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Le Jeu de Paume fête ses 20 ans de cinéma !

mars – juin 2011

i auditorium 20 ans de cinéma au Jeu de Paume : La réflexion critique s’est aussi invitée au un inventaire contemporain Jeu de Paume avec le lancement de la revue En 1991, l’ouverture du Jeu de Paume, Trafic par Serge Daney, suivi des projections de alors Galerie nationale consacrée à films rares ou films cultes (Adolfo Arrieta, James l’art contemporain, engendre l’invention Agee, Monte Hellman, João César Monteiro, impromptue d’une salle de projection et d’une Sergueï Paradjanov…), commentées par Paul programmation de cinéma dont le ton et la Otchakovsky-Laurens, son éditeur, et Raymond direction vont être vite donnés malgré – ou Bellour, Jean-Claude Biette, Sylvie Pierre et grâce à – un mélange des genres, des points Patrice Rollet, ses rédacteurs. Ces rendez-vous se de vue et des disciplines. renouvellent par la suite avec la revue Cinéma, Une conversation avec l’artiste canadien Léo Scheer, son éditeur, et ses rédacteurs, et plus Stan Douglas, premier vidéaste exposé tard avec la revue Vertigo et Cyril Neyrat autour au Jeu de Paume, suggère l’idée de la d’Albert Serra, Todd Haynes, Bob Dylan. programmation d’ouverture : les pièces de Dès 2002, les « Inventaires contemporains » réalisées pour la télévision cherchent à mettre en évidence les liens entre les allemande et inédites en France. arts plastiques et le cinéma décliné sous toutes C’est ensuite avec Arthur Pelechian et Jonas ses formes par de jeunes artistes, vidéastes, Mekas que naît l’habitude d’inviter les cinéastes cinéastes… C’est ainsi qu’on découvre les films à venir présenter leurs films ou d’ouvrir leur et les vidéos de Pierre Alféri, Alice Anderson, rétrospective – souvent la première en France ou Erik Bullot, Hélène Delprat, Arnaud des à –, comme celles d’Atom Egoyan, Patrick Pallières, Vincent Dieutre, Camille Henrot, Isilde Bokanowski, Edgardo Cozarinsky, Lionel Rogosin, Le Besco, Henri Foucault, Mounir Fatmi, Keja Jean-Claude Biette, André S. Labarthe, Yervant Kramer, Lech Majewski, Ariane Michel, Valérie Gianikian et Angela Ricci Lucchi, Harun Farocki, Mrejen, Leighton Pierce, Rafi Pitts, Anri Sala, Jean Rouch – qui pendant près de deux mois Karim Zeriahen… Liens avec les arts plastiques vient commenter ses films tous les soirs –, Pierre également établis avec les films de leurs illustres Perrault, Otar Iosseliani, Yoko Ono, Anne-Marie aînés, Marcel Broodthaers, Martial Raysse, Erró, Miéville, Alain Fleischer, le chorégraphe Angelin Robert Frank ou William Kentridge, projetés en Preljocaj, Philippe Collin, Johan Van der Keuken – complément de leurs expositions. sujet central du Mois de la Photo de 1998 –, Par ailleurs, les correspondances entre Jean‑André Fieschi, Pierre Léon et Vladimir la programmation du cinéma et les installations Léon, Daniel Schmid, Naomi Kawase – après sa de cinéastes a commencé dès l’ouverture du Caméra d’or au Festival de Cannes –, Nurith Aviv, Jeu de Paume avec L’Expulsion des Maures, Marc Recha, Robert Cahen, Vittorio de Seta…. l’installation de Raoul Ruiz, qui occupait tous les Avec des cinéastes encore peu montrés ou des espaces du sous-sol, puis avec D’Est de Chantal rétrospectives jusqu’alors jamais envisagées, se Akerman, présentée au premier étage pendant crée la particularité d’une programmation de la rétrospective de ses films. familles de cinéastes dont les œuvres relèvent