Normandie

Avis délibéré de la mission régionale d’autorité environnementale sur la demande de renouvellement partiel et d’extension de l’exploitation d’une carrière sur les communes de Muids et Daubeuf-près- () présentée par la société Lafarge Granulats

N° : 2017-002384

Avis délibéré n°2017-2384 en date du 28 février 2018 – Carrière de Muids et Daubeuf-près-Vatteville (Lafarge) (Eure) Mission régionale d’autorité environnementale de Normandie 1/11 PRÉAMBULE

Par courrier reçu le 16 janvier 2018 par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) de Normandie, l’autorité environnementale a été saisie pour avis sur la demande d’autorisation pour le projet relatif à l'exploitation d’une carrière sur les communes de Muids et Daubeuf-près- Vatteville (Eure), présenté par la société Lafarge Granulats France (LGF).

Par suite de la décision du Conseil d’État n°400559 du 6 décembre 2017, venue annuler les dispositions du décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 en tant qu’elles maintenaient le préfet de région comme autorité environnementale, le dossier a été transmis à la mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) de Normandie.

Le présent avis a été préparé par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) avant d’être proposé à la MRAe. En outre, conformément à l’article R. 122-7 du code de l’environnement (CE), l’agence régionale de santé (ARS) de Normandie a été consultée le 23 janvier 2018.

Cet avis contient l’analyse, les observations et recommandations que la mission régionale d’autorité environnementale, réunie le 28 février 2018 par téléconférence, formule sur le dossier en sa qualité d’autorité environnementale.

Cet avis est émis collégialement par l’ensemble des membres délibérants présents : Corinne ETAIX, Olivier MAQUAIRE et Michel VUILLOT.

En application de l’article 9 du règlement intérieur du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD)1, chacun des membres cités ci-dessus atteste qu’aucun intérêt particulier ou élément dans ses activités passées ou présentes n’est de nature à mettre en cause son impartialité dans l’avis à donner sur le projet qui fait l’objet du présent avis.

Après en avoir délibéré, la MRAe rend l’avis qui suit, dans lequel les recommandations sont portées en italique gras pour en faciliter la lecture.

Il est rappelé que pour tous les projets soumis à évaluation environnementale, une « autorité environnementale » désignée par la réglementation doit donner son avis et le mettre à disposition du maître d’ouvrage et du public.

Cet avis ne porte pas sur l’opportunité du projet, mais sur la qualité de l’évaluation environnementale présentée par le maître d’ouvrage, et sur la prise en compte de l’environnement par le projet. Il n’est donc ni favorable, ni défavorable. Il vise à améliorer la conception du plan ou du document et à permettre la participation du public à l’élaboration des décisions qui le concernent.

Cet avis est un avis simple qui doit être joint au dossier d’enquête publique.

1 Arrêté du 12 mai 2016 portant approbation du règlement intérieur du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD).

Avis délibéré n°2017-2384 en date du 28 février 2018 – Carrière de Muids et Daubeuf-près-Vatteville (Lafarge) (Eure) Mission régionale d’autorité environnementale de Normandie 2/11 SYNTHÈSE DE L’AVIS

Le projet porté par la société Lafarge Granulats France consiste en l’extension d’une carrière existante et concerne, d’une part, le renouvellement de l’autorisation d’extraction pour une partie de l’actuelle carrière (zones « est » et « ouest ») sur la commune de Muids et, d’autre part, l’extension sur la commune de Daubeuf-près-Vatteville (dite Zone « nord »).

L’ensemble de la carrière aura alors une surface de 382,6 ha, dont 193 ha correspondent à l’extension en partie nord. La durée d’exploitation sollicitée est de 15 ans (12 ans d’extraction, 3 de réaménagement). Sa capacité annuelle maximale de production sera de 1 900 000 tonnes, avec une moyenne estimée à 1 650 000 tonnes. Il s’agit d’une carrière d’extraction hors d’eau de granulats - sables et graviers – qui se fait par des engins de chantier. Les granulats sont ensuite expédiés par bandes transporteuses sur un autre site de cet exploitant, situé à Bernière-sur-Seine sur la rive opposée de la Seine.

