Bull. Acad. Vét. de , 1981, {J(), 409416

COMMUNICATIONS

Henri Queuille et la République

par R. FLECKINGER

Un colloque animé par des historiens s'est tenu au Sénat les 25 et 26 octobre 1984 à l'occasion du centenaire de la naissance de Henri QUEUILLE pour perpétuer sa mémoire et son œuvre. Un exemplaire des actes (322 pages) publié sous la direction de Pierre DELIVET et Gilles LE BEGUEC par l'U .E.R. des lettres et sciences humaines de l'Université de Limoges, sous le titre Henri Queuille et la République, a été adressé à l'Académie Vétérinaire.

Il faut rappeler qu'Henri QuEUILLE, de 1920 à 1940, détint onze fois le portefeuille du Ministère de 1' Agriculture après avoir été trois fois Secrétaire d'Etat. De surcroît, au long de sa carrière politique et d'homme public, jusqu'en 1960, moment de son retrait à l'âge de soixante-seize ans, il ne cessa d'apporter son concours aux grandes organisations agricoles et scientifiques connexes de notre pays qu'il avait contribué à fonder et dont il présida les destinées de la plupart au plan national.

Le colloque fut introduit par le Président POHER ; les conclusions ont été tirées par le Pr René REMOND, Président de la Fondation Natio­ nale des Sciences Politiques. Il a comporté quatre séances :

1. HENRI QUEUILLE ET LA REPUBLIQUE

Il. HENRI QUEUILLE ET LA FRANCE RURALE

III. HENRI QUEUILLE, LA GUERRE, LA RESISTANCE, LE GAULLISME

IV. HENRI QUEUILLE ET LA RECONSTRUCTION DE L'ETAT REPUBLICAIN

Chaque séance, introduite par un rapport d'historien, fut suivie de discussions et témoignages. L'ouvrage comporte, en outre, trois annexes : 1. Témoignages inédits (dont du Président PINAY) ; II. Documents et 410 BULLETIN DE L1ACAD™IE témoignages annexes; III. Documents d'archives (dont correspondance avec le Général DE GAULLE et message du Président ). Ces témoignages et documents se rapportent plutôt à la période 1943- 1950.

L'ensemble permet une approche de la vérité historique. L'ouvrage a été préfacé par le Président de la République.

La partie c Henri QUEUILLE et la France rurale > introduite par le rapport de Mme Isabel BoussARD, sa discussion et les témoignages, inté­ ressent notre Académie. * **

Coïncidence qui se veut symbole, comme le fait remarquer Jean GARRIGOU, Directeur Central de la Caisse Nationale de Crédit Agricole, la naissance d'Henri QUEUILLE en 1884 coïncide avec la promulgation de la loi du 21 mars 1884 sur les syndicats professionnels. Cette loi, il est vrai, avec un certain retard, permettra au syndicalisme agricole, sous toutes ses formes, de prendre son élan dans une agriculture dont les struc­ tures professionnelles vont, par la suite, s'organiser, se développer, se diversifier jusqu'à atteindre le niveau remarquable d'aujourd'hui. Il s'agit, en effet, d'un véritable front uni professionnel de l'agriculture, constitué, de la base au sommet, par une représentation élue, directement ou indi­ rectement, à finitiative de la masse professionnelle active.

Pour Henri QUEUILLE, l'agriculture, c'est la France rurale. Cette France profonde avec 54 % de population rurale dont 40 % d'actifs agricoles, constitue, à l'époque, les racines solides et pérennes du pays. Il considère que l'agriculture et les agriculteurs sont au service du Pays. En corollaire, l'Etat se doit de mettre tout en œuvre pour que son agri­ culture et les agriculteurs soient protégés, aidés et contribuent, par leur labeur et la prospérité qui en découle, à la prospérité de la Nation et à la paix sociale. - L'origine de rengagement agricole d'Henri QUEUILLE. - Henri QUEUILLE préparait l'internat des hôpitaux de . Au décès de sa mère, pour des raisons familiales, il renonce au concours et s'installe à Neuvic en 1908, pour y exercer la médecine rurale.

