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Séquences La revue de cinéma

Rencontre avec Léo Bonneville et Jean-François Chicoine

Numéro 110, octobre 1982

URI : https://id.erudit.org/iderudit/50997ac

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Éditeur(s) La revue Séquences Inc.

ISSN 0037-2412 (imprimé) 1923-5100 (numérique)

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Citer ce document Bonneville, L. & Chicoine, J.-F. (1982). Rencontre avec Bertrand Tavernier. Séquences, (110), 24–36.

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Séquences — Monsieur Tavernier, lorsque vous étiez à Lyon, est-ce que vous vous occupiez de cinéma? Bertrand Tavernier — Non. J'ai — Je vous écoute. quitté Lyon alors que j'étais très — Je suis bien chez le directeur de Séquences1. jeune. J'avais 5 ou 6 ans. J'y suis — Précisément. revenu très souvent en vacances parce — Je suis Bertrand Tavernier. que j'y avais beaucoup de famille. — Le metteur en scène français? Mais je ne peux pas dire que j'ai passé — Oui. Je viens d'acheter le dernier numéro de Séquences et d'y lire une criti­ vraiment mon enfance à Lyon. Sim­ que de mon film, Coup de torchon, qui m'a beaucoup intéressé. plement, j'ai des souvenirs d'enfance — Elle a été écrite par un jeune critique. très précis et je crois que c'est ce qui — Je la trouve très pertinante. vous marque. Quand j'ai fait mes — Êtes-vous à Montréal pour longtemps? films sur Lyon, j'étais un peu à la — Pour une semaine ou deux. Je viens préparer un film... recherche du Lyon de mon enfance, — Peut-être pourrions-nous nous rencontrer pour une interview? d'une certaine manière. Toutefois, — Avec plaisir. durant mes vacances, j'allais beau­ coup au cinéma et j'ai des souvenirs cinématographiques précis à Lyon. Mais je ne m'occupais pas de cinéma. — Quand vous quittez Lyon, où allez- vous? — À Paris. J'ai suivi mes parents à Paris, tout en gardant jusqu'à une certaine époque une grande partie de OILÀ COMMENT EST NÉE L'INTERVIEW QUI ma famille à Lyon. suit et qui apporte des éclairages appréciables sur les — Et cet amour du cinéma, comment V films de Bertrand Tavernier. De plus, elle contient des vous est-il venu? propos originaux sur le rôle de la critique, sur le travail d'un — En tant que spectateur. Simple­ attaché de presse, sur les réalisations de Jean-Pierre Melville, ment par le fait d'y aller. — Avec vos parents? sur les difficultés du cinéma canadien. Bref, une interview lumi­ — Avec mes parents. Un des premiers neuse avec Léo Bonneville et Jean-François Chicoine. films dont je me souvienne, j'ai dû le 24 OCTOBRE 1982 voir avec mon père. En effet, c'est un film de Ray Enright qui s'appelait Gung Ho! avec Randolph Scott. — C'est précis! — J'ai fait des recherches. J'avais vu ça au cinéma Le New York, à Paris. Parmi les premiers films que j'ai vus, il y en a un dans une maison d'en­ fants. J'avais une primo-infection et j'ai été en convalescence très long­ temps en montagne pour arriver à me guérir. Quelque chose au poumon qui était assez embêtant. Et j'ai des sou­ venirs de la projection d'un film, même de deux films. Un dont je n'ai jamais retrouvé les séquences. Il y avait des voitures mexicaines et une calèche. L'autre, c'est un film où il y avait une poursuite en moto et en voi­ ture. J'ai bien l'impression qu'il s'agit de Dernier atout de Jacques Becker. Je ne l'ai jamais revu. Je me souviens de quelques images d'une poursuite Bertrand Tavernier entre et Jean Rochefort dans un tunnel. — Et comment en êtes-vous venu à la sont venus trouver mes parents pour temps. Je me baladais avec lui. C'était critique cinématographique? leur dire qu'il fallait que je fasse du quelqu'un qui aimait bien avoir des — Par l'obligation de gagner ma vie. cinéma: c'étaient Claude Sautet et gens à sa disposition. Un peu comme Parce que je voulais voir du cinéma. Jean-Pierre Melville. Ils sont venus le Michel Piccoli A'Une Étrange J'en voyais beaucoup. Et puis mes dire à mes parents: « Il a une passion: Affaire. Il avait énormément de parents voulaient que je fasse du il faut que vous l'écoutiez. Il veut faire charme et beaucoup de passion. droit. J'ai décidé de lâcher le droit. du cinéma. » C'était un type tout à fait séduisant, D'ailleurs, j'étais nul. Je n'allais coléreux et tyrannique. J'ai travaillé jamais aux cours. À l'examen, j'ai au film Léon Morin, prêtre, comme rendu une copie blanche. Mes parents AVEC JEAN-PIERRE MELVILLE assistant-stagiaire à la mise en scène. m'ont dit alors: « Eh bien! si tu ne J'étais très mauvais comme assistant- veux pas poursuivre tes études, il faut stagiaire. Et Melville m'a dit qu'il fal­ que tu nous payes un loyer. » J'ai dû — Vous avez travaillé avec Jean- lait que j'arrête ce rôle d'assistant. Il commencer à gagner ma vie. J'ai écrit Pierre Melville. faut ajouter que c'est très dur de tra­ un peu partout. C'était un moyen de — Je l'ai rencontré à l'occasion de vailler avec Melville. Parce que c'est gagner un peu d'argent. Pendant un Deux Hommes dans Manhattan, deux quelqu'un qui créait un atmosphère an et demi, ce fut très dur. Je gagnais ans après avoir fait une interview avec très tendue sur le plateau. difficilement et je me passais souvent lui pour une revue de la Sorbonne. — Autant que Clouzot? de déjeuner. En fait, c'était constam­ J'avais été très marqué par Bob le — Un peu dans le même style. Cela ment une bagarre. Cependant, j'ai Flambeur. Le film m'avait fait, en m'a beaucoup marqué. Je me suis juré toujours été très reconnaissant à mes tant que spectateur, un choc assez que je ne susciterais pas ce genre d'at­ parents d'avoir fait ça. Parce que ça important. Des images d'Henri mosphère sur un plateau. J'ai telle­ m'a forcé de me jeter à l'eau et vrai­ Decae. À ce moment-là, j'ai travaillé ment vu de gens souffrir. J'ai vu Mel­ ment de tout faire et de tout trouver un peu avec Melville. J'ai traîné dans ville déchirer et lacérer au rasoir un moi-même. Deux metteurs en scène ses studios pendant un bon bout de décor qu'il n'aimait pas devant toute 25 'SÉQUENCES N" 110{ l'équipe pour punir le décorateur au vois Le Coup de l'escalier dans tou­ que quotidienne, hebdomadaire et la lieu de le faire discrètement. Il disait tes les scènes. C'est le papier peint des critique de revues spécialisées. Je trou­ toujours « bonjour » au début d'un murs du Coup de l'escalier dans tous ve que, dans les quotidiens québécois, film et ce « bonjour » était valable ses films. Ce sont les découvertes du il n'y a pas assez de « papier » cri­ pour toute la durée du tournage. Cette Coup de l'escalier dans Le Deuxième tique sur le cinéma. attitude m'a marqué. Et Melville m'a Souffle. C'est la musique de John — Une fois par semaine! présenté à Georges Beauregard pour Lewis partout. Toute l'attente du — Je trouve que le cinéma ne peut pas que je devienne attaché de presse. hold-up du Deuxième Souffle, c'est tenir avec ça. Au niveau d'un quoti­ — Melville vous a-t-il influencé sur le découpé comme la fin du film de dien, c'est tous les jours que le lecteur plan cinématographique? Robert Wise. Il avait une passion doit être stimulé, provoqué. De plus, — Il m'a appris des choses, certaine­ pour ce film et il en parlait d'ailleurs je pense qu'un critique qui se veut cri­ ment. Je trouve que le tort de Melville sublimement. Je me demande si un tique ne doit pas uniquement penser a été de se cantonner dans le registre cinéaste qui fait des « imitations » à son « papier » . À l'heure actuelle, policier alors que c'est quelqu'un qui comme ça n'arrive pas à se limiter. Je avec la concurrence des médias, il doit aurait dû faire des films tout à fait dif­ me demande aussi quand je vois des avoir un rôle plus important que dans férents. Il avait la capacité de le faire. scènes des Enfants terribles et de Léon les années soixante. À la limite, s'il Et je pense que Melville s'est ainsi Morin, prêtre, si tout d'un coup Mel­ aime un film, il devrait écrire trois limité. Il m'a influencé tant dans les ville n'est pas parti dans l'espèce de articles de suite sur ce film. S'il veut rapports avec les comédiens que dans policier sérieux qui est un genre assez vraiment l'imposer au public. Par l'atmosphère du tournage et aussi sinistre dans l'ensemble: une sorte de exemple, il y a un film qui est sorti dans le choix du sujet. Melville a eu contagion du cinéma américain. depuis quelques jours à Montréal et une influence sur moi dans la mesure je n'ai lu, à l'heure actuelle, aucun ar­ où je ne voulais pas faire cela. Il n'y ticle sur lui: c'est Heartaches. Je serais a rien de péjoratif dans ce que je dis LE RÔLE DE LA CRITIQUE chroniqueur dans un journal, c'est là. Je ne veux pas dire que ce qu'il fai­ tous les jours que je dirais aux gens sait c'était de la merde. Mais je pense d'aller voir ce film. On ne peut pas, que c'est quelqu'un qui a refusé l'ima­ — Vous avez donc longtemps prati­ dans un quotidien, avoir une rubrique gination et qui avait une manière qué la critique. Quel est selon vous le une fois par semaine. Il faudrait qu'il d'aborder les films qu'il voyait. Et de rôle de la critique? y ait tous les jours quelque chose sur les restituer par la suite. Une manière — Il est multiple. Il est d'éduquer ou le cinéma. À Paris, des journaux se qui tout à coup m'a fait peur. Quand d'arriver à provoquer le spectateur en font un devoir d'écrire tous les jours on travaillait avec Melville, on était essayant de rendre la structure de la sur le cinéma. Je pense au journal Le obligé de voir le film Odds Against mise en scène plus claire pour des Matin qui consacre tous les jours des Tomorrow (Le Coup de l'escalier) de amateurs. Le problème de la critique, pages au cinéma. Il faut bien faire la Robert Wise. C'était un film qu'il comme le note Lindsay Anderson différence entre la critique quoti­ adorait et il le projetait pratiquement dans sa préface à son très beau livre dienne et mensuelle et celle d'une tous les soirs à l'équipe. J'ai dû le voir sur John Ford, c'est qu'on a l'impres­ revue. Cette dernière doit faire con­ trente-deux fois. sion, dans certaines revues, que les naître les différents aspects du film, — N'a-t-il pas été très influencé par gens finissent par écrire plus pour sa structure économique quelquefois, le cinéma américain? d'autres critiques que par rapport à son sens et adopter, s'il le faut, le ton — Oui, d'une certaine manière. Il en un film. Et qu'au lieu de s'adresser à polémique. Malheureusement, en prenait des idées. Le début du Samou- des lecteurs et d'avoir un dialogue France, une grande partie de la criti­ rai, c'est Tueur à gages (This Gun for avec eux, il y a des règlements de que, très parisienne d'inspiration, se Hire) de Frank Turtle. La fin du comptes. Finalement, c'est comme complaît dans les clans. On peut dire Deuxième Souffle, c'est The City is l'accusé dans Autopsie d'un meurtre qu'il manque d'invention journalisti­ Dark (Chasse au gang) d'André de d'Otto Preminger. Le lecteur finit par que. On peut savoir que tel film sera Toth. Mais il y a surtout Le Coup de être la personne la moins intéressante défendu par telle revue. On peut pré­ l'escalier. J'ai du mal maintenant à dans une revue de cinéma. Cela dit, voir ses attitudes. C'est dommage! Je voir un film de Melville parce que je on devrait séparer le but de la criti­ pense qu'il n'y aurait plus de choses 26 OCTOBRE 1982

