Gérard HIROUX Histoire sociale d'une commune de l'amiénois : ORESMAUX 7 - L'instruction primaire du XVIIIème siècle à la seconde guerre mondiale Travaux de l'auteur publiés par l' association EKLITRA Histoire sociale d'une Commune de FAmiénois : ORESMAUX 1. Son visage au XIXème siècle 2. Démographie et métiers (1800-1940) 3. Moulins et meuniers 4. L'Eglise d'Oresmaux du 18éme siècle à la Séparation de l'Eglise et de l'Etat (1905) 5. La propriété foncière non-bâtie d'Oresmaux et la Révolution de 1789 6. Son comportement politique, de la Révolution à la Seconde Guerre mondiale - Trois siècles et demi d'Histoire avec la Seigneurie d'Esscrtaux et la Maison de Béry (1462-1826) - Histoire de la Seigneurie du Petit Couvent de Lompré-lez-Oresmeaux. INTRODUCTION La publication dirigée par R. Fossier, l'Histoire de la Picardie, consacre un chapitre à l'instruction primaire avant la Révolution de 1789 : elle est essentiellement axée sur l'instruction religieuse que le clergé contrôle d'une façon absolue. Les maîtres d'école, recrutés sur leur formation religieuse et leurs convictions qui en découlent, alors qu'ils sont payés par la communauté paysanne, ne dispensent leur enseignement qu'avec l'agrément du curé ; ils sont bedeau et chantre de la paroisse. A la veille de la Révolution, bien des villages ont une école de ce type, mais la scolarité n'est ni obligatoire ni régulière : le travail des champs retient les enfants pendant l'été, la quenouille pendant l'hiver. L'enseignement donné est, faute de livres, presque inefficace : les registres de catholicité et les actes notariés sont signés d'une façon hésitante et bien souvent marqués d'une croix. Les prêtres et les frères des Ecoles chrétiennes de Jean-Baptiste de la Salle sont les éducateurs, les uns en milieu rural, les autres en ville, encouragés en cela par le pouvoir royal, et perçoivent les taxations nécessaires à leur entretien. Dans ce contexte éducatif, la Révolution arrive avec les bouleversements dans tous les domaines, notamment en matière d'instruction publique. L'article 22 de la déclaration de 1793 : « L'instruction est le besoin de tous », ne fait pas l'unanimité chez les Conventionnels ; Bien que reconnue nécessaire par tous, pour l'individu et la société. Tout préjugé partisan doit être écarté de l'enseignement. Cette idée devance bien la Révolution, et dès 1750, l'expulsion des jésuites a lieu en même temps que la parution de « l'Emile » ; mais c'est la Révolution qui rend effective cette idée sur l'éducation. Les maîtres d'école ruraux restent fidèles à leur enseignement essentiellement religieux : pour eux, éducation et instruction sont confondues et sont loin des questions qui préoccupent Condorcet, Monge, l'abbé Grégoire, Robespierre, dont les idées ne voient le jour qu'avec Ferry. CHAPITRE 1 ETRE MAGISTER DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE À 1 820, OU LA VIE DE LOUIS PIAT Louis Piat, maître d'école d'Oresmaux depuis 1779, sous la tutelle étroite de l'abbé Rabouille, curé de la paroisse, n'est pas inspiré par ces idées sur l'instruction publique, d'autant plus que la religion en est exclue, puisque l'enseignement des « opinions » comme vérité est rejeté. Dans son étude sur les magisters et l'éducation élémentaire dans le Santerre aux XVIème et XVIIème siècles (Antiquaires de Picardie), Eric Abadie donne des chiffres sur les précédents concernant les maîtres d'école : sur 123 cas envisagés, 74 magisters ont un père lui- même maître d'école, et si l'on prend cet échantillonnage recensé, cela donne un pourcentage de ce cas très élevé : 60 % des cas envisagés ; Eric Abadie, qui n'indique que 16,7 o/Ó des cas, a dû pour obtenir ce chiffre recenser les 467 magisters qui l'ont été depuis un peu plus d'un siècle. Pour lui, être maître d'école assure une situation plus respectée dans la paroisse, essentiellement basée sur la moralité et les convictions religieuses, qu'une profession lucrative. D'ailleurs, c'est le curé qui recrute en fonction des certificats de bonne vie et moeurs, sur quoi il juge la valeur du postulant, et à condition qu'il serve la messe et sache la chanter. C'est pleinement le cas du maître d'école d'Oresmaux, Louis Piat. Louis Piat, maître d'école d'Oresmaux de 1779 à 1819, avec de nombreuses interruptions, a servi Maître Rabouille, curé de la paroisse pendant treize ans... Il ne sera pas inspiré, pas plus que ses collègues du canton de Saint-Sauflieu, par les idées émises dans les « Livres des Lumières », ni par le discours sur les Sciences et les Arts de Jean-Jacques Rousseau. Par contre, il a l'appui massif de la paysannerie locale. Cependant l'action virulente des hommes, probablement membres de la Société