Fils de notable (1 ), de famille connue, il est avant tout un enfant du terroir auquel on accorde la confiance. L'intérêt qu'il porte à l'agricul­ ture et au milieu rural est initialement celui du médecin de campagne intégré dans un environnement rural de l'époque, ici, plutôt isolé. Il prend connaissance de ce milieu et des hommes dont l'action et les réactions ont pour objet de vivre, d'habiter, d'utiliser le milieu à produire pour subsister et faire vivre une famille.

Le milieu, c'est le sol à dominance de terrains primitifs de la Haute , le climat rude de la montagne avec ses longs hivers enneigés,

(1) Son père, pharmacien et adjoint au maire de Neuvic était mort en 1894. COMMUNICATION 411 le logement précaire des personnes et des animaux, l'isolement rural en raison de la pénurie des moyens d'accès et, dans ce terroir, pauvre, ce sont les conditions socio-économiques de ces hommes et de ces femmes au travail dont les 1'toyens de production sont rudimentaires : la charrue tirée par des vaches auxquelles on demande de produire, à la fois, du travail, du lait, des veaux, de la viande (après réforme) ; l'absence d'engrais autres que les fumiers de ferme; les rendements faibles, sans commune mesure avec le travail fourni, la formation professionnelle inexistante ou très insufüsante, difiicile à dispenser durant les heures de travail.

Cette situation, des choses, des hommes, des moyens, qui provoque la désertification des campagnes, Henri QUEUILLE en fait le constat quo­ tidien. Il examine les problèmes, cherche des solutions qu'il faudra appor- · ter dès lors qu'elles apparaissent possibles et réalisables.

C'est ainsi qu'Henri QUEUILLE, au service de ceux qui l'environnent, est irrésistiblement poussé vers la politique et sa progression va devenir aussi précoce que rapide.

Le diagnostic posé, il faut proposer la solution, faire inscrire l'amé­ lioration prévue dans un programme, chiffrer la dépense, faire adopter le financement. Tout cela devient de la politique au sens noble du terme. Henri QuEUILLE y excelle.

Maire de Neuvic en 1912, Conseiller Général en 1913, Député en 1914, il devient Président du Conseil Général en 1921, alors même qu'il est Secrétaire d'Etat à I' Agriculture. Les problèmes agricoles de son ter­ roir, il les retrouve au département, à la région. Ce sont aussi, tout au moins en grande part, ceux de la France rurale de l'époque.

Pour l'homme de terrain, de Neuvic à la France, il n'y a qu'un pas. Il n'hésite pas à instruire et débattre les problèmes avec les services tech­ niques à tous les niveaux ainsi qu'avec les organisations professionnelles. Ainsi v·a-t-il devenir, entouré de grands Commis, le Ministre technicien incontesté de l'agriculture de 1920 à 1940.

Il. LA CARRIERE POLITIQUE D'HENRI QUEUILLE AU SERVICE DE LA FRANCE RURALE

Alexandre MILLERAND a remarqué ses interventions à la Chambre, notamment sur les barrages et l'électrification des campagnes; après entretien, il le choisit comme Secrétaire d'Etat à 1'Agriculture avec, comme Ministre, un Ingénieur Agronome limousin J.H. RICARD qui l'a vraisemblablement proposé. Il est particulièrement chargé des Eaux et Forêts et des Haras auxquels, à l'époque, sont rattachés les Services Vétérinaires dirigés par E. LECLAINCHE. De 1920 à 1924, trois fois Sous­ Secrétaire d'Etat, ses activités sont importantes : 412 BULLETIN DE L'ACADÉMIE

- Promotion de la production de la houille blanche par aménage­ ment de rivières, de barrages. Etablissement de réseaux de distribution d'énergie, électrification des campagnes (mission confiée au Génie Rural).

- Réforme de l'enseignement agricole au premier degré. Reconsti­ tution des écoles pratiques d'agriculture. Enseignement post-scolaire uti­ litaire, pratique, adapté au milieu et dispensé l'hiver en période de pause agricole.

- Réforme de l'enseignement supérieur agricole. Création de quatre sections nouvelles d'application à l'I.N.A. (troisième année d'études) :

a) Enseignement de l'agriculture et de l'horticulture ; b) Recherche (formation de spécialistes de sciences physiques, chi­ miques, histoire naturelle); c) Formation des exploitants ou gérants de grands domaines ; d) Formation de Directeurs d'organisations professionnelles agri­ coles (syndicat, mutualité, crédit, coopération).

