Université de Paris 8 Vincennes/St Denis Mémoire de maîtrise Année 1999-2000

Naissance de la batterie de

Dirigé par M. Philippe MICHEL

BOSSARD Jérôme N° d’étudiant 116496

1 I. Conditions de création du Jazz et de la Batterie (Etat des lieux Politique et Sociologique des Etats Unis) p.5 1. Situation des noirs p.5 2. Situation des blancs p.9 3. Situation des métisses ou créoles p.10 4. La Nouvelle Orléans p.10

II. Création de la batterie p.15 1. Etat des lieux Musical p.15 a. Apport d’origine occidentale p.15 • La grosse caisse p.15 • La caisse claire et le tambour p.15 • Les timbales p.16 • Les cymbales p.17 • Les baguettes, balais et autres mailloches p.18 b. Apport d’origine africaine p.19 c. Autres apports p.21 • Le tom-tom p.21 • Les cymbales chinoises p.23 • Les blocks chinois et temple blocks p.23 • Les cloches et autres instruments métalliques p.24 2. Le Ragtime et ses batteurs p.25 3. Des parades aux salles de danses p.25 4. La pédale de grosse caisse p.26 5. La pédale hi-hat p.29 6. Autres innovations techniques p.30 7. L’enregistrement et la batterie p.31

III. Les pionniers p.33 1. Les percussionnistes de Brass Band ou Marching Band p.33 • John ROBICHAUX p.35 • Albert GLENNY p.35 • Booker T. GLASS p.35 • Black Benny WILLIAMS p.36 • Abbey FOSTER p.36 • Josiah FRAZIER p.36

2 2. Les premiers batteurs p.37 • Dede CHANDLER p.37 • Dave PERKINS p.38 • Jack LAINE p.38 • Louis Sr COTTRELL(E) p.39 • Henry ZENO p.41 • Walter BRUNDY p.41 • Minor HALL p.41 • Alfred HALL p.42 • Paul BARBARIN p.43 • Louis BARBARIN p.44 • Alexandre Louis BIGARD p.45 • Vic BERTON p.45 • p.46

IV. Le style Nouvelle Orléans (ou jazz) p.48 1. Définition d’un des premiers genre p.48 2. Un modèle du genre: Warren «baby » DODDS p.51

V. L’un des grands pionniers : James «Zutty » SINGLETON p.54 1. Biographie p.54 2. L’association avec Satchmo p.63 3. Parallèle entre DODDS et SINGLETON p.64

VI. L’ère du Swing p.66 1. Chicago/ New York p.66 • Dave TOUGH p.68 2. Les Big-Bands p.69 • Sonny GREER /Duke ELLINGTON 1920-1951 p.70 • Sam WOODYARD /Duke ELLINGTON 1955-1966 p.71 • Jo JONES / 1935 p.72 • Sonny PAYNE /Count BASIE 1955-1965/1973 p.73 • Jimmy CRAWFORD / Jimmie LUNCEFORD p.75 • Chick WEBB p.75 3. Les batteurs Show man p.76 • Gene KRUPA p.77 • Buddy RICH p.82

3 4. Autres batteurs p.83 • Ray BAUDUC p.83 • Cozy COLE p.85 • Sidney CATLETT p.85

VII. Le Be Bop et ses ouvertures p.88 1. Bouleversements p.88 2. Le New Orleans Revival p.88

VIII. Annexes p.89 1. Abréviations et termes utilisés p.89 2. Notes sur les batteurs cités p.89 a. Baby DODDS p.89 b. James “Zutty” SINGLETON p.91 c. Dave TOUGH p.93 d. Sonny GREER p.94 e. Sam WOODYARD p.95 f. Jo JONES p.95 g. Sonny PAYNE p.96 h. Jimmy CRAWFORD p.97 i. Chick WEBB p.97 j. Gene KRUPA p.98 k. Buddy RICH p.99 l. Ray BAUDUC p.100 m. Cozy COLE p.101 n. Sidney CATLETT p.102 3. Bibliographie générale p.102 4. Documents et sites Internet consultés p.103 5. Filmographie p.104 6. Iconographie p.104 7. Base de données des batteurs jusqu’à Jo Jones p.104

4 I.Conditions de création du Jazz (état des lieux politique et sociologique des Etats-Unis) 1. Situation des noirs : En 1750, on dénombre environ 236 000 esclaves noirs dans les colonies britanniques d’Amérique du Nord, dont 200 000 environ répartis dans les plantations du Sud1. Le besoin de main d’œuvre est croissant car les exploitations s’agrandissent du fait de la demande grandissante de la consommation européenne de produits exotiques. Pour comprendre le point de départ de la condition des noirs et la considération qu’on leur portait, voici une définition du dictionnaire encyclopédique de Diderot et d’Alembert : « Nègres : considérés comme esclaves dans les colonies de l’Amérique. L’excessive chaleur de la zone torride, le changement de nourriture et la faiblesse des hommes blancs, ne leur permettent pas de résister dans ce climat à des travaux pénibles. Les terres de l’Amérique, occupées par les Européens, seraient encore incultes, sans le secours des Nègres, que l’on y a fait passer presque toutes les parties de la Guinée. Ces hommes noirs très vigoureux et accoutumés à une nourriture grossière, trouvent en Amérique les douceurs qui rendent la vie animale bien meilleure que dans leur pays. Ce changement en bien les met en état de résister au travail et de se multiplier abondamment. » En 1794, la France, deux ans après le Danemark, abolit l’esclavage grâce aux arguments de l’abbé Grégoire. Mais le commerce se réveillera de nouveau en 1799, Bonaparte estimant qu’un commerce si lucratif ne pouvait être abandonné. Officiellement, les Etats-Unis s’opposent à l’importation d’esclaves africains le 2 mars 1807. Décision prise pour se donner bonne conscience mais qui sera vaine. Suivront ensuite la Suède (1813), la Hollande (1814), l’Espagne (1820), le Portugal (1830) et enfin la France (1848). Malgré ces nombreux décrets le commerce des négriers se poursuit sans être très sérieusement inquiété. Avant de débarquer la «marchandise », on prend soin de jeter vivant les rescapés de la traversée qui montreraient des signes de faiblesse. Les survivants sont maquillés, pour cacher d’éventuels défauts, on les enduit d’huile de palme, on améliore la nourriture, on les rase de prêt et on les coiffe. Ils doivent avoir fière allure pour séduire les planteurs. Quant aux femmes enceintes accompagnées de jeunes enfants ou de bébés, elles valent plus cher que les hommes. Les acheteurs inspectent minutieusement les esclaves, comme on traiterait du vulgaire bétail : on examine les yeux, les dents, la peau, les articulations… On les vend par lots, aux enchères, pour pouvoir se

1 N. Balen : L’odyssée du jazz, Liana Levi (1993)

5 débarrasser de certains jugés médiocres placés dans un lot avec des «morceaux de choix ». Ils sont ensuite marqués au fer, portant ainsi les initiales de leur maître sur le torse ou sur l’épaule. On les conduit finalement aux plantations où ils travailleront sans relâche du matin au soir, sous surveillance de gardiens souvent agressifs, uniquement préoccupés par le rendement maximum. Il n’est pas rare de voir des ouvriers travailler au milieu de la nuit dans les champs bien qu’ayant commencé le travail aux premières lueurs du jour. La production passera ainsi de 80000 tonnes en 1815 à 1150000 tonnes en 1861. Certains meurent peu de temps après leur débarquement et la natalité est faible, car les noirs estiment, à juste titre, qu’il est inutile de mettre au monde des enfants qui seront voués à devenir eux aussi des esclaves. Les planteurs de certains états décident donc de faire de «l’élevage ». Comme pour les bêtes, on choisit des étalons et des reproductrices et l’on impose aux femmes d’avoir un enfant par an. Vers l’âge de douze ans, l’enfant est jugé apte au travail ou est vendu à un autre planteur. C’est le maître qui décide de tout, même de la vie familiale de ces esclaves. Ils ne peuvent se marier car ce n’est pas reconnu par la loi. On sépare ainsi les différentes ethnies pour parer à tout regroupement qui serait un vivier de rébellion ou de suicide collectif. On anéantit tout ce qui fait l’organisation sociale, culturelle de ces peuples. Les couples mariés sont séparés à leur arrivée. On institue les Black Codes, destinés à éradiquer toute trace de la culture africaine et à limiter le contact avec le monde extérieur. Les noirs ne peuvent pas se battre entre eux, jurer, posséder de l’alcool, vendre quoi que ce soit, parler dans leur langue (seul l’anglais est toléré), porter des parures, pratiquer leurs religions et les coutumes ainsi que l’utilisation d’instruments de musique. On effectue des fouilles dans les cabanes des esclaves pour y confisquer des armes, des objets dérobés ou bien encore des flûtes et des tambours fabriqués clandestinement. Les blancs savent qu’il est primordial de réprimer fortement la possession d’instruments de musique, car les esclaves pourraient ainsi communiquer et organiser une rébellion. Dans les colonies espagnoles et portugaises, les lois seront plus souples et l’on a vu ainsi se développer des musiques populaires aux polyrythmies très riches dans les Caraïbes, au Brésil et dans les pays latino- américains en général. Les esclaves n’ont plus que le chant pour exprimer cette culture éclatée. On verra ainsi se développer les chants de travail (Work- songs) qui leurs permettent de se «rassembler ». On les trouve surtout dans les champs de coton, sur les chantiers comme le chemin de fer ou dans les prisons, ils sont souvent basés sur des questions (le meneur) et des réponses (le chœur). Ils leur permettent de perpétuer un mode

6 de fonctionnement ancestral africain qui consiste à chanter pendant le travail pour minimiser ou alléger la peine. Ainsi un groupe affecté à la même tâche travaillera dans le même rythme. Le procédé est simple, si vous devez soulever une très lourde charge, il est nécessaire de s’accorder sur le moment où tout le monde va fournir l’effort. On conviendra par exemple que lorsque l’on aura compté jusqu’à trois il faudra soulever et on recommencera jusqu’à accomplissement de la tâche. Les noirs eux chantent et conviennent qu’au premier temps, par exemple, on fournira l’effort. Cette dernière technique alliant l’effort et le plaisir de chanter, on pourra ainsi l’appliquer à d’autres situations comme par exemple un groupe de personnes affecté à des tâches différentes, le fait de chanter ensemble motivant le groupe entier par le simple fait de ne pas se sentir seul, de former une unité. On a put constater que ces modes de fonctionnements ont perduré dans les pénitenciers, où les conditions de travail ressemblent à ceux des esclaves, jusque dans les années 1960, certains ayant été enregistrés. Dès 1750, un grand mouvement religieux s’étend à travers les colonies américaines. La publication d’ouvrages réunissant des hymnes et des psaumes, introduits 50 ans auparavant par le pasteur et médecin Isaac Watts en Nouvelle-Angleterre, eut un impact sur les esclaves évangélisés, de gré ou de force, par leurs maîtres protestants. Les noirs vont ainsi transposer leurs croyances dans la religion chrétienne. Mais l’absence de fétichisme (contrairement aux Caraïbes et en Amérique du sud), si cher à leur religions, freine l’enthousiasme des esclaves pourtant habitués au surnaturel et au sens du divin. Il faudra donc attendre le second awakening (second réveil) qui surviendra entre 1780 et 1850. Les noirs et les blancs se retrouvent pour des veillées et des journées de prières, mais ce sont les noirs qui font le plus preuve d’enthousiasme de part leurs chants et leur inventivité. Ils utilisent peu les chants des cantiques et leurs préfèrent des mélodies de leur cru et inventent spontanément des textes, des déclarations, des prières en y insérant des textes des écritures. Tout ceci est typiquement issu de cette tradition africaine de questions- réponses et d’improvisation. On y voit aussi des danses sacrées (shuffle) effectuées rituellement en cercle et accompagnées de spirituals chantés. Cette ferveur dans le chant et dans la danse nous renvoie immédiatement vers les traditions religieuses africaines de transe de dépassement de soi, d’extase, d’habitation de quelque esprit. Petit à petit les noirs construisent des églises et l’on voit ainsi naître des paroisses noires indépendantes. D’après Jacques B. Hess, spécialiste chargé de cours à la Sorbonne, les paroles des spirituals ne font pas grand cas des concepts de la religion protestante telle qu’elle est pratiquée par les blancs. Ils

7 ne les déforment pas par maladresse ou naïveté mais bien pour y glisser les messages de vieux Work songs codés. Rapidement les noirs s’identifient, par analogie, aux Juifs oppressés par les Egyptiens, et la terre promise (Canaan) est pour eux le Canada, là où l’esclavage n’existe pas. Martin Luther King dira d’ailleurs à ce propos2 : « Nos negro-spirituals, aujourd‘hui si admirés dans le monde entier, étaient souvent des codes. Nous chantions le Ciel qui nous attendait et les maîtres d’esclaves écoutaient en toute ignorance, sans se douter que nous ne parlions pas de l’au-delà. Le mot Ciel désignait le Canada ». Un autre témoignage nous rapporte ce point de vue quand James Baldwin dit 2: « Les Nègres peuvent chanter le gospel comme nul autre parce qu’ils ne chantent pas le gospel, si vous voyez ce que je veux dire. Quand un Nègre cite l’Evangile, il ne cite pas : il vous raconte ce qui lui est arrivé le jour même et ce qui va certainement lui arriver demain, […] il ne chante pas un voyage en Egypte il y a deux mille ans, mais sa mère, son père et lui-même et ces rues juste là dehors, mon frère, ces rues devant chaque porte, ces rues que nous arpentons, toi et moi, et que nous continuerons d’arpenter… ». Vers 1860, 4 millions et demi de noirs résident aux Etats-Unis. 30% des esclaves se trouvent dans les états du sud. Après la capitulation du sud, les nordistes démantèlent les exploitations. Mais les promesses de « 40 acres et la mule pour chaque esclave » ne seront pas tenues pour la plupart des noirs désormais émancipés. Ils restent pauvres, donc impuissants devant les spéculateurs et les fraudeurs venus du nord. Lorsque les troupes se retireront des états du sud, les noirs se retrouvent alors exposés à l’envie de revanche des sudistes. C’est à travers le Ku Klux Klan que, dans l’ombre, vont être martyrisés, mutilés, tués les anciens esclaves. La terreur règne et frappe n’importe où. En 1871, 297 noirs seront lynchés en un mois à la Nouvelle Orléans, 200 assassinés en une semaine dans le Mississippi, 832 pendus en 1883 dans le comté de Tallahatchie et plus de 1100 mourront entre 1900 et 1914 dans le sud des Etats-Unis. C’est la période des lois ségrégationnistes en vigueur dans les lieux publics. Les droits politiques des noirs sont annihilés dans tous les états du sud. Et la crise économique des années 1890 aggravera leur situation faisant de leur insertion une mission impossible. On les retrouvera sur les routes des grandes villes du nord, attirés par les grands pôles industriels, mais ce ne sera que misère, chômage et ghettos. Ces périodes difficiles amplifieront leur ferveur religieuse et donneront naissance au Blues.

2 N. Balen : L’odyssée du jazz, Liana Levi (1993)

8 2. Situation des blancs La culture Blanche est la culture dominante aux Etats-Unis car elle fut imposée à tous ceux qui la côtoyaient de prêt ou de loin. Les blancs ont le pouvoir économique et militaire qui leur permet d’asservir les autres peuples. A la Nouvelle Orléans ce sont le plus souvent des propriétaires de grandes plantations (on les appelle les planteurs), des hommes d’affaires, des militaires ou des hommes d’église. Ils imposeront ainsi leur esthétique dans tous les domaines, reniant toute autre culture dans une certaine autosuffisance. Leurs esclaves devront se convertir au catholicisme et renier, du moins en apparence, leurs croyances. Les blancs amènent avec eux leurs modes de pensée, leur musique (un grand nombre possèdent des pianos, seul moyen d’avoir de la musique avant l’invention de la radio et ils organisent ainsi des concerts chez eux ou bien dans des salles prévues à cet effet, comme les opéras, les opérettes, les musiques symphoniques, etc.), leur architecture, leurs structures sociales et politiques, leurs journaux. Ils s’installeront dans des quartiers réservés, à part, uniquement accessibles aux personnes riches et tout est fait pour qu’ils gardent toujours le contrôle, même après l’abolition de l’esclavage. Ils possèdent toutes les grandes institutions médiatiques (journaux, radio, maison de disques), ce qui facilitera la diffusion des musiciens blancs qui, en ce début de siècle, copient la musique des noirs avec nettement moins de brio. Il n’y a qu’à écouter le premier disque de jazz, paru en 1917, enregistré par l’Original Dixieland Jazz (ou Jass) Band et ceux qui suivront enregistrés par des noirs, pour se rendre compte du fossé qu’il pouvait y avoir entre les deux « écoles ». Un autre exemple fut la grande carrière de Benny Goodman, qui jouait de manière très véloce et correcte, qui fera de multiples concerts et tournées mais qui musicalement ne valait pas les clarinettistes noirs de l’époque, mais fut très médiatisé. Il est d’ailleurs curieux de voir que les blancs, qui se voulaient un modèle de culture, copient ainsi la musique noire, ces derniers l’ayant créée à partir de concepts en parti issus de la musique blanche. Mais il ne faut pas oublier que certains blancs vivaient de façon très médiocre3. Ils étaient ouvriers, journaliers aussi mal lotis que les anciens esclaves noirs et vivaient généralement dans les mêmes quartiers que ces derniers, desquels ils sont plus proches que des créoles.

3N. Balen : L’odyssée du jazz, Liana Levi (1993)

9 3. Situation des métisses ou créoles Les grand propriétaires blancs ont parfois eu des relations plus ou moins assumées et reconnues avec des esclaves. Certains se mariaient, d’autres reconnaissaient leur descendance et les derniers niaient tout4. D’où une ambiguïté naturelle plus ou moins bien supportée. Les créoles, ou métisses, étaient dans l’incapacité de se faire adopter par la communauté blanche à laquelle ils vouent une admiration, et ils ne peuvent supporter l’idée d’êtres assimilés aux noirs. D’où une rivalité dans de nombreux domaines quelquefois très féroce avec les noirs. Ils avaient aussi leur propre quartier qui à la Nouvelle Orléans s’appelait le French Quarter situé Downtown. Ils formaient une communauté cherchant à tout prix à ressembler aux blancs. Leurs connaissances de la culture occidentale étaient importante car ils avaient accès à l’éducation. C’est une petite bourgeoisie qui se développera ainsi, ayant ses propres journaux et multipliant à outrance les signes extérieurs de richesse. Musicalement ils étaient pour la plupart de très bons lecteurs et leur connaissance du répertoire de la musique classique donnera entre autres le ragtime, qui à la base est un détournement de morceaux de musique classique auquel on a plaqué un rythme plus haché, plus saccadé. Ils formeront aussi des ensembles à cordes, les string bands, des orchestres à vent ou des fanfares, car ils connaissaient bien la musique de chambre et la musique militaire. Jelly Roll Morton dira d’ailleurs : « C’est la formule maîtresse du jazz, le savoir des mulâtres mûrit par le chagrin des noirs »4

4. La Nouvelle Orléans (New Orleans) C’est en 1717, qu’à Paris, la Compagnie de l’Ouest, appartenant à M. John Law, prit la décision de créer une nouvelle cité dans une région dont elle avait le contrôle : la Louisiane. Les colons décidèrent d’appeler ce nouveau port la Nouvelle Orléans, du nom de son régent le Duc d’Orléans, et d’en faire un grand centre de commerce du fait de sa position stratégique à l’entrée de la vallée du Mississippi. Il semble5 que ce fut Jean Baptiste Le Moyne, sieur de Bienville, qui décida de l’endroit exact de sa fondation estimée à 1718.Les bâtisseurs eurent quelques problèmes dus aux nombreux marais, au climat agité (tempêtes, orages), la région étant de plus très humide et infestée de moustiques. Toutefois un ingénieur du nom d’Adrien de Pauger dressa un premier plan de la ville qui semble correspondre à ce que l’on

4 N. Balen : L’odyssée du jazz, Liana Levi (1993)

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10 connaît aujourd’hui sous le nom de Vieux Carré, formant un parallélogramme de 66 blocks. Les premiers habitants étaient un vaste mélange coloré de bûcherons Canadiens, d’ouvriers des compagnies, de militaires, d’esclaves, de femmes aux vertus douteuses et de diverses gens. Au premier recensement datant de 1721, la Nouvelle Orléans comptait 470 personnes, dont 277 blancs, 172 noirs et 21 esclaves indiens. En 1722, elle devient la capitale de la Louisiane et en 1731 elle repasse sous le contrôle de la couronne française. Des colons «plus respectables » débarquent alors mais la plupart sont dans des situations très précaires. La croissance économique est due surtout aux cultures voisines vouées à l’exportation comme le tabac et celles de légumes et de riz pour la consommation locale. Les constructions navales étaient aussi exportées. En 1762, la France, bien décidée à se débarrasser de ce port improductif, avait secrètement convenu de céder la partie de la Louisiane à l’ouest du Mississippi ainsi que la Nouvelle Orléans à l’Espagne, ce qui fut fait grâce au Traité de Paris de 1763. Après une courte rébellion, les habitants de la Nouvelle Orléans apprécièrent cette période de calme et de prospérité soumis aux lois Espagnoles, alors que le commerce avec les Colonies Britanniques s’intensifie contrairement aux restrictions espagnoles. Pendant ce temps là, les colonies britanniques progressent vers l’ouest pour arriver aux rives du Mississippi. Dans la décennie que dura la Révolution Américaine, les «kaintucs » commencèrent à descendre la rivière jusqu’à la Nouvelle Orléans. Plusieurs fois les officiers Espagnols suspendirent le droit des Américains de débarquer leurs produits à la Nouvelle Orléans en réponse aux agissements des gardes frontières américains dans les villes du nord. En 1800, la Louisiane fut secrètement rendue à Napoléon. Celui- ci la vendra aux Etats Unis en 1803. En cette année 1803 la population a atteint les 8 000 personnes dont 4 000 blancs, 2 700 esclaves et 1 300 affranchis de couleur. La prospérité de la Nouvelle Orléans est significative aux regards des chiffres : 2000000$ d’exportations, pour cette année, principalement vers les ports américains. Au fur et à mesure que la ville gagne sur des terres hors des limites fixées à l’origine, une des premières parcelles acquises, jouxtant l’uptown du Vieux Carré et séparé par une rue qui porte aujourd’hui le nom de Canal Street et New Orlean’s main Street, deviendra le Faubourg Ste Marie. Il devint le quartier américain au début du 19ème siècle et le quartier des affaires. D’autres Faubourg furent ajoutés autour et deux bourgades ainsi que la partie située de

11 l’autre côté du fleuve furent finalement absorbées dans les années 1870. Durant la guerre de 1812, elle fut assaillit par les forces britanniques venues par le golfe du Mexique. Elle rentre alors dans l’Union et les esclaves se réunissent chaque dimanche en un lieu appelé Congo Square, dans les terrains vagues situés au Nord-Ouest de la ville. Ils y chantent, dansent, se remémorent leurs coutumes africaines. Le vaudou y est très présent et son influence sur la ville devient considérable lorsque des esclaves Haïtiens arrivent en masse après la Révolution. On y trouve un mélange de sorcellerie, de chrétienté, d’idées égalitaires issues de la Révolution française. Le 8 janvier 1815, Gen Andrews et quelques volontaires gagnèrent une bataille mémorable et sauvèrent la ville alors même que la guerre était finie. Les 40 années suivantes représentent l’âge d’or de la Nouvelle Orléans : le grand port du coton. Le premier bateau à vapeur qui rallia la ville, en 1812, fut appelé le New Orleans. Les bateaux à vapeur du fleuve Mississippi furent bientôt 400 en l’année 1840, et le commerce local ne cessa de croître, atteignant les 54000000$ en 1835. En 1840, le port était le 4ème mondial et après 1840 les canaux et chemins de fer rallièrent New York. Des immigrés allemands et irlandais débarquèrent en masse dans les années 1840. En 1850 la population atteignait les 116 375. Mais la ville n’avait pas été conçue pour tant de monde : l’eau provenait de la rivière ou des citernes, le drainage et les égouts étaient insuffisants si bien qu’il était fréquent qu’après de fortes pluies la ville fut comme noyée. Le choléra se manifesta, ainsi que la fièvre jaune, particulièrement violente en 1853 et faisant quelque 8 000 morts. Durant la guerre civile, sa position stratégique fut mal appréciée par les Confédérés. L’Union, dirigée par David Farragut, fut en mesure de prendre la cité en avril 1862. Le général Benjamin Butler en prit le commandement militaire et les officiers de la ville furent mis à pied. Butler fut ensuite nommé commandant par Nathaniel Banks à la fin de l’année 1862, mais son bref passage resta tristement célèbre auprès de la population tant son régime était strict. Pendant la période de reconstruction, de 1865 à 1877, les tensions raciales étaient très vives. Les «Scalawags » (blancs du sud qui avaient collaborés avec les Républicains) et les «Carpetbaggers » (nordistes accusés d’avoir profité de la situation pour s’enrichir) coopérèrent pour prendre le contrôle politique de la ville et de l’état tout entier avec le soutient des votants noirs. L’amnistie de 1872 fut salvatrice pour les ex- Confédérés et la municipalité revint ainsi sous le contrôle blanc traditionaliste alors que l’état et la police de la ville repassèrent sous le

12 contrôle des Radicaux Républicains jusqu’en 1877. En 1880, la dette de 24000000$, creusée pendant le régime des « Carpetbaggers », créa une crise administrative. La municipalité devait payer sous peine de ne plus voir aucun prêt lui être attribué. Dans les 20 dernières années du 19ème siècle, la Nouvelle Orléans marqua un arrêt dans son évolution. Entre 1840 et 1900, elle passa de la 3ème à la 12ème place au niveau national, alors que sa population passait, elle, à 287 104 personnes. En 1896, un conseiller municipal, Sidney Story, promulgua un arrêté qui était destiné à cantonner la prostitution à un quartier de 38 pâtés de maisons voisin de canal street. Un plaisantin surnomma ce quartier Storyville, nom qui restera dans l’histoire. La fièvre jaune revint après la guerre civile et ne fut éradiquée totalement qu’en 1906. En 1917, à la demande du haut commandement de la marine le tenderloin (qui avait pour réputation d’être le quartier réservé le plus en vue après Paris) fut définitivement fermé. On lie souvent ce dernier événement avec la migration d’une grande partie des musiciens de la Nouvelle Orléans, privés ainsi des lieux où ils se produisaient, pour gagner les villes du nord, comme Chicago, plus « vivantes ». Au début des années 1920, les bateaux à vapeur, ne pouvant pas rivaliser avec le rail, disparurent. Le port de la Nouvelle Orléans attirait moins de fret ferroviaire que les grandes gares de l’est du pays. Avec le développement des barges énormes et des towboats capables de transporter des quantités supérieures aux cargos, le port se ravisa pour devenir le second du pays pendant la 2nde guerre mondiale. Ainsi la Nouvelle Orléans (la Cité du Croissant) est un trait d’union entre les Antilles et l’Amérique latine, de part son port, ouverte sur l’Europe et l’Afrique, au croisement des chemins ralliant le Nord et le Sud des Etats Unis, grâce à cette énorme artère qu’est le Mississippi. Elle réunira en un même lieu de multiples origines : descendants d’immigrants français (dont les Acadiens fuyant le Canada), espagnols, hollandais (grands commerçants), italiens, anglais, grecs, irlandais, allemands, esclaves noirs africains, rescapés des révolutions des Caraïbes. Cité unique en son genre, immense brassage culturel, creuset d’énorme richesses potentielles. Malgré cela, il ne faut pas oublier que les quartiers étaient bien délimités : Uptown (à l’ouest de Canal street) ce trouve le quartier noir et Downtown (à l’est de Canal street), là où se trouve le ‘quartier français’ (french quarter), Storyville, le quartier créole. Les blancs se cantonnant eux dans des grandes bâtisses plus isolées où sur des boulevards comme l’Avenue St Charles réputées pour ses « millionnaires ». Plusieurs endroits sont propices aux échanges musicaux, comme le lac Pontchartrain où les néo-orléanais aiment à se

13 promener. Storyville et sa périphérie sont très animés du fait des nombreux saloons, honky tonks, cabarets, dancings et autres bars possédant quasi systématiquement des pianos où faisant appel à des orchestres pour faire la fête. Les théâtres, les fêtes (Mardi-gras, fêtes de toutes sortes, enterrements, mariages,…), les cérémonies sont autant de prétextes à faire de la musique, avec la présence de marching band ou brass band qui quelques fois, au croisement de rues, s’adonnaient à des joutes arbitrées par les applaudissements des badauds (la second line). Dans ce contexte riche en cultures de toutes sortes, il n’est pas étonnant que le jazz et la batterie de jazz y soient nés.

14 II.Création de la batterie 1. Etat des lieux musical a. Apport d’origine occidentale • La grosse caisse6 La grosse-caisse (bass drum/tambour grave) fut utilisée dans les ensembles de percussions les plus anciens des USA au cours du XIXème siècle. C’était un fut en bois de 51 cm de diamètre et de 36 cm de profondeur (pour les petites grosse-caisses en usage dans l’armée) qui pouvait atteindre 71 à 76 cm par 46 cm. On tendait de chaque côté des peaux de veau par un système de tensions de cordes ou plus tard par des simples ou double. Plus tard on lui fixa toutes sortes d’accessoires comme les cymbales, les cloches, les wood-blocks, les tom-toms, les sonnettes pour colorer et enrichir cet instrument. Beaucoup de grosse-caisses ont été superbement décorées par des peintures ou des dessins sur la peau de devant (front head par opposition avec la peau de frappe). A la fin des années 1920, les fûts furent recouverts par des laminés plastiques de différents genres et de différentes couleurs, et les décorations des peaux furent remplacées par les initiales du batteur ou du chef d’orchestre. Dans les années 1930, la grosse-caisse standard faisait 56 cm de diamètre et 36 de profondeur et les principales innovations étaient l’ajout de sourdines externes, les coquilles de tensions, les pieds télescopiques et les peaux plastiques. La fibre de verre, le plastique et les fûts en métal furent fabriqués dans les années 1970 et dans les années 1980 ont vit apparaître l’utilisation de bois naturel (en réaction à l’utilisation d’agglomérés recouverts d’un plaquage). Par l’utilisation de plus en plus intensive des musiciens (surtout dans le rock) la conception des instruments a été renforcée et la taille de la grosse-caisse a quelque peu changée durant les années 1980.

