HISTOIRE de BARBENTANE

HISTOIRE de BARBENTANE

par René JARNO * et Le Père Henri LINSOLAS

Les Presses du Castellum NIMES 1981 Il a été tiré de cet ouvrage 12 exemplaires sur papier offset opaque ZRC numérotés de I à XII et 500 exemplaires sur papier offset Lisse numérotés de 1 à 500, L'ensemble composant l'édition originale 16 6

Toute réédition, par quelques procédés que ce soit est interdite AVANT-PROPOS

AU LECTEUR « J'aime ma plus que ta province, j'aime mon village plus que ton village, j'aime la plus que tout. » Frédéric Il y a quelques années, six ou sept, peut-être ou davantage, j'ai reçu, à la Mairie, la visite de deux personnalités attachantes et sympathiques. L'une, René JARNO, mon ami de toujours, venait de terminer une fort honorable carrière d'ingénieur et de prendre une retraite bien méritée. L'autre, le Père Henri LINSOLAS, était le Curé très estimé de la paroisse. Provençaux d'origine, hommes de qualité, d'esprit et d'éru- dition, ils avaient en commun un amour profond de notre villa- ge et un goût passionné pour les choses du passé. L'étude de l'Histoire était leur violon d'Ingres. Ils étaient venus ensemble me demander l'autorisation d'effectuer des recherches dans les archives. L'idée me vint alors de leur suggé- rer d'écrire une Histoire de notre cité. Après un instant de réflexion, ils me donnèrent leur accord et je leur ouvris aussitôt largement l'accès qu'ils souhaitaient à nos dossiers et à nos documents les plus anciens. Les années ont passé... Le temps leur a manqué pour ache- ver leur travail tels qu'ils le concevaient. Mais ils ont réuni une documentation importante et pleine d'intérêt qui ne peut som- brer dans l'oubli. Conscient de mes responsabilités de « promoteur » comme on dit, maintenant, dans le domaine de l'immobilier, j'ai décidé d'en assumer, à titre personnel, la publication. Je le devais à la chère mémoire de mon ami JARNO, qui, sa tâche accomplie, nous a quitté, il n'y a guère, et qui repose, désormais, sur la colline à l'ombre de la Tour... Je le devais pour rendre un hommage de ferveur et de grati- tude à un prêtre, distingué et modeste médecin des âmes, qui, après avoir consacré sa vie à nous enseigner la paix du Christ, a été contraint, par l'âge et la maladie, d'abandonner son ministère, ne laissant, autour de lui, qu'affections et regrets (1). Je le devais, aussi, à tous mes compatriotes, amoureux comme MISTRAL, de leur village, et qui m'ont honoré, pendant si longtemps, de leur amitié et de leur confiance. Pierre SARRASIN Maire de BARBENTANE (1) Selon l'Abbé Fleury, confesseur de Louis XV et auteur d'une histoire ecclésiastique, appréciée, paraît-il de ses contemporains, « Un curé vertueux et sans intrigue est une providence pour un village ». Cette opinion trouve ici sa pleine justification.

BARBENTANE

« Il y a des noms qui font rêver parce qu'ils évoquent tout un monde de souvenirs, et qu'ils portent comme la magique empreinte que donnent aux choses le grand soleil, et la pure lumière du Midi. Barbentane est de ceux-là » (1). Le Village est établi au flanc Nord de la Montagnette, et domine la riche plaine qui s'étend jusqu'au Rhône et à la , où les rangées de cyprès, qui donnaient au paysage un aspect particulier et attachant, disparaissent au profit de peupliers. La Montagnette ! c'est d'abord une forêt de pins qui s'étend jusqu'au Village, et, plus loin, « un moutonnement de collines irrégulières, pareilles à des vagues figées. Sur les crêtes et sur les pentes dominent des roches blanchâtres qui émergent de broussailles rabougries et d'un vert pâle, toutes embaumées de parfums agrestes et capiteux. La douceur des lignes d'horizon, la transparence de l'at- mosphère, la blancheur de la lumière et la variété des teintes discrètes rappellent la beauté des îles de la Grèce, et des monta- gnes de la Judée (2). Marie Mauron dit d'elle, qu'elle est la Palestine provençale, et que la vraie a sûrement les mêmes gammes de nuances, vert- de-gris et gris-de-rose. Il faut parcourir les sentiers tortueux de la Montagnette pour sentir vibrer l'âme et la poésie de la Provence.

