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DYNAMIQUE SPATIALE DES RESSOURCES NATURELLES EXPLOITÉES DANS LA COMMUNE RURALE DE (CERCLE DE AU )

Siaka Fane Faculté d’Histoire et Géographie de l’Université des Sciences Sociales et de Gestion de , Département d’Etudes et de Recherches Géographie

Abstract Wateni is one of the 703 rural communes in Mali. Its geographical situation makes it part of southern Mali in . In this location, it benefits by a simple relief and a climate limited by the isohyets 1000 mm in the south and 800 mm in the north. Under this climate called north Malian Sudanese the population perform various production activities. The exploitation of natural resources caused by the practice of different activities constitutes a factor engaging the area into dynamics. Thus, our work aims at the knowledge of the pace and the extent of the natural resources dynamics on the one hand, and on the other hand at the present agrarian landscape figured and its effects on the agricultural productions. For that an exploitation of landsat images has been done. These images were of 1984; 1999 and 2006. Their treatment, classification the files conversion into shape format on ENVI software, the files transformation on MapInfo have enabled to realize maps of occupancy mode at each of the dates; The extracted information revealed enough availability of resources. As far as the exploitation of the important resource potential is concerned. The agricultural production is thought of as a priority activity. Its space registration accounts for a slow dynamics of resources and the shaping of a fragmented and segmented agrarian landscape. This results in production that do not satisfy the consumer needs of the production units. To face up to production in deficit and the problems of developpement, a restructuring of eagrarian landscape can be initiated by the local conucillors through reallocation operation.

Keywords: Landsat image, natural resources dynamics, cereal farming, production unit, cercle of sikasso (administration subdivision of a department) rural commune of Wateni, development, local councillors

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Resume Wateni est une des 703 communes rurales du Mali. Sa position géographique fait d’elle une partie du sud malien, la région de Sikasso. Le relief simple et le climat est de type soudanien (1000 mm au sud et 800 mm au nord). Les populations pratiquent diverses activités de production. L’exploitation des ressources naturelles occasionnée par la pratique des différentes activités constitue un facteur engageant l’espace dans une dynamique. Aussi, notre travail vise t-il la connaissance du rythme et de l’ampleur de la dynamique des ressources naturelles d’une part, d’autre part le paysage agraire actuel façonné et ses retombées sur les productions agricoles. Pour cela une exploitation des images satellites landsat a été faite. Ce sont des images multi-date de 1984 ; 1999 et 2006. Leur traitement, classification, la conversion des fichiers au format Shape sur le logiciel ENVI, la traduction des fichiers sur MapInfo ont permis de réaliser les cartes d’occupation à chacune des dates. Lesinformations extraites ont révélé la disponibilité suffisante des ressources. S’agissant de l’exploitation du potentiel important de ressource la production agricole fait figure d’activité prioritaire. Son inscription spatiale est responsable d’une dynamique lente des ressources et du façonnage d’un paysage agraire parcellisé ou segmenté. Il en résulte des productions ne couvrant pas les besoins de consommation des populations locales. Pour renverser cette situation, résultant de problèmes de développement, une restructuration du paysage agraire peut être initiée par les élus communaux à travers des opérations de remembrement.

Mots clés : Image Landsat, ressources naturelles, cultures céréalières, unité de production, développement, élus communaux,cercle de Sikasso, commune rurale de Wateni

Introduction Le gouvernement malien a, à partir de 1992, opté pour une politique de décentralisation. Le pays compte aujourd’hui 703 communes rurales. Elles (…) sont devenues des espaces appropriés au sein desquels les anciens ‘‘administrés’’ manifestent leur capacité à prendre des initiatives et à participer de façon effective, dans leur localité, au processus de prise de décision sur le développement (SNV et CEDELO, 2004). A cet effet, la décentralisation est considérée comme un instrument de développement à la base (USAID, 2006). Si dans sa conception le projet de décentralisation est supposé déclencheur du processus de développement des populations locales, son opérationnalisation, en deux décennies environ, semble connaître des

