PETITE HISTOIRE DE CIEUX

A LA MEMOIRE DES ENFANTS DU MAQUIS DE CIEUX QUI SONT MORTS POUR QUE VIVE LA COMBAT DU RIVAUD (7 août 1944)

LACROIX Jean, de Cieux, 54 ans ; COMPAIN Moïse, de Cieux, 27 ans ; LANARDE Jean, de Cieux, 23 ans ; MADIGOU Roland, de Saint-Denis, 24 ans ; NORMAND Louis, de Cieux, 20 ans ; PESCHER Henri, de Cieux, 20 ans ; PIOFFRET François, de Cieux, 20 ans ; PROVEDI Léon, de Cieux, 22 ans ; PRUNELLI Victor, de Nice, 20 ans ; RIFFAUD Jean, de Cieux, 37 ans.

Albert HIVERNAUD

PETITE HISTOIRE DE CIEUX (HAUTE-VIENNE)

1976

Menhir de Cinturat

AVANT-PROPOS

Dans son enfance, l'auteur de ce petit livre habitait un village de la commune de situé sur le ruisseau qui, descendant des Monts de Blond, traverse les étangs de et du Brudou. Sa vie était celle d'un petit paysan et il avait souvent fané le foin et gardé les vaches vers La Pouyade et Villeforceix dans un pré où, disait-on, les maires de Cieux, Javerdat et Oradour-sur-Glane pouvaient se serrer la main sans quitter leur commune. En des temps où l'on se servait de ses jambes pour marcher et où les barbelés, les clôtures électriques et les panneaux d'interdiction de toute sorte n'avaient pas encore donné aux cultures et aux prairies l'aspect de champs de mines, il parcourut à pied toute la région, remontant les frais ruisseaux dans de vertes prairies, suivant les chemins creux bordés de ronces, foulant la bruyère mauve des landes ou se frayant un passage parmi les hautes fougères, sous de grands châtaigniers dont les branches semblaient toucher le ciel de toutes parts... Les Rochers des Fées, le menhir de Cinturat, la pierre à cupules d'Arnac lui devinrent familiers. Il poussa souvent jusqu'au Camp de César du Chêne-Pignier et au château de Montrocher, parfois même jusqu'aux Monts de Blond d'où il découvrait des paysages nouveaux qui l'enchantaient. Et, quelques années plus tard, il débutait comme insti- tuteur dans une petite école de hameau d'où il apercevait, au sommet de ces monts, la chapelle de . C'est en souvenir de ces temps lointains et de ces longues randonnées qu'il a rédigé cette « petite histoire de Cieux » faisant suite à celles de Javerdat, Saint-Junien et Oradour-sur-Glane, quatre communes qui furent tout son univers d'enfant. Petite histoire fort incomplète, certes, mais qui projette néanmoins quelque lumière sur les siècles passés, et notamment sur la période révolutionnaire. Ses recherches ont été grandement facilitées par M. Roger Aupetit, maire de Cieux, et M. Robert Ducluzeau, son secrétaire, par M. Jacques Decanter, directeur des Archives départementales, président de la Société archéologique et historique du Limousin, et ses collaborateurs, par tous les auteurs, enfin, cités dans son ouvrage, dont il a utilisé les travaux. Que tous veuillent bien trouver ici l'expression de ses chaleureux remerciements pour leur aimable et précieux concours.