Si Jules MÉLINES fut le promoteur des premières lois sur le crédit agricole en 1894-1899, Henri QUEUILLE apporte, lui, sa contribution à l'élan donné à ce Crédit Mutuel, notamment, promulgation de la loi du 5 août 1920, créant l'Office National de Crédit Agricole, doté de l'auto­ nomie financière. Celui-ci deviendra, en 1926, la Caisse Centrale de Crédit Agricole. Cet élan donné au Crédit Agricole n'est pas innocent. Il va permettre les prêts aux collectivités rurales pour la réalisation de pro­ grammes avec participation de l'Etat.

- Le 15 juin 1924, nommé Ministre de l'Agriculture, Henri QUEUILLE devra faire face aux problème� du déficit en blé.

- En 1927, il fait adopter et présente lui-même devant l'Académie d'Agriculture le grand programme d'intensification de la production agri­ cole (sélection des semences, utilisation de semences sélectionnées; déve­ loppement de l'utilisation des engrais, développement de la production forestière).

- Il annonce et prépare le grand recensement de l'agriculture de 1929 (il n'y en avait pas eu depuis 1892).

Après une interruption durant laquelle, Ministre des P.T.T. en 1932, il contribue à la création des cabines téléphoniques rurales, fa mê­ me année, il publie chez Hachette Le Drame Agricole, ouvrage de 190 pages. Cet ouvrage est important car il analyse les crises, examine les moyens de lutte, fait des propositions immédiates et, pour l'avenir, préconise l'organisation économique de l'Europe (page 113) seule capable de faire face sans que la France ne soit écrasée aux grandes unités éco­ nomiques que représentent certaines nations ou groupes de nations dont l'U.R.S.S., l'Empire Britannique et les E.-U. Ce livre, qui recueille l'as­ sentiment général des milieux concernés, lui vaut d'être rappelé, dès COMMUNICATIONS 413

1932, au Ministère de l'Agriculture, pour faire face à la grande crise de sùrproduction mondiale dont les effets sont gravement ressentis dans notre pays. Il devra, pour le blé, recourir à diverses mesures parmi les­ quelles la dénaturation au bleu de méthylène pour l'alimentation des ani­ maux (1933). Pour l'assainissement du marché de la viande, on procédera à. l'abattage de bovins présumés tuberculeux (1934-1935) sur les crédits de la loi du 7 juillet 1933 (loi QUEUILLE).

Dans le domaine vétérinaire, Médecin ouvert aux sciences biolo­ giques.et au progrès scientifique, deux fois Ministre de la Santé Publique, Henri QUEUILLE présidera, depuis 1931, l'Institut Scientifique d'Hygiène Alimentaire pour le fonctionnement duquel il s'est assuré la collaboration du Pr SIMMONET des Ecoles Vétérinaires et de Mme RANooUIN. Président de l'Institut du Froid (il succède au savant DARSONV AL, membre de l'Académie des Sciences et professeur au Collège de France), Henri QUEUILLE entretient des relations amicales avec les vétérinaires que, selon le regretté Pr Henri ORIEUX, il tient en grande estime.

A la suite du rapport de Mme Isabel BoussARD qui sert de base à notre présentation, nous avons nous-même porté témoignage sur les rap­ ports d'Henri OuEUILLE avec les vétérinaires et sur sa contribution impor­ tante comme Ministre de }'Agriculture à la réalisation des grands projets d'intérêt général concernant la place dans la Nation de la profession vétérinaire et des services vétérinaires, projets qui tenaient à cœur aux vétérinaires prestigieux qui furent ses collaborateurs au Ministère de l' Agriculture Emmanuel LECLAINCHE puis Henri VALLÉE.

Cette contribution bénéfique pour notre profession ne fut pas seule­ ment l'œuvre d'Henri QUEUILLE, principal acteur, mais une œuvre accom- · plie, dans la continuité, à laquelle participent plusieurs Ministres de l'épo­ que, notamment J.H. RICARD, , Henri CHERON, François BINET, Jean DURAND.