151 European Scientific Journal January 2015 edition vol.11, No.2 ISSN: 1857 – 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431 entraves. L’USAID, dans son travail de synthèse sur les plans communaux de sécurité alimentaire du cercle de Sikasso3, en signale plusieurs. Entre autres, il existe la faible prise en compte des aspects de GRN (gestion des ressources naturelles) par les élus et la faible maîtrise de leur gestion, la faible prise en compte des potentialités locales… (USAID, 2007). Une bonne analyse des entraves susmentionnées, contrairement à la posture de l’USAID, conduit à faire une relativisation de la responsabilité des élus. En effet, il est important de savoir qu’au niveau des entités administratives, au Mali,les informations sur les ressources naturelles sont, de manière générale, caractérisées par leur insuffisance voire leur inexistence. A part quelques données résultant d’études pédologiques ou morphopédologiques ponctuelles, il n’existe pas d’informations détaillées et spatialisées sur les sols du Mali. Dans ces conditions, les principaux outils dans le domaine restent la carte des sols FAO/UNESCO (échelle 1/5000000), publiée entre 1971 et 1974 et la carte des unités sol-végetation de l’Atlas des Ressources Terrestres du Mali (PIRT, 1983). Ce denier document ne couvre que la moitié méridionale du territoire national de la république du Mali soit une région limitée au nord par le parallèle 17°30’ N et à l’est par le méridien 1°00’ E (BALLO., 1999). Il signale l’existence des unités sol-végétation en termes de proportion dans les différentes régions naturelles mais ne donne pas leur emplacement précis. Tout cela rend difficile l’exploitation des informations à l’échelle locale. En termes des impacts directs de la variabilité et des changements climatiques sur les ressources terrestres maliennes peu connues, les principaux secteurs ont été identifiés lors des études de vulnérabilité et d’adaptation dans le cadre de l’élaboration de la CNI, Communication Nationale Initiale (2000), PANA, Programme d’Action National pour l’Adaptation (2007) et de la SCN, Seconde Communication Nationale en cours de finalisation.Suivant les études il prévaut une dynamique se traduisant par un appauvrissement et une dégradation progressive des sols, pertes annuelles en terres arables. Quant aux retombées sur les productions et s’agissant des céréales dont la production rentre dans les activités principales des populations de notre espace d’étude, les conclusions des études sont très interpellatrices. Dans les perspectives un déficit de production variant entre 511 et 518 tonnes de mais à l’horizon 2025, pour le mil et le sorgho il va de 150 tonnes en 2005 et 470 tonnes en 2025… (Ministère de l’environnement et de l’assainissement, 2007). Si les études d’impact notent bien la dégradation des ressources et permettent la compréhension de la diminution des productions agricoles résultantes comme une contrainte expressive de la problématique du

3La commune rurale de Wateni relève du cercle de Sikasso.

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développement durable en milieu rural, leur faiblesse est que le caractère général biaise la pertinence des indications qu’elles ont données. En effet, les faits de dégradation des ressources ne peuvent, à l’échelle du territoire malien, être partout identiques. En fonction de sa spécificité il existe une nuance propre à chaque localité. Il est donc pertinent de se poser une question fondamentale. Comment les élus, à l’absence des informations, peuvent prendre en compte les potentialités locales et mieux maîtriser la gestion des ressources naturelles ?De facto la connaissance de l’état des ressources constitue le préalable indispensable à des prises de décision appropriées pour des programmes pertinents de développement local. Aussi, pour bien cerner la problématique du développement rural et identifier des solutions idoines, une appréhension de la dynamique des ressources s’avère- t-elle indiquée à l’échelle locale. De façon précise, l’exploitation des ressources doit reposer sur la connaissance de leur disponibilité présente mais aussi sur les dynamiques prévisibles dans le temps et dans l’espace. Ces considérations ont justifié la présente étude relative à la commune rurale de Wateni, cercle de Sikasso. Dans la commune rurale de Wateni comment les ressources naturelles, bases des activités pratiquées, ont-elles évolué dans le temps et dans l’espace ? Quel paysage agraire les tendances d’évolution de l’exploitation des ressources ont-elles contribué à mettre actuellement en place ? Quelles en sont les retombées sur les productions agricoles ? Il s’agit, par cette étude, de connaître le rythme et l’ampleur de la dynamique des ressources naturelles d’une part, d’autre part le paysage agraire actuel façonné et ses retombées sur les productions agricoles.