I

CIEUX DANS LA PRÉHISTOIRE

Cieux au Néolithique. La commune de Cieux (Haute-Vienne) s'étale au pied du versant méridional des Monts de Blond appelés parfois « cœur préhistorique du Limousin » parce qu'on y rencontre des dolmens et des menhirs. Dans les régions voisines, on a retrouvé des traces beaucoup plus anciennes de l'Homme préhistorique ; mais rien ne permet d'affirmer que les Monts de Blond et leurs abords furent habités bien avant l'apparition de ces monuments mégalithiques qui, vraisemblablement, ne remontent pas à plus de quatre à cinq mille ans. Malgré leur faible altitude (515 m), ces « monts » devaient constituer un obstacle sérieux à la pénétration humaine en des temps où le climat était plus rude qu'aujourd'hui, et nos lointains ancêtres leur préférèrent sans doute pendant longtemps les plaines ou les pentes exposées au soleil. Près de Villeforceix, dans un abri sous roche situé au-dessus du ruisseau qui traverse les « Rochers des Fées », on a trouvé en 1925 une grande quantité de silex taillés, et, sur la colline où se trouve la grotte des Basses-Forêts, dans un autre abri constitué par deux énormes blocs granitiques appuyés l'un contre l'autre, on découvrit, en 1946, après des fouilles systématiques, « une vingtaine d'éclats de silex ou de jaspe, quelques fragments de poterie à pâte noirâtre et deux morceaux d'ocre rouge » Ces quelques vestiges préhistoriques datent d'une époque de transition entre le Néolitique, ou âge de la pierre polie, et le Paléolitique, ou de la pierre taillée, qui l'avait précédé. Jusque-là, l'Homme avait toujours vécu en destructeur de la Nature, poursuivant le gibier, pêchant le poisson, cueillant les fruits et les plantes comestibles, sans se soucier de leur renouvellement. C'était un nomade qui se déplaçait fréquemment, à mesure de l'épuisement de ces ressources naturelles.

1. Du grec megas, grand, et lithos, pierre. 2. Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Limousin (S.A.H.L.), t. LXXXII, 2 livraison, 1947, p.-v. des séances, p. 46. Au Néolitique, après la disparition des glaciers qui, à quatre reprises, ont recouvert une grande partie du pays sans toutefois descendre jus- qu'aux Monts de Blond, le climat est devenu ce qu'il est de nos jours, la faune et la flore sont à peu près celles que nous connaissons. L'Homme préhistorique, tout en continuant à pratiquer la chasse, la pêche et la cueillette, commence alors à créer ses sources de nourriture. Il cultive quelques céréales dont il broie le grain au moyen de mortiers pour en préparer des galettes ou des bouillies ; il se livre à l'élevage du mouton, de la chèvre, du porc, et il a domestiqué le chien. Son outillage de pierre et ses ustensiles se perfectionnent. Il connaît non seulement les récipients de bois ou de peau, mais la poterie. Il sait tisser et coudre les peaux qu'il a préparées. Il utilise encore les grottes et les abris sous roches comme ceux des Basses-Forêts et de Villeforceix ; mais il vit principalement sur « sa terre » dans des cabanes aux murs de rondins garnis d'argile et au toit de branchage ou de chaume, cabanes groupées sans doute dans de véritables villages, mais dont il ne reste plus rien aujourd'hui, à l'exception de quelques silex, charbons — car il connaît le feu depuis longtemps — et débris de poterie Les dolmens et les menhirs. C'est entre 2 500 et 1 500 ans avant J.-C, à la fin du Néolithique, qu'on situe approximativement l'érection des dolmens et des menhirs. L'opinion généralement admise est qu'à cette époque, des navigateurs-marchands venus des côtes orientales de la Méditerranée introduisirent en Europe, en même temps que les techniques du Cuivre et du Bronze un culte funéraire nouveau. Ils élevèrent, en Bretagne et dans le Massif Central notamment, des dolmens et, un peu plus tard, semble-t-il, de mystérieux menhirs. Puis, brusquement, au bout d'un millénaire, ce phénomène mégalithique cessa, ou évolua. Le dolmen céda la place aux tumulus comme ceux que l'on a fouillés dans la commune de Javerdat4. Les dolmens sont constitués de plusieurs blocs de pierre dressés et couverts par une table horizontale. Ce sont des sortes de caveaux établis sur le modèle de la maison des vivants, mais avec des matériaux solides de nature à protéger la tombe, collective ou individuelle, contre toute profanation. Leur caractère funéraire a été largement confirmé par les fouilles. En 1907, on avait recensé cinquante-trois dolmens en Haute-Vienne ; il n'en existe plus aujourd'hui qu'une quarantaine, dont dix dans la région des monts de Blond : à Berneuil : trois ; Blond :deux ; : quatre ; Cieux : un, auxquels il faut ajouter celui de Javerdat. Les autres ont été détruits 3. Par exemple, à Masférat (commune d'Oradour-sur-Glane), on a trouvé en 1911 cinq ou six haches en bronze (cf. A. HIVERNAUD, Petite histoire d'Oradour-sur-Glane, 1975, p. 9). 4. Cf. Petite histoire de Javerdat, 1973, p. 11. L'auteur n'a pas hésité à sortir des limites de la commune chaque fois que cela était nécessaire pour expliquer ce qui s'était passé — ou avait pu se passer — à Cieux. 5. Du bas-breton dol, table, et men, pierre. 6. DELAGE Franck, Les dolmens de la Haute-Vienne, Bull. de la S.A.H.L., t. LXXXII, 1948, pp. 416-431. Le dolmen de La Betoulle. A gauche de la route de Cieux à Oradour, cinq cents mètres après la chaussée de l'étang, un petit chemin conduit au dolmen de La Betoulle, situé à la lisière d'une châtaigneraie bordée par un grand pré, à une centaine de mètres de là Il est visible d'ailleurs de la route. C'est un dolmen ruiné, dont la table a été détruite à une époque indéterminée. Comme il est placé sur un tertre, il n'est pas impossible