populaire née en 1793, sera déterminante pour sa carrière. Des recherches aux Archives de l'Oise nous permettent de suivre son itinéraire. Il est né à Luchy en 1747, dans le canton de Crévecoeur- le-Grand. A défaut de son acte de baptême, ces archives m'ont communiqué la photocopie de l'acte de mariage de Louis Piat et de Jeanne Clément, célébré le 2 décembre 1770 à Luchy (microfilm 5 Mi 528). Ce document, communiqué en fin du chapitre I, nous apprend leurs origines sociales ; il est déjà clerc-laïc à l'époque de son mariage et son père, Louis Piat, également clerc-laïc, et cela nous édifie sur les raisons de la vocation filiale. Sa formation scolaire a probablement été le milieu familial, dans la classe de son père, complétée par le curé de la paroisse. Il n'en est pas moins vrai que père et fils sont maîtres d'école. Il devient maître d'école à Oresmaux en 1779, assujetti à la tutelle spirituelle du curé Rabouille. La lettre, envoyée par ce dernier, émigré en Wesphalie, à l'adresse de Louis Piat est interceptée par le district d'Amiens en 1796, et elle est éloquente sur les rapports des deux hommes : il sera le dévoué serviteur de son maître, plus occupé par le service divin que par son action pédagogique : pourvu que les petits paysans sachent à peu près lire, pour suivre la messe, les parents sont satisfaits de ses leçons. La photocopie de la lettre du curé Rabouille est livrée à la fin de ce chapitre I. La Révolution éclate, et tout un système administratif est mis en place : les archives départementales donnent la nomination des membres de l'assemblée primaire du canton de Saint-Sauflieu en mai 1790 (Série L 340) et montrent que Louis Piat représente la commune d'Oresmaux, de même que Jacques Boulfroy Sanson, également d'Oresmaux ; Ils ont été nommés et choisis pour électeurs au scrutin de liste double et à la pluralité absolue des suffrages pour ladite assemblée primaire, l'extrait du registre est daté du 27 mai 1790. Plus tard, dans sa séance du 8 primaire an 4 (30 novembre 1795), Louis Piat présente une «pétition expositive» que depuis le temps de la Terreur et de la tyrannie révolutionnaire, il a été spolié de son emploi et remplacé par le citoyen Gargault, ce qui est reconnu par les habitants de la commune, et que les enfants souffrent de l'incapacité dudit Gargault. Le fait est délibéré, ouï le commissaire provisoire du Directoire exécutif l'administration municipale, pensant que l'éducation de la jeunesse est la base fondamentale des leçons basées sur les principes de la nature, qu'elle souffre à Oresmaux, du peu de zèle et de savoir de l'instituteur Gargault ; en conséquence, son école est désertée, tandis que celle de Louis Piat, qui n'est pas encore avouée, est très considérable ; par conséquent, l'Assemblée de Saint- Sauflieu invite le département à réintégrer Louis Piat dans ses fonctions d'instituteur public de la commune d'Oresmaux ; elle arrête de l'inviter à le proposer en cette qualité au juré d'instruction publique établi à Amiens et d'y subir l'examen qu'il croira lui être fait ... Cela montre que Louis Piat a été suspendu de son emploi, mais qu'il a gardé la confiance des habitants d'Oresmaux et de l'Assemblée de Saint- Sauflieu. Le 23 nivôse an 4 (13 janvier 96) cette assemblée considère qu'il est juste de rendre au citoyen Piat son emploi, qu'il a exercé pendant treize années, de 1779 à 1792, et que c'est la Terreur qui l'en a privé. Elle accepte la démission de Nicolas Gargault. Au cours de la même séance, l'assemblée maintient Marie-Thérèse Gargault dans ses fonctions d'institutrice et repousse la candidature de Françoise Douchet proposée par le jury d'Amiens. Elle propose le citoyen Louis Piat à l'assemblée de Saint-Sauflieu, conformément à l'article 188 de la Constitution, en remplacement de Jean Follet, démissionnaire, jusqu'aux élections suivantes et le prie d'accepter sa nomination, tout en enjoignant Follet de remplir la fonction d'adjoint. Nous constatons donc qu'à cette époque, Louis Piat jouit de la confiance des citoyens de la commune et de l'administration centrale. Mais dans sa séance du 29 messidor an 4 (17 juillet 96) un membre de l'Assemblée dénonce le cumul de fonctions de Louis Piat, comme instituteur et percepteur des contributions publiques de sa commune, et qu'il y a incompatibilité dans l'exercice de ces fonctions, au terme de la loi du 1er décembre 1790. Considérant la véracité des faits, l'assemblée arrête de nommer Julien Joron comme membre de cette municipalité. A la suite de la séance du 25 fructidor 1796, Louis Piat démissionne de sa fonction d'agent municipal, désirant garder celle d'instituteur.
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