROUX

Histoire sociale d'une commune de l'amiénois : ORESMAUX

7 - L'instruction primaire du XVIIIème siècle à la seconde guerre mondiale Travaux de l'auteur publiés par l' association EKLITRA

Histoire sociale d'une Commune de FAmiénois : ORESMAUX 1. Son visage au XIXème siècle 2. Démographie et métiers (1800-1940) 3. Moulins et meuniers 4. L'Eglise d'Oresmaux du 18éme siècle à la Séparation de l'Eglise et de l'Etat (1905) 5. La propriété foncière non-bâtie d'Oresmaux et la Révolution de 1789 6. Son comportement politique, de la Révolution à la Seconde Guerre mondiale

- Trois siècles et demi d'Histoire avec la Seigneurie d'Esscrtaux et la Maison de Béry (1462-1826)

- Histoire de la Seigneurie du Petit Couvent de Lompré-lez-Oresmeaux. INTRODUCTION

La publication dirigée par R. Fossier, l'Histoire de la Picardie, consacre un chapitre à l'instruction primaire avant la Révolution de 1789 : elle est essentiellement axée sur l'instruction religieuse que le clergé contrôle d'une façon absolue.

Les maîtres d'école, recrutés sur leur formation religieuse et leurs convictions qui en découlent, alors qu'ils sont payés par la communauté paysanne, ne dispensent leur enseignement qu'avec l'agrément du curé ; ils sont bedeau et chantre de la paroisse.

A la veille de la Révolution, bien des villages ont une école de ce type, mais la scolarité n'est ni obligatoire ni régulière : le travail des champs retient les enfants pendant l'été, la quenouille pendant l'hiver. L'enseignement donné est, faute de livres, presque inefficace : les registres de catholicité et les actes notariés sont signés d'une façon hésitante et bien souvent marqués d'une croix.

Les prêtres et les frères des Ecoles chrétiennes de Jean-Baptiste de la Salle sont les éducateurs, les uns en milieu rural, les autres en ville, encouragés en cela par le pouvoir royal, et perçoivent les taxations nécessaires à leur entretien.

Dans ce contexte éducatif, la Révolution arrive avec les bouleversements dans tous les domaines, notamment en matière d'instruction publique. L'article 22 de la déclaration de 1793 : « L'instruction est le besoin de tous », ne fait pas l'unanimité chez les Conventionnels ; Bien que reconnue nécessaire par tous, pour l'individu et la société. Tout préjugé partisan doit être écarté de l'enseignement. Cette idée devance bien la Révolution, et dès 1750, l'expulsion des jésuites a lieu en même temps que la parution de « l'Emile » ; mais c'est la Révolution qui rend effective cette idée sur l'éducation. Les maîtres d'école ruraux restent fidèles à leur enseignement essentiellement religieux : pour eux, éducation et instruction sont confondues et sont loin des questions qui préoccupent Condorcet, Monge, l'abbé Grégoire, Robespierre, dont les idées ne voient le jour qu'avec Ferry. CHAPITRE 1

ETRE MAGISTER DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE À 1 820, OU LA VIE DE LOUIS PIAT

Louis Piat, maître d'école d'Oresmaux depuis 1779, sous la tutelle étroite de l'abbé Rabouille, curé de la paroisse, n'est pas inspiré par ces idées sur l'instruction publique, d'autant plus que la religion en est exclue, puisque l'enseignement des « opinions » comme vérité est rejeté.

Dans son étude sur les magisters et l'éducation élémentaire dans le Santerre aux XVIème et XVIIème siècles (Antiquaires de Picardie), Eric Abadie donne des chiffres sur les précédents concernant les maîtres d'école : sur 123 cas envisagés, 74 magisters ont un père lui- même maître d'école, et si l'on prend cet échantillonnage recensé, cela donne un pourcentage de ce cas très élevé : 60 % des cas envisagés ; Eric Abadie, qui n'indique que 16,7 o/Ó des cas, a dû pour obtenir ce chiffre recenser les 467 magisters qui l'ont été depuis un peu plus d'un siècle. Pour lui, être maître d'école assure une situation plus respectée dans la paroisse, essentiellement basée sur la moralité et les convictions religieuses, qu'une profession lucrative. D'ailleurs, c'est le curé qui recrute en fonction des certificats de bonne vie et moeurs, sur quoi il juge la valeur du postulant, et à condition qu'il serve la messe et sache la chanter. C'est pleinement le cas du maître d'école d'Oresmaux, Louis Piat.