à faire et que le but de la critique de bêtement influencé par le cinéma amé­ taché de presse, non pas comme un revue serait de se dégager de la criti­ ricain. Ce sont des sketches que j'ai travail de publicitaire mais comme que d'actualité pour aller à la recher­ écrits et que j'ai réalisés. Ce n'était pas une sorte de prolongation de mon tra­ che de nouveaux éclairages sur cer­ du tout intéressant. Toutefois ça m'a vail d'historien et de critique de tains aspects de l'histoire du cinéma. appris des trucs techniques. Ça m'a cinéma. J'avais le sentiment que mon Il faut remettre les choses en question. permis de collaborer avec des gens travail de critique était très frustrant Il y a des metteurs en scène à rééva­ comme Raoul Coutard et Alain parce que ça n'avait pas beaucoup de luer et des films qu'il faut revoir. Il Levant pour la photo et surtout avec conséquences. En étant attaché de y a des perspectives sur tel film qui Antoine Duhamel pour la musique. Il presse, en faisant connaître un film, changent au fur et à mesure des faut dire que l'un de ces films a été en faisant venir tel ou tel metteur en années et j'ai l'impression qu'une par­ relativement bien reçu par la critique. scène ou scénariste ou acteur et en tie de la critique et des historiens reste C'est alors que j'ai eu des proposi­ organisant des interviews, j'avais l'im­ très confortable. En France, par tions de longs métrages. Mais j'ai pression tout d'un coup — surtout exemple, une partie des gens vivent décidé de continuer mon travail d'at­ avec mon associé, Pierre Rissient, éperdument sur l'acquis de ce que taché de presse, d'apprendre mon devenu, à mon avis, un metteur en j'appellerais la génération des années métier parce que ce que j'avais fait scène important en France — de faire soixante et cinquante (Truffaut, était très infantile. un travail positif. D'alleurs, nous ne Rivette, Chabrol). On tombe dans — Il y a donc eu neuf ans de silence. prenions que les films qui nous plai­ une sorte d'Église, avec des avis que — Oui, j'ai voulu apprendre la vie. saient énormément ou les films pour plus personne ne remet en question. lesquels nous faisions des réserves sur Maintenant, il est hors de question de la mise en scène parfois mais dont les contester Howard Hawks, Alfred LES JOIES D'UN ATTACHÉ DE réalisateurs nous semblaient des per­ Hitchcock. Par ailleurs, il y a aussi des PRESSE sonnalités très excitantes. À mon avis, cinéastes dont le rôle a été très impor­ nous avons joué un rôle considérable. tant par moments et qu'on finit par Nous avons fait sortir des films que découvrir. — Est-ce que votre travail comme les compagnies américaines ne vou­ — Vous avez écrit un livre: « 30 ans attaché de presse vous a servi, plus laient pas sortir en France. Nous de cinéma américain » . Qu'est-ce qui tard, comme réalisteur? avons contribué à faire connaître des vous fascinait dans le cinéma améri­ — Oui, parce que j'ai rencontré beau­ gens aussi différents que Joseph cain particulièrement? coup de cinéastes. J'ai vu des films en Losey, John Boorman en passant par — Sa diversité. Le fait aussi qu'on tournage. J'ai passé une semaine avec Jerry Schatzberg et son Puzzle of a écrivait assez peu sur ce sujet à John Ford. J'ai rencontré Howard Downfall Child (Portrait d'une enfant l'époque. Hawks, Raoul Walsh, Joseph Losey, déchue). La Paramount ne voulait pas — D'ailleurs, encore aujourd'hui, en Francesco Rosi, Jean Renoir... En sortir en France des films de Don Sie­ France. plus, j'allais d'Alain Tanner à Claude gel, de Leo MacCarey comme aussi — Sa diversité, dans son côté enraciné Sautet en passant par Christian de Shock Corridor de Samuel Fuller. Je à l'intérieur d'un pays. Je pense que Chalonge et Jacques Rouffio. J'ai peux dire honnêtement qu'il y a cin­ c'était un cinéma très excitant. Ce appris des choses. Et puis, c'est éga­ quante à soixante films qui ne seraient livre a été très bien reçu, mais il m'a lement la vie qui m'a appris des cho­ pas sortis sans notre travail. Nous étiqueté connaisseur du cinéma amé­ ses. C'est la rencontre avec ma avons fait des interviews avec des gens ricain. Alors qu'à l'époque j'adorais femme. Et tout d'un coup, non plus qui n'en avaient jamais donné. Cela le cinéma français et le cinéma italien. faire des exercices de style à l'améri­ va de Hawks à Ford en passant par Je n'étais pas du tout exclusif. caine, mais faire des choses où on Losey et le scénariste Carl Foreman. — Vous faites deux courts métrages. s'engage émotionnellement. C'est ce C'est un travail dont j'ai été très fier — Oui, nuls. que j'appelle vieillir. et qui a eu historiquement une impor­ tance assez considérable. Nous avons — Qu'est-ce que cette expérience vous — Étiez-vous attaché à une maison été à la base de découvertes de quan­ a apporté? particulière? tité de cinéastes. Et Pierre Rissient — C'étaient des films à sketches que — Non. J'étais totalement indépen­ continue. Il est notamment responsa- je voulais faire. J'étais, à l'époque, dant. Je considérais mon travail d'at­ 27 '. SÉQUENCES N" 110' ble de la découverte de Lino Brocka qu'on retombe toujours dans le détesté. Mais il a fait le film quand qui est un cinéaste remarquable. domaine des étiquettes. Les gens même. m'avaient étiqueté attaché de presse. — Et l'accueil en France? Et je n'arrivais pas à me défaire de — L'accueil a été super bon. Le film L'HORLOGER DE SAINT-PAUL cette étiquette. De plus, les gens ne a reçu le prix Louis Delluc avant qu'il voulaient pas de ce sujet. Personne ne ne sorte dans les salles. C'était un tout voulait de mon scénario. petit film, tourné en très peu de temps — Dites-moi, qu'est-ce qui vous a — Vous l'avez imposé à une maison et avec très peu d'argent. À côté de attiré dans le roman de Simeron, particulière? lui, il y avait un gros film qui était « L'Horloger d'Everton » ? — Au début, j'avais l'accord, comme tourné à Lira Film et qui s'appelait — Des petites choses. Comme tou­ distribution au cinéma, de Gaumont, Ursule et Grelu de Serge Korber. Ce jours, je parle de Simenon comme de Pathé. J'ai eu des gens, au départ, film n'a pas marché. Heureusement, d'un romancier d'atmosphère. Je qui m'ont aidé. Mais même avec ça mon film n'a pas sauvé la compagnie, pense aussi que c'est quelqu'un de très et avec l'accord de Philippe Noiret, il mais a fait l'année de Lira Film. C'a important, parce qu'il y a des choses, fallait pouvoir trouver un producteur. été un sleeper, comme disent les Amé- des images très aiguës et très fortes qui recèlent une certaine émotion. C'est dans le petit matin, un policier qui dit à un homme normal: « Votre fils a tué un homme » ; c'est un père qui, à la sortie d'une entrevue dans la pri­ son avec son fils, éprouve un étrange sentiment de bonheur; c'est un homme qui, rentrant chez lui après avoir appris que son fils a tué un homme, va se coucher et essaye de retrouver l'image de son fils. Il y a des détails comme ceux-là dans Simenon. La trame a été bouleversée et de nom­ breux personnages ont été ajoutés. Je peux presque dire que c'est un scéna­ rio original à quatre-vingt pour cent. Il y a des choses tellement fortes chez Simenon, des petits moments très intenses et qui m'ont touché. Toute­ fois j'ai prouvé que l'on pouvait se passer de la structure de Simenon, car j'ai fait un film au soleil, en éliminant les pavés mouillés, la pluie, les brouil­ Et ça m'a pris un an. Je me suis fait ricains. C'a été un vrai succès. De lards. Je pense que Simenon est suf­ jeter à la porte de tous les producteurs plus, c'est un de ces films enracinés fisamment fort pour se passer du ver­ de Paris. Ils ont foutu le scénario en dans la réalité française qui s'est rela­ nis qui l'entoure. l'air. Ils ne le lisaient même pas. Ou tivement bien vendu dans le monde et — Vous pensiez réaliser L'Horloger alors ils le regardaient dédaigneuse­ qui, à New York, a tenu très long­ de Saint-Paul depuis longtemps? ment. Et c'est Raymond Davault qui, temps, avec une presse hallucinante. — Depuis un bon bout de temps. Et regardant l'équation financière, a dit: J'ai reçu des « papiers » absolument ça a été très dur. Tout allait très bien « En bien! je ne lis pas le scénario. Je délirants. comme attaché de presse. Quand j'ai vous fais confiance. Je fais le film. » — Vous m'avez surpris en disant que dit: j'arrête, là il y a eu douze à qua­ Et il l'a fait. Quand il a lu par la suite c'était un film de soleil alors que la torze mois qui ont été très durs. Parce le scénario, il m'a dit qu'il l'avait ville de Lyon est plongée dans la 28 OCTOBRE 1982'

