Au-Delà Du Personnel Illustration : Fabienne Meunier
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Au-delà du personnel Illustration : Fabienne Meunier Atelier de création libertaire BP 1186 69202 Lyon cedex 01 Tél./Fax 04 78 29 28 26 Mai 1997 ISBN 2-905691-55-7 Au-delà du personnel textes rassemblés par Corinne Monnet et Léo Vidal Atelier de création libertaire 6 AU-DELÀ DU PERSONNEL Corrigeant les épreuves de ce recueil, je (re)découvre combien il est difficile d’écrire « ces choses-là ». La parole bute sur les normes et les habitudes, la syntaxe se rebiffe, l’œil s’irrite. S’insurgeant contre les normes dominantes, il semble difficile de faire façon de la grammaire normativue. L’un ou l’autre se dit ou se disent ; allons-y donc gaiement. Marianne Enckell INTRODUCTION 7 Introduction Le projet de publier une brochure sur la transformation politique de la sphère du personnel est né fin 1994. Nous étions alors encore dans une relation d’amour où nous mettions en pratique la non-monogamie responsable. Notre désir mutuel de liberté et d’indépendance a fait jaillir de nombreuses questions sur le conditionnement social : les sentiments de possessivité, de jalousie ou de peur nous faisaient réfléchir aux normes en vigueur concernant l’amour, le couple et les genres féminin et masculin. Ces réflexions nous menèrent progressivement à une remise en cause du patriarcat dans toutes ses formes. Si cette remise en cause était d’abord d’ordre libertaire, notre 8 AU-DELÀ DU PERSONNEL participation au camping antipatriarcal libertaire d’août 1995 a accéléré une prise de conscience féministe. Il ne s’agissait plus alors de dénoncer le conditionnement genré faisant de nous des femmes et des hommes avant d’être des individues, mais bien de s’attaquer aux rapports de pouvoir entre femmes et hommes. Malgré notre désir de liberté et d’égalité, nous étions forcés de constater que nous faisions partie d’une société où le genre est avant tout l’outil d’organisation hiérarchique des humains. La domination masculine est une des pierres fondatrices de notre société et elle structure toutes les relations humaines, que ce soit au niveau économique, politique, culturel, social, sexuel, affectif ou person- nel. Force était de reconnaître cette structure patriarcale comme omnipré- sente et incontournable. Impossible d’oublier les genres, puisque nous nous heurtons au démenti permanent que nous donne la réalité des lieux de travail, de la rue, des bars, des cuisines ou des lits. Nous avons lancé un appel à contributions pour une brochure afin de sortir de notre isolement et de dynamiser le mouvement libertaire qui se limite trop souvent aux luttes sociales publiques, ignorant (bien volontairement) les rapports de pouvoir dans la sphère du personnel. Quand il s’agit du personnel, les libertaires se trouvent souvent sur les mêmes bancs que le reste de la société patriarcale. Notre appel à contributions était autant un appel à l’aide qu’un appel à lutter contre toutes les formes de pouvoir. Les réponses reçues, environ une soixantaine, étaient très diverses et souvent trop éloignées, voire opposées à notre approche commune. Nous cherchions à publier des écrits qui non seulement traitent de la sphère du personnel, mais qui développent aussi une approche féministe et/ou liber- taire. De plus, nous voulions mettre en pratique le slogan « le personnel est politique » en publiant des articles écrits au « je » et témoignant de tentatives de transformation politique du personnel. Malgré ces exigences, le projet de brochure est devenu un projet de livre comptant une vingtaine de contributions reçues ainsi que quelques reprises féministes qui l’enrichissaient, bien qu’elles datent des années quatre-vingt. Nous regrettons toutefois l’absence de contributions sur des sujets comme le Sida, les normes esthétiques, etc. Une fois faite la sélection, il nous restait à donner forme à un sommaire. À découvrir une logique, des liens entre ces contributions venant de différents pays, écrites par des femmes et quelques hommes ayant des vécus bien INTRODUCTION 9 différents. Nous avons donc divisé le livre en deux parties. La première rassemble les contributions les plus théoriques qui permettent de comprendre et de déconstruire les structures mentales qui gouvernent nos vies, nos vécus, nos ressentis. Qu’il s’agisse d’amour, d’orientation sexuelle ou d’éloge liber- taire de la diversité, il est nécessaire de poser des questions, d’y répondre, et de toujours en reformuler de nouvelles afin d’atteindre les racines de notre fonctionnement. L’amour, la fidélité, le couple ou la monogamie semblent tellement « naturelles » qu’on ne s’y arrête pas. Pourtant l’amour a une histoire, le couple a une fonction autant pour l’individue que pour l’État et la monogamie sert très bien le patriarcat et les hommes concrets dans leurs relations. Quant à l’hétérosexualité, elle est bien plus qu’une