Louis Piat, maître d'école d'Oresmaux de 1779 à 1819, avec de nombreuses interruptions, a servi Maître Rabouille, curé de la paroisse pendant treize ans... Il ne sera pas inspiré, pas plus que ses collègues du canton de Saint-Sauflieu, par les idées émises dans les « Livres des Lumières », ni par le discours sur les Sciences et les Arts de Jean-Jacques Rousseau. Par contre, il a l'appui massif de la paysannerie locale. Cependant l'action virulente des hommes, probablement membres de la Société populaire née en 1793, sera déterminante pour sa carrière.

Des recherches aux Archives de l'Oise nous permettent de suivre son itinéraire. Il est né à Luchy en 1747, dans le canton de Crévecoeur- le-Grand. A défaut de son acte de baptême, ces archives m'ont communiqué la photocopie de l'acte de mariage de Louis Piat et de Jeanne Clément, célébré le 2 décembre 1770 à Luchy (microfilm 5 Mi 528). Ce document, communiqué en fin du chapitre I, nous apprend leurs origines sociales ; il est déjà clerc-laïc à l'époque de son mariage et son père, Louis Piat, également clerc-laïc, et cela nous édifie sur les raisons de la vocation filiale. Sa formation scolaire a probablement été le milieu familial, dans la classe de son père, complétée par le curé de la paroisse. Il n'en est pas moins vrai que père et fils sont maîtres d'école. Il devient maître d'école à Oresmaux en 1779, assujetti à la tutelle spirituelle du curé Rabouille. La lettre, envoyée par ce dernier, émigré en Wesphalie, à l'adresse de Louis Piat est interceptée par le district d' en 1796, et elle est éloquente sur les rapports des deux hommes : il sera le dévoué serviteur de son maître, plus occupé par le service divin que par son action pédagogique : pourvu que les petits paysans sachent à peu près lire, pour suivre la messe, les parents sont satisfaits de ses leçons. La photocopie de la lettre du curé Rabouille est livrée à la fin de ce chapitre I. La Révolution éclate, et tout un système administratif est mis en place : les archives départementales donnent la nomination des membres de l'assemblée primaire du canton de Saint-Sauflieu en mai 1790 (Série L 340) et montrent que Louis Piat représente la commune d'Oresmaux, de même que Jacques Boulfroy Sanson, également d'Oresmaux ; Ils ont été nommés et choisis pour électeurs au scrutin de liste double et à la pluralité absolue des suffrages pour ladite assemblée primaire, l'extrait du registre est daté du 27 mai 1790.