Une communication spéciale ayant été présentée sur l'objet à notre compagnie (2) nous nous en tiendrons à un simple rappel chronologique.

PLAN INTERNATIONAL. De 1920 à 1927, après une conférence inter­ nationale sur les épizooties qui groupa quarante-deux nations, l'Office International des Epizooties fut créé avec vingt-huit nations. La première assemblée générale se tint en 1927 sous la présidence d'Henri QUEUILLE, Emmanuel LECLAINCHE en fut élu à l'unanimité le premier Directeur.

PLAN NATIONAL

1920 Conseil Supérieur de l'Enseignement Vétérinaire.

1923 Statut d'établissements d'enseignement supérieur reconnu aux Ecoles Vétérinaires.

(2) Bull. Acad. Vét. de France, 1985, 58, Tl-31. 414 BULLETIN DE L'ACADÉMIE

1923 Création des Services Vétérinaires Départementaux dirigés par un Directeur des Services Vétérinaires recruté par concours. Possi­ bilité de recruter des adjoints sur les crédits des départements.

1924 Organisation de l'enseignement vétérinaire. Création de la chaire d'industrie et de contrôle des produits d'origine animale.

1924 Création du diplôme de Docteur Vétérinaire et réglementation connexe.

1925 Création de l'agrégation des Ecoles Nationales Vétérinaires.

1928 Patronage du projet qui aboutit à la transformation de la Société Centrale de Médecine Vétérinaire en Académie Vétérinaire de France.

1933 Loi du 7 juillet 1933 (3) dite Loi QUEUILLE : a) sur la prophylaxie de la tuberculose des bovidés (prophylaxie offensive substituée à la prophylaxie défensive par la police sani­ taire) ; b) sur l'organisation par l'Etat ou les communes de l'inspection sanitaire et de salubrité généralisée des viandes et denrées animales ou d'origine animale à l'intérieur et aux frontières (confiée aux vétérinaires).

1934 Organisation d'un service vétérinaire central directement rattaché au Cabinet du Ministre de l'Agriculture.

1938 Décret du 17 juin sur l'exercice de la Médecine Vétérinaire (pro­ tection du diplôme de Docteur Vétérinaire, registre des maréchaux experts, pénalités en cas d'exercice illégal).

1938-1939 Amélioration de la recherche scientifique vétérinaire dans les Ecoles et au Laboratoire Central des Recherches Vétérinaires sur les crédits de la loi de 1933.

III. HENRI QUEUILLE ET LES GRANDES ORGANISATIONS AGRICOLES OU CONNEXES A L'AGRICULTURE

Henri QUEUILLE n'a pas seulement contribué en tant que Secrétaire d'Etat à partir de 1920 et comme Ministre de l'Agriculture, à partir de 1924, à créer, structurer, faciliter la direction et la gestion des grandes organisations agricoles ou connexes de l'agriculture, il a rendu person­ nellement de grands services à ces organisations en acceptant d'assumer leur présidence et la responsabilité au sommet de leurs travaux.

(3) Préparée par C. BoussARD, chef du Service vétérinaire. COMMUNICATIONS 415

C'est ainsi que de 1936 à 1940, puis de 1947 à 1960, il présidera la Caisse Nationale de Crédit Agricole. Jean CARRIGOU précise, dans son témoignage, que chaque mécanisme mis en œuvre par les services du Crédit Agricole doit quelque chose à Henri QUEUILLE.

Vice-Président de la Fédération Nationale de la Mutualité et de la Coopération Agricole depuis 1925, succédant à Fernand DAVID, décédé, il présidera, depuis 1935, la Confédération Nationale de la Mutualité Agricole (boulevard Saint-Germain), de la Coopération et du Crédit, jusqu'en 1960.

• De 1946 à 1959, il préside la Société Nationale d'Horticulture.

En 1943, tandis qu'il est membre du Gouvernement Provisoire de la République, il organise, à Alger, le Congrès de la Mutualité Agricole, au cours duquel se prépare la reconstitution des organisations en métro­ pole après la Libération.

En 1955, il constitue, entre la Chambre et le Sénat, un groupe inter­ parlementaire de la mutualité et de la coopération agricoles.