Zone d’étude La commune rurale de Wateni, dans le cercle de Sikasso, est un espace méridional malien (Figure1). La comparaison des deux cartes révèle un mouvement de descente des isohyètes du nord vers le sud. Il en résulte une progressive aridification du climat dont la traduction est la disparition des isohyètes supérieures à 1200 mm sur la planche temporelle 1971-2000.

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Dit tropical sec, quatre types sont distingués au niveau du climat. Ces types, visibles sur la figure n°1 ci-dessus, se repartissent entre : un climat saharien (désertique) au Nord (pluviométrie < 200 mm) ; sahélien au centre (pluviométrie annuelle comprise entre 200 et 600 mm ; soudanien (pluviométrie annuelle comprise entre 600 et 1000 mm) ; soudano-guinéen (pluviométrie annuelle > 1000 mm). Notre espace relève spécifiquement dusous-type soudanien dit sud-soudanien. La pluviométrie annuelle est comprise entre 1000 mm et 800 mm. Du point de vue altimétrique l’organisation topographique est simple (figure 2). Les altitudes sont peu contrastées. Elles évoluent progressivement d’ouest en est au fur et à mesure que l’on s’éloigne du lit de la Bagoé, une rivière importante du bassin versant du Bani dans le Haut Niger. A l’ouest, les basses altitudes et le caractère lâche des courbes de niveau attestent l’existence d’une immense plaine. Il s’agit d’une formation alluviale à colluvion-alluviale, attribuée à la Bagoé et dont sont riverains les villages de Diégui, Fougani et M’pankourou. S’étendant sur une superficie de 2500 ha(USAID, 2006), la plaine, inondable par les eaux de la rivière Bagoé, constitue le lieu de pratique de riziculture et de convergence de troupeaux bovins importants. Entre la plaine et les altitudes relativement plus importantes à l’extrême est se trouve intercalé un talus. Il est le lieu de distribution de l’essentiel des villages de la commune. On y note la présence de petites collines, surtout au nord.

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En termes d’occupation humaine la pression démographique était estimée à 27 hab./km² soit une population totale de 5386 (RACE4, 2001) sur un territoire communal de 203 km². De manière générale la population a comme principales activités : l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’artisanat, la cueillette, le petit commerce. Les cultures dominantes sont les céréales (mil, mais, sorgho, riz et fonio) et les cultures de rente (coton, arachideet haricot) (USAID, 2006).

Methodologie Exploitation de la documentation cartographique disponible Les cartes des types de sols, de leurs aptitudes culturales et pastorales respectivement réalisées par la FAO en 1983 et le CILSS en 2001 existent à l’échelle du Mali. Elles n’ont pas été utilisées pour éviter de tomber dans une généralisation des informations portant sur une commune rurale, une grande échelle.

4 Recensement Administratif à Caractère Electoral et l’effectif de population qu’il a permis d’estimer reste de nos jours les chiffres les plus actuels.