Plus tard, dans sa séance du 8 primaire an 4 (30 novembre 1795), Louis Piat présente une «pétition expositive» que depuis le temps de la Terreur et de la tyrannie révolutionnaire, il a été spolié de son emploi et remplacé par le citoyen Gargault, ce qui est reconnu par les habitants de la commune, et que les enfants souffrent de l'incapacité dudit Gargault. Le fait est délibéré, ouï le commissaire provisoire du Directoire exécutif l'administration municipale, pensant que l'éducation de la jeunesse est la base fondamentale des leçons basées sur les principes de la nature, qu'elle souffre à Oresmaux, du peu de zèle et de savoir de l'instituteur Gargault ; en conséquence, son école est désertée, tandis que celle de Louis Piat, qui n'est pas encore avouée, est très considérable ; par conséquent, l'Assemblée de Saint- Sauflieu invite le département à réintégrer Louis Piat dans ses fonctions d'instituteur public de la commune d'Oresmaux ; elle arrête de l'inviter à le proposer en cette qualité au juré d'instruction publique établi à Amiens et d'y subir l'examen qu'il croira lui être fait ... Cela montre que Louis Piat a été suspendu de son emploi, mais qu'il a gardé la confiance des habitants d'Oresmaux et de l'Assemblée de Saint- Sauflieu. Le 23 nivôse an 4 (13 janvier 96) cette assemblée considère qu'il est juste de rendre au citoyen Piat son emploi, qu'il a exercé pendant treize années, de 1779 à 1792, et que c'est la Terreur qui l'en a privé. Elle accepte la démission de Nicolas Gargault. Au cours de la même séance, l'assemblée maintient Marie-Thérèse Gargault dans ses fonctions d'institutrice et repousse la candidature de Françoise Douchet proposée par le jury d'Amiens. Elle propose le citoyen Louis Piat à l'assemblée de Saint-Sauflieu, conformément à l'article 188 de la Constitution, en remplacement de Jean Follet, démissionnaire, jusqu'aux élections suivantes et le prie d'accepter sa nomination, tout en enjoignant Follet de remplir la fonction d'adjoint. Nous constatons donc qu'à cette époque, Louis Piat jouit de la confiance des citoyens de la commune et de l'administration centrale.

Mais dans sa séance du 29 messidor an 4 (17 juillet 96) un membre de l'Assemblée dénonce le cumul de fonctions de Louis Piat, comme instituteur et percepteur des contributions publiques de sa commune, et qu'il y a incompatibilité dans l'exercice de ces fonctions, au terme de la loi du 1er décembre 1790. Considérant la véracité des faits, l'assemblée arrête de nommer Julien Joron comme membre de cette municipalité. A la suite de la séance du 25 fructidor 1796, Louis Piat démissionne de sa fonction d'agent municipal, désirant garder celle d'instituteur. Est-ce l'action du noyau dur de la Société populaire d'Oresmaux qui est cause des tourments que commence à subir Louis Piat ? Mais la pétition présentée à la séance du 18 vendémiaire an 5 (9 octobre 1796), fait de Louis Piat la cible d'attaques virulentes et infamantes : « Il a été mis sur le bureau une pétition présentée par les habitants d'Oresmaux qui dénoncent la conduite scandaleuse du citoyen Piat et demandent qu'il ne soit plus instituteur de leur commune (Archives départementales). Ils déduisent que la cause de son inconduite la plus essentielle est son « yvrognerie continuelle, que son fils, répétiteur parait, disent-ils, fort bien imiter, laquelle est signée de plus de trente citoyens jouissant de leurs droits civils ». La commune compte à cette époque mille habitants. « Vu et lecture prise d'icelle, le commissaire du Directoire exécutif a dit que rien n'étoit plus interessant pour la Société et les bonnes moeurs que l'éducation des enfants, que la conduite de toute leur vie dépendoit des principes reçus dans leur enfance, que rien n'étoit plus urgent que de leur donner des instituteurs aux moeurs et conduite exemplaires ». En cela, ils sont en harmonie avec la conception de l'enseignement, basée sur l'éducation, conception vue dans le préliminaire de cette mesure, « qu'il étoit malheureusement convaincu que l'administration avoit été induite en erreur lorsqu'elle a proposé au Département le citoyen Piat pour la commune d'Oresmaux... Qu'en conséquence, il engageoit l'administration a employer tous les moyens propres à procurer à la commune en lieu et place de Louis Piat, un instituteur instruit, avec de la conduite et des moeurs, ce qui manquoit entièrement audit Piat, que même dans le moment se trouve traduit devant le tribunal de police correctionnelle pour des faits d'inconduite très grave, lui est son fils... » Sur quoi délibérant, le Directoire exécutif donne ses conclusions : le citoyen Piat est interdit de ses fonctions sur le champ...

