Institut d'Etudes Politiques de

Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

Charlotte Poulat Séminaire « Management des Organisations » Président du juryAnne BLANC-BOGE: Maître de conférences en sciences de gestion à l'IEP de Lyon, Directeur de mémoire Mémoire de quatrième année soutenu le 30 juin 2009

Membres du jury: David PIOVESAN: Maître de conférences en sciences de gestion à l'IEP de Lyon,

Table des matières

Remerciements . . 5 Epigraphe . . 6 Introduction . . 7 I. La necessaire mise en place d'un pilotage rationnel de l'entrainement , dirigé vers la qualité et l'efficacité de la prestation de l'entrainé . . 14 A. : La performance sportive résulte d'une action collective nécessitant la gestion de l'humain par l'entraîneur . . 15 1. l'organisation sportive, source de performance . . 15 2. la division des tâches et la spécialisation à la recherche de l'efficacité . . 16 3. la professionnalisation de l'entraîneur et de l'entraîné . . 18 B. La planification stratégique de l'entraînement produit la qualité et la stabilité de la prestation . . 21 1. le management par les objectifs, objet d'un calcul rationnel pour la stabilité de la prestation . . 22 2. la conduite du changement pour plus d'efficacité: . . 24 3. des stratégies reposant sur la qualité décisionnelle de l'entraîneur . . 27 II. Le management relationnel entrainé-entraineur, orienté vers la stabilité et la régularité de la prestation . . 31 A. motiver les patineurs, pour enrayer les pressions et obtenir la qualité de la prestation . . 32 1. la gestion motivationnelle pour optimiser la motivation et la performance de l'athlète . . 32 2. La préparation mentale comme outil managérial . . 36 3. Le management positif . . 39 B. Les compétences de l'entraîneur, à l'origine de la stabilité de la prestation du sportif . . 41 1. Les compétences techniques de l'entraîneur comme légitimation d'un management de leadership . . 42 2. l'entraîneur comme manager des jeux de pouvoir . . 43 3. l'entraineur véhicule une idéologie et une culture de la performance au sportif . . 45 III. L'innovation, une dynamique collective orientée vers l'optimalité de la performance . . 48 A. L'innovation pour optimiser la performance . . 48 1. l'innovation comme processus de création . . 49 2. l'innovation comme avantage concurrentiel . . 50 3. l'innovation confrontée au système règlementaire . . 51 B. l'innovation comme produit d'une interaction dynamique . . 55 1. la recherche d'efficacité par le facteur humain . . 55 2. l'entraîneur doit favoriser la créativité des athlètes en leur laissant un espace d'autonomie . . 56 Conclusion . . 60 Bibliographie . . 64 -Ouvrages généraux . . 64 -Ouvrages sur le sport et la compétition: . . 64 -Ouvrages sur le patinage artistique et la danse sur glace . . 65 -Rapports et documents . . 65 Annexes . . 66 Annexe 1 : Guide d'entretien . . 66 Annexe 2 : Guide d'entretien des patineurs . . 67 Annexe 3 : Guide d'entretien des juges . . 68 Annexe 4 : Tableau des compte rendu d'entretiens - « La relation entraineur- entrainé» . . 69 Annexe 5 : Tableau n°2 de compte rendu d'entretiens - « La performance » . . 71 Annexe 6 : Tableau n°3 de compte rendu d'entretiens - « Le pilotage stratégique de l'entrainement » . . 73 Annexe 7 : Se différencier par l'innovation : porte inverse, Marina Anissina et Gwendal Al Peizerat. - Jeux aux olympiques de Salt Lake City en 2002 - Programme liberta . . 75 Annexe 8 : Les prouesses athlétiques de Surya Bonaly : source de débat entre technicistes et partisans de l'interprétation artistique . . 75 Résumé . . 77 Remerciements

Remerciements Je tiens tout d'abord à remercier mon directeur de mémoire, Mme Anne Blanc-Boge, ainsi que M. David Piovesan, qui m'ont dirigée dans mon étude et m'ont encouragée dans le réalisation de ce mémoire quelque peu « exotique ». Je remercie Mme Françoise Guttin-Moine qui a fait preuve d'une grande gentillesse à mon égard, s'est rendue entièrement disponible et s'est inquiétée régulièrement de l'évolution de mes travaux. J'adresse ensuite tous mes remerciements aux entraîneurs qui m'ont apporté leur aide et ont bien voulu m'ouvrir les portes de leur métier, Mme Muriel Boucher-Zazoui, M. Romain Haguenauer, ainsi que Mme Florence Dube-Damioli. Je tiens d'autre part à remercier M. Benoît Richaud, qui a partagé avec moi sa passion pour la Danse sur Glace, et a été le témoin de certains instants de panique dans la dernière ligne droite de mon mémoire. Je remercie M. Alain-Daniel Hostache, qui m'a permis de découvrir le patinage synchronisé et s'est entretenu avec moi sur les particularités du métier d'entraîneur dans cette discipline qui m'était complètement inconnue. Je tiens enfin à remercier mes proches, qui m'ont encouragée au cours de la réalisation de ce mémoire, et ont joué les lecteurs.

POULAT Charlotte_2009 5 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

Epigraphe « A l'entraînement « rien ne résiste », ai-je écrit. Mystère du corps, en voici en effet, les séquences: Je ne peux pas; je m'entraîne; je fini par pouvoir Je ne sais pas; je m'entraîne; je sais. Je ne saisis pas; je m'entraîne; je comprends Jusqu'à maintenant, rien de nouveau. Mais ces suites diverses s'achèvent par une autre, plus étrange: Je ne connais pas de solution à ce problème; Je m'entraîne; alors, parfois, me vient l'invention. Je viens de le dire en un mot: Inattendu, le corps invente. Apparaît quelque chose comme une création. Comment avez-vous trouvé la loi d'attraction universelle? Demandait-on à Newton. En y pensant toujours, répondait-il volontiers. Nul découvreur ne dit autre chose. Je ne cesse de placer mon corps devant l'inconnu: Soudain il se présente: il se fait connaître. Oui, l'entraînement invente. » Michel Serres, Hominescence Ed. Le Livre de Poche, 2003

6 POULAT Charlotte_2009 Introduction

Introduction

Dans l'ouvrage D'Or et de Feu, Marina Anissina et nous communiquent leur expérience aux Jeux Olympiques de Salt Lake City en 2001, après avoir été médaillés d'or1. Au travers de leurs mots, justes et simples, sans le filtre qu'un auteur extérieur aurait put imposer, il nous est possible de percevoir clairement la relation privilégiée qui lie l'entraîneur sportif à ses athlètes. Nous ressentons l'ambiance qui anime les entraînements, et sommes plongés dans l'atmosphère de la compétition, but ultime après des mois de travail. Tensions, osmose, stress, déceptions, frustrations, douleurs, plaisir ou joie intense. Autant de sensations complexes et contradictoires, qui emplissent le quotidien de ses personnes au métier hors du commun, et que nous tenterons de restituer et de comprendre avec justesse. Si nous avons choisi d'étudier le patinage sur glace plutôt qu'un autre sport, c'est parce qu'il s'agit d'une discipline à la croisée du sport et du spectacle, mêlant la technique et l'artistique. Par conséquent, l'effort et la douleur physique doivent être dissimulés, contrairement aux autres sports comme le cross. Il ne s'agit pas non plus d'un sport de confrontation directe, comme le tennis. Et enfin, la performance n'est pas scientifique, mais plutôt subjective en raison de l'aspect artistique, contrairement à la natation où celui qui a réalisé le meilleur temps l'emporte. Il nous faut avant tout distinguer les quatre catégories existantes dans ce sport. Les moins connues sont le ballet sur glace et le patinage synchronisé. Nous nous consacrerons dans cette étude aux deux formes les plus connues, le patinage artistique, qui se base essentiellement sur les sauts tels que l'axel, le flip ou les pirouettes, et la danse sur glace, qui correspond, sur une musique donnée, à un enchaînement de pas de danse, d'attitudes et de portés. Dans cette catégorie, l'athlète aura l'obligation de patiner en couple, alors qu'en patinage artistique, il aura la possibilité de choisir entre une carrière en solo, ou en couple. Nous évoquerons les deux temps du calendrier sportif: l'entraînement, en d'autres termes les coulisses de la performance, et la compétition, lieu de la réalisation effective de cette performance. Ces deux périodes reposent sur un même socle: un management performant de l'entraîné par l'entraîneur, condition de la qualité et de l'efficacité de la prestation. Ne pas se restreindre uniquement au moment de l'entraînement permet de mesurer de façon concrète la performance de l'athlète. C'est là que les juges attribueront une valeur à la prestation. L'entraînement peut être assimilé au moment où la machinerie se met en place, et la compétition à celui du résultat final et de la mesure du succès sportif. Nous nous concentrerons uniquement sur le haut niveau. En d'autres termes, sur les catégories Junior, Senior et Elite, destinées aux compétitions nationales et internationales (dépendantes pour ses dernières de l'ISU: International Skating Union). Si les compétitions à une échelle plus restreinte sont certes intéressantes, la relation privilégiée qui règne entre entraîneur et entraîné y est moins forte. Le haut niveau propose aussi une dimension différente, celle de la médiatisation, par conséquent de la starisation des athlètes, et celle où les enjeux et la pression sont plus forts, car un réel choix de vie à été réalisé.

1 Marina Anissina et Gwendal Peizerat, Le Vrai regard sur Salt Lake, D'Or et de Feu, Pléiades, éditions de la Voûte, 2002 POULAT Charlotte_2009 7 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

Enfin, la performance de l'athlète est mesurée par la notation attribuée par les juges. La remise en cause de l'ancien système « 6.0 », notamment aux Jeux Olympiques de 2002, a bouleversé la façon de travailler des juges, mais aussi des patineurs, et des entraîneurs. Deux notes étaient attribuées, une pour le mérite technique, une pour la présentation, allant de 0.0 à 6.0. Le total des deux notes classait les athlètes selon leur moyenne. Chaque juge attribuait une note, et pouvait être identifié selon sa nationalité. En 2004/2005, ce système est abandonné suite au scandale de Salt Lake City lors de la compétition de patinage artistique en couple. La juge française a avoué avoir voté sous influence en faveur du couple russe. Fait historique, deux médailles d'or seront alors attribuées, aux couples canadiens, Jamie Salé et David Pelletier, et au couple russe, Elena Berezhnaya et Anton Sikharulidze. D'autre part, Muriel Zazoui, entraîneuse du couple français Marina Anissina et Gwendal Peizerat considère leur victoire aux Jeux Olympiques de Salt Lake comme une revanche méritée, après les Mondiaux de 2001 où ils ont été classés injustement deuxièmes 2 . Le nouveau système de notation, CoP, est composé d'une notation technique, pour les sauts, les pirouettes, selon des niveaux de un à quatre, et pour les pas, de un à trois. Une note est attribuée aux composantes du programme, pour l'habileté de patinage, les transitions, la performance et la qualité d'exécution, la chorégraphie et la composition, et enfin pour l'interprétation. Des déductions peuvent être attribuées, en cas d'une faute de temps, de musique, de réalisation d'un élément interdit, d'une faute de costume ou d'une chute. Les deux notes sont additionnées, et après soustraction des déductions, une note totale permet de classer les patineurs. Il est donc impossible de savoir quel note chaque juge a attribué, et le patineur est extrêmement encadré lors de son programme. Le tableau suivant détermine les éléments à maîtriser selon les âges:

Acquisitions techniques et Age artistiques 4ème stade Chorégraphie expressive et A partir de 17 ans environ (junior et originale -quadruples sauts? -haute sénior) fiabilité technique 3ème stade Chorégraphie expressive - De 13 à 17 ans environ combinaisons de triples sauts - triples sauts -combinaison doubles sauts et triples sauts 2ème stade Chorégraphie complexe -doubles De 10 à 13 ans environ sauts -combinaisons de doubles sauts -combinaisons de sauts simples 1er stade Chorégraphie basique -sauts De 7 à 10 ans en simples Stade des Découverte gestuelle -se diriger - De 4 à 7 ans environ fondamentaux s'équilibrer -s'arrêter -se retourner - tourner -sauter -se propulser

Figure 1: La construction de l'apprentissage chez le patineur Le quatrième stade, correspondant au haut niveau, réclame des sportifs des compétences aussi bien techniques qu'artistiques. Les juges tiendront compte de ses deux notions dans leur notation. 2 Marina Anissina et Gwendal Peizerat, in Le Vrai regard sur Salt Lake, D'Or et de Feu, Pléiades, éditions de la Voûte, 2002 8 POULAT Charlotte_2009 Introduction

Au sens large, la performance signifie « obtenir des résultats ». Elle renvoie par conséquent à un potentiel. Philippe Lorino définit celle d'une entreprise comme tout ce qui contribue à améliorer le couple valeur-coût, et tout ce qui permet d'atteindre les objectifs stratégiques3. Il en va de même en patinage. Une prestation performante consiste à atteindre les objectifs stratégiques qui ont été fixés en amont, par exemple monter sur le podium, et à optimiser le rapport entre le travail, l'effort physique, fournis, et le résultat obtenu. Dans cette étude, nous nous consacrerons uniquement à la performance sportive, pouvant être définie comme la capacité à développer et à exercer ses possibilités maximales dans une activité sportive. La performance d'un athlète se mesure lors de la compétition, par rapport à son potentiel du moment. Nous éviterons l'erreur classique qui consiste à la confondre avec le résultat. D'autre part, Parsons détermine quatre dimensions de la performance en entreprise, que nous pouvons appliquer au patinage : -la satisfaction des parties prenantes: la performance dépend tout d'abord de la satisfaction des juges qui attribuent la note. Mais les spectateurs doivent eux-aussi être satisfaits puisque ce sont eux qui créent de la valeur. En effet, plus le spectacle est attrayant, en raison de la performance sportive et artistique, plus des supporters seront attirés, augmentant ainsi les recettes par la vente de billets pour les galas ou les compétitions. Enfin, le patineur et son entraîneur doivent être satisfaits par la prestation car la frustration et l'échec peuvent démotiver, et empêcher la performance future. -l'adaptation: le patineur et son entraîneur doivent s'adapter à leur environnement et à leurs adversaires. Ainsi, dans la mesure où en haut niveau, les athlètes sont égaux devant la règle et possèdent le même talent, la différenciation va jouer un rôle primordial. Le programme et ses composantes doivent surprendre les juges, mais aussi le public, artistiquement et techniquement. Marina Anissina et Gwendal Peizerat sont célèbres pour leur porté inversé de leur programme Liberta, aux Jeux Olympiques de Salt Lake City en 2002, où la jeune femme porte son partenaire. Ce porté impressionnant nécessite la mise en place d'un jeu d'équilibre difficile, et est exécuté avec une rapidité impressionnante. -l'atteinte des buts: La prestation est efficiente car elle produit un résultat. On s'accorde ici à relever le rapport entre moyens engagés et résultats obtenus. Et une action est efficace lorsque c'est le résultat attendu qui est atteint. L'athlète est donc efficient s'il a travaillé dur et obtient un bon classement, et il est efficace si ce classement obtenu est au moins celui qu'il espérait, s'il atteint l'objectif qu'il s'était fixé. -la production: la prestation de l'entraîné doit être de qualité. En d'autres termes, les éléments techniques et artistiques demandés doivent être réalisés de façon à obtenir la note maximale, sans déductions. Les indicateurs sont définis par le système de notation CoP. Mme Guttin-Moine, juge en patinage, explique que la qualité d'un programme est jugée dés l'entrée sur la Glace, selon la tenue du dos, des bras, du corps, selon les émotions exprimées par le visage. Les indicateurs sont donc techniques et artistiques. Le second élément est la stabilité de la prestation. La prestation en patinage artistique est performante lorsqu'elle se répète, non seulement de l'entraînement à la compétition, mais aussi d'une compétition à l'autre. Un athlète performant reproduit les mêmes pas, les mêmes sauts, les mêmes portés, avec perfection, à chacun de ses passages. Chaque geste en devient automatique, permettant ainsi de se consacrer à l'artistique, à la théâtralité.

3 Philippe Lorino, Méthodes et pratiques de la performance, 3e Edition, Editions d'Organisation, 2008 POULAT Charlotte_2009 9 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

Nous n'évoquerons que très peu dans notre étude la dimension économique, liée aux éventuels revenus des athlètes et des entraîneurs, à la commercialisation des galas et compétitions, ainsi qu'à la capacité à obtenir des sponsors. De telles données étant difficiles à obtenir. Les facteurs de la performance sportive en patinage sont multiples. Il s'agit des compétences techniques, artistiques, et physiques, de la souplesse, de l'endurance, mais aussi de la force mentale et des capacités sociales. Ces éléments doivent être intégrés dans le management de l'entraînement, afin de maximiser la performance. Manager consistera par conséquent à mettre en place différents leviers d'actions. Le premier se rapproche du monde de l'entreprise, puisqu'il s'agit du pilotage rationnel. Pour produire une prestation efficace et de qualité, l'entraîneur doit procéder à une gestion des ressources humaines et à une planification stratégique des entraînements. Le second levier est l'innovation, elle aussi présente dans l'entreprise, permettant la différenciation. La création artistique produit en effet un avantage concurrentiel permettant d'accroître la performance sportive. Enfin, le dernier levier est la relation entraîneur-entraîné. Cette dimension fait défaut dans l'entreprise. Le patineur va être très proche de son coach, qui va le motiver et lui permettre de progresser. Néanmoins, si ces leviers d'action s'apparentent à ceux du monde de l'entreprise, leur visée est quelque peu différente. Le sport se différencie par son aspect émotionnel, par sa gestion des ressources humaines, qui n'est pas la même que pour les salariés puisqu'il s'agit de bénévoles et d'athlètes amateurs; par sa culture et ses valeurs particulières, qui lui imposent notamment de respecter ses concurrent et d'admettre la règle, sans quoi la compétition n'a pas de sens. Mais surtout, le sport est en proie à ce que l'on nomme la Glorieuse Incertitude du sport, qui rend ses résultats beaucoup plus aléatoires qu'en entreprise. L'entreprise va en effet tenter de réduire le risque d'investissement par la rationalisation, alors que l'univers sportif doit accepter l'aléatoire et l'intégrer dans sa gestion. Une bonne gestion n'induit pas forcément le succès sportif. On peut recruter les meilleurs entraîneurs et patineurs, et obtenir des résultats médiocres. Il n'est pas possible de fixer des normes de production permettant de renouveler les performances passées. Cette non-reproductibilité est accentuée par la ponctualité des rencontres sportives. D'autre part, la performance repose sur des éléments difficiles à normaliser: l'esprit de groupe, la force mentale, les qualités physiques, affectives et psychologiques, les performances des adversaires, ou encore le bon entraîneur. L'idée qu'un management performant de l'entraînement repose sur le bon entraîneur est primordiale. L'incertitude est encore plus forte en patinage que dans les autres sports, puisque l'aspect artistique donne un aspect subjectif à la notation, ce qui n'est pas le cas de la natation par exemple, où la performance est scientifique. La production est difficile à mesurer en raison de la dimension émotionnelle. Ainsi, le haut niveau réclame de réduire au maximum cette zone d'incertitude, et seul un entraîneur extrêmement compétent permettra à l'athlète de produire une performance optimale. Les leviers d'action que nous avons identifiés servent par conséquent à maximiser la performance et à minimiser l'incertitude. Le bon entraîneur va donc devenir le pilote stratégique de l'entraînement, le coach physique et psychologique de son sportif, et enfin l'artiste qui lui permettra de se différencier. Néanmoins, si nous pouvons affirmer que les leviers d'action identifiés permettent d'optimiser la performance en réduisant l'incertitude qui caractérise ce sport, nous verrons que des améliorations peuvent être apportées.

10 POULAT Charlotte_2009 Introduction

Le patinage artistique et la danse sur glace sont souvent assimilés à un monde de paillettes, de jupes et de volants. La starisation des athlètes contribue à cette image. L'apparente facilité à enchaîner les gestes, les pas et les sauts, la théâtralité des émotions, nous font souvent oublier la technique, les douleurs physiques, pour nous concentrer uniquement sur les aspects artistiques. Nous avons tendance à négliger les mois d'entraînement qui ont permis la réalisation de cette performance, et les personnes de l'ombre, celles qui ont fait corps avec les athlètes pour les mener au plus haut. Le management de l'entraînement, par un pilotage stratégique, permet de rendre la prestation plus efficace, en réduisant la zone d'incertitude. Cependant, la question du statut d'amateur des patineurs et de la formation en management des entraîneurs se pose, afin de maximiser la performance. Le patinage artistique et la danse sur glace sont des disciplines exigeantes, physiquement et psychologiquement. La performance est réalisée sur une courte durée. Les mois d'entraînement se résument à 4 minutes de programme. Mais ce sont pour ces 4 minutes que les athlètes et leurs entraîneurs se lèvent tous les jours à quatre ou cinq heures, été comme hiver, qu'ils répètent leurs pas, leurs mouvements encore et encore, jusqu'à atteindre la perfection. La relation entraîneur-entraîné est par conséquent primordial. L'entraîneur motive et permet la stabilité et la régularité de la prestation du sportif. Le mental constitue le moteur de la performance. Néanmoins, il semblerait qu'une place plus important pourrait lui être accordée, afin d'optimiser davantage la performance et de rendre la prestation plus efficace. D'autre part, L'excellence est le résultat d'un travail acharné. A chaque compétition, il faut réaffirmer sa performance mais aussi faire la différence. Ce sport requière des qualités artistiques, physiques, intellectuelles, techniques, et exige un renouvellement constant, pour chaque saison. C'est la condition de la progression et de la performance. Cependant, le système de notation Cop semble freiner la prise de risque. Des transformations pourraient alors être apportées pour optimiser la performance. Partant du principe que l'entraîneur, acteur de l'ombre, conduit son athlète à la performance sportive lors de la compétition, comme le démontre le schéma qui suit, nous allons développer la problématique suivante: Dans quelle mesure le management de l'entraînement sportif en danse sur glace et en patinage artistique permet-il la réalisation de la performance de l'entraîné lors de la compétition? Management de l'entraînement en patinage artistique et en danse sur glace de haut niveau

Performance du sportif

-qualité -stabilité -efficacité -différenciation -satisfaction des acteurs en présence Figure 2: Le management de l'entraînement permet la performance du patineur

POULAT Charlotte_2009 11 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

L'hypothèse que nous développerons sera que seul un management efficace et rigoureux de l'entraînement par un bon entraîneur, permettra de s'approcher au plus prêt de la performance lors de la compétition, en réduisant au maximum la zone d'incertitude liée à la discipline. Le patinage artistique et la danse sur glace constituent un environnement instable. L'entraîneur sportif le sait pertinemment. Cyril Baqué définit « celui qui réussit » comme un entraîneur qui accompagne ses athlètes, cherche à améliorer l'efficacité de la prestation par un pilotage performant, à développer les capacités de chacun, à s'adapter à chaque situation, à appréhender le changement ou encore réduire le stress4. Nous ajouterons à ces caractéristiques la capacité à innover, et à faire preuve de créativité afin de se différencier. Ainsi, l'entraîneur doit s'appuyer sur des outils de management pour mener son athlète à la performance. Dans une première partie, nous montrerons que le management de la performance passe par un pilotage rationnel de l'entraînement par l'entraîneur, permettant ainsi l'efficacité et la qualité de la prestation. Notre seconde partie étudiera le management relationnel entraîneur/entraîné, propice à la stabilité et à la régularité de la prestation. Enfin, dans une dernière partie, nous analyserons le travail d'innovation, produit d'une dynamique collective, permettant l'optimalité de la performance. L'étude empirique est constituée de cinq entretiens de quarante-cinq minutes chacun, menés selon la méthode semi-directive. L'échantillon représente les différents acteurs qui feront l'objet de notre étude: les entraîneurs, les patineurs et les juges de haut niveau: -Mme Muriel Boucher-Zazoui: Depuis trente ans, Madame Boucher-Zazoui entraîne ses couples de patineurs à la Patinoire Charlemagne de Lyon, au sein du CSGL (Club des Sports de Glace de Lyon). Spécialisée en Danse sur Glace, elle entraîne les jeunes patineurs en National et en International. Extrêmement connue dans le milieu pour l'originalité de ses programmes, son palmarès est impressionnant. Mme Boucher-Zazoui a en effet obtenu des titres Olympiques, Mondiaux et Européens. Parmi les différents couples qu'elle a menés au sommet: Marina Anissina et Gwendal Peizerat, ainsi qu' Isabel Delobel et . Mais ce travail s'est fait en équipe, notamment avec son principal collaborateur, l'entraîneur Romain Haguenauer. (cf. annexe 1) -M. Romain Haguenauer: Monsieur Haguenauer a été sportif de haut niveau en Equipe de France jusqu'à ses vingt ans. Il a ensuite obtenu son diplôme d'entraîneur national et de professeur d'EPS. Tout comme sa partenaire de travail Muriel Zazoui, c'est la passion du sport qui l'anime. Il est aujourd'hui entraîneur en National et en International en Danse sur Glace à la Patinoire Charlemagne de Lyon.(cf. annexes 1) -Mme Dube-Damioli: Madame Dube-Damioli a elle aussi pratiqué ce sport en Championnats de France, jusqu'à ses dix-huit ans, avant de devenir entraîneuse en patinage artistique. Après l'obtention de son diplôme d'état, elle décide en effet de se dédier à l'entraînement des plus jeunes, du niveau débutant au niveau national. Madame Dube-Damioli s'occupe de la « détection » de nouveaux talents, à la Patinoire Baraban de Lyon. (cf. annexes 1) -M. Benoît Richaud:

