Les Livrets De Ballet De Théophile Gautier
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Louise Hingand Les livrets de ballet de Théophile Gautier Travail d'études et de recherche sous la direction de Madame la Professeure Hélène Laplace-Claverie UPPA UFR Lettres, Langues, Sciences humaines, Sport Master I Poétique et Histoire Littéraire 2017 Louise Hingand Les livrets de ballet de Théophile Gautier Travail d'études et de recherche sous la direction de Hélène Laplace-Claverie UPPA UFR Lettres, langues, sciences humaines, sport Master I Poétique et Histoire Littéraire 2017 En couverture : Carlotta Grisi dans Giselle Image empruntée à la galerie du site de la Société Théophile Gautier: http://www.theophilegautier.fr/galerie/ 10 Remerciements Je remercie ma directrice de recherche, pour avoir compris mes attentes quant à cette année de master et pour m'avoir judicieusement soufflé ce sujet qui correspondait à mes préoccupations. Sa disponibilité, sa confiance et son écoute m'ont permis d'être épaulée en m'attelant à ce mémoire, tout en restant libre dans ma réflexion. Je ne pouvais trouver directrice plus au courant de ce sujet ; son précieux savoir m'a aidé tant à l'oral que dans ses écrits. Je remercie aussi mon jury de soutenance pour avoir accepté de siéger à ce jury. Merci aux professeures de Lettres qui m’ont aidé à creuser certains points auxquels je n'avais pas pensé. Merci à mes professeures de danse d'avoir donné une perspective plus chorégraphique à ce sujet. Je tiens aussi à remercier mes camarades du Master Histoire et Poétique Littéraire avec qui j'ai pu échanger mes idées. Merci à Rémi pour ses relectures et à Mélanie et Laurine pour leur écoute. 3 Introduction La danse, expression universelle du corps, est en lien avec tous les domaines de recherche : sciences (anatomie du danseur), droit (droit d'auteur des chorégraphes), sciences humaines (histoire, sociologie, anthropologie, géographie de la danse, …), art (musique, art pictural, cinéma, photographie, …) et bien sûr littérature. La littérature se préoccupe bien souvent de la danse et la danse s'associe ou se dissocie de la littérature au fil de son histoire. Comme le suggère Hélène Laplace-Claverie dans Écrire pour la danse1, on peut étudier la danse en lien avec la littérature dans trois catégories : écrire la danse, écrire sur la danse, écrire pour la danse. Pour illustrer la première catégorie, on peut étudier le topos de la scène de bal. En effet, on retrouve ce lieu commun dans tous les genres et à toutes les époques. Des anthologies rassemblent ces morceaux fameux de la littérature française comme dans La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette (1678), Madame Bovary de Flaubert (1862) ou Le Ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras (1964). Du côté de la poésie, on peut citer Marot, Baudelaire, Verlaine, Aragon et tellement d'autres. Le théâtre est, lui, intimement et historiquement lié à la danse. Pour illustrer la deuxième catégorie de littérature et danse, on peut étudier les comptes rendus et textes théoriques; les écrivains aiment écrire sur l'art de Terpsichore : Diderot dans Entretiens sur le « Fils naturel » (1757), Mallarmé dans Crayonné au théâtre (1897), Valéry dans La Philosophie de la danse (1936), ou Claudel dans Nijinski (1925). Enfin, « écrire pour la danse », troisième catégorie de notre étude, c'est écrire un livret de ballet ou un « avant-texte » pour la chorégraphie. Des auteurs s'y sont essayés : Cocteau avec les Ballets russes, L'Homme et son désir de Claudel (1921), ou encore Le rendez-vous manqué de Françoise Sagan (1958). Mais il y a un auteur qui écrit à la fois la danse, sur la danse, et pour la danse ; il s'agit de Théophile Gautier. Le poète naît à Tarbes en 1811 mais rejoint vite Paris où il fréquente Gérard de Nerval dès le collège. Il rencontre Victor Hugo et participera à la bataille d' Hernani avec son fameux « gilet rouge » en 1830. Il publie rapidement ses premières poésies qui le distinguent des autres romantiques. Son « Art poétique » est la préface du roman Mademoiselle de Maupin (1835) dans laquelle il déclare son amour du Beau et son horreur de l'Utile. Ses nouvelles fantastiques, parues dans la presse, le font connaître du grand public ainsi que ses critiques (d'art, de musique, 1 Laplace-Claverie, Hélène, Écrire pour la danse, Les livrets de ballet de Théophile Gautier à Jean Cocteau (1870- 1914), Paris, Champion, 2001. 