Après des répétitions des faits qui lui sont reprochés au cours du réquisitoire, Louis Piat qui bénéficie des avantages de la loi du 3 frimaire an 3, prévoyant le logement des maîtres d'école, doit remettre les clés du presbytère et d'un local à l'agent municipal. Il est même accusé d'avoir voulu s'approprier la totalité des fruits du jardin des deux locaux, le sien et celui de l'agent municipal.

Plus grave pour lui encore, après la lecture faite d'un mémoire présenté par les habitants d'Oresmaux au Directoire exécutif au cours de la séance de l'Assemblée municipale du 15 ventôse an 5, (5 février 1797), les mêmes faits d'inconduite sont reprochés à Piat, mais aussi ses opinions politiques : « Sur quoi, l'administration municipale délibérant, ouï le commissaire du Directoire exécutif considérant que les plaintes qui sont portées maintes fois contre Piat, elle ne peut dissimuler les faits condamnables, ainsi que ses sentiments politiques... et peuvent influencer singulièrement sur l'éducation de la jeunesse et préjudiciables au bien public ». Le citoyen Piat est d'autant plus ciblé qu'il a été traduit à différentes fois au tribunal de police correctionnelle. La citoyenne Gargault, institutrice, dit n'avoir aucune connaissance des faits qui sont reprochés à Louis Piat, aussi bien sur sa moralité que sur ses opinions, et se dispense de donner son avis.

L'administration cantonale prononce la destitution de Louis Piat. F.J. Darsy signale à la même époque dans son ouvrage, « Les Doléances du peuple et les victimes », une liste nominative des personnes emprisonnées à Amiens pendant la Terreur et le Directoire, notamment Louis Piat, maître d'école à Oresmaux, entré à la maison de Justice le 18 mars 1796, prévenu de correspondance suivie avec un émigré, en l'occurrence l'abbé Rabouille, exilé en Wesphalie. Une lettre, interceptée par le Tribunal correctionnel du Département en l'an 4, (Archives départementales de la , L 3307), est reproduite dans l'annexe 1 ; elle confirme la complicité de l'inculpé avec l'abbé Rabouille. (Cf. Plaquette sur l'Histoire de la Religion à Oresnlaux). Cette saisie accuse irréfutablement Louis Piat de son action politique négative vis-à-vis de la République, et l'amène à la Conciergerie. Dans le même temps, Thérèse Deflandre, soeur du vicaire émigré, est elle aussi arrêtée, mais de toute apparence, le tribunal ne lui en tient pas rigueur, puisque nous la retrouvons confirmée dans son poste d'institutrice.

Dans la période de sa première disgrâce -de 1792 à 1795- le fils de Louis Piat se marie, et l'acte de mariage, daté de frimaire an 3, (25 novembre 1794), révèle le métier de Louis Piat père et de son fils Jean-Louis : ils sont tous deux « fabricants de laine ». Qu'entendre par cette dénomination inusitée, peut-être tisserand de drap de laine ? (annexe 4).

Plus tard, le Conseil municipal et le maire Dubois délibérant, affirment que c'est le citoyen Louis Piat qui a la grande majorité des écoliers et doit être préféré à Firmin Louchart, qui n'a que deux ans d'exercice dans le métier. Le préfet Quinette répond négativement, parce que Louchart est légalement nommé instituteur d'Oresmaux et qu'il ne peut le destituer de ses fonctions.

Le document des Archives départementales Tz 612 est une correspondance entre le maire d'Oresmaux J.Baptiste Dubois, et le préfet Quinette : « Le maître d'école devient instituteur : ils remplissent les mêmes fonctions ; c'est une nouvelle dénomination ».