Après 20 ans, se dessinent les lignes de de formats différents comme le documentaire, force et les points de convergence de ce qui la fiction et surtout le genre, peu repéré, des n’apparaissait au départ comme intuitions, goûts « essais cinématographiques », dont ceux de et opportunités : mettre en valeur des familles de Jean-Luc Godard, qui firent l’objet, en 1997, cinéastes, méconnus en France et parfois même d’une séance mémorable par sa présence dans leur pays d’origine, à travers leurs présences imprévue, un soir de neige. et leurs œuvres, croiser ces rétrospectives avec La collaboration avec le Festival d’automne, d’autres disciplines artistiques, donner la parole à à partir de 1995, donne l’occasion de faire des critiques, des écrivains, des historiens de l’art, découvrir à Paris les œuvres complètes d’artistes des philosophes – ainsi Jean Narboni, Jacques comme Rebecca Horn et de cinéastes comme Aumont, Jean Louis Schefer, Hubert Damisch, Carmelo Bene – qui, parallèlement, met en Georges Didi‑Huberman, Peter Szendy… et scène Macbeth au théâtre de l’Odéon –, Shinji bien d’autres sont devenus des familiers du Aoyama, James Benning ou Alexandre Sokourov. Jeu de Paume. Tout ce qui semblait innovations, propositions programme originales, choix singuliers est aujourd’hui tendance générale dans les lieux de diffusion quasiment instantanée de « l’image en Chantal Akerman mouvement » (salles de cinéma, festivals, musées, z Toute une nuit galeries, Internet et même téléphone portable). France-Belgique, 1982, 35 mm, couleur, 90’ Il n’en reste pas moins que le Jeu de Paume, avec Aurore Clement, Tchéky Karyo, Christiane Cohendy, celui des débuts comme celui dévolu depuis Jan Decorte, Hélène Lapiower, Véronique Silver, 2004 à la photographie et à l’image, est Samy Szlingerbaum, Natalia Akerman, souvent évoqué, en France et à l’étranger, Benedicte Paquay, Gabriele Claes comme un lieu de découvertes et de révélations Dans la touffeur d’une nuit d’été, à travers les cinématographiques. rues de Bruxelles, dans les cafés, les chambres, Comment rendre compte de plus de les cages d’escalier, des couples se croisent, 140 programmes sinon à travers une quinzaine se séparent, se retrouvent, s’étreignent, se de rendez-vous, certains évoquant des fuient en un ballet indécis, à la fois exaspéré découvertes étonnantes pour tous, comme le et fragile. Jusqu’au petit matin, la ville livre travail insoupçonné de Samuel Beckett pour la ces fragments de scènes amoureuses : télévision, d’autres rappelant les rétrospectives rencontres, retrouvailles et ruptures. « La nuit dont le travail de préparation a donné naissance est plus longue que le désir, la caméra est à une fidélité admirative et amicale, comme ceux plus patiente que la nuit, la ville se réveille : avec Chantal Akerman, Edgardo Cozarinsky, Bruxelles va brusseler. » (Serge Daney, les Gianikian, Jonas Mekas, Wang Bing ou Ciné-journal, éd. Cahiers du cinéma) Manoel de Oliveira (qui, à 102 ans, tenait à venir fêter les 20 ans du cinéma du Jeu de Paume) et, enfin, un dernier rendez-vous pour honorer Jean-Claude Biette, Jean-André Fieschi, Jean Rouch, Johan Van der Keuken, autant de cinéastes qui, au Jeu de Paume, ont accompagné leur première rétrospective de leur présence quotidienne. En hommage à leur goût commun d’une vie créative, offerte à travers leurs œuvres, nous avons choisi de présenter Trois Ponts sur la rivière de Jean‑Claude Biette. Danièle Hibon

