Timothée CREPIN : Je vous présente un exposé concernant mon arrière-grand-père maternel, Gaston Charbonnier qui aurait 96 ans actuellement. Avec son frère aîné, Robert, il entre dans la résistance en 1943. Je me suis inspiré des notes de Mariette Eustache-Charbonnier, épouse de Robert.

En 1943, Gaston avait 20 ans et Robert, 22 ans.

La est occupée par les Allemands. Un gouvernement français installé à Vichy sous la présidence du Général Pétain collabore avec l’occupant.

L’Allemagne nazie a besoin d’une forte main d’œuvre pour travailler dans ses usines. Elle impose dès février 1943 au gouvernement de Vichy la mise en place du STO, service de travail obligatoire.

Les Charbonnier habitent à Courchapon. Petit village en bordure de la rivière, l’Ognon, à 25 km de Besançon en direction de Dijon.

Robert le plus âgé est le premier inquiété. Il n’obéit pas aux convocations pour le STO et se cache à la moindre alerte. Il le fait d’autant plus facilement que n’étant pas très grand, il peut aisément se déguiser, éventuellement en femme... Autre possibilité, il se terre dans les nombreuses forêts autour de Courchapon. Il part même quelques temps rejoindre ceux qui refusent de faire le STO dans le Haut-Doubs dans les forêts autour de Levier et près de la source du Lison.

Les contrôles de la gendarmerie s’intensifient. Les gendarmes français sont obligés d’obéir aux ordres de Pétain qui lui doit obéir aux Allemands.

Robert et Gaston doivent s’éloigner et désirent rejoindre un groupe de résistants : celui de Saligney n’est pas si loin, 11 km de Courchapon. Mais plusieurs personnes le leur déconseillent. Alphonse Eustache, le maire du village, ancien prisonnier de la guerre 14-18, qui les avait déjà encouragés à refuser le STO les en dissuade. Heureusement pour eux car le 27 juillet 1944 au matin, l’armée allemande, la Wehrmacht, investit, en une heure, le terrain occupé par le maquis de Saligney : 22 résistants (de 18 ans à 33 ans) sur une quarantaine sont tués ou massacrés.

Or habite à Courchapon M. Herbsmeyer qui est secrétaire général attaché à la Préfecture du Doubs à Besançon, ami du maire, M. Eustache et des Charbonnier ; il parle à Robert et Gaston, d’un projet pour constituer un groupe de soutien qui aidera à l’installation d’une autorité préfectorale à liée au CNR, dit Groupe Jean Bart (Conseil National de la Résistance), pour le département de la Haute-Saône et dit qu’il recherche des volontaires. Ils acceptent et se mettent en réserve. Le résistant futur préfet se nomme Jean Thomassin.

Pour mieux comprendre, il faut savoir que le gouvernement français obéit aux ordres des Allemands. Ce qui veut dire que la police française, la préfecture française doivent appliquer les règles imposées par les Allemands (arrêter ceux qui refusent le STO). Mais des français n’acceptent pas la défaite française et l’occupation allemande. Par exemple : le général De Gaulle qui est parti à Londres organise une résistance militaire et envoie en France Jean Moulin qui a pour mission de rassembler des groupes de résistants en France (CNR). C’est dans ce cadre que nous trouvons Jean Thomassin, préfet résistant de Haute Saône. Et M. Herbsmeyer est chargé de lui trouver une équipe pour travailler avec lui. Ceux qui refusent d’obéir, ceux qui résistent risquent s’ils sont pris d’être arrêté et d’être fusillés.

A gauche : affiche représentant Jean Moulin et la croix de Lorraine.

A droite : affiche d’une condamnatio à Arbois. Cela est mis pour faire peur aux gens.

Printemps 1944, Robert et Gaston partent ensemble pour le maquis de Jean Thomassin avec comme chef de groupe le lieutenant Gagneur qui connaissaient les parents Charbonnier. Ils vivront entre et Vesoul, dans les bois, les fermes sûres, des caches. Leur mission n’est pas de faire des coups de mains mais de protéger Jean Thomassin dans ses déplacements, de porter du courrier ou des paquets, de faire des repérages, de cacher du matériel stratégique (documents de haute importance, armes, argent, appareils de radio, de photo, …). Leur lieu de ralliement est une ferme isolée sur la commune de Quenoche. Les patrouilles allemandes sont nombreuses et pour les fuir, il faut sans cesse déménager. A plusieurs reprises, les alertes ont été sérieuses, les allemands étant à quelques mètres. Beaucoup de nuits blanches et de marches forcées.

Au maquis de Quenoche.

Le maquis à Quenoche (70) 10 juillet 1944 Gaston, accroupi 2° à droite ; Robert, debout tout à droite.

Le maquis à Quenoche (70) été 44 : Jean Thomassin, le préfet résistant et Robert Charbonnier. 20 juillet 1944 : groupe debout à gauche, au milieu Robert et à droite le lieutenant Gagneur ; dans la ʺTraction Citroënʺ réquisitionnée, Gaston.

Page 245 dans le livre de Claude Ruffy, ‘Résistances dans la moyenne vallée de l'Ognon’.

Novembre 1944, la Haute-Saône est libérée. Et le groupe est pour l’essentiel affecté pour la garde des prisonniers français suspects de collaboration au camp d’internement d’ à 8 km de Vesoul sur l’axe Gray-Vesoul. Gaston et Robert s’y montrèrent respectueux des hommes et furent scandalisés par quelques comportements de certains résistants animés par la vengeance. A la mort de Gaston, une dame d’Oiselay est venue pour lui dire un dernier merci. En effet ses parents qui étaient d’origine Suisse allemande avaient été forcés de devenir interprètes de l’armée allemande. A la libération, ils ont été accusés faussement d’avoir été des collaborateurs. Et Gaston les a aidés et protégés. Peut-être qu’ils avaient donné des renseignements à leur réseau de résistance.

A partir du 15 septembre 1944, Gaston Charbonnier est affecté à l’encadrement du camp d’Andelarre. Ici sur l’escalier menant au perron d’entrée.

Gaston Charbonnier, début 1944.

Sa carte du CNR montrant qu’il a participé aux combats de la Libération.

TIMOTHÉE, le 6/06/2020.