Habiter ? Frise Suzanne Cappy Curlu

Éclusier - Vaux

2010

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3 4 5 8 ÊTRE D’ICI, HABITER ?ICI un capital d’autochtonie Christophe Baticle, sociologue

Lors d’un colloque consacré à l’identité, tenu à les 15 et 16 octobre 2008, transparaissaient les enjeux insoupçonnés du terme « autochtonie ». On sait que pour les peuples qui se présentent comme tels, l’étiquetage n’a rien d’anodin, ni d’indolore d’ailleurs. Subsiste en effet toujours le soupçon de « sauvagité » derrière le qualificatif indigène, mais le jeu peut en valoir la chandelle lorsqu’à ces groupes présumés « premiers » sont dévolus des articles avantageux dans les conventions internationales. Se pose alors la question de la circonscription des ayants droit dans cette lutte pour la légitimité à déroger au droit général au nom d’un mode de vie spécifique, d’une identité qui justifierait qu’on accorde des exemptions. Mais remarquera-t-on avec pertinence, les habitants riverains du fleuve , dans la du XXIe siècle naissant ( donc nous autres, blancs occidentaux contemporains ) ne peuvent être assimilés aux peuples qui sont définis comme autochtones. Certes, si ce n’est que les travaux des anthropologues ont montré dès la seconde moitié du siècle précédent la difficulté à définir des peuples tout court en dehors d’un recours à l’interprétation constructiviste. Autrement dit, est peuple le groupe qui est produit/se produit en tant que tel dans un processus de reconnaissance. En d’autres termes, loin de nier l’existence de populations effectivement liées à un territoire, dont le mode de vie et la culture les singularisent, force est de constater qu’il n’existe aucune base solide à une posture essentialiste, soit une attitude qui viserait à trouver dans chaque regroupement vaguement homogène en valeurs, normes et organisation une essence originelle, un principe explicatif qui serait comme la clef d’interprétation des comportements, des opinions ou des logiques d’action.

9 stUdiO P h et Cafés OtOGR de Curlu, frise, é clusier-Vaux,des suzanne,aPhi Cappy habitantsQUe

jeudi 16 septembre à éclusier-Vaux à la maison blanche (chaussée d’éclusier) À partir de 11h vous faire photographier, ensemble, , jusqu’au soir, en famille, entre amis, entre voisins,venez par le photographe Éric Larrayadieu. Nous la plasticienne Marie-Claude Quignon vous offrirons la photographie. et voir d’étonnantes “sculptures”. Venez voir et entendre vos paroles, À 18 h , écrites par Denis Lachaud, mijotées ceux qui ontvenez travaillé vous promenerici, chez vous, avec par Christophe Baticle, portées par la avec vous : les photographes Hélène compagnie de théâtre Jayet, Bertrand Meunier, 12 Troivaux, et voir leurs photographies, Après la promenade, pourLa Lunevous remercierBleue. les auteurs Sophie DouchainMickaël de votre participation, nous vous invitons Égré, les graphistes de l’atelier à boire le verre de l’amitié. Nous Travaillons Ensemble etet voir Pascale leur Cette invitation est l’avant-première, dédiée mise en scène des images, aux Habitants, du R les 17 et 18 septembreende 2010Z-VOU Les Cafés des habitants cadre des Journées du patrimoine spar d le Conseil et scientifiques avec des habitants d’ici. Contact : François généralMairey 06 de 74 la 34 s 28 17. Lire les textes desU fCafésLe sur , organisé dansUV lee www.laforge.org sont organisés par La f omme. orge - collectif de productions artistiques Denis Lachaud, écrivain Café des Habitants

SUZANNE FRISE

CURLU De mai à juillet 2010, à cinq reprises, CAPPY dans chacune des communes, les habitants se sont réunis. À partir ÉCLUSIER-VAUX d’images du passé, ils ont parlé de leur vie aujourd’hui, de leur région, de sa singularité géographique, de son histoire, des problèmes qu’elle rencontre aujourd’hui.