brume souvent jusqu'à midi. plans, de dynamique. Oui, d'une cer­ — Moi, j'ai tourné mon film en été. taine manière, c'était un prolonge­ Mais Lyon, justement, est une ville ment. Mais pour la structure interne, pleine de contrastes. C'est une ville j'utilisais le travail sur l'arrière-plan qui peut être complètement ensoleil­ de Que la fête commence, avec le lée. Et c'est pour ça que, lorsque je mouvement intérieur de L'Horloger suis retourné à Lyon, pour faire Une de Saint-Paul et une multitude de Semaine de vacances, j'ai voulu pren­ détails qui ont l'air en apparence inu­ dre l'hiver. Exactement le contraire et tiles. J'aime bien qu'il y ait des avoir ainsi l'autre couleur de Lyon. moments inutiles dans un film, des Mais en même temps c'est là où on moments où tout d'un coup on vous voit que la vie copie un peu le cinéma. donne quelque chose en plus, comme Les couleurs de Lyon que j'ai filmées modernes. J'aime bien les personna­ une prime. Comme un cadeau dans dans Une Semaine de vacances, ça a ges qui cherchent des choses et qui une boîte de lessive. Je n'aime pas les tellement plu aux Lyonnais qu'ils ont doutent en même temps. films qui se cantonnent à leur thème. décidé de continuer à aménager leur — Est-ce le contexte historique qui Je crois que j'ai été marqué par les ville en fonction des mêmes teintes. Il vous intéressait ou les détails sur les romanciers qui aiment les parenthè­ y a une très belle phrase d'un écrivain personnages dont vous parlez? ses — Hugo, Zola, Shakespeare — et lyonnais, Gabriel Chevalier, qui dit, — Le mélange et le rapport entre eux. aussi par les metteurs en scène. Pour en parlant de Lyon: « C'est dans cette Ce qui est intéressant, c'est le va-et- en revenir au rapport entre les person­ lumière un peu incertaine que se pose vient entre Parrière-plan et l'avant- nages et les arrière-plans, j'ai appris le mieux la décevante question de l'a plan. C'est un mouvement en profon­ beaucoup de choses en voyant le tra­ quoi bon des jours. » C'est une deur entre ce qui est derrière et ce qui vail de Jean Vilar au théâtre. Je me phrase que, si je l'avais connue plus est en avant. J'essaye de montrer souviens d'une pièce de Marivaux et tôt, j'aurais bien aimé mettre en évi­ comment le personnage peut éclairer tout d'un coup d'avoir reçu une illu­ dence dans Une Semaine de vacances. le contexte et vice versa. Comme c'est mination sur Marivaux, rien qu'à voir Pourquoi? Parce qu'elle convenait dur de séparer quelqu'un de son con­ la façon dont la pièce était montée. parfaitement à la recherche sur la texte. C'est donc le rapport exact Et ainsi de nous faire sentir à la fois lumière que je voulais donner à Une entre le personnage et ce qui l'entoure l'époque où la pièce avait été écrite, Semaine de vacances. qui m'intéresse. Et je ne dis pas réa­ ce qu'elle signifiait à cette époque et liste nécessairement... ou encore ce qu'elle signifiait pour nous, spec­ vériste. tateurs du TNP qui y assistions. Je QUE LA FÊTE COMMENCE pourrais presque dire que les plus grosses influences que j'ai eues sont LE JUGE ET L'ASSASSIN dues au travail de réflexion que fai­ — En 1975, vous faites Que la fête saient certains metteurs en scène de commence. Pourquoi un film qui théâtre. nous plonge au temps de la Régence — Peut-on dire que Le Juge et l'as­ — Est-ce que cette finale du Juge et de Philippe d'Orléans? sassin est un prolongement de Que la l'assassin ne rejoint pas celle de Que — C'est une époque que j'ai décou­ fête commence? la fête commence? verte par Alexandre Dumas et qui m'a — J'ai eu l'impression, d'une certaine — Oui, mais j'ai dû me tromper quel­ fasciné. Les époques qui annoncent la manière, que, pour mes premiers que part parce que c'est une finale qui fin de quelque chose, les époques films, je partais dans des directions n'a pas été bien acceptée par la criti­ intermédiaires où les gens sont à la différentes. J'avais peur qu'il y ait un que. En plus, je pense que j'aurais pu recherche sans trouver, moi, je trouve prolongement trop évident. C'est mieux la tourner. Je l'ai tournée trop cela formidable. Formidable parce pour ça que j'ai tourné le film en vite. Je me suis fait un peu piéger par qu'on arrive à mêler le doute, la scope afin d'avoir une autre approche la musique. recherche, les questions... Et ce sont formelle. Cela m'a obligé à me poser — Cette finale était-elle écrite? des époques qui ont des résonances d'autres questions de rythme, de — Oui, elle l'était. Les gens la rejet- 29 ! SÉQUENCES N° HO