Conformément au code de l’environnement, l’avis de l’autorité environnementale, représentée par la mission régionale d’autorité environnementale, a été sollicité le 16 janvier 2018.

Les principaux enjeux liés à ce type d’activité sont la protection des eaux superficielles, la protection de la biodiversité et la limitation des nuisances (sonore, visuelle et poussières).

Sur la forme, l’étude d’impact présentée comprend les éléments attendus listés à l’article R. 122.5 du code de l’environnement.

Sur le fond, le projet et ses effets environnementaux sont globalement convenablement décrits. La séquence « éviter, réduire, compenser » ne conduit pas à proposer de mesures de compensation.

L’autorité environnementale aurait toutefois apprécié que ce projet fasse l’objet d’une approche globale, faisant la synthèse tant de l’extension que des secteurs de la carrière actuellement autorisés. Une approche unique des « études écologiques » entre ces deux parties d’un même projet aurait en effet permis une vision globale plus pertinente pour ce projet.

L’autorité environnementale recommande particulièrement : - de procéder à un suivi annuel faune-flore ; - que ce suivi fasse l’objet d’un compte-rendu écrit tous les cinq ans, qui sera transmis à l’administration compétente. Sur la base de ce rapport, l’exploitant proposera si nécessaire les adaptations éventuelles des mesures de réduction dans le cadre de la séquence « éviter-réduire- compenser ».

L’autorité environnementale recommande également de maintenir : - l’évaluation de la diversité spécifique au sein de la carrière, - le suivi annuel des populations d’Oedicnème criard et d’Engoulevent d’Europe, - le suivi floristique scientifique de la lande à Genêt d’Angleterre ainsi que son plan de gestion, - le groupe de travail sur le reboisement, qui se réunit annuellement pour choisir les essences forestières qui seront plantées, - les réunions annuelles de la commission locale de suivi de cette carrière, qui examine notamment les travaux de réaménagement post-exploitation.

Avis délibéré n°2017-2384 en date du 28 février 2018 – Carrière de Muids et Daubeuf-près-Vatteville (Lafarge) (Eure) Mission régionale d’autorité environnementale de Normandie 3/11 Plan de situation extrait Google Earth

AVIS DÉTAILLÉ

1- Présentation du projet et de son contexte La société Lafarge Granulats France (LGF) est autorisée à exploiter une carrière de 189,6 ha sur les communes de Muids et Daubeuf-près-de-Vatteville par deux arrêtés préfectoraux du 4 mai 1995 et du 28 novembre 2016 (autorisant une extension de 34 ha).

Le plan ci-dessus illustre le périmètre autorisé et les zones concernées par la demande. Cette dernière porte sur : - une extension de l’activité de la carrière sur une surface d’environ 193 ha sur la commune de Daubeuf-près-Vatteville, dont 184,3 ha exploitables, composés principalement de terrains agricoles cultivés ; - le renouvellement du périmètre de la zone Est de l’arrêté préfectoral de 1995 afin d’achever l’exploitation et permettre la remise en état, soit 121 ha environ, dont environ 47,7 ha exploitables par l’entreprise ; - le renouvellement partiel du périmètre de la zone Ouest de l’arrêté de 1995 afin d’achever l’exploitation et permettre la remise en état, soit 34 ha environ, dont environ 11,6 ha exploitables par l’entreprise ; - le renouvellement de la totalité du périmètre autorisé par l’arrêté préfectoral de 2016, soit 34,3 ha, dont environ 32,8 ha exploitables.

Cette demande de renouvellement partiel et d’extension d’autorisation de la carrière représente une superficie totale de 382,6 ha, dont 275 ha sont exploitables. La durée de la demande sollicitée est de 15 ans (dont 12 ans d’extraction). La demande porte sur des terrains appartenant, soit en propre à Lafarge Granulats France, soit en contrats de fortage obtenus auprès des propriétaires des terrains2.