La Somme est un rectangle traversé par Les étangs sont une création totalement la Somme. artificielle. Au départ, il y avait deux routes D’un point de vue juridique, la Somme est construites par les romains. Et le cours un fleuve tout à fait anormal en France : il est de la Somme historique. en propriété privée. La berge, l’eau, tout est de Au XVIIIe siècle, on extrait le « bousin » droit privé. Sur tous les autres fleuves français, pour se chauffer. vous pouvez vous promener le long de la berge. On ne peut rien vous dire. Il y a toujours eu un canal latéral pour permettre Ici, non. aux bateaux de circuler. Majoritairement, ces propriétés privées Avant il n’y avait que des roseaux sur les étangs. appartiennent à des communes. En certains En 1950, ils étaient encore exploités. endroits comme l’Éclusier-Vaux, c’est privé Je m’en souviens. stU départemental. À Curlu, c’est privé privé. Et puis c’est passé. diO P Tous les gens qui habitent au bord de l’étang, C’est passé de mode peut être. et hOt Quand on reste trois ou quatre ans sans couper Cafés OGRa s’ils veulent pêcher, ils sont obligés de payer de Curlu, frise, é clusier-Vaux,des suzanne,Phi CappyQU le propriétaire de l‘étang. Ils peuvent prendre les roseaux, les arbres poussent. habitantse un seau d’eau pour arroser leur jardin, mais La population n’a pris en compte que très pas pêcher. récemment la valeur des paysages. jeudi 16 septembre à éclusier-Vaux Elle n’avait pas conscience de la richesse à la maison blanche (chaussée d’éclusier) Les étangs, ça commence à Béthencourt, de l’endroit. À partir de 11h ça se termine à Bray. Ils couvrent 1600 hectares vous faire photographier, ensemble, , jusqu’au soir, sur quarante kilomètres à vol d’oiseau, soixante Pour les Français, la guerre de 14 c’est les taxis en famille, entre amis, entre voisins,venez par le photographe Éric Larrayadieu. Nous la plasticienne Marie-Claude Quignon si on suit la berge. Il y a dix-huit biefs, quatorze de la Marne, Verdun, le Chemin des Dames, vous offrirons la photographie. et voir d’étonnantes “sculptures”. Venez voir et entendre vos paroles, anguillières. « Ils ne passeront pas ». Pour les Anglais, À 18 h , écrites par Denis Lachaud, mijotées ceux qui ontvenez travaillé vous promenerici, chez vous, avec par Christophe Baticle, portées par la avec vous : les photographes Hélène compagnie de théâtre Jayet, Bertrand Meunier, Troivaux, et voir leurs photographies, Après la promenade, pourLa Lunevous remercierBleue. 13 les auteurs Sophie DouchainMickaël de votre participation, nous vous invitons Égré, les graphistes de l’atelier à boire le verre de l’amitié. Nous Travaillons Ensemble etet voir Pascale leur Cette invitation est l’avant-première, dédiée mise en scène des images, aux Habitants, du R les 17 et 18 septembreende 2010Z-VOU Les Cafés des habitants cadre des Journées du patrimoine spar d le Conseil et scientifiques avec des habitants d’ici. Contact : François généralMairey 06 de 74 la 34 s 28 17. Lire les textes desU fCafésLe sur , organisé dansUV lee www.laforge.org sont organisés par La f omme. orge - collectif de productions artistiques

18 Mickaël TroivauxAux etbords Sophie Douchain Au bord de l’eau, au bord de la réglementation, au bord de la fragilité, au fil des rencontres hasardeuses ou initiées par l’assistante sociale du secteur, ils s’intéressent à ces habitats «sauvages» ou «légers», à ces habitants d’un bord ou de l’autre.