(1) Auger - Histoire de Barbentane de Bout de Charlemont. (2) St-Michel-de-Frigolet et N.-D. du Bon Remède.

1 PARTIE

LE MILIEU NATUREL

1) Renseignements généraux 2) Description sommaire du pays 3) Géologie 4) Climatologie 5) Les cigales

I. — RENSEIGNEMENTS GENERAUX

Barbentane, commune des Bouches-du-Rhône, dépend du canton de Châteaurenard, arrondissement d'. Le canton de Châteaurenard comprend six communes : Châteaurenard 11.027 habitants Noves 3.593 habitants Barbentane 2.865 habitants 2.680 habitants 2.538 habitants ...... 2.134 habitants Soit au total 24.837 habitants pour une superficie de 14.373 hectares (1). La densité de la population est de 173 au kilomètre carré. Pour l'ensemble de la France, cette densité est de 100. La commune de Barbentane a, très en gros, la forme d'un triangle irrégulier dont la base, orientée d'Est en Ouest, est de 7 km 800, et la hauteur, en Nord-Sud, de 7 km 200. Sa superficie totale est de 2.713 hectares, et la densité de la population est de 106 au kilomètre carré. La faiblesse de cette densité, par rapport à celle du canton provient du fait que la partie de la Montagnette, appartenant à Barbentane, est très peu peuplée. Il convient, en outre, de remarquer que la superficie de Barbentane est approximativement le double de la surface moyenne d'une commune française, qui n'est que d'environ 1.400 hectares.

(1) Recensement de 1975.

II. — DESCRIPTION SOMMAIRE DU PAYS

LE RELIEF

La plaine. — C'est la partie très fertile et très cultivée de la commune. Sa superficie jusqu'au contre-canal du Rhône et de la Durance est de 1.109 hectares. Le niveau de la plaine au-dessus de la Mer ne s'élève seule- ment qu'à 16 mètres en moyenne. La nappe d'eau souterraine n'est qu'à un mètre de la surface du sol, comme l'a montré le forage du quartier de Carrières. Cependant on peut y faire des labours même profonds, en ne ramenant que rarement des galets et graviers en surface. La Montagnette. — La superficie totale de la montagnette est d'environ 6.000 hectares. Elle a, grossièrement, la forme d'une ellipse dont le grand axe orienté Nord-Est a une longueur d'environ 12 kilomètres, cependant que le petit axe a environ 6 kilomètres. La partie de la Montagnette, appartenant à Barbentane, a une superficie d'un peu moins du quart de la superficie totale : 1.346 hectares. Les autres parties appartiennent aux communes de , et Graveson. Une forêt de pins d'Alep couvre un peu moins des 2/3 de la Montagnette barbentanaise. Le point culminant de la Montagnette est le « Rocher de Raous » qui s'élève à 167 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il est situé sur la commune de Boulbon, à environ 800 mètres à l'Ouest de l'abbaye de Saint-Michel de Frigolet. D'autres sommets dépassent 160 mètres : Le Mont de la Mer (165 mètres) et le « Roucas Trauca » (rocher troué), qui a une altitude de 162 mètres. Tous les deux sont sur la commune de Barbentane. Au Centre-Nord, une plaine, couvrant les quartiers de l'Etang, des Sablières, de Gaffe et de Calamagne, présente une superficiemètres. de 110 hectares avec une altitude moyenne de 45 Au Nord-Est, les falaises des quartiers des Conques et de Vooulongue dominent à 80 mètres d'altitude, la plaine vers Châteaurenard et . A l'Ouest, les quartiers du Cadeneau, de Lauriol, et de Mauroumiau ont une altitude variant de 60 à 110 mètres. Au Sud, les quartiers de Valboussierès et des Plaines de la Montagne présentent quelques collines dépassant une altitude de 150 mètres. Le Village. — Le centre du Village est le Cours, prolongé à l'Est par l'avenue Bertherigues, établie en 1355, et qui conduit au faubourg Saint-Joseph, à l'Ouest par la route D 35, qui, par le pont du Trouillet, construit en 1870, mène à Boulbon, laissant sur sa gauche le faubourg de la Fontaine. Deux rues principales prenant sur le Cours, la Grande-Rue, et la rue Porte-Neuve, sont orientées vers la partie supérieure du Village, cependant que du cours et de l'avenue Bertherigues, les rues des Pénitents, des Moulins, et des Rocassous, descen- dent vers la plaine. Le Village est dominé par la tour Anglica, donjon qui a encore fière allure. Deux monuments remarquables sont à signaler : l'église, et le château des Puget du XVIIe siècle. Deux anciennes portes donnaient accès au Village : la por- te Calendrale au Nord, et la porte du Séquier au Sud. En parcourant les vieilles et pittoresques rues du Village, on peut voir quelques anciennes habitations : celles des Cheva- liers et de la Clastre, en particulier, et, par la rue Pu jade, on aboutit à la Caradone d'où l'on a un point de vue remarquable sur la vallée du Rhône, et les collines dominant Aramon. III. — GEOLOGIE - HISTOIRE SOMMAIRE DE LA FORMATION DU SOL DE BARBENTANE