4 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed. Chiron, 2007 12 POULAT Charlotte_2009 Introduction

Né le 16 janvier 1988 à Avignon, Benoît Richaud commence la danse sur glace à l'âge de 14 ans, après avoir pratiqué l'artistique de 7 à 11ans. On le retrouve en catégorie Espoir avec Scarlett Rouzet, puis en Junior aux côtés d'Elodie Brouiller, avec qui il participe à la finale du Grand Prix Junior et aux Championnats du monde Junior en 2007, où ils terminent à la 7ème place. Après avoir obtenu son bac, il passe désormais son brevet d'Etat pour devenir entraîneur de danse sur glace, et entraîne déjà en plus de ses entraînements personnels quotidiens. Avec sa nouvelle partenaire Terra Findlay, il obtient pour la saison 2008-2009 la 19ème place en Championnats d'Europe, la 3ème place en Championnats de France Elite et au Grand Prix Junior de Gomel, et enfin la 4ème place au Grand Prix Junior de Courchevel. (cf. annexes 2) -Mme Françoise Guttin-Moine: Madame Guttin-Moine, médaillée de bronze dans la discipline pirouettes et figures imposées, se tourne vers le jugement en patinage artistique dans les années 1980. Dans le même temps, elle assure le secrétariat du Comité de Patinage artistique, regroupant trente à trente-cinq clubs au sein de la Ligue Rhônes-Alpes, Provence, Côte d'Azur des Sports de Glace. Puis dans les années 1990, une nouvelle discipline arrive en France, venue des Etats-Unis: le patinage synchronisé. Mme Guttin-Moine décide alors de se tourner vers ce sport très spectaculaire, alliant esthétisme et technique. Lorsqu'on lui demande ce qui la pousse à continuer, Mme Guttin-Moine affirme que c'est la Passion du sport et l'intérêt des enfants. (cf. annexes 3) Le compte-rendu d'entretiens s'organise sous forme de trois tableaux, correspondant aux trois thèmes principaux qui nous semblent importants, au sein desquels sont classés les différents entretiens des acteurs. -Thème 1: La relation entraîneur-entraîné: (cf annexe 4) *type d'entraîneur *le bon entraîneur *ce qu'un entraîneur attend de son sportif -Thème 2: La performance: (cf annexe 5) *la performance du sportif *les pressions qui entrent en jeu *gérer le facteur psychologique -Thème trois: Le pilotage stratégique: (cf annexe 6) *la planification de l'entraînement *la mise en place de la stratégie

POULAT Charlotte_2009 13 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

I. La necessaire mise en place d'un pilotage rationnel de l'entrainement , dirigé vers la qualité et l'efficacité de la prestation de l'entrainé

Le pilotage d'une organisation revient à mettre en œuvre des méthodes, qui permettront d'apprendre à agir ensemble de manière performante, mais aussi de manière de plus en plus performante. L'entraîneur possède deux missions: -déployer la stratégie en règles d'action opérationnelles -capitaliser les enseignements de l'action, afin d'enrichir la réflexion sur les objectifs. C'est le retour d'expérience5. Nous allons montrer que le pilotage rationnel de l'entraînement est la clef d'une prestation performante du sportif lors de la compétition. En effet, la performance sportive résulte d'une action collective, au sein de l'organisation sportive de patinage, entre entraîneur, sportif, et spécialistes, tels que les médecins, ou les chorégraphes. L’entraîneur étant la figure centrale de la production de la performance, il se doit à la fois d'être le gestionnaire des ressources humaines, et d'insérer son activité au sein d'un collectif6. La division et la spécialisation des tâches mettent en question son rôle et contribuent au processus de rationalisation du sport, optimisant ainsi la performance sportive. D'autre part, la rationalisation de l’entraînement est indissociable du professionnalisme de l'entraîneur, combiné a celui de l'entraîné. La stabilité, la qualité et l'efficacité de la performance dépendent du degré d'investissement et de compétence des ces acteurs. Le patinage artistique est un sport exigeant physiquement, par les horaires et le volume d'entraînements mais aussi par la difficulté des programmes, et psychologiquement. Comme tout sport de haut niveau, il faut être animé par la passion, mais aussi posséder une grande volonté de réussir, ne pas renoncer après l'échec ou devant les difficultés, que peut représenter par exemple une blessure. Le patinage de haut niveau rejette l'amateurisme. Seul un comportement professionnel, lors des entraînements et de la compétition, donnera toutes les chances au sportif de performer. Enfin, l’entraînement est le lieu de construction de la performance, grâce à sa planification stratégique. L’entraînement constitue un processus, que Philippe Lorino définit comme « un ensemble d'activités, reliées entre elles par des flux d'information, ou de matière, significatifs, et qui se combinent pour fournir un produit matériel ou immatériel, important et bien défini, élément précis de valeur, contribution spécifique aux objectifs

5 Philippe Lorino, Méthodes et pratiques de la performance, 3e Edition, Editions d'Organisation, 2008 6 Etude Nationale sur les activités rémunérées ou indemnisées autour des sportifs de Haut-Niveau, Qu'est-ce que travailler dans l'environnement du sport de haut niveau et produire ensemble de la performance?, Observatoire National des Métiers de l'Animation et du Sport, sous la coordination de Philippe Fleurance, 30 septembre 2004 14 POULAT Charlotte_2009 I. La necessaire mise en place d'un pilotage rationnel de l'entrainement , dirigé vers la qualité et l'efficacité de la prestation de l'entrainé

stratégiques »7. Tous les acteurs impliqués dans le processus possèdent des objectifs stratégiques à atteindre. L'entraîneur est au centre de ce système. Il décide, organise, contrôle, et conduit le changement. Nous verrons dans un premier temps que la performance sportive résulte d'une action collective nécessitant la gestion de l'humain par l’entraîneur. Dans un deuxième temps, nous montrerons de quelle façon la planification stratégique de l'entraînement conduit à la qualité et à la stabilité de la prestation de l'entraîné.

A. : La performance sportive résulte d'une action collective nécessitant la gestion de l'humain par l'entraîneur

Nous montrerons dans cette partie que travailler sur l'efficacité de l'organisation sportive est source de performance. Il s'agit pour l’entraîneur d'optimiser son fonctionnement en vue d'atteindre le succès sportif. Nous verrons aussi que la division des tâches et la spécialisation lors de l’entraînement contribuent à la recherche de la performance. Enfin, la professionnalisation de l’entraîneur et de l'entraîné conditionne la réalisation de la performance. Sans implication sportive, l'athlète se cantonnera à des performances médiocres, sans atteindre la performance optimale, par la mobilisation de l'intégralité de son potentiel.

1. l'organisation sportive, source de performance D'après Cyril Baqué, la structure organisationnelle peut être considérée comme un ensemble de mécanismes d'influence, ayant pour objectif d'orienter, d'encadrer, et de canaliser les décisions des différents membres de l'organisation. Elle possède un cadre de référence, composé des individus, des tâches, des technologies et des moyens, des objectifs, des normes, des valeurs, ou encore des pratiques managériales. Au centre de cette structure, l’entraîneur. Son rôle est d'optimiser le fonctionnement de l'équipe et de l'organisation8. Si l'on se réfère aux grilles d'organisation d’Henri Mintzberg, l'organisation sportive serait une structure adhocratique missionnaire: « les travailleurs travaillent en groupes de projet, pour répondre aux besoins spécifiques des clients »9. En d'autres termes, l'organisation sportive possèderait une large liberté de manœuvre afin d'atteindre les objectifs définis, une taille modeste permettant aux différents membres d'entretenir des

7 Philippe Lorino, Méthodes et pratiques de la performance, 3e Edition, Editions d'Organisation, 2008 8 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed. Chiron, 2007 9 Henri Mintzberg, Le Management voyage au centre des organisations, Paris, Editions d'Organisations, 1994 POULAT Charlotte_2009 15 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

relations personnelles, la volonté de relever un défi, et enfin, un charisme fort de l'entraineur10. Ainsi, si l'on applique ces théories au patinage artistique, l'organisation se résumerait au club et au noyau dur, soit entraîneur et l'entraîné, et aux acteurs qui les entourent, soit les spécialistes que sont les médecins ou encore les chorégraphes. A titre d'exemple, le CSGL (club des sports de glace de Lyon), constitue une organisation sportive où les entraîneurs Mme Zazoui, et Mr Haguenauer, ainsi que leurs patineurs, et entourés des spécialistes de leur choix, entretiennent une relation de proximité, travaillent autour d'un projet et vers la réalisation d'objectifs communs. Mme Zazoui le dit elle même, la fédération la laisse prendre ses décisions seule. M. Haguenauer ajoute que travailler en équipe restreinte est plus efficace, car il est impossible de mettre tout le monde d'accord. La décision finale reviendra donc à l’entraîneur

Par conséquent, l'organisation sportive relève d'un travail en équipe autour d'un projet commun. On est bien dans un système rationalisé, recherchant les meilleurs moyens pour assurer la production ainsi que la reproduction de la performance. Rassembler tous les individus participants dans une organisation, autour du pilier central qu'est l'entraîneur, mais aussi restreindre la prise de décision au noyau dur, permet d'obtenir une unité d'action et plus d'efficacité. L'organisation sportive est source de performance.

2. la division des tâches et la spécialisation à la recherche de l'efficacité

a.- la division et la spécialisation des tâches sur le modèle entrepreneurial Le sport de haut niveau est en proie depuis quelques années à une division et à une spécialisation du travail sur le modèle entrepreneurial. Cela concerne tous les moments de préparation de l'athlète lors de l'entraînement. Le sport possède ses règles propres, ses intérêts spécifiques ainsi que ses institutions particulières pour faire respecter les règles. Le postulat de rationalisation en sport, selon l'Etude Nationale sur les activités rémunérées ou indemnisées autour des sportifs de haut niveau, serait l'idée que chaque intervenant, afin de réaliser ses objectifs, va tendre à agir selon le calcul des relations entre fin poursuivie et moyens à mettre en œuvre pour y parvenir, de la façon la plus économique, la plus rapide et la plus efficace possible. La rationalisation serait ainsi une bureaucratisation, c'est à dire la mise en place d'une organisation, orientée vers un but unique et fonctionnel: obtenir le meilleur rendement lors de la compétition.11 Ainsi, lors de l'entraînement en patinage artistique, une organisation hiérarchique est mise en place afin d'obtenir la performance sportive. Elle permet la transmission des ordres entre les différentes parties. Par la division du travail et la spécialisation des tâches, chacun

10 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed. Chiron, 2007 11 Etude Nationale sur les activités rémunérées ou indemnisées autour des sportifs de Haut-Niveau, Qu'est-ce que travailler dans l'environnement du sport de haut niveau et produire ensemble de la performance?, Observatoire National des Métiers de l'Animation et du Sport, sous la coordination de Philippe Fleurance, 30 septembre 2004 16 POULAT Charlotte_2009 I. La necessaire mise en place d'un pilotage rationnel de l'entrainement , dirigé vers la qualité et l'efficacité de la prestation de l'entrainé

occupe un place et obéit à des règles. L'entraîneur apporte essentiellement les aspects techniques au sportif. Il va par exemple lui enseigner les techniques de placement du corps avant et après un saut. Les spécialistes quand à eux vont se cantonner à leur domaine d'attribution. Benoît Richaud explique qu'il collabore avec un préparateur physique pour travailler les faiblesses physiques ressenties sur glace, avec un chorégraphe pour monter les programmes et enfin avec une sophrologue pour l'aspect psychologique. Le patineur est au centre du processus de production de la performance, comme le démontre le schéma suivant:

Figure 3: système productif de performance en patinage artistique: ligne hiérarchique dans la division et la spécialisation des tâches Nous avons choisi de représenter sous forme pyramidale la hiérarchie qui règne au bord de la glace lors des entraînements. L'entraîneur se situe au sommet de cette ligne hiérarchique, les décisions finales lui appartiennent, bien qu'il doive insérer son activité à l'intérieur d'un collectif et mobiliser de nouvelles compétences. Selon M. Haguenauer, il est difficile d'être le meilleur en haut niveau, il faut donc être le plus original, d'où la nécessité

POULAT Charlotte_2009 17 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

de s'entourer d'acteurs venus de mondes très différents, comme le théâtre ou la danse, afin de proposer quelque chose de différent et donc de plus performant. Le patineur est jugé aussi bien sur sa capacité à effectuer certains sauts que sur son expression scénique. L'aspect artistique qui différencie cette discipline d'autres sports, comme le cyclisme, justifie l'importance de s'entourer d'acteurs de milieux variés. Lors de l’entraînement, le patineur se situe au centre du processus de production de la performance, et collabore étroitement avec l'entraîneur. Comme l'explique Mme Zazoui, l'entraîneur est libre de prendre sa décision seule mais doit toujours l'expliquer.

b. spécialisation des tâches et formation professionnelle La spécialisation des tâches permet de former de façon formelle ceux qui participent à le production de la performance, en créant notamment des diplômes spécifiques. L'accès à une activité est contrôlé, et les compétences requises sont clairement définies.12 N'importe qui ne peut pas s'improviser entraîneur. Il est en effet nécessaire de posséder son diplôme d'Etat. Ainsi, Mme Zazoui, M. Haguenauer ainsi que Mme Dube-Damioli n'ont pas eu la possibilité de s'appuyer uniquement sur leur expérience d'ancien patineur pour entraîner, mais ont préalablement passé leur diplôme d'Etat. Ainsi, la spécialisation des tâches entraîne indirectement une concentration de compétences spécifiques autour du patineur, aussi bien artistiques que techniques, ou médicinales. M. Haguenauer spécifie qu'en haut niveau, il est nécessaire de s'entourer de personnes elles aussi de haut niveau, donc très qualifiées dans leur domaine, afin d'obtenir une performance maximale de l'entraînement, et donc de la compétition.

Ainsi, la division et la spécialisation des tâches en patinage artistique permettent une chaîne de coordination de compétences spécifiques au bord de la glace. La performance du patineur étant à la fois technique et artistique, la multiplication de compétences et d'expériences y contribuent activement en associant des acteurs et des métiers différents. La spécialisation est aussi la garantie d'un personnel formé dans son domaine d'intervention et par conséquent extrêmement compétent. La performance sportive va à l'encontre de l'amateurisme. Néanmoins, l’entraîneur reste au sommet de la ligne hiérarchique et procède à un choix politique, en intégrant ou non dans sa prise de décision ce qui lui a été suggéré par les différentes parties prenantes.

3. la professionnalisation de l'entraîneur et de l'entraîné

a. le professionnalisme de l'entraîné Un pilotage rationnel de l’entraînement nécessite un grand professionnalisme de la part de l'entraîneur et de l'entraîné. Comme l'explique patinage de haut niveau engendre un mode de vie particulier et difficile: levé à 4h30, premier entraînement sur la glace à 6h, et ce été comme hiver. Le sportif peut donc être doué pour cette discipline, mais rechigner à se rendre à ses trois entraînements par jour, ou ne pas chercher en permanence à dépasser ses limites.

12 Etude Nationale sur les activités rémunérées ou indemnisées autour des sportifs de Haut-niveau, Qu'est-ce que travailler dans l'environnement du sport de haut niveau et produire ensemble de la performance?, Observatoire National des Métiers de l'Animation et du Sport, sous la coordination de Philippe Fleurance, 30 septembre 2004 18 POULAT Charlotte_2009 I. La necessaire mise en place d'un pilotage rationnel de l'entrainement , dirigé vers la qualité et l'efficacité de la prestation de l'entrainé

D'autre part, l'athlète n'a pas forcément toujours la bonne attitude lors de l'entraînement ou de la compétition. Pour Cyril Baqué, les critères qui déterminent le degré de professionnalisme de l'athlète sont la prise de risques, l'initiative, la remise en cause en permanence, le dépassement de soi et l'humilité face à ses adversaires13. A titre d'exemple, déçu par sa deuxième place aux Championnats du Monde de Goteborg en 2008, s'énerve devant les caméras françaises: « je m'incline contre quelqu'un qui ne fait pas de quadruple, qui ne tente pas de difficultés, donc je vais vous dire clairement, ça me fait chier ». La pression exercée sur les athlètes est énorme, et la gérer n'est pas toujours aisé. Le sportif doit se comporter comme un professionnel, accepter la règle, et par conséquent l'injustice et l'arbitraire. Mme Zazoui le dit clairement « les règles, c'est ma bible. Elles sont là, il faut faire avec ». D'autant plus que le patinage possède cette particularité de combiner technique et artistique dans la notation. D'où une grande part de subjectivité pouvant accentuer ce sentiment d'injustice et conduire à certaines attitudes peu fair play, mais souvent compréhensibles. L'implication sportive du patineur est déterminante. Elle peut se mesurer par les efforts produits pour revenir au plus haut niveau après une blessure. Suite à une chute au Jeux Olympiques de Salt Lake City, Sarah Abitbol se rompt le tendon d'achille. Opérée d'urgence, elle doit abandonner la compétition, avec son partenaire Stéphane Bernadis. Après six mois d'absence sur la glace, la patineuse retrouve néanmoins, à force de volonté, son plus haut niveau et termine avec son partenaire sur la première marche du podium aux Championnats de France, et sur la seconde aux Championnats d'Europe et au Trophée Lalique. C'est le rôle de l'entraîneur de veiller à ce que ses athlètes se préparent et se conduisent professionnellement, afin d'optimiser leur performance14.

b. le professionnalisme de l'entraîneur L'entraîneur doit lui aussi être un professionnel. Il tire en effet sa légitimité de ses compétences spécifiques élevées. L'acquisition de diplômes, mais aussi d'un savoir-faire issu de l'expérience, ainsi que l'implication dans les tâches et dans les performances demandées induisent le comportement professionnel de l'entraineur15. C'est uniquement s'il est compétent qu'il pourra mener son athlète à la victoire. Les entretiens menés montrent bien que l'expérience est primordiale. Les entraîneurs sont tous d'anciens patineurs. Ils possèdent l'expérience du terrain, de l'entraînement et de la compétition. Tous s'accordent sur le fait que la légitimité d'un entraîneur repose sur sa capacité à instaurer une relation de confiance avec son patineur. Relation qui elle- même repose sur les compétences techniques de l'entraîneur. Mme Haguenauer parle d'une autorité naturelle sur ses sportifs, justifiée par ses compétences techniques. Mme Zazoui précise qu'un bon entraîneur est un entraîneur responsable. Pour bien manager ses patineurs, il doit s'impliquer et faire le maximum pour les mener au plus haut. Un

13 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed. Chiron, 2007 14 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed. Chiron, 2007 15 Etude Nationale sur les activités rémunérées ou indemnisées autour des sportifs de Haut-niveau, Qu'est-ce que travailler dans l'environnement du sport de haut niveau et produire ensemble de la performance?, Observatoire National des Métiers de l'Animation et du Sport, sous la coordination de Philippe Fleurance, 30 septembre 2004 POULAT Charlotte_2009 19 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

management rationnel, repose donc sur des compétences techniques, sur un savoir-faire et une expérience permettant de mettre en place des outils de pilotage performants. Un des principaux enseignements retirés par nos entraîneurs est l'allègement des entraînements avant une compétition, afin d'éviter le surentraînement, la fatigue physique et morale, pouvant engendrer des contre-performances. Un entraîneur faisant preuve de professionnalisme est un bon entraîneur, car il sait manager de façon efficace ses sportifs et les mener à une performance optimale lors de la compétition. Mais c'est aussi « en se comportant comme un pro » et en réalisant avec ses patineurs ces performances que l’entraîneur va acquérir réputation et reconnaissance16. Ainsi, Mme Zazoui est extrêmement reconnue pour les différents titres qu'elle a remporté en National et en International, qui pour le milieu sont un gage de compétence, de professionnalisme et donc de performance.

c. le professionnalisme pour la performance économique Si l'on retient la définition de Philippe Lorino, un pilotage performant de l'entreprise permet d'améliorer le couple valeur-coût, en d'autres termes, d'améliorer la création nette de valeur. La destruction des ressources consommées (coût consommé), doit « valoir la peine » au regard des besoins satisfaits (la valeur retirée). D'où la nécessité d'une attitude professionnelle, dans le pilotage des entraînements, de la compétition et des galas, pour atteindre la performance non seulement technique mais aussi économique. Il faut donc éviter le gaspillage, en consommant des coûts sans créer de valeur, et au contraire faire preuve d'une grande créativité pour produire de la valeur avec peu de coûts17. Le patinage artistique et la danse sur glace constituent un marché du spectacle sportif, allant de paire avec la professionnalisation du sportif, de l’entraîneur, et du personnel qui les entoure. La rationalisation, qui vise à mettre en place une organisation sportive et des entraînements orientés vers la performance de l'athlète, a pour source et pour conséquence la commercialisation et la professionnalisation des activités sportives. On passe généralement de la logique de productivité technique, ou gain sportif, à la productivité économique cherchant à attirer des spectateurs. Il s'agit alors d'augmenter les bénéfices de l'entreprise sportive en gérant la force de travail des sportifs et des techniciens18. Ainsi, les médias, les sponsors, les clubs ou encore la fédération, mettent en place des stratégies de valorisation économique des compétitions et des galas de clôture. L'aspect artistique de la discipline, par la musique, les costumes, les chorégraphies et les portés, assimile la compétition a un spectacle et attire les spectateurs. Le Gala clôturant chaque compétition de patinage possède une fonction purement économique. Il s'agit bien d'un show, d'un spectacle, créé afin de divertir le spectateur. La consommation en temps, en argent, en effort physique et artistique doit être équivalente aux besoins satisfaits: la venue et la satisfaction du public. Certains sportifs ont parfois tendance à sous-estimer ces galas, concentrés uniquement sur la compétition, et à présenter un programme peu travaillé. Ils ont

16 Etude Nationale sur les activités rémunérées ou indemnisées autour des sportifs de Haut-niveau, Qu'est-ce que travailler dans l'environnement du sport de haut niveau et produire ensemble de la performance?, Observatoire National des Métiers de l'Animation et du Sport, sous la coordination de Philippe Fleurance, 30 septembre 2004 17 Philippe Lorino, Méthodes et pratiques de la performance, 3e Edition, Editions d'Organisation, 2008 18 Etude Nationale sur les activités rémunérées ou indemnisées autour des sportifs de Haut-niveau, Qu'est-ce que travailler dans l'environnement du sport de haut niveau et produire ensemble de la performance?, Observatoire National des Métiers de l'Animation et du Sport, sous la coordination de Philippe Fleurance, 30 septembre 2004 20 POULAT Charlotte_2009 I. La necessaire mise en place d'un pilotage rationnel de l'entrainement , dirigé vers la qualité et l'efficacité de la prestation de l'entrainé

par conséquent gaspillé des coûts, notamment en temps et en énergie, et la valeur retirée est réduite. Le public est insatisfait.