Dolmen de La Betoulle qu'il ait été enfoui autrefois sous un tumulus. A côté, un mur formé de gros blocs de granit grossièrement équarris a dû être construit avec les débris de la table et peut-être d'un ou de plusieurs piliers. Deux chênes poussant à l'intérieur même de la chambre funéraire (cella) ont achevé, hélas ! l'œuvre destructrice des hommes. Les recherches pratiquées en 1944 dans la chambre n'ont livré aucun outillage en pierre. Par contre, elles ont fourni une quantité considérable de poteries dont une seule, un petit vase, était presque intacte. Le fond d'une autre, un peu plus grande, contenait des cendres. On recueillit également de nombreux fragments de verre, de briques et de tuiles à rebord, de petits moellons en granit, ainsi que deux petits objets en métal : clou en fer à tête carrée et petit morceau de fer. Les débris céramiques recueillis prouvaient que le dolmen avait été utilisé à différentes époques : la poterie grossière, faite à la main, était nettement néolithique, tandis qu'une quantité plus importante de poterie 7. BONNAUD Louis et PERRIER Jean, Le dolmen de La Betoulle, commune de Cieux, Bull, de la S.A.H.L., t. XXX, 1944. fine, faite au tour, vernissée, parfois décorée, était de la période gallo- romaine. Il n'est pas surprenant que le dolmen de La Betoulle ait été utilisé par les Gallo-Romains puisque, comme on le verra plus loin, la voie romaine de à Poitiers passait tout près de là. Il est fort regrettable qu'il soit dans un tel état de délabrement car ses dimensions en faisaient certainement un monument considérable. La table devait avoir, semble-t-il, environ 18 m de circonférence, dimension que n'atteint aucun dolmen actuellement connu en Haute-Vienne.

Le dolmen de Puychaud. A 6 km à vol d'oiseau de Cieux, dans la commune de Blond, un petit dolmen mérite une visite8. Sur la cote 460, à 2,5 km de Blond, à gauche de la route qui relie le bourg de Villerajouze pour se continuer par Boscartu et Villeforceix, les Rochers de Puychaud offrent un observatoire excellent pour embrasser d'un coup d'œil toute la région de Blond, Berneuil, , , et Mézières. Ce sont quatre blocs de granulite arrondis et