• La caisse claire et le tambour7

6 iconographie n°02-04 à 14 7 iconographie n°03-08-12-15-16

15 La seule caisse claire utilisée dans les ensembles de percussions était le tambour (shallow snare drum, tambour peu profond), populaire en Europe et aux Etats-Unis depuis le milieu du 19ème. Il avait un fût et des cercles fait de bois ou de métal, un timbre en boyaux, des cordes pour tendre les peaux et il faisait approximativement 38 cm de diamètres par 10 à 20 cm de profondeur. Les premiers batteurs placèrent le tambour sur des chaises, mais une position plus confortable fut trouvée en 1898 avec l’invention d’Ulysses Leedy avec son pied (trépied) de caisse claire dont on pouvait ajuster (hauteur et/ou resserrement de la fixation à trois bras de la caisse claire, nous n’en savons rien). La structure de la caisse claire a été modifiée depuis sa première apparition dans le set de batterie. Des sourdines internes sont apparues en 1900, et dans les années 1910 on construisit des instruments tout en métal dans diverses tailles, et à partir de 1918 les timbres en boyau furent remplacés par des timbres en acier et un mécanisme pour jouer avec ou sans le timbre fut installé. Dans les années 1920 on perfectionna le système avec des timbres à tension variable d’un seul côté ou parallèlement (système de tension de chaque côté). On pouvait aussi voir des caisses claires en bois avec des tirants et des cercles en métal, le tout dans des finitions diverses et variées, incluant couleurs de bois différents, de l’or ou de l’argent et des imitations de perles. Les fûts en métal étaient souvent très ouvragés ou avaient des cercles plaqués or. Plus tard on verra des modifications de toutes sortes avec par exemple des cercles moulés, des tirants, des peaux plastiques et des fûts plus profonds. Chancey Morehouse contribua au développement du set de batterie au alentours de 1932 en créant un set de 14 caisses claires accordées chromatiquement.

• Les timbales8 De nombreux orchestres de jazz utilisaient, durant les années 1920 et 1930, des timbales dans leur set de batterie, ou plutôt leur set de percussions. Les Scranton

8 iconographie n°19

16 Sirens en 1921, les Moulin Rouge Syncopators, au début des années 1920, mais aussi les orchestres dirigés par Chick Webb ou Duke Ellington dans les années 19309. Mais très peu enregistrèrent avec ses énormes tambours, lourds à transporter, très difficile à accorder (du fait des peaux animales sensibles à la moindre variation de température ou d’hygrométrie, et de la difficulté à tendre uniformément les peaux). Tout de même, Vic Berton10 fera plusieurs enregistrements avec Red Nichols et ses Five Pennies, où il joue les basses et quelques solos intéressants, mais avec des timbales à pédales.

• Les cymbales11 Dans les premiers sets de batterie , une cymbale turque (généralement de 36 cm de diamètre ou moins) était accrochée au cercle de la grosse-caisse parallèlement à la peau de frappe. Connue comme une cymbale « zinger », elle était frappée par une petite tige métallique rattachée à la batte de la grosse-caisse. Avant la cymbale était frappée à chaque coup de grosse-caisse, mais plus tard la cymbale possédera une batte qui pourra s’ôter pour laisser la grosse-caisse sonner seule. Les cymbales zinger étaient aussi très populaires auprès des batteurs durant les 20 premières années du 20ème siècle. Au début du siècle, deux autres genres de cymbales furent ajoutés au set de batterie : la cymbale chinoise12 et une autre cymbale turque ou une cymbale en cuivre fabriquée aux Etats Unis. Elles étaient suspendues sur des potences réglables attachées au cercle de la grosse caisse, ou bien suspendues à des gros ressorts de 15 centimètres environ. Dans les années 1930, les musiciens intégreront dans leur set de plus en plus de cymbales, surtout des turques (fabriquées aux Etats Unis), leur taille variant de 10 centimètres, pour les Spalsh, à 41 centimètres, pour les ride. Dans les tailles intermédiaires on trouve aussi les Crash. Le set de Gene KRUPA de 1938 est

9 voir aussi VI. 2. Les big-bands 10 voir III. 2. Les premiers batteurs 11 iconographie 01-09-10-12-20 12 voir II. 1. c. Autres apports

17 très représentatif : 2 splash (pour créer de nouveaux effets), 2 crash (36 centimètres, pour produire des accents mais pas pour le tempo), 2 cymbales charleston (30 centimètres) et une cymbale grecque (5 centimètres, accrochée sur le cercle de la grosse caisse). D’autres batteurs y ajoutaient aussi un cymbale qu’ils étouffaient, très fine et de 10 à 20 centimètres pour exécuter des figures syncopées. Les cymbales cloutées, utilisées dans les années 1920, sont des cymbales turques ou chinoises sur lesquelles on fixe des rivets. Lorsque l’on frappe la cymbale elle fait vibrer les rivets faisant durer le son plus longtemps. C’était un accessoire très prisé des batteurs dixieland des années 1930 et de bopeurs des années 1960. Les grandes cymbales turques, plus connues sous les noms de top cymbal ou cymbales ride, mesuraient de 46 à 66 centimètres et furent fabriquées à partir de la fin des années 1930 pour répondre au besoin des batteurs de big band et du bop. Ces cymbales deviendront un élément incontournable du set de batterie de base.

• Les baguettes, balais et autres mailloches C’est dans les années 1920 que les fabricants de batterie commencèrent à concevoir des baguettes plus spécialement adaptées aux batteurs d’orchestres de jazz ou de danse. La plupart des baguettes étaient les mêmes que pour tous les batteurs, mais au milieu des années 1920 des baguettes Charleston, légère et fine, furent conçues pour le jeu « hot-cymbal » exécuté sur les cymbales Charleston. Dans les années 1930, certaines compagnies mirent, sans grand succès, sur le marché des baguettes en matériaux synthétiques comme la fibre de verre ou le plastique. Les baguettes devinrent ensuite disponibles en différentes tailles, grosseurs, poids, essences de bois, et dans différentes tailles et de formes d’olives. Les olives (partie placée au bout de la baguette et servant à frapper) en plastique (nylon tips), étaient conçus afin d’accroître la longévité des baguettes en bois, introduites dans les années 1960, on vit alors arriver différentes baguettes « hybrides »,

18 comme des modèles tout en métal ou ayant une olive en métal. De nombreux batteurs des années 1950, comme Sonny Greer, Chick Webb ou Elvin Jones, utilisèrent des baguettes de timbales (ou mailloches, terme général pour toute baguette ayant une partie sphérique à la place de l’olive).Les baguettes de timbales sont composées d’un manche en bois, en aluminium ou en plastique et la tête est faite de feutre, de bois, de plastique ou de coton, très pratique pour jouer sur les toms. Il existe même des baguettes dont un bout comporte une olive et l’autre ressemble à l’embout d’une baguette de timbale, ainsi en retournant les baguettes on peut jouer la batterie normalement ou avec un son feutré. Les balais sont composés d’un grand nombre de brins métallique qui peuvent être déployés ou rentrés à l’intérieur du manche (lorsque l’on ne les utilise pas) de manière télescopique. Ils furent inventés afin que les batteurs réduisent considérablement le volume sonore de leur instrument, mais certains comme Baby Dodds on préféré ne jamais s’en servir et développer un jeu de roulement plus fin et suffisamment doux pour répondre à cette demande sans dénaturer leur jeu On peut les entendre pour la première fois sur un disque à la fin des années 1920, quand o, les substitua aux baguettes pour les morceaux « doux ». Quelques modèles dérivés de l’original, désignés en 1912 sous le nom de Fly- swatters (tapette à mouche), furent commercialisés, comme les balais non rétractables, les balais à manche de baguette et les balais dont les brins sont en plastique. b. Apport d’origine africaine Il reste aux esclaves que le chant pour exprimer cette culture éclatée. On verra ainsi se développer les chants de travail (Work- songs) qui leurs permettent de se «rassembler». On les trouve surtout dans les champs de coton, sur les chantiers comme le chemin de fer ou dans les prisons, ils sont souvent basés sur des questions (le meneur) et des réponses (le chœur). Ces chants leur permettent de perpétuer un mode de fonctionnement ancestral africain qui consiste à chanter pendant le travail pour minimiser ou alléger la peine. Ainsi un groupe affecté à une même tâche

19 travaillera dans le même rythme. Le procédé est simple, si vous devez soulever une très lourde charge, il est nécessaire de s’accorder sur le moment où tout le monde va fournir l’effort. On conviendra par exemple que lorsque l’on aura compté jusqu’à trois il faudra soulever et on recommencera jusqu’à accomplissement de la tâche. Les noirs eux chantent et conviennent qu’au premier temps, par exemple, on fournira un effort commun. Cette dernière technique alliant l’effort et le plaisir de chanter, on pourra ainsi l’appliquer à d’autres situations comme par exemple un groupe de personnes affecté à des tâches différentes, le fait de chanter ensemble motivant le groupe entier par le simple fait de ne pas se sentir seul, de former une unité ou tout simplement de se divertir. On a put constater que ces modes de fonctionnements ont perduré dans les pénitenciers, où les conditions de travail ressemble à ceux des esclaves, jusque dans les années 1960, certains ayant été enregistré. Les noirs et les blancs se retrouvaient quelque fois pour des veillés et des journées de prières, mais ce sont les noirs qui feront le plus preuve d’enthousiasme de part leur chant et leur inventivité. Ils utilisent peu les chants des cantiques et leurs préfèrent des mélodies de leur cru et inventent spontanément des textes, des déclarations, des prières en y insérant des textes des écritures. Tout ceci est typiquement issu de cette tradition africaine de questions-réponses et d’improvisation. On y voit aussi des danses sacrées (shuffle) effectuées rituellement en cercle et accompagnées de spirituals chantés. Cette ferveur dans le chant et dans la danse nous renvoie immédiatement vers les traditions religieuses africaines de transe de dépassement de soi, d’extase, d’habitation de quelque esprit L’expressivité mélodique, la force rythmique et les structures harmoniques du gospel sont caractéristiques d’une culture négro-américaine, bien loin de la musique vocale africaine que l’on retrouve dans les spirituals. Ce sera le point départ de beaucoup de nouveaux courant de la musique afro-américaine ou négro-américaine. Le blues, par exemple, est ainsi un savant mélange de l’art du griot africain, de ballades irlandaises, de berceuses allemandes, de gavottes françaises, de chants de travail douloureux, de polkas, de tout un ensemble d’influences présentent en même temps et au même endroit. D’autre part, on sait que les maîtres avaient pour habitude d’utiliser les talents musicaux de leurs esclaves dans les diverses fêtes et réceptions qu’ils organisaient. Ainsi les noirs se sont appropriés le répertoire de la musique occidentale très en

20 vogue aux 19ème siècle, comme : les quadrilles, les polkas, les airs d’opérettes, les chansons des minstrels (acteurs blancs qui imitaient très palement les noirs et parodiaient leurs comportements et leurs musiques), les ballades, …Ils utilisaient principalement des instruments à cordes, fabriqués grossièrement avec les moyens du bord, comme le violon, la guitare, la mandoline, le violoncelle, la contrebasse et surtout le banjo dérivé de son cousin africain le banja. A propos de Congo Square, des gravures de l’époque décrivent assez précisément les scènes : on peut y voir des figures acrobatiques effectuées par les danseurs, des chants a capella accompagnés en frappant dans les mains, les tambours conçus à l’aide de troncs d’arbres creusés ou de bambous, des calebasses, des morceaux de métal, des ossements frappés ou grattés. On appellera cela la Bamboula et son succès fut tel qu’en 1817 un arrêté municipal fut pris : « Les assemblées d’esclaves ayant pour objet la danse ou autres réjouissances ne peuvent avoir lieu que le dimanche et seulement dans des lieux ouverts et publics tels que définis par le maire et aucune de ces assemblées ne devra continuer au-delà du coucher du soleil et tous les esclaves qui seront découverts assemblés en tout autre jour que le dimanche ou, ce même jour, continuant leur danse après le coucher du soleil, seront arrêtés par les officiers de police, constables, gardiens et autres personnes de race blanche, et détenus en prison où ils recevront 10 à 25 coups de fouet. » Les maîtres blancs interdisant tout instruments africain, de peur que les esclaves ne communiquent entre eux, les noirs n’ont eu des instruments que très tard. Ils récupérèrent les instruments des fanfares et réinventèrent des instruments rudimentaires avec des objets de récupération, comme le washboard (planche à laver, sorte de plaque métallique ondulée sur laquelle on frotte à l’aide de dés à coudre).

c. Autres apports • Le Tom-Tom13 Tout d’abord, un fût possédant une seule peau réglable et «accordable » était fabriqué au USA depuis la fin de la première guerre mondiale, mais les premiers batteurs utilisaient eux des tom-toms importés de Chine. Ces derniers existaient dans tout type de tailles, le plus petit avait un diamètre de 13 cm et une

13 iconographie n°03 à 12-21

21 profondeur de 8 cm, et il avait deux fines peaux de porc fixées au fût par des sortes de grosses punaises en cuivre. Traditionnellement chaque peau était décorée par des dessins chinois chatoyants faits de rouge et de vert (généralement l’un représentait un oiseau et l’autre un dragon) et les authentiques tambours contenaient un morceau d’acier qui vibrait et grattait quand l’instrument était joué. Les batteurs réglaient toujours les tambours en frappant les peaux avec un marteau ou en perçant une ou les deux peaux. Par suite de des restrictions, après la première guerre mondiale, les compagnies américaines qui construisaient des batteries commencèrent à fabriquer des tom-toms inspirés du style chinois, mais sans le fil d’acier et sans les peintures. Dans la pratique les batteurs de jazz des années 1920 attachaient un tom-tom chinois à leur set, et quelque batteurs continuèrent jusque dans les années 40. Dans les années 1930, les musiciens utilisèrent des tom-toms réglables avec des tirants de tension, et dans le milieu de la décennie des tom-toms sur pieds apparurent en plus d’un ou deux tom-toms fixés communément sur la grosse-caisse. Au début seule la peau de dessus était réglable, la peau de dessous étant fixée à la manière chinoise, mais plus tard chaque peau pu être réglée séparément grâce aux coquilles et leur système de tension. La légende veut que ce soit Gene Krupa qui demanda à Ludwig & Ludwig, marque de batterie avec laquelle il était en contrat, que les peaux de résonances soient aussi réglables. Pendant l’ère Bop, le set de batterie aura généralement 2 tom-toms (un sur la grosse-caisse et l’autre sur pied à droite du batteur), mais plus tard les batteurs adoptèrent comme configuration de base trois tom-toms (deux sur la grosse-caisse et un sur pied). A partir des années 1960 les sets de batterie eurent de plus en plus de tom-toms (4, 5, 6, 8 voir beaucoup plus), c’était le cas dans les set de batterie rock, mais les batteurs de jazz furent très long avant d’adopter de telles installations. Un tom-tom sur pied avec un système de tension issu des timbales a été utilisé pour la première fois dans les années 1960, et à la fin des années 1970 un

22 tom-tom sur pied relié par un câble à une pédale fut inventé. Dans le même temps de nombreux instruments imitant le tom-tom furent produits. Ceci inclus les roto- toms (un cercle avec une seule peau dont on peut régler la tension en le faisant tourner sur une tige filetée), les ensembles de deux, voir plus, d’octobans (tom-toms de longueur démesurée, par rapport au petit diamètre, à une seule peau, la note étant déterminée par la longueur du fût) et le gong tom-toms (fût à peau unique et dont le diamètre est démesurément grand par rapport à la profondeur).

• Les cymbales chinoises14 Ce sont des cymbales qui à l’origine sont associées deux à deux comme on le trouve dans les cymbales frappées (ou plateaux) des orchestres symphoniques. Elles mesures entre 41 et 56 centimètres de diamètre. La première différence est que le bord est recourbé et la seconde se situe au niveau de la cloche (au centre) ici remplacée par une forme servant de poignée (alors que les cymbales turques sont équipées de lanières en cuir fixées au centre des plateaux, dans lesquels on a préalablement percé un trou, que l’on passent autour des poignets). Les cymbales chinoises comportent généralement des caractères chinois dessinés à l’encre noire. Leur son est très puissant, diffue, sombre, grave et plus proche de celui d’une tôle métallique que l’on laisserait tomber sur le sol. On la classe dans les cymbales « d’effets » de part sa particularité sonore. Les cymbales chinoises seront très populaires auprès des batteurs jusque dans les années 1940, mais réapparaîtront dans les années 1970 avec le jazz et le rock.

• Les block chinois et temple blocks 15 Les blocks chinois, que l’on pouvait voir en Europe et aux Etats Unis au 19ème siècle sous différent nom (clog box, slit-drum, tap box, tone block), sont des petites ‘boites’ en bois rectangulaires (parallélépipède)

14iconographie n° 15iconographie n°04-07-12

23 dans lequel sont percées une ou deux encoches. Les wood-blocks cylindriques se trouvent par deux ou quatre, accordés différemment. On trouve des blocks dans les premières batteries pour ses particularités sonores uniques (imitation des pas de chevaux ou des pas des danseurs dans les films muets et lorsqu’un batteur jouait dans un groupe de ragtime, les blocks étaient idéal pour accompagner les parties les plus calmes, et suffisamment doux pour accompagner les solos de piano). On les utilisera jusque dans les années 1930 et on les associent facilement au ragtime, au dixieland et au new orleans. Les temple blocks sont conçus sur le modèle des temple block en bois utilisés en Chine. Leur forme est plutôt sphérique, une encoche est pratiquée au milieu dans la partie avant et ils sont peints généralement en rouge et or afin de ressembler à un poisson oriental (vu de côté la sphère forme le corps aplatit pour former une ‘queue’ à l’arrière, l’encoche formant la ‘bouche’ à l’avant). Les temple blocks furent intégrés au set de batterie jusque dans les années 1920, ils étaient généralement regroupés par cinq et beaucoup de batteurs de big-band les appréciaient (Sonny Greer, Chick Webb, Jo Jones, Ray Bauduc).

• Cloches et autres instruments métalliques16 Des cloches de différentes tailles furent ajoutées au set de batterie dans la période ragtime. La configuration de base est composée de 2 cloches jumelles, jointes en leur terminaison et fixées sur le cercle de la grosse caisse. Quelque fois on trouve quatre cloches ‘accordées’, accrochées à la grosse caisse, côte à côte ou l’une dans l’autre. Ces instruments nous rappellent la période swing, et leur son est aussi caractéristique du style new orleans et dixieland, durant le revival. Ces accessoires ne trouveront par leur place dans le set de batterie de la période Be Bop, ils ne garderont une place que dans le rock et la musique latine. Dans les années 1980 on verra réapparaître toutes sortes comme les windchimes, les gongs, les tam-tam, les cloches tubulaires, qui

16 iconographie n°020412

24 seront réintroduites dans le set de batterie comme dans la période des big-bands où des batteurs comme Sonny Greer ou Chick Webb ne se déplaçaient qu’avec plusieurs kilos de matériel.

2. Le ragtime et ses batteurs Le premier semblant de quelque chose ressemblant à une batterie de jazz se manifesta lors du Ragtime dans le jeu de William Reitz, James Lent, Buddy Gilmore et Tony Sbarbaro.. Ce style combinait simplement des figures tirées des marches militaires avec des syncopes et des improvisations. Des figures de coups simples étaient utilisées pour l’accompagnement d’un chorus complet, alors que la mélodie était « mise en relief » par des flas, des ras ,des roulements, exécutés sur la caisse-claire ou sur les wood-blocks ; ces motifs étaient bien évidemment changés à chaque nouvelle section. Une des plus importante technique que l’on doit à l’ère du Ragtime est sans doute le Doubling, qu’il ne faut pas confondre avec le Double Drumming des débuts de la batterie. La valeur des notes écrites y est doublée, c’est à dire que l’on écrivait le minimum d’indications (juste les accents importants) et il était du ressort de l’exécutant de « remplir » afin de donner une interprétation personnelle de la partition tout en conservant tous ses caractères principaux. L’utilisation de la cymbale fut très succincte, voir rare durant toute cette période. Les cymbales crash s’utilisaient essentiellement à la fin des introductions (ex : dans les styles des marches), aux fins de phrases et à la fin des morceaux, et très occasionnellement pour marquer un accent. La technique plus tardive du « kick » (jeu tout en force et très rapide) deviendra un standard du répertoire de la batterie jazz.

3. Des parades aux salles de danse Les premiers batteurs de jazz travaillaient principalement à partir de rudiments issus des percussions militaires Européennes des XVIII et XIXèmes siècles, qu’ils adaptaient à leurs aspirations et à leur culture Africaine ou Caraïbéenne (pour ce qui est du style de jeu des percussions). Les rudiments de tambour militaires comprenaient des séries de coups simples et coups doubles qui portaient des noms mnémotechniques comme « ruff », « paradiddle »(moulins en France), « ratamacue » et « drag », et l’assimilation de tous ces rudiments a eut une influence capitale sur le style de jeu propre à la future batterie de jazz. Mais les plus anciens batteurs utilisaient des termes moins familiers, qu’ils inventaient pour les besoins, qui n’avaient rien à voir avec ceux évoqués précédemment ; Baby Dodds

25 par exemple utilisait les termes de « biff », « flim-flam », et « lick » dans son jeu. Mais plus important, Baby renomma certaines figures ou certaines cellules rythmiques pour certains morceaux, pour indiquer qu’ils nécessitaient un accompagnement spécifique, comme la musique Latine possède différentes formes (ex :le cha-cha, la samba, la rumba). Une des grandes pratiques de cette époque était le « Double- drumming », qui consistait à placer la caisse-claire très penchée et très proche de la grosse-caisse pour que les deux peaux de frappe fassent un angle fermé afin de pouvoir jouer la grosse-caisse avec l’olive ou l’arrière de la baguette et de retourner rapidement vers la caisse-claire. Le double-drumming était encore très en vogue même après l’invention et l’adoption de la pédale de grosse-caisse. Un excellent enregistrement, tout du moins pour ce qui est de la performance sonore, témoigne de cette technique dans le disque de l’Original Dixieland Jazz Band, avec Tony Sbarbaro17 à la batterie, qui s’appelle Dixie Jass Band One-step (1917, Vic. 18255). Les premier joueurs de batteries réalisaient des partes écrites à l’origine pour deux ou trois percussionnistes ; la musique était alors relativement simple et les musiciens avaient pour habitude de broder autour de la partition écrite ou bien d’improviser complètement.

4. La pédale de grosse caisse18 La première pédale de grosse caisse était une pédale à pied conçue pour jouer avec une batte, fut inventée avant 1850 par Cornelius Ward pour être utilisée avec un «litophone ». Il y eut 3 types de pédales (overhanging ou pédale swing/ pédale heel(talon)/ pédale toe(pointe du pied, orteils)) et toutes étaient faite en bois et avait un partie qui frappait une cymbale. Les trois types avaient une popularité équivalente jusqu’en 1909, date à laquelle la Ludwig Drum Company créa une pédale toute de métal, à deux bras, et ajustable, ce fut un tel succès qu’ils furent immédiatement imités par les autres compagnies et qu’elle servira de modèle à toutes les futures pédales. Les battes de grosse caisse ont évolué. Au début elles étaient faites de cordes et de tissu et recouvertes de cuir ou de toile, plus tard elles seront faites de peau de mouton que certains batteurs rasaient ou brûlaient légèrement pour obtenir un son plus percussif. Durant les années 60 les battes en bois dur, à moitié en bois et à moitié en feutre donnèrent des résultats plus ou moins satisfaisant, et le standard est actuellement une batte en feutre dur.

17 voir III. 2. Les premiers batteurs 18 iconographie n°07

26 Pour ce qui est du passage de la position de jeu à la position assise, on sait qu’au début les percussionnistes avaient l’habitude de frapper la grosse caisse avec une baguette, comme on le faisait dans la position debout. Avec l’apparition de la pédale de grosse caisse on libère les mains, qui peuvent ainsi se consacrer au jeu de caisse claire et redévelopper la technique de tambour, mais on se confronte à une tâche qu’il faut inventer. En effet jusque là le pied n’avait jamais été sollicité et c’est bien là qu’il y a nouvelle technique et c’est ce qui fera que la batterie deviendra une technique à part dans la famille des percussions. Pour ce qui est mécanique rien de plus simple. Avant on frappait la grosse caisse grâce à une mailloche, sorte de baguette dont la tête était recouverte de feutre, de tissu, de laine ou de coton trés serré qui forment une boule pour produire un son ample et puissant. Avec la pédale de grosse caisse, on a tout simplement fixé cette mailloche (appelée batte) sur une axe rotatif, lui-même actionné par une pédale sur laquelle est posée le pied du batteur (voir croquis). La technique de jeu d’un percussionniste de rue est aussi très simple, mais il faut bien comprendre qu’elle est liée à sa condition physique. Ainsi avec cette mailloche, le percussionniste frappe la peau mais, comme pour la technique de tambour, il ne laisse pas la mailloche sur la peau mais « décolle » immédiatement pour laisser raisonner l’instrument. La fut certainement un des problèmes physiques que le batteur a dut résoudre difficilement. En effet, lorsque l’on pose le pied sur la pédale le plus simple et le plus naturel est bien de laisser agir la force d’apesanteur et donc d’actionner la pédale, ce qui pousse la batte sur la peau. Mais si on laisse les choses en l’état, on frappe bien la peau de la grosse caisse mais paradoxalement en même temps on l’étouffe, ce qui à l’époque ne correspondait sûrement pas au son qu’on avait l’habitude d’entendre se dégager de cet énorme instrument. Aussi, les batteurs durent certainement entraîner leurs jambes à un nouvel exercice qui consistait à jouer la grosse caisse en imitant la technique de baguettes, c’est à dire en utilisant le rebond et donc en décollant systématiquement la batte de la peau pour la laisser résonner et ainsi résonner pleinement. C’ est un technique qui demande de la souplesse et de la légèreté dans la jambe droite, généralement, ce qui nous fait penser que le travail fut certainement long et difficile. Il existe deux grandes techniques de pédale qui sont celle du jeu sur la pointe du pied et celle du talon. La technique sur la pointe permet plus d’impact car tout le poids et toute la force de la jambe se retrouvent concentrées dans le pied. Ainsi on peut « enfoncer » avec une puissance maximum la pédale et propulser la batte sur la peau. De plus si on laisse le poids agir en relachant tout de suite après l’effort,

27 la force se retrouve de façon proportionnelle dans l’étouffement de la peau. A la main, on ne pourrait pas obtenir de résultat aussi efficace. Par contre, en utilisant la technique de talon, on laisse le talon posé sur la partie immobile de la pédale et ainsi ne travaille que l’avant du pied. Alors, la puissance est très réduite mais on utilise simplement l’effet de retour de la batte, grâce au système de ressort, qui fournit la force nécessaire pour laisser la peau vibrer. En dernier ressort, on peut jouer sur la pointe mais en remontant chaque fois la jambe, ce qui demande une musculation adéquat, produisant ainsi l’effet de résonance mais avec une précision d’impact plus fine et plus précise qu’avec la technique de talon. Cette dernière est nettement moins efficace car elle utilise l’inertie du système qui est assez mal gérable dans cette configuration où les muscles du mollet ne sont pas au mieux de leur souplesse. Tout cela pour en finir avec les malentendus à propos de bon nombre de partitions de batterie où l’on peut voir des coups de grosse caisse sur les quatre temps. Cette technique s’est développé, d’après les témoignages, à partir des années 10, car à l’origine les premiers batteurs ne faisaient qu’imiter la partie de grosse caisse des percussionnistes, qui ensuite ont appliqué à leur la technique de jouer sur tous les temps. Si en plus on se remémorent les débuts difficiles où il n’y avait pas de pédale, ils n’auraient jamais pu jouer les quatre temps. Ensuite il y aura cette période d’adaptation nécessaire au développement de la technique et des méthodes d’application, des changements physiques de position et donc de l’acquisition de nouveaux réflexes, il est donc bien certain qu’on était encore bien loin de jouer les quatre temps avec ce pied que l’on venait tout juste d’éduquer. Mais plus tard cela viendra et se développera dans tous les orchestres. Baby et Zutty en ont fait une application quasi systématique (il n’y a qu’à écouter le swing de cette grosse caisse de Baby dans son disque expliquant la manière dont il faut jouer). Zutty explique qu’il a découvert ce swinguant système lorsqu’il a dû accompagner Ethel Waters. Mais, pour clore la polémique dont nous parlions plus haut, il est clair que si l’on joue une grosse caisse sur tous les temps avec la technique de batterie actuelle ça ne rime à rien et cela alourdit la musique, surtout qu’il faut une bonne technique pour jouer des tempos rapides. Mais si on joue en rebond, sans étouffer le son, en laissant la grosse caisse pleinement résonner, le swing devient infernal, c’est une des bases mal comprises de la batterie du début du siècle. Tous les batteurs de Big Band utiliseront cette technique qui agit comme un accélérateur. Cela insuffle une force et une dynamique invraisemblable, la constance et l’omniprésence de cette grosse caisse servent de base solide à tout

28 l’édifice du swing. Rien à voir avec un coup de grosse caisse sur les 1er et 3ème temps qui s’opposeraient ainsi aux 2ème et 4ème, et qui créent un balancement, plutôt en rapport avec quelque chose de statique(un mouvement de l’un vers l’autre mais au final qui s’annulent) et non une constance qui pousse à avancer toujours vers autre chose. L’un des exemples les plus probants que je connaisse est cette démonstration de swing de Baby Dodds dans son disque expliquant les fonctionnements du swing. Il y fait une démonstration de grosse caisse seule très impressionnante et qui résume bien ce qu’on appelait le swing à cette époque.

