Beuvraignes Et Ses Communes
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EKLITR A — XXIV — Comte Maxime de SARS Lauréat de l'Institut BEUVRAIGNES ET SES COMMUNES Imprimerie CARPENTIER 1974 AVANT-PROPOS Parmi toutes les petites localités picardes qui ont demandé à utiliser sous la forme d'une monographie historique une partie de l'indemnité qui leur était consentie pour la perte de leurs archives, aucune n'offre, sans doute, à l'historien un problème plus dé- licat, demeuré jusqu'ici sans réponse : l'origine des biens communaux de Beuvraignes. Les invasions en- nemies se sont acharnées sur le Santerre et n'ont pas laissé dans ce village le moindre titre. Les re- cherches méthodiques auxquelles nous nous som- mes livrés dans les dépôts d'Amiens, de Beauvais et de Paris n'ont été que partiellement couronnées de succès. Peut-être le titre de concession repose-t-il dans quelque chartrier inaccessible. Quoiqu'il en soit, il a été possible de suivre depuis plus de trois siècles de curieux régime de propriété collective dont jouissent encore les plus anciens ménages à titre viager. C'est une des rares institutions de ce genre subsistant en France. L'histoire de Beuvraignes, établie en grande partie d'après des documents inédits, a valu à l'auteur le précieux concours de M. Estienne, archiviste de la Somme, de M. Vassiet du Biest, archiviste des Ar- dennes, de M. Coras, maire de la commune, de M. le colonel de Brauer, chef d'état-major de la 2 région, de M. le comte de Berg de Bréda, président honoraire de la Société historique de Compiègne, de M. Rodiè- re, vice-président de la Société d'études de la pro- vince de Cambrai, de M. Ponthieux, secrétaire per- pétuel de la Société archéologique, historique et scientifique de Noyon, de M. Ottavi, directeur de l'Union des coopératives de reconstruction de l'arron- dissement de Montdidier. Qu'ils reçoivent ici tous ses remerciements. CHAPITRE PREMIER LES ORIGINES A l'extrémité sud-est de la fertile plaine du San- terre, le terroir de Beuvraignes, plus long que large, s'insère étroitement entre les villages de Tilloloy et de Crapeaumesnil ; neuf cents mêtres à peine sépa- rent les dernières maisons de son chef-lieu de ces deux villages. Il se trouve, par 25 minutes 59 secon- des de longitude est du méridien de Paris et par 49 degrés 38 minutes de latitude nord, à 7 km au sud de Roye, son chef-lieu de canton, à 16 km à l'est de Montdidier, son chef-lieu d'arrondissement, et à 47 km au sud-est d'Amiens, chef-lieu du département de la Somme dont il forme la limite. Il est borné par dix autres terroirs, dont quatre seulement appartiennent à la Somme : Verpillières, Roye, Laucourt, Tilloloy, et six à l'Oise : Conchy-les-Pots, Roye-sur-Matz, Can- ny-sur-Matz, Fresnières, Crapeaumesnil et Amy. La population se répartit entre le village principal et trois hameaux, dont deux lui sont rattachés, à l'est la Rue de l'Abbaye et au sud le Cessier ; seul, le hameau des Loges se trouve isolé au sud-est du ter- ritoire. Géologie. Ce terroir est de formation tertiaire. Sur une bon- ne moitié au nord et au nord-est, ainsi que dans la partie méridionale, le sol se compose de couches argileuses appartenant au limon des plateaux. Envi- ron 200 hectares offrent des sables glauconniens, particulièrement propres à la culture des pommiers. Une partie est formée de sables noirâtres, sous les- quels on trouve de gros grès rouges. Le reste est un mélange de terres rouges ou noires appelées biefs, fort malaisées à travailler, derrière le Cessier ; des pyrites de fer, vulgairement nommées cendres chaudes, ont été autrefois exploitées pour l'amende- ment des terres, non loin des Loges. Les argiles, diversement colorées, que l'on trouve avant d'attein- dre le banc de craie d'où sort une eau riche en sul- fate de chaux et en sel calcaire, sont situées près de l'ancienne chapelle et aux Loges même, et servent à la fabrication des briques et des tuiles. Le terroir de Beuvraignes forme un plateau à peine ondulé borné par l'étroire vallée du Matz. Son point culminant atteint 102 mètres au-dessus du niveau de la mer près de l'ancienne chapelle, au sud du village, tandis que l'on cote 91 mètres dans la partie septen- trionale. Les principaux lieux-dits sont les suivants : Le fond de Laucourt, Marie-Blanche, la Tour de pierre, le che- min blanc, le Paradis, le Fond de Gronde, le champ Navette, Pré Colette, la Charpenterie, Entre deux vil- les, Rue de l'Abbaye, les Hautes Logettes, les Prés des Loges, le Cabaret, les Fortes terres, hameau des Loges, les Communes, le Cessier, le Champart, Der- rière la rue de Maubuisson, le