Certains membres du Conseil municipal d'Oresmaux, tenant à la lettre et non à l'esprit de la loi, et plus encore à leur prévention en faveur de Louis Piat, semblant vouloir insérer qu'il n'est pas question d'instituteur d'école primaire, et que la commune d'Oresmaux ayant un maître d'école en la personne de Louis Piat qui a le double d'élèves que Louchart, il ne s'agit plus que d'aviser aux moyens de lui faire un fonds. « Je vous prie citoyen Préfet de décider ce que quelques uns semblent vouloir mettre à question : si l'instituteur en titre est ou n'est pas le vrai maître d'école indiqué par la loi. Votre réponse éliminera toute espèce de discussion ». Les reproches à l'adresse de Louis Piat redoublent : « la commune d'Oresmaux a un instituteur en titre, reçu par le jury établi par l'administration municipale. Il n'existe aucun reproche contre lui, il est assidu et très appliqué à ses devoirs ; on ne peut pas dire la même chose de Louis Piat », d'où une discorde entre le conseil municipal et le maire. Signé Dubois, maire.

La réponse du préfet, datée du 19 pluviôse an 9, adressée au maire de la commune, explique que seul le nom est changé : l'instituteur et le maître d'école ne font qu'un d'après l'arrêté préfectoral du 23 nivôse, qu'aussi l'instituteur actuel est le seul qui puisse être qualifié de maître d'école ; cependant, le Conseil municipal peut faire un autre choix, mais il ne peut le faire qu'en motivant le renvoi du maître actuel -Louchart- et le préfet invite le maire d'Oresmaux à donner connaissance de sa lettre aux membres du Conseil municipal.

Dans une lettre du 23 ventôse an 9, le Conseil municipal d'Oresmaux, délibérant sur le traitement du maître d'école « estime avant tout que ce traitement doit être pour celui qui a le plus d'écoliers, en faveur duquel se réunit la grande majorité des habitants de la commune, et qui doit être plus versé dans l'art d'instruire les enfants qu'à un titre. Le Citoyen Louis Piat doit être préféré au citoyen Firmin Louchart, instituteur en titre, lequel a quatre fois moins d'élèves que Louis Piat, et ne peut avoir la même expérience, etc... Fondé sur ces motifs, il adopte Louis Piat pour instituteur ou maître d'école et demande la destitution de Louchart ». Ainsi délibéré à Oresmaux au Conseil municipal le 23 pluviôse an 9. Signé : Follet, Benoit Floury, J. Floury, Antoine Tellier, Ant. Floury, Michel Boulfroy, Benoît, J. Bte Masse. Le maire n'est pas de l'avis du Conseil municipal. J.B. Dubois, maire.

Le préfet, ne voyant pas de motifs valables, maintient Louchart dans ses fonctions : il arrête qu'il n'y a pas lieu de le destituer, et que le traitement de maître d'école doit lui être appliqué, en exécution de l'arrêté du 23 nivôse dernier. Signé : Quinette, le 23 ventôse an 9.

Nomination d'une institutrice à Oresmaux.

Le Conseil municipal est autorisé, en date du 25 ventôse an 9 à faire choix d'une maîtresse d'école, et à se réunir à ce propos.

« L'administration, considérant que la proposition d'établir une maîtresse d'école à Oresmaux, au voeu de la loi du 3 brumaire an 4 ; qu'à l'égard du traitement à lui accorder, c'est au conseil municipal à indiquer les moyens d'y pourvoir... a arrêté et arrête d'autoriser ce conseil à se réunir extraordinairement pour faire choix d'une maîtresse d'école, et indiquer les moyens qui sont au pouvoir de la commune pour le paiement de son traitement qu'il jugera à propos de lui fixer ». Fait à Amiens, le 25 ventôse an 9 de la République. Signé : Quinette.

Suite à cette autorisation, le conseil d'Oresmaux confirme la nomination de la citoyenne Boucher pour remplir cette fonction de cette commune, à la charge par elle de faire « es mains du maire », la promesse de fidélité à la Constitution et d'instruire gratuitement les jeunes filles de parents indigents.