5. La pédale hi-hat19 Le hi-hat ( joué du pied gauche pour les droitiers), actionné par une pédale, c’est la réunion de deux cymbales frappées placées face contre face et dont on peut tirer un son bref ou long selon qu’on les laisse accolées ou qu’on les éloigne immédiatement après la frappe20. Le hi-hat permit de libérer la main du batteur, qui pratiquait souvent la méthode d’étouffement de la cymbale, mais qui nécessitait les deux mains (l’une pour étouffer, l’autre pour frapper). Cette invention devint populaire dans les années 1930, mais beaucoup de créations assez similaires existaient avant. Une des premières fut le Low-boy ou Low-sock-cymbal (cymbale basse à semelle) qui fut utilisée vers 1926. Elle se composait de deux cymbales, et la cymbale supérieure était actionnée par une pédale que l’on actionnait afin que les cymbales s’entrechoquent. C’est la cymbale du haut qui se mettait en mouvement grâce à la tige sur laquelle elle était fixée, elle-même retenue par un ressort permettant une remontée immédiate dès que la pression du pied est nulle. Ce système ne dépassait pas les 30 cm de hauteur. On trouvait aussi des modèles plus rudimentaires comme le snowshoe21 (chaussure pour la neige), composée de deux lattes de bois rattachées à l’une des extrémités. A l’autre extrémité sont placées les deux cymbales face à face. La semelle du bas est fixe et l’on enfile la semelle du haut (avec une lanière qui entoure le pied), le tout séparé par un ressort très solide. Les premiers hi-hats, qui portèrent des noms comme top hat (chapeau haut), high boy (en opposition au low boy), sock cymbal et off-beat cymbal (puisque cet accessoire sert à frapper le contre-temps, 2ème et 4ème temps), apparurent dans les premiers catalogues de batterie

19 iconographie n°08 à 12-17-18-22 20 Dictionnaire du jazz, Ed. Robert Laffont, Paris 1988 21 G. Paczynski : Une histoire de la batterie de jazz, Tome 1 des origines aux années swing, édition Outre Mesure

29 en 1927. On avait alors ré-haussé les deux cymbales pour qu’elles se trouvent à portée de baguette, et bientôt leur hauteur sera même réglable pour s’adapter aux différents gabarits des batteurs .Dans les années 1920 la plupart des hi-hats utilisaient une paire de cymbales Charleston, instruments en cuivre d’environ 25 cm de diamètre avec une très grosse cloche ou coupole (au centre du disque). Mais dans les années 1930 les Charleston furent remplacées par des cymbales turques de 28 à 38 cm de diamètre. Une fois de plus le batteur devra développer une nouvelle technique de pied, qui vient s’ajouter à celle de la grosse caisse mais pas seulement, car comme pour la grosse caisse on pourra utiliser la technique de jeu en pointe ou sur le talon, mais le fait d’utiliser les deux pieds en même temps ou en alternance crée un équilibre (ou un déséquilibre) du corps qu’il faut encore une fois bien maîtriser pour pouvoir jouer en souplesse. On libère les mains mais on impose de nouveaux équilibres entre les différents instruments de la batterie qu’il faut se réapproprier, car la frappe d’une baguette ne se gère pas comme une pédale. Avec le hi-hat le batteur se voit utilisé à 100%. On ne pourra faire plus, simultanément, que jouer des deux pieds et des deux mains. Il peut désormais théoriquement jouer seul et simultanément tout, ou presque, ce qu’un joueur de grosse caisse, un joueur de caisse claire et un joueur de cymbales font à trois.

6. Autres innovations techniques Il est bien évident que les deux principales inventions furent la pédale de grosse caisse et la pédale hi-hat, mais quelques petites innovations vont changer le jeu du batteur, bien que moins marquantes. Les pieds22, ou potences, deviendront réglables en hauteur grâce à un système de tubes se déployant ou se rétractant les uns dans les autres. On y ajoutera des perches(sorte de bras articulé, placé au sommet du pied) ou des perchettes (plus petites), qui permettent au batteur de placer le pied plus loin mais de rapprocher la cymbale. En effet, au cours des années les batteurs ajoutant de multiples accessoires, les pieds s’en retrouvent multipliés eux aussi et il devient difficile de placer tout les éléments à bonne distance sans avoir des systèmes de perches ou bien des « portiques » (appelé rack23) sur lesquels on fixe toutes les tiges.

22voir iconographie n°22 23 voir iconographie n°04

30 Petit à petit, les tailles de grosse caisse diminuant, on verra les toms non plus fixés sur les côtés de cette dernière mais plus aux centre, ce qui facilitera la circulation du jeu du batteur qui avant était obligé de rompre le lien entre les toms aigus et les toms graves (ces derniers étant quelques fois deux). La fixation des toms deviendra alors centrale, en un ou deux points selon les modèles et les fabricants. Les peaux, qui à l’origine était animale (généralement du veau ou du porc),furent remplacées par des peaux plastiques inventées par Marion « Chick » Evans au milieu des années 1950 et c’est un certain Remo Belli qui les commercialisa vers 1957 24(Remo étant actuellement un des plus grands fabricants de peaux plastiques). Le plastique a l’avantage d’être quasiment insensible aux différences de températures et à l’hygrométrie, mais le son était complètement différent.

7. L’enregistrement et la batterie L’un des problèmes des débuts de la batterie est le manque d’enregistrement, par rapport aux autres instruments, ou bien un enregistrement réduit à quelques accessoires comme les wood-blocks, les cloches ou les cymbales. Le premier disque de jazz fut enregistré en 1917 par l’Original Dixieland Jass Band, et le premier orchestre noir sera le Kid Ory’s Original Creole Band en 1921, mais il semble d’après les recherches de Georges Paczinsky25 que les premiers enregistrements de batterie aient eu lieu le 26 mai 1904. Un morceau d’1 minute et 52 secondes fut enregistré par James I. Lent avec l’orchestre de l’Hippodrome Theater de New York. On peut y entendre du wood-block, de la caisse claire et une cymbale chinoise. Il existe une seconde version de ce morceau « The ragtime drummer », réalisée le 10 avril 1912 et joué par le même percussionniste mais avec l’orchestre d’Arthur Pryor. Il dure 2 minutes et 25 secondes. Tout ceci fut enregistré sur rouleau (ou cylindre, in venté en 1877 par Thomas Alva Edison, cylinder phonogragh)et il est étonnant de constater Baby Dodds ne sera pas autorisé à jouer de la caisse claire, même dix ans après, pour la session de . Les ingénieurs du son prétextaient de la sensibilité de leur matériel, et interdisaient aux batteurs tous les éléments susceptibles d’être trop sonores, on aura ainsi qu’un pâle rendu du jeu des batteurs du début du siècle.

24 G. Paczynski : Une histoire de la batterie de jazz, Tome 1 des origines aux années swing, édition Outre Mesure, 56 25 G. Paczynski : Une histoire de la batterie de jazz, Tome 1 des origines aux années swing, édition Outre Mesure, 48

31 Emile Berliner prendra la place du cylindre grâce à son disque en 1888. Il tourne à une vitesse de 70 à 83 tours minutes et est fabriqué en cire. En 1918 le 78 tours devient un standard. Pour ce qui est de la prise de son, elle fut acoustique de 1878 puis devint électrique à partir de 1925 grâce à un microphone transformant le son en impulsions électriques et les ingénieurs craignaient alors que la batterie ne couvre l’orchestre par ses fortes percussions jusqu’à ce que les microphones évoluent et deviennent moins fragiles.

32

III. Les Pionniers 1. Les percussionnistes de Brass Band ou Marching Band26 Au cours du 19ème siècle, il existait de nombreux orchestres de parade, de fanfare. Composés de cuivres (trompette, , trombones, soubassophones, tubas), de clarinettes (plus tard aussi viendront s'ajouter les saxophones), de percussions (caisse claire, grosse caisse et quelque fois de banjos. On notera celui de Buddy Bolden, un «ragtime band » qui jouait dans les salles de danse, pour les parades, les fêtes de 1893 à 1907. Tous les futurs batteurs des premières années ont joué dans ces orchestres de rue, bien connus du Mardi Gras. Dans le recueil «New Orleans Jazz », on en dénombre 31. Toutes les compagnies de pompiers, de policiers, les «high school » (l’équivalent des lycées) ou tout groupe organisé de personnes ayant un uniforme, avaient une douzaine d’hommes qui formaient un ensemble d’instruments. Ils se produisaient généralement dehors et intervenaient en toutes occasions pour des célébrations de diverses natures. Ils étaient plutôt spécialisés dans les airs militaires. Au début des années 1850, les cultures «exotiques » prirent cette forme instrumentale et musicale à leur compte pour l’utiliser plus fréquemment dans la vie de tous les jours. Il n’y a qu’à la Nouvelle Orléans que les Brass Band restaient présents pour les enterrements. Il n’y a qu’à la Nouvelle Orléans que l’on peut entendre les orchestres jouer aussi fort à la fête des mères qu’au 4 juillet (date anniversaire de la fin de la guerre de sécession). Les Brass Bands n’étaient pas une exclusivité de la Cité du Croissant, mais sa musique est très redevable à des personnes comme Philip Sousa et Arthur Pryor. Les Néo-Orléanais adorent les chansons populaires, les standards de jazz ou de blues ajoutés à un hymne ou à des thèmes plus solennels si la circonstance le demande. C’est un public conquit d’avance par les Brass Band et ce style donnera lieu à des héros, voire des mythes qui ne sont d’ailleurs pas toujours vérifiables. Ainsi on entend toujours parler de Buddy Bolden (mort par faute d’avoir soufflé trop fort dans sa trompette que l’on entendait de loin, les vaisseaux de sa tête auraient cédé, mais une autre histoire veut qu’il fut enfermé dans un asile…), Manuel Perez ou Lawrence Vega. A certaines périodes, les spectateurs se tenaient sur le trottoir et regardaient passer le cortège des Brass Band. Mais à la Nouvelle Orléans, c’est la «Second Line » (les sympathisants) qui avait le plus de succès et d’adeptes, composée d’un public enthousiaste et démonstratif qui « dansent, chantent et

26 voir, SING ON, a film of New Orleans brass bands, American Music Records, New Orleans, Louisiane, producteur Barry Martin, 1999

33 poussent les musiciens à se surpasser en manifestant leur enthousiasme pour les meilleurs solistes »27. On voyait alors resurgir des danses issues de Congo Square (la bamboula) ou des figures à peine modifiées des Calindas. Ce fut dans les rangs de la Second Line que les futurs grands noms du jazz New Orleans ont été recrutés. Le tout jeune écoutait avec attention les performances de Bunk Johnson ou King Oliver grâce à ses orchestres de rue. Les Brass Bands représentent la partie la plus festive de la musique de la Nouvelle Orléans. Il faut noter que généralement les Brass Band ont deux percussionnistes, l’un joue la caisse claire (sn pour snare drum) et l’autre la grosse caisse (bd pour bass drum) avec quelque fois une cymbale fixée dessus, mais certaines fois on voit un troisième percussionniste qui joue les cymbales frappées (autrement appelées les plateaux), il n’en reste pas moins que le poste de grosse caisse était le plus important de part son rôle au niveau de l’assise rythmique. Les plus célèbres Brass Bands de la Nouvelle Orléans, ou ceux ayant eu dans leurs rangs des futurs grands batteurs, sont : ♦ le Carmelia Brass Band exista de 1917 à 1923 (Arthur Ogle, sn ; Booker T. Glass, bd) ♦ le Columbia Brass Band exista de 1897 à 1900 (Dede Chandler, bd) ♦ l’Eureka Brass Band28 existe depuis 1920 (Alfred Williams, Cié Frazier, Happy Goldston, Son Fewclothes, Robert Lewis, sn/bd) ♦ l’Excelsior Brass Band exista de 1880 à 1928, le plus vieux répertorié (John Robichaux, Clay Jiles, Louis Cottrell Sr., Dede Chandler, sn/bd) ♦ l’Onward Brass Band exista de 1889 à 1930 (Bebé Matthews, Dede Chandler, sn ; Black Benny Williams, Henry Martin, Dandy Lewis, Mike Gillin, Clay Jiles, Happy Goldston, bd) ♦ le Reliance Brass Band29, orchestre blanc dirigé par Papa Jack Laine exista d’à peu près 1892 à 1913 (Papa Laine, Tim Harris, Ragbaby Stephens, Johnny Steins, Tony Sbarbaro, Billy Lambert, Diddie Stephens, Emmett Rogers, sn/bd) ♦ le Tuxedo Brass Band exista de 1910 à 1925 (Chinee Foster, Zutty Singleton, Louis Cottrell Sr., sn ;Ninesse Trepagnier, Black Benny Williams, bd)

27 Cf N. Balen : L’odyssée du jazz, Liana Levi (1993), 98; voir aussi SING ON, a film of New Orleans brass bands, American Music Records, New Orleans, Louisiane, producteur Barry Martin, 1999

28SING ON, a film of New Orleans brass bands, American Music Records, New Orleans, Louisiane, producteur Barry Martin, 1999 29SING ON, a film of New Orleans brass bands, American Music Records, New Orleans, Louisiane, producteur Barry Martin, 1999

34 ♦ le Young Tuxedo Brass Band30 de 1930 à 1963 (Ernest Rogers, Son White Washington, Emile Knox, Cié Frazier, Paul Barbarin, Alfred Williams, Robert Lewis, sn/bd) Certains percussionnistes sont devenus des batteurs de la première heure31, mais d’autres ont brillé dans ce domaine ou n’ont jamais voulu délaisser ce style de musique. Voici les biographies de quelques-uns uns d’entre eux qui nous permettent de mieux comprendre l’évolution vers la batterie de jazz.

John ROBICHAUX32 Percussionniste, batteur, violoniste, accordéoniste, contrebassiste et chef d’orchestre noir, né à Thibodaux en Louisiane le 16 janvier 1866 et décédé à la Nouvelle Orléans en 1939. Il a commencé sa carrière en jouant de la grosse caisse dans l’Excelsior Brass Band en 1891. De 1893 à 1939 il avait l’orchestre de danse le plus actif de la Nouvelle Orléans et il dirigera même un orchestre au Lyric Theatre de 1918 à 1927.

Albert GLENNY33 Percussionniste, accordéoniste, tubiste et contrebassiste noir né le 25 mars 1870 à la Nouvelle Orléans et mort dans cette même ville le 11 juin 1958. Ce fut pendant 75 ans un jazzman très actif. Il joua la grosse caisse dans le marching band de Bubby Bolden en 1901. Il a joué avec quasiment tous les grands noms du jazz de la Nouvelle Orléans. Il est considéré par les musiciens de son époque comme le meilleur joueur de basse.

Booker T. GLASS34 Percussionniste et batteur noir né le 10 août 1888 à la Nouvelle Orléans et décédé dans cette même ville le 25 janvier 1981. C’est un des plus célèbres et des meilleurs joueurs de grosse caisse de Brass Band. Elève d’Ed Gaspard (né en 1877 et quelque fois grosse caisse dans l’Onward et l’Excelsior, il est très connu pour avoir été le professeur de beaucoup de musiciens des débuts du

30 SING ON, a film of New Orleans brass bands, American Music Records, New Orleans, Louisiane, producteur Barry Martin, 1999 31 III 2. 32VIII annexes, base de donnée 33VIII annexes, base de donnée 34 VIII annexes, base de donnée

35 jazz), il débutera avec les Holcamps Greater Shows en 1908. Puis on le retrouvera dans le Camelia Brass Band en 1918, chez Wooden Joe Nicholas de 1918 à 1919 et dans l’orchestre de danse de Johnny Prodonce en 1920. Puis il fera partie de l’Eureka dans les années 1960.

Black Benny WILLIAMS35 Percussionniste noir légendaire de la Nouvelle Orléans. Il serait né aux alentours de 1890 à la Nouvelle Orléans et décédé dans cette même ville en 1924. Très connu pour son mauvais caractère aussi légendaire que le personnage, c’était presque un batteur. Il a longtemps joué la grosse caisse dans l’Onward Brass Band avant la première guerre mondiale, mais on le voyait de temps en temps jouer pour le Tuxedo ou assis derrière Louis Armstrong lors d’un concert. Il fut malheureusement assassiné par une femme en 1924.

Abbey FOSTER36 [Chinee] Percussionniste, batteur et chanteur noir né en 1900 et décédé le 8 septembre 1962 à la Nouvelle Orléans. Il est classé dans les meilleurs batteurs de la Nouvelle Orléans. Il débutera avec Bebé Ridgley dans le Tuxedo, à Storyville. Puis il ira chez Buddy Petit de 1915 à 1931 dans l’Eagle Band. Il enregistrera avec Papa Celestin en 1927. Allen et Sandra Jaffre le feront sortir de l’oubli et il aura un nouveau succès au Preservation Hall jusqu’à sa mort.

Josiah FRAZIER37 [Cié] Percussionniste et batteur noir né le 23 février 1904 à la Nouvelle Orléans. C’est un des vétérans des plus fameux orchestres de danse de la ville. Il a joué avec A. J. Piron, Sydney Desvigne, John Robichaux, Papa Celestin. Il a fait son premier disque avec Papa Celestin en 1927 et a débuté sa carrière

35 VIII annexes, base de donnée 36 VIII annexes, base de donnée 37 VIII annexes, base de donnée et SING ON, a film of New Orleans brass bands, American Music Records, New Orleans, Louisiane, producteur Barry Martin, 1999

36 professionnelle en 1921 aux côtés de Lawrence Marero. Il fut dans le Young Tuxedo en 1923, travailla dans les orchestres WPA et ERA au milieu des années 30et avec tous les Brass Bands de cette époque. Puis on l’a vu aux côtés d’Emma Barrett, des frères Humphrey, de Billie et Dee Dee Pierce avec lesquels il partit fréquemment en tournée.

Le choix des percussionnistes par rapport aux batteurs qui vont suivre peu paraître arbitraire mais je me suis efforcé de ne parler ici que de ceux qui avaient plutôt fait le choix des orchestres de rue. Certains étaient même plutôt destinés à ne jouer plus tard que de la basse, que ce soit du tuba, du soubassophone ou de la contrebasse. Il s’entend que la définition de Brass Band ne s’applique qu’à des orchestres jouant debout, la plupart du temps et le terme de Marching Band étant plus explicite, mais dont le but était aussi de faire danser les gens d’où le nom d’orchestre de danse. Par la suite nous allons voir des batteurs qui ont certes fait partie de Brass Band mais qui se sont ensuite tournés vers ce nouvel instrument qu’est la batterie.

2. Les premiers batteurs38 Il faut tout d’abord signaler qu’un batteur noir et un batteur blanc n’ont à l’époque pas du tout la même valeur. Il va sans dire que certains batteurs blancs étaient d’un niveau honorable et ont contribué quelque peu à l’évolution du jazz et de la batterie, mais pas autant que les batteurs noirs, une technique et un style tout autre. Plus de fluidité, une maîtrise rythmique aisée, un rapport au geste et à la danse très développé, et un rapport au swing inégalé. Le sens de tout ce qui est simple et efficace. Dans la liste qui suit, il y a très peu de batteurs blancs, mais tous ces batteurs ont généralement fait les grandes heures des parades et autres fanfares, ce qui les place au cœur même de la création de la batterie à laquelle ils ont contribué de près ou de loin.

Dede CHANDLER39 [Dee Dee] Batteur noir né à la Nouvelle Orléans aux alentours de 1866, décédé dans cette même ville en 1925. Il fut le batteur de John Robichaux avant la guerre Espagne-Etats Unis (1895-1905). Il fut le premier batteur à jouer dans le style jazz dans les orchestres

38 voir VIII annexes, base de donnée 39 Pas de discographie, Bibliographie :A. Rose et E. Souchon : « New Orleans Jazz, a family album », 3ème ed. , State University Press, Baton rouge and London, 26

37 de bal (ou orchestre de danse). Souvent nommé comme l’inventeur de la pédale à pied (pédale de grosse caisse), et par-là même celui qui créa la batterie, c’était un excellent «show man» (exhibitionniste) et un grand comique, il jouait avec la grâce et l’aisance d’un jongleur professionnel.

Dave PERKINS40 Batteur noir né à la Nouvelle Orléans en Louisiane aux alentours de 1868, décédé dans cette même ville en 1926. Tromboniste, batteur, trompettiste et tubiste (euphonium), c’était un musicien de Brass band très actif de 1895 à 1912. Il joua avec le Relliance Brass Band (cf. Papa Jack Laine) et le Toca Brass Band. Il devint l’un des plus réputés professeurs de musique de la Nouvelle Orléans pour le trombone et la batterie (Baby Dodds sera l’un de ses élèves).

Jack LAINE41 (George Vital ou Vitelle) [papa jack] Batteur blanc né le 21 septembre 1873 à la Nouvelle Orléans en Louisiane, décédé en cette même ville le 1er juin 1966. Il joua de la batterie et de la basse à vent (alto horn) pendant son enfance et forma le plus vieil orchestre dixieland de ragtime (le Relliance Brass Band) vers 1890 qu’il dirigera pendant quasiment 40 ans. Ce fut principalement un orchestre de défilé (marching band). Ce fut un tel succès que sous le même nom de Relliance Band Laine fera jouer simultanément 5 (certains disent 7) orchestres de danse dans la Nouvelle Orléans. De nombreux musiciens, plus tard très populaires, feront leurs classes chez lui comme par exemple Nick La Rocca (1914), les frères Brunies, Tom Brown, Sharkey Bonano et divers membres de l’Original Dixieland Jazz Band.

40 Pas de discographie, bibliographie :A. Rose et E. Souchon : « New Orleans Jazz, a family album », 3ème ed. , Louisiana State University Press, Baton rouge and London, 99 41 Filmographie : , SING ON, a film of New Orleans brass bands, American Music Records, New Orleans, Louisiane, producteur Barry Martin, 1999 Pas de discographie, bibliographie : C. E. Smith: “White New Orleans”, Jazzmen, ed. F. Ramsey, Jr., and C. E. Smith (New York, 1939/R1977), 39 G. Hoefer: “Jack Laine honored by New Orleans Jazz Club”, DB, XVIII/5 (1951), 11 E. Souchon: “The end of an era”, SL, XVII (1966), 79 K. Koenig: “Papa Laine, 1873-1966”, MR, XI/5 (1984), 1 A. Rose et E. Souchon : « New Orleans Jazz, a family album », 3ème ed. , Louisiana State University Press, Baton rouge and London, 71

38 Papa jack dirigera aussi des plus petits orchestres de danse mais aucun de ses groupes n’enregistrera de disques. Le répertoire des orchestres Laine comportait de nombreux titres qui peuvent s’apparenter au jazz, mais les groupes ne se spécialisèrent pas dans l’improvisation. Le titre attribué à Laine de «père du jazz blanc » (the father of white jazz) est trompeur ; il lui fut plus attribué pour son rôle d’employeur et de bienfaiteur des musiciens de jazz que pour sa contribution musicale. La réputation de ses Brass Bands alla au-delà de la ville, mais Papa Jack s’arrêtera en 1917. Il deviendra alors forgeron puis par la suite patron d’un garage. Dans les années 40, il n’était pas rare de le voir au New Orleans Jazz Club. Cette figure de légende ne laissera aucun disque mis à part un enregistrement de 1951 (6 et 13 juin) dénommé Papa Laine’s children où on l’entend parler pendant que des musiciens blancs, dont Ray Bauduc à la batterie, jouent. Mais il fera quelques cassettes à l’Université de Tulane avec Johnny Wiggs au début des années 60.

Louis Sr. COTTRELL(E)42

42 Bibliographie :Charters J T. D. Brown: A history and analysis of Jazz Drumming to 1942 (diss., U. Of Michigan, 1976) A. Rose et E. Souchon : « New Orleans Jazz, a family album », 3ème ed. , Louisiana State University Press, Baton rouge and London, 30 Discographie: Esther BIGEOU, acc. Piron’s New Orleans Orchestra: West Indies Blues (72175-B), OK 8118, New York 14/12/1923 Piron’s New Orleans Orchestra : Mama’s gone, Goodbye/ New Orleans wiggle, Vic test (un-numbered), New York 24/11/1923 Bouncing around, Kiss me sweet (72132-B, 72133-D),OK 40021, Od 03204, New York 03/12/1923 New Orleans wiggle, Mama’s gone, goodbye (29121-3, 29122-2), Vic 19233, New York 11/12/1923 Sud bustin’ blues, West indies blues (81435-3, 81436-2), Col 14007-D, New York 21/12/1923 Do-doodie-oom, West indies blues (29190-3, 29191-2), Vic 19255, New York 08/01/1924 Purple rose of Cairo (29347-3),Vic rejected, New York 23/01/1924 Purple rose of Cairo, Day by day (29347-5, 29386-1),Vic rejected, New York 07/02/1924 Ghost of the blues, Bright star blues (81569-1-3, 81570-3), Col 99-D, New York 15/02/1924 Lou’siaha swing, Sittin’ on the curbstone blues (72320-B, 72322-B), OK 40189, Od 03132, New York 18/02/1924 Day by day, Kiss me sweet (29386-5, 29536-4), Vic rejected, New York 21/02/1924 Red man blues, Do just as I say (32121-3, 32122-3), Vic 19646, New Orleans 25/03/1925

39 [Old man] Batteur noir né à la Nouvelle Orléans en Louisiane le 25 décembre 1878, décédé dans cette même ville le 17 octobre 1927.Père de Louis Cottrell Jr.(clarinettiste et saxophoniste). Ce fut un des batteurs les plus réputés de la Nouvelle Orléans de l’époque pour sa sonorité et son roulement (press-roll), il aura beaucoup d’importance dans les débuts de Zutty Singleton (à qui il donna les balais que Perez lui avait envoyés de Chicago, prétextant que cela salissait les peaux) en ne lui prodiguant qu’un conseil : « just sit, look and listen ».Louis apprit le métier dans les rues, les saloons et les salles de bal. Selon «Chinee» Foster c’était le meilleur joueur de caisse claire au monde43 : « Cottrell était le batteur qui jouait le mieux les roulements de nous tous. Il pouvait exécuter plus de roulements de factures différentes que n’importe quel homme que j’aie jamais entendu de toute ma vie ». C’était aussi un excellent professeur et il travaillait sur la méthode de tambour Carl Fischer. Il travailla dans la région de 1909 à 1913 (Moret’s Orchestra de 1903 à 1925, l’orchestre de John Robichaux, le Gaspard’s Maple Leaf Orchestra, l’orchestre de Papa Celestin, l’Olympia Orchestra de 1900 à 1914). En 1915 il était avec Manuel Perez à Chicago. Puis il joua avec l’orchestre d’A. J. Piron de 1918 jusqu’à sa mort. Louis Cottrell enregistra avec lui au début des années 20 (23-25). On attribue à Cottrell l’introduction du press-roll (écrasement et contrôle de la baguette pour obtenir un roulement très serré) dans la technique de batterie de jazz. Il influencera deux générations de batteurs à la Nouvelle Orléans, dont Baby Dodds, Cié Frazier et Alfred Williams. Zutty Singleton dira44, en parlant d’ Henry Zeno Paul Dedroit et Louis Cottrell : »ils savaient tous phraser et ils jouaient toujours sous l’orchestre, jamais bruyants, jamais tyranniques. Ils n’utilisaient pas beaucoup la cymbale ».

43 KOENIG Dr karl, op. cit.,p12-13 44 G. Paczynski : Une histoire de la batterie de jazz, Tome 1 des origines aux années swing, édition Outre Mesure

40

Henry ZENO45 Batteur noir né à la Nouvelle Orléans en Louisiane aux alentours de 1880, décédé aux alentours de 1918. Il fut le premier batteur de Buddy Bolden en 1900, joua avec Freddie Keppard et Bunk Johnson dans l’Eagle Band. Il travailla fréquemment avec Edward Clem, Manuel Manetta dans les années 1906-1907. Il joua dans l’Olympia Orchestra avec A. J. Piron en 1913-1914, et avec Pete Lala il entra chez King Oliver en 1916(Magnolia Band). Juste avant sa mort il jouait avec l’Original Tuxedo Orchestra. Selon Louis Armstrong, c’était un batteur très réputé dans les parades.

Walter BRUNDY46 Batteur noir né à la Nouvelle Orléans en Louisiane aux alentours de 1883, décédé à Natchez dans le Mississippi en 1941. Un des plus grands batteurs de tous les temps. Professeur et source d’inspiration de Baby Dodds, Ernest Rogers et bien d’autres. Il joua dans le Superior Orchestra de 1905 à 1914, dans l’orchestre de John Robichaux en 1912. Il dirigea ensuite son propre groupe à Bâton Rouge durant la première guerre mondiale. Il fut tué dans un accident de voiture.