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Traitement d’images aux fins de connaissance de la dynamique des ressources et des types de sols. La procédure la plus efficace pour mesurer le degré de changement de l’environnement est l’étude multi-date de la couverture végétale (Lambin et al, 2001 ; Vägen, 2006 cités par Noyola-Cedrano et al,). Cependant, certaines précautions méritent d’être observées.(…)nous avons été attentifs à ne pas comparer des images de saisons différentes, ce qui pourrait donner lieu à desrésultats non comparables (Noyola-Cedrano et al ?). Relativement aux sols les pédologues ont, depuis le début des années 1970, envisagé la possibilité d’utiliser les données satellitaires dans les études de reconnaissance et de cartographie des sols (Kristof et Zachary cités par BONN F. et al, 1994). Howath et al. 1984, dans une étude sur les relations entre données numériques Landsat et les propriétés de certains sols en Arizona, concluent que les données de réflectance du satellite apportent une information très riche en ce qui concerne la définition et distribution des types de sols (auteurs cités par BONN F. et al. 1994). Pour cette étude, nous avons fait recours aux images Landsat. Celles des années 1984 ; 1999 et 2006 ont été utilisées. Leur disponibilité a été le critère de leur choix. En effet, sur le site glcfde la NASA se trouvent des images libres. Nous avons pu accéder à celles indiquées. Elles ont toutes été prises au cours du mois d’octobre. Ce moment correspond au début des récoltes. Sur les parcelles mises en valeur se trouvent les cultures dont les tiges ne sont pas forcément vertes. Quant à la végétation ligneuse, elle présente un bon état suite aux effets des pluies qui cessent généralement en septembre. A chacune des dates (1984,1999, 2006) nous avons choisi de travailler sur des compositions colorées. Les bandes 4 ; 3 et 2 ont été retenues et respectivement codées Rouge ; Vert ; Bleu. Avant la réalisation de la composition colorée l’image de chacune des bandes a fait l’objet de prétraitement radiométrique. Il vise l’objectif de suppression des bruits intervenus pendant la prise de l’image. La composition colorée résultante de la combinaison retenue présente des couleurs fausses des différents objets. Elle a fait l’objet de classification supervisée. La signification standard des couleurs en télédétection a été utilisée d’une part, d’autre part un recours a été fait à des données de terrain. Ces dernières ont été déterminantes dans la compréhension des éléments révélés par les couleurs. En perspective de la classification supervisée que nous avons trouvée plus pertinente, différentes couleurs ont été échantillonnées. Compte tenu du fait que les images sont géoréférencées, les coordonnées géographiques des différents échantillons retenus ont été utilisées pour élaborer une matrice de terrain. Il s’est agi, muni d’un GPS, de trouver sur le terrain chacun des échantillons et de noter, après observation directe, son statut, le type de sol.

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Les différentes informations notées ont, au moyen du logiciel ENVI© 4.3, permis de réaliser la classification des compositions colorées. Les cartes classifiées ont été transportées dans MapInfo® où elles ont été finalisées et le calcul de superficie des polygones individuels y a été également effectué. Pour l’obtention des superficies totales, un transfert des tables attributaires5 a été fait dans Excel.

Enquêtes sur les activités agricoles Relativement au paysage agraire et ses retombées sur les productions agricoles des enquêtes ont été faites. Il s’est agi de faire un échantillonnage des villages et des producteurs. Dans la commune de Wateni se trouvent dix villages. Ils ont été tous retenus comme site d’enquête. Les données de 1997 de la DNSI6 ont servi de base pour déterminer le nombre d’unité de production ou ménages à sonder. Cependant, il existe les données plus récentes de 2011 produites par l’INSTAT. Elles n’ont pas été utilisées. La raison est leur tendance globale. Les informations sont à l’échelle des espaces ruraux et urbains par cercle. Or, les faits d’exploitation de champ relèvent de la responsabilité des ménages. Nous avons jugé plus opérationnelles les données de 1997. Elles donnent la situation des ménages par village. Ont été retenus 212 ménages soit environ 30% du total de 742que comptait la commune dans son ensemble. Chaque ménage correspond à une unité de production. Les informations collectées ont fait l’objet de traitement avec les logiciels SPSS version 17.0 et Excel version 2007.

Calcul des délais théoriques de disponibilité des espaces exploitables en agriculture En considérant un Indice de Prélèvement Agricole des Terres (IPAT) et un Potentiel de Ressource à l’Année d’Observation (PRAO), on peut se prononcer sur les délais théoriques7 de disponibilité des espaces exploitables pour les pratiques de production agricole. Il s’agit, pour ce besoin, de recourir à un système d’équation.

5 Il s’agit des tableaux contenant les informations de superficie relative aux différents polygones. 6Direction Nationale de l’Informatique et de la Statistique actuel Institut National de la Statistique (INSTAT) 7Il renvoie au caractère purement approximatif des indications. En effet, tout l’espace n’est pas cultivable. La nature des sols est une contrainte excluant certaines parties de l’espace de tout projet de mise en valeur agricole. Pour plus de précision la prise en compte des types de sol est nécessaire.