socio-politiques? — Oui, comme dans mes films pré­ cédents. Je pense qu'à chaque fois, j'aime bien taper. J'aime bien faire des films quand je suis en colère con­ tre certaines choses. — Mais ce n'est tout de même pas pamphlétaire? — Je ne sais pas. Là encore, dans Des Enfants gâtés, on m'a reproché de faire un film électoraliste. Ce qui est faux. En France, il y a une censure qui est aussi dangereuse que la censure politique et qui est la censure du goût. On ne doit pas dire des choses parce que ce n'est pas sobre, parce que ce n'est pas de bon goût. Mais finale­ ment, en demandant aux gens d'être légers, c'est aussi une manière de leur dire de ne rien dire du tout. On finit par ne plus nommer personne dans un film français. On n'ose pas dire Mit- tent. Pas tellement les spectateurs connotations autobiographiques? terand, Marchais... Parce qu'on répli­ dans un public populaire que l'intel- — Oui, comme dans tous mes films. que: « Là, vous appuyez, vous met­ ligensia, parce qu'elle la trouve trop Les gens croient qu'on ne fait pas tez les points sur les i ». Moi, je pense explicative. Moi, j'aimais bien ça. d'autobiographie dans un film histo­ qu'il y a des moments où il faut C'est un peu ce que je conservais de rique et pourtant on peut vraiment y appuyer. Il ne faut pas hésiter à Bretch à l'époque. Je ne suis pas sûr parler de soi. L'idée de l'autobiogra­ patauger, à y aller avec de gros sabots, qu'elle soit complètement réussie. Je phie est sommaire dans la tête des parce que le côté sobre et pudique, pense que j'aurais pu mieux faire. gens. Pour eux, une autobiographie qu'est-ce que c'est? Comme disait Mais je continue à défendre l'idée de implique qu'on mette en scène le per­ Victor Hugo: « Qu'est-ce que la la chanson et Isabelle en train de la sonnage du metteur en scène. Il y a sobriété? Est-ce la vertu pour un chanter. des choses qui me sont arrivées dans domestique? Non, il paraît que c'est — Considérez-vous la finale de Que Des Enfants gâtés puisque j'étais pré­ une qualité pour un écrivain. » Il y a la fête commence mieux intégrée? sident d'une association de défense de un peu de cela dans le film. — Oui, c'est mieux réussi. J'avais un locataires pendant des années. J'ai été — Est-ce qu'il n'existe pas, dans vos meilleur décor. Et l'idée passait expulsé par mon propriétaire. Et le quatre premiers films, des éléments mieux. Pour Le Juge et l'assassin , je film, c'est un peu une vengeance con­ socio-politiques qu'on ne retrouvera voulais une fin très lyrique. Peut-être tre mon propriétaire. plus par la suite? aurais-je dû la tourner avec une grue — Cela se sent naturellement. — Moi, je pense qu'ils y sont tou­ et faire un travail de mise en scène — Oui. Peut-être que c'est un film et jours. Ils sont peut-être moins appa­ plus précis. J'ai dû faire trop de con­ une histoire dont j'étais trop près. rents. J'ai peut-être appris à les inté­ cessions pour cette finale. J'étais trop en colère et il aurait fallu grer à l'intérieur, à ne pas agiter un peut-être que je prenne un petit peu drapeau en disant: « Attention. de distance pour le faire, au lieu de Regardez, je fonce dans le tas. » C'est DES ENFANTS GATES restituer fidèlement les choses qui me une question peut-être de discipline. sont arrivées. Par contre, il y a des Ce n'est pas une question d'assagis- passages que j'aime bien. sement parce que je suis toujours aussi — Dans Des Enfants gâtés, y a-t-il des — On y trouve des connotations passionné. C'est peut-être aussi qu'on 30 OCTOBRE 1982