Toute une nuit de Chantal Akerman, 1982 © Cahiers du cinéma w

Samuel Beckett z Film 1966, 35 mm, noir et blanc, silencieux (un son), 30’ scénario et direction : Samuel Beckett mise en scène : Alain Schneider avec Buster Keaton Esse est percipi, « être c’est être perçu », disait le philosophe Berkeley. Film est l’histoire de « la recherche du non-être par suppression de toute perception de soi », écrit Beckett. Le personnage O (Buster Keaton) « s’efforce de ne pas être vu » et se précipite aveuglément dans une course « allant du maximum d’exposition à l’intérieur, d’enfermement, d’isolement dans sa chambre, cet endroit qui est un piège préparé. » Film, « le plus grand film irlandais », selon Gille Deleuze. z Pièces pour la télévision direction : Samuel Beckett directeur de la photo : Jim Lewis production : SDR Production « Beckett saisit immédiatement ce qui dans la télévision rencontre son écriture : la continuité fluide, le ressassement hémorragique. C’est le propre de l’enregistrement de la télévision que de proposer cet état de “voyeurisme” interminable, sans coupure, sans changement de plans, sans variation du point de vue afin de “ne pas explorer mais simplement regarder”. De ce fait, Beckett comprend bien la caractéristique de la caméra de télévision qui peut, plus encore que celle du cinéma, être mobile, “subreptice ou fulgurante”. “Elle avance ou recule pour se trouver aux endroits déterminés afin d’obtenir les points fixes les plus significatifs”, dit-il encore Film de Samuel Beckett, 1966 à propos de Ghost Trio… Film avec le concours muet, bien entendu, de Buster Keaton ou sont exemplaires de ces métaphores rendues l’inventaire. Puis elle introduit le protagoniste : concrètes à l’image en échappant aux pesanteurs un vieil homme penché sur un objet… De l’objet de la langue, qu’il a tant traquées par ailleurs. (un magnétophone) s’échappe un passage du La télévision, cet “œil sauvage” selon Beckett, trio Fantôme de Beethoven. Le visage ravagé du aurait‑elle été pour lui l’occasion de règlements de vieil homme se relève puis disparaît en fondu. compte inattendus avec le théâtre ? » (Jim Lewis) But the Clouds Ghost Trio 1977, vidéo, noir et blanc, 15’46’’, vo allemande 1977, vidéo, noir et blanc, 31’30’’, vo allemande Comme dans Ghost Trio, la voix introduit les Une voix féminine accueille le téléspectateur, éléments de l’image, puis se tait pour laisser ce n’est plus la voix intérieure de Eh Joe, c’est l’image parler seule. Ici la voix s’exprime à la la voix objective du maître de cérémonie première personne du singulier : c’est celle qui décrit l’intérieur de la chambre, en fait d’un vieil homme qui rentre chez lui, enlève son w

manteau, met sa robe de chambre et s’installe personnages : au théâtre on voit apparaître pour tenter d’évoquer le visage de la femme quatre personnages, Bam, Bem, Bim et Bom, aimée. C’est alors que le visage aimé apparaît en robe grise et cheveux gris. À la télévision, en gros plan, ses lèvres murmurent et nous Bam, le personnage qui se souvient est un entendons le vieil homme répéter ces mots grand visage, assez flou, à gauche de l’écran. murmurés, issus de la fin d’un poème de Yeats Les autres sont des têtes à l’ovale précis, sans évoquant les êtres qui ne sont plus : oreilles et sans cheveux, qui apparaissent et « Que nuages passant dans le ciel disparaissent à droite de l’écran, au gré des Lorsque l’horizon pâlit, souvenirs de Bam qui conclue : « je suis seul, Ou le cri de l’oiseau qui sommeille comprenne qui pourra, j’éteins » ; la mémoire Parmi les ombres appesanties » s’arrête et Bam s’éteint littéralement.

