Choristoneura Murinana Hb. (Lép . Tortricidae)
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
ÉVOLUTION DE LA PULLULATION DE LA TORDEUSE DU SAPIN Choristoneura murinana Hb. (Lép . Tortricidae) DANS LA FORÊT DE COMBE-NOIRE (Ardèche) ET DONNÉES PRÉLIMINAIRES SUR LA SITUATION DU RAVAGEUR DANS LE SUD-EST DE LA FRANCE (') J.F. CORNIC - D . GÉRAUD - P. DU MERLE Sg4lft,'i En 1980, des dégâts occasionnés par une chenille défoliatrice furent découverts par A . Givors (Centre régional de la Propriété forestière - Rhône-Alpes) dans un peuplement de Sapin pectiné (Abies alba Mill .) : la forêt de Combe-Noire, située en bordure de la vallée de la Gance, dans le Nord du département de l'Ardèche (commune de Saint-Julien-Vocance), non loin des limites des départements de la Loire et de la Haute-Loire (figure 1). L'insecte en cause fut identifié par J .F. Abgrall (C .E .M .A.G .R.E .F. - Grenoble) comme étant la Tordeuse du Sapin, Choristoneura murinana Hb., microlépidoptère de la famille des Tortricidae. De 4 à 5 hectares environ à l'origine, la superficie de la zone visiblement infestée passait progressivement à plusieurs centaines d'hectares en 1983 (R . Sabatier, C .R .P .F. Rhône-Alpes, communication personnelle) . Quelques observations étaient réalisées par Lempériére et al . (1984). Cette pullulation constituait une double menace . Tout d'abord, elle risquait de compromettre le devenir de la forêt de Combe-Noire . De plus, son extension à d'autres peuplements était à craindre . En effet, la forêt de Combe-Noire est proche des grandes sapinières occupant les marges sud-orientales du Massif Central, et plus particulièrement de celles du Massif du Pilat et de la Chaîne des Boutières (figure 1). En 1983, à l'initiative de la Direction départementale de l'Agriculture et de la Forêt de l'Ardèche et du Centre régional de la Propriété forestière Rhône-Alpes, il fut, en conséquence, demandé à la station de Zoologie forestière d'Avignon (Institut national de la Recherche agronomique) d'étudier le problème posé par l'insecte. (') Cette étude a été réalisée dans le cadre d'une convention passée entre l'Institut national de la Recherche agronomique et le Syndicat d'Équipement de l'Ardèche (code I .N .R .A. : 651 645) . 538 Biologie et forêt Figure 1 SITUATION GÉOGRAPHIQUE DE ST-JULIEN- VOCANCE. En hachures : emplacement des peuplements d'Abies alba les plus proches (d'après Inventaire forestier national, 1977, 1979, 1980). Chaîne des Boutières Massif du Pilat Le programme envisagé était le suivant : — suivre l'évolution numérique des populations de la Tordeuse dans la forêt de Combe- Noire, apprécier, au vu des données recueillies, l'opportunité d'un traitement, définir les moda- lités optimales d'une telle intervention ; — réaliser une enquête extensive, visant à délimiter l'aire de répartition de la Tordeuse en Ardèche et, plus généralement, dans le Sud-Est de la France, et à évaluer les risques encourus par les sapinières de cette région. C'est à un premier bilan des observations effectuées jusqu'en octobre 1985 dans le cadre de ce programme qu'est consacré cet article . Mais il convient tout d'abord de replacer ces observa- tions dans le contexte de ce qui était connu de la biologie et de l'aire de pullulation du ravageur. BIOLOGIE ET AIRE DE PULLULATION DE CHORISTONEURA MURINANA La Tordeuse du Sapin ne présente qu'une seule génération par an et passe par 6 stades larvaires. Les adultes volent au début de l'été (en juillet-août à Combe-Noire) . Les oeufs sont déposés en groupes ou ooplaques sur les aiguilles de la plante-hôte . Les larves nouveau-nées ne s'alimentent pas . Dès l'éclosion, une dizaine de jours après la ponte, elles recherchent un abri sur les rameaux (anfractuosités de l'écorce, lichens, etc .. .), puis tissent un léger cocon ou hibernaculum dans lequel, après avoir mué, elles passent l'automne puis l'hiver en diapause. Au printemps, les chenilles du deuxième stade abandonnent leurs hibernaculums . Elles pénètrent dans les bourgeons parvenus au stade b2 (jeunes aiguilles visibles par transparence mais coiffe encore non éclatée) de l'échelle de débourrement définie par Debazac (1965), et commencent à 539 R.F.F. XXXVIII - 6-1986 rigure AlMt PIMIUISCLLL AYrIUAIMMIIVt U'AV ►ea ALBA (en grisé) ET AIRE DE PULLULATION CONNUE DE CHORISTONEURA MURINANA (tiretés) . CN : forêt de Combe-Noire. s'y alimenter . Les larves âgées se nourrissent du feuillage épanoui . Seules les aiguilles de l'année sont consommées . L'insecte se développe préférentiellement dans le haut des houppiers des sapins dominants, où les dégâts sont, par conséquent, les plus abondants (Franz, 1940 ; Patocka, 1960, 1971 ; Bogenschütz, 1978). Jusqu'à présent, le déroulement complet du cycle de Choristoneura murinana n'a été expressé- ment mentionné que sur Abies alba . On peut toutefois déduire des indications de Kailidis et Georgevits (1971), qui ont observé dans l'île