19 20 21 24 25 Sophie Douchain, enquêtrice Sous les peupliers

Texte issu de l’écoute de Catherine, Céline, Jean Philippe, Michel, Philippe, Trine, de l’Amoureux de Céline, d’un garde 156 km. Ce « paysage construit » a récupéré et de deux maires, de participants à un- pêche café son dernier tronçon en 1843, après 73 ans et à la promenade des habitants, de joueurs de travaux. La Somme prend sa source de pétanques, d’un ancien d’Éclusier, à Fonsommes, à une dizaine de kilomètres d’un habitant d’Arras... Un long parcours de Saint Quentin, et mesure 245 KM. entre Frise, Suzanne, Cappy, Bray-sur-Somme, Les Romains la nommaient Samara. Curlu, , Gailly, Sailly-Laurette, Route de l’étain à l’Antiquité, voie de Éclusier-Vaux. communication indispensable au Moyen-Âge entre Paris, les îles Britanniques et les Flandres. Elle permettait d’exporter et d’importer. « Le fleuve... c’est un bien grand mot. Quand Longtemps, la Somme a servi la navigation, j’étais à l’école, il y en avait quatre en France. le commerce et l’industrie et a prêté sa force Maintenant, vous en trouvez partout des fleuves. » motrice pour les moulins. Mais elle aime les méandres, elle joue, se cache Ils se suivent, s’enlacent, se séparent et se dans une vallée étroite et encaissée, et oblige retrouvent pour finir tous deux dans l’estuaire à la route. Elle est difficile à la navigation. de la Somme, à Saint Valéry. Le canal est arrivé, magnifiquement pensé. Fleuve et canal. Canal et fleuve. Une oeuvre dans un paysage. Il a dû faire Vieille Somme et fausse Somme. en fonction de la géographie, de la topographie, Le canal débute sa course à Saint Simon, de la structure des sols, des hommes, de côtoyant le canal de Saint Quentin, il parcourt sa fonction. Mais il s’est imposé, est devenu

26 paysage et en facilite même sa lecture. Il a été du halage et de rentrer dans les marais. Il faut réfléchi, du grand territoire pour la connexion une barque, une machette, ou ne pas respecter de voies navigables, jusqu’au choix des essences la propriété privée. d’arbres qui l’accompagneraient, en passant par les structures et ouvrages qui le bordent ou l’enjambent. Et pourtant sa création a entraîné sa perte. « La Somme est un fleuve totalement En obligeant la Somme à suivre son tracé par anormal en France, parce que c’est endroit et en l’empêchant de virevolter, un fleuve qui est propriété privée (...) il a contribué à l’accélération du processus L’eau, le fond, la berge appartiennent naturel d’ensablement, d’envasement de au propriétaire... Tout est de droit privé. Ce qui veut dire que, sur tous l’estuaire. les autres fleuves français, vous Des interventions malheureuses comme pouvez vous promener le long du la création de digues qui ont empêché le balayage fleuve, les propriétaires riverains des sédiments par divagation, celle du chemin n’ont rien le droit de vous dire. Dans de fer qui a délimité l’entrée de la mer vers tous les autres fleuves français, vous l’intérieur des terres, et la propagation des terres pouvez, vous amuser à le descendre. agricoles par les renclôtures, ont fini par Ici, non ». entraîner la mort économique du canal.

Le canal est discret, même quand il passe dans les villages. Il ne le fait qu’à leurs limites Ou alors, se promener dans les larris avec ou dans leur dos. les chèvres. Mais les petits chemins mènent vite Le silence et ce qu’il contient est omniprésent devant un champ, et c’est demi tour forcé. le long du canal. Tantôt goudronné, tondu, en fouillis, le chemin Et puis, les petits chalets, au bord du canal, du halage permet de l’accompagner. à la sortie des villages. Pas un bateau, pour déranger qui que ce soit. Village dans le village. Ou si rarement, et bien localisé les mois d’été. Chaque petit bourg longeant l’eau a ou avait le sien. Même les pêcheurs ne sont pas si nombreux. Jardin, clôture, matériaux divers, aménagements différents au premier regard, puis finalement très Ce que l’on rencontre le plus, le long du canal, semblables les uns aux autres. ce sont les peupliers. À la création du canal, des essences variées d’arbres avait été plantées La plupart des plaques d’immatriculation tous les dix mètres. Ils permettaient de délimiter indiquent 59, le Nord ou 62, le Pas de Calais. les domaines publics, leur ombre limitait Peu de gens dehors, voire pas du tout hormis l’évaporation, ils remplaçaient les phares les mois d’été. par leur alignement en cas de brume, servaient Beaucoup de volets fermés. de matière première, de combustible. Les peupliers les ont remplacés pour les industries C’est la pêche qui a attiré ces nordiques, de papier, d’allumettes après la deuxième guerre. il y a 50 ans de cela. Les mineurs du Pas de Puis ils ont été abandonnés, la monoculture ayant Calais venaient profiter de l’environnement pour facilité la propagation des parasites, la plupart se reposer en famille. Camper dans d’entre eux étant malades. Ils commencent les pâtures. à être remplacés, doucement. Les gens du Nord, plus aisés, issus pour Ici, les promenades sont rectilignes, comme la plupart du milieu de l’industrie et du les peupliers. Impossible de sortir du chemin commerce venaient faire la fête dans