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Résultats Contexte climatique de pratique des activités de productions agricoles Dans la commune de Wateni les activités agricoles et de gestion des ressources naturelles sont pratiquées dans un contexte climatique malien dit « sud soudanien ». Il est caractérisé par la saisonnalité des pluies. Ces dernières, toujours attendues en hivernage, peuvent être précoces ou tardives. Comme l’indique le graphique ci-dessous (figure 3), les années successives ne se ressemblent pas. En référence à l’isohyète 1200 mm, considérée, sur la figure 1, comme réalité intégrante du climat soudanien du sud de la région de Sikasso, l’année 1964 marque le début d’une nouvelle tendance pluviométrique. Hormis 1975 et 1976, les hauteurs de pluie ont strictement évolué sous les 1200 mm. Les mouvements baissiers de la pluviométrie constituent la caractéristique du contexte climatique dans lequel les populations exercent les différentes activités d’exploitation des ressources. Ce contexte climatique est largement représenté en Afrique de l’Ouest.

Typologie des sols, une voie de connaissance des aptitudes agricoles Dans la commune de Wateni différents sols se distribuent dans l’espace, voir figure n°4

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Comme l’indique la carte les différents sols distribués ne partagent pas équitablement l’espace communal. Quantitativement certains sols sont plus représentés que d’autres, voir tableau n°1

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Evolution de l’occupation de l’espace Les traitements d’images de 3 dates différentes (1984, 1999 et 2006) montrent une nette évolution de l’occupation du sol dans la commune (Figures 5, 6, 7)

Les tendances d’évolution des différentes ressources foncières : le graphique n°8 donne des indications sur la dynamique dans laquelle est engagé l’espace de la commune de Wateni.

Discussions Variabilités climatiques et leurs impacts sur la dynamique des paysages et des productions agricoles Des mises au point sont nécessaires. Elles sont relatives au double sens de l’évolution (progression et régression) que connaissent les superficies des plans d’eau et celles des espaces nus. L’évolution des plans d’eau dans la commune peut s’expliquer par les différences de niveau de pluie entre les années. Quant aux espaces nus il s’agit de suspecter l’existence possible de biais technique pouvant engendrer la confusion dans la discrimination rigoureuse des espaces nus de ceux cultivés ne portant pas éventuellement de végétation le moment de la prise de l’image (certaines surfaces nues ne résultent-elles pas de la dégradation des sols sous l’impact des pratiques culturales négatives ?) S’agissant des espaces boisés et cultivés leurs superficies connaissent une évolution réciproquement opposée. A la régression des premières correspond l’augmentation des secondes. L’opposition de la dynamique des

161 European Scientific Journal January 2015 edition vol.11, No.2 ISSN: 1857 – 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431 superficies de ces deux catégories d’espace permet de déceler les principes régissant la mise en valeur des ressources.Le caractère prioritaire des activités de production agricole apparait avec évidence. Aussi, les sols des espaces boisés sont-ils considérés comme de véritable réserve de ressource. Ils font l’objet de mobilisation et d’affectation à la production agricole. Cependant, la réserve de ressource représentée par les sols est à contextualiser. Elleest nécessairement à comprendre comme une marge dont les limites sont définies par le climat, le véritable déterminant de son exploitabilité. En effet, les sols argileux signalés dans la zone ont une forte teneur en argile. Ils sont durs. Pour leur labour et la poussée des semences, il faut, selon les paysans, une bonne pluviométrie de laquelle notre zone est en passe de sevrage. En fonction des mêmes considérations de labours difficiles, les sols limono-argileux sont jugés demandeurs de grandes quantités de pluie. Si les sols argileux sont évités ceux limono-argileux font l’objet de mise en valeur assortie de précautions particulières. Les paysans font des semis précoces avant la tombée des premières pluies de peur de payer des tributs d’année de pluviométrie déficitaire ou mal distribuée.(Enquêtes de terrain, 2011). Les sols limono-sablonneux tolérant les niveaux moyens de pluviométrie sont les plus convoités. Les sols hydromorphes en bordure de la Bagoé et des autres plans d’eau sont inondables. Leur texture argileuse en fait des sols lourds. Peu perméables, ils sont rapidement engorgés ce qui provoque des régimes hydriques très contrastés, défavorables à l’installation et à la production des cultures comme le maïs, le mil. Ce sont des sols de riziculture bien pratiquée dans les villages de Fougani, Diégui, M’pankourou visibles sur lafigure n°4 ci-dessus et figure n°9 ci-dessous. Quant aux sols gravillonnaires ils sont jugés de marginaux par les pédologues. De valeur agronomique médiocre ils sont généralement abandonnés aux mains des femmes pour les productions dites secondaires. Le dépérissement du couvert végétal, quand bien même les raisons évoquées ne sont pas exactement identiques, établit un caractère évident d’appartenance de notre espace d’étude au sahel. En effet, au sahel les précipitations sont variables dans le temps et dans l’espace. Les effets conjugués de la sécheresse et des actions anthropiques néfastes ont entrainé la réduction généralisée du couvert végétal ((YOSSI H et al, 2008). La question de disponibilité des ressources dans le temps : pendant 22 ans soit deux décennies environ (1984-2006) 2140 ha ont été soustraits des superficies boisées. Cette marge soustractive de 2140 ha durant les 22 ans correspond à un prélèvement annuel de 97 ha environ. En considérant les 97 ha comme un Indice de Prélèvement Agricole des Terres (IPAT) et 63578 ha comme Potentiel de Ressource à l’Année d’Observation