Rochers de Puychaud polis par les siècles et où les agents atmosphériques ont creusé des rigoles et des bassins d'un curieux effet. L'un de ces blocs, appelé « le berceau », allongé, creusé en son milieu, est si élevé qu'on y a scellé des crampons afin d'en permettre l'ascension ; un autre s'appelle « la tourte » ; un troisième « la niche », et le quatrième est la « pierre branlante » qui, d'ailleurs, ne branle plus depuis qu'on l'a calé. 8. Cf. Bull. S.A.H.L., t. LXXI, 1926, p. 607. De tout temps, ces rochers ont attiré l'attention publique : un calvaire a été édifié au point le plus élevé du mamelon et, le 9 juin 1930, à l'occasion du centenaire de la naissance de Frédéric Mistral, une plaque de marbre fut fixée sur un des quatre rochers « à la gloire de (celui) qui a fait revivre et resplendir la langue des grands troubadours et rendit son honneur au peuple occitan », etc., inscription rédigée en langue d'oc, évidemment. Ces rochers marquaient jadis la limite entre la langue d'oïl et la langue d'oc, entre le droit coutumier et le droit écrit. En suivant le sentier qui se continue après les rochers, à la lisière d'un petit bois, parmi des bruyères et des pierrailles qui peuvent le cacher à un regard peu exercé, on trouve le dolmen, au milieu d'un amoncellement de pierres de forme circulaire d'une douzaine de mètres environ de diamètre. La table, qui avait 3,20 m de long sur 2,40 m de large, a été brisée en trois morceaux et quelque peu bousculée, mais la chambre, constituée par trois larges dalles et par une murette de granulite, a gardé sa forme caractéristique. Sa fouille a révélé en 1917 que le fond était pourvu d'un dallage en pierre. Les terres de remplissage donnèrent quelques débris de poterie, de morceaux de silex et du charbon 9 Il est clair que le tombeau avait été antérieurement violé comme cela s'est produit fréquemment depuis l'époque franque, et peut-être même gallo-romaine. Ces dernières années encore, des fouilles sauvages regrettables ont gravement compromis l'équilibre du monument. Le dolmen de Ruillères. Toujours dans la commune de Blond se trouve un micro-dolmen situé à 200 m à l'Ouest du hameau de Ruillères, en bordure d'un sentier. Il est presque entièrement détruit : il ne reste que deux piliers et un amas de pierrailles. La table, enlevée à une date assez récente, se trouve en partie adossée au mur d'une ferme, formant un abri pour les chiens 10 Le dolmen de Rouffignac. A 600 m de la route D 9 d'Oradour-sur-Glane au Chêne-Pignier, qui forme la limite Sud-Ouest de la commune de Cieux, se trouve, dans une châtaigneraie, près du ruisseau de La Chauvie, le dolmen de Rouffignac (commune de Javerdat) 11 La table, en forme de trapèze aux angles arrondis, porte des trous de mine indiquant qu'on avait eu l'intention de la débiter. Il ne reste aujourd'hui que trois piliers, dont un seul est en place, s'élevant d'un mètre environ au-dessus du sol. La chambre funéraire, en forme de trapèze, mesure environ 2 m de long sur 1 de large.

9. DEFFONTAINES P., Bull. de la S.A.H.L., t. LXVII, 1919, pp. 130-133. 10. Cf. Éludes limousines. Publication de la Société d'Ethnographie du Limousin et de la Marche, n° 55 (octobre-décembre 1974), pp. 30 et suiv. 11. Cf. Petite histoire de Javerdat, 1973, pp. 10-11. Coordonnées : X = 42,25 ; Y = 93,50. Carte d'E.M. feuille d'Oradour-sur-Glane. Ce dolmen fut fouillé en 1967 par une équipe de chercheurs de la Société d'Ethnographie du Limousin et de la Marche 12 qui mit au jour, dans la couche superficielle, plus d'une centaine de tessons de poterie noire datant peut-être du Moyen-Age et, dans la couche archéologique, de nombreux éclats de quartz sans trace de travail, un galet éclaté — qui était peut-être un grattoir — une petite perle en roche verdâtre et tendre