Au point de vue géologique deux parties composent le sol de Barbentane : la plaine et la Montagnette. La Montagnette, dans son ensemble, est un îlot de collines calcaires, isolé au milieu d'une plaine formée d'alluvions. La plaine de Barbentane. — Toute la partie située au Nord de la route venant de Boulbon et Aramon, et allant à la gare de Barbentane et à Rognonas est constituée par des alluvions modernes du Rhône et de la Durance. Elle appartient au quar- tenaire récent. Le sol est composé de galets et de gravier recouverts par une épaisse couche de limon. Peu à peu des îles alluviales se sont formées et ont été réunies par d'autres alluvions dont les plus récentes, remontent, en général, à 6 ou 700 ans. L'autre partie de la plaine située entre la route de la gare, la Montagnette et la ligne de chemin de fer (1), appartient au quaternaire ancien (pleïstocène), et se relie à la plaine de Grave- son et , de même origine. Le sol y est constitué par des alluvions fluviales composées de sables, de gravier, de galets, et, par endroits de tourbes. La Montagnette. — En gros, la Montagnette a été formée, à l'origine par deux soulèvements : — Un soulèvement Néocomien, période de l'ère secondaire, qui remonte approximativement à 70 millions d'années. Ce soulèvement concerne la plus grande partie de ce massif provençal.

(1) Comprend les quartiers de Pendieu, Castel-Mouisson, Cacalauze, Terre-Fort et Bagalance. — Un soulèvement Miocène, période de l'ère tertiaire, qui date d'environ une dizaine de millions d'années. Il intéresse le petit plateau des Espidègles situé au Nord-Est de la Monta- gnette (2). Plusieurs particularités sont à signaler en ce qui concerne le territoire de Barbentane : — Au centre du plateau des Espidègles se trouve une zone formée d'alluvions du quaternaire ancien (Villafranchien) cons- tituée par des graviers et galets à intercalations limoneuses et sableuses. — Toute la zone comprise entre Bassette, les carrières et le mas de Ferrier (1), ainsi que les trois vallons : celui qui s'étend du mas de Chaîne vers Frigolet, celui qui va du mas de Ferrier vers le mas de la Dame, et au-delà, et l'étroit vallon situé à l'Est de ce dernier, sont constitués de dépôts cryoclas- tiques (formés de débris de roches dus à des cassures consé- cutives au froid), et comportent des cailloutis, des argiles et des limons. Ce sont des zones d'éboulis de pentes, datant des périodes glaciaires du quaternaire (période de Würn en parti- culier). Cette partie de la Montagnette est la plus fertile. — On remarque aussi ces éboulis de pentes le long de la route de Barbentane à Boulbon, ainsi que dans les vallons aboutissant à cette route. — Au Sud du hameau des Carrières s'étend une petite zone de calcaires marneux appartenant au Tertiaire, où se trouvent des carrières de pierres.

(2) Comprenant les quartiers des Espidègles, de Bertherigues, des Conques, de Vooulongue et de Pierre Douneau. (1) Comprenant les quartiers de l'Etang, des Sablières, de Gaffe, d'Estrancroze, du Traversier, de Calamagne, et de la Plaine sous la Roubine. IV. — CLIMATOLOGIE

REGIME DES VENTS Deux secteurs sont particulièrement importants. Ie Le secteur Nord-Ouest à Nord C'est celui du Mistral, générateur de belles éclaircies, mais froid, sec, et souvent violent. Il souffle pendant environ 125 jours par an. Pendant une quarantaine de jours sa vitesse est supérieure à 40 kilomètres à l'heure, et peut dépasser 100 kilomètres. En novembre 1963, on a même enregistré une pointe à 190 kilomètres : un vérita- ble ouragan ! L'importance de ce vent dans la vie des habitants a donné lieu à des dictons que nous donnons ci-après en renvoi (1). 2° Le secteur Est à Sud-Est C'est un vent plutôt doux qui, généralement, véhicule des nuées lourdes de pluies abondantes, et d'orages parfois forts. Ce sont les grandes chutes d'eau du printemps et surtout de l'automne.

