Les Rentrées Littéraires Et Madame Filippetti, Ministre De La Culture Et Romancière Roberto Gac
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Document generated on 09/24/2021 11:50 p.m. Sens public Les rentrées littéraires et Madame Filippetti, Ministre de la Culture et romancière Roberto Gac Repenser le numérique au 21ème siècle 2014 URI: https://id.erudit.org/iderudit/1052392ar DOI: https://doi.org/10.7202/1052392ar See table of contents Publisher(s) Département des littératures de langue française ISSN 2104-3272 (digital) Explore this journal Cite this document Gac, R. (2014). Les rentrées littéraires et Madame Filippetti, Ministre de la Culture et romancière. Sens public. https://doi.org/10.7202/1052392ar Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (CC BY-NC-SA 4.0) Sens-Public, 2014 (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Revue internationale International Web Journal www.sens-public.org Les rentrées littéraires et Madame Filippetti, Ministre de la Culture et romancière ROBERTO GAC Résumé: La corruption du milieu politique et du milieu littéraire dénoncée par Balzac dans son pamphlet Monographie de la presse parisienne (1843) est toujours d'actualité. Aujourd'hui, les règles du milieu surnommé « germanopratin » (composé des éditeurs situés principalement dans le faubourg Saint-Germain, ainsi que de leur cour de journalistes, critiques, politiciens et romanciers édités par eux) expliquent en grande partie la décadence de la littérature narrative française. Mais une nouvelle littérature, indépendante des influences commerciales et du jeu des classes sociales est désormais possible grâce à la révolution cybernétique. Mots-clés: pamphlet – Balzac – Filippetti – ministre – cybernétique – révolution – autoédition – germanopratin Resumen: La corrupción del mundo político y literario denunciada por Balzac en su panfleto Monografía de la prensa parisina (1843 ) sigue de actualidad. Hoy día las reglas del mundillo «germanopratin » (compuesto por los editores instalados principalmente en el barrio Saint- Germain de París, así como su corte de periodistas, críticos, políticos y novelistas publicados por ellos) explican en buena medida la decadencia de la narrativa francesa. Sin embargo, una nueva literatura, independiente de las influencias comerciales y del juego de las clases sociales, es ahora posible gracias a la revolución cibernética. Contact : [email protected] Les rentrées littéraires et Madame Filippetti, Ministre de la Culture et romancière Roberto Gac « On n’ose point dire les choses comme elles sont. Ni l’opposition ni le Ministère n’écrivent l’Histoire. » BALZAC. Monographie de la Presse parisienne. omme le veut la tradition, les nouvelles rentrées littéraires 2013-2014 ont ouvert les portes au déferlement de centaines de romans français et étrangers, sorte de Ctsunami romanesque relayé bruyamment par les médias. Un demi millier de titres en septembre 2013, autant en janvier 2014. La tradition veut aussi que les critiques s'étonnent du peu de nouveauté des ouvrages présentés, aussi bien pour la rentrée d'automne et ses Grands Prix, que pour la rentrée d'hiver, réputée « sérieuse » car Hors Prix et réservée de préférence aux auteurs déjà récompensés au moins par un petit prix. Ceci, en attendant la rentrée d'été dite « rentrée des plages », ouverte aux romans best-sellers à vil prix, au sens propre comme au figuré. C'est quelque peu rébarbatif et d'un ennui sans fin. De temps à autre un critique a l'audace, savamment calculée pour ne pas trop indisposer les éditeurs de romans, de remettre en question la vitalité du roman comme genre narratif. Cela émeut comme il se doit le milieu germanopratin, lui-même composé principalement de romanciers et d'éditeurs de romans. Après quelques échauffourées bon chic bon genre, tout rentre dans l'ordre et, si on est en automne, on passe à l’attribution des fameux grands prix, concoctée d'avance dans les meilleurs restaurants de Paris. Ensuite, après les cocktails et les réjouissances de rigueur, on affichera les chiffres des ventes, réelles ou supposées, comme preuves de la qualité esthétique et éthique des ouvrages récompensés. « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes », pourrait-on dire en paraphrasant, à leur insu, Leibniz et Voltaire. « Indignez-vous ! », aurait rétorqué Stephan Hessel, décédé paisiblement en février 2013, avant le brouhaha de la rentrée la plus snob et criarde, celle de septembre-octobre, qui précède de peu l’arrivée, bien plus sympathique et populaire, du Beaujolais nouveau. Balzac, auteur du célèbre pamphlet Monographie de la presse parisienne (1843), serait sans doute étonné de voir que, presque deux siècles après sa dénonciation de la corruption du milieu politique et littéraire parisien, rien n'a changé. Au contraire, tout a empiré. Tant pis pour la presse et pour la littérature française, tant pis pour le pauvre lecteur de journaux et de romans, de