à coeur ou bien l'avez-vous tout sim­ rapport à la ville étaient un des thè­ plement découvert à travers le roman? mes du film. — Aucun des films que j'ai faits n'a — Puisque vous n'étiez pas chez vous, été un film de commande. Ce sont avez-vous rencontré des difficultés tous des films que j'ai voulu passion­ supplémentaires? nément faire et souvent pendant des — J'ai eu des difficultés à faire années. La Mort en direct, je voulais démarrer le film. Il a été refusé par le faire parce que j'avais l'impression tous les Américains qui disaient que de faire un film sur moi, moins, c'était un film difficile. J'avais cru comme on l'a un peu trop réduit, un bêtement que les Américains me fai­ film sur les médias, qu'un film sur la saient signe et voulaient travailler avec responsabilité filmique et morale qu'a moi. J'ai perdu énormément de temps un cinéaste envers les choses qu'il et d'énergie à essayer de les convain­ filme. Et le film est un peu une fable cre de faire ce film qui était très peu sur la manière avec laquelle on peut cher. Et finalement, j'ai pu l'entre­ se faire dévorer de l'intérieur par la prendre tout seul. Le tournage lui- caméra, ou encore sur la possibilité de même, en anglais, n'a pas été une devenir un perpétuel voyeur à la chose difficile. C'est un film, comme est influencé, qu'on le veuille ou non, recherche, qu'on le veuille ou non, tous mes films, qui a été fait dans un par l'environnement que l'on a en fai­ d'une manipulation dramatique. Le contexte d'aventure. Sauf peut-être sant un film. Et il est évident que l'en­ film disait: « Est-ce qu'on a le droit Des Enfants gâtés qui a été fait à vironnement de la France de 74, 75, de regarder la mort en face ou encore, Paris. Quand on tourne dans la ville 76,77 n'est pas le même. Si j'avais fait jusqu'où peut aller un regard. » À où l'on habite, on ne peut avoir Une Semaine de vacances en 75 au lieu quel moment commence l'exploita­ d'aventure. Je pense qu'un film de le faire en 80, le ton n'aurait pas tion et la dramatisation. Il y avait devrait être une aventure. Et La Mort été le même. Il n'y aurait pas eu ce cli­ beaucoup de choses de moi sur la peur en direct a été une aventure. Il y a eu mat tranquille et de doute. Le film que je peux avoir vis-à-vis de ce que une rencontre à la fois avec Romy aurait été plus combatif. Je pense que je risque de devenir. C'est une sorte Schneider, Harvey Keitel, Max Von si mes films ont une qualité aussi, c'est d'exorcisme que j'ai fait. Sydow. La Mort en direct c'est, parmi qu'ils reflètent exactement le moment — Pourquoi l'avoir tourné en Ecosse? les films que j'ai tournés, ce que j'ai où ils ont été faits et l'esprit du temps. Et en anglais? fait de mieux. C'est une chose que je En 80, c'aurait été un mensonge de — Parce que, pour moi, je pensais trouve très lyrique. Il y a là des faire un film dans un autre ton. que le film devait avoir un contexte moments émotionnels dont je suis très C'était une époque où l'on avait subi protestant, même dans l'attitude vis- content. Et je pense que Harvey Kei­ des blessures sur le plan politique, où à-vis de la mort. De plus, je suis tel a donné là un de ses meilleurs rôles. tout d'un coup, un grand nombre de tombé amoureux de l'Ecosse et par­ D'ailleurs il pense que c'est un de ses questions était devant nous avec ce qui ticulièrement de Glasgow. meilleurs rôles avec celui de Mean était arrivé du Cambodge, au Viet­ — Vous aviez déterminé l'endroit Streets. Il ne s'est jamais aussi bien nam. Et ça, même si ce n'est pas con­ avant de tourner? entendu qu'avec Scorsese et moi- scient, on en tient compte quand on — Non. En tombant sur Glasgow, je même. J'ai eu des moments de grand tourne un film. Finalement, on est des me suis dit: « Voilà la ville où j'ai bonheur durant ce film. Et, en même sismographes. envie de tourner. » En choisissant temps, c'est un film qui m'a profon­ Glasgow, ça devenait absurde d'avoir dément blessé parce que c'est un film des gens qui parlaient français. Donc, qui était très dur à faire. Personnel­ LA MORT EN DIRECT je me suis plié à la structure du décor. lement, moralement, je me posais des Glasgow est une ville comme Lyon, questions. Et j'ai eu du mal à récupé­ avec une atmosphère particulière. Et rer. C'est pour ça que j'ai eu envie de — En 1979, on arrive à La Mort en il me semblait que Glasgow et la façon revenir à Lyon et de faire Une direct. Est-ce un sujet qui vous tenait dont se détermine la campagne par Semaine de vacances. J'avais besoin