8Superficie calculée en 2006 et indiquée sur le graphique n°8.

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(PRAO), on peut se prononcer sur les délais théoriques9 de disponibilité des espaces exploitables pour les pratiques de production agricole. Nous n’avons pas rigoureusement considéré la proportion de chacun des types de sols. Aussi, sommes-nous fondés sur une considération globale. En faisantune application de la formule de calcul des délais théoriques, il ressort que les populations de la commune rurale de Wateni ont de la ressource pour l’agriculture. A partir de 2006 la ‘‘saturation’’10 agricole de l’espace disponible est prévisible pour 2072. Ce délai de 2072 n’est pas un horizon de très court terme. Il constitue un critère suffisamment révélateur de deux faits majeurs. Le premier, conformément à la longueur du délai de plus d’un demi-siècle, est le rythme lent de la dynamique. En cela notre espace d’étude forme une spécificité. Il échappe à une généralisation de caractéristique considéréecommune aux espaces sahéliens. Aussi, certaines études indiquent-elles qu’au cours des trente dernières années la structure et le mode d’utilisation de l’espace rural a subi de profonds changements dans les zones guinéenne nord et soudanienne11 du Mali. En effet dans tous les terroirs étudiés, les superficies des champs ont augmenté quelle que soit la zone agroclimatique. Mais cette augmentation a été très rapide dans les terroirs situés en zone soudanienne nord. (YOSSI et al, 2008). Le second est l’attestation d’un niveau actuel de suffisance théorique des ressources. Dans la pratique, la suffisance est à considérer avec grande prudence. En effet, la nature des sols, le maintien de la pratique de l’élevage sont des facteurs érecteurs de certaines parties du territoire communal en espace non cultivable.Il peut en résulter la diminution des espaces à affecter à la production agricole et conduire à raccourcir le délai de disponibilité estimé à 66 ans. Néanmoins, soit-elle théorique, la suffisance conduit à se poser une interrogation essentielle. Quel paysage agraire le comportement des producteurs a-t-il contribué à façonner ? L’affectation des ressources aux cultures à l’œuvre du façonnage du paysage agraire : la figure n°9 révèle des faits notoires relatifs aux comportements des producteurs dans la pratique des activités de production

9Il renvoie au caractère purement approximatif des indications. En effet, tout l’espace n’est pas cultivable. La nature des sols est une contrainte excluant certaines parties de l’espace de tout projet de mise en valeur agricole. Pour plus de précision la prise en compte des types de sol est nécessaire. La typologie des sols réalisée a permis de savoir que l’essentiel des terres de la commune est cultivable 10Terme de plus en plus contesté par certains auteurs. En effet, la saturation est supposée correspondre à une situation où la demande de la terre a atteint un seuil maximum de satisfaction possible. N’a de « signification qu’en référence à tel type de système de production, à telle forme d’occupation du sol ou d’exploitation pastorale et aux techniques qu’elle met en œuvre » (P. PELISSIER, 1995, 25) cité par (CUBRILO M., GOISLARD C., 1998). 11Zone climatique de localisation de notre espace d’étude, bien indiquée supra.