27 les auberges, après le concours de pêche. - Je ne peux pas faire un petit muret devant, « À cette époque là, les habitants de Suzanne et un derrière, avec une fenêtre ? Le type ne se mélangeaient pas, ni au concours, ni au construisait sa maison comme ça, avec repas. Ils n’étaient même pas invités. C’est aussi sa caravane à l’intérieur, et il avait sa résidence. » la raison pour laquelle il y avait un peu de jalousie avec les gens de Suzanne et les gens qui À l’époque, les loyers étaient calculés en arrivaient, qui dépensaient plein de sous, fonction de la fluctuation du prix du blé. Puis qui avaient des belles voitures généralement, de 1000 francs, ils sont passés progressivement qui buvaient plus, qui étaient plus gais. à 500 euros à l’année aujourd’hui. Ils venaient pour faire la fête. Et un peu la pêche. La commune reste propriétaire du terrain. Ils pêchaient dans les deux sens. » EDF est venu installer poteaux et câbles. Certains ont foré des puits. Pour d’autres, se ne sont qu’allers retours à l’unique robinet. « Les étangs étaient loués très peu Certains ont des fosses sceptiques, d’autres... chers. Ils venaient pour pêcher, ils venaient pour avoir une vie Les habitats sauvages, Habitats Légers secrète. Après, les grandes filatures de Loisirs, ne sont plus des lieux de vacances du Nord sont tombées et ces gens-là ou de week-end, mais sont devenus des résidences ne sont plus venus.» principales pour certains. Retraités pour les uns, couples dont les parents et arrières parents venaient, homme seul, personnes Les personnes qui venaient pour le calme, en difficultés financières, amoureux de la nature, l’oubli des villes grises industrialisées ont ceux qui ont envie de se croire en vacances continué à venir d’années en années. Des fois toute l’année. Le chalet se transmet comme même par cars entiers, et cela même si l’accueil patrimoine familial. Se revend. S’achète. des autochtones n’était pas toujours là. Les gens se sentent bien, regrettent tout Ils les appelaient les doryphores. Comme de même le temps passé. L’ambiance conviviale, les allemands en 39-45. Comme des envahisseurs. familiale, les fêtes, les guinguettes. La pêche Rien n’était fait pour créer des liens et tout qui n’est plus ce qu’elle était, pour cause était fait pour qu’ils ne se sédentarisent pas. de privatisation des parcelles et de la pollution Seul, l’intérêt financier comptait. D’autres sont par les PCB. arrivés. La tente a été remplacée par la caravane ou le mobile home. Beaucoup de choses se sont perdues. Et puis : Regrets des moments passés sur le coin d’herbe « C’est à dire que les types demandaient s’ils aménagé en plage au bord de l’étang, où tout pouvaient installer leur mobile home, au départ le monde venait avec serviettes et transats. pour deux mois. Première année : - Est ce que Et où la femme du maire de l’époque, coiffée je pourrai revenir l’année prochaine ? - pas de de son petit bonnet de bain faisait ses longueurs problème. Le type repartait avec sa caravane. et s’occupait des enfants. La deuxième année, il arrivait et demandait s’il ne pouvait pas laisser son mobile home. L’eau est devenue sale, polluée par le chimique La troisième année, le type avait enlevé des industries et sert de déchetterie. les roues. La quatrième année, le type faisait à côté du mobile home une pièce pour faire Quand la discussion s’engage, une certaine gêne une toilette, une petite cuisine. Il faisait une existe, le sujet de ces petits chalets est sensible. fondation, si bien que la caravane, on ne pouvait Ces habitants ne devraient pas être là à l’année, plus la bouger puisqu’elle était coincée des deux les communes n’auraient pas dû les laisser côtés. Une fois que le type avait coincé son bazar : s’installer.