Un bon entraîneur se conduit comme un professionnel. Il se doit de « faire le maximum, et ne pas devenir un fonctionnaire du sport » comme l'explique M. Haguenauer. Pour piloter l'entraînement de façon rationnelle et performante, il lui faut non seulement posséder des diplômes reconnus par la profession, mais aussi s'appuyer sur son expérience et sur les enseignements qu'il en peut en retirer. On reconnaît la performance d'un entraîneur à sa renommée et à sa réputation. Mais l’entraîneur doit aussi veiller à ce que son sportif se prépare et agisse professionnellement. Seul un patineur impliqué dans son sport atteindra le plus haut degré de performance. D'e plus, en tant que marché du spectacle, le patinage conduit les athlètes, leurs entraîneurs, et tout le personnel qui les entoure à agir professionnellement, afin de maximiser la productivité économique, et non pas uniquement la productivité technique, de la prestation. L'entraîneur peut donc être assimilé à l'entrepreneur, et le patineur au salarié d'une entreprise, recherchant la performance, grâce à un pilotage rationnel de l'action, afin de réaliser des gains de productivité.

Pour terminer cette première section, le pilotage rationnel de l'entraînement repose sur l'organisation sportive, sur la division et la spécialisation des tâches, ainsi que sur le professionnalisme de l'entraîneur, du patineur et du personnel qui les entoure. L'entraîneur peut être présenté comme un gestionnaire des ressources humaines cherchant à coordonner l'action collective autour du sportif, lui-même situé au centre du système de production de la performance. Nous suggérons que l'amateurisme des patineurs de haut niveau soit remis en cause. Par définition, l'amateurisme en sport, caractérise la pratique d'une activité sportive par plaisir et non dans le but de gagner sa vie. La distinction se fait sur l'existence ou non d'un contrat de travail. Or l'athlète dédie tout son temps, toute son énergie et toute sa vie à son sport. Il possède des compétences spécifiques qu'il cherche continuellement à améliorer. Sa réussite est conditionnée par sa capacité à se conduire de façon professionnelle, lors des entraînements et des compétitions. D'autre part, son activité, au-delà de la productivité technique, recherche une productivité économique, et engendre des bénéfices. Et s'il ne possède pas de contrat de travail, le sportif retire néanmoins des avantages et des revenus de son activité, en participant par exemple à la tournée de galas de l'équipe de France. D'autant plus que l'image du sportif est souvent utilisée et commercialisée pour des contrats publicitaires. Ainsi, le patineur de haut niveau présente toutes les caractéristiques d'un professionnel, sans l'être véritablement. Lui accorder ce statut semblerait donc plus juste au regard de la réalité économique de son activité, et permettrait aussi de rendre son implication sportive moins difficile, car moins source de sacrifices. Le professionnalisme des patineurs et leur performance s'en trouveraient donc optimisés. D'autre part, il semble important de spécifier que ce statut ne nie à aucun moment la passion qui est à l'origine de la pratique de ce sport. Il ne fait que faciliter l'implication de l'athlète de haut niveau.

B. La planification stratégique de l'entraînement produit la qualité et la stabilité de la prestation

POULAT Charlotte_2009 21 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

Nous expliquerons dans cette partie que la planification stratégique lors de l'entraînement en patinage artistique est source de performance. La mise en place et la poursuite d'objectifs stratégiques, l'évaluation et la conduite du changement ainsi que la qualité décisionnelle de l'entraîneur constituent des outils de pilotage au service de la qualité, de la stabilité, et de l'efficacité de la prestation. C'est ce que nous verrons dans trois points successifs.

1. le management par les objectifs, objet d'un calcul rationnel pour la stabilité de la prestation

a. pilotage et objectifs stratégiques Philippe Lorino explique que le déploiement des plans d'action stratégiques repose sur la mise en place d'objectifs stratégiques. Deux étapes importantes sont à retenir19: -la formulation des objectifs: les objectifs stratégiques sont le point de départ au diagnostic de la performance et à la définition de plans d'action. Ainsi, ils sont véritablement proches de l'action. Ils correspondent à des finalités stratégiques, souvent quantifiables. Ainsi, pour devenir le « numéro 1 », des objectifs stratégiques seront mis en place. -le déploiement des objectifs sur les processus: il existe un croisement entre processus et objectifs. Les objectifs sont déployés dans l'action et mis à l'épreuve des faits. A partir de ces objectifs, résultats visés pour demain, la stratégie peut être déployée. Le schéma suivant démontre l'importance d'une analyse causes-effets pour le pilotage:

Figure 4: Analyse causes-effets pour le pilotage Source: Philippe Lorino, Méthodes et pratiques de la performance, 3e Édition, Éditions d'Organisation, 2008 Nous constatons que piloter c'est, en partant des résultats visés pour demain (les objectifs stratégiques) identifier les causes agissantes sur lesquelles il faut intervenir aujourd'hui, on parle de leviers d'action. Selon Cyril Baqué, l'athlète peut se fixer deux types d'objectifs principaux:20

19 Philippe Lorino, Méthodes et pratiques de la performance, 3e Edition, Editions d'Organisation, 2008 20 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed. Chiron, 2007 22 POULAT Charlotte_2009 I. La necessaire mise en place d'un pilotage rationnel de l'entrainement , dirigé vers la qualité et l'efficacité de la prestation de l'entrainé

-les objectifs de performance: un but ou un résultat à atteindre a été fixé, indépendamment de la prestation des concurrents. Il s'agit plutôt ici d'un défi personnel, en dehors de toute performance collective. -les objectifs de processus: ceux-ci caractérisent des éléments à maîtriser dans le cadre d'une performance globale. Ils se traduisent par des actions visibles orientées vers la réalisation de la performance.

b. la planification des entraînements et des compétitions L'entraîneur et les patineurs se fixent des objectifs stratégiques, en fonction desquels des actions pourront être mises en place afin d'accéder à la performance de la prestation. M. Haguenauer établit un calendrier pour planifier les entraînements et les compétitions, et décline ainsi les objectifs stratégiques à court et moyen terme. Chaque entraînement vise à réaliser certains objectifs, techniques ou artistiques, et la compétition a pour but une performance plus globale: la qualité du programme. Néanmoins, M. Haguenauer précise qu'il est primordial de s'adapter aux phases d'entraînement et de compétition pour définir les objectifs stratégiques. Les différentes phases d'entraînements et les objectifs correspondants sont les suivants: -la préparation de la saison: les objectifs sont de répéter les basics afin de maintenir les automatismes, l'acquisition de nouvelles compétences techniques, la conception et la réalisation d'une chorégraphie, par la recherche des pas et de portés, qui plaisent au plus grand nombre et obtiennent l'adhésion du jury. -la mise en œuvre: l'objectif est de faire en sorte que tout s'enchaîne parfaitement. Le programme ne dure que 4 minutes mais il faut des mois pour arriver à un résultat de qualité. -la préparation de la compétition: l'objectif est de pouvoir reproduire le programme en entier et d'affiner la prestation, dans les gestes, dans les émotions... Les différentes phases des compétitions et les objectifs correspondants sont les suivants: -les grands prix: A partir d’octobre et ce jusqu'à mi-décembre. L'objectif de ces grand prix n'est pas forcément de réaliser une performance optimale dans la prestation, mais d'identifier et de régler les dernières défaillances du programme. -les championnats: En janvier, février et mars, ses compétitions constituent l'objectifs majoritaire. C'est à ce moment là que la performance doit-être optimale.

c. une planification stratégique adaptée aux athlètes Monsieur Haguenauer explique que l'entraîneur doit adapter sa planification stratégique aux athlètes. Un programme irréaliste ou trop ambitieux, multipliant portés et pas difficiles techniquement, peut provoquer des contre-performances. Un équilibre doit être trouvé. Les objectifs doivent être suffisamment ambitieux pour motiver les athlètes, mais pas démesurément afin de ne pas les décourager. D'autre part, Mme Dube-Damioli précise que l'objectif se différencie du résultat. Le patineur doit performer selon son potentiel du moment sans forcément viser le podium. Jean Pierre Famose ajoute qu'en cas de discrépance, donc d'écart entre les objectifs fixés et le résultat réalisé, l'athlète peut jouer sur le feed back. En d'autres termes, il va

POULAT Charlotte_2009 23 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

tenter de se rapprocher de son but en modifiant son comportement. L'apprentissage semble être le meilleur moyen. La seconde solution peut être de jouer sur le but. Le sportif va tenter de réduire la discrépance en agissant par exemple sur ses connaissances, ou en s'adaptant au but, par la progression. Mais l'athlète peut aussi rejeter le feed back et considérer la discrépance comme non crédible. C'est le cas de Brian Joubert lorsqu'il a considéré qu'il était injuste de récompenser un patineur ne prenant pas de risque. Le sportif considère qu'il n'a pas échoué, c'est le système qui est défaillant. Enfin, l'athlète peut tout simplement abandonner le but et renoncer à la difficulté en se désengageant physiquement et mentalement de la compétition. Jean-Pierre Famose évoque ensuite le danger des anti-buts. La peur de paraître ridicule ou d'échouer peut conduire le sportif à chercher à s'éloigner inconsciemment de son but. Mais le sportif peut aussi avoir peur de gagner. Remporter la victoire engendre pour lui un changement considérable. Les juges comme les spectateurs ont des attentes fortes pour les prochaines compétitions. La médiatisation en haut niveau renforce cette pression exercée sur les athlètes. Ainsi, si le sportif réussi il sera considéré comme compétent, d'autant plus qu'il n'a pas fourni d'efforts, et s'il échoue, il pourra évoquer un excuse telle qu'une blessure ou le manque d'entraînement. Ces stratégies d'auto handicap montrent bien qu'il est nécessaire pour l'entraîneur et l'entraîné de fixer des objectifs proches, flexibles, réalistes, spécifiques, positifs (un patineur ne doit pas se dire avant une compétition « il ne faut pas que je chute »), et immédiats, sans perdre de vue le long terme21.

C'est le rôle de l'entraîneur de procéder à ce calcul rationnel dans la fixation des objectifs stratégiques à court, moyen et long terme. Les plans d'action qu'il en déduira permettront à son sportif de réaliser un programme stable, efficace et de qualité car adapté à ses capacités et à son état d'esprit. Le management par les objectifs optimise donc la performance sportive.

2. la conduite du changement pour plus d'efficacité:

a. le diagnostic et le retour d'expérience Comme le démontre Philippe Lorino, la démarche de pilotage s'apparente souvent à une recherche de causes. Il faut assurer le retour d'expérience en recherchant les causes passées ayant des résultats aujourd'hui, afin de mieux comprendre les ressorts de la performance. Une analyse causes-effets permet d'enquêter sur les causes de la performance. Il s'agit par conséquent d'examiner les résultats du croisement objectifs- processus, et ainsi de voir ce qui est validé, ou au contraire invalidé, dans la stratégie. Les questions qu'il est alors nécessaire de se poser sont les suivantes: quels facteurs possèdent une influence significative sur les principales performances des processus, pourquoi tel processus contribue t-il plus ou moins à l'objectif stratégique? Ce diagnostic permettra de remonter jusqu'aux facteurs structurels « premiers », source de performance. Le schéma suivant clarifie ces notions:

21 Jean-Pierre Famose, La Motivation en éducation physique et en sport, Ed. Armand Colin, 2001 24 POULAT Charlotte_2009 I. La necessaire mise en place d'un pilotage rationnel de l'entrainement , dirigé vers la qualité et l'efficacité de la prestation de l'entrainé

Figure 5: Analyse causes-effets pour le diagnostic Source: Philippe Lorino, Méthodes et pratiques de la performance, 3e Edition, Editions d'Organisation, 2008 Pour réaliser ce diagnostic et évaluer les écarts entre l'objectif souhaité et le résultat obtenu, le pilotage va s'appuyer sur des indicateurs. Ces outils de gestion sont liés au suivi des actions en cours, ou a des points qu'il est nécessaire de maintenir en vigilance. Deux types d'indicateurs vont être utilisés:22 -l'indicateur de suivi, permettant de suivre l'action et d'engager des actions correctrices en cas de dysfonctionnement, avant que le résultat ne soit consommé -l'indicateur de résultat, qui mesure le résultat final de l'action et le degré de performance atteint (soit le degré de réalisation de l'objectif stratégique)

b. la conduite du changement, en entraînement et en compétition Brian Joubert, explique lors d'une conférence de presse: « J’ai complètement repris mon libre. La musique, la chorégraphie, j’ai tout changé de A à Z. Maintenant, je me sens bien. C’est la première fois que je change de programme en cours de saison mais c’est la bonne solution. Je ne tiens pas a répéter des bêtises passées. Je parle ici du programme libre de 2005 qui ne m’allait pas : j’ai réussi à assurer aux Championnats d' Europe, mais j’ai craqué aux Championnats du Monde »23. Le diagnostic et l'évaluation permettent au sportif de progresser continuellement. Mme Zazoui insiste sur l'importance d'identifier et d'analyser les échecs. Un débriefing a donc lieu suite à chaque compétition. En cas d'écart entre le résultat souhaité, et celui qui a été obtenu, des actions correctrices peuvent être engagées. Il va y avoir changement. En période de crise, l'entraîneur s'appuie sur ses capacités d'écoute et d'observation pour aménager son intervention et mettre en place des stratégies. Il doit savoir gérer les perturbations du terrain sportif, les dysfonctionnements dans l'organisation et élaborer un plan d'action efficace. L'évaluation et le diagnostic lui permettent de trouver une explication rationnelle à l'échec, et devraient aboutir au changement24. 22 Philippe Lorino, Méthodes et pratiques de la performance, 3e Edition, Editions d'Organisation, 2008 23 Conférence de presse, janvier 2009 24 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed. Chiron, 2007 POULAT Charlotte_2009 25 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

Un diagnostic est souvent effectué entre les différentes épreuves lors d'une compétition. Le patinage simple comporte un programme court et un programme libre, alors que la danse sur glace comporte trois épreuves: la danse imposée, originale et libre. La stratégie sera réévaluée entre chaque passage comme l'explique Mr Haguenauer. En cas d'échec sur la première prestation, des modifications pourront être apportées afin d'atteindre la performance. L'indicateur utilisé en patinage artistique est clair et chiffré: se sont les notes attribuées par les juges. Si la note des éléments techniques est trop faible, on réduira la prise de risque sur le deuxième passage pour plus d'efficacité. Le patineur et l'entraîneur pourront décider de réduire le nombre de sauts difficiles techniquement lors de la seconde épreuve, au profit de sauts plus facilement réalisables bien que moins bien cotés.

c. gérer le risque et réduire la zone d'incertitude L'objectif est de réduire la zone d'incertitude de la prestation. Tout sport de haut niveau comporte des risques en raison du caractère hors norme des performances effectuées. Les efforts physiques, techniques, artistiques et émotionnels fournis par le patineur sont considérables. Même dans le cas d'une gestion exemplaire de l'entraînement et de la compétition par l'entraîneur, des impondérables vont rendre la performance incertaine. Benoît Richaud nous dit qu'il fixe avec ses entraîneurs des objectifs de performance, et non pas des objectifs de résultats. Il explique: « les résultats malheureusement nous ne les contrôlons absolument pas ». Le corps, le psychisme, certains éléments matériels, ou encore les adversaires, échappent au contrôle de l'entraîneur et du patineur25. Ce dernier n'est pas à l'abri d'une blessure, de casser une lame de son patin, ou d'être surpris par la performance d'un concurrent. En patinage artistique, l'incertitude est encore plus forte en raison de son aspect artistique. L'artistique apporte en effet une part de subjectivité à la notation par les juges. L'entraîneur et le patineur ne peuvent êtres certains de plaire à chaque juge, et par conséquent, de remporter leur adhésion par une bonne note. D'autant plus qu'en haut niveau, comme le dit M. Haguenauer, performer c'est se différencier. Plus les entraîneurs et leurs sportifs misent sur l'originalité de leur programme, plus le risque de déplaire à certains juges est important. Le risque, selon Lorino est la possibilité que se produisent des évènements empêchant l'atteinte des objectifs fixés. Il s'agit par conséquent pour l'entraîneur de mesurer la sensibilité au risque du programme réalisé, et d'identifier les leviers de risque, en d'autres termes les causes possibles d'échec, à surveiller. D'autre part, le risque va de paire avec l'irréversibilité. Sans prise de décisions irréversibles, il n'y a pas de risque26. L'entraîneur et le patineur se trouvent dans cette position avant d'aborder la seconde phase de la compétition. La recherche de la performance tend par conséquent à viser l'automatisme des gestes, la routine, et à donner confiance au sportif, afin de réduire les risques27. Le schéma qui suit démontre que l'entraîneur doit piloter l'action afin de s'adapter à son environnement, en amont, afin de gérer le risque en aval, de réduire l'incertitude, et par conséquent d'optimiser l'efficacité et la performance de la prestation.

25 Isabelle Queval, Le Sport, Petit abécédaire philosophique, Ed. Larousse, coll. Philosopher, 2009 26 Philippe Lorino, Méthodes et pratiques de la performance, 3e Edition, Editions d'Organisation, 2008 27 Isabelle Queval, Le Sport, Petit abécédaire philosophique, Ed. Larousse, coll. Philosopher, 2009 26 POULAT Charlotte_2009 I. La necessaire mise en place d'un pilotage rationnel de l'entrainement , dirigé vers la qualité et l'efficacité de la prestation de l'entrainé

Figure 6: Chaîne de gestion des risques et de conduite du changement Nous avons représenté la conduite du changement sous forme de chaîne. Des risques pèsent sur la prestation du sportif. Une prestation trop ambitieuse peut desservir l'athlète et le conduire à effectuer une contre-performance. L'entraîneur doit donc gérer le risque en réduisant cette zone d'incertitude et conduire le changement. Un diagnostic et une évaluation lui permettront d'identifier les actions correctrices à mener et les leviers d'actions à mettre en place. Le patineur pourra ainsi s'approcher au plus près de la performance grâce à une prestation efficace, en apprenant des erreurs passées, et en progressant de façon constante. Mais ce processus constitue une boucle. L'entraîneur et le patineur se doivent de constamment réévaluer, comme l'explique Mme Zazoui. Pour progresser et ne pas s'éloigner de nouveau de la performance, le sportif a toujours besoin d'évoluer.

L'évaluation et le diagnostic visent à identifier les modifications en termes de pilotage et de stratégies, à effectuer. Des indicateurs de suivi et de résultat permettent à l'entraîneur de procéder à la conduite du changement pour s'approcher au plus près de la performance. Le changement vise non seulement à encourager la progression de l'athlète, en adoptant des actions correctrices, mais aussi à atteindre les objectifs définis, en gérant le risque et en réduisant l'incertitude. L'efficacité de la prestation qui résulte de ces changements permettra à l'athlète d'augmenter sa performance sportive.

3. des stratégies reposant sur la qualité décisionnelle de l'entraîneur La planification stratégique de l'entraînement, reposant sur le management par les objectifs et sur la conduite du changement, n'est possible qu'en cas d'une qualité décisionnelle forte POULAT Charlotte_2009 27 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

de l'entraîneur. Comme dans une entreprise, la performance repose sur la capacité de prendre les meilleures décisions, au meilleur moment.

a. La prise de décision comme source de pouvoir de l'entraîneur La prise de décision est source de pouvoir et correspond à la capacité de l'homme à influer sur le résultat futur du processus de décision. Selon Gareth Morgan, trois sortes de pouvoirs influent sur le processus de décision28: -la maîtrise des prémisses de la décision, c'est à dire le contrôle sur les questions à débattre. -le contrôle du processus de décision. Il s'agit ici d'en maîtriser les processus et de repérer les variables clefs à manipuler, afin d'influencer le résultat du processus. -la connaissance des enjeux et des objectifs relatifs à la décision. Certaines contraintes particulières doivent être mises à jour afin d'identifier les différentes alternatives possibles. L'entraîneur en patinage artistique et en danse sur glace est à l'origine du processus de prise de décision. Prenons l'exemple du programme libre en danse sur glace, où le couple exprime librement sa propre interprétation de la musique choisie. L'entraîneur maîtrise les prémisses de la décision. Il a le pouvoir d'initiative des décisions. Bien qu'elle dialogue avec le patineur, Mme Dube-Damioli, explique que la décision finale lui appartient. Les patineurs sont parfois réticents lors du montage des programmes, à réaliser certains éléments leurs paraissant trop difficiles. Elle pourra alors prendre la décision seule de les maintenir, car elle sait qu'ils y parviendront, à force de travail. L'entraîneur contrôle aussi les processus de décision. Il établit un cadre facilitant une prise de décision allant dans le sens de ce qu'il veut voir réaliser. Il veille à ce que les alternatives ayant de faibles chances de réussir soient écartées. Comme nous l'avons vu, l'entraîneur planifie, met en place des stratégies, évalue et engage des actions correctrices. Le diagnostic, au moment de l'entraînement comme au beau milieu d'une compétition, permet de prendre des décisions stratégiques et de mettre en place des leviers d'action orientés vers la performance. Les alternatives trop risquées seront écartées. La décision peut ici tenir dans l'allègement d'un programme trop ambitieux, afin d'assurer un podium, après une première prestation relativement médiocre. Contrôler les processus de décision nécessite de l'entraîneur une connaissance des enjeux et des objectifs liés à la prise de décision. Un porté difficile pourra être écarté car le risque qu'il représente peut conduire à manquer le podium. L'entraîneur doit garder constamment en mémoire les objectifs de la compétition pour prendre les décisions qui conduiront à la performance.

b. l'insertion de l'individuel dans le collectif Selon Michel Crozier, l'individu présente des intérêts individuels, caractérisés par ses buts, ses valeurs, ses désirs et ses attentes. Il tend naturellement à les satisfaire, à les atteindre. Il peut alors adopter une attitude particulière, pour atteindre ses objectifs personnels et aller consciemment, ou non, à l'encontre du succès collectif. Il décide de façon séquentielle et choisit pour chaque problème qu'il a à résoudre la première solution lui apportant un seuil minimal de satisfaction. Le pouvoir de décision possède donc un caractère relationnel. Une relation instrumentale, visant l'atteinte d'un but, relie les différentes parties. Michel Crozier

28 Gareth Morgan, Images de l'Organisation, Bruxelles, De Boek-Presse de l'université de Laval, 1999 28 POULAT Charlotte_2009 I. La necessaire mise en place d'un pilotage rationnel de l'entrainement , dirigé vers la qualité et l'efficacité de la prestation de l'entrainé

donne la définition suivante du pouvoir: « la capacité pour certains individus d'agir sur d'autres individus ou groupes », il s'agit d'un « rapport de forces, dont l'un peut tirer avantage de l'autre, mais où également, l'un n'est jamais totalement démuni face à l'autre »29. L'entraîneur a donc besoin de comprendre le comportement de ses patineurs pour atteindre ses objectifs. Les sportifs ont en effet la possibilité d'influer sur la réussite ou non de l'objectif. L'interdépendance des membres est encore plus fort en danse sur glace puisqu'elle s'exerce entre l'entraîneurs et ses patineurs, mais aussi entre les deux patineurs. Cette interdépendance doit être acceptée et transformée en un jeu gagnant pour les différentes parties. Toute stratégie s'accompagne donc d'une négociation ainsi que d'une gestion des conflits engendrés par les motivations personnelles. Chaque patineur est amené à prendre une décision qui aura un impact sur la prestation individuelle et collective30. L'interdépendance est d'autant plus difficile à gérer en dans sur glace que les patineurs constituent un binôme, où leur personnalité peut s'exprimer clairement, phénomène plus atténué en rugby à XV. Il en va de même pour le patinage simple, entre l'entraîneur et l'entraîné. Mme Zazoui devait donc souvent gérer des conflits entre Marina Anissina, extrêmement perfectionniste, et Gwendal Peizerat, fonctionnant plutôt au « ressenti ». Leurs désirs, leurs attentes sur la glace étant parfois divergents, l'entraîneuse se devait de faire émerger une conscience collective. La réussite du projet sportif et la construction d'une équipe, ou d'un patineur, performant, passe par là. Marina Anissina et Gwendal Peizerat ont donc dépassé leurs intérêts individuels pour se concentrer vers le même objectif, se hisser sur les plus hautes marches du podium. Leur titre Olympique aux Jeux de 2002 en est la preuve formelle. Nous pouvons d'autre part déduire de cette implication des individus et du groupe le partage des responsabilités dans le projet sportif. Mme Zazoui le dit clairement, l'entraîneur et ses patineurs partagent les victoires comme les défaites. Chacun possède sa part de responsabilité. Chaque prise de décision vise la performance du groupe, ou de l'individu. Mais l'entraîneur doit aussi intégrer dans le processus de prise de décision l'analyse des stratégies individuelles et collectives, afin de rechercher celles qui seraient à l'origine de dysfonctionnements. Les échecs et les réussites se font sur le terrain et les prises et mises en œuvre de décisions peuvent être suivies en direct. La performance tient donc dans la capacité à prévenir les risques liés à des erreurs de décision, et dans la capacité à mener des actions correctrices, comme nous l'avons vu précédemment31. Pour terminer, la prise de décision constitue un pouvoir de l'entraîneur. Il possède l'initiative de décision, en contrôle le processus, tout en gardant à l'esprit les objectifs en jeu. Néanmoins, les décisions de l'entraîneur s'appuient sur les spécificités individuelles, prises en compte dans une dynamique collective. L'entraîneur se pose alors comme un manager des jeux de pouvoir et doit regrouper les intérêts individuels autour d'un but collectif. Cette prise de conscience d'un intérêt de groupe conditionne la réalisation de la performance des patineurs. Enfin les échecs sont souvent le résultats de stratégies défaillantes. Une analyse des dysfonctionnements liés à une mauvaise décision est par conséquent nécessaire.