Minor HALL47

45Bibliographie: A. Rose et E. Souchon : « New Orleans Jazz, a family album », 3ème ed. , Louisiana State University Press, Baton rouge and London, 131 Discographie: Sweatman’s original jazz band: Regretful blues (77740-2), Col A-2548, 2908, New York 29/04/1918 Ev’rybody’s crazy ‘bout the doggone blues, but I’m happy(77741-3), Col A- 2548,2908, New York 30/04/1918 Wilbur sweatman and his orchestra (soit la date présumée de la mort de Henri ZENO, 1918, est fausse, soit ce n’est pas la même personne) : Watcha gonna do ? , The hooking cow blues (17187-1, 17188-1), Voc 2983, Br A- 86030, New York 27/04/1935 Battleship kate, The florida blues (17189-1, 17190-1),Voc 2945, New York 27/04/1935

46Pas de discographie, bibliographie :A. Rose et E. Souchon : « New Orleans Jazz, a family album », 3ème ed. , Louisiana State University Press, Baton rouge and London, 20

47 Discographie sélective : • K. Ory : Maryland (1945, Crescent 3) • L. Armstrong: Mahogamy Hall stomp (1946, Vic. 20-2088)

41 [Ram] Né le 2 mars 1897 à Sellers, Lousiane, et décédé le 16 octobre 1959 à Sawtelle, Californie. Frère de Tubby Hall. Il débuta en remplaçant son frère dans des groupes de New Orleans, y compris ceux avec Kid Ory et Sydney Bechet. Il partit pour Chicago en 1918, et remplaça Tubby dans l’orchestre de Lauwrence Duhé, qui joua à San Francisco en 1921 sous la direction de King Oliver. Il quitta Oliver après deux mois et repartit à Chicago, où plus tard il joua avec Jimmie Noone (1926). De nouveau sur la côte Ouest, de 1927 à 1932, il travailla avec les Jeffersonians de Mutt Carey, qui de temps en temps joue pour des films à Hollywood. Il rejoindra Kid Ory en 1945 et restera avec lui jusqu’en 1956, il apparaîtra alors comme membre de l’orchestre dans le film Tailgate man from New Orleans (1956). Minor fera son premier enregistrement en 1945, et à cette époque il avait une technique qui se situait entre la technique de batterie traditionnelle ( new orleans)et la technique swing (liée au jeu de cymbale comme le cha-ba-da). Ses solos comportaient toujours des astuces et des combinaisons étonnantes, et ses accompagnements étaient très rythmiques et très soignés. Sa plus grande caractéristique est son style d’accompagnement très marqué de l’after beat (affirmation du 2ème et 4ème temps).

Alfred HALL48 [Tubby] Né le 12 octobre 1895 à Sellers, Louisiane, et décédé le 13 mai 1946 à Chicago. Frère de Minor Hall. Il débuta sa carrière à la Nouvelle Orléans avec le Crescent Orchestra (1914), puis il joua avec l’Eagle Band (1916) puis avec le Silver Leaf Orchestra

• K. Ory: 12th street rag (1949, Decca 9-11068) • K. Ory: Live at clubHangover (1953-54, Dawn club 12013-14, 12016-17) • K. Ory: Kid Ory’s creole jazz band: 1955 (1954, Good time jazz 12008) Bibliographie: ChiltonW G. Keepnews: « Ory rhythm », Record changer, VIII/1 (1949), 13 A. Rose et E. Souchon : « New Orleans Jazz, a family album », 3ème ed. , Louisiana State University Press, Baton rouge and London, 52

48 Discographie sélective : • L. Armstrong : Chicago breakdown (1927, Col. 36376) • L. Armstrong: I’ll be glad when you’re dead, you rascall you (1931, OK 41504) Bibliographie: ChiltonW A. Rose et E. Souchon : « New Orleans Jazz, a family album », 3ème ed. , Louisiana State University Press, Baton rouge and London, 52

42 (1917). Il partit ensuite pour Chicago et rejoignit l’orchestre de Lauwrence Duhé (1918). Après avoir accomplit ses obligations militaires il se joignit à l’orchestre dirigé par King Oliver (1920). Il joua avec l’orchestre de Carroll Dickerson, et partit avec en tournée en 1924, puis enregistra en 1927, alors que Louis Armstrong faisait encore partie de l’orchestre. Il joua et enregistra de nouveau avec Louis Armstrong en 1931-32, puis avec Jimmie Noone en 1936 et 1940. Il dirigea son propre orchestre en 1935 et en 1945-46. Sur la plupart de ses enregistrements son jeu est très difficilement audible, mais sur les plus anciens on l’entend jouer quelques coups de cymbale étouffée et quelques occasionnels coups d’after beat marqué à la caisse claire.

Paul BARBARIN49 [Adolphe] Né à la Nouvelle Orléans, Louisiane, le 5 mai 1899, et décédé le 17 février 1969 dans cette même ville, fils d’Isidore Barbarin (trompettiste). Il eut sa première batterie ainsi que son premier contrat professionnel en 1915, et rapidement fut membre de l’orchestre de Buddy Petit, le Young Olympia Band. En 1917 il part pour Chicago pour travailler dans les parcs à bestiaux, et un an plus tard il jouera au Royal Garden avec King Oliver et Jimmie Noone. Après être revenu à la Nouvelle Orléans il joua au Tom Anderson avec Albert Nicholas ; il retournera ensuite jouer à Chicago avec King Oliver en 1924 et travaillera au Plantation en 1925. En 1928 il rejoindra Luis Russell à New York, et il enregistrera avec cet orchestre de 1929 à 1935, quelques fois sous la direction de Jelly Roll Morton ou de Louis Armstrong. En 1935, Armstrong emmène le groupe pour une

49 Discographie sélective : En tant que Leader : • Barbarin’s Best at Dixieland Hall (1964, Nobility 707) En tant que Sideman : • King Oliver : Too bad/ Snag it (1926, Voc. 1007) • Louis Armstrong : Mahogamy Hall Stomp (1924, OK 8680) • Luis Russell : The new call of the Freaks/ Jersey lightning (1929, OK 8734) • Louis Armstrong : Dalls Blues (1929, OK 8774) • Emma Barrett : Sweet Emma Barrett and her New Orleans Music (1963, Slnd 241) Bibliographie :ChiltonW J . Norris : « Paul Barbarin, his Story », Eureka, I/1 (1960) ,23 C. Bolton : « All gone now », New Orleans Magazine, V/8 (1971),32 ; repr. en SL, XXIV (1972), win. , p. 19 ; spr., p. 19 [ extrait d’une autobiographie non publiée]

43 tournée et une série d’enregistrements. Barbarin se réinstallera à la Nouvelle Orléans en 1939, bien qu’il passa plus de temps à Chicago où il dirigera un orchestre, et jouera dans le sextet d’Henry « Red » Allen, de 1942 à 43, il travaillera avec Sydney Bechet (1944). Le reste de sa vie, il le passa à la Nouvelle Orléans, où il jouait dans des petits groupes et des brass bands, dans lesquels il pratiquait la caisse claire et de temps en temps la grosse-caisse. En 1960 il formera un second Onward Brass Band, qu’il dirigeait pendant la parade du carnaval jusqu’à sa mort. Le jeu de Barbarin était simple et sans artifices. Son set de batterie était composé d’une caisse-claire, d’une grosse grosse- caisse, d’une cymbale, de tom-tom et de wood-block. Il prenait très rarement des solos ; suivant ainsi le style de Mack Lacey et d’autres batteurs des premières heures de la batterie. Il utilisait la cymbale seulement pour la dernière grille du morceau. Il tirait son rythme swingué des rythmes joués dans les orchestres de parade, et quelques fois il exécutait la vieille rythmique à deux temps, que les danseurs, selon lui, préféraient. Bon nombre de ses compositions sont devenues des standards du jazz comme Bourbon Street Parade et Second Line.

Louis BARBARIN50 Né à la Nouvelle Orléans le 24 octobre 1902, fils d’Isidore et frère de Paul. Il eut comme professeur Louis Cottrell Sr., et rejoignit l’Onward Brass Band aux alentours de 1918, quand Manuel Perez en était le leader. Il joua dans les salles de danse avec Kid Rena, le tromboniste Jack Carey et Punch Miller, et il travailla avec Sydney Desvigne sur les bateaux à vapeur. En 1937 il commença une association, qui devait être longue, avec l’orchestre de Papa Celestin, qui continua après la mort de ce dernier, dirigé par le banjoïste Albert French . Parmi les nombreux disques qu’il enregistrera, un sera fait avec French, A night at Dixieland Hall (1963, Nobility 702B). Barbarin enseigna toujours la batterie. Il fit quelques tournées durant les années 1970 et continua de jouer jusqu’en 1982.

50 Bibliographie:A. Rose et E. Souchon : « New Orleans Jazz, a family album », 3ème ed. , Louisiana State University Press, Baton rouge and London, 52

44 Alexander Louis BIGARD51 [Alex] Né à la Nouvelle Orléans le 25 septembre 1899 et décédé le 27 juin 1978 dans cette même ville. Il est le frère de Barney Bigard (le clarinettiste) et ses cousins sont Natty Dominique et A. J. Piron. Il grandit donc dans une famille de musiciens et à partir de l’âge de 18 ans il se mettra à l’étude de la batterie, ainsi que les rudiments de tambour, avec Louis Cottrell Sr.. De temps en temps il remplacera Louis Cottrell dans l’orchestre d’A. J. Piron. Il aura son premier contrat professionnel avec Peter DuConge au Tom Anderson, et aux alentours de 1919 il deviendra membre de l’Excelsior Brass Band et du Maple Leaf Orchestra. Il jouera aussi avec Buddy Petit et Chris Kelly, et en 1925 il rejoindra Sydney Desvigne. Plus tard il jouera avec le trompettiste Kid Shots Madison et sans doute déjà avec John Robichaux en 1928. Il jouera avec Robichaux régulièrement de 1934 à 1939. De 1944 à 47 il était avec Kid Rena, et dans les années 1950 il dirigera son propre groupe, les Mighty Four. Il fera son premier enregistrement en 1952 avec Kid Clayton (trompettiste), The first Kid Clayton session (FW 2859) ; Shake it and break it est parfait exemple du style de batterie New Orleans classique de Bigard. Dans les années 1960 il jouera fréquemment au Preservation Hall avec De De et Billie Pierce, et bien d’autres, mais il devra se retirer en 1967 pour cause de surdité.

Vic BERTON52 [Victor COHEN]

51 Bibliographie : • Barry Martin : « The story of Alex Bigard », Eureka, II/1 (1962), 5 [incluant une discographie]; repr. (sans discographie) en Sv, n°8 (1966-67),3 • Barney Bigard : With Louis and the Duke, ed. Barry Martin (London, 1985)

52 Discographie sélective : En tant que leader • Devil’s Kitchen/ I’ve waiting all winter (1935, Col. 3074D) En tant que sideman • Red heads : Poor papa (1926, Pact 36387) • Red Nichols: That’s no Bargain (1926, Bruns. 3407) • Red Nichols: Boneyard Shuffle (1926, Bruns. 3477) • Red Nichols : Davenport Blues (1927, Vic. 20778) • Red Nichols: Oh! Peter (1931, Bruns. 6198) Bibliographie : Chilton W R. Berton : Remenbering Bix (New York, 1974) T. D. Brown: A history and analysis of jazz drumming to 1942 (diss., University of Michigan, 1976) T. D. Brown: “Vic Berton: a forgotten giant of the drums”, ARJS, ii (1983), 181

45 Né à Chicago le 5 juillet 1896 et décédé le 26 décembre 1951 à Hollywood. Batteur et percussionniste blanc, il débuta sa carrière très tôt dans l’orchestre de danse de son père, puis partit pour une tournée régionale avec un cirque. Il joua dans des clubs et des théâtres dans la région de Chicago avant de rejoindre l’orchestre de la Navy, le Sousa’s US Navy, pendant la première guerre mondiale. Après la guerre il retourna à Chicago et étudia les timbales avec Joseph Zettleman de l’orchestre symphonique de Chicago. Il enregistra régulièrement avec les groupes commerciaux de Sam Lanin, Paul Whteman, Vincent Lopez, Roger Wolfe Kahn, Don Vorhees et avec des musiciens dixieland comme Red Nichols, Miff Mole, et aussi en dirigeant ses propres groupes. Il joua aussi avec des orchestres symphoniques comme le New York philarmonic orchestra et le Los Angeles philarmonic orchestra. Il passa les 20 dernières années de sa vie à Hollywood comme directeur musical et percussionniste pour la Paramount et la 20th Century-Fox. Le jeu de Berton résume bien le style de batterie nord- américain sur les disques du début des années 1920 fait avec Ben Pollack et Frank Snyder. Les enregistrement de 1926-29 de Vic avec Red Nichols sont intéressantes pour les différentes figures syncopées joué sur une cymbale étouffée ou suspendue, et pour les lignes de basses et les solos exécutés sur 2 timbales53. Inventeur acharné, on lui attribua en 1926 l’invention d’une pédale qui donnera naissance à la pédale de charleston telle que nous la connaissons aujourd’hui54.

Tony SBARBARO55

53 Voir II. a. Les timbales 54 Voir II. . La charleston 55Discographie sélective En tant que Sideman • Original Dixieland Jazz Band : Indiana (1917, Col. A2297) • Original Dixieland Jazz Band : Dixie Jass Band One-step (1917, Vic. 18255) • Original Dixieland Jazz Band : Tiger Rag (1917, Aeolian Voc. 1206) • Original Dixieland Jazz Band : Crazy Blues (1921, Vic. 18729) • Original Dixieland Jazz Band : Fidgety Feet (1936, Vic. 25668) • Original Dixieland Jazz Band : Original Dixieland One-step (1936, Vic. 25502) • Eddie Condon: Mandy Make up your Mind (1943, Com. 604) Bibliographie : Chilton W F. Manskield: “Sixty Years of Tony Sbarbaro”, JM, iv/9 (1958),24 H. O. Brunn: The Story of the Original Dixieland Jazz Band (Baton Rouge, LA, 1960/R1977) T. D. Brown: A history and analysis of jazz drumming to 1942 (diss., University of Michigan, 1976)

46 [Antonio SPARGO] Né à la Nouvelle Orléans le 27 juin 1897 et décédé le 29 octobre 1969 à New York. Batteur et joueur de Kazoo, il débuta sa carrière en jouant à la Nouvelle Orléans avec le groupe des frères Frayle en 1911. Plus tard il jouera dans le Reliance de Papa Jack, puis avec Merritt Brunies et le pianiste Carl Randall. En 1916 il partit pour Chicago pour se joindre à l’Original Dixieland Jazz Band (ODJB). Il fut le seul membre du groupe à y rester jusqu’à sa dissolution en 1956. Sbarbaro joua aussi à New York avec différents musiciens comme Miff Mole, Phil Napoleon, Big Chief Moore, Pee Wee Erwin, Jimmy Lytell, Tony Parenti, Eddie Condon et le pianiste Miki Loscalzo, et il enregistrera avec quelques-uns uns d’entre eux. Il cessera son activité de musicien au début des années 1960. La façon de jouer de Tony contrastait beaucoup avec ses contemporains de la Nouvelle Orléans tels que Zutty Singleton et Baby Dodds. Sa technique très démonstrative et ses exubérantes improvisations tiennent plus du style de jeu ragtime de batteurs tels que James Lent, Buddy Gilmore ou John Lucas. Ses premiers enregistrements, notamment Indiana, Dixie Jass Band One-step, ou Tiger Rag, tous de 1917, balayent l’idée reçue qui voulait que le nombre d’éléments de la batterie et les techniques de jeu des batteurs de cette époque étaient très réduits, dans les premiers studios d’enregistrement. Ses cymbales, woodblocks, cloches, caisse claire et grosse caisse (jouée en double-drumming) sont clairement identifiables sur ses titres.

47 IV.Le style Nouvelle Orléans (ou New Orleans Jazz) 1. Définition d’un des premiers genre de jazz Il est indéniable que le style Nouvelle Orléans est le plus ancien style de jazz, si on met à part le ragtime, et a pris son nom de la ville où il est né, mais il sera propagé dans quasiment tous les Etats-Unis grâce à des ambassadeurs comme Louis Armstrong, mais aussi par le cumul de deux nouvelles technologies importantes : la radio et de l’enregistrement. Mais revenons au style New Orleans. Il se définit comme typique de petits ensembles apparus avant la première guerre mondiale et qui se fit connaître au cours des années 20, puis resurgira dans les années 40 dans une période que l’on appellera le Revival. Ce style existe toujours, son instrumentation n’a pas changé et son répertoire est assez réduit. Certains aiment à le distinguer du Dixieland, réservé lui aux musiciens blancs de la même époque mais généralement moins swinguants malgré leur bonne technique instrumentale. Dixieland, dans le langage poétique, désigne le sud, c’est en fait la forme la plus ancienne et la plus caricaturale d’imitation du jazz de la Nouvelle Orléans par les blancs. Sa première manifestation est attribuée au Ragtime band de Papa Jack Laine (cf : pionniers), qui imita le premier les street band (orchestres de rues) noirs. Ce courant sera favorisé par le pouvoir financier des blancs qui produira les premiers disques de jazz, comme ceux de l’ODJB, mais on estime que le niveau des orchestres noirs, qu’ils imitaient, devait être nettement supérieur. Les morceaux étaient très rapides car le temps impartit était de 3 minutes et 20 secondes maximum et ils jouaient aussi très fort. La domination, à tous les postes de décisions (production, diffusion, distribution, organisateurs de spectacles), des blancs aidera nettement à rendre populaire ce style qui fera les beaux jours de Chicago et de Broadway, et connaîtra lui aussi un regain d’intérêt dans les années 40. Les premiers musiciens de ce style le désignaient comme du ragtime, bien qu’il fut assez marqué par une particularité locale. Ils étaient tous amateurs ou semi-professionnels, ce qui veut dire que tous avaient une profession parallèlement à leur pratique musicale tellement la concurrence était rude. Quelques-uns d’entre eux savaient lire la musique. Les orchestres comprenaient une section rythmique composée d’une batterie ou de percussionnistes (avant 1910 surtout), d’une guitare et d’une contrebasse (plus souvent jouée à l’archet qu’aux doigts) et une grande variété de timbres, qui accentuait la polyphonie de l’ensemble, dans laquelle les instruments à vents ne chômaient pas. Le répertoire était constitué de vieux hymnes écossais,

48 de mazurkas, de quadrilles et de nombreuses spécialités locales comme Tiger Rag ou Don’t go way nobody. D’autres furent certainement pris à un général sudiste comme Make me a pallet on the floor, Easy rider ou My bucket got a hole in it, et certains deviendront vite des standards comme High society, Panama ou Moose march. Petit à petit les orchestres, avant les années 20, comprendront un violon, un cornet, une clarinette, un trombone, une batterie, une contrebasse et un ou deux instruments à vent. C’était à la mode dans le pays de mettre du violon dans la musique et puis on remplaça la contrebasse par le tuba, puis la guitare par le banjo. Et de même on pense que le saxophone entra dans l’orchestre new orleans, malgré ce qui a souvent été dit. L’utilisation de deux , qui sera mise en avant par King Oliver dans les enregistrements de 1923, ne sera pas adoptée par les orchestres les plus anciens. En outre, la formation de l’ODJB (cornet, trombone, clarinette, piano, batterie) n’était absolument pas commune à la musique néo-orléanaise (mis à part peut-être les orchestre de foire) et était probablement inspirée des orchestres de cabaret de Chicago des années 1915-18. On pouvait distinguer deux sortes de musiciens en activité avant 1914 : les musiciens qui ne jouaient que d’oreille et les musiciens lecteurs qui pouvaient jouer sur partitions et d’oreille. Dans les premiers groupes le thème était joué successivement par les différents musiciens. Au début des années 20, c’était le joueur de cornet qui exposait le thème, il était donc le leader (rôle que tenu avant par le violoniste). Tous les joueurs de cornet né environ avant les années 1890 jouait le thème avec de très légères variations. Ils saccadaient plus les articulations, le phrasé avait une toute relative précision binaire du rythme. Ils utilisaient surtout le médium avec des nuances allant du mf à f et un vibrato rapide et trés prononcé. Le clarinettiste exécutait un contre-chant en double croches dans un registre très étendu, et son timbre limpide et plus clair que ceux utilisés par les clarinettistes suivants, rappelle l’enseignement français suivit par les clarinettistes de la Nouvelle Orléans (certaines différences persistent du fait de l’utilisation de systèmes de clés différents dont le système Albert). Le trombone développa, entre autre, le style Tailgate : dénommé ainsi en souvenir des défilés sur les camions ou les remorques, le trombone s’asseyant derrière car il avait ainsi tout le loisir d’user et d’abuser des glissandos, sa coulisse n’étant pas stoppée par un quelconque obstacle. Son jeu était donc fait de nombreux glissandos mélangés à un contre-chant de registre ténor et à une doublure de la partie de basse. Plus tard des gens comme King Oliver, Sydney Bechet et d’autres amèneront des blues notes, des

49 portamentos et un vibrato plus ferme en plus d’un style mélodique plus expressif. Pour ce qui est de la batterie, les batteurs utilisaient une grosse caisse énorme, trés résonnante et le press-roll, sorte de roulement, sur la caisse claire avec quelques touches sur les accessoires divers et variés. La chose importante est bien de savoir quand on est passé du 2 temps aux 4 temps. On dit souvent que cela correspond au passage du ragtime au jazz. Pour ce que nous en savons, c’est à dire d’après les enregistrements qui sont pour nous la seule source fiable à 100%, les premiers batteurs, dont fait partie Tony Sbarbaro ou Spargo de l’ODJB de 1917-18, passaient invariablement de l’un à l’autre. Quelques enregistrements parmi les premiers, nous laissent entendre que la prédilection à la Nouvelle Orléans était de jouer des tempos plus lents et plus marqués que dans le reste du pays. Peut-être était-ce une particularité rythmique plus pénétrante mais plus décontracté de retenir le rythme, particulièrement sur les foxtrots lents ou les morceaux très lents. Le répertoire et l’instrumentation du dixieland blanc étaient bien plus affirmés que dans la tradition noire, particulièrement pendant le revival de la fin des années 30. Beaucoup d’hymnes et de chansons folks créoles ou populaires entrèrent dans le répertoire du jazz new orleans noir, souvent à la demande de producteurs de disques ou d’historiens du jazz. L’harmonie du jazz new orleans est pourtant plus simple que celle du ragtime, du moins dans les progressions d’accords (allant au-delà des 7ème de dominantes ou 7ème diminuées). Il n’y a que de légères modulations, excepté pour les enchaînements des marches, et les armures ne comportent souvent qu’un dièse ou 4 bémols maximum. Les solos sont généralement confinés à deux mesures de break ou à de brefs moments où un des musiciens domine, mais ce sont souvent deux instruments à vent qui se répondent. Petit à petit, ce sont de petites improvisations qui apparaissent et qui déboucheront bientôt sur des acquis plus conséquents au début des années 20. Le style de jeu de la batterie New Orleans eut une courte durée, en partie à cause des changements que subissait le jazz, mais aussi car beaucoup de musiciens, dans les années 1920, partirent pour Chicago et s’inspirèrent alors des techniques des batteurs présents là-bas. Baby Dodds et Zutty Singleton , qui représente des modèles du genre, furent parti de ces gens qui , dans les années 1930, jouèrent en combinant les styles de batterie New Orleans et Chicago. Les grands classiques du style new orleans en ces débuts des années 20 sont donc le King Oliver’s Creole Jazz Band et les . Plus tard on verra s’ajouter les

50 enregistrements des orchestres dirigés par Jelly Roll Morton, Lil et Louis Armstrong, Johnny Dodds et Jimmie Noone.

2. Un modèle du genre (pour la batterie): Warren «baby » DODDS56 Né le 24 decembre1894 ou 1896 à la Nouvelle Orléans en Louisiane, mort le 4 ou 14 février 1959 à Chicago Illinois, roi des batteurs de la Nouvelle Orléans, frère de Johnny Dodds. Il eut pour enseignant en musique Walter Brundy(~1883-1941, un des plus grands batteurs de l’époque, qui a joué avec le Superior Orchestra, orchestre de danse, de 1905 à 1914,et chez John Robichaux en 1912), Dave Perkins(~1868-1926, musicien de Brass Band de 1895 à 1912 et un des meilleurs professeurs de musique à la Nouvelle Orléans pour le trombone et la batterie) et Manuel Manetta(1889-1969, jouant tous les instruments, il fut professeur de musique durant plus de 50 ans et joua avec Buddy Bolden, Franck Duson, Edward Clem, l’Original Tuxedo Orchestra, Papa Celestin, Joe Howard, Kid Ory, Manuel Perez) et Louis Cottrell Sr.( ~1875-1927, un des plus grands batteurs de la Nouvelle Orléans, il joua chez A. J. Piron de 1918 à sa mort et chez Manuel Perez en 1915). A l’âge de 14 ans il travaille à l’usine et s’exerce à la batterie, il jouera rapidement dans les Honky Tonks de sa ville puis à partir de 1913 (19 ans) jusqu’en 1918 il se produira au côté de Bunk Johnson, A. J. Piron, Roy Palmer, Papa Celestin(1884-1954, Tp, Cornet, chef d’orchestre très populaire durant 44 ans, il fonde l’Original Tuxedo Orchestra en 1910 et le Tuxedo Brass Band en 1911) , Jack Carey(~1889-1935, Tbn, il semble être le 1er à jouer dans le style « Tailgate »[jeu de glissando les trombonistes étant assis à l’arrière du camion en défilé], il fut parmi les premiers à utiliser des mélodies françaises pour en faire du Jazz, son Crescent Orchestra était un des meilleurs du jazz naissant), Willie Hightower(1889- ? , Cornet, Tp, leader du American Stars), «Big Eye » Louis Nelson(1902, Tbn, joua avec l’Original Tuxedo Orchestra). Il jouera sur les bateaux à vapeur(Sydney, St Paul et Capitol) circulant sur le Mississippi, avec Fate Marable jusqu’en 1921. Comme beaucoup de musiciens de la Nouvelle Orléans il partira pour Chicago, car les autorités militaires décident de fermer le quartier de Storyville qui semble être un danger pour la moralité des troupes engagées dans la première guerre mondiale. Les maisons closes étant fermées les femmes ainsi que les musiciens se voient privés de leur gagne-pain. Baby rejoindra alors Joseph King Oliver (1885-1938, Cornet, leader du plus important orchestre de la ville), sur les conseils de son frère Johnny qui faisait

56 Cf, discographie sélective, bibliographie, VIII Annexes 2. a. ; Iconographie n°01-02

51 déjà parti de l’orchestre. Il y entrera à San Francisco puis à Chicago en décembre 1921 prenant ainsi la place jadis occupée par James Philipps, Dee Dee Chandler, Paul Barbarin(1918, 1925-28) et Minor « Ram » Hall(dans les années 20). Il y jouera au Lincoln Gardens au côté de son frère (clar.),de Louis Armstrong(Cornet), Honoré Dutrey(Tbn), Lil Hardin(Piano), Bill Johnson(Basse), Arthur « Bud » Scott(Banjo) avec lesquels il grave des plages inoubliables au sein du King Oliver’s Creole Jazz Band. Cela commence les 5 et 6 avril 1923, les musiciens sont répartis autour d’un unique micro en fonction de leur rôle(soliste ou non) et de leur puissance. C’est ainsi que le batteur se voyait relégué au fond de la pièce avec l’interdiction d’utiliser la grosse-caisse et la caisse-claire car les appareils d’enregistrement ne pouvaient supporter les fréquences basses ainsi que les trop fortes pressions sonores. Ainsi sur les enregistrements nous ne pouvons témoigner que d’un jeu succinct sur la cymbale, les wood blocks, les cercles des différents fûts et exceptionnellement la caisse-claire sans timbre ainsi que le tom-tom. Il quittera King Oliver en 1924 pour jouer avec successivement Freddie Keppard, Willie Hightower, Hugh Swift et Charlie Elgar. En 1926 il suit son frère, avec Louis Armstrong au Dreamland Café et enregistreront les Hot Seven(les 10, 11, 13 et 14 mai 1927), puis quand Louis rejoignit l’orchestre de Fletcher Henderson les deux frères s’établirent au Kelly’s Stables de 1928 à 1930 avec Natty Dominique et Charlie Alexander. Baby continuera à jouer avec son frère dans les cabarets jusqu’à la mort de celui-ci en 1940. Grâce à la vogue du New Orléans Revival, il se produira et enregistrera avec les grands de ce style Jimmy Noone, Bunk Johnson, Sidney Bechet, Earl Hines, Albert Nicholas, Lee Collins. En 1944-45 il quitte Chicago pour s’installer à New York où il se produit avec Bunk Johnson et il prend part à des émissions radiophoniques «this is jazz ». En 1948 il se rend en France au côté de Milton «Mezz» Mezzrow qui joue au festival de Nice. De retour aux Etats-Unis il tombe gravement malade, dès lors sa santé ne fera que dégrader. Il faut bien noter que Baby sera le premier batteur de l’histoire à avoir enregistré des morceaux uniquement composés par la batterie57. De nombreux batteurs ont écouté Baby : Ray Bauduc, George Stafford et Georges Wettling s’en inspireront directement24. Zutty bien évidemment, Dave Tough, Chick Webb, Gene Kruppa (qui d’ailleurs l’interviewa), Sidney ‘big sid’ Catlett, Jo Jones ou encore Max Roach. Gene Krupa dira à son sujet58 : »Baby m’a appris plus que n’importe

57 Cf G. Paczynski : Une histoire de la batterie de jazz, Tome 1 des origines aux années swing, édition Outre Mesure, 100

58 Modern Drummer, The great jazz drummers, Part. I, Gene Krupa, 06-07 1980, p56

52 qui d’autre. Non seulement la façon de jouer la batterie, mais la philosophie de la batterie. Il fut le premier grand soliste. Sa conception s’achemina de la battue régulière du temps à une batterie conçue comme une partie mélodique du jazz. Baby pouvait jouer une mélodie sur sa batterie et si vous écoutiez attentivement vous pouviez nommer la mélodie ». Comme le dit Georges Paczynski 59: « Toute l’histoire de la batterie de jazz est là. Un homme, Baby Dodds, a su écouter, assimiler et finalement créer un style très personnel de batterie et marquer ainsi définitivement les débuts de l’aventure du jazz ». Mais voyons comment se comporta celui que l’on désigna comme son rival, l’autre batteur qui bien qu’ayant le même âge et évoluant dans les mêmes milieux ne se fit remarqué que plus tard.