d'Eubée, en Grèce, une pullulation de la Tordeuse dans des peuplements spontanés d'Abies cephalonica Loud . et d'Abies borisii regis Mattf. (hybride naturel du précédent et d'Abies alba), que l'insecte est également capable d'accomplir l'ensemble de son développement sur ces deux essences. Choristoneura murinana parait être une espèce exclusivement européenne l'l . La figure 2, établie d'après les données de Patocka (1960), complétées par celles de Nanu et al . (1970), de Patocka (1971) et de Kailidis et Georgevits (1971), compare son aire de pullulation, telle qu'elle se présentait jusqu'à présent, à l'aire naturelle d'Abies alba . La première s'étend à travers l'Europe centrale et une partie de l'Europe orientale, depuis le versant alsacien des Vosges à l'ouest, jusque dans les Carpathes russes à l'est, et dans le Sud de la Grèce (île d'Eubée), au sud-est. En Europe centrale, Choristoneura murinana est le principal ennemi du Sapin pectiné ; il n'est pas rare qu'une infestation de longue durée y provoque, directement ou indirectement, une mortalité importante des arbres (Patocka, 1960). En France, des pullulations ont été observées entre 1928 et 1938, puis entre 1951 et 1960, dans les sapinières du Sud des Vosges alsaciennes (Lebrun, 1961), la dernière en date ayant débuté en 1976 (Labarrière, 1985) . Par ailleurs, lors de la pullulation qui a affecté les sapinières du Jura suisse de 1906 à 1909, la Tordeuse a brièvement commis des dégâts dans le département français du Jura, pendant la seule année 1908 (Mongenot, 1911). (1) Selon une publication récente de Galkin (1980), Choristoneura murinana existerait et même pullulerait assez souvent en Sibérie centrale (région de Krasnoïarsk) et dans l'Extrême-Orient soviétique (régions de Primorsk et de Khabarovsk), s'attaquant principalement, dans le premier cas à Abies sibirica Lebed . et a Picea obovata Lebed ., dans le second à Abies nephrolepis Maxim . et a Picea ajanensis Fisch . Ces observations seraient évidemment de nature à modifier totalement l ' idée qu'on se faisait de l'aire de répartition et des plantes-hôtes du ravageur . Toutefois . certains traits de la biologie de la Tordeuse sibérienne décrits par Galkin conduisent à mettre en doute l'identification de l'insecte, au moins au niveau spécifique. 540 Biologie et forêt Ces références étaient, jusqu'à ces dernières années, les seuls exemples connus de dommages occasionnés en France par Choristoneura murinana . Qui plus est, cette espèce, à en croire Lhomme (1935-1949), serait en règle générale très rare dans notre pays . Sa pullulation à une latitude aussi méridionale que celle de la forêt de Combe-Noire revêt donc un caractère tout à fait insolite . II serait particulièrement intéressant d'en connaître les causes, mais la question se pose également de savoir si cette multiplication de l'insecte restera ou non un cas isolé dans le Sud de la France. II faut enfin noter que Choristoneura murinana est une espèce très proche, sur les plans taxonomique mais aussi biologique et écologique, de la Tordeuse des bourgeons de l'Épinette Choristoneura fumiferana Clem ., dont les ravages dans l'Est du Canada ont été récemment évoqués dans cette revue (Becker et Le Tacon, 1985). ÉVOLUTION DE L'INFESTATION DANS LA FORET DE COMBE-NOIRE DEPUIS 1980 La forêt de Combe-Noire est une futaie à tendance jardinée de Sapins pectinés mêlés de quelques rares Pins sylvestres et Hêtres . D'origine naturelle, ce peuplement s'étage de 800 à 1 300 m d'altitude . Sa densité est très élevée (520 tiges/ha) . Les plus grands arbres atteignent une hauteur d'une trentaine de mètres, les plus vieux sont âgés d'une centaine d'années ou plus. Les limites approximatives de la zone visiblement infestée en 1980 et de son extension au cours des trois années suivantes ont été estimées par R . Sabatier (figure 3) . L'évolution spatiale des territoires infestés a été suivie de façon plus précise en 1984 et en 1985 (figure 3) . À cet effet, Figure 3 FORET DE COMBE-NOIRE : limites approximatives de la zone visiblement infestée en 1980 et de son extension jusqu'en 1983 ; répartition des territoires infestés en 1984 et en 1985. 1980-1983 1985 Extension en 1981 Attaque sévère rsl Futaie de sapin Extension en 1582 lIAIlIIIlli Attaque moyenne i Zone infestée en 1980 Extension en 1983 Attaque faible 541 R.F .F . XXXVIII - 6-1986 J .F. CORNIC - D. GÉRAUD - P. DU MERLE vers le début du mois de juillet, quelque temps après qu'eut pris fin la phase d'alimentation larvaire de la Tordeuse, les peuplements ont été parcourus et les houppiers des arbres observés à la jumelle ; l'intensité de l'attaque a été notée selon 4 classes : nulle, faible (rares dégâts), moyenne (nombreux dégâts sur la partie sommitale des houppiers), sévère (nombreux dégâts sur l'ensemble des houppiers). L'évolution interannuelle des effectifs de la Tordeuse est, quant à elle, connue avec une certaine précision depuis 1983 .