Mém. Soc. Biogéogr. 1994, (3ème série) IV: Ill-l13

RICHESSE ET AFFINITES FLORISTIQUES DE LA NOUVELLE­ CALEDONIE : CONSEQUENCES DIRECTES DE SON HISTOIRE GEOLOGIQUE.

Ph. MORAT, T. JAFFRE & lM. VEll...LON

ABSTRAcr.- The flowering flora of dense humid forests, maquisvegetation and sclerophyllous forests in is analyzed. lt comprises 2618 species in 556 genera and 154 families, representing 85%, 74% and 93%, respectively, of the indigenous flora. Eighty seven percent of the speciesare endemie. The genera can he divided into 12 typesbased on overall geographiedistribution, showing that fully 24% of them are endemie or subendemic, The dominant floristic affinities are with Australia, followed by and Malesia. New Zealand occupies only the minth position. The origin of this flora, as weil as its floristic affinities, can he explainedby the geological history of New Caledonia. KEY-WORDS.- Flora, New Caledonia, Relationships, Endemism, Diversity, Vegetation types, Substrates, Geological history.

RESUME.- La flore phanérogamique des forêts denses, des maquis et des forêts sclérophylles de la Nouvelle-Calédonie est analysée. Elle comprend 2618 espècesrépartiesen 556 genres et 154familles et représente respectivement 85%, 74% et 93%des espèces,genres et famillesde la floreautochtone totale. Son endémisme spécifique est de 87%. La répartition des genres en 12 types de distribution géographique montre que l'élément endémique ou subendémique atteint 24%. Ses affinités floristiques sont dominantes avec l'Australie suivie par la Nouvelle-Guinée et la Malésie. La Nouvelle-Zélande ne vient qu'en 9ème position. L'origine de cette flore ainsi que ses affinités floristiques s'expliquent par l'histoire géologiquede la Nouvelle-Calédonie. MOTS-CLES.- Flore, Nouvelle-Calédonie, Affinités, Endémisme, Diversité, Types de végétation, Substrats,Histoiregéologique.

INTRODUCTION

La Flore de la Nouvelle-Calédonie se caractérise dans l'ensemble Pacifique par sa grande richesse et sa très grande originalité. Sur les quelques 4500 espèces que compte sa flore phanérogamique, plus de 3000 espèces sont autochtones. 76% d'entre elles sont endémiques, ce qui place ce territoire: - au 3ème rang pour l'endémicité après Hawaii (89%), et juste derrière la Nouvelle-Zélande (82%) - au 4ème rang pour la densité spécifique (0,160) derrière la Polynésie française (0,323) Samoa (0,193) et Juan Femandez (Tab. 1). La Nouvelle-Calédonie a depuis longtemps attiré les phytogéographes (BALAN8A, 1873). Des liens floristiques avec l'Australie avaient été remarqués tandis que les nombreuses formes archaïques rencontrées, tant parmi les Gymnospermes que les Angiospermes avaient conduit de nombreux auteurs à attribuer à ce Territoire une place privilégiée "Région" (GUILLAUMlN, 1928, 1934); "New Caledonian Region" (GoOD, 1964; VANBALGOOY, 1960, 1971 ; ou "Sub-Kingdom" (TAKHTAJAN, 1969). Plus récemment ont été mises en évidence et précisées les affinités floristiques de certains types de végétation pris séparément : forêts denses et maquis, forêts sclérophylles (MORAT et al. 1981, 1984, 1986; JAFFRE et al. 1993). C'est la synthèse de ces données qui est présentée ici. 112 Ph. MORAT, T. JAFFRE & J.M. VEILLON