Dolmen de Rouffignac qui pourrait être de la stéatite, une lame de silex retouchée, des pointes de flèche en silex de la Vienne, d'autres tessons de poterie et, fait assez rare dans le sol acide du Limousin, quelques débris humains (fragments d'os et de dents) dont, vu leur état, on ne peut dire s'ils appartenaient au même individu. Ce mobilier assez pauvre remonterait à une époque située entre 1700 et 1500 ans avant J.-C., c'est-à-dire à l'Age du Bronze ancien. Lorsque, plus tard, les paysans ne connaîtront plus l'origine et la destination de ces monuments abandonnés, ils créeront autour d'eux des légendes où se mêleront la piété et la crainte ; et c'est une de ces légendes qu'on racontait naguère encore sur le dolmen de Rouffignac : « Il avait servi d'abri à trois jeunes filles venues d'un pays inconnu et atteintes de la peste ; elles communiquèrent leur mal à la population qui resta épouvantée jusqu'au jour où un homme d'une force herculéenne les écrasa en faisant crouler sur elles la table du dolmen. Peut-être cette tradition est-elle une déformation d'une légende plus ancienne où agissaient des fées malfaisantes ? ».

12. Bull, de la Société Préhistorique Française, t. LXV, n° 2, février 1968. Les menhirs. Les menhirs 13 sont de simples pierres brutes ou plus ou moins dégrossies fichées sur le sol. En Limousin, on les appelle « pierres levées » — peyro-levâdo —. Elles ont parfois donné leur nom à des villages comme Peyrelade, ou à des champs : Peyre-Sourde (pierre sortie de terre) comme celui du Pic, ou encore à des personnes : Depierrefiche... Leur hauteur est très variable. Le menhir le plus extraordinaire que l'on connaisse est celui de Locmariaquer, en Bretagne. Il git à terre, brisé en quatre morceaux qui, ajoutés les uns aux autres, donneraient une longueur totale de 20,60 m ; mais il en manque un qui aurait porté cette longueur à 23,50 m. Les menhirs se rencontrent soit alignés sur une ou plusieurs lignes comme à Carnac (Morbihan), soit isolés comme ceux de notre région, mais, parfois, ils se trouvent à proximité de dolmens. En Haute-Vienne, il existe encore quatorze menhirs, debout ou couchés. Dans la région de Cieux, on en trouve à , celui de la Croix-Paraud qui fut « christianisé » au Moyen Age en y ajoutant une

Pierre à cupules d'Arnac croix grecque au sommet et en sculptant sur ses faces trois emblèmes dont le plus reconnaissable est un calice avec socle ; deux à Blond ; un à Javerdat, celui du Pic, dit de Peyre-Sourde ; enfin, deux dans la commune de Cieux : à Arnac et à Cinturat. Le menhir de Javerdat git en deux morceaux dans un taillis " A la 13. Du bas-breton men, pierre, et hir, longue. 14. Coordonnées : X = 45,20 ; Y = 91,90. Cf. Petite histoire de Javerdat, p. 14. fin du siècle dernier (1870), il faisait encore l'objet de dévotions pour les enfants atteints d'une maladie de l'anus. La pierre à cupules d'Arnac. Dans le communal du village d'Arnac, on peut voir un bloc de pierre allongé de 3 mètres de long environ dont les extrêmités sont amincies de telle façon qu'il pourrait être planté dans le sol aussi bien par une extrémité que par l'autre. Il est fort possible que depuis que cette pierre est renversée elle ait été taillée intentionnellement afin de rendre ses deux extrémités sem- blables. Telle qu'elle est à l'heure actuelle, on peut la comparer à une pirogue dont la poupe est un peu plus haute que la proue, ou à un poisson. Trois des quatre faces symétriques sont plates, la quatrième présente une dénivellation à partir du milieu de la longueur. La face contre le sol est absolument lisse. Les trois autres portent gravés en creux une quinzaine de signes en forme de croix, peu visibles, et une centaine de cupules profondes d'un demi-centimètre et d'un diamètre de cinq centimètres. Leur grand nombre indique assurément un usage rituel dont on ne peut malheu- reusement déterminer l'époque. Il se peut d'ailleurs que signes et cupules aient été gravés alors que le menhir était déjà par terre. La « pierre du communal » d'Arnac était réputée pour avoir, en temps de sécheresse, le don de faire pleuvoir. Il suffisait pour cela de la retourner à l'aide de barres de fer. Le menhir de Cinturat. A un kilomètre environ à vol d'oiseau du dolmen de Rouffignac, sur la rive droite du ruisseau de La Chauvie, se dresse, à une altitude voisine de 340 m, le menhir le plus remarquable du département, celui de Cinturat, classé « monument historique » Sa hauteur au-dessus du sol dépasse 5 m ; sa partie enterrée descend à plus de 2 m (une fouille faite à cette profondeur a montré la pierraille de calage sans atteindre le pied du mégalithe). Sa circonférence, variable, est de 5,40 m prise à 1,50 m du sol. La face est présente une partie saillante qui pourrait être due à la main de l'homme. Sur la face nord, à 2,40 m de hauteur, une saillie naturelle horizontale forme une sorte de tablette ; la partie détachée servirait, dit-on, de pont sur le ruisseau. L'extrémité du menhir, légèrement inclinée vers l'Est par suite des vents dominants qui soufflent de l'Ouest, est assez effilée. Si la destination des dolmens est incontestable, celle des menhirs demeure mystérieuse. Il s'agit peut-être aussi de tombeaux ; mais, géné- ralement, les fouilles effectuées à leur pied n'ont pas donné de résultats. On pense donc plutôt que ce sont des indicateurs de sépultures situées jadis dans leur voisinage ou des stèles commémoratives. A moins que ce ne soit des représentations d'un culte phallique ou solaire.