59 G. Paczynski : Une histoire de la batterie de jazz, Tome 1 des origines aux années swing, édition Outre Mesure, 100

53 V.L’un des grands pionniers : Arthur James «Zutty» SINGLETON60 1. Biographie Né le 14 mai 1898 à Bunkie en Louisiane, décédé le 14 juillet 1975 à New York. Ces souvenirs d’enfance, il les racontaient ainsi : « Ma mère travaillait pour une famille Mc Bride. Mc Bride avait un drugstore à Bunkie et il jouait du tambour dans la fanfare de la ville. Je jouais avec son fils Raymond et un jour nous avons trouvé les tambours dans le sous-sol. Il n’y avait pas de baguette, mais j’ai enlevé les traverses d’une chaise de la cuisine et je me suis mis à jouer avec. C’était la première fois que je touchais un tambour ».A l’âge de deux ans, sa mère l’emmena à la Nouvelle Orléans, où son oncle Willie Bontemps jouait de la guitare et de la basse dans l’orchestre de Jack Carey. Vers sept ans, il commença à s’intéresser à la batterie, et il tapait sur toutes sortes de caisses et de casseroles, puis comme Baby Dodds et Tubby Hall laissaient fréquemment leur matériel chez son oncle, il s’entraîna sur leurs sets chaque fois qu’il le pouvait. Willie Bontemps recevait chez lui beaucoup de musiciens et il venait à passer des gens comme Buddy Bolden, Bunk Johnson et Steve Louis. Un peu plus tard il alla écouter «Old Man» Cottrell, Paul Dedroit, Baby Dodds et bien d’autres pour apprendre ce qui lui manquait. Il s’intéressa particulièrement au style de Cottrell, qui était alors fort renommé et jouait chez A. J. Piron, au Frenchina et au Spanish Port. Il passa des soirées entières à le regarder, et bientôt Cottrell lui donna des conseils : « Zutty, just sit, look and listen », mais jamais Zutty ne joua avec l’orchestre. A ce moment là les orchestres de danse jouaient partout, du Ragtime à la Mazurka. Pour les Fox, les drummers marquaient tantôt 4, tantôt 2 temps par mesure, suivant le genre du morceau. Zutty dit que le style de Baby Dodds donne une idée satisfaisante du jeu de batterie autour des années 20. C’est dans ce style que Zutty commença à jouer, mais en gardant les conceptions New Orleans il ajouta quelques innovations modernes. A propos de cette période il dira : « A mes débuts, j’ai écouté Louis Cottrell (senior), qui jouait à l’Orpheum Theatre, Paul Dedroit et Henry Zeno. Ils savaient tous phraser et ils jouaient toujours « sous » l’orchestre, jamais bruyants, jamais tyranniques. Ils n’utilisaient pas beaucoup la cymbale. J’aimais le roulement de Cottrell et la sonorité qu’il obtenait. J’aimais la façon dont Dedroit jouait avec les spectacles au théâtre. Il m'a aidé pour mon engagement au Lyric

60 iconographie n°11-12 ; bibliographie, discographie et filmographie VIII. Annexes 2. b.

54 Theatre à la Nouvelle Orléans et j’ai travaillé avec Ethel Waters, Bessie Smith et beaucoup d’autres chanteuses célèbres. » Un jour il hérita d’une paire de balais que Manuel Perez avait envoyé de Chicago pour Louis Cottrell, ce dernier ne les aimant pas (sous prétexte que cela salissait les peaux !) Les lui donna. Il fut ainsi l’un des premiers batteurs noirs à utiliser des balais. Mais Zutty était chauffeur, jusqu’au jour où, vers 1915, il commença à jouer pour des soirées privées et dans les cinémas pour accompagner les films muets, avec Steve Louis (Lewis), le pianiste de Cottrell. Sa tante Carrie, qui estimait qu’il avait un bon rythme pour devenir musicien, l’aida à acheter sa première batterie, une Leedy. Depuis, il a toujours joué sur cette marque. En 1917 il s’engage dans la Marine, où il est d’abord affecté à un chasseur sous-marin, le U.S.S. Warkiwa, qui fut coulé dans le golfe de Biscaye à la suite d’une collision avec un des cargos qu’il escortait. « Je m’étais amarré sur le radeau de sauvetage avec une corde qui était reliée au Warkiwa, sans m’en douter, évidemment, jusqu’au moment où le bateau fit son trou dans l’eau. Et si un camarade n’avait pas eu la présence d’esprit de couper la corde, j’aurais été nourrir les poissons ! ». Plus tard il fut transféré sur le U.S.S. Isabel, un ancien yacht converti en destroyer, et il eut l’occasion de venir à St Nazaire et à Brest. Une fois revenu à la vie civile, Steve Louis lui trouve une place dans un orchestre où joue « Big Eye » Nelson (cl), Walter Decou (p) et Sydney (g). Il y restera plusieurs mois jusqu‘à ce qu’on lui propose de monter son propre orchestre. Il y réunit des gens de son âge dont Louis Armstrong (qui jouait sur les Riverboat avec Fate Marable), John St Cyr (bj) et Udell Wilson (p) pour jouer à l’Orchid Cabaret. Louis jouait déjà très bien, au point que bientôt Fletcher Henderson le fit demander. L’affaire ne se fit pas car Louis ne voulait accepter que si Zutty soit lui aussi engagé, mais Henderson ne voulait pas se séparer du jeune Kaiser Marshall qu’il venait d’engager. Par contre lorsque King Oliver le demanda Louis ne se posa aucune question et partit immédiatement. Quelque temps plus tard Zutty joua avec Albert Nicholas (cl) et Luis Russell Lee Collins (tp) qui remplaçait Manuel Perez. En 1922, il joua dans un vaudeville, dont l’orchestre était dirigé par John Robichaux, avec «Old Man» Picou (cl). « L’actrice et chanteuse Ethel Waters jouait dans le spectacle et c’est elle qui m’apprit le «charleston beat » Il fera ainsi une découverte importante sur la batterie de jazz : « Ethel Waters arriva en ville pour jouer au Lyric et elle me montra le rythme du charleston, du moins sa manière de le marquer, pour un de ses numéros. Cela ne marchait pas, au

55 début. Puis j’ai découvert que si je marquais quatre temps à la grosse caisse, au lieu de deux, cela devenait facile ! ». En 1923-24, il joua avec Fate Marable sur le riverboat Capitol et il enregistra avec Frankie and Johnny pour Okeh. Beaucoup de gens sont passés dans son orchestre : Louis Armstrong, Baby Dodds, Red Allen, Tab Smith, … Son orchestre fut le premier à amener le jazz jusqu’à St Louis. Le bateau quittait la Nouvelle Orléans au mois d’avril et s’arrêtait tous les soirs dans une ville. Les riverains, qui avaient rarement l’occasion de danser, se précipitaient au son de la sirène et c’était chaque fois un franc succès. L’orchestre passait l’été à St Louis, puis redescendait vers la Nouvelle Orléans de ville en ville. « Lorsque je me suis associé avec Fate, je remplaçais un batteur qui lisait la musique et qui jouait de plus du xylophone, du carillon et ainsi de suite. Tout ce que je pouvais faire, c’était de tâcher de déchiffrer la partition pendant que je marquais le rythme. Mais le capitaine John dit à Fate qu’il fallait que je lève la tête au lieu de la tenir toujours penchée à déchiffrer la musique. Travailler pour le capitaine John, c’était un peu comme le service militaire. Il achetait les derniers disques de Fletcher Henderson, de Paul Whiteman et de quelqu’un dans ce genre et s’il aimait une partie de l’arrangement, il nous fallait le copier. C’était à nous de nous débrouiller pour y arriver, mais Fate avait suffisamment le sens de la musique pour nous guider. Je me rappelle que j’ai dû acheter un gong pour jouer Shanghaï shuffle de Fletcher Henderson. ». Certains ont cru que les disques que Zutty avait fait avec Marable en mars 1924 n’étaient qu’une légende, par le fait qu’ils sont très rares. « A New Orleans et dans les environs jouaient une grande quantité d’orchestres. C’était le vrai centre du jazz, et le Tuxedo band, le Robichaux band, le Chris Kelly band, le Amos Ralley band, le Maple Leaf band, l’Olympia band, le Superior band, l’Eagle band, avec Bunk Johnson qui jouait rudement bien, croyez moi, l’orchestre de Jack Carey (où jouait Willie Bontemps et Lee Collins), frère de Papa Mutt (lequel était un fameux musicien, à l’époque), et d’autres encore, rivalisaient d’ardeur pour les marches comme pour la danse ». Après avoir quitté Fate Marable, il se retrouve dans l’orchestre de Charlie Creath, à St Louis, Charlie (frère de Marge qu’il épousa en 1924) était très réputé et jouait uniquement de la danse. Ils enregistrèrent pour Okeh (Market Street Stomp) avec de bons musiciens, mais qui ne se sont pas fait de nom faute d’être resté à St Louis. « On enregistrait alors avec le procédé acoustique. Tout le monde était rangé en ligne devant un ou deux pavillons. Les instruments les plus bruyants devaient se tenir en retrait. Quant à la

56 batterie, les ingénieurs avaient peur que les vibrations des caisses démolissent leurs appareils, aussi je ne pouvais me servir que des cymbales et du wood-block ». Peu après il joua de nouveau sur un riverboat, le St Paul, avec Charlie Creath, et le parcours les menaient de St Louis à Davenport (plus au Nord). En 1925 il eut envie de voir du nouveau et partit pour Chicago avec sa femme et ses bagages dans une vieille Ford T. Il remplaça quelques temps Baby dans le groupe de son frère puis trouva un engagement chez Charlie Cook, où jouaient Freddie Keppard, Jimmy Noone, John St Cyr et Clifford King (cl, sax). Puis il joua, en même temps (doubler), en trio au Nest qui devint l’Apex Club, avec Jimmy Noone et John Carrington (p). C’est là que Catlett venait l’écouter :« That was really my boy, j’ai rencontré Big Sid Catlett au Nest. Il me remplaçait souvent et Noone l’appelait " little Zutty ! ». Ensuite il entre chez Dave Peyton qui accompagnait le show au Café de Paris (anciennement le Lincoln Garden). »Il dirigeait parfaitement bien. Je lisais mal la musique, mais en suivant sa baguette ça allait tout seul. C’était mon rythme qui lui plaisait, et il me répétait tout le temps « that down beat is very important, I want it to be solid !». Dans le spectacle, Africana, se produisait Ethel Waters. Il eut ensuite l’occasion de jouer avec divers petits groupes qu’il dirigeait. En 1927, il jouait au Nest en trio avec Jimmy Noone à la clarinette et Jérôme Carrington au piano et son disciple, un certain Sidney « Big Sid » Catlett, venait l’écouter et quelque fois le relayer. Et la même année, alors que Zutty remplaçait, à l’Apex, pour quelques temps le batteur de Jimmy Noone qui était malade, Caroll Dickerson montait un orchestre pour le Savoy à Chicago, où il voulait que Louis vienne jouer. Il demanda à Zutty de le décider. Zutty y restera pendant trois ans entouré d’Earl Hines, Fred Robinson (tbn), Mancy Cara (bj), Jimmy Strong (cl, sax t), ainsi que Don Redman venu spécialement de Detroit où il jouait avec les Mc Kinney Cotton Pickers. Pendant cette période il enregistrera beaucoup de disques, mais les plus intéressant, à son goût, furent ceux du Hot Five en juin 1928 : « Louis joue tellement bien dans ces disques et Earl Hines aussi ! Je crois que c’est à partir de ce moment là qu’ils eurent tous les deux tellement d’influence sur des tas d’autres musiciens. On retrouve la trace du style de ces solos d’Earl Hines dans le jeu de Joe Sullivan, Teddy Wilson et Tatum. L’enregistrement électrique était à ses débuts, il n’y avait qu’un micro pour tout l’orchestre, mais la sonorité était très bonne et au moins, on entendait bien la batterie. (…)Un soir que l’orchestre de Dickerson s’était rendu à Detroit pour une soirée, au

57 Greystone Ballroom, lieu de rassemblement des musiciens des orchestres Casa Loma, Gene Goldkette et Cotton Pickers, le haut- parleur déversait précisément tous les chorus des derniers disques du Hot Five, à la grande surprise de Louis ». Entre temps Louis avait pris la direction de l’orchestre Dickerson, qui sera dissous en 1930 à New York après un engagement au Savoy puis au Connie’s Inn (où passait la fameuse revue Connie’s Hot-chocolates). « Dans la revue se trouvait une extraordinaire danseuse nommée Louis Cook, qui improvisait au fur et à mesure ses pas et ses attitudes. Je l’accompagnais sur les tom-toms et plus je me donnais, plus elle dansait avec une invention et une frénésie qui m’inspirait davantage. Quand l’orchestre fut dissous, les «chorus girls » qui étaient habituées à mon accompagnement insistèrent pour que je reste, aussi je fis partie de l’orchestre Allie Ross (vl) qui accompagnait la revue Black Birds. Dans la formation jouaient alors Bubber Miley, Louis Metcalf (tp), Frank Belt (1er tp) et Wilbur de Paris (tbn) ». Puis il fit quelques soirées et retourna au Coonie’s Inn avec l’orchestre de Russel Wooding et Fats Waller. En 1932 il joua dans l’orchestre de Vernon Andrade au Renaissance Ballroom, avec George Washington (tbn), Happy Cauldwell (sax t), Metcalf (tp) et Al Morgan (b). Plus tard avec Tommy Ladnier il accompagnera les danseurs Berry Brothers, tantôt seul, tantôt avec l’orchestre de la fosse. Ensuite il accompagnera de la danse de caractère (Norman et Arlene Selby) sans aucun autre instrument. Il eut ainsi l’occasion de retourner à Chicago et de jouer avec l’orchestre d’Irving Rothchild. Ils passaient aux Folies Bergères où jouaient également George Wettling (dm), Jess Stacy et Pat Condon (frère d’Eddie). C’était l’époque de la grande exposition de 1932. En 1934 il retourne chez Dickerson avec Jabbo Smith (tp), Zilmer Randolph (tp et arr), Albert Wynn (tbn) et Guy Kelly (tp), qui jouait surtout à Chicago (Grand Terrace et Sunset) et aux alentours. Il montera ensuite son propre orchestre qui jouera au Three Deuces, et enregistre pour Decca. Le cabaret fermera car il tombait petit à petit dans la rivière. Il retourne donc chez Roy Eldridge avec Scoops Carey, Joe Eldridge (sax), Dave Young (tp), Teddy Cole (p), John Collins (g) et Truck Parham (b). Ils enregistreront 6 faces (dont Floride Stomp et After you’ve gone) pour Vocalion. En 1937 il repart pour New York où il se produit en «attraction », exécutant de longs solos suivant la formule de Big Sid Catlett avec son Steak Face. Dans l’orchestre de Joe Marsala (cl), qui

58 jouait dans la même boite, se trouvait Joe Bushkin (p), Artie Shapiro (b) et Buddy Rich (dm). Plus tard il jouera avec Eddie Condon et Bobby Hackett Chez Nick, où Choo Berry, Fats Waller et Lips Page venaient faire le bœuf : « that was the greatest jazz spot in the world at that time ! ». Mezzrow monte alors son orchestre noir et blanc, qui ne tiendra que quelques semaines, avec Gene Sedric, Sydney de Paris, Vernon Brown (tbn),Frank Newton, Max Kaminsky (tp), George Lugg (tb), Bernard Addison (g) Elmer James (b) et quelques autres. Zutty retourne Chez Nick avec un trio : Edmund Hall (cl) et Hank Duncan (p). En novembre 1938 il enregistre 3 faces avec Ladnier, Mezzrow, James P. Johnson. Puis il quitte Chez Nick pour jouer avec Bechet. « On se tapait des duos soprano-batterie qui duraient un quart d’heure. Quelle ambiance et quel succès ! Je fais quelques disques avec lui ». Puis il retourne Chez Nick avec Sydney de Paris, Arbello (tb), Albert Nicholas, Fullbright (b) et Gene Anderson (p). Plus tard il jouera au Village Vanguard avec son trio (Albert Nicholas, Eddie Heywood), puis au Jimmy Ryan’s avec Joe Eldridge, Don Frye (p), Sydbey de Paris et Al Morgan. En juin 1939 il enregistre 8 faces avec Jelly Roll Morton pour Bluebird, puis au début de l’année suivante plusieurs autres, dont un sous son nom, pour Decca. Quelques autres avec les Rhythmakers pour H.R.S. et un peu avant avec Rosetta Crawford, Mezzrow, Ladnier et James P. Johnson. Fin 1939 il enregistre aussi avec Lionel Hampton, Benny Carter et Coleman Hawkins pour Victor (Dinah et Singin the blues). En 1941 il part en Californie pour tourner le film Stormy Weather. « J’habitais chez Jimmy Mundy, l’arrangeur, et tous les matins, Fats venait me chercher en voiture pour m’emmener au studio. Pour faire passer son petit déjeuner et le mien il sortait régulièrement une bouteille d’Old Rarity Scotch en disant : « boy, have your liquor with ham’ and eggs ». Au studio, il faisait la joie de tout le monde. Je me souviens toujours de son attitude dans le film quand il dit, en haussant les sourcils, «one never knows, do one ? » (tel est pris qui croyait prendre) ». Dans l’orchestre jouaient Slim Moore (tb), Gene Porter (cl), Slam Stewart (b), Irving Ashby et Ada Brown (voc). Mais dans la bande sonore c’est Benny Carter qui joue la trompette. Le film terminé Zutty se produit à Hollywood avec Joe Eldridge, Kenny Bryant (p) et Bass Hill, puis repart pour New York avec Fats où il passe quelques mois chez Jimmy Ryans. Il fera quelques disques avec Wingy Mannone et Joe Marsala avant de partir s’installer en Californie. Là bas les engagements se

59 succèdent et il passe en attraction dans plusieurs cabarets, puis joue avec T. Bone Walker. Il participe à des émissions de radio et de télévision, puis joue chez Billy Berg avec le trio Slim Gaillard, Bam Brown (b). Il enregistrera beaucoup de faces pour Cadet et Atomic et plus de 24 faces avec ce trio plus Dizzy Gillespie, Charlie Parker et Jack Mc Vea. Il en enregistra encore d’autres pour Majestic avec Howard Mc Ghee et Lucky Thompson. Il passe deux ans avec le trio Slim Gaillard et fait une tournée dans l’est. Il enregistre pour Capitol un album intitulé New American Jazz, et avec Jack Teagarden il fait une série d’albums History of Jazz. Il fait aussi des disques avec Sugar Chile Robinson et une chanteuse de Church blues (Sally Martin). Il participe à tout les Dixieland Jubilee de Gene Norman t Frank Bull (sauf le dernier). En 1948 (ou 1946) il tourne dans New Orleans avec Louis, puis fait une tournée avec Nappy Lamare. L’été 1949 il retourne à Chicago, au Blue Note, avec Condon, puis à nouveau au Club 47 à Los Angeles et tourne dans A song is born avec Louis, Hampton, Benny Carter, Tommy Dorsey, etc.… ainsi que dans Love that brute avec Paul Douglas (Fox). En 1950 il passe l’été à Chicago avec Art Hodes (p), Lee Collins (tp), (tb) et Pee Wee Russel. Il était engagé pour 4 semaines au Jazz Limited, mais il y restera 6 mois avec l’orchestre de Mugsy Spanier avec, entre autres, Miff Mole et Donald Hill (cl). En 1951-52 il fait une tournée en Europe avec Mezzrow, puis avec Bill Coleman. Voici ce qui en est rapporté dans le Bulletin du Hot Club de France « Zutty Singleton est arrivé en France le 31 octobre 1951 par le paquebot Ile de France. Une grande réception l’attendait à midi 45, à la Gare de St Lazare. Sur le quai, un orchestre comprenant Mezz, Claude Luter et la plupart de ses musiciens. André Reweliotty swinguait en force High Society. Zutty n’en revenait pas ! Il finit par prendre une baguette et se joindre à l’orchestre, tapant sur un tom avec un tel swing que tout le monde en était estomaqué. Zutty était accompagné de sa femme, Marge, sœur du fameux trompette de St Louis, Charlie Creath (mort au moment ou Zutty et sa femme embarquaient pour la France) et de son chien Bringdown. Marge, incidemment, tint autrefois le piano dans l’orchestre de son frère et je souhaite que vous ayez l’occasion de l’entendre jouer le blues, car elle le fait dans le plus pur style qui soit.

60 C’est un événement sensationnel que la venue de Zutty dans notre pays, car c’est vraiment une des plus grandes figures du jazz. Louis Armstrong a dit : « Il n’y a jamais eu personne pour me soutenir à la batterie aussi bien que Zutty ». Je pense qu’après cette référence, on n’aurait pas besoin d’en demander une autre. Que le plus grand de tous les musiciens de jazz considère Zutty comme son drummer idéal, cela en dit plus long que tous les discours. Mais on peut faire quelques autres citations impressionnantes. Par exemple, celle-ci, de Fats Waller : « De tous les drummers fous avec lesquels j’ai joué, Zutty est assurément le plus fou de tous ». (chez Fats, fou était synonyme de formidable). Ou celle-ci, de Tommy Ladnier : « Man, Zutty can drum ! » (Zutty sait en jouer de la batterie !) Personnellement, je peux dire en toute sincérité que Zutty a été une des trois grandes «drumming impressions » de ma vie, les deux autres ayant été Chick Webb et Lionel Hampton. Même Baby Dodds, Sydney Catlett, Joe Jones et Cozy Cole, qui m’ont tous quatre ébloui par leur swing prodigieux, ne m’ont pas ébranlé pareillement. (…) Mais vous ne pouvez pas vous faire une idée du choc qu’il produit lorsqu’on l’entend en personne. C’est autre chose d’entendre un grand batteur en disque et de l’entendre au naturel. De tous les instruments, la batterie est celui qui perd le plus à l’enregistrement La souplesse de Zutty se sent dans les disques, mais non sa formidable puissance. On soupçonne son swing, mais on n'en jouit pas pleinement. Les disques qui donnent l’idée la plus fidèle du génie rythmique de Zutty sont ceux enregistrés en 1928 avec le Louis Armstrong Hot Five : Muggles (odéon 165.913), St james infirmary (Odéon 279.711), No one else but you/ Beau kou jack (Odéon 279.621), Tight like this/ Heah me talkin’ no ya (Odéon 279.208). Jamais une batterie n’a été enregistrée aussi fidèlement que dans ces interprétations. On entend même jusqu’aux nuances du jeu de pédale de Zutty, palpitant comme les battements du cœur. Et nul drummer, en dehors de Chick Webb –et encore dans un tout autre style-, n’a jamais eu un jeu de pied comparable à celui de Zutty. Mais tout serait à louer Chez Zutty : son jeu si souple et cinglant aux balais sur la caisse claire, son extraordinaire tempo sur les cymbales, où il réussit à détacher à la perfection chaque coup de baguette, au lieu de plus ou moins «chaudronner » comme le font tant de drummers, même parmi les célébrités. Mais avant tout, Zutty est un drummer émouvant. Ses accents rythmiques sont si subtils, sa pulsation est si vibrante qu’on est bouleversé par son tempo régulier comme on le serait par la plus

61 pathétique improvisation d’un trompette ou d’un autre instrument mélodique. Et Zutty est aussi un soliste inoubliable. Chose rare, ses solos de batterie ne sont pas un étalage de technique –quoique Zutty en ait à revendre et le montre à l’occasion-, ils vous parlent comme un développement mélodique, ils chantent même. Par le naturel de son jeu, sa pureté admirable, Zutty représente à la batterie ce que Louis Armstrong représente à la trompette : la musique de jazz elle-même sous sa forme la plus directe et la plus lumineuse. Le Hot Club de France tient à saluer ici cet artiste, un des plus grands qui soient venus dans notre pays et à lui souhaiter tout le succès qu’il mérite, succès qu’il est d’ailleurs sûr de remporter, et immense. Hugues Panassié » On notera aussi le petit mot Louis Armstrong dans ce même Bulletin de novembre 1951 : « (…) Il paraît que vous faites tous venir Zutty Singleton et Lee Collins (…) C’est une très très bonne idée (…) Je suis à fond pour eux deux (…) Je le vois d’ici, ce vieux Zutty, en train d’envoyer tout le monde en l’air avec ses merveilleux trucs et machins (fine antics and stuff). (…) Je veux dire par-là son swing (…) Ah oui il va vous retourner le monde pendant un bon moment (…) » Pour finir, quelques remarques de Zutty lors de sa venue au Vieux Colombier : « On se croirait dans un cabaret des bons vieux jours de Chicago : cette musique (Mezz et Luter), cette foule, cette animation, ces danseurs. Ce n’est pas comme dans nos boites de nuits actuelles, en Amérique, où il n’y a personne ; et lorsqu’il y a des clients, ils dorment à moitié et ont l’air de s’ennuyer à mourir. » Et Zutty de s’émerveiller en voyant les danseurs exécutant le Lindy hop . « Même au Savoy de Harlem, ces danseurs attireraient l’attention ». Aux Etats-Unis il joue dans divers petits groupes et avec Wilbur de Paris (1954). Il joue aussi avec Tony Parenti (1963-69), Alberta Hunter, Victoria Spivey. Il tournera en 1969 dans L’aventure du Jazz. C’est en 1970 qu’une crise cardiaque l’oblige à réduire ses activités. Il s’éteindra à l’âge de 77 ans, alors que depuis un an ses forces l’avaient lentement abandonné. Lors de son enterrement à New York à la Central Presbyterian Church, l’office, conduit par le révérend John G. Gensel, débuta par le thème New Orleans, joué par le tromboniste Bobby Pratt, accompagné au piano par Red Richards, à la basse par Milt Hinton et à la batterie Eddie Locke. Les autres

62 thèmes furent Way down yonder in New Orleans, Just a closer walk with thee. Parmi les nombreuses personnes venues assistées à l’office ont pouvait voir Mme Lucille Armstrong, Mme Phyllis Condon, Stanley Dance, Sonny Greer, Freddie Moore,… Il fut enterré au cimetière National de Long Island.

2. L’association avec Satchmo Il suffit de lire quelques biographies de Zutty pour voir à quel point sa collaboration avec Louis Armstrong a été un franc succès. Ce dernier disait de lui qu’il était le seul à pouvoir le soutenir aussi efficacement. Leur collaboration date de plusieurs années. En 1920, il forme alors son propre orchestre pour se produire à l’Orchard. A la basse Eudell Wilson, au banjo John St Cyr et au cornet un petit, ancien marchand de charbon à la criée du nom de Louis Armstrong. Zutty en parle ainsi : « La première fois que j’ai vu Louis, il avait 12 ou 13 ans. Il chantait avec trois autres gosses dans un spectacle d’amateurs… C’était juste avant qu’il soit envoyé en maison de redressement, et je ne l’ai pas revu pendant un certain temps. Mais des types qui revenaient de la maison racontaient qu’il y avait là-bas un certain Louis Armstrong qui jouait rudement bien. Ensuite j’ai entendu Louis jouer avec un orchestre, dans un pique-nique. Il défilait avec les autres et nous nous sommes approchés tout près pour voir si c’était bien lui qui jouait ainsi. On ne voulait pas croire qu’il ait appris à se débrouiller comme ça en si peu de temps. Je me souviens encore qu’il jouait Maryland, my Maryland. Et il swinguait magnifiquement ».Il faut bien noter qu’après cette première collaboration Louis alla jusqu’à refuser de partir pour Chicago, en 1922, car il ne voulait pas se séparer de Zutty. Il n’aurait rejoint Fletcher Henderson qu’à la condition qu’il engage aussi Zutty, ce qui ne pouvait se faire, Henderson ayant déjà un batteur, le jeune Kaiser Marshall, auquel il tenait dans son orchestre. C’est à partir de 1927 qu’ils retravailleront ensemble pour ensuite concrétiser sur disque en 1928. C’est la quatrième formation du Hot Five. Earl Hines au piano, Jimmy Strong à la clarinette, Fred Robinson au trombone et Mancy Cara au banjo et au chant. Zutty considérera toujours ses enregistrements et cette période tout particulièrement comme les plus représentatifs de son style arrivé à maturité. Il faut dire que même si Louis sortit de ces enregistrements sans réaliser que ces titres seront édités, réédités et classés au rang de chef d’œuvre du jazz. Zutty considérera toujours ces enregistrements de 1928 comme ses meilleurs : Fire works, Skip the gutter, Don’t jive me, West end blues, Muggles et Tigh like this. »Hines avait ça, comme Louis. Il a toujours été mon pianiste préféré, avec Fats Waller. Ces disques

63 représentent ma conception de ce qu’est le jazz. Cette musique nous ne l’appelions ni Dixieland ni rien de ce genre. C’était simplement du jazz.(…) Bien sûr, j’avais travaillé avec Louis auparavant à la Nouvelle Orléans. Vous pourriez presque dire qu’il avait travaillé pour moi. Il était juste revenu des riverboats et j’ai rassemblé un petit ensemble de quatre musiciens pour jouer à l’Orchard, dont le propriétaire était Butchie Hernandez. J’avais Johnny St Cyr au banjo et à la guitare, Eudell Wilson à la contrebasse, Louis et moi-même. Tout était tellement facile avec ces trois là. » Au-delà de leur entente musicale, ils semblaient liés, malgré le mauvais caractère légendaire de Zutty. On peut noter que Zutty était plus ou moins l’homme de confiance, le confident, l’ami de Louis. Par exemple en 1943, dans une détresse totale, c’est à Zutty qu’il adresse une lettre car il est dans l’incapacité de jouer et dit ceci : « J’ai les lèvres bousillées, je voudrais annuler des concerts, mais dans ce métier, pour annuler, il faut être mort ». C’est lui qui lors des tournées prend le volant de la voiture, comme en 1929 : « Je n’oublierais jamais ce voyage à travers le pays dans la voiture de Louis. J’ai conduit la plupart du temps, parce que Louis dormait à l’arrière. » Mais entre eux, ce sont aussi les blagues, Zutty étant un grand amateur du burlesque, Louis raconte ceci : « Zutty se déguisait en une de ces filles fortes en gueule, qu’on trouve dans la réalité, au moyen d’une jupe courte et d’un coussin sur le derrière. Je m’habillais d’un vieux veston, la casquette mise à l’envers comme un dur. Zutty était censé être ma petite amie. Quand il s’amenait et m’interrompait pendant que je chantais, tout le monde éclatait de rire ». Zutty avait aussi pris pour habitude, dans ces folles soirées, d’interpeller le public, les amis, les collègues, les badauds en criant : «comment ça va face de rat ? » ou « eh, salut face d’œuf ! ». Il enregistrera même un titre appelé Drum face à cause de cette habitude de traiter les gens de face de quelque chose.