(1) Pour la durée du Mistral on dit : se commenço de jour Quand se lèvo lou dilun Duro tres jour Duro tres jour o un se commenço de nue Quand se lèvo lou dijôu Duro un pan eue Duro tres jour o nou Quand il faisait très froid et que le Mistral soufflait en violentes rafales, à une barbentanaise emmitouflée jusqu'aux oreilles, mais transie et tremblante, on disait : Asseta sus uno coucourdo En fàci lou Mistrau Vesti emé uno camiso en telo de Roanne touto bagna emé uno cano verdo à la man. Ce qui la glaçait encore davantage de froid, mais alors on l'invitait à se réchauffer près d'un bon feu. Ce vent souffle environ 50 jours par an et seulement 5 à 6 jours à plus de 40 kilomètres à l'heure. Pendant environ 80 jours par an le vent est nul ou ne dépas- se pas 6 à 7 kilomètres. Les vents du secteur Ouest, qui n'amènent que peu de pluie soufflent pendant une trentaine de jours par an.

LES PRECIPITATIONS

Jours de pluie. — Le nombre moyen annuel de jours de pluie est de 66, dont 29 en automne, soit environ 44 %. L'été ne comporte, en moyenne, que 12 jours de pluie, soit environ 18 %. Quantité d'eau tombée. — Il tombe, en moyenne, 65 centi- mètres d'eau par an à Barbentane, contre 78 centimètres, en moyenne, pour la France. Cette quantité est répartie comme suit, suivant les saisons : Hiver 13 centimètres Printemps ...... 17 centimètres Eté 11 centimètres Automne ...... 24 centimètres La quantité d'eau tombée au printemps et en automne repré- sente donc 63 % de la quantité d'eau tombée dans l'année.

LES TEMPERATURES

La température moyenne annuelle à Barbentane est de 14 degrés, plus forte que la moyenne du pays qui n'est que de 12 degrés. La température la plus élevée est constatée en juillet où la moyenne est de 23 degrés, avec un maximum moyen de 29 degrés, et un minimum moyen de 17 degrés. La moins élevée est constatée en janvier où elle n'atteint que 5 degrés avec des maxima et minima moyens égaux à 9 de- grés et 1 degré. L'amplitude entre le mois le plus chaud et le mois le plus froid est donc de 18 degrés (23 — 5), alors que sur la côte médi- terranéenne, de Saint-Cyr à Sanary, par exemple, elle est de 14°6, ce qui donne un climat plus doux que celui de la Vallée du Rhône où se trouve Barbentane. L'ENSOLEILLEMENT

C'est le temps pendant lequel un héliographe enregistre la durée des périodes ensoleillées, ce qui peut se produire, naturel- lement, même avec un ciel partiellement nuageux. Pour Barbentane, cette durée est d'environ 2.700 heures par an (soit 7 heures 30 en moyenne par jour), ce qui, rapporté à la durée des périodes de jour pour l'année donne un ensoleillement d'environ 60 %. Ce pourcentage monte à plus de 70 % pendant les mois d'été, mais il descend à moins de 55 % de novembre à janvier. Cette durée d'ensoleillement fait de Barbentane, et d'ail- leurs de la Provence, une des régions les plus favorisées de France. La durée de l'ensoleillement est, en effet, de la plus haute importance pour la santé physiologique et psychologique de l'homme. V. — LES CIGALES

Les cigales abondent dans la Montagnette. Il est difficile de les repérer, car elles se posent le plus souvent sur les troncs tordus des pins, où, en quelque sorte, elles se mimétisent avec la couleur grise, tirant parfois sur le marron, de l'écorce. Les mâles possèdent des organes sonores situés à la base de l'abdomen, et font entendre, aux heures les plus chaudes du jour, un bruit strident, monotone, assourdissant. Cependant, lorsque le soleil commence à décliner, ce « chant » des cigales cesse presque instantanément. Alors, le calme, le silence revient sur la Montagnette. Dans la Montagnette on rencontre deux sortes de cigales : la cicada plebeja et la cicada orni. 2 PARTIE

TOPONYMIE

1) Bellinto et Barbentane 2) Les noms des rues du village 3) Les noms de quartiers et de lieux-dits