163 European Scientific Journal January 2015 edition vol.11, No.2 ISSN: 1857 – 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431 agricole. Les faits sont appréciables à deux niveaux. Le premier s’adresse aux cultures exploitées. Ces dernières, dans tous les villages, sont multiples. Elles peuvent être catégorisées en cultures céréalières de consommation et cotonnière de commercialisation. Toutefois certaines nuances sont à éclaircir. Le coton parait relégué au rang de culture secondaire. Partout sa représentativité négligeable est très fortement attestée par la grande proportion de ses non exploitants. Dans des villages entiers comme Bougoulaba, Chokoro, Djegui aucun sondé n’a déclaré le produire. Le rejet du coton par les producteurs des villages susmentionnés, à l’instar de ceux des autres villages, peut s’expliquer par certains faits. Les effets des subventions accordées danscertains pays du Nord, la mauvaise gestion de la CMDT et les exigences des programmes d’ajustement structurel sont trois facteurs à la base de la crise ducoton au Mali. (SANOGO Y., 2007). La crise a continué de sévir et face à la chute des cours beaucoup de producteurs ont pensé à changer d'activité. Dans la commune de Wateni les producteurs ont fait l’option de focaliser leurs productions agricoles sur les cultures céréalières. Elles sont produites sur des parcelles dont les superficies constituent le deuxième niveau d’appréciation du comportement des producteurs. De manière générale les champs ou parcelles sont de taille relativement petite. Comme laisse comprendre le graphique n°9différentes petites parcelles sont entretenues par chaque producteur individuel suivant la diversité des espèces de céréales. Ces dernièrespeuvent être catégorisées au moyen de deux critères. Le premier critère est le niveau d’adhésion des producteurs. Nous pouvons prendre l’exemple du mais et du riz. Faisant figure d’espèce de céréale très populaire le maïs est présent dans tous les villages. Il s’oppose au riz non signalé dans des villages commeMiambougou, Chokoro, . Le deuxième critère est le niveau d’affectation des ressources à la production des différentes espèces. A ce niveau le mil fait figure de première céréale. Les superficies qui lui sont consacrées sont plus importantes que celles des autres. Ainsi, les céréales très populaires, moins populaires, très importantes et moins importantes correspondent aux différentes parcelles constitutives des réalités de l’exploitation d’un producteur

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Les différentes parcelles de l’exploitation peuvent être proches ou éloignées les unes des autres, voir tableau n°2 ci-dessous.

Il en résulte à l’échelle de l’espace le façonnage d’un paysage agraire typique ditparcellisé ou segmenté(BADOUIN R., 1979). Selon Robert Badouin leparcellisme ou la segmentation de l’espace agraire n’est pas sans effet. On considère que l’existence de plusieurs parcelles au sein d’une même exploitation12engendre un certain nombre d’inconvénients en même temps qu’elle peut présenter quelques avantages(BADOUIN R., 1979). Qu’en-est-il dans la commune rurale de Wateni ? Un parcellisme du paysage agraire pour quelle réalité de production céréalière ? Defaçon classique la réalité de production peut renvoyer à la question des quantités obtenues à partir de la mise en valeur des parcelles d’une exploitation donnée. Aussi, avons-nous, en plus de cette information, trouvé nécessaire, dans la perspective de mettre le doigt sur les problèmes de développement, d’établir un rapport entre les besoins des producteurs et leur production.Dans sa distribution spatiale la production céréalière se présente avec des disparités notoires à l’échelle de la commune. Aussi bien qualitativement que quantitativement la figure n°10, ci-dessous,

12Une unité économique généralement composée de plusieurs parcelles (Badouin R, 1979)

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permet de noter des oppositions entre les différents villages. Sur le plan qualitatif un premier groupe de villages qualifiables de ‘‘producteurs de la gamme complète’’ peut être bien distingué d’un second ‘‘non producteurs de la gamme complète’’.On peut citer les exemples de Djegui (au nord de la commune) et Sibirila (au sud de la commune) appartenant respectivement au premier et au second groupe.Au niveau de chacun des deux groupes la production des différentes céréales correspond au déploiement par les producteurs d’une stratégie de satisfaction de leurs besoins de consommation. A cet effet, la production de la quantité suffisante13 devient un objectif naturel des producteurs. Cet objectifpeut être atteint ou non en fonction des conjonctures. Aussi, la connaissance de ces conjonctures devient-il un préalable incontournable pour pouvoir maitriser la gestion des ressources naturelles dans le sens d’un développement des producteurs. Sur le plan quantitatif la comparaison des besoins de consommation et des productions céréalières des unités de production laisse découvrir des catégories de villages. Ce sont des villages à couverture excédentaire, des villages à couverture déficitaire, des villages à couverture équilibrée. Nous avons choisi,pour tenter d’accéder à l’intelligence des conjonctures explicatives des différents niveaux de couverture, de nous focaliser sur les deux extrêmes : les villages à couverture excédentaire et ceux à couverture déficitaire. De manière générale les villages à couverture excédentaire sont ceux des producteurs de la gamme complète.De part et d’autre des deux groupes l’existence des exemples de M’pankourou et de Mononomo dissipe toute possibilité de généralisation.