METHODES D'ETUDES

Ont été retenues pour ce travail, toutes les espèces de phanérogames autochtones appartenant à l'une des 3 formations citées non perturbées par l'action anthropique. Pour des raisons d'homogénéité le genre a été retenu comme unité de travail dans l'évaluation des affinités floristiques. Tous les genres mentionnés comprennent au moins une espèce dans les formations envisagées. Toujours dans un but d'homogénéité, les unités phytogéographiques utilisées sont celles retenues pour l'étude des forêts denses et sclérophylles et des maquis miniers: '1 1. Afiique : tout le continent africain, Madagascar, les Mascareignes et les Seychelles, ces dernières îles étant différenciées par un chiffre (Tab. 5) quand un genre néocalédonien concerné n'existe que dans l'une ou l'autre de ces subdivisions. 2. Asie: tout le continent asiatique (y compris le Japon et Formose) à l'exception de la presqu'île malaise. 3. Malésie : toute l'aire géographique de la Flora Malesiana (y compris les Philippines) à l'exception de la Nouvelle-Guinée, l'archipel Bismarck ët les îles d'Am. 4. Nouvelle-Guinée (avec l'archipel Bismarck et les îles d'Am). 5. Australie ( avec la Tasmanie). 6. Pacifique: 6a. les îles Salomons (avec Bougainville). 6b. Nouvelles-Hébrides dans leur sens géographique: et Santa Cruz. 6c. Lord Howe. 6d. Norfolk. 6e. Nouvelle-Zélande (avec toutes ses dépendances: Stewart, Kermadec, Chatham). 6f Fidji. 6g. Pacifique Nord, unité conventionnelle où ont été regroupées les îles Bonins, Carolines, Mariannes, Marshall, Tuvalu, Kiribati, Phoenix, Tokelau et Hawaii. 6h. Polynésie: Polynésie française et îles Cook. 6i. Samoa-Tonga (avec Niue et Wallis & Futuna). 7. Amérique: tout le continent américain. Les types de répartition générique utilisés sont définis d'après les répartitions actuelles car les données paléobotaniques existantes sont trop fragmentaires. La terminologie de van BALGOOY (1971) modifiée pour les besoins de l'étude a été utilisée : 1 Les genres endémiques (E), dont les limites de répartition ne dépassent pas la Nouvelle-Calédonie et ses Dépendances (îles Bélep, Yandé, île des Pins,... ). 2. Les genres néocalédoniens ou subendémiques (B), géographiquement centrés sur la Nouvelle-Calédonie où se trouvent rassemblées en général plus des 3/4 de leurs espèces: Bikkia 10/11, Balanops 7/9, Hunga 8/11, Baloghia 14/18, Archirhodomyrtus 4/5, Piliocalyx 8/9, Megastylis 7/8, Sarcomelicope 5/6, Lethedon 15/16, Uromyrtus, Delarbrea, etc. 3. Les genres pacifiques (L) existant dans un ou plusieurs groupes d'îles du Pacifique et absents ou presque d'Amérique, d'Australie, de Nouvelle-Guinée, de Malésie ou d'Asie: RICHESSE FLORISTIQUE EN NOUVELLE CALEDONIE 113

Cyphosperma, Earina, Joinvil/ea, la Section Scaevola du genre Scaevola (les 2 espèces littorales exclues), Ancistrachne, Dracophyl/um, Astelia, Metrosidros, etc. Xeronema avec 1 espèce en Nouvelle-Calédonie et 1 en Nouvelle-Zélande entre dans ce type de distribution. 4. Les genres pacifiques-subantarctiques (J), de répartition disjointe existant dans les montagnes des Andes, de la Nouvelle-Zélande, Australie, Nouvelle-Guinée ou Malésie. En Nouvelle-Calédonie ils sont surtout représentés par des Gymnospermes: Araucaria, Libocedrus, Decussocarpus et quelques Cypéracées comme Schoenus. 5. Les genres subantarctiques (K), de répartition similaire à la précédente mais s'étendant au Sud de l'Océan Indien (Afrique du Sud, Madagascar, Seychelles, Mascareignes) : Cordyline, Helichrysum, Dianel/a, Soulamea ainsi que Cunonia avec sa distribution extravagante: 20 espèces en Nouvelle-Calédonie et une seule en Afrique du Sud. 6. Les genres australiens (H), centrés sur l'Australie : Hibbertia, Styphelia, Leichardtia, Chorizandra, Tricostularia, Logania, etc. 7. Les genres australo-papous (1), dont le centre de dispersion est l'Australie et la Nouvelle-Guinée, comme Graptophyl/um, Agathis, Hugonia, Ryssopteris, Ha/fordia, Cupaniopsis, etc. Malgré une concentration d'espèces en Nouvelle-Calédonie Acsmithia et Xanthostemon rentrent dans ce type de distribution à cause de leur très large répartiton (de la Malésie à Fidji pour le premier de la Malésie aux Salomons pour le second). 8. Les genres malésiano-papous (G), dont le centre de dispersion est en Malésie et Nouvelle-Guinée essentiellement, avec une extension aux Salomons, Nouvelles­ Hébrides, Fidji et rarement en Australie. Dubouzetia, Xanthomyrthus, Rhamnoluma sont des exemples typiques. Serianthes malgré sa distribution plus étendue vers le Nord et l'Est entre dans cette catégorie. 9. Les genres indo-malésiens (F), centrés sur l'Asie et la Malésie. Ils sont peu ou pas représentés en Australie et au-delà dans le Pacifique vers l'Est. La Nouvelle-Calédonie ou les Fidji sont souvent l'extrême limite de leur répartition: Pagiantha, Arthrophyl/um, Dacrydium. ID. Les genres indo-australiens (0), présents en Asie, Malésie, Australie et éventuellement dans le Pacifique mais avec très peu ou pas de représentants en Afrique : Melodinus, Parsollsia, Glossogyne, Endiandra, Dendrobium, Sarcochi/us, Spathoglottis, Melicope, etc. Il. Les genres paléotropicaux (C) qui existent sur tous les continents saufen Amérique. 12. Les genres pantropicaux (A).