3. Parallèle entre Zutty Singleton et Baby Dodds D’après certaines sources, le premier point commun entre les deux hommes serait leur année de naissance 1898. Mais ce n’est pas là le seul parallèle que l’on peut trouver entre les deux hommes. Ils sont bien évidemment tous deux batteurs, et originaires de la région de la Nouvelle Orléans ils furent tous deux attirés très jeune par ces rythmes et ces sons de la capitale du vieux sud. Ils jouèrent tous les deux avec les vétérans louisianais et firent chacun un passage dans ce qu’on avait l’habitude de surnommer le Conservatoire : les riverboats du Capitaine John Streckfus sur lesquels se produisaient l’orchestre de Fate Marable. On vit aussi le passage de Louis Armstrong, Peter

64 Bocage, Manuel Perez, Honoré Dutrey, Sidney Desvignes, Henry « Red » Allen, le grand frère clarinettiste de Baby, Johnny Dodds, John St Cyr, Pops Foster et Jimmy Blanton, Walter Brundy durant les 15 ans d’existence de cet orchestre de danse (1910-25). D’après Zutty c’était «un peu comme le service militaire ». Un engagement chez Fate, en ces temps là, était comparé à l’acquisition d’un des plus beaux diplômes. C’est là que Zutty viendra, bravant les interdictions, écouter Louis jouer avec la complicité de Baby qui tenait les caisses. Cette anecdote en dit long sur les rapports de ces deux rivaux. Tous deux accompagnerons Jelly Roll Morton. Mais du point de vue matériel, on constate que tous deux dénigraient la pédale de charleston et tiennent un tempo d’acier à la grosse caisse. Les roulements n’ont aucun secret pour eux et leur permettent de maintenir une continuité rythmique exemplaire variée, fluide et d’une souplesse étonnante. Les interventions sont toujours musclées et puissantes, «les accentuations ainsi que les breaks sont solidement charpentés », dixit Alain Gerber, et utilisent les rim-shots, les cross- sticks (jeu d’une baguette frappant l’autre posée sur la peau), les toms ou les accessoires divers et variés (cloches, wood-blocks, cymbales, temple-blocks, …). A noter que Baby était très friand de ce genre d’effets, souvent déconcertants et quelque fois incompréhensibles rythmiquement mais parfaitement en place dans le morceau, et de gags musicaux. Zutty était plutôt ce que l’on appelle un Show man. Ils furent aussi tous les deux parmi les premiers à utiliser les balais. Tous deux considèrent que le jazz est vecteur de joie de vivre, qu’il véhicule la fête et les bonheurs les plus simples de la vie. Cette rivalité n’est que toute relative, certains comme Hugues Panassié considèrent que Zutty a une force et une présence musicales incroyablement grande. De Zutty et Baby, nous retiendrons que le grand Louis, ayant joué avec les deux, préférera toujours Zutty. Etait- ce simplement musical, quelle part l’amitié et la complicité de ces deux hommes pouvait-elle avoir ? Il n’en reste pas moins que Zutty ouvrira des portes que Baby laissera toujours volontairement fermées, ce confinant à ce qu’il fait le mieux : le New Orleans.

65 VI.L’ère Swing 1. Chicago et New York On peut se demander s’il faut intégrer cette période à celle du New Orleans, car beaucoup de musiciens de la Nouvelle Orléans se retrouvent exilés à Chicago, ou s’il faut la placer dans l’ère Swing. De toute façon, rien ne saurait leur retirer ce vécu dans la grande ville du sud et cet esprit si joyeux que peut-être le nord ternira un peu. Ce qui est sûr, c’est que bon nombre de batteurs feront du Swing, sans pour cela renier le New Orleans, et cette période est la charnière de l’un vers l’autre, le Swing prenant sa pleine puissance dans la période des Big Bands. Tout d’abord il faut savoir que les musiciens du nord ont acquis leur expérience dans les spectacles itinérants, les films et les vaudevilles dans les théâtres, et dans les groupes locaux. La musique qu’ils jouent, bien que comprenant un grand nombre de styles, était significativement différente de celle qui était jouée à la Nouvelle Orléans. D’autant plus que les musiciens du nord était plus entraînés que leurs collègues de la Nouvelle Orléans, car beaucoup d’entre eux avaient suivis des cours avec des percussionnistes classiques61. Il y a des différences stylistiques et conceptuelles évidentes entre les batteurs de la Nouvelle Orléans et les batteurs de Chicago comme Frank Snyder (batteur des New Orleans Rhythm Kings, 1922) et Ben Pollack (1923). Les batteurs de Chicago avaient l’habitude d’avoir une cymbale suspendue pour jouer les motifs rythmiques d’accompagnement, la grosse-caisse faisait partie intégrante, comme les autres éléments, des breaks et des solos, et ils développèrent une technique de balais qui fera école62. Un des plus anciens disques de jazz où l’on peut entendre un jeu aux balais, Memphis Blues63, nous fait dire que les musiciens du nord ont développé leur habileté et leur dextérité avec les balais sur une longue durée. Les évidentes particularités du jeu de grosse-caisse deviennent plus prononcées avec l’arrivée de l’enregistrement électrique en 192564. La grosse-caisse était souvent utilisée pour marquer le premier et le troisième temps de la mesure et, occasionnellement, les quatre temps (spécialement sur les chorus) ; dans tous les cas, la partie de batterie était jouée pour « coller » à la partie de tuba ou de contrebasse. Le plus ancien des enregistrements de jazz prouve que le batteur jouait généralement sur les quatre temps de la mesure (sans grosse caisse) sans se préoccuper de ce que les autres musiciens

61 voir biographies de Vic Berton et Gene Krupa 62 voir biographie de Jo Jones 63 Ben Pollack 1927, Vic. 21184 64 II 7.

66 jouaient. En conséquence, le batteur jouait peut-être en 4/4 sur la caisse claire et les cymbales, alors que le reste du groupe jouait en 2/2 (ou vice-versa). La fonction du batteur était de toute façon d’improviser un accompagnement ou de broder autour de l’activité rythmique des musiciens mélodiques ; il ne prenait pas la responsabilité de maintenir un tempo stable à l’intérieur de la section rythmique. Vers la fin des années 1920, plusieurs styles de jeux de batterie sont apparus à Chicago et à New York, qui font le lien avec l’influence qu’a eut l’Original Dixieland Jazz Band, et qui sont caractérisés par le fameux jeu « hot-cymbal » de Vic Berton65. Un autre est illustré par des musiciens comme Dave Tough66, Bob Conselman, Paul Kettler et George Stafford, et culmine avec Gene Krupa67 ; ces batteurs jouaient des cellules dans lesquelles s’intercalaient des rim-shots sur la caisse- claire et utilisaient la grosse-caisse sur les quatre temps. L’influence de Krupa sur le rôle du batteur au sein du groupe de jazz est considérable. Quelques uns de ses contemporains avaient un jeu égal ou plus habile (notamment Buddy Rich68, ou Cozy Cole69), et ayant un sens aigu de la musique (Dave Tought ou Jo Jones70), et d’autres avaient un style plus démonstratif (Sonny Greer71 ou Chick Webb72), mais aucun ne résume aussi bien que lui l’ère du swing. Il y a très peu de disques sur les débuts des solos de batterie, seulement quelques rares et courtes interventions sur des breaks ou des petits solos, mis à part les enregistrement de drum improvisation n°1 and n°2 de Baby Dodds en 1946. Le changement viendra entre autres grâce à Gene Krupa, qui dans les années 1930 enregistre Sing, sing, sing73, qui est un classique dans le répertoire de l’orchestre de Benny Goodman durant la tournée de 1936. Avec des batteurs comme Chick Webb, George Wettling, Ray Bauduc et Lionel Hampton, Krupa amène petit à petit le rôle du batteur de plus en plus en avant jusqu’à venir faire jeu égal avec les solistes. Les batteurs des années 1930 avaient un assortiment d’instruments (comprenant les timbales d’orchestre) à leur disposition, alors que la plupart des solos étaient exécutés sur la caisse claire (de temps en temps sur les toms) accompagné des quatre temps imperturbables de la grosse-caisse ; ces solos comprenaient aussi

65 ex : Boneyard Shuffle, 1926, Bruns. 3477 66 biographie VI. 1. Chicago et New York 67 biographie VI. 3. Les batteurs show man 68 biographie VI. 3. Les batteurs show man 69 biographie VI. 4. Autres batteurs 70 biographie VI. 2. Les Big Bands 71 biographie VI. 2. Les Big Bands 72 biographie VI. 2. Les Big Bands 73 1937, Vic. 36205 ; joué principalement sur le tom basse, enregistré pour la première fois

67 quelques coups de cymbales crash, et quelques fois des motifs sur les cloches ou/et sur les wood blocks. Ces solos tendaient à montrer l’agilité, la dextérité et la technique des batteurs, mais ils étaient généralement vides musicalement. Très peu de batteurs, comme Jo Jones, Chick Webb, Big Sid Catlett74, Lionel Hampton75, Cozy Cole, Gene Krupa ou Buddy Rich, mettaient leur grande technique au service de la musique, grâce à une grande musicalité, et quelques fois sortaient des phrasés très carrés et très symétriques des quatre temps contraignant de la grosse-caisse, et de l’exhibitionnisme très en vogue à cette période. Nous traiterons du cas de Krupa ultérieurement, mais voyons un autre batteur qui marqua lui aussi le style Chicago.

Dave TOUGH76 [David Jarvis] Né le 26 avril 1908 à Newark dans le New Jersey, il débutera sa carrière dans l’Austin High Gang avec Bud Freeman, Frank Teschemacher et Eddie Condon à Chicago, de 1925 à 1926. Il joua avec Sig Meyer et Art Kassel avant d’entrer dans les New Yorkers qui se produiront à Paris et à Berlin de 1927 à 1928. Il joua aussi avec Red Nichols à New York de 1928 à 1930, avant que la maladie n’interrompe sa carrière de 1932 à 1935. On le verra ensuite chez Tommy Dorsey (1936-37), Bunny Berigan, Benny Goodman (1938, de nouveau chez Tommy Dorsey, Joe Marsala (1939), Jack Teagarden, Bud Freeman (1939-40), encore Marsala (1940-41), Artie Shaw (1941-42), Charlie Spivak, Woody Herman (1942), une formation militaire avec Artie Shaw (1942-44), Herman (1944-45) et Marsala (1945- 46). Cette longue période d’engagements successifs fut entrecoupée de période d’inactivité du fait de la maladie. En 1946, Dave se lance, à New York, dans une carrière indépendante où il tiendra les tambours chez Eddie Condon puis rejoindra une tournée du JATP. Il joua en compagnie de Charlie Ventura et Bill Harris au début de 1947 puis s’arrêtera à cause de la maladie. En fin d’année il obtiendra son dernier engagement chez Mugsy Spanier avant d’entrer à l’hôpital des Vétérans du New Jersey. Il écrira des chroniques pour la revue Metronome et participa au film Earl Carroll Vanities de J. Stanley en 1945. Dave Tough représente ‘l’anti Gene Krupa’ :les deux batteurs suivaient un itinéraire musical parallèle mais avec une démarche

74 voir biographie VI. 4. Autres batteurs 75 voir biographie VI. 2. Les Big Bands 76 Bibliographie et discographie VIII. Annexes 2. c.

68 totalement différente. Partis du style Chicago, Dave admirant Baby Dodds, après un passage obligé dans les orchestres de l’ère Swing, ils se trouvèrent confrontés au Bop pour lequel Tough manifeste une compréhension totale comme en témoigne son passage chez Woody Herman. Alors que Gene Krupa donne lui libre cours à sa fougue et son inventivité naturelle. Détestant les longs solos, Dave marie finesse, élégance et efficacité. C’est un excellent joueur de balais dont Shelly Manne dit s’être inspiré.

2. Les big-bands A partir de 1920, plusieurs styles de batterie vont être associés aux grands ensembles. Tous issus d’une même technique à base d’ostinatos (boucles ou patterns)rythmiques, des figures de cymbale frappée et des breaks occasionnels d’une ou deux mesures. C’était la même, que le groupe soit grand ou petit, mais les batteurs se rendirent vite compte qu’il n’y avait pas différentes méthodes pour « driver » un big band. Les arrangements des big bands commerciaux de cette période nous indiquent77 que les parties de batterie étaient improvisées (ou plutôt, elles n’étaient pas écrites, ou alors seulement quelques annotations du chef), et les arrangeurs indiquaient le plus souvent uniquement les instruments qu’ils souhaitaient entendre, par exemple le jeu de balais, un gong, un triangle, un tom. Mais ils notaient aussi le style de jeu, comme la cymbale frappée, le double drumming. La partition, faisant ainsi son apparition chez les batteurs, n’était généralement qu’une ligne rajoutée au score complet sur laquelle était notés les événements, ce qui poussa quelques peu les percussionnistes à apprendre à lire la musique Le développement le plus significatif de cette période, pour le jeu de batterie, fut sans nul doute l’avènement de la pédale de charleston aux alentours de 192778. Plusieurs enregistrements, comme celui de Kaiser Marshall (dans l’orchestre de Fletcher Henderson) et de Cuba Austin (avec les Mc Kinney’s Cotton Pickers), démontre bien la popularité de l’utilisation de la charleston : le hot-cymbal playing. Rappelons que Baby Dodds et Zutty avaient refusés d’utiliser cette accessoire, quoique dans le cas de ce dernier certaines photos semblent prouver que lorsque la prestation l’exigeait il l’utilisait79. Dans le titre On whiteman stomp80 , Marshall utilise la charleston pour accompagner l’ensemble et pour exécuter plusieurs breaks en solo.

77 The new grove dictionnary of jazz, ed. Barry Kernfeld (1995), article Drum set, 308-315 78 II. 5. La pédale hi-hat 79 iconographie n°11-12 80 1927, Col. 1059D

69 Quand à Austin, on peut l’entendre en jouer sur le disque des Chocolate Dandie’s : Four or five times81. Walter Johnson, qui succédera à Marshall chez Henderson, développera un style doux, lisse, legato du charleston, tout en ouvrant cette dernière sur les seconds et quatrièmes temps et en la fermant sur les premiers et troisièmes temps. Ce style de jeu contraste fortement avec le jeu de cymbale frappée en vogue dans les dix années qui le précèdent. Ce style de jeu est très connoté vieux style en comparaison. Pour exemple, il suffit d’écouter Jo Jones jouant Boogie-Woogie82 avec le Jones-Smith Incorporated, et le Time out83, avec le . Environ dix ans après l’apparition du charleston, les batteurs de Big Band commencent à jouer la cymbale Ride (ou cymbale rythmique) pour accompagner les solistes (voir par exemple Dave Tought chez Jimmy Dorsey jouant Keepin’ out of mischief now84,mais aussi en accompagnement d’ensemble (voir Jo Jones toujours chez Basie avec Honeysuckle rose85). Le rythme utilisé par les musiciens et crédité plus tard aux batteurs n’est autre que le fameux Cha-Ba-Da. En binaire cela nous donne : noire (Da ;1er et 3ème temps),croche pointée, double croche (Cha-Ba ;2ème et 4ème temps). Ce rythme sera une des bases fondamentales du développement du Be-Bop. Mais voyons plus précisément les batteurs qui s’illustrèrent dans les grands Big-Band.

Sonny GREER86 [William Alexander] Né le 13 décembre c1895 à Long Branch, New Jersey, et décédé le 23 mars 1982 à New York. Il joua tout d’abord dans des groupes locaux et aux alentours du New Jersey, puis il fit parti de l’orchestre du Howard Theater de Washington, où il rencontrera Duke Ellington en 1919. Dès l’année suivante il suivra le groupe du Duke, et à partir de 1927, pendant la résidence de l’orchestre au Cotton Club de New York, le partenariat entre les deux hommes commença à porter ses fruits. Les effets « exotiques » de Greer, produits par toutes sortes de percussions (gongs, chimes, etc.) contribuèrent un peu plus à l’ambiance « jungle » que Duke voulait donner aux spectacles du club, et furent prédominent dans beaucoup d’arrangements de

81 1929, OK 8627 82 1936, Voc. 3459 83 1937, Decca 1538 84 1936 Vic. 25482 85 1937, Decca 1141 86 Bibliographie et discographie VIII. Annexes 2. d.

70 cette époque. Greer était plus efficace rythmiquement pendant la période où il travailla avec Jimmy Blanton (chez Ellington de 1939 à 1941) ; à cette période il développa et peaufina une technique qui lui permettait d’être à même de créer de subtiles effets de couleurs pour les orchestrations du Duke, plus qu’il ne les dominait. Après avoir quitté Ellington en 1951, il rejoignit Johnny Hodges et travailla alors en freelance dans d’autres petites formations, notamment, dans les années 1950, avec Louis Metcalf, Henry « Red » Allen (1952-53) et Tyree Glenn (1959) ; puis, dans les années 1960, avec Eddie Barefield et J. C. Higginbotham. En 1967 il dirigera sa propre formation au Garden Café de New York, et il fera parti du film The night they raided Minsky’s. Greer jouera régulièrement dans le trio de Brooks Kerr durant les années 1970, et il continuera de travailler de temps en temps jusqu’à sa mort.

Samuel WOODYARD87 [Sam] Né le 7 janvier 1925 à Elizabeth, New Jersey, et décédé à Paris le 20 septembre 1988. Autodidacte, il se forge une technique personnelle influencée par Jimmie Crawford. Après avoir joué avec des groupes locaux du côté de Newark, dans le New Jersey, il décroche son premier engagement dans l’orchestre de Paul Gayten en 1950 (rhythm and blues), il jouera ensuite avec la formation du saxophoniste ténor Joe Holiday en 1951, puis avec Roy Eldridge en 1952, et enfin le trio de Milt Buckner de 1953 à 1955 avec qui il enregistrera. Lorsqu’il embarque avec Duke en juillet 1955, il succède à Sonny Greer, plutôt percussionniste- coloriste, et Louis Bellson, au swing impeccable. Il relève ce défi difficile, au point de devenir le batteur exemplaire du style Ellingtonien, en conservant le côté coloriste de Greer et le drive imperturbable de Bellson. Son back beat (ou after beat) est remarquablement appuyé et swinguant, il «pousse» ainsi les solistes, auxquels il est très attentif, dans un élan créatif en soulignant ou en provoquant leurs intentions, on écrira sur lui que c’était «un Chick Webb ayant écouté Big Sid Catlett ! ». Il quittera Duke Ellington, auquel il était resté toujours fidèle malgré quelques breaks dont un bref séjour chez Mercer Ellington en 1959, en 1966. Ensuite il fera partie d’un trio basé à

87 Bibliographie et discographie VIII. Annexes 2. e.

71 Los Angeles qui accompagna Ella Fitzgerald. Il disparaît de la scène américaine en 1968 pour cause de mauvaise santé , et plus tard on le voit apparaître occasionnellement avec Bill Berry, jouant des congas avec Ellington et Buddy Rich. Mais le saxophoniste Gérard Badinai le retrouve à New York dans un état physique inquiétant et décide de le ramener à Paris. Sonny entre alors dans la Swing Machine avec Raymond Fol (p) et Michel Gaudry (b), jusqu’en 1975. Il se lie d’amitié avec d’autres musiciens français tels que Marcel Zanini (s), Guy Laffitte ou François Biensan, il jouera dans l’orchestre de Claude Bolling et apparaîtra dans de nombreux festivals de jazz. En 1983 il enregistrera avec Teddy Wilson, Buddy Tate, Slam Stewart et d’autres, mais à partir de 1985 la maladie l’oblige à ralentir son activité. Woodyard est un musicien de caractère, et fut l’un des plus grands batteurs de jazz. Son travail chez Ellington était de la plus grande qualité, car il y faisait une synthèse subtile entre les exigences du chef qu’il respectait (à tous points de vue), et son sens « terrestre » du swing.

Jo JONES88 [Jonathan] Né le 7 octobre 1911 à Chicago et décédé le 3 septembre 1985 à New York. Il grandit en Alabama et fit ses premières prestations comme instrumentiste et danseur de claquette dans divers spectacles avant de rejoindre les Blue Devils de Walter Page à Oklahoma City à la fin des années 1920. Après avoir joué avec le trompettiste Lloyd Hunter au Nebraska, il part à Kansas City en 1933 où il entamera sa collaboration avec Count Basie dès 1934. Il fera une brève infidélité à Basie en 1936 pour retrouver Walter Page dans le Jetter-Pillars Orchestra à St Louis, mais à la fin de l’année tous les musiciens rejoignirent le Count. Quand Freddy Green remplace Claude Williams en 1937, la célèbre rythmique du Count était complète et devint la plus marquante et la plus influente de l’époque. Jo apparaîtra dans le film Jammin’ the blues en 1944, et mis à part les deux années passées sous les drapeaux de l’US Army (1944-46), il ne quittera pas Basie avant 1948. Il commença alors une période active et très variée en freelance (qui veut dire qu’il n’était pas rattaché à un groupe

88 Bibliographie et discographie VIII. Annexes 2. f.

72 spécifique), jouant avec des musiciens mainstream, et ayant une grande maîtrise des styles de jazz qu’ils swing ou plus modernes. En 1947, il fera la première des tournées du Jazz at The Philarmonic, qui le mènera en Europe plusieurs fois. Il enregistra avec Billie Holiday, Teddy Wilson, Duke Ellington, Johnny Hodges, Lester Young, Art Tatum et Benny Goodman. Et plus tard il jouera et enregistrera fréquemment dans des groupes conçus sur le modèle des ensembles « Kansas city » de Basie. On considère souvent que Jo Jones transféra la pulsation basique de la grosse caisse vers le hi-hat, qu’il avait le don d’ouvrir souplement, produisant un son clair, brillant et continu bien éloigné des coups étouffés de cymbale staccato des premiers batteurs. Cette nouvelle technique, utilisant le cha-ba-da, fut développée chez Basie à partir de 1936 et changea complètement le son de la rythmique toute entière. Ainsi avec sa grosse caisse, libérée de la contraignante pulsation, effectua des bombs (accents très appuyés) pour lesquels Jo Jones est très réputé. Il fut aussi l’un des très grands joueurs de balais, qu’il avait su utiliser au maximum de leurs possibilités et qu’il maniait avec une incroyable facilité. Ce n’était pas un grand amateur de longs solos comme certains de ses contemporains, plutôt préoccupé par la longueur des phrases, le contrôle poussé de sa grosse caisse désormais libre et il évitait d’utiliser tous les accessoires tels que les wood-blocks ou les cloches. Plus tard suivit par de nombreux batteurs de l’école Bop (comme Kenny Clarke), les innovations de Jo Jones seront considérées comme une introduction au jazz moderne.

Sonny PAYNE89 [Percival] Né le 4 mai 1926 à New York, et décédé le 29 janvier 1979 à Los Angeles. Batteur, fils adoptif de Chris Columbus. A l’âge de dix ans il étudia avec Vic Berton (cf biographie). A 18 ans il fait ses débuts professionnel dans le groupe dirigé par Dud et Paul Bascomb puis avec Oran Hot Lips Page (les deux durant l’année 1944), ce dernier étant très difficile sur le chois de ses batteurs (Sydney Catlett, Cozy Cole et Specs Powell s’y sont succédés) ; il travaillera avec Earl Bostic (1945-47) qui lance sa propre formation, mais il ne participera pas aux enregistrement. En revanche il jouera et enregistrera avec Tiny Grimes

89 Bibliographie et discographie VIII. Annexes 2. g.

73 (décembre 1947 avec George Jelly au piano, John Hardee au sax ténor et Lucille Dixon à la contrebasse ; 1949-50 avec cette fois Wilbur Red Prysock). Ces enregistrement nous font entendre un Sonny Payne très influencé par Big Sid Catlett, mais sans grande personnalité (mêmes accents au pied et breaks ayant le même dessin), comme bon nombre des batteurs de cette génération, mais il y fait déjà preuve de rapidité, sa frappe est sèche et il y a déjà un jeu d’ensemble très pensé. Entre temps il entre dans le groupe de Lucille Dixon durant l’année 1948.Il débute sa carrière dans les grands orchestres en entrant chez Erskine Hawkins à la place de Kelly Martin (1950-53), et à ses côtés sont présents Ace Harris (piano) et Lee Stanfield (contrebasse). Bien que condamné à ne marquer que l’after beat sans prendre aucune initiative, son passage constitue un grand apprentissage, dans un orchestre qui fut quand même une des vedettes du Savoy Ballroom de Harlem. De 1953 à 1955 il dirigera son propre groupe, et rapidement il rejoindra l’orchestre de Count Basie dès 1955 pour remplacer Gus Johnson, succédant ainsi à un batteur qui avait déjà bouleversé les règles traditionnelles du jeu de batterie en grand orchestre . Ayant toujours à l’esprit les différents styles de ces prédécesseurs (C. Webb, J. Crawford, K. Marshall, Jo Jones, Dave Tough), Gus avait élaboré un style très particulier. En plus de marquer les ensembles, les respirations et d’en souligner les lignes fortes, il s’intégra au phrasé de l’orchestre en suivant toutes les nuances et les évolutions, ce qui aboutit à créer une sorte de contre chant rythmique (cf. Tom Waley,1932 ; 16 men swinging,1954). Générateur de swing puissant, Payne insuffle à l’orchestre une impulsion impressionnante ; ceci est d’autant plus évident sur l’album Count Basie Swings, Joe Williams sings, dont est tiré In the evening, un exemple de sa délicatesse et de son sens de l’écoute pointu. Ainsi donc, rapidement il enregistrera quelques mois seulement après son arrivée dans l’orchestre, où il prouvera qu’il a bien retenu et assimilé le jeu de son prédécesseur. A partir de là, Sonny deviendra une des vedettes de la formation, il sera même privilégié (à Antibes il logera dans le même palace que son chef, alors que les autres musiciens sont dispersés dans des hôtels de toutes classes. Lors de ce concert Michel Laverdure dit avoir vu Sonny qui « ne trouvait rien de mieux que de percuter sa cymbale une fois dessus, une fois dessous et, à notre stupeur, réussissait à marquer ainsi les quatre temps de façon parfaitement rigoureuse » (le morceau était Old Man River, et le tempo « ultra-rapide et casse-cou »).Il continu sa description en disant de la même prestation : « Nous fûmes fort

74 émerveillés en outre par cette sorte de roulement sur la grosse caisse qui servait de conclusion à certaines de ses interventions . Louie Bellson, à l’époque en faisait autant (comme bon nombre de batteurs[…]) mais il se servait de deux grosses caisses et par conséquent de ses deux pieds Il quittera Basie en 1965, quand il forme son trio et il accompagnera aussi Frank Sinatra. Payne jouera alors avec l’orchestre de Harry James (1966 jusqu’aux environs de 1973), avant de retourner chez Basie (1973-74). Il tournera et enregistrera en Europe avec Illinois Jacquet et Milt Buckner en 1976, et jouera encore avec James Shortly avant de s’éteindre.

Jimmy CRAWFORD90 [Jimmie, James STRICKLAND] Né le 14 janvier 1910 à Memphis et décédé le 28 janvier 1980 à New York. Batteur, il commença à enregistrer à l’âge de 17 ans dans l’orchestre de Jimmie Lunceford, les Chickasaw Syncopators, avec qui il jouera jusqu’en 1943. Grâce à une équipe très peu changeante, le groupe de Lunceford acquis une précision et un travail d’ensemble très homogène par rapport à beaucoup de groupes de l’époque Swing. Crawford enregistrera avec beaucoup de musiciens de jazz comme Ben Webster en 1943, Billy Taylor en 1944, Trummy Young en 1944 et 1945, Edmund Hall en 1945-49, Louis Armstrong, Benny Goodman et Frank Sinatra, tous trois en 1947, Billie Holiday en 1949, Fletcher Henderson en 1950, Ella Fitzgerald en 1950-55, Dizzy Gillespie en 1954, Count Basie en 1960 et Tyree Glenn en 1969. A parti de 1952, Jimmy joua dans de nombreuses comédies musicales de Broadway. Bien que ce fut un musicien très dispersé musicalement, il joua toujours dans le plus pur style du batteur de big band. Son jeu, tout droit inspiré de Chick Webb, était propre, pétillant et fait de tourneries bien senties, mais toujours en accompagnement et ses solos étaient très fins.