13Il est nécessaire de la relativiser. Elle n’est pas un standard extrapolable. On peut se faire une idée de la quantité suffisante pour une unité de production en utilisant un indicateur. Selon les normes nationales, le besoin alimentaire d’une personne est 289 kg de céréales par an (USAID, 2006). Nous avons fait usage des normes nationales susmentionnées pour déterminer le besoin moyen de consommation par unité de production.

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Ces exemples rendent impertinent le critère du nombre de culture produite comme explicatif du caractère déficitaire ou excédentaire de la couverture des besoins de consommation. Il y a lieu de recourir à d’autres réalités. « D’une façon générale, on a estimé que l’agriculture française souffrait d’un parcellisme excessif. Sans considérer comme un objectif à atteindre la concordance entre exploitation et parcelle, on s’est efforcé d’encourager le regroupement entre parcelles contiguës. Ce regroupement des parcelles constitue ce que l’on appelle le remembrement » (BADOUIN R., 1979).

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Conclusion L’exploitation des images satellites landsat a permis d’établir que l’inscription spatiale des activités de production est responsable d’une dynamique des ressources naturelles dans la commune rurale de Wateni. En fonction du rang prioritaire que lui accordent les exploitants des ressources, la production agricole constitue l’activité motrice de la dynamique. Aussi, pour sa pratique des superficies boisées sont-elles continuellement transformées en multiples petites parcelles cultivées contribuant à la segmentation de l’espace Relativement à l’ampleur de l’affectation des superficiesnouvelles à la production agricole les estimations ont donné une moyenne annuelle de 97 ha. C’est une moyenne caractéristique d’un rythme lent de la dynamique de l’espace. Le qualificatif ‘‘rythme lent’’ se justifie pleinement. En effet, sur la base de la moyenne des affectations de nouvelles superficies ou de nouvelles ressources à la production agricole les cultivateurs bénéficient de plus d’un demi-siècle (66 ans) de disponibilité des ressources. Le temps de disponibilité des ressources relativement important rend atypique la dynamique de l’espace dans la commune rurale de Wateni. En effet, l’inscription spatiale des activités engage une dynamique voire une mutation importante. Il en résulte des problèmes propres aux espaces ruraux des pays sous développés : l’insuffisance structurelle des ressources (FANE S., 2009). De manière générale la disponibilité suffisante des ressources est un atout. Cependant, les situations de couverture des besoins de consommation des unités de production attestent avec évidence que la possibilité de tirer profit doit conduire à prendre des dispositions adaptées de gestion des ressources naturelles. Aussi, pour réaliser des productions suffisantes, faut-il une restructuration du paysage agraire par des opérations de remembrement. L’initiation et la conduite de ces opérations de remembrement doivent constituer le cheval de bataille des élus de la commune de Wateni pour réussir un développement des producteurs.

References: AP3A (2001) Les aptitudes agricoles et pastorales des sols, CILSS, Niger, 165 p BADOUIN R. (1979) Economie et aménagement rural, PUF, Paris, 224 p. BALLO A. (1999) La constitution d’une base de donnée sur les types dominants de sols du Mali, mémoire d’Ingénieur, laboratoire sol IER Sotuba- Bamako, 49 p BONN F. et al (1994) Télédétection de l’environnement dans l’espace francophone, Presses de l’Université de Québec, Québec, 532 p CUBRILO M., GOISLARD C. (1998) Bibliographie et lexique du foncier en Afrique noire, Karthala, Paris. p ???

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