Quad 1981, vidéo, noir et blanc, 15’, sonore Autre « poème visuel » développé à partir du Film de Samuel Beckett, 1966 tracé d’un trajet, carré occupé dans ses angles par quatre mimes. Ceux-ci vont parcourir à tour de rôle autant de trajets possibles, en suivant les droites et les diagonales et en se croisant. Le fait d’éviter de se croiser au centre peut être interprété comme un interdit ou comme un danger mortel. Cette situation provoque un état de tension et d’épouvante. Beckett a nommé cela « un quadrilatère de détention ». Est-ce la métaphore de la destinée humaine du point de vue objectif de la caméra fixe ? Maintes hypothèses d’interprétation naissent de ce spectacle drôle et terrifiant.

Nacht und Träume 1983, vidéo, noir et blanc, 12’, sonore Ce titre est celui d’un des derniers lieds de Schubert. La scène se déroule dans une chambre sombre et vide, éclairée seulement par le rectangle d’une fenêtre haut perchée. Un vieil homme assis est penché sur une table. « Reviens ô sainte nuit, beaux rêves, revenez aussi. » Sur ces dernières mesures, sur ces mots murmurés apparaît dans le coin droit de l’écran le « soi-même rêvé » du rêveur… On entend de nouveau la musique, l’image du rêve occupe alors l’écran entier… Après la série de tous les mouvements répétés au ralenti et en gros plan, l’image du « soi-même rêvé» disparaît, puis celle du rêveur. Ce « poème visuel » montre une compassion assez rare dans l’œuvre de Beckett.

What Where 1986, vidéo, noir et blanc, 15’43’’, vo allemande La transposition du théâtre à la télévision a amené Beckett à transformer la présence des w

Jean-Claude Biette z Trois Ponts sur la rivière France-Portugal, 1998, 35 mm, couleur, 119’ avec Mathieu Amalric, Jeanne Balibar, Michèle Moretti Arthur, professeur d’histoire angoissé et fragile, qui doute et s’inquiète de tout, se décide à faire un voyage à Lisbonne pour rencontrer l’éminent historien à l’origine de sa thèse. Claire, qu’il a quittée il y a quelque temps et qu’il vient de revoir, va devenir la partenaire idéale pour L’Argent du charbon de Wang Bing, 2009 ce voyage de la seconde chance d’un couple qui n’avait pas tout à fait épuisé son potentiel d’affinités. Grand cinéphile, Jean-Claude Biette, qui a collaboré pendant une vingtaine d’années aux Cahiers du cinéma, puis à Trafic avec Serge Daney et a été assistant-réalisateur de Pier Paolo Pasolini, est considéré, lors de la sortie de Trois Ponts sur la rivière, comme « le plus original du cinéma français du moment. Biette ne cessera de le confirmer avec des films dont le peu d’audience est compensé au centuple par l’admiration qu’ils suscitent chez L’Argent du charbon de Wang Bing, 2009 les amateurs » (Jean Roy, L’Humanité). Wang Bing z L’Argent du charbon [Coal Money] Trois Ponts sur la rivière de Jean-Claude Biette, 1998 France, 2009, vidéo, couleur, 53’, vo st français Un film de la collection « L’Usage du monde », dirigée par Stéphane Breton Sur la route du charbon, qui va des mines du Shanxi au grand port de Tianjin, en Chine du Nord, des chauffeurs au volant de camions de cent tonnes chargés jusqu’à la gueule font la noria, de nuit et de jour. Au bord de la route : prostituées, flics, rançonneurs à la petite semaine, garagistes, mécaniciens… Une réflexion sur la Chine d’aujourd’hui, livrée à la loi sauvage du marché. Jeune cinéaste révélé en 2003 par son magistral À l’ouest des rails, documentaire de neuf heures sur une zone industrielle en cours de démantèlement, Wang Bing réapparaît au Festival de Cannes avec Feng Ming, chronique d’une femme chinoise en 2007, puis à Paris, galerie Chantal Crousel avec L’Homme sans nom, en 2009.