RESULTATS

La flore des trois formations retenues représente 85 % des espèces, 74 % des genres et 93 % des familles de la flore indigène totale de la Nouvelle-Calédonie, laquelle d'après les données les plus récentes renferme 3063 espèces réparties en 749 genres et 165 familles. Ne manquent à cette étude que les taxons propres aux mangroves, aux formations marécageuses et halophiles ainsi qu'aux formations secondaires que sont les fourrés et les savanes. Mais si ces types de végétation occupent de grandes surfaces, ils renferment relativement peu de taxons autochtones. Le taux d'endémisme de 87 % obtenu est légèrement supérieure à celui de la flore totale, 76 %, ce qui s'explique aisément par l'absence dans le cas présent des formations 114 Ph. MORAT, T. JAFFRE & J.M. VEILLON secondaires où abondent des taxons de large répartition (panpacifiques, paléotropicaux ou pantropicaux).

AFFINITES FLORISTIQUES

Le spectre de répartition des genres retenus est donné par le tableau 3. A la lecture de ce tableau, il s'avère que la flore de la Nouvelle-Calédonie est composée à près de 50 % de genres à large répartition. L'élément "australien" est peu élevé (6 %) mais atteint un degré significatif de 12 % si on y ajoute les genres australopapous. Les genres austraux (subantarctiques et pacifiques subantarctiques) sont essentiellement représentés par des Gymnospermes et Cunonia. Mais le fait le plus intéressant du tableau est la présence d'un nombre très élevé de genres endémiques (107) soit plus de 19 % de l'ensemble! Si on y ajoute les 27 genres néocalédoniens on arrive au total de 134 genres confinés ou centrés sur la Nouvelle­ Calédonie et appartenant précisément aux groupes les plus primitifs : Amborellacées, Monimiacées, Wintéracées, Balanopacées, Lauracées, Gymnospermes, etc. Pour évaluer les affinités floristiques entre territoires phytogéographiques, il est possible de considérer le nombre de genres partagés par la Nouvelle-Calédonie avec les différents territoires phytogéographiques déjà énumérés. Les résultats sont donnés par le Tableau 4 et la Figure 1.

0 10 20 30 40 60 70

AUSTRALIE

NOUVEllE GUINEE

MALESIE

ASIE FIDJI SALOMONS

NOUVEllES HEBRIOES

AfRIOUE

PACI flOUE NORO

SAMOA-TlIIIGA

POLVNESIE

AMERIOUE

NOUVEllE lElANO! D GENRES PANTROPICAUX

LORO HOWE ~ AUTRES GENRES NORfOLK

Figure 1. Représentation graphique du tableau 4.