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que je me pose beaucoup de problè­ mes. D'ailleurs, j'ai eu suffisamment de problèmes avec mes propres enfants. J'ai vécu ce genre de problè­ mes également avec les profs. C'est une question qui continue de m'inté- resser. Je referais volontiers un film sur un personnage de professeur. Non, ce n'était pas un prétexte. Je ne pense pas non plus que le film soit réductible à ce seul thème. Et ça m'a énervé quand j'ai vu des gens dire: « Tavernier prétend faire un film sur l'éducation nationale. » J'ai voulu poser des questions. Je ne fais jamais des films à thèse. J'essaye de faire des films où j'exprime des doutes et les passions que j'ai à propos d'un sujet. Mais je n'ai rien à proposer. Si j'avais des choses à proposer je serais politi­ cien. Mon rôle est de poser des ques­ tions et d'amener les spectateurs à se les poser eux-mêmes. — Est-ce que le cas de Laurence est unique ou s'inscrit-il plutôt dans une tendance générale? — J'ai eu l'idée de ce sujet après avoir rencontré énormément de professeurs de faire un film d'arrêt. J'avais besoin autour de Noiret, j'ai aussi voulu faire qui doutent et qui se disent: « Il faut de regarder les choses et de me poser une trilogie autour des femmes. Ainsi se couper. On n'en peut plus. Ça ne une fois de plus des questions de com­ les questions se posaient différem­ va pas. » Et qui n'arrivent pas à munication à travers un personnage. ment. Le mouvement des films savoir si c'est leur faute à eux ou si Les questions que je me posais dans comme La Mort en direct et Une c'est la faute des enfants qui sont, par La Mort en direct, j'ai eu envie de les Semaine de vacances ou certains moments, infernaux et ne soupçon­ poursuivre dans Une Semaine de moments Des Enfants gâtés épouse nent rien de la passion qu'on peut vacances. Je pense qu'il y a énormé­ également le mouvement intérieur de mettre dans ce métier et aussi peut- ment de lien entre ces deux films. Je ces femmes et suscite un ton et une être parce que le système d'éducation pense qu' Une Semaine de vacances est approche des choses qui sont diffé­ n'est pas parfaitement adapté aux un film sur l'éducation, mais aussi sur rents de ceux perçus par les yeux d'un esprits modernes. la communication. Et moi, j'ai le homme. — Le cinémascope que vous utilisé même rapport avec le public; je dans ce film, était-ce un plaisir que reprends les mêmes questions et vous vous êtes donné ou était-ce pour j'éprouve les mêmes angoisses que UNE SEMAINE DE VACANCES magnifier davantage la ville de Lyon? Laurence vis-à-vis de ses élèves. L'un — C'était pour prendre le contre-pied. est la prolongation de l'autre. Et Je ne voulais pas faire un film vériste quand vous me dites que mes premiers — L'éducation est-elle un prétexte ou néo-réaliste. Je voulais faire un films étaient peut-être plus violents, pour présenter le personnage de film dont la lumière et le rythme de je crois aussi qu'à partir d'un Laurence? la mise en scène épousent le mouve­ moment, après avoir fait une trilogie — Pas seulement un prétexte parce ment interne comme la musique. Et 32 OCTOBRE 1982

— Moi, j'aime bien avoir un tour à l'avance sur les gens qui veulent m'éti- queter. C'est stimulant. Ça évite de s'endormir sur ses lauriers. On m'avait collé une image de cinéaste émotionnel et humaniste. J'avais envie de piétiner cela. Je ne voulais pas être installé dans une catégorie ou dans une niche. J'avais envie de ruer dans les brancards. Puis, en plus, c'est un film que j'avais envie de faire depuis très longtemps. — Vous aviez sans doute lu le livre? — Depuis 1968. J'avais essayé de le faire juste après Que la fête com­ mence. Je n'y étais pas arrivé. — Est-ce que vous trouvez que votre personnage central, Lucien Cordier, est un être crédible ou plutôt que c'est épousent aussi les doutes et les émo­ et que Scarecrow, dans mon souvenir, un produit de l'imaginaire? tions. Donc, que ce ne soit pas sim­ est un film presque épique. Je trouve — Je pense que ce sont les deux. Je plement des faits filmés, mais quand que l'utilisation du scope projette des ne sais pas si un flic comme lui a on s'approche et qu'on capte émotions. jamais existé dans l'Afrique équato- quelqu'un en gros plan, tout d'un — Et donne de la force à l'intimité. riale. Comme pour toutes les choses coup, c'est un choc émotionnel. La — Oui, et contrairement à la qui sont des produits de l'imagina­ lumière était extrêmement importante croyance, je pense que le scope est tion, j'ai plein de gens qui m'ont dit et allait bien avec l'ensemble de la ville formidable pour l'intimité et qu'avec que ce personnage était parfaitement de Lyon. Toute ville avec fleuve seulement quelques moments de pay­ authentique. Et d'autres qui disaient devrait être filmée en scope. Et puis, sage, une quinzaine de minutes au que c'était de la pure invention. L'at­ en plus, ça dénaturalisait le sujet et ça plus, les spectateurs en ont plein la mosphère qui l'entoure est tout à fait le portait d'une manière différente. vue. C'était vrai aussi pour l'Ardèche juste et témoigne de la vie coloniale. J'ajoute que ça le rendait plus vaste dans Le Juge et l'assassin. Un seul En même temps, et une fois de plus, bizarrement sans que je change les plan et vous l'avez en pleine gueule. je n'ai pas voulu faire quelque chose décors ou les enrichisse. J'avais Il faut utiliser les paysages, non pas de complètement vériste. Même les remarqué cela dans 3 Women (Trois en fonction d'une valeur topographi­ choses qui ont été jugées par des ex­ femmes) de Robert Altman. C'est un que ou explicative,mais en fonction coloniaux comme les plus justes, ont film avec trois personnages dont d'une valeur émotionnelle comme souvent été des choses totalement beaucoup de scènes se passent dans prolongation d'un sentiment d'un inventées. C'est toujours ainsi que ça une cuisine et j'avais l'impression personnage. Le scope permet d'inté­ se passe dans le cinéma. C'est un d'un film immense. Cela m'a complè­ grer d'une manière formidable