29 Michel Crozier et Erhard Friedberg, L' Acteur au cœur du système, Paris, Ed. Seuil, 1977 30 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 31 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 POULAT Charlotte_2009 29 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

Pour conclure cette seconde et dernière section, la planification stratégique de l'entraînement par l'entraîneur permet à l'entraîné de réaliser une prestation plus efficace et de meilleure qualité. Le management par les objectifs et la conduite du changement font l'objet d'un calcul rationnel de la part de l'entraîneur. Ce dernier constitue par conséquent le pilier de la performance, et doit faire preuve d'une grande qualité d'observation, d'écoute, et surtout décisionnelle. C'est en effet par la prise de décision que des leviers d'actions pourront être mis en place pour améliorer la performance. Ces prises de décisions sont le résultat d'une dynamique collective, insérant les intérêts individuels des patineurs et de l'entraîneur. Après évaluation, des actions correctrices doivent êtres adoptées pour corriger les dysfonctionnements et de nouvelles stratégies doivent êtres conduites afin de réduire la zone d'incertitude pesant sur ce sport et d'encourager le progrès du patineur. La performance sera ainsi approchée par une meilleure gestion des risques et une meilleure adaptation à l'environnement. Nous suggérons que l'entraîneur ne procède pas uniquement par un management par les objectifs. En effet, cette méthode entraîne une pression d'enjeux forte. Des contre performances peuvent en résulter, liées à la peur et à l'angoisse de l'échec. Certaines compétitions devraient être dédiées au plaisir de l'athlète, et lui rappeler que c'est avant tout l'amour pour la glace et pour le patinage qui l'anime. Cette notion s'applique principalement au patinage artistique et en danse sur glace en niveau national, où les athlètes débutent leur carrière. Même si les résultats immédiats ne sont pas forcément élevés, les performances futures n'en seront que plus fortes. L'athlète subira moins de pression psychologique, sera plus à l'aise dans son corps, réduisant ainsi les risques de blessure, plus motivé, et par conséquent davantage professionnel, d'autant plus qu'il y consacre sa vie. Sport et passion en haut niveau sont étroitement liés, et cette suggestion peut permettre d'entretenir ce lien dans l'esprit à la fois de l'athlète et de l'entraîneur.

30 POULAT Charlotte_2009 II. Le management relationnel entrainé-entraineur, orienté vers la stabilité et la régularité de la prestation

II. Le management relationnel entrainé- entraineur, orienté vers la stabilité et la régularité de la prestation

Nous avons démontré la nécessité de mettre en place un pilotage rationnel de l'entraînement, orienté vers la qualité et l'efficacité de la prestation de l'entraîné. Nous pouvons à présent affirmer que l'entraîneur est à l'origine du système de production de la performance, au sein duquel le patineur. Comme dans une entreprise, l'entraîneur gère l'humain et entreprend un planification stratégique de l'entraînement, visant la production de la performance. Néanmoins le sport de haut niveau se différencie du monde de l'entreprise par la relation intime instaurée entre les différents membres du groupe, en raison des expériences fortes vécues ensembles. Mais le patinage va lui aussi, de son côté, se différencier des autres sports. Sa spécificité tient dans le fait qu'il se pratique seul, ou en couple, et non pas en équipe comme pour certains sports collectifs. Les liens entre entraîneurs et patineurs n'en sont que plus étroits et personnels. D'autre part, le caractère artistique du patinage, par la musique ou la théâtralité, engendre une dimension émotionnelle très forte, le différenciant ainsi d'autres sports pratiqués eux-aussi individuellement, comme le tennis, ou la natation. Ce qu'attendent les juges en patinage, c'est une prestation de qualité. Néanmoins, donner une définition précise de cette notion est difficile. Henri Mintzberg le dit lui-même, « On ne peut définir la qualité, on la reconnaît quand on la voit »32. La part de subjectivité en patinage, liée à sa nature artistique, rend la définition de la qualité d'autant plus délicate. Celle que nous retiendrons ici est la suivante: la qualité est l'ensemble des propriétés d'un produit que lui confère l'aptitude à satisfaire des besoins, qu'ils soient exprimés ou implicites33. La satisfaction des parties prenantes en patinage artistique concerne les juges, qui attribueront des notes en fonction de leur degré de satisfaction, le public, qui se manifestera bruyamment lors de la prestation, et enfin l'entraîneur et les patineurs, par la réalisation des objectifs, voire l'obtention d'un podium. La non qualité constitue un gaspillage en temps et en énergie, pour le sportif comme pour son entraîneur. La performance en patinage de haut niveau ne doit pas être exceptionnelle mais se reproduire à chaque compétition. Or il est impossible de contrôler parfaitement la réalisation de la performance, même avec une gestion exemplaire de l'entraînement et de la compétition, en raison des zones d'incertitudes pesant sur le sport de haut niveau. Les impondérables liés au psychisme, au corps et aux adversaires, vont rendre la réalisation et la régularité de la qualité en patinage difficile. D'autant plus que le psychisme est étroitement lié au corps, et que la faiblesse de l'un peut entraîner la faiblesse de l'autre. Pour obtenir une prestation régulière et de qualité, l'entraîneur doit procéder à un management relationnel, tout d'abord en motivant ses sportifs afin d'enrayer les pressions qui s'exercent sur eux, et enfin en mettant en œuvre ses compétences. C'est ce que nous 32 Henri Mintzberg, Voyage au centre des Organisations, Ed. D'Organisation, 2005 33 Etienne Colignon, « Qualité », in Encyclopédie de gestion, P. Joffre et Y. Simon, Ed. Economica, 1997 POULAT Charlotte_2009 31 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

étudierons dans deux parties successives, tout en essayant de déduire de cette relation ce qu'est un bon entraîneur.

A. motiver les patineurs, pour enrayer les pressions et obtenir la qualité de la prestation

Le patineur consacre toute sa vie à son sport. Plus qu’une simple passion, il s'agit d'un choix de vie, parfois difficile à faire coïncider avec la vie personnelle. Benoît Richaud nous décrit lors de l'entretien sa journée type, extrêmement chargée: « Je commence l'entraînement à 7h30 et je finis à 9h30. Après je rentre dormir ou travailler mon Brevet d'Etat. Je retourne ensuite sur glace de 11h30 à 14h. J'enchaîne ensuite avec la préparation physique. Et enfin, j'entraîne au club tous les soirs de 17h à 20h, voire 21h ». La motivation de l'athlète peut être affectée par des éléments propres à son activité sportive, comme un échec, la fatigue, le stress ou le manque de physique, nous dit Benoît Richaud, ou par des éléments extérieurs, comme sa vie familiale. L'entraîneur tient ici encore un rôle clef. Sa relation privilégiée avec le patineur est primordiale et constitue le socle de la performance sportive. En effet, il apporte à l'athlète l'équilibre dont il a besoin pour réussir. Afin d'optimiser la motivation et la performance du patineur, l'entraîneur va procéder à ce que l'on nomme la gestion motivationnelle, user de la préparation mentale comme outil managérial, et enfin pratiquer un management « positif ».

1. la gestion motivationnelle pour optimiser la motivation et la performance de l'athlète

a. La satisfaction des besoins du patineur L’individu est motivé par la satisfaction de ses besoins. Par conséquent il recherche en permanence l'équilibre et la réduction des tensions. Une chaîne peut représenter cette idée:

32 POULAT Charlotte_2009 II. Le management relationnel entrainé-entraineur, orienté vers la stabilité et la régularité de la prestation

Figure 7: Chaîne du mouvement de motivation et de réduction des tensions Source: Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed. Cette chaîne montre bien la nécessité pour l'athlète de se mettre dans l'action afin de satisfaire ses besoins. Pour Benoît Richaud, la compétition représente une occasion de se battre contre soi-même et d'essayer d'être « plus fort que son physique » pour arriver à faire ce que l'on désir. Le patineur performant est celui qui arrive à donner son maximum au bon moment. Si un patineur sent que sa première place sur le podium est menacée, il aura tendance à redoubler d'efforts pour défendre son titre. Sa motivation le conduira a davantage de performance. Frederik Herzberg identifie les facteurs d'hygiène, tels que les besoins physiologiques et de sécurité qui lorsqu'ils ne sont pas pris en compte par l'environnement sont sources d'insatisfaction, ainsi que les facteurs moteurs, que sont le besoin d'estime, d'appartenance, ou de réalisation de soi. Ceux-ci ne sont pas source d'insatisfaction s'ils ne sont pas pris en compte, mais génèrent de la satisfaction lorsqu'ils le sont. Herzberg ajoute que le contenu de la tâche doit être motivant. Suite à cette théorie, les entreprises ont compris la nécessité d'enrichir les tâches, an donnant plus de responsabilités et d'autonomie34. Dans les années 1970, Porter, Lawler et Hackman établissent cinq aspects qui détermineraient la motivation de l'individu face aux tâches35: -l'autonomie -la variété dans l'exécution -connaître l'intérêt de la tâche dans le processus de production -avoir accès aux informations liées à la tâche et autour de la tâche -recevoir des feed-back sur la tâche (qualité, critiques constructives...) 34 Frederik Herzberg, Work and the Nature of man, New York, The Mentore executive, 1966 35 L.W. Porter, E.E Lawler, J.R Hackman, Employees reactions to job characteristics, Journal of applied psychology, n°55, 1971 POULAT Charlotte_2009 33 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

Les athlètes selon Cyril Baqué n'existent que dans l'action, soit dans la réalisation de tâches individuelles et collectives. Ces tâches doivent effectivement être diversifiées et source d'autonomie, comme en entreprise. Mme Zazoui commence ses entraînements par un réveil musculaire, puis enchaîne avec la réalisation d'exercices très variés, afin d'éviter la lassitude. Des buts sont fixés en début de séance, avec le patineur, et peuvent être modifiés, suivant la fatigue ou les difficultés du jour. Mme Guttin-Moine précise que l'athlète a besoin d'un espace d'autonomie, d'un pouvoir de décision pour se sentir pleinement investi et donc être motivé. L'entraîneur est donc là pour motiver et pousser l'athlète à progresser de compétition en compétition, dans un cadre sportif propice à une pleine exploitation de son potentiel. Une première question va alors se poser: quels éléments sont à l'origine de la motivation du sportif? C'est la réalisation et la satisfaction des besoins du patineur qui sont sources de motivation pour le patineur. Il est possible d'en identifier huit36: -la recherche de plaisir: Mme Zazoui l'affirme, pratiquer le patinage en haut niveau induit une vie très particulière. Il est nécessaire d'avoir l'amour du sport, généralement depuis tout petit. Marina Anissina et Gwendal Peizerat ont tous deux commencé ce sport très jeune, à l'âge de trois ou quatre ans. Chaque prestation, doit être source de plaisir. Et c'est justement ce plaisir qui motive et pousse à persévérer dans ce sport. Le patinage offrirait aux athlètes un cadre où trouver un équilibre entre vie psychique, par l'inscription dans une culture sportive, et le bien-être corporel, dû au maintien du dynamisme et de la santé. -le besoin d'accomplissement et de dépassement de soi: la culture sportive permet de nouer des relations humaines très fortes entre le patineur et l'entraîneur. Le patinage offre un cadre permettant de développer des valeurs intrinsèques à la discipline sportive. Mr Haguenauer explique que c'est le rôle de l'entraîneur de transmettre des valeurs aux athlètes, comme le fair play, l'hygiène de vie ou le respect. La compétition est le lieu privilégié de dépassement de soi. Se transcender est un leitmotiv. -un mode d'expression contrôlé de l'agressivité: Le patinage serait un défouloir contre son adversaire et contre soi. Exprimer une certaine agressivité refoulée, et même la magnifiée sur la glace, permet au sportif de « lâcher prise ». -l'expression inconsciente des pulsions sexuelles: L'activité musculaire du sportif développe en lui une sensation ambivalente de douleur et de plaisir. La pratique du patinage pourrait alors être assimilée à un acte de remplacement, dans un cadre sportif symbolique. -une activité narcissique: Les sportifs écoutent leur corps, se centrent sur le vécu. Le patinage offre à l'athlète la réalisation d'une finalité partagée, comme monter sur le podium, mais contribue aussi à la satisfaction personnelle, obtenue grâce au dépassement de soi. -le plaisir du jeu: Le patinage artistique et la danse sur glace sont régis par des règles, offrant un cadre ludique au sportif, où les lieux et la temporalité sont régis. M. Haguenauer qualifie le règlement comme une limite avec laquelle il faut jouer, qu'il faut effleurer sans la transgresser. -le gain de sens: la participation individuelle au projet collectif et la reconnaissance du succès constituent un gain de sens pour l'athlète. -le gain financier: Bien qu'il soit indirect car non pas lié directement à la prestation en compétition mais aux divers galas, le gain financier constitue un besoin dont la réalisation constitue une source motivationnelle. 36 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 34 POULAT Charlotte_2009 II. Le management relationnel entrainé-entraineur, orienté vers la stabilité et la régularité de la prestation

b. la gestion motivationnelle par l'entraîneur La seconde question qui va se poser est de savoir comment l'entraîneur va aider à la motivation et à la responsabilisation du sportif37. L'entraîneur procède à une gestion motivationnelle de l'athlète, prenant ainsi en compte ses spécificités individuelles. Selon Makis Chamaldis, psychologue du sport, « la complexité du métier d'entraîneur réside dans la difficulté, voire dans l'impossibilité d'intégrer l'histoire personnelle de chaque athlète dans leur relation pour permettre de déceler les attentes, les demandes et les perceptions »38. Néanmoins, comme nous l'avons dit, le patinage artistique est un sport individuel qui va engager entre l'entraîneur et ses sportifs une relation d'intimité très forte. Mme Zazoui parle presque de liens « maternels ». Le patinage artistique est offre par conséquent un cadre sportif plus propice à une gestion motivationnelle de l'entraîneur basée sur les caractéristiques de chacun. Mme Zazoui précise que chaque patineur est différent, leurs besoins ne sont pas identiques, à l'entraînement comme lors de la compétition, et l'attitude à adopter va donc varier d'un athlète à l'autre. Certains auront besoins de « la petite phrase de réconfort » avant la compétition, d'autres d'un silence total. Il n'y a donc pas une seule bonne façon de manager, et l'entraîneur a pour rôle de s'adapter à l'identité et aux attentes de chacun de ses sportifs. Il doit identifier les points forts et les points faibles de chacun. Le rôle de l'entraîneur consiste donc aussi à enrayer les pressions pouvant s'exercer sur le sportif. Trois sources de pression sont principalement identifiées lors de nos entretiens. Tout d'abord la douleur physique, ou la peur de la blessure, ensuite les problèmes personnels, concernant par exemple la famille ou les études, et enfin le monde extérieur. Le patineur peut avoir des difficultés à gérer la pression exercée par les médias ou par les attentes fortes du public, notamment à cause du phénomène de starisation en haut niveau. L'athlète peut avoir peur de l’échec ou au contraire de réussir. C'est le rôle de l'entraîneur, comme le dit M. Haguenauer de « préserver la bulle ». L'entraîneur doit donner la motivation nécessaire à ses athlètes pour continuer en leur montrant qu'ils sont capables de relever le challenge. M. Haguenauer tente de dédramatiser la situation et de donner confiance à ses sportifs lorsqu'ils sont prêts à monter sur la glace: « fais ton job, comme tu en as l'habitude ». C'est donc ça le bon entraîneur. Celui qui donne confiance à son athlète, le motive, l'aide à s'accomplir et le responsabilise. Pour terminer, un athlète performant est un athlète motivé. Par conséquent, certains besoins du sportif doivent être satisfaits, car ils constituent le moteur de sa performance. L'entraîneur participe à leur réalisation. D'autre part, la spécificité du patinage tient dans la possibilité d'une relation d'intimité très forte entre entraîneur et patineur, en raison de sa pratique en couple ou en individuel, et des émotions dégagées par la nature même de la prestation artistique. L'entraîneur pourra donc s'appuyer de façon extrêmement poussée sur les spécificités de chaque patineur, encore plus que dans d'autres sports, notamment collectifs. Un bon entraîneur ne possède pas de recette magique et universelle pour manager. Il sait au contraire s'adapter à chacun de ses sportifs, dans son individualité, dans ses forces et ses faiblesses. Le bon entraîneur est à l'écoute et joue le rôle de protecteur. Grâce à lui, le patineur doit être motivé, s'accomplir et s'aimer grâce à sa passion. Sa

37 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 38 Makis Chamalidis, Splendeurs et misères des champions, Québec, VLB, 2000 POULAT Charlotte_2009 35 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

prestation pourra alors être performante, selon la formule « un esprit sain dans un corps sain ».

2. La préparation mentale comme outil managérial

a. le mental, moteur de la performance Selon Benoît Richaud, pour être performant, un patineur doit « avoir du talent, du physique, beaucoup travailler et avoir un mental d'acier ». Cyril Baqué montre qu'en sport de haut niveau, à environnement de travail et talent équivalents, la différence entre la performance d'un athlète et de ses concurrents se joue sur le mental, en d'autres termes, sur la « capacité à utiliser l'ensemble des ressources psychologiques, au bon moment »39. D'autant plus qu'un mental fort et équilibré facilite la performance physique. L'auteur affirme que pour être performant, le sportif doit avoir confiance en sa capacité à réagir face à certaines situations périlleuses. Un athlète de haut niveau est donc en mesure de « produire régulièrement des performances, de faire preuve d'intelligence situationnelle et de se remettre rapidement de ses contre-performances ». Le sport peut-être injuste ou irrationnel. Mme Dube-Damioli évoque la frustration d'une jeune patineuse en niveau national. Après avoir fortement progressé et s'être rapprochée du podium, la musique de son programme à été pénalisée en raison de paroles chantées. Elle effectuait néanmoins ce programme depuis plusieurs saisons, sans qu'aucun point ne lui soit enlevé... sauf ce jour, où elle allait l'emporter. Néanmoins, le vrai champion ne baisse pas les bras. Un patineur qui chute recherche la situation d'action, de réussite. Il continue à réaliser son programme malgré tout et à rattraper les points perdus. Mme Zazoui qualifie un athlète performant comme intelligent et capable de self-control. Il doit être préparé à l'échec comme à la réussite, et être intelligent en fonction de la situation vécue, garder le moral et retirer des enseignements. Les compétitions constituent de multiples occasions d'être confronté à ses adversaires, et de vivre l'échec ou la victoire. Celui qui aura le mental le plus adapté à la compétition sera le plus performant. C'est le rôle de l'entraîneur d'optimiser l'approche mentale que l'athlète a de la compétition, surtout lorsque les enjeux sont forts. Il doit renforcer ses stratégies mentales et l'aider à développer une attitude de champion. Un sportif frustré n'est pas performant. C'est pourquoi Mme Dube- Damioli ne laisse jamais un sportif repartir frustré après une compétition. Son talent et sa capacité d'action s'en trouveraient entravés, et des défaites en résulteraient inévitablement. Makis Chamalidis et François Ducasse établissent la « Carte du Mental ». Tout part d'un désir, qui donne l'énergie de se lancer dans le rêve et d'obtenir une vision de l'idéal40. Cette carte peut être appliquée au patinage. Le désir source de motivation pourrait être la première marche du podium lors de la compétition. Le sportif serait alors plongé dans un imaginaire, dans une représentation mentale de ce qu'il voudrait voir se réaliser.

39 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 40 François Ducasse et Makis Chamalidis, Champion dans la tête: la recherche de la performance dans le sport et dans la vie, Les Editions de l'Homme, 2006 36 POULAT Charlotte_2009 II. Le management relationnel entrainé-entraineur, orienté vers la stabilité et la régularité de la prestation

Figure 8: La Carte du mental Source: François Ducasse et Makis Chamalidis, Champion dans la tête: la recherche de la performance dans le sport et dans la vie, Les Editions de l'Homme, 2006 Cette carte définit quatre régions41: -la région du rêve: le sportif doit y prendre son talent au sérieux, suivre son désir, être enthousiaste et passionné. -la région du plan: le rêve du sportif, monter sur le podium, doit passer à l'état de projet. Le programme réalisé doit être à la hauteur des ambitions souhaitées. L'athlète se fixe des objectifs. L'entraînement permet l'apprentissage des techniques, des méthodes, et correspond à une période de recherche. Le patineur doit avoir conscience de ses atouts et de ses faiblesses, et travailler dessus. La remise en question est primordiale.