« Au préfet de la Somme, le 6 nivôse an 10. Citoyen Préfet, Le conseil municipal de la commune d'Oresmaux, considérant que l'éducation des jeunes personnes du sexe féminin, ne peut et ne doit être confiée qu'à une femme dont les moeurs soient exemptes de reproche, et la capacité bien reconnue, a l'honneur de vous proposer pour institutrice publique des jeunes filles, la citoyenne Françoise Boucher, née à Amiens, domiciliée depuis longtemps à Oresmaux, et âgée de 66 ans, dont les moeurs, la capacité, le zèle et l'expérience sont de sûres garanties, qu'elle remplira très bien l'objet qu'on lui propose d'atteindre. Ainsi fait et délibéré dans le Conseil municipal d'Oresmaux, légalement convoqué et présidé par le maire en vertu de la réponse faite par le préfet le 24 de ce mois. A Oresmaux, le 29 frimaire de l'an dix. Signé Henry Floury, Mélen, Benoit Floury, Antoine Tellier, Michel Boulfroy, J. Bte Masse, J. Follet, Lefebvre, Benoît, Andrieu adjoint, J. Bte Dubois, maire. »

L'arrêté du Directoire du district d'Amiens du 2 floréal an 3, contenant approbation de la nomination faite le 25 germinal précédent par le jury d'instruction publique de la citoyenne Françoise Boucher, d'Amiens, pour remplir les fonctions d'institutrice primaire de la commune d'Oresmaux.

« Le préfet, considérant qu'il résulte des pièces produites par Françoise Boucher, a la connaissance et la moralité nécessaires pour remplir les fonctions dont il s'agit a arrêté et arrête de confirmer ladite Boucher dans l'exercice des fonctions d'institutrice... Fait à Amiens, le 6 nivôse an 10 Signé Quinette ».

Ce document montre que Françoise Boucher est déjà en place depuis l'an 3, à moins d'une nomination précédente à l'extérieur. Maison d'école à Oresmaux.

Toujours dans la série Tz 612 (pièce n014) des Archives départementales, on propose d'arrêter qu'à la diligence du maire d'Oresmaux, l'instituteur de cette commune qui vient de quitter le presbytère et de le remettre à la disposition du ministre du culte, sera mis en jouissance de la maison d'école des garçons et du jardin en dépendant. Que le coût des réparations qu'il a faites au presbytère, si elles ne sont pas à la charge locative, lui sera remboursé sur les premiers fonds disponibles à la caisse communale, etc... Quinette.

La décision des Tribunaux du 21 fructidor an 10, « arrête qu'à la diligence du maire d'Oresmaux, le citoyen Louchart, instituteur de la commune, sera mis en possession de la Maison connue sous le nom d'école de garçons et du jardin en dépendant, que le coût des réparations faites par Firmin Louchart à la maison presbytérale lui sera remboursé comme il est plus haut. » Signé Quinette.

Suite au litige concernant le profit des fruits du jardin presbytéral, et sur la réclamation du citoyen Trogneux, Curé d'Oresmaux pour le paiement de la valeur des récoltes de fruits pendant l'installation de l'instituteur dans le presbytère, avec voies de droit en cas de refus, lettre émanant de Quinette du 21 fructidor an 10, Firmin Louchart écrit au préfet le 21 thermidor an 10, lettre dans laquelle il expose qu'au titre de ses fonctions d'instituteur et en vertu de la loi du 3 brumaire an 4, il a eu pour traitement les fruits du jardin du presbytère depuis son installation de brumaire an 7 jusqu'à ce jour. Attendu le mauvais état du presbytère, on lui a donné pour y tenir ses écoliers, le fournil du presbytère, qu'on lui fit approprier pour y tenir son école ; il quitta son local par complaisance et sur les voeux du maire pour en abandonner la jouissance au curé. Le citoyen Trogneux, desservant provisoire de la paroisse, est entré en jouissance du presbytère et de son jardin sur sa demande du 3 thermidor an 10.