z Le Fossé Chine, 2010, 35 mm, couleur, 109’, vo st français inédit À la fin des années 1950, le gouvernement w

chinois expédie aux travaux forcés des milliers d’hommes, considérés comme droitiers au regard de leur passé ou de leurs critiques envers le Parti communiste. Déportés au nord‑ouest du pays, en plein désert de Gobi et à des milliers de kilomètres de leurs familles pour être rééduqués, ils sont confrontés au dénuement le plus total. Un grand nombre d’entre eux succombent face à la dureté du travail physique puis à la pénurie de nourriture et aux rigueurs climatiques. Le Fossé raconte leur destin – l’extrême de la condition humaine.

Le Fossé de Wang Bing, 2010

Pola X de Leos Carax, 1999 © Cahiers du cinéma

Leos Carax z Pola X France, 1999, 35 mm, couleur, 140’ avec Guillaume Depardieu, Yekaterina Golubeva, Catherine Deneuve, Laurent Lucas, Sharunas Bartas, Delphine Chuillot, Patachou Pierre, écrivain, mène une vie tranquille avec Marie, sa mère, dans le luxe d’un château de Normandie. Il est amoureux de Lucie à qui il rend visite chaque matin. Cependant, Pierre vit dans la hantise d’une vision de femme inconnue. Une nuit, Marie annonce à son fils qu’elle a fixé la date de son mariage avec Lucie. C’est alors qu’il rencontre en forêt la femme inconnue qui hantait ses rêves, Isabelle. Celle-ci lui annonce qu’elle est sa sœur et qu’elle vient d’un pays de l’Est où le père de Pierre était diplomate. Pierre laisse tout tomber pour partir vivre avec elle. Inspiré de Pierre ou les Ambiguïtés de Herman Melville, cette version longue pour la télévision affirme de nouveau le lyrisme noir de ce cinéaste révélé par le film culte des années 1980, Boy Meets Girl, puis Mauvais Sang et consacré en 1991 par le flamboyantLes Amants du Pont Neuf avec Juliette Binoche et Denis Lavant. w

Edgardo Cozarinsky z Le Violon de Rothschild France-Suisse-Finlande-Hongrie, 1996, 35 mm, couleur, 101’ avec Dainius Kazlauskas, Tonu Kark, Tarmo Mannard, Tamara Solodnikova, Kaljo Kiisk Un jeune étudiant du conservatoire, Benjamin Fleischmann, choisit un récit de Tchekhov pour en tirer un opéra en un acte qu’il compose sous la houlette de son professeur, Dmitri