15. Cordonnées : X = 41,80 ; Y = 94,60. Burgeade, au temps du blocus continental ; une cinquième — la Compagnie des Etains français — à Monsac, en 1856. En 1912, après dix ans de non-exploitation, la « Société française des Mines de Vaulry et Cieux » reprit l'affaire, et la production, qui était à peu près nulle pour l'étain (2 tonnes) atteignit 32 tonnes pour le wolfram. C'est, d'ailleurs, ce minerai qui sera surtout traité, et avec profit car la guerre favorisera la consommation du tungstène. Le wolfram, qui doit son nom aux Allemands, n'est autre que le minerai du tungstène métallique utilisé dans l'industrie où ses emplois sont nombreux, surtout dans la fabrication des canons et des obus. Sa forte densité, voisine de 18,5 procure aux projectiles une grande force de pénétration et rend très résistant l'acier des canons. Mais, dès le 15 novembre 1918, l'exploitation est en chômage. Elle se remet en activité le 1 mars 1920 en vue de procéder à la réfection du matériel et à la remise en état des puits. A partir de 1921, on compte seulement une douzaine d'ouvriers. En 1924, la « Société des mines de Bellac » acquiert la concession. Elle se livre à quelques essais d'exploi- tation. La production ne cesse d'augmenter : 6 520 tonnes de minerai contenant de l'étain, du tungstène et de l'arsenic, en 1926 ; 7 640 tonnes en 1927. Mais, l'année suivante, toute activité cesse. Il faudra attendre avril 1942 pour remarquer la présence dans les galeries d'une douzaine d'ouvriers, des réfractaires au S.T.O. qui disparaissent au bout de quelques temps, et de nouveau la mine est abandonnée4. Aujourd'hui, les puits sont bouchés et, à moins d'être de la région, il est difficile de découvrir leur emplacement dans les taillis ; mais, de la route départementale n° 5 qui, au nord de Vaulry, se dirige vers Bellac, on peut apercevoir les bâtiments de l'ancienne usine de traitement. A l'autre extrémité de la chaîne des Monts de Blond, vers Mortemart, l'uranium fut recherché en 1951 ; mais aucun chantier n'a été ouvert. Il semble bien que l'activité agricole soit la seule à laquelle puisse prétendre la région.

4. VINCENT Ernest, Bull. de la S.A.H.L., t. LXXIV (2 livr.), 1953, pp. 253 et suivantes.

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