ORIGINE DES NOMS DE BARBENTANE DE SES RUES ET DE SES QUARTIERS

I A. — BELLINTO ET BARBENTANE

L'origine des noms de Bellinto et de Barbentane a donné lieu à diverses hypothèses. Nous donnons, ci-après, des expli- cations possibles, à accueillir, cependant, avec réserves. Bellinto. — C'était, comme nous le verrons plus loin, un village situé dans la plaine, près de la Durance, et ancêtre de Barbentane. et deD'après linto. Sébastien Fontaine, Bellinto serait composé de bel, Bel signifierait « bac ». Il convient de remarquer que Cabe- lio (Cavaillon) et Mirabel (Mirabeau) comportent « bel » dans leur nom, et que, comme à Bellinto il y avait un bac en ces lieux. Linto signifierait « barque ». Sébastien Fontaine indique que, vers 1850, on appelait « lintoo » de petites barques sur la côte. Par ailleurs, Paul-Marie Duval dans « La vie quotidienne en Gaule pendant la paix romaine » signale parmi les noms des barques gauloises « le linter », barque issue de la pirogue creu- sée dans un tronc d'arbre. Bellinto pourrait donc signifier : lieu où il y a un bac et des barques. Mais, pour Charles Rostaing (Essai sur la toponymie de la Provence », la racine « bel » est une variante de « bal » à laquelle on rattache des villages bâtis sur une éminence, un rocher, tels que Les Baux. Le suffixe « int » étant manifeste- ment préindoeuropéen. Dans ces conditions, on pourrait penser que le nom de Bellinto aurait été donné en raison de l'oppidum qui devait exister à l'emplacement du vieux Barbentane actuel, sur lequel se repliaient parfois les « bellintos ». Barbentane. — Dans son histoire, Sébastien Fontaine donne plusieurs significations possibles au nom de Barbentane, aux- quelles il faut sans doute renoncer. Fernand Benoît dans « La Provence et le Comtat Venais- sin » indique : « A la couche romaine, appartiennent les noms de lieux terminés par le suffixe -anum et -ana, ajouté à un gentilice latin qui a donné les toponymes terminés en -an et -ane, tels que : Maussane, Calissane, Maillane, ... ». Barbentane pourrait donc venir de Barban auquel a été ajouté le suffixe -ane. « Barban qui était une île, maintenant rattachée à la terre ferme, était probablement le nom primitif d'un domaine » (1). Mais Charles Rostaing signale que Barbentane pourrait être dérivé directement du prélatin « berbent », comme . Ber apparaît très probablement en composition avec ben-t dans le nom de La Barben, village situé sur un éperon rocheux dominant la Touloubre. En 1060 La Barben était appelé « Berbentem ». Il convient de signaler que le vieux Barbentane, situé aussi sur une hauteur, s'appelait : Berbentana en 1133 et en 1200. Barbentana en 1235, 1248 et 1401. Berbentane en 1455.

II B. — LE VILLAGE

Le Barry. — Du provençal bàrri = rempart. La rue du Barry a été établie le long des anciens remparts de Barbentane. C'est dans un document de 1252 qu'on voit le mot « barry » pour la première fois. Bertherigues. — En 1282 on appelait ce lieu « Podium de Berteriga ». Berteriga est devenu par la suite Bertherigues. L'origine de ce nom peut être expliquée par le fait que Ber- the, mère de Hugues, Roi d'Arles, pouvait posséder des proprié- tés en ce lieu. Berthe épousa, en secondes noces, avant 906, Albert le Riche, duc de Toscane, d'où Berthe la riche, qui aurait donné Berterica, puis Berteriga.