plus Article publié en ligne : 2014/01 http://www.sens-public.org/article.php3?id_article=1054 © Sens Public | 2 ROBERTO GAC Les rentrées littéraires et Madame Filippetti, Ministre de la Culture et romancière en plus poussé vers la littérature de divertissement : le roman noir, la science-fiction, les romans illustrés, les romans porno, etc. Pour sûr, il faut rendre hommage une fois de plus à Balzac, qui savait apprécier le pamphlet comme genre littéraire1. Dans sa dénonciation de la presse, au-delà des pastiches des journalistes et des critiques de son époque (mais, en quelque sorte, aussi de la nôtre), il mit l'accent sur un phénomène aussi singulier que fondamental: la concordance entre le journalisme littéraire et le journalisme politique, reflet de la corrélation entre la politique et la littérature depuis la Grèce ancienne. Madame Aurélie Filippetti, actuelle Ministre de la Culture mais aussi romancière (pour le moment sans prix), est là pour en témoigner. Revenons aux rentrées littéraires et au roman : l'essentiel pour les éditeurs est de vendre, et pour les romanciers primés, d'encaisser de juteux chèques. La littérature, « une des voies royales pour l’accomplissement de chacun » comme le signale en bon prophète Tzvetan Todorov dans son ouvrage La littérature en péril, n’est devenue qu’un prétexte pour faire de l’argent2. Bien entendu, ceux qui osent questionner cet ordre des choses sont des écrivains ratés, jaloux et ignorants, qui ne comprennent rien à la littérature haut de gamme et de bon goût. Or, voici que dans ce mécanisme parfaitement rodé et commercialement efficace (du moins pour les éditeurs et les écrivains ayant reçu la « Légion d'Honneur de l'Ordre des Gendelettres », si bien moquée par Balzac), s'est glissé un grain de sable : l'autoédition via Internet, pépin inattendu qui menace de mettre par terre l'establishment édito-littéraire. Effectivement, de même que l’avènement du CD balaya du marché le disque long-play et cela à une vitesse vertigineuse, l'écriture électronique et l'autoédition promettent de balayer l'édition littéraire conventionnelle. Il s'agit, soulignons-le, de création littéraire et non de l'édition de dictionnaires, encyclopédies, textes scolaires, documentaires, grands classiques, etc., catégories de livres qui constituent encore la masse principale de la production éditoriale et des emplois liés à celle-ci. Néanmoins, tout éditeur digne de ce nom considère que l'édition littéraire est nécessaire pour l'image de marque de son entreprise et pour son aura personnelle d'homme cultivé… sans oublier que la découverte d'un écrivain best-seller encore inconnu ou méconnu peut rapporter le jackpot. 1 Balzac, « Le vrai pamphlet est une œuvre du plus haut talent, si toutefois il n’est pas le cri du génie ». Le Pamphlétaire, in Monographie de la presse parisienne. Pamphlet d'Honoré de Balzac. Préface de Raphaël Saurin ("Presse pourrie") et introduction de Raphaël Meltz ("Peut-on être journaliste ?") Le Mot et le Reste, 2012. Dante Alighieri aurait été flatté par cette opinion de l'auteur de l'Humaine Comédie. L'Inferno pourrait être lu comme un Divin Pamphlet où l'attaque ad hominem et même ad feminam est l'une des caractéristiques du poème. Certes, le pamphlet dantesque est cadencé par la terza rima… 2 Todorov Tzvetan, « La connaissance de la littérature n'est pas une fin en soi, mais une des voies royales conduisant à l'accomplissement de chacun ». La littérature en péril, Flammarion, 2006. Article publié en ligne : 2014/01 http://www.sens-public.org/article.php3?id_article=1054 © Sens Public | 3 ROBERTO GAC Les rentrées littéraires et Madame Filippetti, Ministre de la Culture et romancière L'appât du gain devient tellement irrésistible dans notre société néolibérale, que les marchands de l'édition ont inventé un nouveau genre narratif – le « roman-montage » – destiné à s'imposer sur toutes les autres modalités narratives car sa réussite dépend surtout de la quantité d'argent investie par l'éditeur et non du talent de l'écrivain. Dans ce nouveau genre, derrière le nom de l'auteur se cache un groupe de « nègres » aux ordres d'un caporal. Par exemple, Richard Millet, caporal-chef et « faiseur de prix » de Gallimard, écrivain raciste et xénophobe, chantre du terroriste d'extrême-droite norvégien, Anders Breivik. C'est Millet qui prit en charge le montage des Bienveillantes3, dont la laborieuse réécriture du manuscrit original fourni par J. Littell lui arracha des cris de colère entendus jusqu'au café de L'Espérance, près de « la Banque Centrale », sobriquet que les poulains de Gallimard donnent à leur écurie. Mais « tout est bien qui finit bien », pourrait-on dire (cette fois à l'insu de Shakespeare), puisque le labeur de Millet assura à Gallimard le prix complice de l’Académie Française et celui de l'Académie Goncourt, récompenses mijotées par les serviteurs du milieu à l’intention d’Antonio (figlio di Claudio e nipote di Gaston).