2 Les contrats de fortage sont un système de location dans lequel le propriétaire concède à un tiers le droit d’exploiter le sous-sol. Ces contrats prévoient, outre les conditions financières, des conditions de remise à disposition des terrains. Ce sont des contrats de droit privé, le plus souvent confidentiels, dont l’instructeur du dossier doit vérifier la présence lors de l’instruction de la procédure.

Avis délibéré n°2017-2384 en date du 28 février 2018 – Carrière de Muids et Daubeuf-près-Vatteville (Lafarge) (Eure) Mission régionale d’autorité environnementale de Normandie 4/11 Sur le plan technique, l’exploitation projetée sera conduite dans la continuité des dispositions actuelles.

Les matériaux seront extraits selon le mode opératoire suivant : - décapage des terres superficielles jusqu’à atteinte du gisement. Les terres extraites sont stockées en merlon de chaque côté des parcelles, en séparant les stériles de découverte de la terre végétale ; - exploitation du gisement par techniques d’extraction à la pelle mécanique et transfert vers des trémies par des tombereaux qui n’utiliseront pas le domaine public. Cette technique d’extraction se fait hors d’eau (sans abattement de la nappe) et ne fait pas appel à l’usage d’explosifs ; - à la fin de l’exploitation, la parcelle exploitée est recouverte par les stériles puis par la terre végétale, qui ont été stockés en merlon, et remise en état selon l’utilisation initiale. La durée moyenne d’exploitation d’une parcelle est de 3 ans ; - les granulats extraits sont stockés temporairement dans des trémies et sont ensuite expédiés vers les installations techniques de traitement, situées sur les communes de Bernières-sur-Seine et de Tosny, exploitées par Lafarge Granulats France (LGF), par le réseau de convoyeurs à bande existant et permettant d’éviter le recours au trafic routier. En outre, il n’y aura aucune commercialisation de matériaux depuis la carrière. L’autorité environnementale s’est fait préciser les conditions d’expédition des granulats extraits, considérant que cette information contribue à la connaissance de l’impact global du projet. Les granulats sont expédiés depuis les sites de Bernières-sur-Seine et Tosny (y compris les extractions propres à ces carrières) vers l’Île-de-France par barges fluviales (60%) et par camions (30%). Les 10 % restants sont transformés sur place (ensachage, béton, etc.) et expédiés par route. L’autorité environnementale considère que cette information devrait figurer dans le dossier. La zone Nord en extension est située dans son intégralité dans un espace agricole. Environ 94 ha de terres agricoles sont concernées par l’extension de la carrière, dont plus de la moitié de la SAU (55,6%) est occupée par une culture de type blé/orge. Le maïs et le colza représentent ensuite respectivement 12% et 10 % d’occupation. Les 22% restant sont partagés entre la betterave (6,2%), la luzerne (6,2%), la pomme de terre (5%), les pois (3%) et le lin avec 2% d’occupation.

Pour répondre à l’objectif de ne pas perturber les équilibres paysagers, le projet de remise en état s’attache à : - restituer un nivellement final intégré dans le paysage, sans trahir le relief d’origine ; - rétablir les emprises intégralement dédiées aux grandes cultures telles qu’à l’origine.

En ce qui concerne l’exploitation passée de ce site, le service d’inspection des installations classées pour la protection de l’environnement n’a pas eu de remarques à formuler au porteur de projet sur le respect des conditions de remise en état du site pour les parcelles déjà exploitées.

Les installations projetées relèvent du régime de l’autorisation prévue à l’article L. 512-1 du code de l’environnement, au titre de la rubrique 2510 §1a (exploitation de carrière). Les caractéristiques volumétriques des installations sont les suivantes : Nature de l'installation Critère de classement Volume autorisé Superficie totale autorisée 382 ha 60a 23 ca Superficie exploitable 275 ha 57a 07ca Quantité de matériaux à environ 12 500 000 m³ (soit environ 25 000 Volume total de matériaux extraire : 000 tonnes) environ 12 500 000 m³ (soit environ 25 000 000 tonnes)Production moyenne annuelle 1 914 000 tonnes/an de matériaux bruts totale (soit environ 957 000 m³/an) Production maximale 2 204 000 tonnes de matériaux bruts annuelle totale (soit environ 1 102 000 m³/an)

Par ailleurs, en parallèle de la présente demande, Lafarge Granulats France (LGF) a déposé auprès de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de l’Eure, un dossier de demande d’autorisation de défrichement pour une surface de 44,8 ha (date de dépôt du dossier : le 31 juillet 2017).