(1) Vincent - Toponymie de la France - cité par Charles Rostaing Rue Bonjean. — Cette rue porte le nom d'un Syndic de Barbentane du milieu du XVIe siècle. Avant cette époque on l'appelait « Cortil de Bompas » parce que la Chartreuse de Bompas y possédait plusieurs maisons (signalé par un docu- ment de 1637). En Canade. — De cana = creux. Les roches calcaires de ce lieu présentent des creux, des vides. La Caradone. — Déformation de « canadone » = petite ca- nade. Voir ci-dessus. Rue de la Clastre. — Du provençal clastro = presbytère, maison curiale. L'ancien presbytère se trouvait au coin de cette rue, et de la rue Pujage. Le Deyme. — Du provençal dèimo = dîme. La dîme était, sous l'ancien régime, la dixième partie (ou une fraction varia- ble) des récoltes, qu'on payait à l'Eglise. En ce lieu devait se trouver la grange dimière où on entreposait la dîme. Le Four. — Dans cette rue se trouvait un four banal, où les habitants venaient faire cuire leur pain, moyennant rétri- bution. Les Fourches. — Il y avait en ce lieu une colonne ayant servi de fourche patibulaire, ou de potence, d'où le nom du quartier. Cette fourche fut convertie en croix en 1850. Le Paty. — Du provençal pàti = endroit où on logeait un troupeau. Rue Pied Cocu. — De podium = éminence, et de cuculus = arrondi. C'est un lieu qui présentait une éminence arrondie. On trouve en 1484 la première mention de ce nom. Le Planet. — Lieu plat, horizontal, petite place. Pousterle. — Le chemin de la Pousterle comporte un tunnel, et mène de l'avenue Bertherigues au cimetière. Pousterle vient du provençal « pousterlo » qui signifie « po- terne ». Cette poterne, située à l'origine du chemin, était une petite porte donnant accès aux parties basses des fortifications du château. Rue du Puits. — Ainsi nommée parce qu'elle débutait au puits de la place de l'Eglise. Rue Pujade. — De pujôu = petit monticule. Rue présen- tant un raidillon, une montée. Rampale. — Dès la fin du XVe siècle, Jacquemet de Rapalle, marchand d'Avignon, originaire de Gênes, possédait une terre en ce lieu, et lui donna son nom. Par déformation, Rapalle est devenu Rampale. Rue des Rocassons. — Rue qui était, autrefois, rocailleuse, cahotique.

III C. — LA PLAINE

Bagalance. — Nom d'une ancienne famille noble de Barben- tane, qui possédait des terres en ce lieu. Un document de 1229 fait état de Pétrus de Bagalança (Pierre de Bagalance). Barban. — Nom d'un domaine. Le Bosquet. — Lieu où il y avait un bosquet, un petit bois. Cacalauze. — Ce nom n'a rien de commun avec Cacalau- so = escargot. La première mention de ce quartier date de 1315. En 1352, il est appelé « in piano capitis alaude » c'est-à- dire : sur la plaine de la tête d'alouette, en vieux provençal, alauzeta =. alouette. Par déformations ce nom devint cadalausa, puis cacalauze. doc. Une légion romaine appelé alauda se recrutait en Langue- Peut-être faut-il voir dans le nom de ce quartier le souvenir de cette légion qui aurait pu y stationner. Cagnole. — Du nom d'un marchand de Milan, habitant Avignon au XVe siècle, qui possédait des terres dans ce quartier. Carrière. — Du provençal carrairo = chemin destiné aux troupeaux transhumants. La route d'Avignon, qui était, autrefois, le chemin qu'em- pruntaient les troupeaux pour passer l'été dans les alpages, longe ce quartier de Carrière. Castel Mouisson. — Mouisson pourrait venir par déforma- tions de Mutatio, qui se rapportait à Bellinto en 333. Par ailleurs, il y avait probablement en ce lieu un bâtiment plus ou moins fortifié, un castel. La Chinquine. — De Chanquin, par déformation de ce nom. Les Chanquin étaient une famille italienne, originaire de Florence (1), qui, en 1452, possédait une terre à Roumette, dont une partie fut détachée pour former le quartier de la Chinquine. Par la suite, la famille Chanquin fut anoblie, et deux de ses représentants furent syndics de Barbentane : — Noble Pierre Chanquin en 1542. — Noble Claude Chanquin en 1546. Cambageon. — De cambajoun : = jambon. Sobriquet d'un propriétaire, qui a donné le nom au quartier. Les Esplantades. — En 1315, ce quartier s'appelait « las plantadas ». C'est un terrain formé par les alluvions, pour les fixer, on avait fait des plantations d'arbres. La Fissarde. — Du provençal fissard = scieur de long. Une femme d'Avignon, épouse d'un scieur de long, était surnommée « la fissardo », elle possédait une terre dans ce quartier qui prit ce nom. La première mention cadastrale date de 1508. Gisclar. — En 1234 une personne nommée Guiscard était propriétaire dans ce quartier et lui a donné son nom. Guiscard, par déformation, est devenu par la suite Gisclar. Fontgisclar. — Cette partie de Gisclar, qui en fut détachée, possédait une source ou une fontaine (font), d'où son nom. Galine Grasse. — Signifie « poule grasse ». Ce quartier jouxte le Deyme, où était entreposée la dîme. Les poules s'en- graissaient rapidement en picorant les grains qui s'échappaient des sacs que les paysans apportaient à la grange dîmière. La Graminière. — Du provençal « grame » = chiendent. Ce lieu était autrefois envahi de chiendent. L'Hôpital. — Nom donné au quartier parce que les terres y appartenaient, autrefois, à l'hôpital d'Avignon. Ile de la Moure. — Cette île, rattachée ensuite à la terre ferme, présentait une petite éminence ou mourre. Le Maliven. — Ce nom figure dès 1264 dans les archives. On a dit qu'au cours d'une épidémie de peste le mal vint jusque là. Cette explication est très controversée. Il faut sans doute s'en tenir au fait que le Maliven était autrefois une île difficile d'accès. Mistral a, d'ailleurs, indiqué dans le Trésor du Félibrige : « lieu où l'on vient difficilement ».