41 François Ducasse et Makis Chamalidis, Champion dans la tête: la recherche de la performance dans le sport et dans la vie, Les Editions de l'Homme, 2006 POULAT Charlotte_2009 37 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

-la région de la création: c'est la « fin du mental », la compétition, l'épreuve. LE sportif doit être en confiance, relâcher son corps et se concentrer. Tout ce qui pourrait nuire à la performance doit être neutralisé. Le patineur pourra alors donner libre cours à son corps et ainsi devenir artiste. Penser au résultat devient alors une pensée parasite. Il faut penser au jeu, pas à l'enjeu, et « ne rien lâcher ». -la région de la montagne de l'accomplissement: le sportif doit être fier de son parcours, et ne pas garder en lui la frustration. Il pourra alors s'engager dans une nouvelle aventure. Cette carte montre clairement l'importance du mental dans la performance de l'athlète. Pour engager les différentes actions qui le mèneront à la réussite, le patineur doit être motivé. Un mental fort lui délivrera cette énergie nécessaire pour parvenir à ses fins. La chaîne suivante pourrait alors être établie:

Figure 9: Chaîne du mental et de la performance

b. l'entraîneur, coach et préparateur mental L'entraîneur doit intégrer des principes de préparation mentale dans son entraînement sportif. M. Haguenauer explique que durant la compétition il devient coach, rassure et motive ses patineurs. Benoît Richaud de son côté affirme avoir besoin d'un grand soutien psychologique et voit dans la préparation mentale « le plus » qui fera la différence lors de la compétition. Il ajoute que c'est la capacité à dépasser le simple rôle de coach physique, pour devenir un coach psychologique, qui différencie les petits entraîneurs des entraîneurs de haut niveau. Un bon entraîneur doit donner confiance à ses sportifs afin de les motiver et les remotiver en cas d'échec. Pour Benoît Richaud, l'échec constitue la principale source de démotivation. C'est pourquoi il recherche de son entraîneur qu'il réduise la tension qui pèse sur lui, en le calmant, en lui parlant, et ce sans agressivité, car cette méthode ne fonctionne pas avec lui. L'athlète ne doit jamais douter de lui pour être performant. Mais s'il doit être conscient de ses points forts, il doit aussi l'être de ses faiblesses42. Ainsi, pour M. Haguenauer, un bon entraîneur est objectif et sait analyser les échecs et les victoires avec sincérité, afin de permettre au sportif de progresser. Benoît Richaud nous dit par ailleurs que l'échec est surtout l'occasion de grandir, d'évoluer. La préparation mentale par l'entraîneur consiste tout d'abord à encourager l'athlète dans le développement de mécanismes de concentration. Ceci aussi bien lors des entraînements que lors de la compétition. Ensuite, l'entraîneur doit amener le sportif à acquérir des techniques d'imagerie mentale, qui conditionnent le cerveau à la réussite et permettent la production de gestes performants. Le patineur ne doit pas s'imaginer en train de chuter mais plutôt entrain de réussir parfaitement un saut, voire de monter sur le

42 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 38 POULAT Charlotte_2009 II. Le management relationnel entrainé-entraineur, orienté vers la stabilité et la régularité de la prestation

podium! L'entraîneur enseigne aussi au sportif à prendre confiance en lui, afin d'entretenir sa motivation et de libérer le corps des tensions. Les pensées négatives doivent être maîtrisées et les émotions magnifiées afin « d'être là, ici et maintenant » sur la glace. Par conséquent, l'athlète doit développer des habilités cognitives, sous-jacentes aux prestations physiques43. Si un métier propre de préparateur mental tend à apparaître dans le milieu du sport, la plupart des entraîneurs accomplissent eux-mêmes ce rôle. Mme Zazoui considère qu’un athlète bien préparé techniquement n'a pas besoin de préparateur mental. D'autre part, elle précise que l'entraîneur arrive seul à diriger ses athlètes et apporte son soutien psychologique en cas de besoin. Néanmoins Benoît Richaud ne va pas dans ce sens puisqu'il considère que la préparation mentale est primordiale pour performer, et travaille avec une sophrologue. Pour terminer, le mental est le moteur de la performance. Le patineur de haut-niveau sera plus performant que son adversaire si son mental est plus fort. D'où l'importance de la préparation mentale constituant une approche complémentaire à l'entraînement physique. Elle permet de motiver le sportif en lui donnant confiance en lui et de développer chez lui une intelligence de travail. Le sportif engagera alors les actions qui le mèneront à la performance, comme un entraînement performant, ou la réalisation de sauts difficiles. Un bon entraîneur est par conséquent un coach qui prépare son champion non seulement physiquement mais aussi psychologiquement. C'est en lui donnant confiance qu'il le motivera et lui offrira le cadre nécessaire à la réalisation d’une prestation performante. Nous suggérons que les entraîneurs s'entourent de spécialistes en préparation mentale. Certes, le patinage artistique et la danse sur glace offrent une relation privilégiée entre athlète et entraîneur. Ce dernier connaît presque parfaitement son sportif et sait ce dont il a besoin, d'un point de vue psychologique. Mais cet avantage peut néanmoins présenter des effets pervers. Il serait probablement utile de faire leur place aux métiers du mental, en intégrant par exemple des psychologues certifiés. Ceux-ci ne doivent pas apparaître comme des rivaux, mais comme la possibilité d'obtenir un regard extérieur sur le sportif. Un métier certifié, reposant sur des compétences reconnues, telles que les diplômes ou la formation, permettrait de prendre une certaine hauteur par rapport à l'autorité ou l'affection paternelle exercée par l'entraîneur. L'importance du mental dans la réalisation de la performance justifierait d'aller plus loin dans cette dimension, grâce à des spécialistes. Une seconde solution serait d'encourager la formation des entraîneurs à la discipline de la préparation mentale. Néanmoins, les difficultés que peut engendrer la proximité entre entraîneur et entraîné ne serait pas résolu.

3. Le management positif Selon Didier Pouquery, le management positif à l'américaine dans le monde industriel consiste à récompenser et à valoriser fortement les premiers résultats positifs réalisés, parfois même au-delà de leur importance réelle. Le principe qui sous-tend ce type de management est le suivant: « Plus on dit à un managé qu'il est bon sur les points où il est bon, plus il devient bon sur ces points-là et les points adjacents. Plus on dit au managé qu'il est mauvais, plus il devient mauvais, même sur les points où il était bon »44. 43 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 44 Didier Pouquery, Le Modèle du CRECI: cinq règles d'excellence, in. L'Excellence, Une Valeur Pervertie, De l'école à l'entreprise, les mirages de la réussite, dirigé par B. Ouvry-Vial, p154-157, Revue Autrement n°86, janvier 1987 POULAT Charlotte_2009 39 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

En patinage artistique, le management positif, tel que le pratiquent les entraîneurs que nous avons interrogés, relève lui aussi d'une stratégie motivationnelle. Il s'agit de rassurer en permanence le sportif sur ses points forts afin de les renforcer, et de le convaincre que ses points faibles peuvent être améliorés. Néanmoins, être positif ne signifie pas mentir à l'athlète, ce qui l'empêcherait de progresser et d'être performant. Monsieur Haguenauer définit le bon entraîneur comme quelqu'un de positif dans la victoire, mais qui sait aussi et surtout le rester dans la défaite. Le rôle de l'entraîneur est en effet de faire accepter l'échec au sportif et de rester positif dans la critique, en analysant ce qui a été performant, et ce qui ne l'a pas été. Mais l'entraîneur doit lui aussi des son côté accepter l'échec. Comme le rappelle M. Haguenauer, il partage les succès comme les déceptions avec ses sportifs et fait partie intégrante de leur prestation. Dans la mesure où un bon entraîneur est quelqu'un de responsable, qui s'investit pleinement dans la route vers la victoire de ses sportifs, il est normal que les responsabilités soient partagées. Un management sportif réussi repose par conséquent sur un comportement de partage des échecs et des réussites des acteurs, où chacun sait reconnaître ses erreurs tout en restant positif. La blessure constitue le stigmate d'une faille managériale. Un entraîneur qui se comporte de façon pessimiste avec ses sportifs après un échec affecte leur confiance en eux. Si un patineur ne croit plus en sa capacité à réussir, et perd sa motivation, la tension s'exerçant sur son esprit et donc sur son corps augmentera le risque de blessure. Jean- Pierre Famose établit un schéma des déterminants de la confiance45:

Figure 10: Les déterminants de la confiance en soi

45 Jean-Pierre Famose, La Motivation en Education physique et en sport, Ed. Armand Collin, 2001 40 POULAT Charlotte_2009 II. Le management relationnel entrainé-entraineur, orienté vers la stabilité et la régularité de la prestation

Source: Jean-Pierre Famose, Psychologie de la motivation en sport, Ed. Armand Colin, coll. Psychologie, 2001 Ce schéma démontre clairement la nécessité d'un management positif de l'entrainé par l'entraîneur, afin de le remotiver, et de rétablir sa confiance en lui et en sa capacité à réussir. Le management positif fonctionne par conséquent de paire avec une remotivation permanente. Les efforts doivent sans cesse être revalorisés par l'entraîneur. Nous pouvons par conséquent en déduire qu'un management trop dur et pessimiste produit des contre- performances. Plus la faille managériale est importante, plus la sanction corporelle peut- être lourde46. Les entraîneurs russes sont connus pour conserver une grande froideur face à leurs sportifs. Même au moment généralement chargé en émotion du « kiss and cry », espace où les athlètes attendent les notes avec leurs entraîneurs, ils semblent rester de marbre. Très stricte et assez dur, ils sont peu enclins au management positif. Néanmoins, ceci relève d'une culture russe relativement différente de la culture européenne. Mais cette technique fonctionne parfaitement pour certains patineurs, souvent éduqués de cette façon, et très peu pour d'autres, habitués à plus de proximité et de soutien de la part de leur entraîneur. Le management positif consiste à remotiver en permanence le sportif. Une analyse sincère des succès et des échecs doit être établie après chaque prestation, tout en conservant l'optimisme nécessaire au maintien de la motivation de l'athlète. Le bon entraîneur est donc celui qui rassure, mais aussi celui qui aide à progresser, en identifiant les points faibles et les points forts, respectivement à corriger et encourager. Un patineur qui perd sa motivation et n'obtient aucun soutien de la part de son entraîneur, ou pire, se voit dévalorisé, peut produire des contre-performances. La blessure en est l'exemple principal. Un patineur qui n'a pas confiance en lui risque de chuter. Plus ce manque de confiance est important, plus la sanction corporelle peut être lourde. Pour conclure cette partie sur la motivation des patineurs, nous pouvons donner une première définition de ce qu'est un bon entraîneur. Tout d'abord, un bon entraîneur, c'est un homme à l'écoute de ses sportifs. Capable de s'adapter aux spécificités de chacun, il agit en protecteur en cas de besoin. Grâce à une gestion motivationnelle, il est présent pour redonner confiance. Il encourage les points forts, tente de réduire les faiblesses, et en aide à relativiser les échecs. Un bon entraîneur permet donc aussi à son athlète de se remotiver et de progresser. Le management positif et la préparation mentale sont deux outils managérials à son service. En effet, la performance ne peut être atteinte uniquement par l'entraînement physique. Seul un sportif au mental fort produira des performances régulières et de qualité, grâce à sa motivation et à sa confiance en lui. C'est pourquoi un bon entraîneur se fait aussi coach, afin de rendre la prestation du patineur plus performante. Un management sportif réussi se mesure donc à la motivation de l'athlète, à sa confiance en lui, et à sa capacité à progresser.

B. Les compétences de l'entraîneur, à l'origine de la stabilité de la prestation du sportif

46 Didier Pouquery, Le Modèle du CRECI: cinq règles d'excellence, in. L'Excellence, Une Valeur Pervertie, De l'école à l'entreprise, les mirages de la réussite, dirigé par B. Ouvry-Vial, p154-157, Revue Autrement n°86, janvier 1987 POULAT Charlotte_2009 41 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

Nous avons démontré précédemment qu'un bon entraîneur s'apparente à un coach, dans son intervention sur le mental des sportifs. Mais un bon entraîneur, c'est avant tout un individu compétent. Il possède en effet des compétences techniques et artistiques lui permettant d'asseoir un management de leadership en toute légitimité. D'autre part, il est compétent pour gérer et réguler les différents mondes sociaux qui entourent l'athlète. Et enfin, il est compétent pour véhiculer une idéologie partagée aux différents acteurs qui contribuent à la performance.

1. Les compétences techniques de l'entraîneur comme légitimation d'un management de leadership

a. l'autorité formelle et légitime de l'entraîneur « L'entraîneur n'est pas un pote ou un copain », c'est ce que nous dit M. Haguenauer. Il est clair que malgré la complicité qui relie l'entraîneur à ses sportifs, pour que cela fonctionne, ce-dernier doit malgré tout exercer une certaine autorité sur eux. Néanmoins, ce pouvoir doit être légitimé. Max Weber identifie trois sources de légitimité à l'autorité formelle, permettant à chaque individu de l'organisation d'accepter comme telle47: -la domination traditionnelle, qui provient du respect des gens pour les coutumes et pour le passé. -la domination charismatique, liée aux qualités particulières et intrinsèques d'un individu. -la domination rationnelle légale, fondée sur le respect des règles et des procédures établies. L'entraîneur exerce sur ses patineurs une autorité charismatique. Mme Zazoui à remporté de nombreuses victoires. Ce palmarès impressionnant lui concède une autorité sur ses patineurs. Par ailleurs, elle le dit elle-même, son autorité est naturelle et automatique sur les sportifs, car légitime. Les sportifs sont conscients de la nécessité de l'écouter, de répondre à ses attentes pour progresser. Mais l'entraîneur exerce aussi une domination dite légale sur ses athlètes. Il a du pouvoir sur les personnes qui sont sous ses ordres. Il peut s'agir des patineurs, ou encore de ses collaborateurs. Il a en effet la possibilité de donner des instructions et de prendre des décisions, sur la musique ou les costumes... Rappelons ce que Mme Dube-Damioli explique clairement, l'entraîneur dialogue avec ses patineurs, mais possède le privilège du dernier mot.

b. l'entraîneur, un leader aux compétences techniques et artistiques Benoît Richaud explique qu'il accepte l'autorité d'un entraîneur à partir du moment où il a « 100% confiance en lui ».Ce dernier pourra exercer son autorité sur ses sportifs uniquement s'il possède des compétences techniques et artistiques. Et celles-ci doivent être reconnues.

47 Max Weber, The Three Types of Legitimates Rules, New York, Amiati Etzioni, 1969 42 POULAT Charlotte_2009 II. Le management relationnel entrainé-entraineur, orienté vers la stabilité et la régularité de la prestation

La relation d'autorité repose sur un savoir de l'entraîneur48. Il doit être qualifié, posséder les diplômes nécessaires, être formé aux différentes disciplines scientifiques, comme la préparation physique ou le réveil musculaire. L'expérience seule ne suffit pas. M. Haguenauer, Mme Dube-Damioli, comme Mme Zazoui, sont d'anciens patineurs ayant obtenu leur brevet d'Etat afin de pouvoir entraîner. Leur connaissance de la discipline, en tant qu'anciens pratiquants, leur à certes servi, mais n'était pas suffisante. Les compétences techniques et artistiques de l'entraîneur lui permettent par conséquent d'asseoir son autorité, comme l'explique M. Haguenauer: « l'autorité se fait naturellement, si on est compétent techniquement. Il faut savoir expliquer ». D'autant plus qu'un patineur, pour reconnaître l'autorité de son entraîneur a besoin d'avoir confiance en lui. Or M. Haguenauer précise que la relation de confiance découle justement de cette compétence technique. Il faut « être bon en face, ne pas dire de conneries et avoir une connaissance parfaite de ce qu'on dit, de sa pratique ». Mais bien entendu, si l'autorité de l'entraîneur repose sur des compétences reconnues, s'appuyer sur l'expérience est indispensable. Philippe Lorino définit le « retour d'expérience [qui] consiste à exploiter le flux d'information engendré par la réalisation d'une activité pour améliorer la performance de l'entreprise dans la réalisation future de cette activité »49. Par conséquent, l'entraîneur peut user de son expérience passé, en tant qu'entraîneur mais aussi en tant que patineur, pour ne pas reproduire ses erreurs. Ainsi, non seulement il progresse de son côté, mais il permet aussi aux patineurs de progresser du leur. L'expérience sportive, comme l'explique Cyril Baqué, éclaire l'entraîneur sur une des clés de sa fonction: l'affirmation de son autorité et se légitimité50. Par conséquent, un bon entraîneur est un leader. Il est le passage obligé, pour ses sportifs comme pour ses collaborateurs. Il possède un statut: il est celui qui représente le club, la fédération ou l'équipe nationale. Il cumule savoir, réputation, délégation d'autorité et qualification. Peu importe que son autorité soit douce, complice, paternaliste ou dictatoriale51, tout dépend de l'âge et du sexe nous dit Mme Zazoui, pourvue qu'elle soit légitimée par une retour d'expérience et par une reconnaissance formelle des compétences. Pour conclure, l'entraîneur justifie son autorité par des compétences techniques et artistiques reconnues, et sur les enseignements qu'il retire de son expérience. Sa domination légitime en fait un leader, pour ses sportifs comme pour ses collaborateurs. C'est aussi ça, un bon entraîneur: une personne qui a la possibilité d'asseoir son autorité, de la justifier, de l'appliquer et de décider. Un management sportif efficace, permettant la performance de l'entraîné, repose par conséquent sur le savoir et sur le charisme de l'entraîneur.

2. l'entraîneur comme manager des jeux de pouvoir 48 Etude Nationale sur les activités rémunérées ou indemnisées autour des sportifs de Haut-Niveau, Qu'est-ce que travailler dans l'environnement du sport de haut niveau et produire ensemble de la performance?, Observatoire National des Métiers de l'Animation et du Sport, sous la coordination de Philippe Fleurance, 30 septembre 2004 49 Philippe Lorino, Méthodes et pratiques de la performance, 3e Edition, Editions d'Organisation, 2008 50 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 51 Etude Nationale sur les activités rémunérées ou indemnisées autour des sportifs de Haut-Niveau, Qu'est-ce que travailler dans l'environnement du sport de haut niveau et produire ensemble de la performance?, Observatoire National des Métiers de l'Animation et du Sport, sous la coordination de Philippe Fleurance, 30 septembre 2004 POULAT Charlotte_2009 43 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

La performance résulte d'une action collective, d'une chaîne de coordination, entre les différents mondes sociaux qui entourent l'athlète. Néanmoins, certains acteurs peuvent gêner la performance. C'est pourquoi il est nécessaire de réguler les relations du sportif avec l'extérieur. C'est le rôle de l'entraîneur.

a. Les mondes sociaux de la performance sportive L'Etude Nationale sur les activités sportives rémunérées ou indemnisées autour des sportifs de haut niveau, identifie quatre mondes sociaux entourant l'athlète52: -le monde médiatique: la télévision, la presse écrite, la radio, en font parti dans la mesure où ils retransmettent les compétitions en direct, ou au moins informent le public sur les attentes et les résultats obtenus. Le public appartient aussi à cette sphère, dialoguant autour des sportifs, de leurs espoirs et de leurs déceptions. -les acteurs institutionnels et économiques: il peut s'agir de l'administration du sport, de la fédération, ou encore des agents économiques comme les sponsors. -les spécialistes du sport: ce groupe est constitué des médecins, des préparateurs physiques, des métiers du mental, des juges ou encore des chorégraphes et professeurs de théâtre. -la garde rapprochée du sportif: ce monde social est le plus proche du sportif. Il se compose principalement de l'entraîneur, de la famille et des proches amis, qui soutiennent moralement et matériellement l'athlète. Un entraîneur compétent est par conséquent un coordinateur. Il doit synchroniser ces différents mondes. Philippe Lorino définit le manager comme un pilote transversal consacrant une grande partie de son temps à jouer le rôle d'agent de liaison pour coordonner les différentes équipes53. La performance dépend de cette capacité du bon entraîneur à mettre en relation les différents mondes sociaux pour optimiser le processus de production de la performance, au centre duquel, le patineur.

b. l'entraîneur régulateur des jeux de pouvoir Les différents mondes sociaux entrent parfois en concurrence, ce qui risque de nuire à la performance de l'athlète. Des luttes de pouvoir peuvent avoir lieu, et l'entraîneur doit être présent pour les réguler. Cyril Baqué définit « le management des jeux de pouvoir [comme mission] fondamentale de l'entraîneur [...] comme de tout manager en entreprise »54. M. Haguenauer considère comme le rôle de l'entraîneur de préserver la bulle autour de l'entraîné. Deux mondes sociaux particulièrement dangereux pour le sportif peuvent être identifiés. Tout d'abord les médias et le public. Le patinage artistique et la dans sur glace sont des sports médiatisés. La télévision retransmet les championnats importants, comme les Championnats du Monde ,ou les Jeux Olympiques. La starisation peut engendrer de fortes 52 Etude Nationale sur les activités rémunérées ou indemnisées autour des sportifs de Haut-Niveau, Qu'est-ce que travailler dans l'environnement du sport de haut niveau et produire ensemble de la performance?, Observatoire National des Métiers de l'Animation et du Sport, sous la coordination de Philippe Fleurance, 30 septembre 2004 53 Philippe Lorino, Méthodes et pratiques de la performance, 3e Edition, Editions d'Organisation, 2008 54 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 44 POULAT Charlotte_2009 II. Le management relationnel entrainé-entraineur, orienté vers la stabilité et la régularité de la prestation

pressions sur les sportifs, les fans sont présents à la sortie et à l'entrée des compétitions, les médias suivent les moindre faits et gestes des athlètes, et le public possède généralement des attentes fortes à l'égard des sportifs qu'ils soutiennent. La peur de décevoir peut alors handicaper le patineur, et le conduire à une contre-performance. Il vaut peut-être mieux vaut être un outsider qu'un sportif qui monte et remporte compétition sur compétition. Les attentes des médias et du public sont moins fortes, moins pressantes, et par conséquent moins terrorisantes! L'entraîneur doit donc protéger son sportif de la sphère médiatique et des spectateurs, afin de protéger son mental et sa concentration. Le bon entraîneur devient donc un manager, ou « impresario ». Le deuxième monde social identifié par M. Haguenauer susceptible de gêner la performance de l'athlète est la famille, surtout chez le jeune patineur. La relation entraîneur/ entraîné peut être menacée par une lutte de pouvoir les proches du patineur. Un environnement empli de conflit autour de l'athlète fragilise son état d'esprit et nuit à sa performance. Comment dire non a son entraîneur qui tente de vous hisser au plus haut, et comment dire non à sa famille lorsque celle-ci pense agir pour votre bien? Surya Bonaly est un bon exemple. Son style de patinage et ses prouesses gymniques étaient à l'époque décriés, car considérés comme trop athlétiques. Mais contrairement à ce qu'il serait possible de penser, il ne s'agissait pas d'une opposition bipolaire entre les « technicistes » et les « artistes », mais plutôt d'un conflit entre le surnommé « Clan Bonaly » et le reste du monde. Effectivement, la patineuse semblait sensible uniquement aux conseils de sa mère. Découragés par leur manque d'influence sur la Championne, les entraîneurs français se sont ralliés au point de vue des juges. Les parents, par leur influence néfaste, confortaient leur enfant dans ses erreurs. Ce conflit ne pouvait qu'handicaper la carrière sportive de Surya Bonaly. Elle était ainsi tentée de se déresponsabiliser de ses échecs, et de les attribuer à la volonté des juges de lui nuire55. Cette attitude, due à un manque de stabilité autour de la patineuse, gênait à sa performance. Par conséquent, nous pouvons affirmer qu'un bon entraîneur est aussi un médiateur. Il manage les jeux de pouvoir entre les différents mondes sociaux qui exercent des pressions sur l'athlète. Pour terminer, afin de veiller à l'équilibre de son sportif, l'entraîneur doit manager les jeux de pouvoir qui influent sur sa performance. Un bon entraîneur est donc un coordinateur et un médiateur, entres les différents mondes sociaux qui gravitent autour de l'athlète. Les médias, le public et la famille participent à la performance, en tant que ressource ou en tant que gêne. Seul un entraîneur compétent pour gérer les relations de son patineur avec le reste du monde, conduira à la qualité, à la régularité et à la performance de la prestation. Car comme nous l'avons vu, le mental est le moteur de la performance. L'entraîneur doit devenir un manager.

3. l'entraineur véhicule une idéologie et une culture de la performance au sportif

a. la transmission des valeurs sportives et humaines Selon Cyril Baqué, la performance se construit autour d'une idéologie partagée. Il s'agit d'un ensemble d'idées, de valeurs et de croyances, auxquelles répondent les athlètes.