Avis délibéré n°2017-2384 en date du 28 février 2018 – Carrière de Muids et Daubeuf-près-Vatteville (Lafarge) (Eure) Mission régionale d’autorité environnementale de Normandie 5/11 S’agissant du périmètre en renouvellement (Ouest et Est), des arrêtés préfectoraux ont d’ores et déjà été délivrés concernant la dérogation à l’article L. 411-1 du code de l’environnement, notamment pour le maintien d’habitats favorables au Genêt d’Angleterre : arrêté préfectoral du 9 février 2012 et arrêté préfectoral n°SRN/UAPPA/2017-01026-0FT-001 du 8 février 2017.

2 - Cadre réglementaire L’avis de l’autorité environnementale porte sur la qualité de l’étude d’impact et sur la prise en compte de l’environnement dans le projet. Conformément à l’article R. 122-9 du code de l'environnement, il est inséré dans les dossiers soumis à enquête publique. L’évaluation environnementale constitue une démarche itérative visant à intégrer la prise en compte de l’environnement tout au long de l’élaboration du projet. Cette démarche trouve sa traduction écrite dans l’étude d’impact du projet. L’avis est élaboré avec l’appui des services de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), après consultation du préfet de l’Eure et de l’agence régionale de santé (ARS), conformément à l’article R. 122-7 du code de l’environnement. Il n’est pas conclusif, ne préjuge pas des avis techniques qui pourront être rendus ultérieurement ; il est distinct de la décision d’autorisation. La carrière est actuellement soumise au régime de l’autorisation par arrêté préfectoral du 4 mai 1995, complété par l’arrêté préfectoral d’autorisation du 28 novembre 2016 (autorisant une extension de 34 hectares).

3 - Contexte environnemental du projet Le projet d’extension est localisé en continuité géographique de la carrière actuelle sur sa partie nord, pour laquelle une extension de durée d’exploitation (secteurs ouest et est) est également sollicitée. L’accès au site se fait depuis la RD313, mais il convient de noter que l’expédition des granulats extraits se fait exclusivement par bandes transporteuses par la partie sud du site puis en traversant la Seine vers un autre site de cet exploitant à Bernière-sur-Seine. Le projet se situe dans une zone à caractère naturel, dans une boucle de la Seine, à proximité des sites Natura 20003 suivants : • « Boucles de la Seine Amont d'Amfreville à », Zone spéciale de conservation (ZSC), à 1,4 km à l’Ouest et à 1,5 km au Sud-Est, • « Iles et berges de la Seine dans l'Eure », Zone spéciale de conservation (ZSC), à 1,8 km à l’Ouest du site, • « Terrasses alluviales de la Seine », Zone de protection spéciale (ZPS), à 2,4 km au Sud-Est du site.

Conformément à l’article L. 414-4 du code de l’environnement, le projet comporte une évaluation des incidences sur les sites concernés. Le rapport présentant l’évaluation des incidences est inclus dans l’étude d’impact et en particulier son annexe « Études écologiques ».

Le projet ne se situe à l'intérieur d’aucune ZPS, Zone importante pour la conservation des oiseaux (ZICO) ou Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique4 (ZNIEFF) mais à proximité de : • 3 ZNIEFF de type I : ➢ « Le Bois de la Fortelle », à 30 m au Nord-Ouest, ➢ « Le bois et les coteaux des Andélys Nord », à 800 m au Sud-Est, ➢ « Les îles de Tournedos et », à 1,4 km à l’Ouest.