Chick WEBB91 [William Henry] Né à Baltimore le 10 février 1909 et décédé dans cette même ville le 16 juin 1939. Batteur et chef d’orchestre, il était nain et bossu. Il partit pour New York en 1925 et en janvier 1927 il

90 Bibliographie et discographie VIII. Annexes 2. h. 91 Bibliographie et discographie VIII. Annexes 2. i.

75 dirigea un groupe au Savoy Ballroom qui deviendra plus tard une des références de la période Swing. Bien que le groupe ne comprenne aucun grand soliste, durant ces années jalonnées de nombreux enregistrement (Benny Carter, Jimmy Harrison et Johnny Hodges jouèrent dans son groupe aux tous débuts), il développa un style particulier grâce d’une part aux arrangements et aux compositions d’Edgar Sampson (Blue Lou, Stomping at tha Savoy, Let’s together) et d’autre par grâce au jeu impressionnant de son batteur. En 1934, Webb engage Ella Fitzgerald comme chanteuse et affirme un peu plus un succès grandissant avec des titres comme A-tisket, A-tasket (1938). Chick et son grand orchestre joueront au Savoy régulièrement durant la fin des années 1920 et ils y élurent quasiment en résidence dans les années 1930. Ils battaient régulièrement tous les groupes qui venaient les défier dans les fameux contest du club de danse. Après la mort jeune de Chick Webb, Ella dirigea l’orchestre jusqu’à sa dissolution en 1942. Webb, un petit bossu, est admiré par tous les batteurs tant son swing effréné, sa technique, son sens des dynamiques et des nuances, et son inventivité dans les solos et dans les breaks étaient grands. Bien qu’il ne sache pas lire la musique, il mémorisait tous les arrangements de l’orchestre et dirigeait depuis son estrade centrale, donnant les répliques avec ses tambours. Il utilisait une pédale de grosse caisse et une pédale de charleston spécialement conçues pour lui, il pouvait disposer avec un minimum d’efforts d’un large panel d’accessoires afin d’user d’un maximum de couleurs. Contrairement aux batteurs des années 1920, il n’utilisait les cloches et les woodblocks que pour des effets ponctuels (et non pas en accompagnement) et il variait son jeu en jouant sur les cercles, les temple blocks, et les cymbales crash. Dans ses célèbres breaks de 2 mesures à 4 temps, il abandonnait les clichés du jazz des débuts pour exécuter des assemblages de rythmes en 2 pour 3 ou en 3 pour 4. Chick effectuait rarement des longs solos mais on peut l’entendre sur Liza (1938), une superbe réponse au solo de Krupa dans Sing, sing, sing.

3. Les batteurs « show man » Après des débuts en tant qu’accompagnateur, le batteur a progressivement évolué en faisant des petits breaks, des introductions, des coda, des fins, puis en les improvisant pour finir par faire des solos de plus en plus long. Certains ont poussé jusqu'à faire des concerts des démonstrations de leurs talents. Il mettront la

76 batterie dans une position avancée et très appréciée du public, qui apprécie autant la démonstration de swing, la performance technique et l’aspect visuel et quasiment chorégraphique de la batterie.

Gene KRUPA92 Le nom de Gene KRUPA est synonyme d’un modèle de drive et d’un sens dynamique des qualités de show man qui ont fait du batteur de Chicago un des trois grands batteurs de Swing du style Chicago, avec Dave TOUGH et George WETTLING. Derrière son image publique (chewing gum et cheveux noirs plaqué) c’était un musicien sérieux et discipliné. Benny Goodman se rappellera, dans son autobiographie Kingdom of Swing " : « pas d’inquiétude à avoir sur le temps de jeu de Krupa , il travaillait toujours, développait ses mains, et avait toujours de nouvelles idées ». la technique de Krupa et l'attaque explosive lui ont gagné l'éloge de tous les quartiers du monde de jazz, des stylistes traditionnels swing comme Buddy Rich à batteur Max Roach le ‘moderne’. Dernier d’une famille de neuf enfants, Eugene Bertram Krupa est né le 15 janvier 1909, Chicago, Illinois. Après la mort de son père lorsque Krupa était jeune, sa mère est allée travailler en tant que modiste pour subvenir aux besoins de sa famille. À l'âge de 11 ans, Krupa a obtenu un travail de coursier et nettoyeur de guichets à la Brown Music Company, un magasin de musique sur Chicago's South Side. Avec de l'argent qu’il a gagné, Krupa décide d’acheter un instrument de musique et il choisira finalement les tambours, le produit le moins cher du catalogue. Pris par l'idée de jouer de la batterie, Krupa rechercha dans son voisinage de South Side de jeunes musiciens. « il y avait quelques petites bandes à l'école que j'avais entendus aux soirées et aux thés dansant ». Il se rappelait dans Drummin' Men. « j'observerais les batteurs et reprenais ce que je pouvais. Après un moment, j'ai commencé à faire de la musique avec une partie de ces camarades et des remplacements dans les soirées et les thés dansant ». Bientôt les activités musicales de Krupa ont commencé à avoir la priorité sur son travail d'école. En raison de ses activités musicales de fin de nuit, Krupa s’est souvent endormi pendant les cours. En 1924, voulant faire un effort face au désarroi de sa mère voyant ses études échouer, Krupa s’inscrivit dans au Collège St. Joseph, un école séminaire à

92 Bibliographie et discographie VIII. Annexes 2. j.

77 Rensselaer, en Indiana. À St. Joseph, Krupa a étudié avec un professeur très qualifié en musique classique, le père Ildefonse Rapp. Bien que Krupa ait reçu une instruction de premier ordre à St. Joseph, il décida de partir de l'école en 1925 afin de poursuivre une carrière en tant que batteur professionnel. Il jouera bientôt dans divers groupes autour de Chicago avec des groupes de danse telles que le Hossier Bellhops, Ed Mulaney Red Jackets, et le groupe de Joe Kayser. Vivant sur le South Side, Krupa passa des soirées recherchant le jazz dans des cabarets et des night-clubs de voisinage. Au printemps de 1927 Krupa découvrit un groupe doué de jeune jazzmen blancs qui jouaient pour une maison de film de South Side. Connu comme le Austin High Gang, ce groupe était composé d’Eddie Condon (bj), de Bud Freeman (sax) et de Dave Tough, un batteur blanc jouant dans le style Chicago. Krupa " s’asseyait pendant deux sets chaque soir et trois le samedi pour entendre Tough frapper sa batterie " s'est rappelé Condon dans son autobiographie We Called It Music.Bientôt Tough, voulant initier son plus jeune protégé au jazz authentique, emmena Krupa voir le grand batteur Baby Dodds de la Nouvelle-Orléans. « Baby était l’énergie centrale du groupe " s'est rappelée Krupa dans Drumming Men, « la façon dont il jouait les tambours, les frappes sur les cercles, les cymbales, c’était tout simplement merveilleux. Je suis revenu pour m’imprégner du jeu de Baby, portant en priorité mon attention sur toutes les choses extrêmement musicales qu’il réalisait. C’était un de mes inspirations principales ».Krupa était si impressionné par Dodds qu'il s’immergea dans l'étude du jazz noir. Milton "Mess" Mezzrow , qui faisait partit de l’Austin High Gang, rappelle dans son autobiographie, Really the Blues, comment lui et Krupa ont analysé les configurations rythmiques des batteurs de la Nouvelle-Orléans: " plus que jamais, c'était le temps des Nègres et leur rythme qui nous fascinait. Je m’asseyait là avec Gene pendant des heures, juste en battant les rythmes de Zutty Singleton et de Johnny Wells jusqu' à ce que mes mains me lâchent ». En 1927 Krupa assistait régulièrement à des jams sessions (bœufs) au Three Deuces, situé près du Théâtre de Chicago. De légendaires sessions ont comptées le clarinettiste Frank Teschmaker du Austin High Gang, le trompettiste Bix Beiderbecke, et le futur employeur de Krupa, Benny Goodman. En décembre de la même année, Red Mc Kenzie aida l’Austin High Gang en faisant une session d'enregistrement sous le label

78 de Okeh. Sous le nom de Mc Kenzie et les Condon's Chicagoans, Krupa, Freeman, Teschmaker, Condon, le bassiste Jim Lannigan, et le pianiste Joe Sullivan ont enregistré quatre faces: "China Boy " "Sugar" "Nobody's Sweetheart" et "Liza". Voulant utiliser tout son matériel, Krupa s’est outragé lorsque le producteur Tommy Rockwell a exigé qu'il joue avec un set standard: une caisse claire et des cymbales. Bien que Krupa ait argué du fait que les appareils d’enregistrement ne pourraient pas être enregistrer les sons des tambours supplémentaires, Rockwell a finalement autorisa, à la demande pressente de Mc Kenzie , Krupa à utiliser son kit entier. « Ainsi ils laissèrent Gene jouer de la batterie, et il s’amusa à les mettre hors d’eux durant toute la session » raconte Jimmy McPartland dans Talking Jazz, « il nous a donné un solide battement ». Évaluant l'impact de la session, Condon a écrit, que les tambours de "Krupa nous ont fait l’effet d’un bourbon triple ».Le succès de la session de Okeh marque simplement le premier enregistrement connu de grosse caisse dans la musique de jazz, il a défini le son du jazz de Chicago. Comme Richard Hadlock précisa dans Jazz Masters of the Twenties, Krupa était la " plus grande surprise " de ces sessions, " un inconnu, dont on a bien enregistré le travail de batteur... a bousculé les clichés du jazz de New York ». En 1928, les Condon's Chicagoans partent à New York pour accompagner le chanteur Bee Palmer. Quand le travail fut finit, Krupa et les Chicagoans enregistrèrent des sessions avec le trompettiste Red Nichols et le tromboniste Miff Mole. Après avoir joué la bande de Nichols, Krupa jouera avec le groupe de George et Ira Gershwin pour la production en 1930 sur Broadway de Strike Up the Band. « Gershwin était fou de son jeu, " expliquait Max Kaminsky dans My life in Jazz, " parce que Gene était le premier batteur blanc qui pouvait swinguer le tempo, de sorte que les filles pouvaient donner leur coup de pied, en place ».Tout en travaillant avec les groupes commerciaux au début des années 30, Krupa, était déterminé à devenir un batteur reconnu. Il commença à prendre des cours de musique avec "Gus" Moeller. Pratiquant huit heures par jour, il alla jusqu’à inventer ses propres variations et configurations rythmiques. « Mon travail et mon jeu avec Moeller, " dira Krupa dans Drummin' Men, " devaient être les plus gracieusement exécutés, pour une meilleure maîtrise et une plus grande liberté à être moi- même dans n'importe quel le genre de musique que j'aie eut à interpréter ».

79 En 1934, le producteur de disque John Hammond voyageant à Chicago, recruta Krupa pour la groupe de Benny Goodman. Bien que Krupa ait émis quelques réserves au fait de s’y joindre, Hammond l'a convaincu qu'il serait un interprète de choix dans le groupe de Goodman, un groupe non commercial de swing comportant dont les arrangements étaient écrits par Fletcher Henderson. « Ce batteur était tout simplement idéal, » comme l’explique Goodman à Eddie Condon dans Treasury of Jazz. « L'homme que nous voulions, Gene Krupa, était à Chicago et jouait avec Buddy Rogers » Grâce à Hammond, Goodman espérait décider Krupa à venir dans la ville de New York, pour jouer au Kingdom of Swing, « Gene avait quelques mauvais souvenirs, pas très fameux, de nos précédentes rencontres, mais il avait le même sentiment au sujet du vrai jazz que moi , et la chance de jouer ensemble cette musique dans cette voie, fut aussi important dans sa vie que dans la mienne ».Rejoignant Goodman à New York en décembre de 1934, Krupa joua pour l'émission NBC Saturday broadcast, Let's Dance , sur une radio nationale qui développa la popularité de l'orchestre de Goodman et apporta une forte attention sur le talent de batteur de Krupa. En 1935 l'engagement du groupe au Palomar Ballroom de Los Angeles passa de quatre à sept semaines, touchant plus de 200.000 auditeurs qui ont répondu d'une manière extravagante aux solos de Goodman, de Krupa, et du trompettiste Bunny Berigan. Dans ce même temps, Goodman forma un trio avec Krupa et le pianiste Teddy Wilson, et un quartet comportant le vibraphoniste Lionel Hampton. Le travail de balais de Krupa avec ces deux groupes afficha sa souplesse musicale et raffina le sens du mot accompagnement. A la fin des années 1930, Krupa est devenu un phénomène national. Son travail chez Goodman dans le tube de 1936 « Sing, sing, sing » produit la base classique de la batterie Swing, et ses apparitions sur scène et dans les films le propulsèrent au rang de superstar. En 1938 il enregistra le Carnegie Hall Jazz Concert de Goodman, qui sublime le travail effréné de la batterie de Krupa. En dépit de la popularité du couple Goodman-Krupa, des conflits artistiques et des problèmes relationnels ont cependant incités Krupa à quitter le groupe en 1938. « Ils avaient des vues différentes de la façon jouer la musique », expliquera Lionel Hampton dans son livre Hamp. « Benny n'a pas aimé du tout la folie démonstrative et le sensationnel qui à son goût éclipsaient la ‘vraie’ musique. Gene que la folie démonstrative n’était juste qu’un simple show. Bien que j'étais tenté d’être d'accord avec Gene, je suis resté en dehors

80 de la discussion ». Le 16 avril 1938, une foule de 4.000 auditeurs s'était réunie dans le Marine Ballroom sur l’Union Pier d’Atlantic City pour entendre le Gene Krupa Orchestra nouvellement formé. Après ce début triomphant, la bande de Krupa a enregistré plusieurs instrumentaux, y compris Wire Brush Stomp et Blue Rhythm Fantasy pour sous label Brunswick. Dans l'orchestre les musiciens étaient les trompettistes Shorty Sherok et Corky Cornelius, le saxophoniste Sam Donahue, et la chanteuse Irene Daye. En 1941, le groupe accroît sa réputation avec l’arrivée du trompettiste Roy Eldridge et de la chanteuse Anita O’Day, qui ensemble donneront au groupe son morceau le plus légendaire, Let Me Off Uptown. En 1943 Krupa fut arrêté à San Francisco pour possession de marijuana. Dehors après une période 80 jours d'incarcération, Krupa est revint à New York. Bien que l’incident était digéré, il causa la dissolution de son orchestre. Sans leader, Krupa décida de répondre à l’offre de Benny Goodman. En 1944 il rejoindra Tommy Dorsey, et, en dépit de sa condamnation par les médias pour avoir touché à la drogue, il fut élu meilleur batteur par les lecteurs de Down Beat. En reformant son orchestre, Krupa tenta d'explorer les nouvelles tendances modernistes comme le jazz be bop. Entre 1945 et 1949 son groupe aura des arrangeurs tels que George Williams, Neal Hefti, Eddie Finkel, et le saxophoniste Gerry Mulligan, qui écrivit Disc Jockey Jump. La parcours musical de Krupa a comporté un certain nombre de jazzmen contemporain , y compris le saxophoniste Charlie Ventura, le clarinettiste Buddy DeFranco, le tromboniste Frank Rosolino, et le trompettiste Red Rodney. Décrivant l'engagement artistique de Krupa envers les nouveaux modèles du jazz, Rodney expliqua dans Swing to Bop, « Gene était un moderne, progressiste type qui, à la différence de la plupart des leader de grand-nom , a décidé que le changement était important, nécessaire, et juste (right) ».Avec la disparitions des big bands durant les années 1950, Krupa a commencé à former de petits combos et a voyagé internationalement avec le Jazz at the Philarmonic de Norman Granz. En 1959 sa carrière a été honorée d’un film biographique : The Gene Krupa Story, avec Sal Mineo dans le rôle du célèbre batteur. Après une crise cardiaque en 1960, Krupa se limita à de rares apparitions. Durant les années 1972 et 1973, il joua plusieurs concerts de retrouvailles avec Goodman, dont l’un, en 1972, donna lieu à un album live Jazz at the New School. Le 16 octobre 1973, Krupa est mort dans sa maison dans le Yonkers, à New York. Bien qu'il ait été sous traitement pour la leucémie pendant plusieurs années,

81 la cause officielle de la mort était un arrêt du cœur. Les funérailles se sont tenus en l’église St. Dennis Roman Catholic dans le Yonkers. Goodman, Freeman, et McPartland vinrent se recueillir pour saluer un homme connu par des millions d'auditeurs comme le « Chicago Flash, la légende de la batterie charismatique et la plus innovatrice de l’ère du Swing. Krupa construisit son style avec pour influence Baby Dodds et Zutty Singleton, et plus tard Chick Webb. Il devint rapidement le premier batteur de jazz soliste à part entière. Grâce à ses talents d’homme de scène (show man), il est devenu une idole de l’ère Swing, mais il avait un penchant excessif pour l’exhibitionnisme et la débauche de technique en devenait vulgaire. Il est surprenant de voir que l’on ne retient son nom que pour ce solo explosif dans Sing, sing, sing alors qu’il produira ensuite de nombreux enregistrements intéressants avec ses propres groupes mais bien plus tard. Krupa n’était pas seulement le premier batteur solo, mais surtout un grand enthousiaste et sa contribution à la batterie de jazz restera unique.

Buddy RICH93 [Bernard] Né le 30 septembre 1917 à New York et décédé le 2 Avril 1987 à Los Angeles. Batteur et chanteur, Buddy apparaîtra pour la première fois sur les planches dans l’un des actes d’un vaudeville de ses parents vers l’âge de 2 ans. Il joua de la batterie et fit des claquettes sur Broadway à 4 ans, à partir de 6 ans il fit des tournées aux Etats Unis et en Australie et à 11 ans il dirigea son propre orchestre. Il rentrera chez Joe Marsala en 1937 et jouera brièvement avec Bunny Berigan, Harry James, Artie Shaw et Benny Carter, et plus longuement avec Tommy Dorsey chez qui il resta de 1939 à 1942. Il partira à l’armée de 1943 à 1944 puis retournera chez Dorsey de 1944 à 1945. Il dirigera son propre groupe par intermittence jusqu’en 1951, puis joua avec Norman Granz et le Jazz at The Philarmonic, avec Les Brown, et le Big Four de Charlie Ventura. A partir de 1953 et jusqu’en 1966, Buddy joua et chanta, dans le style de Sinatra, avec le groupe d’Harry James à part en 1954-1955 où il rejoindra Tommy Dorsey et en 1957-1961 avec son propre groupe. En 1966 il réunira un second big band qui aura un grand succès international avant sa dissolution en 1974. Il joua ensuite avec

93 Bibliographie et discographie VIII. Annexes 2. k.

82 une petite formation dans son propre club, le Buddy’s Place, à New York. En 1980 il repartira en tournée avec un big band composé de jeunes musiciens. La principale caractéristique de Buddy Rich était son incroyable vitesse d’exécution et sa grande dextérité. C’était un extravertie amateur des démonstrations où il exécutait des cellules rythmiques très complexes avec une incroyable clarté métronomique et une très grande précision. Ces solos étaient souvent très longs et il s’est trouvé que Krupa et Rich se sont rencontrés pour s’affronter comme au temps du Savoy de Chick Webb. Voilà ce qu’en dit Georges Paczinsky94 : « Ces duos spectaculaires en vogue à l’époque ne comportaient pas beaucoup de musique, bien que les capacités techniques des protagonistes fussent extraordinaires.(…)Tels des stars de cinéma, ils bénéficiaient de l’ambiance qui enveloppe le monde du show business où tout repose en arrière plan sur…l’argent. Mais, pourquoi après tout, un artiste ne saurait-il pas vendre son talent ? Quoiqu’il en soit, Buddy et Gene, en hommes de spectacle, on soulevé les foules tout en se faisant plaisir. »

4. Autres batteurs Il y a des batteurs que l’on ne peut faire entrer dans des catégories précises mais qui ont marqués le jazz de leurs prestations.

Ray Bauduc95 [Raymond]

Né à la Nouvelle Orléans le 18 juillet 1908 (19 juin 1906, 18 juin 1909) il est décédé à Houston, Texas, le 8 janvier 1988. Son père jouait de la trompette, sa sœur du piano et son frère, Jules Bauduc Jr., de la batterie et du banjo. Ce dernier fut son premier professeur et l’emmenait régulièrement voir les batteurs de la Nouvelle Orléans lorsqu’il avait 12 ou 13 ans. Il fut très inspiré par Baby Dodds, Zutty Singleton ainsi qu’Abbey «Chinee» Foster (1900-62, Bebé Ridgley’s Tuxedo Orchestra, Buddy Petit, Papa Celestin) et Emil Stein. Son frère lui cède sa place dans l’orchestre du Thelma Theater (orchestre qui accompagnait les films), lui donnant ainsi son premier engagement professionnel,

94 G. Paczynski : Une histoire de la batterie de jazz, Tome 1 des origines aux années swing, édition Outre Mesure, 291 95 Bibliographie et discographie VIII. Annexes 2. l.

83 parallèlement à l’école où il joue en quintet avec le cornet Emmett Hardy et en sextet avec le Six Nola Jazzers (qui deviendra plus tard le Dixieland Roamers). Il participera à des tournées avec les frères Dorsey dans le Wild Canaries dans les années 20. Puis il est employé par Johnny Bayersdorffer de 1924 à 26 à la Nouvelle Orléans. Il jouera avec les Scranton Sirens, dirigé par le violoniste Billy Lustig (1925). Il partira à New York en 1926 pour rejoindre l’orchestre de Joe Venuti, The Original Memphis Five, avec entre autre Eddie Lang. En 1927 il sera engagé comme batteur et danseur de claquettes par Fred Rich qui l’emmène en Angleterre cette même année. De retour à New York il entrera chez Ben Pollack en tant que chef d’orchestre de 1928 à 34 (voir s’il n’a pas remplacé ce dernier passé chef d’orchestre), et cette même période il enregistrera avec Miff Mole (1927), Red Nichols (1930), Jack Teagarden (1930-31), Benny Goodman (1931), Wingy Manone (1934-36), et Louis Prima et Glenn Miller (les deux en 1935). A partir de 1935 commence pour Ray une riche association avec l’orchestre de Bob Crosby Bobcats (qui se terminera en 1942), mais joue aussi avec Jack Teagarden (Tb), Eddie Miller et Happy Lamare, jusqu’à sa mobilisation. Il enregistrera un titre de sa composition avec son orchestre South Rampart Street Parade et une autre en association avec Bob Haggart The big noise from Winnetka(1938), dans laquelle il joue sur les cordes de la double contrebasse de Haggart à l’aide de ses baguettes. Après son service militaire (1942-44), il forme un grand orchestre avec Gil Rodin (sax), qui passe au statut de septet en 1946. Il enregistrera plusieurs fois avec Manone (1945-46). En 1946 il jouera brièvement chez Tommy Dorsey, puis il retrouve Bob Crosby en 1947. Il sera ensuite engagé par Jimmy Dorsey (1948-50) qu’il quittera pour suivre Jack Teagarden de 1952 à 55.Il se joindra ensuite à Nappy Lamare pour former un orchestre dixieland qui eut beaucoup de succès en Californie et dans tous les Etats-Unis de 1956 à environ 1959, et à partir de 1960 il jouera en « freelance » sur la côte ouest (entre autre avec Pud Brown en 1967) et il se retira à Bellaire au Texas au début des années 70 pour ne plus jouer que très rarement avec des musiciens locaux. Les remplissages syncopés (qui influencèrent Gene Krupa) et impeccables, ses motifs d’accompagnement très précis techniquement posèrent les bases de la batterie Dixieland. Son discours résume bien l’évolution du jazz New Orleans des années 20 vers les années Swing ; il était inventif, innovant et inspiré.

84 Son Dixieland Drumming (Chicago, 1957) était l’une des premières méthodes de batterie jazz.

Cozy COLE96 [William Randolph] Né le 17 octobre 1906 à East Orange, New Jersey, et décédé le 29 janvier 1981 à Columbus, Ohio. Il débutera sa carrière professionnelle vers 1928, à New York, avec Wilbur Sweatman, et à la fin des années 1920 il dirigera son propre groupe. Il enregistrera avec Jelly Roll Morton (1930) et jouera dans des différents groupes dirigés par Blanche Calloway (1931-36), Benny Carter (1933-34), Willie Bryant (1935-36) et Stuff Smith (1936-38), acquérant ainsi une expérience qui lui servira de base pour développer ses nombreux talents. Il devint très renommé après ses 4 ans (1938-42) passés chez Cab Calloway avec lequel il fera plusieurs enregistrements. Dans les années 1940, il étudiera à la Julliard School et plus tard il travaillera comme percussionniste dans des orchestres de studios et de théâtres. Il dirigera son propre quintet (1948) ainsi qu’un septet (1949).Il fera parti du Louis Armstrong’s All Stars de 1949 à 1953. Mais il délaissera le groupe pour diriger une école de batterie à New York, en partenariat avec Gene Krupa. Il apparaît dans plusieurs films comme Make mine music (1943) et The Glenn Miller story (1953), et il jouera pour la bande son de The strip (1951). Il aura un grand succès et vendra beaucoup de disques avec Topsy ; il laissera tomber son groupe régulier, qui eut du succès dans les années 1960. En 1969, il rejoindra le quintet dirigé par Jonah Jones, son collègue chez Cab Calloway. Durant les dix dernières années de sa vie, il continuera de jouer à droite à gauche, tournera en Europe en 1976 avec le quartet de Benny Carter dans le spectacle de Barry Martin : A night in New Orleans.

Sydney CATLETT97 [Big Sid] Né le 17 janvier 1910 à Evansville dans l’Indiana, et décédé le 25 mars 1951 à Chicago dans l’Illinois. Il commence par étudier le piano, puis se familiarise avec la batterie dans la fanfare de son école de Chicago. Il débute avec Darnell Howard en 1928 puis en

96 Bibliographie et discographie VIII. Annexes 2. m. 97 Bibliographie et discographie VIII. Annexes 2. n.

85 1929 il décroche son premier engagement en tant que professionnel chez Sammy Stewart, avec lequel il partira pour New York en 1930. Il y restera car il est engagé par Elmer Snowden (1931-32), puis par Benny Carter (1932-33), et avec Rex Stewart et Eddie Condon dans les Mc Kinney’s Cotton Pickers (1933-34) et enfin chez Jeter-Pilar (1934-35). Fletcher Henderson l’engagera en 1936 car il reconstitue un Big Band, c’est là que sa notoriété s’établira pleinement. Puis il ira chez Don Redman (1936-38), et finira à la fin 1938 par entrer chez Louis Armstrong, qui le considérera comme son batteur préféré, où il restera jusqu’en 1943, mis à part une intermittence de quelques mois passés chez Benny Goodman en 1941 ou 1942. Louis le considère comme le meilleur percussionniste du moment, ses talents de show man lui valent l’estime du public. On vient voir ce géant entre les mains duquel les baguettes ont l’air, d’après Moustache, «d’une paire de cure dents ». Ensuite on le verra chez Roy Eldridge, Teddy Wilson (1943- 44), ainsi qu’à la tête de petits groupes jusqu’en 1947, ce qui lui laissera le temps d’enregistrer quelques disques. En 1947 il revient chez Louis dans son All Stars (Festival de Nice de 1948) mais, gravement malade, il le quitte en 1949. Il joua aussi avec Mugsy Spanier, Sydney Bechet et Eddie Condon à la fin des années 40. Mais en 1951 il succombera à une crise cardiaque dans les coulisses de l’Opéra House de Chicago. Il apparaît dans les films Smash Your Bagage (1933), Jammin’ the blues (1944, c’est Big Sid qui joue lorsque Jo Jones est à l’image) et dans Boy What A Girl (1947). Sydney a beaucoup enregistré. Il débutera les séances avec Eddie Condon en 1933, puis il participera à des sessions avec Teddy Wilson, Putney Dandridge et Don Redman en 1936, Choo Berry en 1938, Half Pint Jackson, Frank Newton et Lionel Hampton en 1939, les Chocolates Dandies avec Hawkins, Carter et Eldridge en 1940, Sydney Bechet en 1940 (dont Summertime), les Feather All Stars en 1943, l’Earl Hines Sextet, Albert Ammons, Hazel Scott, Mildred Bailey, Ben Webster, Harry The Hipster Gibbson, Lips Page (10 faces dont Dance the Tambourine), Billie Holiday, ainsi que Edmund Hall en 1944; avec Byas, Ellington, Herbie Fields et le Mezzrow-Bechet septet en 1945, John Hardee et Mel Powell en 1946. En grande formation il fera 18 faces avec Benny Carter (dont certaines sous le nom de Spike Hughes), et 16 avec Benny Goodman en 1941. Catlett était l’un des plus éminents batteurs de la période swing, et bien des batteurs de jazz furent influencés par son jeu.

86 Il avait un touché clair, vif et ferme, une précision métrique absolue dans ses motifs de ride (cymbale rythmique), qui lui donnaient la possibilité d’insérer d’imprévisibles accents de la main gauche, dont son célèbre rim-shot (coup sur le cercle et la peau en même temps) savamment mesuré. Par toutes sortes d’imperceptibles interventions, il pouvait, à terme, générer une forte intensité et une tension énorme même en big band. C’était un expert de l’accompagnement en petites formations, écoutant, suivant et adaptant son jeu, ses timbres au soliste et quelques fois il allait même jusqu’à anticiper le chemin prit par l’improvisation. Il fut aussi un des plus grands exécutant de solos de batterie, qui préfiguraient le devenir de la batterie moderne, révélant un sens très clair et logique du développement, ainsi que de la mélodie qui le met en marge d’autres batteurs contemporains comme Gene Krupa. L’une de ses plus grande qualité était peut-être de s’adapter à tous les styles de jazz comme on peut l’entendre sur beaucoup d’enregistrement, que ce soit dans le New-Orleans, le Chicago, le Swing et dans le style Bop.

87 VII. Le Be-bop et ses ouvertures 1. Bouleversements Tout d’abord ces quelques remarques de Zutty . La première à propos de Charlie Parker : « C’était le plus grand. Si vous connaissiez tant soit peu sa musique, vous sentiriez cela du premier coup. ». Mais à propos des batteurs il dira aussi : « Kenny Clarke, un bon copain. Je le surnomme Electric chair et j’apprécie « his fine modern drumming » ». « Max Roach, probably the greatest of them modern drummer. He plays this bop right » (probablement un des meilleurs batteurs modernes. Il joue le style bop exactement comme il faut). La batterie, débarrassée de la pulsation à la grosse caisse par Jo Jones, se voit évoluer vers de nouveaux espaces développant les quatre membres. On verra alors apparaître une nouvelle coordination évoluant vers le travail de l’indépendance de chacun des membres. Les batteurs vont maintenant pouvoir s’exprimer encore plus librement et expérimenter de nouveaux équilibres sonores entre les éléments. Les batteurs vont ainsi distribuer la pulsation aux autres membres de la rythmique comme la contrebasse, la guitare et le piano. Le timbre de la rythmique évoluera encore avec une transformation et une déstructuration du cha-ba-da. Le jeu de batterie expérimente alors les timbres, les couleurs plutôt que le rythme pur.