55 Pascal Duret et Patrick Trabal, Le Sport et ses affaires, Une sociologie de la justice et de l'épreuve sportive, Ed. Métailié, 2001 POULAT Charlotte_2009 45 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

Les pratiques managériales de l'entraîneur doivent véhiculer cette idéologie, puisque les athlètes vont s'appuyer sur elle pour se préparer psychologiquement et relever le défi sportif56. A titre d'exemple, l'entraîneur en danse sur glace doit apprendre à ses deux patineurs à se respecter l'un l'autre, à s'écouter. Indirectement, les deux sportifs appliqueront cette règle à leurs adversaires et à ne pas se déresponsabiliser en rejetant la faute sur l'autre. Schématiquement, l'athlète reçoit un message, qu'il va ensuite retransmettre sur le terrain. Tous les acteurs de la performance partagent cette idéologie: la fédération, le club, la communauté sportive. D'où l'importance pour l'entraîneur de l'inculquer à son athlète, et pour se dernier de l'intégrer dans son activité sportive. Pour M. Haguenauer, le rôle d'un entraîneur est de transmettre à ses patineurs des valeurs et une éducation. Il évoque le fair play, la rigueur, le respect et l'hygiène de vie. Mme Zazoui précise qu'elle attend de ses élèves le respect du sport, de l'entraîneur, de la discipline, et bien entendu d'eux-mêmes. Un patineur qui méprise ses adversaires, est mauvais joueur ou dénigre son entraîneur ne pourra en aucun cas performant. Car pour l'être et pour progresser, il faut accepter l'échec et de se remettre en question. C'est pourquoi un entraîneur doit être responsable, dans la mesure où il est le vecteur de l'esprit sportif. Plus qu'un simple coach, il doit constituer un modèle, et par conséquent accepter lui aussi de se remettre en cause, faire preuve de fair play, et de rigueur. Nous pourrions donc décrire le bon entraîneur comme un éducateur sportif, relai d'une idéologie partagée par toute la communauté sportive. Tout dépend bien sûr de l'âge des patineurs. Ce principe s'applique plutôt aux jeunes athlètes qui démarrent leur carrière.

b. la culture de « la gagne » Mais l'entraîneur entretient aussi une culture de la performance, celle de « la gagne », comme l'explique Cyril Baqué57. Mme Dube-Damioli décrit l'importance pour l'entraîneur d'apporter à ses patineurs l'esprit de compétion. Il ne faut pas voir ici une volonté d'écraser les autres, qui irait à l'encontre de l'idéologie transmise, mais plutôt une volonté de donner le meilleur de soi pour aller au plus haut. Un champion possède nécessairement un esprit de compétition, qui va le motiver à relever le défi sportif. Son efficacité est ainsi stimulée et sa performance optimisée. L'entraîneur et l'athlète partagent cette culture de la gagne et peuvent ainsi travailler ensemble dans cette aventure. Leur relation n'en est que plus forte. M. Haguenauer affirme qu'il aime gagner, et les sportifs aussi. Benoît Richaud ajoute que pour sa part, il a besoin de réussir, de se sentir au dessus des autres dans sa discipline, et de se prouver qu'il peut être le meilleur. Un athlète performant possède des valeurs, comme le fair play ou la rigueur. Son action « sur le terrain » doit constituer une application de cette idéologie, transmise par l'entraîneur. Un champion sait se remettre en cause, ce qui lui permet de progresser. Mais un champion à aussi l'esprit de compétition. Il aime gagner. C'est de cette manière qu'il sera efficace sur la glace et que sa prestation pourra être performante. Un bon entraîneur peut donc être assimilé à un éducateur dont les pratiques managériales véhiculent l'esprit sportif.

56 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 57 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 46 POULAT Charlotte_2009 II. Le management relationnel entrainé-entraineur, orienté vers la stabilité et la régularité de la prestation

Pour conclure cette seconde et dernière section sur les compétences de l'entraîneur comme source de la stabilité de la prestation, nous pouvons déduire trois éléments: -Un bon entraîneur est un leader. L'entraîneur justifie son autorité par des compétences techniques et artistiques reconnues, et sur les enseignements qu'il retire de son expérience. Il est un leader, pour le patineur et pour ses collaborateurs -Mais un bon entraîneur est aussi un pilote transversal et un arbitre entre les différents mondes sociaux qui entourent l'athlète. Il coordonne, régule, joue le rôle de médiateur. Ces techniques managériales lui permette de créer l'environnement stable nécessaire à la performance de l'athlète. -Enfin, un bon entraîneur est un éducateur sportif. Il transmet au patineur l'esprit de compétition et l'idéologie sportive nécessaires à sa progression et à son efficacité, optimisant ainsi sa performance. Nous suggérons que la fédération encourage régulièrement les stages de formation de l'entraîneur aux techniques managériales. L'entraîneur sportif s'apparente au manager en entreprise. Il cherche à optimiser la performance de son sportif, grâce à des techniques managériales. Plus qu'un simple technicien ou préparateur physique, il joue à présent le rôle d'expert. Souvent amené à exercer ses compétences dans un milieu conflictuel, animé par des jeux de pouvoir, il lui faut diriger et montrer la direction à suivre. Il est clair qu'en haut niveau ce n'est plus uniquement l'entraînement technique et physique qui est fondamental, mais le management des athlètes, ainsi que le management des déterminants de la performance individuelle et collective. L'entraîneur doit par conséquent s'adapter en permanence à la culture du groupe, à ses particularités, ainsi qu'aux évolutions de la discipline. Les stages de formation lui permettraient de travailler ses « techniques de commandement », exactement comme le ferait un manager en entreprise, et d'apprendre à dépasser son rôle initial de préparateur technique et physique. D'autre part, nous avons vu précédemment que l'entraîneur a tendance à multiplier les rôles, de coach, de manager, de médiateur ou encore d'éducateur, le risque étant qu'il se disperse ou ne remplisse que partiellement certaines de ses fonctions. Des stages de formation aux techniques managériales lui permettraient de consolider sa polyvalence, tout en garantissant la qualité de sa prestation.

POULAT Charlotte_2009 47 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

III. L'innovation, une dynamique collective orientée vers l'optimalité de la performance

Nous avons démontré qu'un bon entraîneur est non seulement un préparateur physique et technique mais aussi un manager pour l'athlète. Il le motive, le protège, contribue à son équilibre, le dirige et l'aide à progresser. La relation entraîneur/entraîné est par conséquent fondamentale pour sa performance. Mais comme nous l'explique M. Haguenauer, « En Haut-Niveau, il est difficile d'être le meilleur, il faut donc être le plus original ». Le patinage possède cette particularité de combiner technique et artistique. L'interprétation compte autant que la difficulté sportive. M. Haguenauer va même jusqu'à dire que la technique sert à mettre en valeur l'artistique. Par conséquent, la notation en patinage prend une dimension très différente des autres sports, puisqu'elle porte une dimension émotionnelle spécifique, et repose sur la dualité technique/artistique. A titre d'exemple, nous pouvons opposer cette discipline à la natation, où la performance dépend d'une technique extrêmement précise, sans fantaisies, permettant le gain de temps. Innover en patinage, c'est créer. Le technique, l'artistique et l'émotionnel se combinent pour donner l'original, l'inédit. L'innovation prend alors des formes multiples. Les patineurs peuvent créer de nouveaux portés, réaliser des pas originaux, se servir de la musique ou de costumes surprenants pour se différencier. S'entourer d'acteurs d'horizons divers constitue par conséquent une source d'enrichissement pour la production finale. L'entraîneur est l'instigateur de la nouveauté, mais la dynamique collective optimise le processus de création. Néanmoins, si la dualité technique/artistique ouvre un champ immense à l'imaginaire, des contraintes règlementaires vont fixer certaines limites. Se différencier ne constitue plus seulement un avantage concurrentiel, mais aussi un jeu avec les limites. Innover, c'est aussi avoir le goût du risque. Surtout dans un sport traditionnel où l'innovation est parfois confrontée à des valeurs reconnues. Nous tenterons d'élucider ces questions dans deux parties successives. Tout d'abord nous montrerons de quelle façon innover permet d'optimiser la performance du patineur de haut niveau. Enfin nous expliquerons qu'une interaction dynamique permet d'enrichir le processus de création.

A. L'innovation pour optimiser la performance

Rappelons encore une fois ce que M. Haguenauer détermine comme la clef de la performance du patineur de haut niveau: « il est difficile d'être le meilleur, il faut donc être le

48 POULAT Charlotte_2009 III. L'innovation, une dynamique collective orientée vers l'optimalité de la performance

plus original ». Innover se défini comme un processus de création, sur la technique comme sur l'artistique, fournissant ainsi un avantage concurrentiel au sportif sur ses adversaires. La difficulté de la tâche réside dans la nécessité de surprendre le jury, tout en plaisant au plus grand nombre et en respectant les aspects règlementaires.

1. l'innovation comme processus de création L'Etude Nationale sur les activités rémunérées ou indemnisées autour des sportifs de haut niveau explique qu’un athlète doit jouer avant tout sur sa capacité d'innovation, plus que sur ses titres58.Nous verrons dans un premier temps que l'innovation prends plusieurs dimensions, et dans un second temps nous étudierons le développement du processus de création.

a. une innovation multiforme Innover se défini comme un processus de création. Joseph Schumpeter explique que dans le monde industriel, l'innovation joue le rôle d'impulsion. Il en existe selon lui deux catégories: les innovations de produits, et les innovations de procédé. En patinage artistique et en danse sur glace, l'innovation peut déjà porter sur la technique, ce que l'on pourrait comparer à l'innovation de procédé de Schumpeter. L'entraîneur va tenter d'imaginer de nouveaux pas, de nouveaux portés, qui procureront un avantage concurrentiel à ses patineurs. Ainsi, Marina Anissina et Gwendal Peizerat sont connus pour leur porté inversé, ou Marina Anissina porte son partenaire59. La prouesse technique et l'originalité du porté leur procure un avantage compétitif sur leur adversaires (cf. annexe 7). L'innovation en patinage porte aussi sur l'artistique. M. Haguenauer explique que le choix de la musique et des costumes est primordial. Chez des patineurs jeunes, il recherchera plutôt le clinquant. Benoit Richaud et Terra Findlay, talents très prometteurs en danse sur Glace, se sont appuyés pour leur dernier programme sur le phénomène de la tecktonik, en en effectuant quelques pas, sur la musique Alive de Mondotek. Leurs costumes extrêmement colorés, bleu, violet, jaune et orange, contribuait à ce clin d'œil à la mode du moment. D'autre part, M. Haguenauer explique qu’innover et surprendre les juges, ainsi que le public, peut permettre de masquer quelques petits défauts techniques des patineurs.

b. le développement du processus de création L'innovation permet aux athlètes de se définir avant tout comme des artistes, et de trouver la possibilité de s'exprimer en tant qu'acteur à travers leur performance sur patins. Le processus de création peut en effet être assimilé à la méthode cinématographique. Tout commence par une phase de recherche. L'entraîneur et le sportif recherchent une musique qui les inspire et leur donne envie de créer quelque chose. Une trame sonore originale est créée. Marina Anissina et Gwendal Peizerat dans « Liberta », leur programme

58 Etude Nationale sur les activités rémunérées ou indemnisées autour des sportifs de Haut-Niveau, Qu'est-ce que travailler dans l'environnement du sport de haut niveau et produire ensemble de la performance?, Observatoire National des Métiers de l'Animation et du Sport, sous la coordination de Philippe Fleurance, 30 septembre 2004 59 Marina Anissina et Gwendal Peizerat, D'Or et de Feu, Ed. De la Voute, 2002 POULAT Charlotte_2009 49 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

aux Jeux Olympiques de 2002, démarrent leur prestation sur le discours de Martin Luther King « I have a dream »60 . S'ouvre ensuite une phase d'expérimentation, où les idées affluent. On tente des pas, des portés, on voit ce qui pourrait marcher. Il s'agit du montage de la chorégraphie. La troisième phase correspondrait à l'écriture et au développement d'un scénario. Le programme raconte une histoire et doit faire appel à l'imaginaire du spectateur, qu'il soit juge ou public. A titre d'exemple, « Liberta » conte l'histoire de la liberté. Gwendal représente l'humanité en quête de liberté. Marina représente la liberté et guide son partenaire sur le chemin de l'indépendance. La quatrième phase de création est celle du développement esthétique, avec le choix des costumes et le développement plus poussé de la gestuelle et de l'interprétation « scénique ». Pour symboliser sa quête de la liberté Gwendal Peizerat porte un costume majoritairement bleu et gris, entouré de liens, alors que sa partenaire, symbole de la liberté, porte un costume bleu et jaune, dont le bas fait penser à des flammes. D'autre part, quelques mots tels que « liberté», sous forme de langage des signes, rythment leur programme et offrent une gestuelle originale. La dernière phase correspond à la répétition technique et scénique de la prestation. Pour conclure, l'innovation est un processus de création reposant sur la dualité technique/artistique, qui peut être assimilé à la méthode cinématographique. La prouesse technique, les costumes, la gestuelle, la musique, sont autant d'outils de la performance qui procurent au sportif parvenant à les exploiter un avantage concurrentiel sur ses adversaires.

2. l'innovation comme avantage concurrentiel Selon Cyril Baqué, pour mieux vendre un produit, gagner des parts de marché ou encore assurer la satisfaction de ses clients, l'entreprise doit se montrer innovante61. La créativité constitue une prise de contrôle de la situation, l'aboutissement d'un processus de décision, qui serait adapté à l'ici et maintenant.

a. l'innovation, un outil de réalisation de soi, au service de l'ici et maintenant Les spectateurs attendent du patineur que sa prestation soit inattendue, qu'elle relève du spectacle, ce que l'on peut comprendre comme un acte créatif. Selon le sociologue Paul Yonnet « comme n'importe quel acteur, le sportif de haut niveau du sport-spectacle doit être son personnage sur scène, puis être capable de le déposer au vestiaire, en même temps que sa tenue de scène, jusqu'à sa prochaine représentation »62. En entrant sur la glace, les patineurs entrent en scène. Un champs de forces émotionnelles s'installe, émis par l'athlète, l'entraîneur, les adversaires, les juges et les spectateurs. Comme l'explique Cyril Baqué, le sportif doit « creuser au plus profond de son rôle et aboutir à une expression optimale de soi »63. 60 Marina Anissina et Gwendal Peizerat, D'Or et de Feu, Ed. De la Voute, 2002 61 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 62 Paul Yonnet, Système des sports, Paris, Gallimard, 1998 63 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 50 POULAT Charlotte_2009 III. L'innovation, une dynamique collective orientée vers l'optimalité de la performance

La créativité, c'est donc subjuguer le spectateur en réalisant des éléments techniques qui n'ont jamais été tentés, en développant une gestuelle chargée d'émotion. Nous pouvons de nouveau évoquer l'expression en langage des signes du mot « liberté », par Gwendal Peizerat et Marina Anissina. Par conséquent, créer, innover, peut se définir comme une prise de contrôle sur la situation par le patineur, et comme l'aboutissement d'un processus de décision et d'action qui sera efficace. La création s'apparente alors à un mode corporel de réalisation de soi. C'est là que se situe l'avantage concurrentiel, dans cette performance qui résulte de la capacité à être là, ici et maintenant. Etre ici et maintenant, nous dit Cyril Baqué, c'est savoir repérer les instants où le sujet, ici le patineur, se doit d'être dans l'action, donc dans la performance64.

b. avantage concurrentiel et notation Il ne faut pas oublier que la performance de la prestation, si on la devine dans la réaction des spectateurs, se mesure avant tout par les notes attribuées par les juges. Rappelons que le nouveau système de notation, CoP, est composé d'une notation technique, pour les sauts, les pirouettes, selon des niveaux de un à quatre, et pour les pas, de un à trois. Une note est attribuée aux composantes du programme, pour l'habileté de patinage, les transitions, la performance et la qualité d'exécution, la chorégraphie et la composition, et enfin pour l'interprétation. L'innovation technique trouve sa place dans ce système de notation. A titre d'exemple, un porté original et parfaitement réalisé techniquement, comme le porté inversé de Marina Anissina et Gwendal Peizerat, pourra obtenir un niveau quatre; alors qu’un porté de la même qualité mais moins classique, n'obtiendra peut-être qu’un niveau trois. A condition bien entendu que les éléments soient correctement effectués. Une chute entraîne par exemple une pénalité. Pour être plus efficace en rapport au système de notation, le patineur a donc tout intérêt à combiner technique et originalité. D'autre part, l'innovation artistique est elle aussi récompensée par le système CoP. La note attribuée aux composantes du programme, à la chorégraphie ou encore à l'interprétation, valorise la créativité du programme. L'aspect « scénique » et la charge émotionnelle des pas, de la gestuelle, qui font du patinage un sport-spectacle, procurent ici un avantage concurrentiel à l'athlète. La qualité est certes la première récompensée. Mais la performance en haut niveau nécessite pour se différencier des autres et prendre l'ascendant sur eux, de combiner la qualité à la créativité. La création permet au patineur, par la charge émotionnelle de son programme, d'être présent dans l'action. Et c'est justement cette capacité à être là, « ici et maintenant », qui détermine la performance de l'athlète, et lui permet de prendre un avantage concurrentiel sur ses adversaires. D'autant plus que l'innovation trouve parfaitement sa place dans le système de notation. Un sportif qui combine lors de sa prestation originalité et qualité sera plus performant que ses concurrents.

3. l'innovation confrontée au système règlementaire

64 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 POULAT Charlotte_2009 51 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

Si le système de notation récompense l'innovation, il n'en constitue pas moins une limite. Il existe en effet des règles à respecter, sans quoi le patineur se verra attribuer des points de déduction sur sa note. Le tableau suivant donne l'exemple des acquis techniques et du temps à respecter lors des compétitions internationales de Danse sur Glace, pour le programme libre catégorie couple, des juniors et seniors:

Danse libre couple Durée du programme Eléments techniques Junior 3’30 3 Portés différents mais pas plus : - 2 Courts - 1 Long mais pas plus 1 Pirouette Combinée : 3 tours + 3 tours mini (1 Pirouette ou Pirouette Combinée additionnelle possible, sans Valeur) 1 Séquence de Pas Médiane ou Diagonale 1 Séquence de Pas Circulaire ou Serpentine 3 ou 2 lobes 1 Série de Twizzles Synchronisés Senior 4’ 4 Portés différents - 3 Courts - 1 Long mais pas plus (1 Porté Additionnel < 6 sec. possible, sans Valeur) 1 Pirouette Combinée: 3 tours + 3 tours mini (1 Pirouette ou Pirouette Combinée additionnelle possible, sans Valeur) 1 Séquence de Pas Médiane ou Diagonale 1 Séquence de Pas Circulaire ou Serpentine 3 ou 2 lobes 1 Série de Twizzles Synchronisés

Figure 11: Durée et composantes techniques du programme de Danse libre couple, junior et senior, en International Nous constatons que des règles précises doivent être respectées. Celles-ci se conjuguent à une multitude d'interdits, comme le port d'accessoires, ou encore l'interdiction de paroles chantées. Nous allons montrer que performer consiste par conséquent à flirter avec la règle, et que le nouveau système de notation comporte encore des imperfections.

a. l'innovation et la règle La prestation du patineur doit trouver une situation d'optimalité. Il existe un état où la performance combine innovation et respect des règles. Un équilibre doit être trouvé, pour produire la performance optimale. La règle sportive constitue un caractère indiscutable. Mme Zazoui l'affirme clairement « le règlement, c'est ma bible ». Enfreindre la règle, c'est affecter la performance de l'athlète.

52 POULAT Charlotte_2009 III. L'innovation, une dynamique collective orientée vers l'optimalité de la performance

Des déductions sont en effet attribuées pour chaque faute ou infraction. Pour le programme « Liberta », Gwendal Peizerat a préféré substituer les élastiques de son costume par de simples liens afin de ne pas risquer une pénalité pour « port d'accessoires »65. La règle paraît alors primer sur le fond. D'autre part, le caractère indiscutable de la règle fait de l'arbitrage un pouvoir quasi absolu. Isabelle Queval le définit comme « l'expression d'un Etat de droit, selon lequel le jeu n'existe que par décision contractuelle et acceptation des règles »66. L'athlète doit donc apprendre à composer avec une possible injustice, sans « broncher ». Néanmoins, si le respect de la règle est indispensable à la performance du sportif, sa capacité à l'utiliser l'est également. L'inventivité en patinage consiste à produire des créations techniques et artistiques. La compétition sportive met tous les sportifs à égalité devant la règle, et la performance réside par conséquent dans l'innovation en tant que jeu avec les limites. Isabelle Queval explique qu'il est alors nécessaire de flirter avec la règle, avec les interdits, et d'interpréter l'arbitrage. M. Haguenauer confirme cette idée lorsqu'il affirme que performer, c'est utiliser le règlement au mieux pour gagner des points, se servir du système mais être à la limite. Par conséquent, pour être performant, un patineur doit être capable de prendre des risques. Toute la difficulté est de calculer jusqu'où il est possible d'aller. Car si innover et prendre des risques permet d'optimiser sa performance, cela peut à l'inverse pénaliser l'athlète. A titre d'exemple, une prouesse technique originale peut rapporter des points, sauf en cas de chute; l'utilisation d'une musique hors de l'ordinaire peut séduire, ou au contraire déplaire aux juges.

b. un système de notation encore imparfait Le système de notation favorise l'innovation. Néanmoins, certains de ses aspects sont à l'origine de débats. Le système de notation tend en effet à récompenser plus facilement les innovations artistiques que techniques. Un conflit est ouvert entre les partisans d’un patinage expressif, et ceux d'un style plus athlétique, rythmé de prouesses techniques. Pour ces derniers, le système de notation constituerait par conséquent une barrière à l'innovation. L'ancien système de notation 6.0 était déjà au centre de disputes sur le poids de l'interprétation artistique par rapport à celui des difficultés sportives. Surya Bonaly, ancienne gymnaste, se différencie sur la glace par des prouesses techniques jamais réalisées, tel que le saut périlleux arrière, et qu'aucune de ses concurrentes ne serait capable de reproduire (cf. annexe 8). Mais les juges la pénalisent. Alors que sa mère crie à l'incompréhension du style avant-gardiste de sa fille, eux dénoncent un manque de féminité. Un débat sur l'innovation s'ouvre alors. Pour les puristes, le patinage est l'affaire des danseuses, pas des gymnastes, et l'acrobatie ne peut remplacer l'expression67. Pour les autres, le système de notation sacrifie de l'innovation. Avec le nouveau système CoP, le débat reste ouvert. Lors des Championnats du Monde, Brian Joubert reproche à son adversaire de remporter la victoire avec un programme facile, sans réaliser de difficultés. Il était en effet le seul concurrent à tenter le quadruple saut. Certains vont alors lui reprocher de confondre athlétisme et patinage. Lui considère que le système l'empêche de prendre des risques. Un programme « propre » suffirait. Mais 65 Marina Anissina et Gwendal Peizerat, D'Or et de Feu, Ed. De la Voute, 2002 66 Isabelle Queval, Le Sport, Petit abécédaire philosophique, Ed. Larousse, coll. Philosopher, 2009 67 L'Equipe, 27 avril 1994 POULAT Charlotte_2009 53 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

tous les sportifs ne sont pas de cet avis. Benoît Richaud approuve totalement le système de notation. Selon lui, il est plus juste, notamment pour les éléments techniques. Il explique que s'il réalise avec sa partenaire les choses demandées, les notes suivent automatiquement. Le système semble donc imparfait car certains patineurs se sentent frustrés. Leur innovation paraît bridée par une notation qui les empêche de se dépasser, et donc de réaliser une performance optimale. Tout est question de choix politique sur le principe même d'innovation: les prouesses gymniques en font-elles partie, et par conséquent devraient être mieux récompensées? La difficulté tient aussi dans le fait que le patinage est une discipline où les hiérarchies sont établies. Certains juges ne parviennent pas à se détacher des valeurs reconnues, qui font du patinage l'affaire des danseurs. Un patineur, occupant généralement le bas du classement et qui réaliserait une prestation absolument exceptionnelle ne serait jamais classé en tête de la compétition. Il pourrait même ne pas se trouver sur le podium. La tête du classement est établie et bouge très peu. En conclusion, pour qu’une performance soit optimale, elle doit combiner respect de la règle et création. La subtilité de la tâche réside dans un jeu avec les limites et dans une prise de risques calculée. Cependant, le système de notation paraît empêcher la performance optimale des athlètes dans la mesure où il pénalise certaines prises de risques et bride certaines innovations. Un débat est ouvert entre les technicistes et les partisans de l'expression artistique, sur le concept d'innovation et sur la définition même du patinage. Pour terminer cette partie, nous pouvons à présent affirmer que l'innovation est un processus de création technique et artistique qui contribue à la performance de l'athlète. En haut niveau, les patineurs possèdent le même talent et sont égaux devant la règle. Il leur faut donc se différencier, et être là, « ici et maintenant » sur la glace. La performance optimale consiste à jouer sur la limite innovation/respect des règles. La prise de risque calculée semble donc essentielle pour l'atteindre. Néanmoins, si le système de notation récompense l'innovation technique et artistique, certaines personnes considèrent qu'il bride au contraire la prise de risque et ne permet de réaliser qu'une performance relative. Les prouesses athlétiques sont au centre de ce débat opposant technicistes et partisans de l'interprétation artistique. Nous suggérons que le système de notation valorise davantage la prise de risque et les prouesses techniques. Car pour qu'un athlète soit performant, il doit avant tout être motivé et se réaliser dans son sport. Or le fonctionnement actuel bride certains patineurs qui ont la sensation de ne pas pouvoir donner le meilleur d'eux-mêmes et qu’un programme propre suffit. Le système semble par conséquent affecter leur motivation et handicaper leur performance. Une solution serait peut-être d'instaurer, à côté des grilles de notation actuelles, des points de bonus dédiés à récompenser la prise de risque. Les partisans de l'expression artistique ne seraient pas pénalisés, dans la mesure où il s'agirait uniquement de bonus, permettant à un athlète réalisant un programme sans prise de risque d'obtenir malgré tout le niveau maximal. Le bonus serait alors un moyen pour les technicistes de se différencier, et de trouver la possibilité de se dépasser et de s'épanouir pleinement dans leur sport. Tous les déterminants de la performance du patineur sembleraient alors réunis: la satisfaction des parties prenantes, la différenciation, l'application des compétences techniques et artistiques, et la motivation du sportif.