Firmin Louchart n'a reçu en tout que quatorze à quinze francs de ses écoliers pour 9 mois et demi, après un long et pénible travail, à cause de la misère qui règne dans la population ; « il en résulte que l'instituteur se trouve privé de salaire et réduit à la misère, sans compter qu'il a dû entretenir les fermetures du jardin presbytéral... Je demande donc au préfet de le rétablir en sa qualité d'instituteur dans la jouissance et possession de l'école de garçons et du jardin qui en dépend, et qu'il soit ordonné et prononcé par le préfet, une somme à prendre sur les centimes additionnels de l'an X et XI de la commune, pour son traitement, déduction faite de la jouissance du jardin du presbytère. Il demande que toutes les dépenses engagées par lui pour l'entretien des murs et des haies, de la serrurerie aux portes de la cour, chambre et jardin lui soient remises par le citoyen Trogneux. » Signé Louchart. Le 10 fructidor an X, le Conseil municipal et le maire, après lecture de ladite demande, sont d'avis qu'il doit être réintégré dans la possession de l'école de garçons et observent en même temps que le citoyen Trogneux ne doit pas être mis dehors par égard à la dignité de son ministère et que l'on doit un logement à un homme que l'on demandait alors avec beaucoup d'empressement ; que celui qui a la jouissance du presbytère doit être tenu aux réparations faites aux murs et aux autres semblables : la loi ne pouvant pas et ne devant pas avoir d'effet rétroactif le citoyen Louchart a droit aux fruits, c'est-à-dire au revenu du jardin pour toute la période qui s'est écoulée avant la loi du 18 germinal et même avant, à l'époque de l'installation du citoyen Trogneux.

Dans sa réponse du 8 thermidor an X, le préfet, tout comme le considère le conseil municipal d'Oresmaux, écrit que la maison d'école de garçons de cette commune, est dévolue de droit au pétitionnaire, que les voeux de la loi du 11 floréal dernier et celle du 9 brumaire an 4, mettent à la charge de Louchart les réparations locatives, et les grosses à la charge de la commune.

Quant au bénéfice des fruits du jardin presbytéral, ils appartiennent de droit au pétitionnaire qui en réclame au moins la valeur au citoyen Trogneux, le maire doit donner son avis sur les demandes de l'exposant.

Toujours sous la même cote des Archives, en date du 5 prairial an XI, l'instituteur demande que lui soit payée, sur les fonds de la caisse communale, une indemnité correspondant à la perte du bénéfice des fruits du presbytère de l'an X, alors qu'il occupait ce presbytère, et dont la jouissance a été accordée au curé ; à être autorisé à se faire payer les arrérages d'écolage par les parents non indigents. Sur l'objet de la première demande, il n'y a pas lieu de délibérer, l'arrêté qui a accordé la jouissance du presbytère au curé ayant ordonné qu'il en serait tenu compte ; sur le second point, c'est au conseil local de fixer la rétribution demandée, et de refaire une réunion extraordinaire, avec transmission de la délibération à Amiens, le 13 floréal an XI, signée par le trésorier général de la préfecture Denaux.

Il ressort de la réunion du conseil du 29 floréal an XI, présidé par Dubois, maire, que la déclaration de Louchart n'est pas exacte, qu'il est notoire qu'il a été payé par une partie des écoliers, que l'exposant sera tenu de fournir au conseil municipal la liste de ses écoliers, tant afin qu'on puisse fixer la rétribution due par les parents. La délibération est signée par J.F. Benoît, Benoît Floury, Henry Floury, Lefebvre, Masse, J. Follet, Antoine Tellier et le maire Dubois.

Vu la décision préfectorale de maintenir Louchart dans sa fonction et l'avis du Conseil municipal d'Oresmaux, il semblerait que les deux maîtres d'école ont coexisté car on trouve le 4 mars 1809, une plainte contre l'instituteur Louis Piat, émanant du maire d'Oresmaux adressée au préfet. Cette plainte contre l'instituteur du 4 mars 1809, émane de Dubois, juge de paix du Canton de Sains, au préfet de la Somme (Photocopies qui suivent la page 21).

« Monsieur, Dénonce pour « le bien public », le maître d'école primaire d'Oresmaux, du canton de Sains, Louis Piat, pour son immoralité révoltante, comme donnant à l'excès dans la débauche de l'eau de vie et du vin .