2. Le New Orleans revival Dans ces mêmes années, le courant New Orleans est réapparu grâce à des musiciens traditionnels qui jusque là avaient été oubliés. Ce revival aida beaucoup de musiciens de la Nouvelle Orléans comme les frères Humphrey, Cie Frazier, Jim Robinson, Louis Nelson, Wallace Davenport. Des gens comme Kid Ory, Baby Dodds, Zutty Singleton, Barney Bigard, Jimmie Noone, Tommy Ladnier, Sydney Bechet, Mezzrow

88 VIII. Annexes 1. Abréviation et termes utilisés • GC/grosse caisse ; BD/bass drum • CC/caisse claire ; SN/snare drum • TA/tom aigu ; high tom tom • TM/tom medium; medium tom tom • TB/tom basse, bass tom tom ,floor tom tom • Cymb/cymbale; cymbal • HH/cymbales charleston ; HH/hi hat, high hat • tp/trompette • tbn/trombone • cl/clarinette • bj/banjo • p/piano • b/basse ou contrebasse • tb/tuba • bat./batterie; dms/drums • vl/violon • voc/chant • wb/washboard; planche à laver

2. Notes sur les musiciens cités a. Baby DODDS • Discographie sélective98 10-11-13-14 mai 1927 : Louis Armstrong and his Hot Seven, Chicago, (Willie the weeper, Wild man blues) 24 juillet 1929 : Beale Street Washboard Band, Chicago,(Forty and tight, Piggly Wiggly) 3 et 15 décembre 1927 : Johnny Dodds and his Chicago Footwarmers, Chicago (Ballin’ the jack, Grandma’s ball), (My baby, Oriental man), 2 juillet 1928(Get’em again blues, Brush stomp, My girl), 4 juillet 1928(Sweep‘em clean, Lady love, Brown bottom bess Août et décembre 1927 : Dixieland Swingsters(Johnny Dodds Four, Silver Slipper Orchestra), Chicago (There’ll come a day, Weary way blues),(Oriental man, Sock that thing)

98 B. Rust, Jazz records 1897-1942, Storyville publications and co.; voir aussi G. Helliwell and P. Taylor, discography of Warren ‘baby’ Dodds, JJ, iv(1951)

89 22 avril 1927 : Johnny Dodds’ Black Bottom Stompers, Chicago,(Weary blues, New orleans stomp, Wild man blues, Melancholy 8 octobre 1927 : Johnny Dodds’ Black Bottom Stompers, Chicago,(Come on and stomp, stomp, stomp, After you’ve gone, Joe Turner blues, When erastus plays his old kazoo) 6 juillet 1928 : Johnny Dodds’ Washboard Band, Chicago,(Bucktown stomp, Weary city, Bull fiddle blues, Blue washboard stomp 16 et 30 janvier, 7 février 1929 : Johnny Dodds Orchestra(Hot Six), Chicago,(Pencil papa, Heah Me Talkin’, Goober Dance, Too tight),(Sweet Lorraine),(Pencil papa, Heah me talkin’, Goober dance, Too tight) 5 juin 1940 : Johnny Dodds and his Orchestra, Chicago, (Red onion blues, Gravier Street blues) 24 février 1927 : Melrose Dixieland Thumpers, Chicago,(Dixieland stomp, Goo goo blues, Sweetness, 47th street stomp, Cootie stomp), en alternance avec Jimmy Bertrand 4 et 10 juin 1927 : Jelly Roll Morton / Jelly Roll Morton Trio, Chicago,(Hyena stomp, Billy goat, Wild man blues, Jungle blues/ Beale street blues, The pearls, Wolverine blues, Mr Jelly Lord) 6 avril 1923 : King Oliver’s Creole Jazz Band, Richmond, Indiana,(Just gone, Canal street blues, Mandy lee blues, I’m going away to wear you off my mind, Chimes blues, Weather bird rag, Dipper mouth blues, Foggie moor, Snake rag) 22 et 23 juin 1923 : King Oliver’s Jazz Band, Chicago, (Snake rag, Sweet lovin’ man, High society rag, Sobbin’ blues, Where did you stay last night ?, Dipper mouth blues, Jazzin’ babies’ blues) 5 octobre 1923 : King Oliver and his Creole Jazz Band, Richmond, Indiana,(When you leave me alone to pine, Alligator hope, That sweet something, dear, Zulu’s ball, Working man’s blues, Someday sweetheart, Krooked blues, If you want my heart) 15, 16, 25 et 26 octobre et 24 décembre 1923 : King Oliver’s Jazz Band , Chicago,(Chattanooga stomp, Junk man blues, London café blues –a new orleans stomp/ Camp meeting blues, New orleans stomp/ Buddy’s habit,

90 Tears, I ain’t gonna tell nobody, Room rent blues/ Riverside blues, Sweet baby doll, Working man blues, Mabel’s dream/ Mabel’s dream, The southern stomps, Riverside blues) 12 août 1927 et 10 mars 1928:State Street Ramblers, Chicago,(There’ll come a day, The weary way blues, Cootie stomp/ My baby, Pleasure mad, Oriental man) 1945: Careless love, BN 518 6 janvier 1946: Drum improvisation n°1,Cir. [USA] 1001 10 janvier 1946: Drum improvisation n°2, Cir. [USA] 1039 1946-51: Footnotes to jazz, FW 30

• Bibliographie The new grove dictionnary of jazz, ed. Barry Kernfeld (1995), 293-294 Dictionnaire du jazz, édition Robert Laffont (1988), 280- 281 J. Chilton : Who’s who of jazz, storyville to swing street, Chilton Book Company (1972), 106-107 N. Balen : L’odyssée du jazz, Liana Levi (1993), 136 G. Paczynski : Une histoire de la batterie de jazz, Tome 1 des origines aux années swing, édition Outre Mesure, 86 à 101 H. Panassié et M. Gauthier : Dictionnaire du jazz, Albin Michel (1980), 100-102 New Orleans jazz, Louisiana paperback edition (1984), 37 b. James « Zutty » SINGLETON • Bibliographie H. Panassié: “Zutty Singleton, le plus grand drummer du monde, est arrivé en France ” ,BHcF, n°12 (1951),3 M. Williams : « Zutty Singleton, the pioneer Jazz forgot »,DB, xxx/30 (1963), 18 W. Balliett: “Zutty”, Such Sweet Thunder (Indianapolis, 1966) [colln of previously pubd articles and reviews] M. Williams: “Zutty”, Jazz Masters of New Orleans (New York and London, 1967/R1978),178 M. Jones: “Satchmo’s master drummer”, MM, 1 (26 juillet 1975), 29 T. D. Brown: A history and analysis of jazz drumming to 1942 (diss., U. Of Michigan, 1976),245

91 G. Paczynski : Une histoire de la batterie de jazz, Tome 1 des origines aux années swing, édition Outre Mesure, 103

• Discographie En tant que leader Zutty and the clarinet kings, 1967, Fat cat’s jazz 100-101 En tant que sideman Fat Marable, Frankie and Johnny, 1924, OK 40113 Louis Armstrong and his Hot Five, Fireworks/ West End Blues, 1928, OK 8597 Louis Armstrong and his Hot Five, Skip the Gutter, 1928, OK 8631 Louis Armstrong and his Hot Five, A Monday date, 1928, OK 8609 Louis Armstrong and his Hot Five, Don’t jive me, Col 36376 Louis Armstrong and his Hot Five, Sugar Foot Strut, 1928, OK 8609 Louis Armstrong and his Hot Five, Two Deuces/ Squeeze me, 1928, OK 8641 Louis Armstrong and his Hot Five, Knee Drops, 1928, OK 8631 Louis Armstrong and his Savoy Ballroom Five, No one else but you, 1928, OK 8669 Louis Armstrong and his Savoy Ballroom Five, Beau Koo Jack, 1928, OK 8680 Louis Armstrong and his Savoy Ballroom Five, Save it Pretty Mama, 1928, OK 8657 Louis Armstrong and his orchestra, Muggles, 1928, OK 8703 Louis Armstrong and his Savoy Ballroom Five, Heah Me Talkin’ To Ya?, 1928 Ok 8649 Louis Armstrong and his Savoy Ballroom Five, St James Infirmary, 1928, OK 8657 Louis Armstrong and his Savoy Ballroom Five, Tight Like This, 1928, OK 8649 Louis Armstrong and his orchestra, Ain’t Misbehavin’/ Black and Blue?, 1929, OK 8714 Louis Armstrong and his orchestra, That Rhythm Man/ Sweet Savannah Sue, 1929, OK 8714 Louis Armstrong and his orchestra, Some of These Days/ When You’re Smiling, 1929, OK 8729

92 Louis Armstrong and his orchestra, Some of These Days/ When You’re Smiling, 1929, OK 41298 Louis Armstrong and his orchestra, After You’ve Gone, 1929, OK 41350 Louis Armstrong and his orchestra, Perdido Street Blues/ 2.19 Blues, 1939, Dec 18090 Louis Armstrong and his orchestra, Down in Honky Tonk Town/ Coal Cart Blues, 1939, Dec 18091 V. Spivey, Funny Weathers, 1929, OK 8713 Jelly Roll Morton, My Dixie Home/ That’s like it ought to be, 1929, Vic. 38601 Jelly Roll Morton, Climax Rag, 1939, Bb 10442 Fats Waller, Moppin’ and boppin’, 1943, Vic. 404003 Slim Gaillard, Dizzy boogie, 1945, Beltone 753 Slim Gaillard, Fat Foot Floogie, 1945, Beltone 758

• Filmographie Stormy Weather, Andrew Stone, Etats-Unis 1943 New Orleans, Arthur Lubin, Etats-Unis 1947 Love that brute, Alexander Hall, Etats-Unis 1950 Andy, Richard C. Sarafian, Etats-Unis 1964 (Zutty y joue le rôle d’un clarinettiste) L’aventure du jazz, Louis Panassié, France 1969-1970 c. Dave TOUGH • Discographie sélective En tant que Sideman : New Yorkers : Hoosier Sweetheart (1927, Homokord 42420) Tommy Dorsey: Marie/ Song of India (1937, Vic. 25523) Benny Goodman: The Blues In My Flat (1938, Vic. 26044) B. Freeman: Prince of the Wails (1940, Col. 35853) Woody Herman: Caldonia (1945, Col. 36789)

• Bibliographie L. Feather: “Dave”, Eddie Condon’s Treasury of Jazz, Ed. E. Condon and R. Gehman (N.Y., 1956/R1975) J. Lucas: “Tought Stuff”, JJ, xii/6 (1959), 5 R. Hadlock: “The Chicagoans”, Jazz masters of the twenties (N.Y., 1965/R1985), 106-44 W. Balliett: “Jazz: Little Davy Tought”, New Yorker lxi (18 Nov 1985),160

93 S. Voce: Woody Herman (London, 1986) d. Sonny GREER • Discographie sélective En tant que Leader : Ration stomp (1944, Apollo 355) En tant que Sideman: D. Ellington : Ko-ko (1940, Vic. 26577) D. Ellington: Cotton tail (1940, Vic. 26610) D. Ellington: Harlem air shaft (1940, Vic. 26731) J. Hodges: Squatty roo (1941, Bb 11447)

• Bibliographie J. Cooke: “Credit where due: a short study of Sonny Greer”, JM, VI/6 (1960), 7 B. Korall: “The roots of the Ducky”, DB, XXXIV/14 (1967), 21 S. Dance: The world of Duke Ellington (London and New York , 1970/R1981) [compilation d’articles de presse et d’interviews], 62 D. Ellington: Music is my mistress (Garden city, NY, 1973), 69 T. D. Brown: A history and analysis of jazz drumming to 1942 (diss., University of Michigan, 1976), 421, 530 D. Jewell: Duke: a portrait of Duke Ellington (London and New York, 1977, 2/1978) L. Jeske: “Sonny Greer, 83, recalls the time when the aristocrats of Harlem took London by storm”, JJI, XXXI/11 (1978), 22 S. Fish: “Sonny Greer: the elder statesman of jazz”, MD, V/8 (1981), 30 S. Fish: “In memoriam: Sonny Greer”, MD, VI/4 (1982) J. Mc Afee Jr. : Obituary, JSN, II/4 (1982), 19 W. Balliett: “New York drummers”, Jelly Roll, Jabbo and Fats (New York and Oxford, England, 1983) [compilation d’articles de presse], 42 G. Helliwell and P. Taylor, discography of Warren ‘baby’ Dodds, JJ, iv(1951), n°3, p3; n°4, p19; n°5, p17 N. Hentoff, Warren ‘baby’ Dodds, The jazz Makers: essays on the greats of jazz, ed N. Shapiro and N. Hentoff, New York, 1957/R1979, 18 W. Dodds and L. Gara, The baby Dodds story, Los Angeles, 1959

94 e. Sam WOODYARD • Discographie sélective En tant que Sideman chez Ellington : Ellington at Newport (1956, Col. CL934) Such sweet thunder (1956-57, Col. CL1033) Newport’58 (1958, Col. CL1245) The symphonic Ellington (1963, Rep. 6097) Duke Ellington’s Jazz violin session (1963, Atl. 1688) Duke Ellington plays Mary Poppins (1964, Rep. 6141), incl. Step in time Soul Call (1966, Verve 68701), incl. La plus belle Africaine En tant que Sideman avec le Great Eight : Swingin’ the forties with the Great Eight (1983, Tim. 185-6)

• Bibliographie “Interviews with the men besides [sic] Duke Ellington: Sam Woodyard”, Jazz Statistics, n°8 (1959), 9 S. Dance: The world of Duke Ellington (London and New York, 1970/R1981) [ensemble d’articles et d’interviews],189 C. Carrière: “Jam with Sam”, Jh, n°318 (1975), 17 f. Jo JONES • Discographie selective En tant que leader Jones-Smith, Inc. (avec Count Basie) : Shoe Shine Boy (1936, Voc. 3441) Jones-Smith: The drums (1973, Jazz Odyssey 008) Jones-Smith: The main man (1976, Pablo 2310799) En tant que Sideman Kansas City Five: I know that you know (1938, Com. 510) Count Basie: Swingging the blues (1938, Decca 1880) Count Basie: The world is mad (1940, OK 5816) Benny Goodman: I Found a New Baby (1941, Col. 36039)

• Bibliographie « Propos de Jo Jones », BHcF, n°190 (1969), 6

95 W. Balliett : “Jo Jones, Dms.”, Dinosaurs in the morning (Philadelphia, 1962/R1978), 61 D. Morgenstern: “Jo Jones: Taking Care of Business”, DB, xxxii/7 (1965), 15 V. Auvert: “Merveilleux Jo Jones”, BHcF, n°190 (1969), 6 L. K. McMillan, Jr : « Jo Jones : Percussion Patriarch », DB, xxxvii/6 (1971), 16 B. Allibone et M. Gautier : « Jo Jones », BHcF, n°218 (1972), 3 G. Colombé : « Jo Jones speaks out », JJ, xxv/12 (1972),6 G. Colombé: “The James Joyce of jazz”, into jazz, i/2 (1974), 14 R. Brown: “Ain’t he sweet? Jo Jones”, DB, xlvi/3 (1979), 18 S. Dance: The world of Count Basie (N. Y. and London, 1980) C. Stern: “Papa Jo”, MD, viii/1 (1984), 8

g. Sonny PAYNE • Discographie sélective En tant que Leader : More drums on fire (1959, WP 1261), Claps hands, here comes Charlie En tant que Sideman: C. Basie : Count Basie swings, Joe Williams sings (1955, Clef 678), incl. In the evening P. Quinichette: The kid from Denver (1956, Dawn 1109) Lambert, Hendricks and Ross: The swingers (1959, WP 1264) C. Basie: Breakfast dance and barbecue (1959, Roul. 52028) C. Basie: The Count Basie story (1960, Roul. 1) C. Basie: Basie at Birdland (1961, Roul. 52065)

• Bibliographie Feather E; Feather’60 ; Feather-Gitler’70s J. Tynan: “Sonny Payne: Count Basie’s swinger”, DB, XXIII/13 (1956), 14 M. Laverdure: “L’explosif Sonny Payne”, Jm, n°186 (1971), 18

96 S. Payne : “You’ve got to study all forms of music”, CI, IX/12 (1971), 15 Obituary, DB, XLVI/6 (1979), 9 h. Jimmy CRAWFORD • Discographie sélective Jimmie Lunceford: Tain’t what you do (1939, Voc./OK 4582) Jimmie Lunceford: Well, all right then (1939, Voc./OK 4887) Louis Armstrong: Louis Armstrong with Edmond Hall (1974, Palm Club 19) Edmond Hall: Jazz at the Savoy Café, Boston (1949, Savoy 15028)

• Bibliographie Chilton W B. Sapsford: “Jimmy Crawford: a drummer overlooked”, JJ, xvii/4 (1964), 9 S. Dance: The world of Swing (N.Y., 1974), 119 i. Chick WEBB • Discographie selective Let’s get together (1934, Col. 741) Stomping at the Savoy (1934, Col. CN741) Blue Lou (1934, Decca 1065) Clap hands! Here comes Charley (1937, Decca 1220) I got rhythm (1937, Decca 1759) Harlem Congo (1937, Decca 1681) Midnite in a madhouse (1937, Decca 1587) A-tisket, A-tasket/ Liza (1938, Decca1840

• Bibliographie J.P. Noonan : « The secrets of Chick Webb’s drumming technique”, DB, xxxix/13 (1972), 26 D.M. Bakker: “Chick Webb, 1928-1939”, Micrography, n°31 (1974), 4 A. McCarthy: Big Band Jazz (N.Y. and London, 1974), 265 G. Murphy: “Chick Webb: The mighty atom remembered by Greg Murphy”, JJJ, xxxix/4 (1986), 10

97 B. Korall: “Chick Webb: The total experience on drums”, MD, xii/1 (1988), 26 j. Gene KRUPA • Discographie selective En tant que leader : Blues of Israel (1935, Parl. 2224) Apurksody (1938, Bruns. 8296) Don’t be surprised (1939, Bruns. 8412 Drummin’ man (1939, Col. 35324) Blue rhythm fantasy (1939, OK 5627) Manhattan transfer (1940, Col. 35444) Drum boogie (1941, OK 6046) Let me off uptown (1941, OK 6210) Tha walls keep talking (1941, OK 6438) Leave us leap (1945, Col. 36802) Tea for two (1945, Col. 38345) Disc Jockey jump/ Gene’s boogie (1947, Col. 37589) Up an’ atom (1947, Col. 38382) Lemon drop (1949, Col. 38415) Bop boogie (1949, Col. B1999) Drum boogie (1952, Clef 8984) En tant que Sideman : R. Nichols: Indiana (1929, Bruns. 4373) Mound city blue blowers: Hello, Lola/ One hour (1929, Vic. 38100) Charleston chasers: Basin street blues/ Beale street blues (1931, Col. 2415D) B. Goodman: King porter ( 1935, Vic. 25090) B. Goodman: After you’ve gone (1935, Vic. 25115) B. Goodman: Who? (1935, Vic. 25181) B. Goodman : Swingtime in the Rockies (1936, Vic. 25355) B. Goodman: Smoke dreams (1936, Vic. 25486) B. Goodman: Sing, sing, sing (1937, Vic. 36205)

• Bibliographie « Band business is on way up again, says Krupa », DB, xvii/17 (1950), 3 J. Burns: “Lesser know bands of the forties: Gene Krupa & Georgie Auld”, JM, n°160 (1968), 8 G. Hall et S. Kramer: Gene Krupa and his orchestra (Laurel, MD, 1975)

98 K. Larcombe: “Gene Krupa: 1909-1973”, MD, iii/5 (1979), 12 K. Statemann: Budy Rich and Gene Krupa: a filmo- discography (Lübbecke, Germany, 1980) C. Garrod et B. Korst : Gene Krupa and his orchestra, I: 1935-1946, ii: 1947-1973 (Zephyrhills, FL, 1984) S. Wooley: “That drummin’ man”, JJI, xxxviii/8 (1985), 12 M.L. Hester: “The exciting Gene Krupa”, MR, xiii/10 (1986), 1 B. Crowther: Gene Krupa (Thunbridge wells, England, and N.Y., 1987) k. Buddy RICH • Discographie selective En tant que leader: Avec Lester Young : I found a new baby (1946, Clef 11048 Avec Lionel Hampton et Art Tatum: The Lionel Hampton-Art Tatum-Buddy Riche Trio (1955, Clef 709) Buddy Rich vs Max Roach (1959, Mer. 20448) Swingin’ new big band (1966, PJ 20113) Lionel Hampton presents Buddy Rich (1977, Who’s who in jazz 21006) En tant que Sideman: A. Shaw: Serenade to a savage (1939, Bb 10385) T. Dorsey: The minor goes mugin’ (1945, Vic. 45-0002) C. Parker: Bloomdido (1950, Mer./Clef 11058)

• Bibliographie G. Hoefer: “Buddy Rich: portrait of a man in conflict”, DB, xxvii (1960), n°12, p17; n13, p20 R. Kettle: “Roach vs Rich: a notated analysis of two significant modern jazz drumming styles”, DB, xxxviii/6 (1966), 20 J. Burns:”Lesser known bands of the forties: Buddy Rich and Johnny Bothwell”, JM, n°175 (1969), 6 S. Dance: The world of Swing (N.Y., 1974) D. Meriwether, Jr: The Buddy Rich orhchestra and small groups (Spotswood, NJ, 1974, rev. 2/1984 sous le nom de We don’t play requests: a musical biography/ discography of Buddy Rich)

99 S. Wolley: “Buddy Rich: drummer, bandleader and wit”, JJ, xxvii/11 (1974), 4 W. Balliett: “Super drummer”, Improvising: sixteen jazz musicians and their art(N.Y., 1977), 151 “Rich + Tormé = wild repatee”, DB, xlv (1978), n°3, p13; n°4, p20 K. Statemann: Budy Rich and Gene Krupa: a filmo- discography (Lübbecke, Germany, 1980) C. Iero: “Buddy Rich: revisited”, MD, iv/6 (1980), 12 E. Tiegel: “Rich raps”, DB, xlix/3 (1982), 17 J. Nesbitt: Inside Buddy Rich: a study of the master drummer’s style and technique (Dlevan, NY, 1984) R. Mattingly: “Buddy Rich”, MD, x/1 (1986), 15 B. Korall: “Buddy remembered”, MD, xi/7 (1987), 22 J. MacSweeney: “Buddy’s classic RadioKings”, MD, xi/7 (1987), 29 l. Ray BAUDUC • Discographie sélective En tant que Leader Li’l Liza Jane (1947, Cap. 15131) Avec N. Lamare: Riverboat Dandies (1957, Cap. T877), incl. Black and white rag En tant que Sideman: Ben Pollack : My kinda love (1929, Vic. 21944) G. Gifford: New Orleans Twist (1935, Vic. 25041) B. Berigan: I’m coming Virginia (1935, Decca 18116) B. Crosby: Between the Devil and the Deep Blus Sea (1937, Decca 1196) B. Crosby: South Rampart Street Parade (1937, Decca 15038) B. Crosby: The big noise from Winnetka (1938, Decca 2208) P. Fountain: New Orleans to LA (1954, 1956, Slnd 215), March of the Bobcats (1956) 11-12 janvier 1939 : All Star Band, New York, (Blue lou, The blues) 27 mai 1942 : Fred Astaire acc. Bob Crosby and his orchestra, Los Angeles,(You’re easy to dance with, I can’t tell a lie) 13 décembre 1935 : Bunny Berigan and his boys, New York,(You took advantage of me, Chicken and waffles, I’m coming Virginia)

100 13 avril et 9 juin 1936 : Connie Boswell acc. Bob Crosby and his orchestra, New York,(You started me dreaming, Mommy / On the beach at Bali- Bali, Swing me lullaby, I mat my Waterloo, You can call it swing ) 13 et 16 novembre 1937 : Connie Boswell acc. Bob Crosby’s Bobcats, Los Angeles, (Martha, Home on the range, Gypsy love song, Ah ! sweet mystery of life / Fare thee honey, Mr Freddie blues) Juin à décembre 1926 : Joe Candullo and his everglades orchestra, New York

• Bibliographie G. Simon: “Dixieland Drums and Drummers”, Metronome, LXIII/1 (1952),12 J. Lucas: “Wild drummers I have known”, JJ, VIII/3 (1955),4 J. Chilton: Stomp off, let’s go! The story of Bob Crosby’s Bob cats & big band (London, 1983),181 M. L. Hester: “Bobcat takes from Ray Bauduc”, MR, XII/5 (1985),1

m. Cozy COLE • Discographie sélective En tant que Leader : Thru’ for the night (1944, Key. 1301) Concerto for Cozy (1944, Savoy 575) Drum fantasy (1954, MGM EP622) Topsy, pts I-II (1957-58, Love 5004) En tant que Sideman: C. Calloway : Crescendo in drums (1939, Voc./OK 5062) C. Calloway: Paradiddle (1940, Voc./OK 5467) R. Eldridge: St Louis blues (1944, Key. 607) L. Armstrong: Way down yonder in New Orleans (1951, Decca 928169)

• Bibliographie A. Gray: “Cozy Cole still takes drum lessons”, Rhythm, n°143 (1939), 32

101 D. Morgenstern: “Keep it swinging’: Cozy Cole”, DB, XXXVI/6 (1969), 22 J.-P. Battestini: “Histoire de Cozy Cole”, BHcF, n°241 (1974), 3 S. Dance : The world of swing (New York, 1974) [recueil d’interviews parues], 183 P. Vacher: “Cozy conversing”, MR, V/6 (1978), 10 S. Fish: “In memoriam: Cozy Cole”, MD, V/2 (1981), 62

n. Sidney CATLETT • Discographie sélective En tant que Leader : Sleep/Linger Awhile (1944, Com. 546) Memories of you/ Just a riff (1944, Com. 1515) I never knew/ Love for sale (1945, Cap. 10032) En tant que Sideman: F. Henderson : Jangled nerves (1936, Vic. 25317) T. Wilson: Warmin’ up (1936, Bruns. 7684) B. Goodman: Tuesday at ten (1941, Col. 36254) D. Gillespie: Salt peanuts (1945, Guild 1003) L. Armstrong: Boffboff (1947, Decca 9-28102)

• Bibliographie H. Panassié: “Un grand musicien disparaît: Sydney Catlett”, BHcF, n°8 (1951),3 W. Balliett : The sound of surprise (New York, 1959/R1978) [ensemble d’articles et d’interviews], 143 G. Hoefer: “Big Sid”, DB, XXXIII/6 (1966), 26 B. Esposito: “Big Sid Catlett”, JJ, XXII/5 (1969), 10 R. Stewart: “My man, Big Sid (Sidney Catlett)”, Jazz Masters of the thirties (New York and London, n. d.,[?1972])

3. Bibliographie générale • The new grove dictionnary of jazz, ed. Barry Kernfeld (1995) • Dictionnaire encyclopédique de la musique, édition Robert Laffont (1988) • Dictionnaire du jazz, édition Robert Laffont (1988)

102 • N. Balen : L’odyssée du jazz, Liana Levi (1993) • F. Billard et G. Tordjman : Duke Ellington, édition du Seuil (1994) • S. Loupien : Miles Davis, E. J. L. (1999) • L. Malson : Histoire du jazz et de la musique afro-américaine, édition du Seuil (1994) • G. Paczynski : Une histoire de la batterie de jazz, Tome 1 des origines aux années swing, édition Outre Mesure • J. Chilton : Who’s who of jazz, storyville to swing street, Chilton Book Company (1972) • H. Panassié et M. Gauthier : Dictionnaire du jazz, Albin Michel (1980) • A. Comax : Mister Jelly Roll, Flammarion (1964) • New Orleans jazz, Louisiana paperback edition (1984) • B. Rust, Jazz records 1897-1942, Storyville publications and co. • S. Dance, Duke Ellington par lui-même et ses musiciens, Filipacchi 1970/F1976 • F.-X. Gomez : Les musiques cubaines ; Librio musique n°279 (1999) • A. Mac Carthy : Big Band Jazz, G. P. Putnam’s Sons (1974)

4. Documents et sites Internet consultés • Encyclopédie Britannica http://www.britannica.com • Cité de la musique http://servsim.cite-musique.fr (/museedelamusique) • http://www.redhotjazz.com/zutty.html • http://www.multimania.com/ronpittner/jazzhot.html • http://myweb.worldnet.net/~pasmat/allonz/histoire.html • http://www.harlem.org/greatday.html • http://www.harlem.org/people/singleton.html# • http://www.dwdrums.com/ • http://www.tama.com • http://lee.vinson.net/badges/ludwig/ • http://www.ludwig-drums.com • http://www.premier-drums.com • http://www.pearldrum.com • http://www.slingerland.com • http://www.hohner.fr/sonor/index-f.html • http://www.remo.com • http://www.zildjian.com

103 • http://hometown.aol.com/glm9999999/vintdrum.html • http://www.adrummerstradition.com/museum.htm • http://www.jazzmagazine.com

5. Filmographie • SING ON, a film of New Orleans brass bands, American Music Records, New Orleans, Louisiane, producteur Barry Martin, 1999 • BABY DODDS, New Orleans drumming, American Music Records, New Orleans, Louisiane, producteur Barry Martin , 1999

6. Iconographie Voir document 1. (10 pages)

7. Base de donnée des batteurs jusqu’à Jo Jones (1911) Voir document 2. (24 pages) Abréviations utilisées : • DJ : Dictionnaire du jazz, ed. Robert Laffont (1988) • GJ : The new grove dictionnary of jazz, ed. Barry Kernfeld (1995) • HP : H. Panassié et M. Gauthier : Dictionnaire du jazz, Albin Michel (1980) • NO : New Orleans jazz, Louisiana paperback edition (1984)

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