28 Les locataires en parlent à demi mot, puis aux gens, là c’est pour votre bien. Qu’est ce changent vite de sujet : que l’on peut opposer à cela ? Rien. »

Ces Habitats Légers de Loisirs sont un héritage « Tout doit être démontable ici. dont tout le monde se serait bien passé. Ça c’est sûr parce que c’est comme Même s’ils viennent depuis des années, ou ça. Ils ne le feront jamais, c’est sûr. s’ils ont fini par résider à l’année, ces locataires » Ça leur coûterait trop cher. de terrains restent finalement dans la catégorie touriste. Mais des touristes qui n’occupent pas « Alors, les habitations légères de officiellement un emplacement de vacanciers. loisirs, on en a réduit le nombre. Et qui rapportent peu financièrement Et le but avoué, ce serait de tous aux communes. les faire partir. Mais comment faire Emplacement qui pourrait être transformé ? C’est la volonté de tout le monde. en « vrai » lieu d’accueil touristique selon De la préfecture, de la sous-préfecture, l’envie de certains ou retour à un certain du Syndicat de la Vallée des environnement : étendues d’herbe entretenues Anguillères. Il ne faut pas se voiler et actions de pêche pour d’autres. la face. Sur une centaine, nous en La commune de Suzanne a eu la possibilité avons une vingtaine qui est devenue de passer de zone inondable à zone III. résidence principale. On en a qui sont C’est à dire terrains constructibles, possibilité là depuis une trentaine d’années et d’agrandir, possibilité d’améliorer l’habitat. qui ont bien aménagé l’espace. Elle a investi dans l’amélioration des réseaux, Ils ne comprendraient pas aujourd’hui la mise aux normes. Les loyers sont passés de 60 centimes à 1,70 euro du mètre carré, qu’on les fasse partir. » et les locataires ont maintenant la possibilité de devenir propriétaires, avec obligation dans les trois ans de mettre aux normes « La vallée de la Somme a été complètement l’assainissement. Les autres communes sont envahie, d’une façon abusive et anarchique. en zone inondable, n’ont pas forcément Et maintenant, les générations qui ont succédé les moyens financiers qu’il faudrait pour mettre à cette politique là, ont le devoir d’essayer en oeuvre amélioration de l’habitat et respect de rattraper les erreurs du passé. On s’aperçoit de l’environnement. Ne se posent pas les mêmes que cela devient très compliqué, parce qu’il y a questions et n’ont pas non plus toutes les mêmes des lois. Et que vis à vis de ces lois, on a du mal préoccupations humaines. à dire aux gens qui se sont installés sans permis Les postes tournent, les lois évoluent. de construire, sans autorisation, et bien le terrain Les communes auront peut-être un jour sur lequel vous êtes, en réalité, il n’était pas l’obligation, ou prendront la décision, de céder constructible, il ne l’est toujours pas, et on vous le terrain ou de tout raser. demande de partir. 2001 a été une opportunité pour certaines communes. Opportunité causée par les inondations. Le Conseil général en a profité pour dire effectivement, cette zone là, elle est inondable, donc pour sécuriser la zone, on exproprie les gens installés. Peu importe depuis quand ils étaient installés. Toujours est-il, que à partir du moment où il y va de la sécurité des gens, c’est beaucoup plus facile de dire

29 Ravages Hélène Jayet avec des textes de Denis Lachaud ”, on peut ajouter marche ou crève ” À la formule “ ?! « : “ va comme je te pousse cet autre axiome » Et c’est bien ça, on va, on pousse, on tombe, on crève, on se relève, on marche et on recommence. La Main coupée, de Blaise Cendrars qui a commencé à combattre en 1914 à Frise. J’ai été rès émue de découvrir ces lieux de mémoire et il m’est apparu évident de les: tousphotographier. lieux de bataille Cimetières, mémoriaux ou paysages qui révèlent les stigmates de notre histoire.