Il entretint, toujours depuis leur création, les meilleures relations avec les Chambres d' Agriculture, notamment l'Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture dont Joseph FAURE, Corrézien comme lui, fut le Président fondateur.

• De 1946 à 1956, il préside l'Association Française du Froid et organise, en 1955, le Congrès International du Froid qu'il préside, ainsi que le Comité Exécutif International.

La carrière d'Henri QUEUILLE, pour remplie qu'elle soit au service de l'agriculture de notre pays, ne s'est point limitée à ce domaine. Dans un domaine plus général, ses qualités d'homme politique représentatif et garant de la France profonde, le font appeler par le Général DE GAULLE.

Il assumera, dès octobre 1943, la charge de Commissaire d'Etat chargé des Commissions intercommissariales et de l'intérim de la Pré­ sidence du Gouvernement Provisoire de la République à Alger.

Après une pause politique, dans la période 194 7-19 51, il sera trois fois Président du Conseil du Gouvernement. et démontrera ses qualités d"homme d'Etat, notamment, dans les situations des plus difficiles que connut la IVe République en 1948-49. Henri QUEUILLE s'était réservé le Ministère de !'Economie et des Finances. Le Président fut son collaborateur comme Secrétaire d'Etat à !'Economie. Référons­ nous à son témoignage écrit : «Il a eu (Henri QUEUILLE) le courage de prendre la responsabilité du Gouvernement alors que les lourdes ruines de la guerre étaient d'autant plus difficiles à redresser que la situation financière était particulièrement dégradée. Dans ces circonstances, le Président Henri QuEUILLE a fait preuve d'une grande compétence, d'une grande fermeté, d'une grande autorité et a su, par son habileté et sa gen­ tillesse, gagner des concours et dévouements exceptionnels. > Le redres- 416 BULLETIN DE L'ACADÉMIE sement engagé par ses prédécesseurs, fut conforté, la confiance rétablie, ainsi que l'ordre et la paix sociale. Le premier plan de modernisation et d'équipement put se dérouler normalement grâce au déblocage des crédits du Plan MARSHALL.

Le Pr René REMOND, présentant les conclusions des travaux du col­ loque, considère qu'Henri QUEUILLE, « Républicain Corrézien > qui sert de référence, appartient à notre culture politique et fait partie de notre panthéon national. Il avait évoqué au- préalable les qualités de l'homme : - bon sens au sens plein : de la sagesse et du jugement ; - expérience réfléchie, assimilée, qui inspire l'action et dicte le jugement; - qualités de cœur, de gentillesse et sensibilité; - tolérance, refus de doctrine et de sectarisme ; - souci de s'informer, de consulter, de concilier; - qualités complémentaires d'aptitude à décider, de courage, de fermeté. Aux antipodes de l'idéologie, Henri QUEUILLE refuse l'esprit de système et la pratique du pire. Il tire le meilleur parti possible ou, du moins, le moins mauvais de la situation.

Son action de Ministre de l'Agriculture se situe dans le contexte d'une époque. Celle-ci correspond à un âge de l'organisation profession­ nelle agricole où l'agriculture représente la France des bourgs, des vil­ lages, la France profonde, à dominance rurale, dépositaire d'une tradition séculaire, réservoir de sagesse dont l'évolution est relativement lente et rebelle à tous mouvements excessifs, à toutes impulsions.

Rapports, témoignages, documents d'archives et conclusions du col­ loque permettent de dégager le comportement et les solides qualités per­ sonnelles du Président Henri QUEUILLE qui lui ont permis, de 1920 à 1940, après l'expérience de trois Secrétariats d'Etat, d'avoir été désigné et l'econduit onze fois pour œuvrer à la tête du Ministère, pourtant, réputé difficile de l' Agriculture.

Engagé par patriotisme et comme représentatif de la France rurale sur le bateau du Gouvernement Provisoire de la République, c'est sous la ive République que ses qualités et son expérience, démontrées et géné­ ralement reconnues, le feront appeler comme l'homme politique idoine du moment, pour réaliser, à une heure critique de notre pays, l'union au-dessus des doctrines et remettre sur les rails le char de l'Etat.

Honorant sa Corrèze natale, le Président Henri QuEUILLE appartient à l'histoire de notre agriculture et de la République dont il fut fidèle et grand serviteur.