moulin Saint-Martin, le Clochoud, le Basquet Plet, le Jardin Brulin. Les eaux qui ruissellent sur le sol s'écoulent au nord, sur l'Avre, affluent de la Somme, et au midi vers le Matz, affluent de l'Oise, c'est-à-dire vers le bassin de la Seine. Dans les terres argileuses du nord ou dans les marnes qui s'étendent au-dessus de l'argile, les sources abondent à une faible profon- deur. La nappe d'eau qui alimente les puits du village se trouve à 25 mètres et atteint quelquefois 8 mètres de hauteur dans les puits ; il est nécessaire de tra- verser 20 mètres de sable blanchâtre avant d'attein- dre le banc de craie d'où sort une eau riche en sul- fate de chaux et en sel calcaire. Le climat est salubre et tempéré, rendu quelque peu humide par le voisinage des bois. Les brouillards durent souvent plusieurs jours au cours de l'hiver. Les vents dominants sont ceux de l'ouest, les plus fréquents, et de l'est. La neige ne dépasse pas 60 à 80 centimètres par an. Il ne grêle environ que tous les dix-huit ans. Les orages du sud-ouest sont déviés par la montagne de Boulogne-la-Grasse (1). Premiers hommes. Ce pays fut longtemps couvert d'épaisses forêts. Les premiers hommes qui le hantèrent au début de l'ère quaternaire n'avaient pour se défendre contre les monstrueuses bêtes sauvages et leurs propres semblables, ou comme outils, que des morceaux de silex qu'ils emmanchaient sur des bâtons, après les avoir grossièrement façonnés à l'usage de haches, de fers de lance, de couteaux, d'aiguilles, de grat- toirs, etc. Coët a ramassé, voici près de cinquante ans, dans les Usages, des haches en silex, que l'on pouvait voir au petit musée de Roye, jusqu'à la der- nière guerre. On a aussi trouvé près du très vieux chemin qui unit Beuvraignes à Tilloloy divers instru- ments, ainsi qu'un fragment de jade taillé en forme de hache et percé d'un trou à sa partie supérieure ; ce dernier objet a dû être porté sur les reins d'un de nos lointains ancêtres pour le guérir d'une maladie de foie Après s'être servi de pierres taillées puis polies, l'homme arriva à fondre les métaux. C'est à ce stade de son évolution, vers le dixième siècle avant notre ère, que furent transportées, croit-on, les énormes masses de grès, appelées dolmens ou menhirs. On voyait encore en 1816 sur la place de Beuvraignes un imposant bloc que l'on a eu le tort de débiter pour en faire les bordures de trottoir de cette place et du marché. Il indiquait sans doute la sépulture de quel- que chef primitif entouré de ses guerriers. Coët nous apprend que ce monument, nommé la Pierre du Par- rois, était un amas de forme tubulaire, qu'il estimait avoir appartenu à un dolmen ; des ossements ont été recueillis dans le sol de la place. Lorsque fut défriché en 1863, le bois de Saint-Martin, au sud- ouest du terroir, on put remarquer une double file d'énormes grès, disposés régulièrement de distance en distance, délimitant une vaste rue d'environ 10 mètres de large qui aboutissait au sentier de Beau- vais. Il n'est pas possible d'affirmer que ce fut là un travail de l'homme primitif ; en tous cas il a été uti- lisé par les Gaulois. Périodes gauloise et gallo-romaine. Les grands Gaulois blonds qui succédèrent aux petits Ligures bruns divisèrent la vaste région située entre la Méditerranée et la Manche en plus de cent tribus, de civilisation et d'organisation politique très différente. Si l'on se fie à l'immuabilité des diocèses pendant plus de quinze siècles, on peut admettre que Beuvraignes se trouvait à la périphérie du terri- toire des Véromandues, tout proche des Ambiens qui occupaient Tilloloy et des Bellovaques que l'on trouvait à Canny-sur-Matz. Les bois peu importants qui se voient dans cette région sont de faibles vesti- ges, respectés par les défricheurs du moyen-âge, de la vaste forêt de Bouveresse qui séparait ces diver- ses tribus, souvent rivales. Elles occupaient le plus souvent des zones habitées que séparaient des mas- sifs forestiers, et se trouvaient ainsi voisines, sans se toucher. Les Véromandues, peuplant le Verman- dois, le Noyonnais et la partie orientale du Santerre était une peuplade belge, demeurée rurale et guer- rière ; on ne trouvait pas de villes chez eux, mais des forteresses appelées oppides, dont la principale était Vermand. Il y eut très probablement à l'emplacement du bois de Saint-Martin un village gaulois qui ne fit que se développer à l'époque gallo-romaine. Après leur con- quête, les maîtres du monde couvrirent la Gaule, dans un but aussi militaire que commercial, d'un ré- seau de bonnes routes ; plusieurs d'entre elles n'é- taient que des chemins gaulois améliorés.