Que cet homme trop souvent pris de boisson, ne donne à ses élèves que la moitié ou les deux-tiers au plus du temps qu'il leur doit ; cependant, il exige de leurs parents un salaire non mérité, qu'il obtient d'eux par son insolente audace et par la crainte qu'il leur inspire.

Que les gens de la campagne croyant que leurs enfants sont fort instruits, lorsqu'ils sont capables de chanter dans l'église une épître ou une leçon de matines ; cet homme abuse de leur ignorance et de leur simplicité, en faisant apprendre aux garçons des épîtres et des leçons qu'ils chantent en effet tant bien que mal dans l'église, ce dont leurs père et mère sont bien contents et bien glorieux ; et ces bonnes gens ignorent que leur fils a perdu un temps considérable à apprendre ces épîtres et ces leçons, et qu'il n'est pas en état de lire sans hésiter deux lignes de français, même dans son catéchisme. Que l'année dernière, et il y a près d'un an, le Prêtre desservant de cette succursale, attendant au milieu de l'autel, immédiatement après la communion, et avant de dire le dominum vobiscum, que les enfants de choeur qui le servoient à la messe paroissiale, chantèrent le « domine salvum per imperatum », et s'étend retourné jusqu'à trois fois en leur disant à chaque fois « chantez domine salvum per imperatum, sans qu'aucun d'eux chantât cette prière, le secrétaire de la mairie cria à ce maître d'école, qui est aussi clerc-laïc, « chantez vous-même et il n'en fit rien. Toutefois au quatrième ordre donné par le célébrant, deux enfants de choeur se mirent à chanter, le chantre et le peuple répétèrent après eux cette prière ; Après la messe, on demanda aux enfants pourquoi ils n'avaient pas chanté la prière pour sa majesté l'Empereur : « ils répondirent qu'ils craignaient d'être battus, qu'on les avaient menacés de les battre. Le curé après la messe demanda à ce maître pourquoi il n'avait pas chanté lui-même, et cet homme lui répondit qu'il craignait de déplaire à quelques mères dont les enfants avaient été désignés par le sort, et qui ne voulaient pas que l'on chantât la prière pour l'Empereur.

Très certainement, l'homme que j'accuse ne craint pas de déplaire à quelques femmes du village ; il cherchait à leur complaire pour son intérêt personnel, ou il s'entendait avec elles, ou il était l'ame de ce petit parti. D'ailleurs c'est un homme qui se fait gloire de résister à EKLITRA est une association culturelle ouverte à tous. Ses activités couvrent le domaine linguistique picard : Artois, Flandre, Hainaut, Picardie. Nous publions la Picardie profonde, celle des traditions, du souvenir et de l'an 2000. La littérature, l'ethnologie, l'histoire, l'archéologie et l'art trouvent leur place dans nos publications. Nous pensons qu'à notre époque de grands ensembles l'apport des provinces ne peut être que bénéfique parce que leurs langues et leurs cultures entretiennent, sous une uniformité qui tend à s'agrandir, la variété indispensable à la vie des hommes ; elles permettent d'échapper au nivellement et de retrouver - surtout en où la centralisation a été longtemps pratiquée avec outrance - des idiomes concrets, des traditions plus proches de la terre que des villes tentaculaires, des civilisations sous-jacentes encore fondées sur la « nature », mille faits qui relient la nature au cosmos : c'est pourquoi l'ère spatiale peut être aussi l'ère d'une certaine rénovation des provinces. Les membres de l'association EKLITRA ne se tournent pas vers un provincialisme passé et dépassé ; au contraire ils prétendent collaborer à l'édification de ce monde neuf où la diversité, la variété, la personnalité ne seront plus considérées comme des entraves à certains pouvoirs mais iront de soi. L'adhésion donne droit : de participer aux activités de l'association de recevoir la revue annuelle et les bulletins trimestriels d'acquérir nos autres publications à prix préférentiels.

Responsable de la publication: Philippe PA UCHET

I.S.B.N. 2-85706-087-4 Dépôt légal : Premier trimestre 1998.

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La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

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La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une licence confiée par la Sofia ‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒ dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.