Chostakovitch qui, critiqué par les commissaires L’Argent du charbon de Wang Bing, 2009 culturels, cherche refuge dans l’enseignement. Le jeune homme est tué pendant la guerre. Chostakovitch décide alors d’orchestrer l’opéra inachevé de son élève, afin d’honorer sa mémoire. Le Violon de Rothschild, après La Guerre d’un seul homme – à partir des Journaux parisiens d’Ernest Jünger – et Autoportrait d’un inconnu, sur Jean Cocteau, confirme le talent de ce cinéaste et écrivain qui, né à Buenos Aires, s’est fixé à Paris en 1974. z Notes pour une biographie imaginaire [Apuntes para una biografia imaginaria] Argentine, 2010, vidéo, couleur, 60’, vo st anglais inédit Manoel de Oliveira scénario et réalisation : Edgardo Cozarinsky z Benilde ou la Vierge Mère musique originale : Ulises Conti Portugal, 1974, 35 mm, couleur, 110’, vo st français production : Constanza Sanz-Palacios avec Amelia Aranda, Jorge Bolla, Jacinto Ramos En paraphrase de Borges, on pourrait proposer Le Portugal en 1930. Une jeune femme, Benilde, cette fable : un cinéaste a vécu en cueillant vit retirée dans une maison en compagnie des images, des mots, des musiques. Un jour, d’une servante et de trois hommes, son père il reconnaît dans cette collection de fragments, et deux amis de la famille. Benilde attend un où l’Histoire dialogue avec les destinées enfant mais affirme qu’elle est vierge et que son individuelles et leur douleur muette, son propre enfant est de Dieu. Ainsi, au lieu de se révolter portrait. De Paris à Saigon, de Moscou à contre l’enseignement familial du catholicisme, Tanger, en revenant toujours à Buenos Aires, la jeune femme déshonorée trouve refuge dans à travers guerres et fêtes, exils et danse, le film la sainteté. « Oserais-je dire : au mépris de s’engage dans un parcours non linéaire, non l’histoire enregistrée où Manoel de Oliveira a chronologique, celui de l’imaginaire et des préservé tout le mystère des causes narratives, affects. Avec une grande liberté pour rendre ce film de culture catholique représente avec documentaire la fiction et dénicher la part une douceur de fait (une placidité du règlement de fiction dans le document, le film mélange coutumier), une insensible véhémence de tournages nouveaux et images d’archives dans l’énonciation théâtrale, le grand symptôme le but de rendre présent le passé, de mettre en catholique et le scandale féminin qui est dialogue les vivants avec les morts. celui de la virginité des mères ? L’hystérie catholique est la virginité perpétuelle des femmes. Les hommes sont à la place du désir, non de l’objet ; ils ont donc un savoir de la

Le Violon de Rothschild d’Edgardo Cozarinsky, 1996 cause. Les femmes sont l’aveuglement ou la Notes pour une biographie imaginaire d’Edgardo Cozarinsky, 2010 passion du symptôme. » (Jean Louis Schefer, Benilde ou le Théâtre des passions, programme « Un été portugais », Galerie nationale du Jeu de Paume, 1997) z Je rentre à la maison France-Portugal, 2001, 35 mm, couleur, 90’ avec Michel Piccoli, Catherine Deneuve, Antoine Chappey, Leonor Baldaque, Leonor Silveira, John Malkovich Gilbert Valence est un comédien de théâtre, son talent et sa longue carrière lui ont valu les plus grands rôles. Un soir, à l’issue de la représentation, la tragédie entre dans sa vie ; son agent et vieil ami, George, lui apprend qu’un accident de la route vient de coûter la vie à sa femme, sa fille et son beau-fils. Le temps passe, la vie recouvre ses droits. Gilbert Valence se partage désormais entre son petit-fils qu’il adore et le théâtre… « Oliveira taquine le dérèglement, le vieillissement, la perte de la mémoire. Et c’est presque avec des yeux d’enfant, où se mêlent la peur et l’étonnement inconsolable, qu’il le fait. L’insolente santé (faut-il encore rappeler son âge ? Allez, on ne résiste pas : 93 ans !) d’Oliveira vient aussi de là : sa capacité à jouer de sa vieillesse, à prendre congé, à envoyer tout paître, comme un enfant indiscipliné. Tout ça donne furieusement envie d’être comme lui : un philosophe facétieux devant la mort et qui, ultime pirouette, s’avère bouleversant. » (Jacques Morice, septembre 2001)

Ritwik Ghatak z Subarnarekha Inde, 1962, 35 mm, noir et blanc, 143’, vo st français Ritwik Ghatak (1925-1976) est avec Satyajit Ray l’un des principaux représentants du cinéma indien du XXe siècle. L’histoire qu’il met en scène débute en 1948 après la dramatique partition du Bengale. Avec leur déracinement, des millions de personnes ont perdu tout lien avec la vie. Dans ce contexte, nous suivons lshwar, sa jeune sœur Sita et le petit Abhiram. Cette petite famille permet à Ghatak de développer un thème qui l’a hanté toute sa vie : le déracinement, les réfugiés de la partition.