(1) C'est en 1428 qu'un membre de cette famille, nommé Chancus, banquier de Florence, se fixa à Avignon. Mallemousque. — De mal = mauvaise et de mousco = mouche. C'était un lieu infesté de mouches. Le Mouton. — En 1293, les archives indiquent : « in motis seu iscles », ou « des mottes sur les îles ». Le cadastre de 1457 indique : « à la mota », puis, plus tard « motton », et enfin « mouton ». C'était une île présentant de petites éminences de terre. Pendieu. — Du provençal pendiéu, dérivé de pendilis, subs- tantif signifiant : « penchant, lieu en pente, pente ». On trouve « pendils » dans un document des environs de 1100. Après plusieurs déformations, ce nom est devenu « pen- dieu ». La Ramière. — Du provençal « ramiero » = lieu où la ramée abondait. Petits arbres présentant des branches entre- lacées. Rechaussier. — En 1446, ce quartier était appelé « l'île du Mouton » (de la Durance), qui est à distinguer de « l'Ile du Mouton » (du Rhône) qui est situé à l'extrême Ouest de Bar- bentane. A la fin du XVe siècle, Raoulet Chausse d'Avignon possédait 30 saumées (24 hectares) de terres dans ce quartier. En 1508, le nom du quartier est devenu, Rolet Chaussier, du nom du propriétaire indiqué ci-dessus. Puis, en 1523 : « le Mouton du Réchaussier », et maintenant : Réchaussier. Le Revoou. — Du provençal revôu = endroit où l'eau tour- billonne. Ce quartier était situé au confluent du Rhône et de la Durance, endroit où se produisaient des remous, des tourbillons. Mistral indique dans le Trésor du Félibrige : « Li revôu dou Rose » = les tourbillons du Rhône. Roumette. — Du provençal Roumo = Rome. L'un des plus anciens noms de quartiers de Barbentane. En 1065, ce quartier était sur Avignon et les chanoines de cette ville y possédaient une vigne appelée : « in clauso ad Rometam » = claus de la petite Rome. Plus tard de Rometam on fit Roumette. La Sainteté. — Etait autrefois une île. Ce nom, dont on ne connait pas l'origine, apparaît seulement au XVIII" siècle. C'était une propriété appartenant au marquis des Issarts. Le Temple. — Quartier ainsi nommé parce que les Tem- pliers y possédaient une propriété vers l'an 1300. Terre-Fort. — De « Terro-fort » = terre forte, terre noire et fertile (Trésor du Félibrige), difficile à labourer.

D. — LA MONTAGNETTE

Bassette. — C'est l'un des lieux de la Montagnette où l'alti- tude est la plus basse : à peine 50 mètres. Béquier. — Du nom d'une famille d'Avignon : « Les Bé- quiers », qui possédait des terres dans cette partie de la Mon- tagnette dès le XVe siècle. Le Cadeneau. — Du provençal « cadenedo » = lieu où on trouvait des genèvriers. Ce nom apparaît sous la forme « cadenellum » en 1302. Calamagne. — Sans doute de caladage = pavage, pavement, et de magne = grand. La voie romaine d'Arles à Avignon (voie Agrippa) traversait la Montagnette, en effet : — d'une part, on en voyait encore des restes il y a quel- ques années, non loin de la voie ferrée côté St-Michel de Frigolet, — d'autre part, au Nord-Ouest du Mas de la Dame, il existe, dans le rocher, des ornières de voie antique (1). Il est probable que cette voie suivait le chemin du mas de la Dame, longeait le quartier de Calamagne, pour aboutir ensui- te, près de Bellinto, sur les bords de la Durance. Calamagne pourrait donc signifier : grande route pavée (les voies romaines étaient pavées). Autre origine possible : « grand abri » ? Les Carrières. — Quartier de Carrières dans lesquelles on extrayait les pierres qui ont servi à la construction d'une gran- de partie de Barbentane. Les Espidègles. — En 1298 ce quartier s'appelait « Pleydè- gues » ou « Planedègues », ce qui signifie « plan d'eau ». Il y avait sans doute là, à cette époque un petit étang. Estrancroze. — En 1576 ce quartier s'appelait « Claux d'Es- tor », en 1656 : Thorcroses, en 1740-1741 l'appellation sur le cadastre était : claux d'Estor croze. Estrancroze est une défor- mation tardive d'Estorcroze. Estor Croze vient de deux lieux-dits :