54 POULAT Charlotte_2009 III. L'innovation, une dynamique collective orientée vers l'optimalité de la performance

B. l'innovation comme produit d'une interaction dynamique

Nous avons précédemment démontré que l'entraîneur est au centre du système de production de la performance. Il est un leader et un manager qui prend les décisions et se trouve au sommet de la hiérarchie. Ainsi, il est l'instigateur du processus d'innovation technique et artistique. Néanmoins, il lui est nécessaire de s'entourer d'autres acteurs afin d'enrichir sa création et d'optimiser la performance de la prestation. D'autre part, si l'entraîneur est à l'origine de l'innovation, le patineur n'en est pas moins celui qui s'exprimera seul sur la glace. Un espace d'autonomie donc doit lui être réservé, pour une libre interprétation artistique et corporelle.

1. la recherche d'efficacité par le facteur humain L'innovation est liée à un management centré sur la performance du facteur humain. Les compétences techniques et artistiques de l'entraîneur sont au centre du processus de création. Cependant, seule une interaction dynamique permettra de rendre le processus de création efficace et performant.

a. les compétences techniques et artistiques de l'entraîneur au centre du processus de création Comme nous l'avons vu, Joseph Schumpeter explique que l'innovation joue le rôle d'impulsion pour le monde industriel. Il ajoute que l'acteur central de ce processus n'est autre que l'entrepreneur.En patinage, c'est le rôle de l'entraîneur d'être un créateur. Un entraîneur performant est un acteur compétent, techniquement et artistiquement. Ce qui signifie pour l'innovation, qu'il doit être capable de créer en permanence, et de se renouveler pour chaque programme, pour chaque saison. L'entraîneur doit donc être un artiste, et posséder un esprit créatif. Pour cela, il lui est nécessaire de suivre les évolutions ou les modes comme nous l'explique Mme Guttin-Moine. A titre d'exemple, le programme de Benoit Richaud et Terra Findlay incluant quelques pas de tecktonik était totalement au goût du jour. L'entraîneur doit donc posséder des capacités personnelles originales et spécifiques. La rareté de ses compétences leur confère une valeur stratégique et sont à la base de la performance. Elles vont en effet lui permettre de se différencier des autres entraîneurs, et d'obtenir sur eux un avantage compétitif. Un entraîneur possède par conséquent des compétences qualitativement et quantitativement supérieures à celle de ses athlètes lui permettant de le diriger dans le processus créatif et de l'aider à se différencier des autres sportifs. D'autre part, les compétences individuelles de l'entraîneur vont lui permettre de se forger une réputation. Mme Zazoui notamment est très connue dans le milieu pour l'originalité de ses programmes. Son club lyonnais est par conséquent très attractif pour les talents prometteurs du patinage, mais aussi pour les collaborateurs compétents, tels que les chorégraphes, qui vont l'assister dans son processus de création. La capacité d'innovation de l'entraîneur est donc source d'excellence.

POULAT Charlotte_2009 55 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

b. l'interaction dynamique et la créativité croisée L'innovation est permise par les capacités individuelles et originales de l'entraîneur. Néanmoins, l'acquisition de ressources humaines est nécessaire pour rendre le processus de création plus riche et plus efficace. Cyril Baqué affirme que la recherche d'efficacité constitue l'objet même du management. Il s'agit d'obtenir des résultats par la mise en œuvre d'actions. Le processus de création constitue par conséquent une recherche de la performance. Or l'intégration de ressources humaines permet d'exploiter l'apport de chaque individu à l'avantage compétitif. Par conséquent, chaque acteur va produire et allouer des ressources utiles à l'efficacité collective68. L'entraîneur ne doit donc pas se contenter de ses compétences individuelles, mais plutôt se faire « rassembleur d'hommes » et être en contact direct avec d'autres acteurs qui performent. Mme Zazoui explique la nécessité de s'entourer de personnes compétentes dans des domaines aussi divers que la danse ou le théâtre, afin d'enrichir l'innovation. M.Haguenauer ajoute que l'entraîneur a conscience de ses limites. Il a donc besoin d'un regard neuf et plus pointu. La créativité n'est donc optimale que si elle est alliée à une organisation collective rigoureuse. L'entraîneur contribue par son management à la « mise en forme créatrice de l'équipe qui l'accompagne »69 et à la libération de talents, enjeux cruciaux pour nourrir l'avantage concurrentiel de la prestation. Phillipe Lorino définit l'entrepreneur comme un pilote transversal favorisant la créativité croisée par la fertilisation croisée70. Des interactions dynamiques doivent en effet s'effectuer entre les différentes catégories de métiers. En patinage, les entraîneurs font principalement appel à des acteurs du domaine artistique, comme les costumiers, les professeurs de théâtre ou les chorégraphes, afin de développer l'aspect scénique de ce sport-spectacle. La performance sera alors vue comme un espace d'articulation de cultures et de pratiques professionnelles différentes. Pour conclure, la rareté des compétences individuelles de l'entraîneur lui procure un avantage compétitif sur ses adversaires. De sa capacité à innover en permanence, il retire une réputation au sein de la communauté sportive source d'excellence. Néanmoins, la recherche d'efficacité qui définit la performance l'oblige à s'entourer d'autres acteurs compétents, afin d'enrichir le processus de création artistique. La performance devient alors un espace où s'articulent des pratiques professionnelles variées, et où l'entraîneur devient un « rassembleur d'hommes ».

2. l'entraîneur doit favoriser la créativité des athlètes en leur laissant un espace d'autonomie Comme nous l'avons vu, l'entraîneur est au centre du processus d'innovation. Néanmoins, il ne faut pas oublier que le patineur constitue l'unique émetteur du message artistique sur

68 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 69 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 70 Philippe Lorino, Méthodes et pratiques de la performance, 3e Edition, Editions d'Organisation, 2008 56 POULAT Charlotte_2009 III. L'innovation, une dynamique collective orientée vers l'optimalité de la performance

la glace. Il réalise et interprète grâce à son expression corporelle. Il lui faut donc un espace de liberté favorisant et stimulant sa propre créativité.

a. la création nécessite que le patineur « lâche prise » Cyril Baqué explique que la créativité nécessite de « lâcher prise », en d'autres termes de se libérer de ses contraintes en s'appuyant sur son environnement, sur ses ressources, sur son mental et sur son corps71. C'est quand se manifeste le doute que la créativité du patineur est inhibée. Il doute de ce qu'il sait faire ou pas, des raisons pour lesquelles il est là, nous dit Cyril Baqué. La fatigue ou l'anxiété peuvent engendrer cet état. Lorsque le doute intervient avant ou au cours de l'action, la capacité à créer est entravée. Paul Yonnet explique que le doute a d'autant plus de mal à partir avec l'incertitude propre au sport-spectacle: « C'est donc le spectacle des meilleurs égaux qui crée l'incertitude essentielle, l'incertitude mobilisatrice. A cette incertitude s'ajoute l'incertitude du geste sportif lui-même, fût-il apparemment le plus simple ou le plus complexe »72. Pour atteindre la performance optimale et stimuler la créativité du patineur, l'entraîneur doit par conséquent mettre en place, par son discours, son analyse, des conditions favorables à la créativité de l'athlète, qui correspondent à la quête de soi du sportif. Le sportif atteindra ainsi ce que Cyril Baqué nomme la « peak performance », en d'autres termes, la capacité à être créatif grâce à un état de confiance, d'optimisme et de relâchement du corps et de l'esprit.

b. la libre expression corporelle comme espace de création du patineur Comme nous venons de le voir, la créativité nécessite que l'athlète soit libéré de toute tension, favorisant ainsi une libre expression corporelle. « L'athlète a un corps, l'athlète est un corps », nous dit Cyril Baqué73. L'espace de création est alors ouvert. Donald Woods Winnicott définit l'expression du corps comme une aire intermédiaire entre la pensée et l'action, entre la créativité primaire et la perception objective de la réalité74. La créativité serait alors la capacité de laisser s'exprimer librement le corps intelligent. « Comme si le corps en mouvement était capable de penser par lui-même, sans la réflexion du penser, d'appréhender les signes du contexte, de s'y intégrer et d'y répondre en déployant une extraordinaire habileté. Une sorte de « savoir » du corps en mouvement capable de se mouvoir de lui-même » notait José-luis Moragues et Jacques Birouste75. Les patineurs entrent ainsi dans une création dynamique et imprévisible. Cette capacité à produire de l'imprévisible, à faire émerger le meilleur de soi « au jour J », nous explique Cyril Baqué, nécessite une préparation mentale et physique efficace. Les meilleurs entraîneurs sont par conséquent ceux qui parviennent à poser un

71 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 72 Paul Yonnet, Système des sports, Paris, Gallimard, 1998 73 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed.Chiron,2007 74 Donald Woods Winnicott, Jeu et réalité, l'espace potentiel, Paris, Gallimard, 1975 75 J-L. Moragues et J. Birouste, L'exploit, un état « hors sujet »?, Le Journal des psychologues, n°139, Paris, 1996 POULAT Charlotte_2009 57 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

cadre source de créativité pour leur athlète, en favorisant leur autonomie. Mme Guttin- Moine insiste sur ce besoin d'autonomie des patineurs. La libre expression corporelle, vecteur de la créativité sera alors possible. Le patineur apportera ainsi une interprétation personnelle, et inimitable sur la glace des innovations instiguées par son entraîneur. La glace constitue par conséquent un champ d'expérimentation, de recherche de soi mais aussi de perfectionnement. Le sportif participe lui aussi au processus de création. Il est seul sur la glace pour réaliser son programme et transmettre l'émotion attendue par les spectateurs. La libre expression de son corps engendre une création dynamique et inédite. Pour cela, le corps du patineur doit être détaché de toute contrainte. Manager des sportifs, c'est donc favoriser leur créativité en leur laissant un espace d' autonomie. La glace devient alors un champ d'expérimentation et de créativité qui n'appartient qu'à l'artiste. Pour conclure cette seconde et dernière partie, nous pouvons affirmer que l'innovation fourni un avantage compétitif au sportif et à l'entraîneur sur les autres concurrents. Les compétences individuelles et originales de l'entraîneur constituent la base du processus de création. Sa capacité à se différencier continuellement fonde d'autre part sa réputation, elle-même source d'excellence. Néanmoins, afin d'enrichir la création, l'entraîneur doit s'entourer d'autres acteurs compétents. L'interaction dynamique entre des métiers d'horizons divers permettra alors d'optimiser la performance de la prestation. Enfin, si l'innovation est le résultat de la coopération d'une multitude d'athlètes en coulisses, le patineur est le seul à l'interpréter sur la glace, d'une façon personnelle et inimitable. Par conséquent, l'entraîneur doit lui ouvrir un espace d'autonomie et l'aider à libérer son corps de toute contrainte. Le patineur, par sa libre expression corporelle, pourra alors réaliser une création dynamique et imprévisible, source de performance. Le schéma qui va suivre récapitule le cheminement depuis l'innovation comme dynamique collective, jusqu'à la performance et l'avantage concurrentiel de l'athlète:

58 POULAT Charlotte_2009 III. L'innovation, une dynamique collective orientée vers l'optimalité de la performance

Figure 12: L'innovation comme source de performance

POULAT Charlotte_2009 59 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

Conclusion

La question de départ de notre démonstration était la suivante: dans quelle mesure le management de l'entraînement sportif permet-il la réalisation de la performance de l'entraîné lors de la compétition? Nous avons pu identifier trois piliers à la performance de l'athlète. Tout d'abord, le pilotage rationnel de l'entraînement permet l'efficacité et la qualité de la prestation. La division et la spécialisation des tâches, l'organisation sportive ainsi que le professionnalisme de l'entraîneur, de ses collaborateurs et du patineur, sont autant d'ingrédients permettant de réaliser un entraînement de qualité. L'entraîneur joue ici le rôle de gestionnaire des ressources humaines, et tente de coordonner efficacement l'action collective. Nous avons d'autre part relevé l'importance pour l'entraîneur de fixer des objectifs, d'être capable de conduire le changement, et de présenter une qualité décisionnelle. Des leviers d'action peuvent ainsi être mis en place, pour améliorer la performance de la prestation. D'autant plus que le patinage, comme tout sport pratiqué en haut niveau, est en proie à la Glorieuse Incertitude du sport. Une gestion exemplaire de l'entraînement ne garantie pas la réalisation de la performance. Si on ne peut faire disparaître totalement la zone d'incertitude, il est possible de gérer les risques et de procéder à des évaluations. Ces dernières sont primordiales puisqu'elles permettent d'engager des actions correctrices, et ainsi d'optimiser la performance en corrigeant les éventuels dysfonctionnements. De nouvelles orientations stratégiques pourront alors être engagées. Le second pilier de la performance sportive réside dans la relation entraîné/entraîneur, et dans la capacité de ce dernier à être un bon entraîneur. Le mental constitue le moteur de la performance de l'athlète. Par conséquent, l'entraîneur doit être un protecteur qui le soutient psychologiquement en cas de besoin, mais aussi un coach, qui saura le motiver et le remotiver en permanence, lui permettant ainsi de progresser. Un bon entraîneur c'est aussi un leader. Ses compétences techniques et artistiques, reconnues par la profession, ainsi que son expérience, justifient ce rôle d'autorité sur les patineurs et collaborateurs. A la tête de la hiérarchie, il est aussi un pilote transversal et un arbitre, entre les différents mondes sociaux qui gravitent autour de l'athlète et conditionnent sa performance. Il coordonne, régule, se fait médiateur en cas de conflit. Le mental de l'athlète étant primordial pour sa performance, le bon entraîneur veille à maintenir l'équilibre au sein de son environnement et au sein de son esprit. Enfin, le bon entraîneur est un éducateur, qui enseigne à son élève les valeurs sportives ainsi que l'esprit de compétition, nécessaires à sa performance. Un patineur efficace est un patineur capable de progresser, donc de reconnaître ses erreurs et de respecter ses adversaires. Le dernier pilier de la performance du sportif est l'innovation. En haut niveau, les athlètes sont égaux devant la règle et possèdent le même talent. Le processus de création technique et artistique va donc permettre aux patineurs de se différencier, d'être là, ici et maintenant sur la glace et ainsi de prendre un avantage concurrentiel sur leurs adversaires. D'autre part, nous avons relevé que la performance optimale peut être atteinte en combinant respect des règles et innovation. La création constitue alors un jeu avec les limites, une prise de risque calculée. Néanmoins, si le système de notation récompense l'innovation

60 POULAT Charlotte_2009 Conclusion

technique et artistique, certaines personnes considèrent qu'il bride au contraire la prise de risque et ne permet de réaliser qu'une performance relative. Les compétences individuelles et originales de l'entraîneur constituent la base du processus de création. Sa capacité à se différencier continuellement fonde d'autre part sa réputation. Néanmoins, afin d'enrichir la création, l'entraîneur doit s'entourer d'autres acteurs compétents. L'interaction dynamique entre des métiers d'horizons divers permet en effet d'optimiser la performance de la prestation. Mais si l'innovation est le résultat de la coopération d'une multitude d'acteurs en coulisses, le patineur est le seul interprète sur la glace. Il transmet au spectateur un message, d'une façon personnelle, inimitable et imprévisible, par sa libre expression corporelle. Le schéma suivant récapitule les composantes du système de production de la performance en patinage de haut niveau: MotivationSpécialistesMédias SponsorsAutres athlètes, équipe

PerformancesSystème de production de Carrièreperformance organisé autour du patineur FamilleRevenus Lois et règlementsPlanning, calendrier Club, fédération, entraîneurInnovation Figure 13: Le système de production de performance organisé autour du patineur Source: Etude Nationale sur les activités rémunérées ou indemnisées autour des sportifs de Haut-Niveau, Qu'est-ce que travailler dans l'environnement du sport de haut niveau et produire ensemble de la performance?, Observatoire National des Métiers de l'Animation et du Sport, sous la coordination de Philippe Fleurance, 30 septembre 2004 Nous constatons ici que le système de production de la performance repose sur: -l'organisation et la communauté sportive: l'entraîneur, le club, les adversaires, les coéquipiers en Equipe de France, les spécialistes -les lois et règlements -les acteurs de l'extérieur: les médias, la famille, les sponsors -une gestion efficace: de la carrière, des performances, de la motivation, de l'innovation du planning et du calendrier -les revenus qui découlent de l'activité sportive: par les galas notamment Notre étude nous a permis de formuler cinq recommandations. Tout d'abord, nous suggérons que les patineurs de haut niveau obtiennent le statut de professionnels. En effet, l'athlète consacre l'essentiel de son temps à la préparation sportive et sa réussite est conditionnée par sa capacité à se conduire comme un professionnel. D'autre part, bien qu'il n'existe pas de contrat de travail, l'activité du sportif recherche une productivité économique au-delà de la productivité technique, ne serait-ce que par les galas ou les bénéfices retirés sur son image. Reconnaître un statut de professionnel au patineur semble donc plus juste au regard de son implication et de la réalité économique de son activité. La seconde suggestion que nous avons formulée concerne le management par les objectifs. Cette méthode génère sur les sportifs une pression d'enjeux forte. Des contre-

POULAT Charlotte_2009 61 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

performances peuvent en résulter, liées à l'angoisse de l'échec. Certaines compétitions devraient être dédiées au plaisir de l'athlète, surtout en niveau national où les patineurs débutent leur carrière. Si les résultats immédiats ne sont pas élevés, les performances sportives futures n'en seront que plus fortes. Notre troisième recommandation serait de faire leur place aux métiers du mental. Des psychologues certifiés par exemple, permettraient d'obtenir un regard extérieur sur le sportif et de prendre des distances avec l'autorité ou l'affection paternelle de l'entraîneur. Les besoins psychologiques du patineur seraient étudiés avec plus d'objectivité, et des solutions plus efficaces pourraient être trouvées. La quatrième suggestion propose d'encourager la formation de l'entraîneur aux techniques managériales. En haut niveau, ce n'est plus uniquement l'entraînement physique et technique qui est important, mais le management des athlètes ainsi que le management des déterminants de la performance individuelle et collective. Les stages de formation permettraient à l'entraîneur de travailler ses « techniques de commandement » et de dépasser son rôle initial de préparateur physique. D'autre part, comme il a tendance à multiplier les rôles, les stages de formation lui permettraient de renforcer sa polyvalence ainsi que l'efficacité de son action. La dernière suggestion que nous avons formulée concerne le système de notation CoP. Il semblerait utile d'introduire un bonus récompensant la prise de risque des athlètes lors de la compétition. Certains patineurs ont la sensation de ne pas pouvoir donner le meilleur d'eux-mêmes et qu'un programme propre, sans difficultés mais ne permettant qu’une performance relative, suffit. Un bonus encourageant la prise de risque permettrait à ceux qui le souhaitent de se différencier et de se dépasser. Les autres patineurs ne seraient pas pénalisés, dans la mesure où même sans prise de risque, il serait possible d'obtenir le niveau maximal dans le système de notation initial. La principale difficulté rencontrée dans cette recherche sur le management de la performance en patinage de haut niveau a résidé dans le fait que les entraîneurs fonctionnent beaucoup au « feeling », comme ils le disent eux-mêmes. Il est donc difficile d'établir une typologie fixe des entraînements, de donner une définition unique de ce qu'est un bon entraîneur, et enfin de déterminer une « recette magique » de management sportif. Chaque patineur, chaque entraîneur est différent. La règle d'or serait donc d'être à l'écoute et de s'adapter, à chaque situation, à chaque individu. Pour terminer, il semble intéressant de relever qu'un peu partout en France, les cadres et les dirigeants découvrent les vertus du sport, appliquées à la gestion de l'entreprise76. Tout d'abord, l'univers sportif enseigne à celui de l'entreprise à développer des stratégies d'encouragement qui lui font souvent défaut. Se serrer les coudes, se conseiller les uns les autres, traiter les inhibitions et gérer le stress, sont des notions que le sport encourage et qui prouvent à l'entreprise que la performance tient d'abord à l'excellence mentale. L'athlète dédit un temps infini à la préparation. L'entreprise quant à elle connaît un réel déficit dans ce domaine, et a tout intérêt à s'inspirer du monde sportif. Les deux univers peuvent être assimilés à des terrains de compétition, où chaque homme tente de se réaliser au travers de performances individuelles et collectives. La performance est toujours difficile à atteindre. C'est pourquoi des outils et des méthodes doivent êtres instaurés, accompagnés d'une préparation préalable pour agir avec efficacité. D'autre part, pour remporter la victoire, un athlète de haut niveau doit faire l'union du corps et de l'esprit. L'approche sportive démontre à l'entreprise qu'avant d'envisager les 76 L'Entreprise gagnée par le sport, Richard Vendeuil, L'express.fr, 10 février 1994 62 POULAT Charlotte_2009 Conclusion

résultats, les comportements individuels doivent être travaillés. Beaucoup de dirigeants pensent en effet à tort que les qualités personnelles constituent une donnée de départ, alors qu'en réalité il est nécessaire de les entretenir. Un management motivationnel est par conséquent nécessaire, dans la mesure où la performance dépend de la motivation, qui elle-même dépend de la qualité du management. Comme en sport, l'employé doit se montrer discipliné, à l'écoute de son corps, être rigoureux, être engagé dans un projet collectif. Mais ceci ne trouvera de sens que si l'employé ressent des émotions, entretien sa motivation, obtient des gratifications et comprend le sens de son investissement personnel dans l'entreprise, nous dit Cyril Baqué77. Néanmoins, contrairement au sportif, l'entreprise ne cherche pas à établir des records au prix de « tortures » physiques et mentales. Par conséquent, dans le contexte du travail, ce sont les valeurs, à la base de la cohésion du groupe, qui devront être améliorées. L'efficacité collective dépend en effet de la capacité des acteurs à parler le même langage et à être en accord sur les fondements idéologiques. Ainsi, l'essentiel en sport comme en entreprise est d'instaurer le cadre qui permettra d'allier performance individuelle et performance collective, d'instaurer une communication verbale et corporelle efficace, et le plaisir de participer à la réalisation d'un projet commun.