Benilde ou la Vierge Mère de Manoel de Oliveira, 1974 Je rentre à la maison de Manoel de Oliveira, 2001 Surbarnarekha de Ritwit Ghatak, 1962 Surbarnarekha de Ritwit Ghatak, 1962 en Russie. Avec notre “caméra analytique”, nous avons “réélaboré”, à partir de matériaux rares, des images d’archives retrouvées autour des avant‑gardes russes. Le film sera un vaste document enregistré pendant la chute de l’Union soviétique avec les portraits des derniers témoins d’une histoire artistique que personne n’a fixée et qui ont maintenant disparu. » (Yervant Gianikian)

Les Chevaux de feu de Sergueï Paradjanov, 1964 Jonas Mekas z Celebration of Paris Yervant Gianikian États-Unis, 2011, vidéo, noir et blanc et couleur et Angela Ricci Lucchi inédit Nés en 1942, Yervant Gianikian étudie Depuis son premier voyage en 1964, Jonas l’architecture à Venise et Angela Ricci Lucchi Mekas – ce cinéaste né en Lithuanie en 1922, la peinture à Vienne. Tous deux travaillent installé aux États-Unis depuis 1949, auquel le ensemble depuis les années 1970. Leurs travaux Jeu de Paume a rendu hommage en 1992, et ont été présentés dans les plus importants reconnu dans le monde entier comme la figure musées et cinémathèques du monde. tutélaire du cinéma expérimental – a filmé la ville de Paris lors de tous ses séjours. À l’occasion z Dancing in the Dark des 20 ans de cinéma du Jeu de Paume, il a Italie, 2009, vidéo, couleur, 60’, sonore, st italien et anglais décidé de retrouver dans les centaines d’heures inédit en france de pellicule les passages filmés à Paris. Des « Ne pas déplorer, ne pas rire, ne pas détester, moments rares de la petite histoire des arts et mais comprendre. » (Spinoza) lettres entre Paris et New York… « Durant l’été 1989, nous regardons et filmons les derniers Festivals de L’Unità, avant la chute du mur de Berlin, dans différents petits villages Sergueï Paradjanov de la Romagna, sur la “Ligne Gothique” de la z Les Chevaux de feu Seconde Guerre mondiale, les lieux de Paisà URSS, 1964, 35 mm, couleur, 97’, vo st français de Roberto Rossellini. Un portrait d’un “peuple Œuvre la plus connue de Paradjanov, ce film disparu” qui danse. » (Yervant Gianikian) rappelle par sa modernité que son auteur est issu de la VGIK, grande école de cinéma de z Notes sur nos voyages en Russie Moscou, et, par son thème, l’attachement du [Viaggi in Russia] poète-cinéaste aux légendes des terres où il est Italie , 2010, vidéo, couleur 15’, voix off en français né (la Géorgie), où il a filmé (l’Ukraine), et où il inédit en France est mort (l’Arménie). Au début du XXe siècle, dans Ces Notes sont composées d’aquarelles les Carpates, deux familles de Goutzouls, les d’Angela Ricci Lucchi, des « instantanés » Palitchouk et les Gouténiouk, se détestent depuis pour le film définitif de 90’, encore en cours des générations. Mais Ivanko Palitchouk et d’élaboration. Ces dessins évoquent les Maritchka Gouténiouk, qui ont grandi ensemble personnages de Notes sur nos voyages en Russie, depuis l’enfance, sont devenus inséparables film dédié au grand poète Ossip Mandelstam : et projettent de se marier en dépit de Nina Berberova, Anna Achmatova, l’antagonisme de leurs familles. La veille de leurs Kozinceva, Grigorij Kozintzev, Mejerhold, noces, Ivan doit partir travailler comme valet Chaliapine, Israel Metter, Semion Aranovic… dans les alpages. Maritchka, qui ne veut pas « En 1989‑1990, nous avons filmé en 16 mm l’attendre tout l’hiver, cherche à le rejoindre dans