Ce sont l'Australie et la Nouvelle Guinée à égalité avec 371 genres qui arrivent en tête du classement. Us sont suivis de peu par la Malésie avec 363 genres. Plus loin derrière se situent l'Asie avec 307 genres, puis Fidji (272), les Salomons (263) et les Nouvelles-Hébrides (261). L'Afiique (225) et le Pacifique Nord (222) partagent presque le même nombre de genres tandis que la Nouvelle-Zélande (92) n'arrive qu'au 13ème rang derrière l'Amérique (149). RICHESSE FLORISTIQUE EN NOUVELLE CALEDONIE 115

Mais ces comparaisons peuvent être affinées si les genres pantropicaux qui alourdissent inutilement le total sont soustraits. En effet ces derniers reflètent plus un pouvoir de dispersion et une faculté d'adaptation des diaspores que des affinités réelles et anciennes. Les résultats sont alors quelque peu modifiés et mettent en évidence: 1. Un recul très significatif pour l'Asie d'une part qui conserve cependant son rang et surtout pour l'Afrique et l'Amérique, cette dernière venant en dernière position. Les affinités floristiques avec ce territoire sont effectivement faibles et dues essentiellement à l'élément gondwanien subantarctique (comme Araucaria, Nothofaglls). 2. Que le nombre de genres partagés avec la Nouvelle-Zélande régresse peu de 92 à 63, ce qui donne à ce territoire une importance relativement plus élevée que dans le cas précédent. Les affinités floristiques sont donc très fortes avec d'abord l'Australie et la Nouvelle Guinée (58% des genres partagés), puis avec la Malésie (54%). Bien qu'encore étroites elles sont moindres avec l'Asie (42%), Fidji (39%), les Salomons (37%) et les Nouvelles-Hébrides (39.8%). Nettement en retrait se retrouve l'Afrique (24.4%, qui garde cependant une IGe place grâce aux nombreux genres paléotropicaux et à certains genres présents à Madagascar, aux Seychelles ou aux Mascareignes : Neisosperma, Ochrosia, Hibbertia, Arthropodium, Actinoschoenlls, Dianella, Cossinia, Soulamea, Astelia ainsi que la présente extraordinaire de Cunonia en Afrique du Sud. L'Amérique termine le classement avec 4%. fi est aussi possible de tenir compte du fait que plus l'aire de répartition d'un taxon est limitée à un nombre restreint de territoires, plus elle est significative de leurs affinités. Ainsi dans les tableaux 5, 6, 7, 8, 9, 10 sont signalés les genres existant en Nouvelle-Calédonie et dans 1 puis 2, 3, 4, 5, 6 autres territoires. Aller plus loin n'apporterait guère plus d'éléments car nous retrouverions des genres à très large répartition paléotropicaux ou pantropicaux. Dans chacun des tableaux la place de l'Australie est prépondérante : elle apparaît 17 fois dans le tableau 5, 15 fois dans le tableau 6, 16 fois dans le tableau 7, etc. Celle de la Nouvelle Guinée vient derrière. Pour essayer de quantifier ces résultats, il a été attribué à chaque territoire un indice de parenté floristique proportionnel au nombre de genres néocalédoniens présents et inversement proportionnel, au nombre de territoires (Nouvelle-Calédonie exclue) dans lesquels ils existent. En additionnant pour chaque territoire les chiffres ainsi fournis par les différents tableaux et ramenés en % (qui n'ont individuellement aucune valeur intrinsèque mais deviennent très significatifs quand on les compare) on obtient les résultats suivants (tableau Il et fig. 2) : L'Australie avec 26.6% est confirmée comme la reglOn ayant des affinités floristiques les plus étroites avec la Nouvelle-Calédonie, toujours suivie mais de beaucoup plus loin cette fois par la Nouvelle-Guinée (16.8%) et la Malésie (13.3%). La Nouvelle-Zélande bien qu'ayant une part modeste (4.8%) relégue la Polynésie et le Pacifique Nord à des rangs subalternes. Les aires de distribution de la très grande majorité des genres à l'exception des "subantarctiques" sont situées ou centrées à l'Ouest de la Nouvelle-Calédonie. fis confirment une origine occidentale de la majorité de la Flore. Quelques rares genres cependant, Crossostylis, Earina, Meryta, Metrosideros sont centrés à l'Est de la Nouvelle-Calédonie et suggèrent une origine orientale. 116 Ph. MORAT, T. JAFFRE & lM. VEILLON

AMER lOUE 2,3%

NOUVEllE ~DEjj'

Figure 2 • Affinités floristiques de la Nouvelle-Calledonie.