34 35 Il y a de quoi se méfier pour plusieurs siècles.

Quelque chose ici est mort avec chaque homme qui est mort ici. Derrière chez nous, devant chez nous, partout.

36 Il y a de quoi se méfier pour plusieurs siècles.

Quelque chose ici est mort avec chaque homme qui est mort ici. Derrière chez nous, devant chez nous, partout.

37 Dépaysement Bertrand Meunier

Le photographe a entrepris un projet de plusieurs années sur la France. Ici, comme ailleurs, il s’intéresse aux relations de l’homme à son territoire, ses activités, son quotidien, sa vie.

48 49 50 51 52 53 58 59 62 63 68 MAGIC MIRROR

69 70 71 74 75 Intervention Compagnie La Lune Bleue Les paroles des habitants, rassemblées par Denis Lachaud, sont orchestrées dans un aller-retour entre le jeu des comédiens et un dispositif sonore ludique.

76 77 Ravages Hélène Jayet Installation photographique avec une création sonore réalisée autour des mots de Denis Lachaud.

80 81 Pêche, chasse… « Fictions ? » Marie Claude Quignon Les anguilles ne peuvent plus être commercialisées, ni même données. Elles peuvent être pêchées pour soi. Les hommes les pêchent, les femmes les préparent. Plaisir des uns, corvée des autres. Les photographies sont présentées dans des armoires de camping en référence à l’habitat «léger» de ce bord de Somme. Avec la complicité de Francine, Chantal, Odette, Martine, Graziela à Éclusier-Vaux, Brigitte à Suzanne, Henriette, Liliane à Frise.

82 83 88 89 Pêche, chasse… « L’affût » Marie Claude Quignon Dans les marais, les huttes de chasse sont nombreuses. Sculptures réalisées avec des vêtements de chasse recyclés, nombreux à l’usine de tri Le Relais de l’Étoile, au bord de la Somme.

90 91 92 93 La péniche de lecture Des ouvrages de la Bibliothèque départementale sont embarqués avec une exposition d’images d’archives locales choisies par Alex Jordan. Des rencontres sont organisées avec Christophe Baticle, sociologue, et Sophie Douchain, auteure et enquêtrice.

94 95 98 Le studio Éric Larrayadieu

Le photographe veut présenter les habitants, les représenter en considération. Pendant le Rendez-vous, il ouvre un studio en pleine nature sur le site du domaine de l’Éclusier.

99 100 101 108 109 110 La source Compagnie Tricyclique Dol Cheminement à travers bois à l’écoute du chant de la source, l’eau ruisselle quelque part.

111 Le manège à Jipé Compagnie Tricyclique Dol Dans l’intimité des petites lumières de son «promène-couillons», JiPé se dévoile, et raconte à demi mots ce qui le hante… La Course, la Jaqueline, ses souvenirs, le Manège de la vie.

114 115 118 Denis Lachaud, écrivain Café des Pêcheurs au Chant du Coq Ce dernier « Café parlé » est l’occasion de rencontrer des anciens de l’Association « Les amis d’Éclusier- Vaux » pour ce contrepoint nécessaire.

L’association « Les Amis d’Éclusier-Vaux » était composée de pêcheurs venus du nord. Elle a été dissoute en 2008 quand le Conseil général a décidé de ne pas renouveler le bail de location du terrain sur lequel les pêcheurs avaient installé leur baraque, leur mobile home, leur chalet.