3 Les sites Natura 2000 constituent un réseau européen en application de la directive 79/409/CEE « Oiseaux » (codifiée en 2009) et de la directive 92/43/CEE « Habitats faune flore », garantissant l’état de conservation favorable des habitats et espèces d’intérêt communautaire. Les sites inventoriés au titre de la directive « habitats » sont des sites d’intérêt communautaire (SIC) ou des zones spéciales de conservation (ZSC), ceux qui le sont au titre de la directive « oiseaux » sont des zones de protection spéciale (ZPS). 4 ZNIEFF : zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique. Lancé en 1982 à l’initiative du ministère chargé de l’environnement, l’inventaire des zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) a pour objectif d’identifier et de décrire des secteurs présentant de fortes capacités biologiques et un bon état de conservation. On distingue deux types de ZNIEFF : les ZNIEFF de type I : secteurs de grand intérêt biologique ou écologique ; les ZNIEFF de type II : grands ensembles naturels riches et peu modifiés, offrant des potentialités biologiques importantes.

Avis délibéré n°2017-2384 en date du 28 février 2018 – Carrière de Muids et Daubeuf-près-Vatteville (Lafarge) (Eure) Mission régionale d’autorité environnementale de Normandie 6/11 • 4 ZNIEFF de type II : ➢ « Côte de , les vallons d’Heuqueville et Noyers », à 450 m au Nord-Est, ➢ « La côte d’Amfreville sous les monts - La forêt de », à 500 m à l’Ouest, ➢ « Les iles et berges de la Seine en amont de Rouen », à 1,4 km à l’Ouest du site, ➢ « Les terrasses alluviales de la boucle de Tosny », à 2,2 km au Sud-Est du site.

Les principaux enjeux liés à ce type d’activité sont la protection des eaux superficielles, la protection de la biodiversité et la limitation des nuisances (sonore, visuelle et poussières).

4 – Analyse de la qualité de l’étude d’impact

Le dossier transmis à l’autorité environnementale comprend les pièces suivantes : • le dossier de demande d’autorisation au titre des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ; • le résumé non technique de l’étude d’impact ; • l’étude d’impact ; • le volet sanitaire de l’étude d’impact ; • l’étude de dangers ; • la notice d’hygiène et de sécurité ; • les annexes ; • les plans.

4.1 - Complétude de l’étude d’impact Formellement, l’étude d’impact transmise à l’autorité environnementale reprend l’ensemble des éléments attendus listés à l’article R. 122-5 du code de l’environnement. En application de l’article R. 414-19 I 4° du code de l’environnement, les ICPE soumises à autorisation doivent faire l’objet d’une évaluation des incidences Natura 2000. L’étude d’impact en tient lieu si elle contient les éléments listés à l’article R. 414-23 du code de l’environnement à savoir : a minima une cartographie, une présentation illustrée des sites et une analyse conclusive des effets permanents et temporaires, directs et indirects du projet sur les espèces animales et végétales et les habitats d'intérêt communautaire qui ont justifié la désignation des sites Natura 2000. En l’espèce, le document transmis à l’autorité environnementale comporte un chapitre consacré à cette évaluation.

4.2 - Objet et qualité des principales rubriques de l’étude d’impact • L’analyse de l’état initial de l’environnement (Chapitre 2) est appropriée notamment en ce qui concerne l’étude faune flore, qui fait l’objet d’un tome séparé, et l’étude acoustique. Cette partie présente les enjeux de manière appropriée tant pour l’extension que pour la carrière actuelle pour laquelle il est demandé la prolongation de durée d’exploitation. La lecture de cette partie de l’étude d’impact est toutefois rendue complexe par la différenciation faite entre la partie actuellement exploitée pour laquelle il est demandé une prolongation de durée d’exploitation et le secteur nord qui correspond à l’extension stricto sensu. Cette difficulté est également liée au fait que ces études ont été menées par deux bureaux d’études différents à des périodes légèrement différentes. L’autorité environnementale considère qu’une approche globale du projet, faisant la synthèse tant de l’extension que des secteurs de la carrière actuellement autorisée pour lesquels il est demandé une augmentation de la durée d’activité, aurait permis une appréhension plus pertinente du projet. Cette observation est tout particulièrement valable pour l’annexe « Études écologiques ». • L’évaluation des incidences du projet sur les sites Natura 2000 (l’emprise du projet n’intersecte pas de site Natura 2000) est satisfaisante. Elle est décrite page 122 de l’annexe « étude écologique » pour la partie Nord et Est du site et page 86 pour la partie ouest. Conclusive sur l’ensemble des enjeux, elle révèle l’absence d’incidence globale permanente et directe du projet.