En résumé les résultats continuent que les genres de la flore néo calédonienne viennent principalement du Nord-Ouest et que les liens floristiques sont très étroits avec l'Australie et la Nouvelle-Guinée et à un degré moindre avec la Malésie, l'Asie, Fidji et les Nouvelles-Hébrides. TI est maintenant utile d'évoquer très brièvement l'histoire géologique de la Nouvelle-Calédonie pour expliquer l'origine de sa flore en fonction des résultats obtenus. Durant tout le Permien, âge des plus vieilles roches connues de la Nouvelle­ Calédonie - et une grande partie du Secondaire, une série d'archipels de taille variable occupait l'emplacement de l'actuelle Ride de Norfolk entre la Nouvelle-Guinée et la Nouvelle-Zélande. Cet arc devait communiquer avec l'Australie par des ponts continus ou des îles situées à courte distance les unes des autres. En effet selon les données paléomagnétiques il occupait l'emplacement actuel de la Grande Barrière, donc à proximité immédiate de l'Australie. Mais l'ensemble de la plaque australienne était situé à de beaucoup plus hautes latitudes de 15 à 55° plus au Sud qu'actuellement donc soumise à un climat plus froid. A la fin du Jurassique et au début du Crétacé (il y a 130 millions d'années) cet arc subit d'intenses mouvements tectoniques quand la lente dérive vers le Nord de la plaque australienne engendra la "Rangitata Orogeny" et l'ouverture de la Mer de Tasman. La masse du continent australien dérivant plus vite que sa bordure s'éloigne de cette dernière coupant ainsi les contacts terrestres qu'avaient ces archipels avec la Nouvelle­ Guinée au Nord, l'Australie à l'Ouest et la Nouvelle-Zélande au Sud. Le bâti de la chaîne RICHESSE FLORISTlQUE EN NOUVELLE CALEDONIE 117

centrale de la Nouvelle-Calédonie est le produit de tous ces plissements, dislocations et métamorphismes. Au début du Tertiaire se produit une série de submersions alternant avec des émergences tandis que l'apparition de récifs témoigne de l'arrivée de la Nouvelle­ Calédonie dans les régions tropicales. A l'Eocène Moyen survient un évènement majeur: l'apparition des Péridotites en nappe de charriage arrivant du Nord-Est qui recouvre lentement mais totalement la Nouvelle-Calédonie. Ce phénomène très lent commencé sous la mer et poursuivi dans l'atmosphère il y a environ 38millions d'années eut des conséquences considérables sur la biosphère. En conclusion, jusqu'à et durant la "Rangitata Orogeny" au début du Crétacé, les conditions sont favorables aux connexions terrestres et aux migrations de Flore entre l'ensemble Nouvelle-Calédonie, Nouvelle-Zélande et les autres masses gondwaniennes : Nouvelle-Guinée, Australie, Antarctique, ce qui explique la présence des fortes affinités avec ces territoires. A la fin du Crétacé la Ride de Norfolk et tout ce qu'elle porte est définitivement isolée, ce qui explique l'absence des mammifères terrestres et la très grande pauvreté de certains groupes zoologiques: poissons d'eau douce, amphibiens, reptiles et Ratites. Ce long isolement à conduit au niveau d'endémisme que l'on sait et une spéciation pour certains genres : Phyllallthus, Argophyllum, Araucaria, Agathis, Nothofagus, Pittosporum, Psychotria, Geissois, etc. Cet isolement explique aussi l'absence ou la très faible représentation en Nouvelle­ Calédonie de taxons bien représentés en Australie comme les Acacia à phyllodes, Banksia, Eucalyptus, Macrozamia ou de familles existant en Australie ou ailleurs comme les Eupomatiacées, Himantandracées, Ochnacées, Théacées, Myristicacées, Bégoniacées, Hammamélidacées, Cochlospermacées, ... La flore néocalédonienne isolée ne recevra plus que des apports lointains par des transports à longues distances. Enfin l'installation des Péridotites, substrat hautement sélectif éliminera une partie de la flore primitive, limitera considérablement la colonisation de familles "modernes" comme les Graminées et les Composées et induira une nouvelle phase d'évolution et de spéciation.

REFERENCES BmLIOGRAPHIQUES

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ANNEXE

Tableau 1 Données statistiques concernant certaines îles de l'Océan Pacifique (SOHMER, 1990) remis à jour 1993.