à Saint-Pétersbourg les derniers survivants la montagne. Voulant sauver un agneau égaré, des avant-gardes des années 1930 et 1940 elle se tue en tombant dans une rivière… calendrier sous réserve de modifications mardi 8 mars, 19 h mardi 19 avril, 19 h soirée d’ouverture z Notes pour une biographie imaginaire (inédit) z Le Fossé (inédit) de Wang Bing, 109’, d’Edgardo Cozarinsky, 60’, vo st anglais, vo st français, présenté par Philippe Avril en présence du cinéaste (Les films de l’Étranger), producteur du film dimanche 24 avril, 17 h dimanche 13 mars, 17 h z Le Violon de Rothschild z L’Argent du charbon de Wang Bing, 53’, d’Edgardo Cozarinsky, 101’ vo st français mardi 26 avril, 19 h samedi 9 avril z Benilde ou la Vierge Mère week-end carte blanche de Manoel de Oliveira, 110’, vo st français, aux Cahiers du cinéma présenté par Jean Louis Schefer un choix parmi la programmation « Le Jeu de Paume fête ses 20 ans de cinéma ! » mardi 3 mai, 19 h 14 h z Trois Ponts sur la rivière z Subarnarekha de Ritwik Ghatak, 143’, de Jean-Claude Biette, 119’ vo st français, présenté par Stéphane Delorme et Jean-Philippe Tessé mardi 7 juin, 19 h 17 h 30 z Notes sur nos voyages en Russie z Pola X de Leos Carax, 140’, présenté par (inédit en France), de Yervant Gianikian Stéphane Delorme et Jean-Philippe Tessé, et Angela Ricci Lucchi, 15’, voix off en français, en présence du cinéaste (sous réserve) en présence des cinéastes z Dancing in the Dark (inédit en France) dimanche 10 avril de Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi, 14 h 60’, sonore, st italient et anglais, en présence z Les Chevaux de feu de Sergueï Paradjanov, 97’, des cinéastes vo st français, présenté par Jean-Charles Hue, en présence de Stéphane Delorme et mardi 14 juin, 19 h Jean‑Philippe Tessé z Celebration of Paris (inédit) de Jonas Mekas, 18 h en présence du cinéaste z Toute une nuit de Chantal Akerman, 90’, en présence de la cinéaste, Caroline Champetier, Aurore Clément, Stéphane Delorme et Jean‑Philippe Tessé mardi 12 avril, 19 h z Je rentre à la maison de Manoel de Oliveira, 90’ dimanche 17 avril, 17 h z Film, 30’, suivi de pièces pour la télévision (Ghost Trio, 31’30’’ ; But the Clouds, 15’46’’; Quad, 15’ ; Nacht und Träume, 12’ ; , 15’43’’) de Samuel Beckett

Notes sur nos voyages en Russie de Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi, 2010 auditorium du Jeu de Paume 1, place de la Concorde 75008 Paris www.jeudepaume.org renseignements : 01 47 03 12 50 / [email protected] tarifs : 3 € la séance / gratuit sur présentation du billet d’entrée aux expositions (valable uniquement le jour de l’achat) et pour les abonnés remerciements Nous tenons à remercier tous les cinéastes, artistes et cinéphiles, producteurs et distributeurs, équipes de festivals et de cinémathèques, tous les amis du cinéma à travers le monde qui nous ont aidé, pendant 20 ans, à inventer et construire cette présence du cinéma au Jeu de Paume ainsi que la Cinémathèque française. une programmation proposée par Danièle Hibon avec la collaboration de Marie-Jo Malvoisin

Le Jeu de Paume est subventionné par le ministère de la Culture et de la Communication.

Il bénéficie du soutien de Neuflize Vie, mécène principal.

Les Amis du Jeu de Paume contribuent à ses activités. de Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi, 2009

mise en page : Suzanne Hardy-Neuville © éditions du Jeu de Paume, Paris, 2011 Dancing in the Dark

Celebration of Paris de Jonas Mekas, 2011