Avis délibéré n°2017-2384 en date du 28 février 2018 – Carrière de Muids et Daubeuf-près-Vatteville (Lafarge) (Eure) Mission régionale d’autorité environnementale de Normandie 7/11 • L’analyse des effets cumulés avec d’autres projets (Chapitre 4) est conclusive. Ceux-ci sont présentés pour un rayon de 10 km autour du projet actuel. Ce chapitre permet notamment la comparaison avec des projets équivalents dans ce périmètre. • Le résumé non technique présente l’ensemble du projet de manière synthétique, et est effectivement de nature à permettre sa bonne compréhension par le public. Dans le cas présent, il reprend de manière satisfaisante les points essentiels des différentes parties de l’étude d’impact. • L’analyse de la cohérence et de la compatibilité avec les plans et programmes. La cohérence avec les plans et programmes supra-communaux est traitée dans le chapitre 6. La description proposée permet d’apprécier la compatibilité du projet avec les différents documents applicables : schéma départemental des carrières, schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Seine Normandie 2016-2021 (approuvé le 20 décembre 2015), schéma régional de cohérence écologique et documents d’urbanisme (SRCE de Haute-Normandie arrêté le 18 novembre 2014). L’étude met en évidence de manière satisfaisante leur prise en compte et leur compatibilité.

5 – Analyse de la prise en compte de l’environnement dans le projet

Les observations qui suivent ne prétendent pas à l’exhaustivité mais portent sur les thématiques identifiées comme à fort enjeu par l’autorité environnementale, compte tenu du contexte environnemental et de la nature du projet.

5.1 - Les eaux superficielles et souterraines

Eaux superficielles La qualité des eaux de la Seine est qualifiée de moyenne. Le projet (périmètres de demande et exploitables) n’intercepte aucun élément du réseau hydrographique, et il se situe en position haute par rapport à la Seine, ce qui exclut le risque de capture d’eau de Seine. Les eaux pluviales s'infiltreront naturellement dans la craie. Des conditions proches de l'état initial seront retrouvées. Le stockage ou emploi de produits polluants (hydrocarbures) se fera sur rétention équipée d’un débourbeur / déshuileur ; aussi, l’impact du projet sur la qualité de l’eau est réduit à des situations accidentelles (fuites d’hydrocarbures) traitées dans l’étude de dangers et pour lesquelles des mesures de gestion sont prévues.

Eaux souterraines La suppression de la couverture alluvionnaire pendant la durée de l’exploitation entraîne une modification des temps de transferts des eaux de pluie vers la nappe des craies et une réduction de la fonction de filtre jouée par la couche alluvionnaire. Cet impact temporaire présente toutefois peu d’enjeux.

5.2 - Les zones humides Le projet n’est pas situé en zone humide avérée ou à forte prédisposition.

5.3 - La biodiversité et les continuités écologiques L’étude faune-flore et son annexe « Études écologiques » jointe à l’étude d’impact sont de bonne facture. La méthodologie est précise et proportionnée, et les résultats sont clairement présentés. L’étude monte un impact sur 17 habitats naturels, dont un d’intérêt communautaire (0,83 ha de lande sèche européenne – ce secteur sera évité). Les enjeux agricoles et sylvicoles sont pris en compte par l’exploitant dans les conditions de remise en état du site.

Les espèces sont bien décrites et, en ce qui concerne les insectes, l’étude est limitée aux Odonates (libellules, etc.), Orthoptères (sauterelles, etc.) et Lépidoptères (papillons).