Pays Superficie Km2 Nombre d'espèces densité endémisme % Nouvelle-Calédorue 19.103 3063 0,160 76 Fidji 18.274 2191 0,119 36,5 Nouvelle-Zélande 269.057 2066 0,008 81,9 Hawaii 16.705 957 0,057 89 Polynésie française 3.583 1156 0,323 40,3 Samoa 2.849 ca.550 0,193 33,1 Juan Fernandez 134 159 1,19 65,4

Tableau 2. Comparaison de la flore des forêts denses humides, des maquis miruers et de la forêt sdérophylle avec l'ensemble de la flore autochtone totale.

N° Espèces 0/0 N° Genres 0/0 N° Familles 0/0 endémiques endémiques endémiques Flore autochtone 3063 2362 76 749 105 14 165 5 3 Forêt dense humide 1792 1562 87 416 83 20 113 5 4,4 % 57,94 55,46 68,5 Maquis miniers 1082 987 91 306 58 19 87 % 35,0 40,85 52,7 Forêt sclérophylle 379 223 59 227 11 5 83 0 % 12,25 30,3 50,3 Forêt dense + maquis + 2618 2265 87 556 105 19 154 forêt sclérophylle % de la flore autochtone 85 74 93

Tableau 3 Spectre de distribution des genres de la flore néocalédonienne.

Type Nombre de genres % du total

Pantropical (A) 134 24} Paléotropical (C) 76 14} 49 lndo-australien (D) 63 II} Indo malésien (F) 20 4} MaIesiano papou (G) 25 5} 9 Australien (H) 32 6} Australo-papou (1) 31 6} 12 Pacifique subantarctique (J) 10 2} Subantarctique (K) 14 3} 5 Pacifique (L) 14 3 Endémique (E) 107 19} Néocalédonien subendémique (B) 27 5} 24 120 Ph. MORAT, T. JAFFRE&J.M VEILLON

Tableau 4 : Genres néocalédoniens présents ailleurs.

N° de genres totaox N° de genres (pantro- % des genres néoca- 0/0 des genres : 556 dont en picaox exclus) : 422 lédoniens présents néocalénoniens commun avec: dont en commun avec: dans les antres régions Afrique 225 40 100 24 Asie 307 55 177 42 Malésie 363 65 229 54 Nouvelle Guinée 371 67 242 57 Australie 371 67 246 58 Sa1omons 263 47 158 37 Nouvell es Hébrides 261 47 160 38 Lord Howe 83 15 42 10 Norfolk 64 12 JI 7 Nouvelle Zélande 92 17 63 15 Fidji 272 49 164 39 Pacifique Nord 222 40 120 28 Polynésie 146 26 77 18 Samoa-Tonga 201 36 114 27 Amérique 149 27 16 4

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APOt. PAGIANTIiA ARAL. ARTHROPHYLlUM ARAU. ARAUtAllIA CDl'lP. BRACHYCOHE CO"P. HELICHRYSll/'I CORY. CORYMOCARPUS CUHO. A(SMITHl" CYPE. COSTULARIA tYPE, TRICOSTULARIA OILL. HJ88ERTIA \ EUPM. Al/STROBUXUS EUPIl. liALOGII1,A EliPH. FONTAINE'!' EUNI, TRIGOHOS1[I()N FAGA. NQTHOFAGUS [CAC. APOGYTES llll. ARTHRorOOIUH LILI. RHUACOPHllA It:lRA. HA(lURA H~RT • HHAlE'dCA HYRT. Hy/HUS HYRT. TRISTANJOPSIS MYRT. XAHTHOStlHON 1)1101, ACIANTHUS ORCH. CALAOENlA ORCH. CLt150STOHA ORCH. HICRQPERA Oll(~. IHElYMITRA ORCH. TRACHOKA IUI"H. EI"4nIOSp[R,l~ RUIH. çAHOSPERIllM RUTA. EliDOIA SAPQ. BUREAVHLA ~ lOlo AGAllA --

Tob.8 Genru limité' • la No... velle·Calfdonit et quatre 4utru territo1re,. Symbole' : voir Tab. ~