4 de ballet, …) dans La Presse qu'il quittera plus tard pour le Moniteur Universel. Il publie d'autres poèmes, s'essaie au théâtre et commence à voyager, ce qui lui permet de publier ses carnets d'impressions. Émaux et Camées paraît en 1852, Baudelaire dédicace ses Fleurs du Mal à celui qui défend « l'art pour l'art », précurseur du Parnasse. Il continue de publier des articles, des romans comme Le Capitaine Fracasse (1863), des poèmes mais aussi une biographie de Balzac. Il meurt en 1872 laissant une œuvre diverse mais surtout monumentale. Dans son ouvrage, Théophile Gautier et la danse2, François Brunet dresse un panorama des relations qu'entretient le poète avec la danse. La danse est présente dans sa prose, par exemple, dans La Cafetière (1831), il y a une scène de bal : Aussi, c'était pitié de voir tous les efforts de ces danseurs pour rattraper la cadence. Ils sautaient, cabriolaient, faisaient des ronds de jambe, des jetés battus, et des entrechats de trois pieds de haut, […].3 Mais le poète est aussi connu pour ses critiques de ballets, compilées dans Écrits sur la danse, par Ivor Guest4 et pour ses livrets de ballet. Gautier commence à fréquenter l'Opéra en 1836 pour ses chroniques dans La Presse et dans La Charte de 1830, mais c'est avant qu'il a commencé à fréquenter des danseurs et librettistes. Edwin Binney évoque le séjour de Gautier parmi ses amis artistes de l'impasse du Doyenné où on donnait des représentations privées. Le goût de la danse et son admiration pour Fanny Elssler, danseuse parue en 1834 à l'Opéra lui donna l'envie d'écrire un premier livret. Malheureusement ce livret, nommé Cléopâtre fut perdu et ne fut pas représenté. C'est par la suite, que Gautier présenta son grand succès Giselle ou les Wilis, écrit pour Carlotta Grisi. Cette danseuse italienne (1819-1899), compagne de Jules Perrot5, connaît le succès à l'Opéra dès 1840 dans l'opéra Zingaro. C'est en 1841, qu'elle rencontrera un véritable triomphe grâce à Gautier, qui tombera amoureux d'elle. Le nouveau librettiste écrira quatre autres scénarios pour l'Opéra et un pour le Théâtre de la Porte Saint Martin, deuxième salle parisienne en terme de ballet. 2 Brunet, François, Théophile Gautier et la danse, Paris, Champion, 2010, 412 p. 3 Gautier, Théophile, Romans, contes et nouvelles I, Paris, Gallimard, 2002, p. 6. 4 Gautier, Théophile, Écrits sur la danse, Chroniques choisies, présentées et annotées par Ivor Guest, Arles, Actes Sud, 1995, 281p. 5 Jules Perrot (1810-1892) est un danseur et maître de ballet français de l'Opéra qui y monta de nombreuses productions. 5 Notre corpus se compose des six ballets représentés de Gautier, rassemblés dans Œuvres complètes, section III, Théâtre et ballets, édition établie par Claudine Lacoste-Vasseyre et Hélène Laplace-Claverie avec la collaboration de Sarah Mombert, à Paris, chez Champion, en 2003. Notre étude sera basée sur ces textes, variantes, notes et introduction dans cette édition. Il y a six ballets qui ont été représentés et six autres, qui ne l'ont pas été. Pour l'instant, nous mettons de côté , les ballets non représentés car la plupart n'ont pas leur forme finale, ce sont des ébauches, des esquisses que nous ne pouvons pas considérer comme les autres. Détaillons les six ballets, représentés, de notre corpus. Giselle ou les Wilis, est présenté à l'Opéra le 28 juin 1841. C'est en lisant la tradition des wilis dans De l'Allemagne de Heinrich Heine qu'il prend l'envie à Gautier de représenter ces créatures sur scène. Mais son idée première est bien loin du ballet que nous connaissons, il explique : Moi qui ignore les combinaisons du théâtre et les exigences de la scène, j'avais pensé à mettre tout bonnement en action, pour le premier acte, la délicieuse Orientale de Victor Hugo. On aurait vu une belle salle de bal chez un prince quelconque ; […] Giselle, après avoir dansé toute la nuit, […] aurait été surprise par le froid du matin comme la jeune Espagnole, et la pâle reine des Wilis, invisible pour tout le monde, lui eût posé sa main de glace sur le cœur. Mais alors nous n'aurions pas eu la scène si touchante et si admirablement jouée qui termine le premier acte tel qu'il est, Giselle eut été moins intéressante, et le deuxième acte eut perdu de son effet de surprise.6 Les vers de la « délicieuse Orientale de Victor Hugo » illustrent en effet parfaitement ce ballet : « Elle aimait trop le bal, c'est ce qui l'a tuée »7. C'est grâce à Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges (1799-1875) que le ballet a la forme que nous connaissons. Ce librettiste confirmé, un des plus prolifiques de l'époque, collabora avec Gautier. On ne sait pas réellement quelle contribution a chaque auteur dans le livret. Serge Lifar affirme : « […] j'estime, écrit-il à propos de Saint-Georges, qu'il lui faut attribuer le plan et la rédaction du livret de Giselle. Théophile Gautier a été son inspirateur premier et son conseiller avisé [...] »8. Mais sur ce point, les thèses divergent, d'autres pensent que Gautier a eu plus d'importance que Vernoy de Saint-Georges. Nous considérons alors que ce ballet est de Gautier car il figure dans ses Œuvres complètes mais nous n'oublions pas en 6 La Presse, 5 juin 1841 (Lettre à Heine).