77 Cyril Baqué, Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, Un pour tous, tous pour un, Ed. POULAT Charlotte_2009 63 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

Bibliographie

-Ouvrages généraux

*Philippe Lorino, 3e Edition, Méthodes et pratiques de la performance, Editions d'Organisation, 2008 *Henri Mintzberg, Le Management voyage au centre des organisations, Paris, Editions d'Organisations, 1994 *P. Joffre et Y. Simon, Encyclopédie de gestion, Ed. Economica, 1997 * Michel Crozier et Erhard Friedberg, L’Acteur au cœur du système, Paris, Ed. Seuil, 1977 *Frederik Herzberg, Work and the Nature of man, New York, The Mentore executive, 1966 *L.W. Porter, E.E Lawler, J.R Hackman, Employees reactions to job characteristics, Journal of appliedpsychology, n°55, 1971 *Max Weber, The Three Types of Legitimates Rules, New York, Amiati Etzioni, 1969

-Ouvrages sur le sport et la compétition:

*Jean-Pierre Famose, La Motivation en éducation physique et en sport, Ed. Armand Colin, 2001 *L'Esprit d'équipe, motivation et performance, Pertinence et impertinence de l'usage de la métaphore sportive dans le monde de l'entreprise, « un pour tous, tous pour un », Cyril Baqué, Ed. Chiron, 2007 * Isabelle Queval, Le Sport, Petit abécédaire philosophique, Ed. Larousse, coll. Philosopher, 2009 *Pascal Duret et Patrick Trabal, Le Sport et ses affaires, Une sociologie de la justice et de l'épreuve sportive, Ed. Métailié, 2001 *Makis Chamalidis, Splendeurs et misères des champions, Québec, VLB, 2000 *François Ducasse et Makis Chamalidis, Champion dans la tête: la recherche de la performance dans le sport et dans la vie, Les Editions de l'Homme, 2006 *Paul Yonnet, Système des sports, Paris, Gallimard, 1998 64 POULAT Charlotte_2009 Bibliographie

*J-L. Moragues et J. Birouste, L'exploit, un état « hors sujet »?, Le Journal des psychologues, n°139, Paris, 1996 *Donald Woods Winnicott, Jeu et réalité, l'espace potentiel, Paris, Gallimard, 1975

-Ouvrages sur le patinage artistique et la danse sur glace

*Marina Anissina et Gwendal Peizerat, D'Or et de feu, le Vrai regard sur Salt Lake, coll. Pléiades, Ed. de la Voûte, 2002 *Dorling Kindersley, Le Patinage, le Guide des jeunes passionnés, ED. Hachette, 1998

-Rapports et documents

*L'Entreprise gagnée par le sport, Richard Vendeuil, L'express.fr, 10 février 1994 *Etude Nationale sur les activités rémunérées ou indemnisées autour des sportifs de Haut- Niveau, Qu'est-ce que travailler dans l'environnement du sport de haut niveau et produire ensemble de la performance?, Observatoire National des Métiers de l'Animation et du Sport, sous la de Philippe Fleurance, 30 septembre 2004 *Conférence de presse, janvier 2009 *L'Equipe, 27 avril 1994 *Didier Pouquery, Le Modèle du CRECI: cinq règles d'excellence, in. L'Excellence, Une Valeur Pervertie, De l'école à l'entreprise, les mirages de la réussite, dirigé par B. Ouvry-Vial, p154-157, Revue Autrement n°86, janvier 1987

POULAT Charlotte_2009 65 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

Annexes

Annexe 1 : Guide d'entretien

*La personne interrogée: -Quel est votre parcours professionnel? -Avez-vous pratiqué le patinage artistique ou la danse sur glace? -Quels athlètes avez-vous entraînés? -Pour quelles raisons exercez-vous ce métier? -Quels types de relations avez-vous généralement avec vos patineurs? -Comment s'organise la journée d'un entraîneur? -Avec quels autres acteurs travaillez-vous? Pourquoi? -Quelles sont vos méthodes de travail? *Le rôle de l'entraîneur: -Quel est le rôle d'un entraîneur? -Qu'est-ce qu'un bon entraîneur? -Selon-vous, qu'attend un sportif de son entraîneur? -Quelles sont les responsabilités de l'entraîneur? -Qui prend les décisions? Quelle est la place de chacun dans la prise de décision? -Selon-vous, de quoi l'entraîneur tire t-il sa légitimité? Son autorité? -Selon-vous, en quoi un entraîneur pourrait se rapprocher d'un manager en entreprise? *La motivation de l'entraîné par l'entraîneur: -Comment motivez-vous vos athlètes? -Quels facteurs peuvent affecter sa motivation? -Quels sont ses besoins d'un athlète? -Comment résoudre la tension qui pèse sur eux? -Quelle place accordez-vous à la préparation mentale? -Qu'attendez-vous du patineur en contrepartie de votre travail? -Que représente pour vous le moment de la compétition? *La performance du patineur: -Qu'est-ce qu'un patineur performant? -Selon-vous, quels atouts permettent au patineur d'être performant? 66 POULAT Charlotte_2009 Annexes

-Qu'est-ce qui peut empêcher un patineur d'être performant? -Selon-vous, en quoi l'entraîneur permet-il à l'athlète d'être performant? => si non abordé, quelle place accordez-vous à l'innovation? Comment définissez-vous l'innovation? -Déterminez-vous des stratégies permettant au patineur d'être performant? Lesquelles? Définissez-vous des objectifs? -Les stratégies peuvent-elles évoluer au cours de la compétition? -Que pensez-vous du système de notation?

Annexe 2 : Guide d'entretien des patineurs

*La personne interrogée: -Depuis combien de temps patinez-vous? -Possédez-vous une autre activité à côté? Comment les conjuguez-vous? -Pour quelles raisons pratiquez-vous ce sport? -Quels types de relations avez-vous généralement avec vos entraîneurs? -Comment s'organise votre journée? -Avec quels autres acteurs travaillez-vous? Pourquoi? -Possédez-vous des méthodes de travail spécifiques? *Rôle de l'entraineur: -Quel est le rôle d'un entraîneur? -Qu'est-ce qu'un bon entraîneur? -Personnellement, qu'attendez-vous d'un entraîneur? -Quelles sont les responsabilités de l'entraîneur? -Qui prend les décisions? Quelle est la place de chacun dans la prise de décision? -Selon-vous, de quoi l'entraîneur tire t-il sa légitimité? Son autorité? *La motivation de l'entrainé par l'entraîneur: -De quelles façons votre entraîneur va réussir à vous motiver? -Quels facteurs peuvent affecter votre motivation? -Quels sont vos besoins? -Comment votre entraîneur parvient-il à réduire la tension qui pèse sur vous? -Quelle place accordez-vous à la préparation mentale? -Selon vous, qu'attend votre entraîneur, en contrepartie de son travail? -Que représente pour vous le moment de la compétition? *La performance du patineur:

POULAT Charlotte_2009 67 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

-Qu'est-ce qu'un patineur performance? -Selon-vous, quels atouts permettent au patineur d'être performant? -Qu'est-ce qui peut vous empêcher d'être performant? -Selon-vous, en quoi l'entraîneur permet-il à l'athlète d'être performant? -Déterminez-vous des stratégies, des objectifs, avec votre entraîneur qui détermineront votre performance? -Que pensez-vous du système de notation?

Annexe 3 : Guide d'entretien des juges

*La personne interrogée -Quel est votre parcours professionnel? -Avez-vous pratiqué le patinage artistique ou la danse sur glace? -Avez-vous entraîné des athlètes? -Pour quelles raisons exercez-vous ce métier? -Quels types de relations avez-vous généralement avec les patineurs et les entraîneurs? -Comment s'organise la journée d'un juge lors d'une compétition? -Avec quels autres acteurs travaillez-vous? *Rôle de l'entraîneur: -Quel est le rôle d'un entraîneur? -Qu'est-ce qu'un bon entraîneur? -Comment reconnaissez-vous un athlète bien entraîné? -Selon-vous, qu'attend un sportif de son entraîneur? -Quelles sont les responsabilités de l'entraîneur? -Qui prend les décisions? Quelle est la place de chacun dans la prise de décision? -Selon-vous, de quoi l'entraîneur tire t-il sa légitimité? Son autorité? *La motivation de l'entraîné par l'entraîneur: -Comment motivez-vous un athlète? -Quels facteurs peuvent affecter la motivation d'un athlète? -Quels sont les besoins d'un athlète? -Comment résoudre la tension qui pèse sur les athlètes? -Que représente pour vous le moment de la compétition? *La performance du patineur: -Qu'est-ce qu'un patineur performant lors de la compétition? Comment l'identifiez-vous? -Selon-vous, quels atouts permettent au patineur d'être performant 68 POULAT Charlotte_2009 Annexes

=> Si non abordé, quelle place accordez-vous à l'innovation (artistique...)? Comment définissez-vous l'innovation? -Qu'est-ce qui peut empêcher un patineur d'être performant? -Selon-vous, en quoi l'entraîneur permet-il à l'athlète d'être performant? -Comment fonctionne le système de notation? -Quels sont les règlementations les plus importantes que doivent respecter l'entraîneur et le patineur? -Que pensez-vous du système de notation?

Annexe 4 : Tableau des compte rendu d'entretiens - « La relation entraineur-entrainé»

POULAT Charlotte_2009 69 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

Type d'entraîneur Le bon entraîneur Ce qu'un entraîneur/patineur attend Mme Boucher- -très calme mais très déterminée et - présence technique - présence psychologique Mme Zazoui attend de ses sportifs: - Zazoui persévérante . - autorité naturelle et - responsable . S'engager sur le haut niveau c'est le respect du sport -le respect de son automatique , sentie par les entrainés. -très s'engager à faire la maximum pour que les sportifs entraîneur -le respect de la discipline -le positive - engagée et très responsable réussissent. respect d'eux-même afin que ses sportifs n'aient rien à lui reprocher -relation maternelle avec ses sportifs, de grande confiance, mais aussi un rôle d'autorité. Tout dépend de l'âge du sportif, du sexe. Importance du feeling. Mr Haguenauer -assez distant, sévère et exigeant - l'entraîneur fait le sportif. Il lui apporte son M. Haguenauer attend de ses sportifs: -qu'ils (répartition des rôles avec Muriel Boucher- expertise technique, un regard extérieur. - donnent le maximum, et ne deviennent pas Zazoui). -très perfectionniste: attentif aux « entraîneur-arbitre » , en cas de conflit entre les des « fonctionnaires du sport » . -qu'ils petits détails. - « Moi j'aime gagner et les patineurs (mais il faut être le moins possible sur cette fassent preuve de professionnalisme , sportifs aussi » corde). Il est un peu un « conseiller matrimonial » même si la passion et le plaisir sont la base qui gère un couple. -être un coach , pendant la de tout. - qu'ils se «donnent à fond lors compétition. Rassurer et motiver (parfois en « poussant de la compétition » , et soientt contents de une gueulante ») pour obtenir la performance - leur prestation s'ils ont donné le maximum. instaurer une relation de confiance , qui découle d'une compétence technique : « être bon en face, ne pas dire de conneries et avoir une connaissance parfaite de ce qu'on dit, de sa pratique ». -soutenir son sportif psychologiquement. Etre positif, et faire accepter l'échec au sportif, mais aussi l'accepter soi- même. Rester positif dans la critique et remotiver. - Etre objectif sur la performance réalisée, mais être diplomate (ne pas dire que c'est nul avant la compétition). -Avoir une certaine autorité . Elle se fait naturellement, si on est compétent techniquement. Il faut savoir expliquer. Un très bon entraîneur ne se met pas en valeur, il donne et ne reçoit pas (attention à la starisation). - Etre responsable (se remettre en question en cas d'échec). - Transmettre des valeurs, une éducation (respect, fair-play, rigueur, hygiène de vie). Mme Dube- - relations fortes (ensembles trois fois par -s avoir insister . Avec du travail, on pourra y Damioli jour). Mais savoir mettre des barrières. -très arriver. - former techniquement. -apporter un état maternelle . d'esprit de compétition, des valeurs. -savoir être motivé , booster, ne pas laisser repartir le sportif frustré. M. Benoît -ses liens avec ses entraîneurs sont à la fois -un entraîneur en qui il est possible d'avoir « 100% M. Benoît Richaud attend de son Richaud affectifs et professionnels. -La méthode dure confiance » . Dans le cas contraire il n'acceptera pas entraîneur: -qu'il soit un entraîneur en et agressive ne lui convient pas. Il lui faut un son autorité. -un entraîneur qui parvient à le motiver danse sur glace mais aussi un coach entraîneur capable de le calmer et de lui : il a besoin de se sentir au dessus des autres dans sa psychologique . Pour lui, c'est ce qui parler. discipline de se prouver qu'il peut être le meilleur. Son différencie « les petit profs des profs entraîneur devra s'adapter à ces caractéristiques. - internationaux ». -qu'il comprenne un entraîneur qui sait s'entourer : il travaille avec un parfaitement ses élèves et sache tirer le préparateur physique pour les faiblesses physiques meilleur de ses athlètes. ressenties sur glace, avec un chorégraphe pour monter les programmes et enfin avec une sophrologue pour 70 POULAT Charlotte_2009l'aspect psychologique. Mme Guttin- -être à l'écoute. Coacher en fonction des soucis. - -la motivation . Donner le maximum, à Moine savoir reconnaître les erreurs de son patineur, et l'entraînement et pendant la compétition. le remotiver au moment venu. - se faire respecter grâce à ses connaissances techniques et artistiques. Annexes

Annexe 5 : Tableau n°2 de compte rendu d'entretiens - « La performance »

Thème 2: La performance

POULAT Charlotte_2009 71 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

La performance du sportif Les pressions qui entrent en jeu Gérer le facteur psychologique Mme Boucher- -un sportif performant: intelligence - vie très particulière : levé à 4h30, -un sportif « bien techniquement » n'a pas besoin Zazoui et self-control -la performance conciliation avec les études. Il faut avoir d'un grand soutien psychologique. - analyser les n'est pas le résultat. Cela dépend l'amour du sport et être motivé, généralement échecs avec les sportifs, et positiver après l'échec des patineurs. Il faut être meilleur depuis tout petit. - gérer les échecs - pour remotiver. Il ne faut pas avoir peur de dire qu'avant. Il ne faut pas demander un gérer les problèmes familiaux pourquoi il y a eu échec. - motiver: en obtenant des podium à chaque fois. -la compétiton résultats. Pour cela, il faut bien travailler, avoir une est l'aboutissement d'un travail . bonne technique, une belle chorégraphie (appréciée L'entraîneur évolue avec la performance par les juges, par le public, par tout le monde). - de ses athlètes. un préparateur mental n'est pas nécessaire , l'entraîneur arrive à bien diriger ses athlètes. Si le sportif est bien techniquement, il a confiance en lui et en l'entraîneur. -L'entaîneur apportera son soutien psychologique en cas de besoin. Mme Boucher-Zazoui relativise toujours et donne « la petite phrase pour les relaxer ». Chaque sportif est différent: certains ont besoin de silence avant la compétiton pour se concentrer, d'autres d'un petit mot (parfois même lorsqu'ils passent près d'elle sur la glace). Mr Haguenauer -Etre performant par rapport à son - conflits entre les sportifs (en Danse sur -relation en haut-niveau toujours plus poussée que potentiel du moment . Réaliser ses Glace). -la starisation , selon les sportifs les simples relations professionnelles. Relève du objectifs . -performance, dialectique (gérer les fans, les médias). « Préserver la domaine de l'éducation . Création d'une intimité entre: * le physique (mais ne pas bulle ». -la famille (chez les jeunes surtout. (car expériences fortes, tensions...). -l'entraîneur n'est montrer l'effort) * l'artistique (danse, Conflits avec l'entraîneur). -la peur de pas un « pote ou un copain ». engagement émotionnel, expression du décevoir (attentes fortes du public) -le visage). stress de la compétition (peur de l'échec, de chuter). Plus on est prêt moins on stresse. « Fais ton job, comme tu en as l'habitude ». Mme Dube- -qualités physiques (équilibre, détente, -les études, à concilier avec l'entraînement -nécessité d'une structure équilibrée : famille, règles Damioli coordination). - intelligence de travail (horaires et intensité). -le risque de blessure de vie. (compréhension rapide) (il faut tout reprendre). -la sensation de manquer d'entraînement -trop d'échecs à l'entraînement en cas de programme trop ambitieux (développement d'une angoisse de l'élément). -le vie personnelle du sportif. -il n'y a pas de deuxième chance, tout se joue sur les 4 minutes de programme. M. Benoît -il faut avoir du talent , du physique , -l'échec principalement. Mais avec le temps, -la préparation mentale ne doit pas être négligée, Richaud fournir beaucoup de travai l, et avoir le sportif apprend qu'il s'agit surtout d'une elle fait toute la différence en compétition. -une un mental d'acier . -performer c'est occasion de grandir, d'évoluer. -la fatigue - sophrologue l'aide à travailler tout l'aspect parvenir à être à son maximun au le rythme (c'est pourquoi de temps en temps psychologique lié au sport. bon moment, se battre contre soi- les sportifs effectuent de petites pauses): même, et essayer d'être plus fort que il commence l'entraînement à 7h30, rentre son physique pour arriver a faire ce dormir ou travailler son brevet d'état à 9h30, que l'on désir. -l'entraîneur possède puis retourne sur glace de 11H30 à 14h, une place importante dans le recherche enchaîne avec la préparation physique, et de la performance. Il s'occupe de enfin entraîne au club tous les soirs de 17h à toute la préparation du sportif et gère 20h ou 21H -le stress -un manque physique absolument tout. -la compétition c'est l'instant de la performance 72Mme Guttin- -le juge reconnaît rapidemmentPOULAT unCharlotte_2009-la douleur physique -la peur de l'échec -le patineur a besoin d' autonomie et d'un pouvoir de Moine patineur performant (tenue du dos, des -la peur de réussir (et de tout ce qui s'en décision . Il faut une coopération. bras, du corps en entrant sur la glace). - suit) - pas de deuxième chance , tout se performance technique et physique joue en quelques minutes. mais aussi artistique (montage du programme). Annexes

Annexe 6 : Tableau n°3 de compte rendu d'entretiens - « Le pilotage stratégique de l'entrainement »

Thème 3: Le pilotage stratégique de l'entraînement

POULAT Charlotte_2009 73 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

La planification stratégique L'innovation Mme Boucher- -entraînements prévus par un calendrier : planification de la saison à -s'entourer d' intervenants compétent s et différents afin de Zazoui moyen terme, par rapport aux compétitions, avec les athlètes. En début produire des choses différentes: chorégraphes, professeurs de de saison, beaucoup de répétitions, programme très chargé. Allègement théâtre... -stratégies pour exploiter le système de notation qui est juste avant une compétition. - planification à la journée , pour le travail très codifié. « Le règlement c'est ma bible » . Pour avoir des quotidien (des imposés...), selon le but choisi, selon les compétitions. points, il faut avoir le niveau maximum. Les règles sont là, on doit - planification par les objectifs: il faut toujours définir des objectifs à faire avec. - innover . Mme Boucher-Zazoui est connue pour ça. réussir. En cas d'échec, il faut en identifier les causes (debriefing). Les Relève d'un dialogue avec les athlètes. L'entraîneur est libre de objectifs sont réévalués au fur et à mesure, après la compétition, après prendre sa décision seul mais doit toujours l'expliquer. les entraînements. « Les sportifs ont toujours besoin d'évoluer ». -deux entrainements par jour. Le travail commence par un réveil musculaire . Ensuite, réalisation de différents exercices, très variès pour éviter la lassitude. - importance d'une bonne planification. La performance est un travail de longue haleine exigeant une préparation artistique, technique, physique et psychologique. -comme dans une entreprise, il faut planifier, rectifier, mais aussi motiver et surveiller. Mr Haguenauer -planification empirique: dépend du feeling , du sportif. - planification -S'entourer des compétences d'autres acteurs , de très haut moins scientifique que dans d'autres sports comme la natation. - niveau eux-aussi. L'entraîneur est conscient de ses limites et a planification par les objectifs , en fonction de la compétition, en fonction besoin d'un regard neuf et plus pointu. -Exploiter la connaissance des athlètes (il faut savoir s'adapter à eux). On fixe des « grandes lignes ». de ses propres défauts (en les masquant par la chorégraphie), et Réévaluations et modifications. -différentes phases de l'entraînement: * de ceux de ses concurrents. -Plaire au plus grand nombre: * préparation de la saison (répétition des basics, travail de la technique, Costumes : jouer sur le clinquant si les sportifs sont jeunes. *Choix conception et réalisation de la chorégraphie par la recherche des pas, de de la musique primordial. - Innover: chorégraphie (pas, portés). * mise en oeuvre . Vérification que tout s'enchaîne. Le programme portés...). Création artistique. Le technique met en valeur l'artistique. ne dure que 4 minutes mais il faut des mois pour vérifier que tout s'enchaîne « En haut niveau, il est difficile d'être le meilleur, il faut donc être (travail de répétition et de modification). * préparation de la compétition. le plus original ». -Projet commun: équipe restreinte , prise de Répétition du programme en entier. Affiner la présentation. -phases décision par le noyaux dur (dialogue entraîneur et patineurs, car de compétition: * grands prix: octobre, novembre, mi-décembre. * on ne peut pas plaire à tous). -Utiliser le règlement au mieux pour championnats: janvier, février, mars. Objectifs majoritaires. Prochains gagner des points. Utiliser le système mais être à la limite . Prise Olympiques. Les deux phases de la compétition s'enchaînent vites, et des de risque calculée et maîtrisée: choix politique. réglages doivent encore être effectués entre les deux. Plus on se rapproche de la compétition plus il faut raccourcir l'entraînement pour se rapprocher des conditions de la compétition. Mme Dube- - planification à court, moyen et long terme. Calendrier des compétitions: -développer un personnage , selon le caractère. - innover par Damioli choix stratégiques (aller plutôt sur des compétitions de 45 personnes que de la chorégraphie. Mais limité : pas de paroles... -s'entourer de 100 personnes) -Mise en place d'une routine (pour que certains gestes préparateurs physiques , si possible (leurs compétences sont plus deviennent des automatismes). -planification par les objectifs: de résultat fines, la préparation plus minutieuse), et d'un chorégraphe pour le et d'acquis techniques. Mettre des objectifs trop haut décourage, trop montage et l'interprétation. L'entraîneur apporte plutôt la technique bas démotive. -f euille de résultats au retour de la compétition: contenu du pure. - Préparation mentale nécessaire surtout en haut niveau. programme détaillé et remise en question. M. Benoît -les entraînements et la préparation sont adaptés en fonction du calendrier -le système de notation n'empêche pas l'innovation. Il s'agit d'un Richaud de la saison: *période creuse avril-mai *période de préparation durant tout sytème plus juste , notamment pour les éléments techniques. l'été *arrangements et modifications au cours de la saison qui commence Si les choses demandées sont effectuées, les notes suivent fin septembre -des objectifs de performance sont fixés, et non pas de automatiquement. résultat, car les résultats, il est absolument impossible de les contrôler. Mme Guttin- -être très au courant du règlement pour l'utiliser au mieux (certains Moine sauts sont plus côtés que d'autres). - innover (chorégraphie, techniques, tenues, musique). C'est le travail de l'entraîneur de suivre les évolutions.

74 POULAT Charlotte_2009 Annexes

Annexe 7 : Se différencier par l'innovation : porte inverse, Marina Anissina et Gwendal Al Peizerat. - Jeux aux olympiques de Salt Lake City en 2002 - Programme liberta

Annexe 8 : Les prouesses athlétiques de Surya Bonaly : source de débat entre technicistes et partisans de l'interprétation artistique

POULAT Charlotte_2009 75 Le management de la performance en Patinage Artistique et en Danse sur Glace de haut niveau

76 POULAT Charlotte_2009 Résumé

Résumé

Dans l'ouvrage D' Or et de Feu, Marina Anissina et Gwendal Peizerat nous communiquent leur expérience, lors de leur victoire aux Jeux Olympiques de Salt Lake City en 2002. Au travers de leurs mots, justes et simples, sans le filtre qu'un auteur extérieur aurait put imposer, il nous est possible de percevoir clairement la relation privilégiée qui lie l'entraîneur sportif à ses athlètes. Nous ressentons l'ambiance qui anime les entraînements, et sommes plongés dans l'atmosphère de la compétition, but ultime après des mois de travail. Tensions, osmose, stress, déceptions, frustrations, douleurs, plaisir ou joie intense. Autant de sensations complexes et contradictoires, qui emplissent le quotidien de ses personnes au métier hors du commun, et que nous tenterons de restituer et de comprendre avec justesse. Notre hypothèse sera que seul un management efficace et rigoureux de l'entraînement par un bon entraîneur, permettra de s'approcher au plus prêt, de la régularité, de la qualité et de l'efficacité de la performance lors de la compétition. Pour cela nous développerons trois thèmes principaux: le pilotage rationnel de l'entraînement, le management relationnel entraîneur/entraîné, et l'innovation comme dynamique collective, dans cette étude intitulée: Le Management de la performance, en patinage artistique et en danse sur glace de haut niveau. Mots-clés: Patinage Artistique; Danse sur Glace; entraîneur; patineur; entraînement; compétition; performance; management; qualité; régularité; efficacité; pilotage; mental; motivation; innovation; création; avantage concurrentiel

POULAT Charlotte_2009 77