L’association est née en 1971 pour organiser la gestion du bail de location du terrain au Conseil général, ainsi que son fonctionnement. On était chargés des gros travaux, y compris dans les immeubles : la maison du garde et le hangar. Deux fois par an, on faisait des travaux d’intérêt général fixés par l’association. Les adhérents devaient participer au moins une fois sur deux, sinon ils payaient une amende. On avait la responsabilité des douze vannes. Tout cela nécessitait la présence d’un salarié permanent. On organisait des tours de garde parmi les adhérents. On avait aussi en charge l’exploitation de l’anguillère. La vente des anguilles couvrait largement le bail qui était, si on convertit, d’environ 49.000 euros par an. Et puis il y a eu l’interdiction du préfet de commercialiser les anguilles. Du point de vue légal, elle s’arrêtait à Frise, donc nous, on n’est pas concernés. Mais on a décidé de faire aussi analyser nos anguilles par un laboratoire et bien sûr, elles contenaient du PCB comme les autres. En août 2008, un courrier est arrivé, il signifiait que le bail ne serait pas renouvelé. On l’a appris comme ça. Par lettre. C’était juste après la Fête de l’Anguille. Nous, on était restés sur un courrier de 2004 exprimant le souhait de mettre en place une réflexion sur les problèmes d’environnement.

119 On était d’accord pour participer à cette réunion, on était prêt à évoluer avec l’époque, à se pencher sur les problèmes environnementaux qu’on contribuait à poser. Il y a eu trois réunions, puis on n’a plus eu de nouvelles pendant un an et demi. Voyant le renouvellement approcher, on a couru après les officiels pendant la Fête de l’Anguille. « Ce n’est ni le lieu, ni le moment » nous a dit le Président du Conseil général, Monsieur Dubois. Et moins d’un mois plus tard, on a reçu ce courrier. Ça a été dur. Il a fallu dissoudre l’association. Le bruit courait qu’on était des gens pas très recommandables, pas très honnêtes, alors on a fait appel à un cabinet d’experts-comptables qui a mis à plat la compta et nous a tout balisé pour aller vers la dissolution. On a vendu tous les biens. Ça allait d’une échelle à un bateau focardeur. On a eu un excédent. Il a été viré à une association de soutien aux handicapés appelée l’Air de rien, et aussi en partie au Secours Populaire. Ça a été une période très difficile. On a subi des vols. On venait le week end et on découvrait que du matériel disparaissait. Moi j’étais secrétaire à la fin, puis liquidateur de l’association. Je n’avais que six ans d’ancienneté. Certains d’entre nous venaient depuis quarante ans. Le fait d’être considérés comme des envahisseurs, d’être appelés « les doriphores », ça ne fait pas plaisir, surtout quand on sait qu’avant nous, les doriphores c’était les boches. Tout le monde ne pense pas comme ça ici, quand même, à Frise je n’ai jamais entendu prononcer le mot doriphore.

Aujourd’hui la moitié d’entre nous est dispersée dans la région, l’autre moitié a arrêté la pêche et ne vient plus. Moi je suis à Suzanne, j’ai acheté une petite maison qui est posée sur un terrain que je loue à la Mairie. J’ai un bail de douze ans. Il faut savoir si on s’occupe de composer une belle carte postale ou si on s’occupe des gens qui sont là. Aujourd’hui, la carte postale est belle, mais il n’y a plus de pêcheur sur le marais. Ici on préfère des gens qui viennent et repartent à ceux qui s’installent. Par exemple, les anglais qui viennent avec des tour-operators pour faire le tour du souvenir, on aimerait bien qu’ils pêchent un peu aussi. On ne s’est pas du tout appuyé sur ce qui existait déjà pour construire. Le bon sens, c’est de s’appuyer sur ce qui existe déjà pour construire. Le bon sens, oui. Mais dans la réalité, ce n’est pas toujours le bon sens qui prime. Il y avait un socle vivant. C’est dommage. Picards, Boyaux Rouges, Ch’tis, on est tous du même milieu. Être des étrangers à quatre-vingt kilomètres de chez soi, c’est malheureux. Moi je suis content qu’on se soit rencontrés, qu’on ait pu mettre sur le tapis ce qu’on avait sur l’estomac depuis plusieurs années. Il faudrait qu’on arrive à améliorer l’entente entre des habitants qui ont des intérêts différents.

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