simple orienta- tion sexuelle. Elle est une norme qui opprime les lesbiennes, les bisexuelles et les gays. L’hétérosexisme étouffe la voix des féministes lesbiennes qui, de par leur analyse et leur mode de vie sont plus aptes à déceler les mécanismes de l’hétérosexualité qui servent les intérêts de certains au détriment de certaines. Les bisexuelles féministes peuvent témoigner des différences relationnelles entre les femmes et les hommes et contribuer à la construction de liens entre les lesbiennes et les hétérosexuelles. Mais il s’agit, en tant que femmes, de rester vigilantes afin que les lesbiennes et bisexuelles ne se fassent pas utiliser par les hommes gays qui ont souvent peu d’intérêts pour la lutte des femmes. Finalement, dans le mouvement libertaire, il importe de dévelop- per une critique féministe qui fasse ressortir les mécanismes de domination au lieu de les noyer de façon classique (on verra après la révolution) ou de façon plus postmoderne (vive la différence, vive la diversité et surtout ne soyons pas trop politiquement correct). Si les anarchistes individualistes du début du siècle essayaient de développer une analyse des rapports de pouvoir femmes/ hommes et plaidaient pour l’amour libre et la liberté totale des femmes, l’anarchisme actuel a perdu beaucoup de ces pratiques subversives et tient souvent une langue de bois comparable aux propos du Parti socialiste sur les sans-papiers et autres bouc-émissaires du capitalisme. Afin de ne pas tomber dans un travers similaire, nous avons regroupé dans une deuxième partie des témoignages de mises en pratique, de luttes au quotidien dans les relations d’amour, dans des vies de femmes et dans des vies intimes de personnes qui refusent de se laisser porter par les vagues. La remise en cause de la monogamie nous plonge dans les sentiments les plus profonds, ce qui exige un important travail sur soi et vis-à-vis des autres 10 AU-DELÀ DU PERSONNEL qui rejettent ce choix de vie. Cette dynamique de liberté est au fond une quête de qualité relationnelle qui fait défaut à la plupart des relations classiques. Puis nous avons regroupé trois témoignages de femmes qui nous font partager non seulement leur itinéraire mais aussi leurs réflexions, ressentis et conflits internes face à différentes formes du patriarcat. La volonté de Corinne de vivre selon ses propres valeurs nous montre les difficultés mais aussi les joies liées à une mise en pratique concrète de l’anarchaféminisme. La confrontation violente de Sylvie aux pratiques et normes masculines en matière de sexualité témoigne de la puissance de la double morale sexuelle toujours en vigueur dans notre société « libérée ». Noémie décrit les fonctionnements au sein d’une boîte de strip-tease et analyse ses ressentis en tant que féministe libertaire qui décide de travailler dans un peepshow, avec tout ce que cela peut représenter pour une féministe. Finalement, les six dernières contributions abordent le poids du regard social sur l’individue (qu’il s’agisse du poids puritain sur les féministes, ou du poids féministe sur les lesbiennes S/M). Nicolas, ayant vécu la transsexualisation, décrit avec finesse les mécanismes du regard social en ce qui concerne le genre. Claude, Christel et Morgane partagent avec nous une partie de leur rapport à soi. Voici rapidement le programme que nous vous proposons. Plutôt que de décrire longuement nos analyses et perspectives, nous préférons vous ren- voyer à nos articles respectifs qui décrivent nos projets de vie politiques sur ces thèmes dits personnels. Il va de soi que ce livre n’est qu’un pas parmi d’autres dans notre lutte personnelle/politique contre le patriarcat. Depuis plusieurs années, Corinne milite surtout dans des collectifs féministes non mixtes tandis que Léo cherche un chemin entre engagement individuel et lutte collective. Nous espérons que ce livre permettra des dynamiques individuelles et collectives, et nous encourageons les personnes désirant travailler sur les thèmes abordés dans ce livre à nous contacter. Finalement, nous désirons remercier les auteures et l’ACL qui ont rendu possible ce livre ainsi que Gilles, Cédric, Fabienne, Naomi et Karin pour l’aide apportée. Corinne Monnet et Léo Vidal INTRODUCTION 11 Éléments pour un cadre politique Pour une critique de l’exclusivité amoureuse 14 JORIS ESQUISSE DE RÉFLEXION SUR L’AMOUR 15 Joris Esquisse de réflexion sur l’amour * Pourquoi ce texte sur l’amour, pris dans son sens le plus vaste qui soit, et sujet difficile s’il en est ? Pour une raison au départ très simple : ce texte est en effet ce que je pourrais appeler un « cri du cœur de la raison » face aux aberrations et aux injustices criantes générées par les sentiments amoureux de quelque sorte qu’ils soient, et aussi (ce que je tiens à souligner et qui est très grave à mon avis) entièrement cautionnées par la société et la morale. * Contribution reçue suite à notre appel.