La présence de chiroptères (Murin à moustache, Sérotine commune, Oreillard, Noctule de Leisler, Pipistrelle de Kuhl, etc.) est constatée en bordure du projet ; l’éclairage de la carrière est susceptible d’entraîner une perturbation et un abandon temporaire de ces zones par les espèces. Cet impact

Avis délibéré n°2017-2384 en date du 28 février 2018 – Carrière de Muids et Daubeuf-près-Vatteville (Lafarge) (Eure) Mission régionale d’autorité environnementale de Normandie 8/11 indirect est qualifié de faible à nul durant la phase d’exploitation et de nul après la phase de remise en état.

La présence d’espèces d’oiseaux remarquables est relevée (Oedicnème criard, Faucon pèlerin et Busard Saint-Martin, Engoulevent d’Europe et Hirondelles des rivages).

En ce qui concerne la flore, il convient de relever que la partie Nord est actuellement principalement consacrée à une activité d’agriculture intensive, néanmoins, pour l’ensemble du projet la présence d’espèces de plantes rares - Calament des champs, Vulpie unilatérale, Dame de onze heures et Valériane des collines - a été constatée. Il faut également souligner la présence de lande à callunes dans les 0,83 ha de lande sèche européenne.

D’une manière générale et au vu de la taille des phases d’exploitation, l’autorité environnementale recommande de procéder à un suivi annuel faune-flore et à une actualisation de l’étude faune-flore tous les cinq ans, après l’autorisation éventuelle du projet, afin d’adapter, si nécessaire, les mesures permettant d’éviter, réduire, le cas échéant compenser, les atteintes à la biodiversité observée.

5.4 - Les paysages Le projet est localisé dans un milieu déjà fortement marqué par l’exploitation de la carrière actuelle. L’avancée rapide du front d’exploitation et le réaménagement coordonné limitent l’impact supplémentaire. A noter que l’impact visuel sera marqué temporairement en raison des surfaces en exploitation, de la présence d’engins de travaux et des bandes transporteuses. Concernant l’impact paysager qui s’avère être un enjeu de ce dossier, celui-ci est qualifié de moyen, suite à la mise en œuvre de secteurs boisés et du plan de phasage qui sera réalisé par bandes transversales nord/sud progressant d’est en ouest jusqu’à balayer l’ensemble du site d’exploitation. Les fronts de taille seront orientés selon la même orientation que les routes et les chemins qui traversent le site du sud au nord vers Daubeuf-près-Vatteville. Cette orientation, transversale présente un double avantage : d’une part, elle garantit une meilleure intégration de la carrière dans le paysage de la terrasse alluviale ; d’autre part, la voie communale VC6, tout comme les chemins ruraux, sera exploitée puis remise en état d’un bout à l’autre par l’exploitation dans une même unité de temps, d’un seul tenant. Par ailleurs, l’orientation choisie participera à rendre les fronts de taille moins visibles depuis les hauteurs de Daubeuf-près-Vatteville. Le plan de phasage est défini comme suit :

Plan de phasage de l’exploitation de la carrière (extrait du dossier de demande d’autorisation)

Avis délibéré n°2017-2384 en date du 28 février 2018 – Carrière de Muids et Daubeuf-près-Vatteville (Lafarge) (Eure) Mission régionale d’autorité environnementale de Normandie 9/11 5.5 - Les risques, les nuisances et les effets sur la santé Le dossier présente une bonne analyse des impacts sanitaires du projet. Les nuisances relevées sont de deux types : le bruit, les poussières. Les impacts sont bien identifiés et traités. Le dossier prend en compte les incidences directes, indirectes, permanentes ou temporaires du projet. L’analyse de ces thématiques, abordées à la fois dans l’étude d’impact et la notice d’hygiène et de sécurité, est complète.