l'émo­ monde que j'ai reconstruit et qui par­ tement suffoqué. Et aussi dans Sca­ tion d'un personnage au décor qui tage des points avec la réalité très pré­ recrow (L'Épouvantail) de Jerry l'entoure. cise et qui, en même temps, est un Schatzberg. Or, si vous prenez la liste monde un peu imaginaire. Quant au des décors et la liste des personnages, personnage, il est pour moi totalement vous vous apercevez que ce sont des COUP DE TORCHON ambigu. Il y a des jours où je sympa­ films très intimistes. Alors comment thise entièrement avec lui. Je suis se fait-il qu'Easy Rider de Dennis d'accord avec ce qu'il fait et ce qu'il Hopper, en plus d'être nul, me donne — Coup de torchon, c'est une nou­ dit. Et il y a des jours où, tout d'un l'impression d'être un tout petit film velle aventure? coup, il me fait très peur. Après ce 33 ! SÉQUENCES N° 110 film, j'ai eu un coup de téléphone de qu'on vient de dire ou est-ce qu'on dit metteur en scene, sous ce rapport, j ai Jean Genêt qui avait été fasciné par des choses pour se protéger de ses voulu être comme Cordier. le film et qui voulait me rencontrer. actes? — À regarder vos personnages, on a Il m'a dit: « J'y vois un des plus — Y a-t-il, chez ce personnage, une l'impression qu'ils sont tout aussi beaux thèmes du monde. C'est un forme d'improvisation? bons que méchants. film bouleversant et dérangeant. — Je pense que oui. Mais une manière — J'aime bien les personnages ambi­ Parce que c'est la sainteté par la aussi de toujours se justifier. Un gus, à cheval sur plusieurs sentiments. lâcheté. C'est l'homme qui devient moment, lui dit: J'ai un ou deux regrets dans ma vie. saint par l'honneur et l'atrocité. » « Je ne suis pas très intelligente, mais C'est justement de ne pas avoir été C'est un thème qu'il adore. toi, tu arrives toujours à justifier ce plus loin dans cette voie. Je pense que — C'est le juge plus l'assassin. que tu fais. » (Une phrase qui n'était j'aurais pu rendre le personnage du — Exactement. C'est quelqu'un qui pas dans le bouquin.) Je lui donne juge un peu plus sympathique. C'au­ combine les deux. C'est peut-être pour tout d'un coup ce genre de question rait peut-être donné une petite touche cela que c'est un personnage qui me que peut se poser le public. Je l'ai mise en plus, encore que le choix de Noi­ fascine à ce point. dans la bouche d'Isabelle, d'abord ret lui apportait une chaleur sur cer­ — On lui accorderait facilement une pour renforcer le personnage de Rose taines choses. Il y a une phrase de dimension thématique. et aussi pour le faire moins négatif. Peter Brooks, à propos de Shakes­ — Il a une dimension thématique par Mais il y a chez Cordier des paradoxes peare, que je trouve remarquable: moments. Mais je trouve, et c'est ça qu'il lance et une façon de retomber « Chaque fois qu'un personnage qui me plaisait dans le roman de Jim sur ses pieds qui me déconcertent tota­ parle, dans Shakespeare, il a raison. » Thompson que je considère comme lement. Je m'y perds vraiment. Je trouve cela formidable. Je voudrais un très grand écrivain, c'est qu'on ne — Pour vous, Lucien Cordier, c'était arriver à cela, pour qu'à chaque fois sait pas si le personnage dit ce qu'il Philippe Noiret. qu'un personnage exprime quelque dit pour excuser ce qu'il vient de faire — Je voulais Noiret, mais c'aurait pu chose, il ait complètement raison. ou s'il fait les choses comme prolon­ être aussi bien Michel Galabru. Mais Quand Macbeth exprime ses senti­ gation de ce qu'il vient de dire. Ça, j'ai voulu Noiret afin de le confron­ ments, ils sont justifiés même si la on ne le sait jamais. Et je ne sais pas ter avec la violence. C'est une chose pièce ne les justifie pas. C'est une atti­ si le personnage le sait lui-même. C'est qu'il n'avait pas beaucoup faite. Et tude étonnante. Je suis à la recherche une chose que je trouve formidable. j'aime bien la violence chez quelqu'un de personnages qui ont continuelle­ Est-ce que c'est quelqu'un qui s'in­ qui en apparence n'est pas violent du ment raison dans leur manière de vente des excuses à ses actes ou tout. Je trouve cela plus intéressant. s'exprimer. quelqu'un qui fait ses actes comme Pout moi, le thème principal c'est tou­ — Dans la même veine d'idées, vous prolongation des choses qu'il vient de jours un peu relié au cinéma — de faites dire à Lucien Cordier: « Où est dire? Est-ce que c'est quelqu'un dont même que Laurence était metteur en le bien, où est le mal. » les actes courent après les mots qu'il scène — c'est l'histoire d'un acteur — C'est une phrase qui était dans Jim vient de dire ou dont les mots vien­ qui devient metteur en scène, c'est Thompson et que je trouvais nent excuser les actes. Voilà une chose quelqu'un qui s'est créé un rôle et qui magnifique. qui me passionnait. J'ai eu une lon­ s'est investi d'un personnage. C'est — Comment choisissez-vous vos gue discussion avec Noiret. Je lui ai quelqu'un qui joue les abrutis parce acteurs et comment travaillez-vous dit: « Je ne veux pas savoir si tu viens que c'est la meilleure manière qu'il a avec eux? t'excuser de ce que tu viens de faire de survivre dans ce monde. Et il y a — Je choisis par instinct. J'adore ça. ou si tu as proféré une excuse com­ un moment où il décide de prendre du C'est ce que je préfère, travailler avec plètement bidon. À la limite, je ne recul par rapport à son rôle et, à par­ les comédiens. D'abord, en essayant veux même pas que tu le saches. » Je tir de ce moment-là, il devient metteur de créer une atmosphère sur le plateau trouve que c'est cela qui devenait en scène. Comme metteur en scène, qui soit détendue. complètement excitant. Cela pose le est-ce qu'il exploite les situations? Là, — Vous dirigez beaucoup? premier aspect de toute une vie parce je ne suis plus très sûr. Je ne sais pas. — J'essaye, en apparence, de donner qu'on est conditionné par ce genre de Et je n'ai pas voulu trancher. Je n'ai beaucoup de liberté aux acteurs. Je rapport. Est-ce qu'on agit par ce pas voulu prendre parti. En tant que me sens très proche des gens qui vont 34 OCTOBRE 1982'