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AHOH. FI~~ISTIGWI APOC. CARISSA ARAL. OELARBREA ASel. SARCOLOeUS ASCl. SAReOsmHl BJGM. PAIlOOREA CASU. {,nflOSTOHA CELA. PLlUROSTYlIA CQMP. PHROCAUl.OM OPE. lEPlOOsrERW\ GESN. ORTANORA HENI. TINOSPORA 1011. HEOYCARYA HYRT. BA[CKEA HYRT. RHO~IA K'fRT. R'HOOOo'l'fR1HUS ORCH. ACAIlTHEPHIPPJUH ORCH. EARlNA ORCH. PACHTSTOHA ORCH, PHROSTYLIS PHYl. PHTl(llACCA POOO. PRlRf'IOPITYS RHll. OlOSSOSTYLlS ~U1A. IlAlFUROIA RUTA. SARCMlICOPE SAXI. PQlY09'A SAXI. QlJII'HIN1A URT!. NOTHOCHIOE 1

labo 9 Genre, l1111ltb .. II HOllYt!lIe-ç,.lfdoni~ ~t cinq lutru territoires. S)'IIIbolu : yolr lib. 5 RICHESSE FLORISTIQUE EN NOUVELLE CALEDONIE 123

~ Z ~ JW a ~ JO ~g wz « a 0 _0 n()lll du genre >z >~ ~ ~"j ~ ~ ~~ ~ 0 U~ ~- ~~ O~ j ow 0 0 ü: t.i. !~ ...- zu0< ::: :< ~ Z 1 1 1 1 1 , , 1 , 1 1 1 0 ASCl, HETEROSTH'1A , ASCl. S[CAKlN[ 1 1 , 1 1 1 0 COMP. GlOSSOCAROIA 1 1 1 1 1 1 J tAG[NOPHORA 1 , 1 1 2 , 'M. 1 A orr. BUlBOSTYtlS , 1 , 1 1 , A Dill. T(TRACERA 1 , 1 , 1 , 1 1 1 1 0 ERIe. AGAP[lD 2 , [RYT. [RYlHIIOlllUI'I , 1 , 1 1 1 1 1 EUPH. COO 1AEUI'I , 1 1 1 1 1 1 FLAG. JOINYILLEA 1 1 , , 1 1 A GRAM. DRYIol! 1 , , 1 1 1 A 1 GRAK. PASPAllDIUK ] 1 ,, 2 1 G lOGA. HEU81Jf1G III. , 1 1 1 , , 0 ~10.1. PACHYGONC 1 ,, , 1 l H'iIlS. TAP(INQSPHlHA, 1 , , 1 1 1 0 rmn. CL[lSlOColilH 1 1 , , 1 1 1 , HHl, HEPElHH[<; ] 1 1 , , QRCH. A/IlO((TOCHllUS 1 1 1 ,, , f ORCH. (HR'SOGi.OSStJl 1 1 1 1 , 1 G , 1 1 , 0 OIlCH, OIPOOllfl 1 1 , ($(H. [PIPOOIl" , 1 ,, , 1 OROI. ERIA 1 , 1 1 1 1 0 lmCH. FtlCI(IHGER1A , 1 , 1 1 1 0 ORCtI. GlOSSOIlHYNCHA 1 ,, ,, \ f ORCH, l'IfCROIATDRCHIS 1 1 , , , 1 G ORCH. P[RISTTlUS , 1 ,, 1 1 f ORCH. SARCANTHOPSIS , 1 1 1 , 1 G ORCH. SCHOENORCHIS , , 1 1 , 1 0 PtUM. PllnlBAGO ,, 1 1 1 1 , 1'000. OAORYD1Ul1 ,, 1 , , 1 f RUIlI. DENTEllA , 1 , , 1 1 0 RUBI. PoIIY[TTA 2 , ,, 1 , , SAP 1, ARnEAA 1 1 1 1 1 , 0 5A4'0. ''IIKlSOPS ,, 1 , 1 1 , Till"'. TRlMEH'" , , , 1 , 1 G

lab. Hl' Genre, Il.it~1 Il 11 Movvel1e-Calf

Tableau 11 : Affinités floristiques (par indice de parenté florisitque) ramenées en %

REGION COEFFICIENT 0/0 Autralie 45.750 26.14 Nouvelle Guinée 29.500 16.86 Malésie 23.300 13.31 Asie 12.917 7.38 Fidji 12.316 7.04 Nouvelles Hébrides 11.616 6.64 Salomons 9.567 5.47 Nouvelle-Zélande 8.400 4.80 Afrique 7.866 4.49 Amérique 4.050 2.31 Pacifique Nord 2.633 1.50 Lord Howe 2.600 1.49 Samoa-Tonga 2.383 1.36 Polynésie 1.400 0.80 Norfolk 0.700 0.40

174.998 100.00