• Le bruit Les principales sources des bruits sont liées aux engins de travaux et aux bandes transporteuses. L’étude acoustique réalisée est représentative du mode d’exploitation utilisé et montre un impact faible voire nul. Néanmoins l’Agence Régionale de Santé consultée sur ce projet a demandé la poursuite des études sonométriques au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

• Les poussières L'impact sur l'air de cette future carrière peut se décomposer en deux parties : - impact lié aux émissions de poussières dues aux activités de décapage et de roulage d'engins ; - impact lié aux rejets atmosphériques de combustion (poussières et gaz) du carburant dans les moteurs des engins.

L’émission de poussières peut se produire lors de la phase de défrichement, de découverte, notamment en période sèche (impact ponctuel), du fait de la circulation des engins sur les pistes pendant la phase de découverte (impact ponctuel) ou lors de la reprise du tout-venant par le chargeur (impact durant toute la durée de l’activité), et enfin lors du chargement des trémies pour alimenter les bandes transporteuses. Ces bandes sont essentiellement aériennes à l’intérieur de l’emprise de la carrière, mais sont capotées à tout franchissement de secteurs à l’extérieur de l’emprise de la carrière (chemins, franchissement de la Seine, etc.) Ces sources de poussières seront donc disséminées sur la totalité de la zone en exploitation.

Sur cette nuisance, l’utilisation d’une bande transporteuse limitera considérablement le nombre de véhicules en mouvement et donc l’impact global du projet. A cet égard, ce dernier est qualifié d’impact faible.

5.6 - Présentation de la séquence « éviter, réduire, compenser » Le dossier présente de manière satisfaisante, impact par impact, l’approche d’évitement, de réduction et/ou de compensation. Cette description est également reprise dans le résumé technique de manière compréhensible en distinguant les mesures d’évitement, de celles de réduction.

Cette séquence ayant été correctement menée, elle ne conduit pas le porteur de projet à proposer de mesure compensatoire. Parmi les principales mesures de réduction, figurent les conditions d’extraction évitant d’atteindre la nappe phréatique, l’évacuation des granulats extraits par bandes transporteurs, le réaménagement coordonné avec respect des différentes phases d’exploitation/remise en état.

Pour les nouvelles zones d’extraction, les principales mesures de réduction vis-à-vis de la faune et de la flore consistent en une adaptation des périodes de travaux de défrichement, la protection des secteurs voisins des zones à extraire, la protection de la station d’Ornithogale en ombelle, la protection de la flore remarquable avant le démontage du convoyeur, le transfert et la reconstitution des landes et des stations de plantes remarquables associées, la transplantation des stations de l’Ancolie commune et de la Laîche, la transplantation de la station de Valériane des collines, le déplacement d’une station du Brome des champs et, pour l’Oedicnème criard, la reconstitution de friches herbeuses plus ou moins dénudées et des boisements à créer, correctement décrits dans l’étude d’impact.

Avis délibéré n°2017-2384 en date du 28 février 2018 – Carrière de Muids et Daubeuf-près-Vatteville (Lafarge) (Eure) Mission régionale d’autorité environnementale de Normandie 10/11 6 – Analyse de l’étude de dangers L’étude de dangers et les moyens de prévention mis en œuvre doivent être proportionnés au niveau de risque établi sur les zones concernées. Les principaux risques identifiés sur le site de l’exploitation sont conventionnels pour ce type de projet : risque d’inhalation de poussières, de pollution par hydrocarbures, d’incendie et de circulation. Des mesures de sécurité adaptées sont présentées.

7 – Conditions de remise en état et usage futur du site Les conditions de mise en sécurité et de réhabilitation du site sont présentées de manière claire et détaillée. Elles sont cohérentes avec la nature du projet, les impacts réels ou potentiels présentés. Elles font l’objet d’un suivi annuel par une commission locale de suivi instituée par arrêté préfectoral. Par ailleurs un groupe de travail (État, profession sylvicole, associations, élus locaux, exploitant, etc.) choisit les essences forestières qui seront plantées, L’autorité environnementale recommande de maintenir ces modalités de suivi.

Avis délibéré n°2017-2384 en date du 28 février 2018 – Carrière de Muids et Daubeuf-près-Vatteville (Lafarge) (Eure) Mission régionale d’autorité environnementale de Normandie 11/11