partie à la main. C'était tout à fait une autre approche. Ainsi, les gens ne peuvent s'installer. Et après Coup de torchon, j'ai tourné un documentaire sur Philippe Soupault avec Jean- Francis Gondré comme chef opéra­ teur et qui est assistant de Glenn. Ce film est un portrait mêlé d'interviews. J'espère qu'il sortira en salle. Il sera au moins disponible sur cassette.

LA SOEUR PERDUE

— Et maintenant vous voici au Qué­ bec pour tourner un film au de Jean Renoir à Robert Altman. Ce va pouvoir donner son idée qui sera Manitoba. sont des metteurs en scène non diri­ discutée sans crainte d'aucune cen­ — Ce n'est pas un paradoxe. Il n'y a gistes en apparence sur les gestes, mais sure. Mais c'est aussi une atmosphère. ni coproducteur ni technicien au qui, de fait, obtiennent ce qu'ils veu­ On rigole énormément. Il y a des Manitoba. Je viens ici pour essayer de lent sans que les acteurs s'en rendent fêtes. Durant Le Juge et l'assassin trouver des coproducteurs, des tech­ compte. Ils leur donnent l'impression avec Michel Galabru, on était morts niciens et des acteurs pour aller faire que ce sont eux qui trouvent. Une de rire neuf fois sur dix avant de tour­ un film au Manitoba, en mars et avril grande partie des choses s'obtient déjà ner. Ça créait une ambiance du ton­ 1983. avant le tournage, à partir du moment nerre qui donne envie à chacun de — Qui portera sur...? où l'on discute. Par exemple, il y a participer. Harvey Keitel me disait: — C'est l'histoire de colons français une chose que je fais avec beaucoup « Je n'ai jamais de ma vie connu une au Manitoba. Le film s'intitule La d'acteurs: je leur donne les versions équipe comme ça. » J'adore la com­ Soeur perdue. Dans une certaine du scénario qui s'écrivent au fur et à plicité entre l'ensemble des acteurs et mesure, c'est un film qui se rappro­ mesure. Les acteurs n'ont pas le scé­ des techniciens. chera de certaines émotions d'Une nario final. Ils n'ont que l'élabora­ — Justement, est-ce que vous n'avez Semaine de vacances. Donc un film tion. Ça leur permet de suivre la cons­ pas tendance à vous entourer d'une intimiste avec comme cadre les plai­ truction, l'évolution du sujet et du même équipe, même photographe, nes du Manitoba qui ne sont pas tel­ personnage, les modifications... Pour mêmes acteurs? lement intimistes. le prochain film, Nathalie Baye, Ber­ — J'ai travaillé beaucoup avec Pierre — Que vous connaissez? nard Giraudeau et Monique Mercure William Glenn. Il a fait six films avec — Non. J'ai vu des films qui se pas­ ont déjà lu le scénario. Puis il y aura moi. Quand je travaille avec la même sent au Manitoba. Je veux découvrir une deuxième, puis une troisième ver­ équipe, j'essaye de lui donner, à cha­ cette province, m'y établir pendant sion. Mais ils ont été complices du que fois, un défi pour ne pas qu'elle démarrage des personnages depuis le refasse le même film. Un film sera en (1) Steadicam ou panaglide: le principe de ce procédé départ. Les acteurs ne sont pas para­ scope, l'autre pas. Un film sera durant consiste à isoler, par toute une série d'amortisseurs, la chutés dans le film. Ils voient telle saison, l'autre, telle autre. Ça caméra de l'opérateur. Celui-ci n'a pas plus l'oeil collé quelqu'un qui commence à vivre au viseur mais contrôle l'image sur un petit récepteur oblige à d'autres éclairages, à un autre intégré à la base du système. Le centre de gravité assez devant eux dans les pages qu'ils ont ton. Immédiatement après Une bas de l'ensemble, l'état de quasi-pesanteur provoqué et ils y pensent. Pour moi, c'est ça la par la suspension et le poids de la caméra jouant comme Semaine de vacances — je venais de force d'inertie, confèrent à l'image cette étrange légè­ direction d'acteurs. C'est aussi un faire deux films en cinémascope — je reté, cette absence de heurts qui permettent à volonté acteur qui a du plaisir à venir sur un me suis dit qu'on allait faire Coup de de monter et de descendre les escaliers, courir, s'arrê­ (1) ter... Claude Lelouch s'en est servi dans Les uns er tes plateau de tournage et qui sait qu'il torchon au steadicam, en grande autres. 35 ! SEQUENCES N° 110' quelques semaines avant le tournage cure), puis cette famille qu'elle a convient aux deux pays. Il y a des raci­ pour sentir un peu les choses et trou­ retrouvée et avec laquelle elle n'a plus nes dans les deux pays. Ici, la copro­ ver les équivalents de ce que je veux aucun point commun. Elle est deve­ duction est essentiellement reliée au en tirer. nue indienne. Dans l'environnement sujet du film. — Allez-vous rencontrer Gabrielle du Manitoba, ou derrière, il y a l'écho — Vos assistants? Roy? assourdi de l'époque de Louis Riel. Ce — Un Québécois, un Français. Je — Je suis en train de lire ses livres. que je suis en train de chercher, c'est voudrais prendre un décorateur au Mais mon histoire se situe avant 1880. le sentiment quotidien que pouvaient Québec ainsi que des techniciens et des Il s'agit de l'arrivée des Français de avoir des colons français au sujet de mécaniciens. France. Plusieurs sont venus s'instal­ l'histoire de Riel. Je vais d'abord au — Le photographe est-il choisi? ler au Manitoba. Manitoba et j'espère avoir des témoi­ — Je voudrais prendre Bruno Nuyt­ — Qu'est-ce qui vous a porté à choi­ gnages à ce sujet. Est-ce que dans leur ten. J'ai envie de travailler avec lui. sir ce sujet? vie quotidienne, isolée, à 500 km, les — Le tournage est-il pour bientôt? — C'est une nouvelle de huit pages gens se foutaient de l'histoire de Riel? — Mars, avril 1983. que j'ai découvert en 1977, nouvelle — D'où viennent vos acteurs? — Et la sortie? de Dorothy Johnson, écrivain améri­ — Il y a des acteurs français puisque — Fin 83. Pour l'instant, nous tour­ cain. La nouvelle ne se passait pas au ce sont des personnages français. Il y nons autour des problèmes économi­ Canada. Toutefois je l'ai trouvée a aussi Monique Mercure. J'aimerais ques. Je pense que l'industrie du splendide dans ce qu'elle disait, l'émo­ bien aussi travailler des rôles pour des cinéma canadien a été ruinée par le tion qu'elle suscitait. Puis je me suis gens que j'aime beaucoup ici. Je pense « tax shelter » (l'abri fiscal). C'est dit: « Je n'ai pas envie de faire ce film à Gabriel Arcand, à Marcel Sabourin. une chose épouvantable qui a gonflé aux États-Unis parce que je n'ai pas — Pourquoi Monique Mercure? artificiellement les devis. Aussi la envie d'aller concurrencer les metteurs — II y a trois rôles principaux dans situation économique des techniciens en scène américains avec un thème de ce film. Nathalie Baye incarne une canadiens est-elle effroyable. À la fois western. » Il y a donc la possibilité de Française qui arrive de Lyon avec son à cause de la proximité de l'Amérique le faire dans l'Ouest du Canada fils dans une famille de Français, cou­ et aussi parce qu'on a réalisé des films anglais. Et puis, tout d'un coup, je me sine de son mari. Je voudrais Bernard ratés avec des budgets exhorbitants. suis dis: « Si je viens au Canada, je Giraudeau qui serait un photographe Les salaires sont insensés, dispropor­ ne peux pas tourner en anglais. J'ai qui travaille à la frontière tantôt pour tionnés. C'est finalement 40% au- été trop sensibilisé aux problèmes du l'armée canadienne, tantôt pour l'ar­ dessus des salaires des vedettes du cinéma québécois. » Il y a des cinéas­ mée américaine, et qui est une espèce cinéma français. Pour un cinéma tes ici que j'admire éperdument. J'ai d'aventurier. Et puis, il y a Monique francophone, je trouve qu'il y a là un eu l'impression que ce serait abomi­ Mercure qui personnifie cette femme problème absolument énorme. Et je nable de venir tourner en anglais. que le photographe a découverte jus­ ne vois pas comment ce problème peut D'autant plus que chaque fois que tement dans un camp d'Indiens, dans permettre une industrie cinématogra­ j'en parlais à des producteurs québé­ le Dakota et qui la ramène dans cette phique viable. Il risque de se passer cois, surtout Denis Héroux, ils me famille. exactement la même chose qu'en disaient: « ce sera en anglais, bien — Le film sera-t-il tourné dans les Angleterre où le cinéma national sûr. » Ça m'a renforcé dans l'idée que plaines ou dans une ville? anglais a été liquidé par l'Amérique. je tournerais en français. Et du coup, — Je veux une ferme isolée. Je suis Il n'y a plus de cinéma d'auteurs en j'ai adapté la situation à des colons en train de chercher des éléments de Angleterre, à cause de l'action des qui viennent de Lyon. décor. Mon assistant est déjà au syndicats qui ont exigé les avantages — Cette nouvelle a donc servi de point Manitoba. J'y vais y passer un mois. de l'Amérique et qui ont voulu les de départ au scénario? — Est-ce qu'il s'agit d'une étendre à tous les secteurs de la pro­ — Elle a servi de point de départ. coproduction? duction. Espérons que le cinéma cana­ Cette nouvelle est magnifique et — En bien! pour le moment je cher­ dien et québécois s'en sortiront. émouvante sur les rapports entre une che. En France, j'ai trouvé. Il y aura Encore une fois, je le dis: il y a au femme qui a vécu trente-cinq ans chez peut-être l'O.N.F., au Canada, qui Québec des cinéastes que j'aime les Indiens (ce sera Monique Mer­ participera. Une partie de l'histoire éperdument. 36