(1) Forma Orbis Romani. — Tor = serait d'origine celtique, et désignerait une émi- nence de terrain au bord d'un étang. — Croses = viendrait de cros signifiant dépression, creux. Estrancroze serait un lieu où il y avait une éminence de terrain avec, au pied, une dépression vers l'étang. L'Etang. — C'est une plaine de la Montagnette, dont l'al- titude est la plus basse de ce massif (de 40 à 45 mètres). Lors des fortes pluies d'assez longue durée, l'eau s'y accu- mule et forme un étang de plusieurs hectares, d'où le nom de ce quartier. Gaffe. — En provençal « Gafo » = lieu désert. Mistral indique dans le Trésor du Félibrige : « Lieu désert où un âne risquerait d'être dévoré par les loups ». Galavarde. — En 1334, un homme s'appelant Ferrarius Gai- roardi était lapiscida (tailleur de pierres). Il était propriétaire dans ce quartier, et lui donna son nom. Ce nom subit, par la suite, les déformations suivantes : — en 1347 = Gayroarda — en 1559 = Guéroarde — en 1605 = Galloarde — en 1740 = Galavarde. Lauriol. — Vient sans doute de « lauriole », sorte de garou, de thymélée, arbrisseau commun en Provence, qui poussait dans ce quartier. Mauroumieu. — Vient peut-être de mallus = rassemble- ment et de roumieu = pèlerin. Il y a sans doute, eu en ce lieu, un rassemblement de pèlerins se rendant à Rome. Ces rassemblements avaient lieu dès le IXe siècle. Miassouse. — La première mention de ce quartier date de 1298. A ce moment-là on l'appelait « Milhassola », ce qui signi- fie : petit gâteau de millet. Sans doute cultivait-on du millet dans ce quartier. Pierre Douneou. — Il ne s'agit pas, contrairement à ce qu'on pourrait supposer, d'un propriétaire qui aurait donné son nom au quartier. En 1298, ce quartier s'appelait : « podium redonellum » ce qui signifiait : éminence de forme arrondie ou mamelon. En 1578 la dénomination était : « Pied redonel ». A la fin du XVIe siècle ce sens est oublié, et le lieu-dit se déforme en « piero donel » en un seul mot, puis en deux mots, qui se trans- forme enfin en Pierre Douneou. Plaines de la Montagne. — Quartier montagneux de 440 hectares, le plus grand de la Montagnette. Ce quartier présente trois dépressions allongées, plus ou moins évasées, formant plaines. La première, du mas de Chaine vers Saint-Michel de Frigo- let, la seconde du mas de Ferrier vers le mas de la Dame et au-delà, la troisième, assez étroite, à l'Est de cette dernière. D'où le nom de « Plaines de la Montagne ». Plaine sous la Roubine. — Le long de cette plaine, dans laquelle se trouve le mas de Roch, existait une tranchée d'écou- lement ou roubine. Les Peirières. — Du provençal « péiro » = pierre. C'est un quartier où il y avait des carrières de pierres. Le Traversier. — Ainsi nommé parce qu'il est longé par un chemin de traverse, qui va du mas de Ferrier au chemin des Carrières. Valboussières. — Du provençal « broussiero » = broussail- les. Lieu où l'on trouve des landes, des broussailles, des buis- sons. Voou-Longue. — Signifie « vallon long ». ACHEVE D'IMPRIMER EN NOVEMBRE 1981 SUR LES PRESSES DU CASTELLUM, 8, RUE DE BERNE A NIMES () Dépôt légal 4e trimestre 1981

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