Le vendredi 24 octobre 2014, Corneilla-del-Vercol célébrait le 50ème anniversaire de la médaille d’Or obtenue aux Jeux Olympiques de Tokyo par Pierre Jonquères d’Oriola. Les « Sonneurs du château de Perdiguier » prêtaient leur concours et une superbe exposition était présentée à la salle des fêtes. Devant un nombreux public, Messieurs Marcel Amouroux maire de la commune et Jean Romans, président du Comité Départemental Olympique et Sportif des Pyrénées-Orientales, ont évoqué les Jeux Olympiques de 1964 et le magnifique parcours sportif du plus illustre des corneillanais. Cécile Hernandez Cervellon, médaille d'argent en snowboard aux Jeux Paralympiques de Sotchi en Mars 2014, honorait de sa présence la manifestation.

Hommage du Comité Départemental Olympique et Sportif

Madame Renate Jonquères d’Oriola, ...et vous les enfants et les petits-enfants, ici présents, Monsieur le Maire de Corneilla-del-Vercol, Madame la Vice- présidente de l’Agglo, maire de Villeneuve -de- la-Raho, Madame Kate d’Oriola, Mesdames et Messieurs, Chères et chers amis, Chère Cécile Hernandez-Cervellon, médaillée d’argent en snow-board aux Jeux Paralympiques de Sotchi en 2014, Cher Georges Carbasse, sélectionné en lutte aux Jeux Olympiques de Munich en 1972,

1 Je vis ma présence, ce soir à Corneilla-del-Vercol, comme un formidable honneur. Bénéficier d’un tel évènement et évoquer devant tous vos amis réunis, l’Olympisme et son histoire, les Jeux Olympiques, le sport, des athlètes hors du commun devenus mythiques, célébrer la médaille d’or obtenue de haute lutte par Pierre JONQUERES D’ORIOLA en 1964, me comble de bonheur.

Madame Renate Jonquères d’Oriola, Monsieur le Maire, Permettez-moi de vous remercier très sincèrement.

L’exercice s’adresse à tous, des moins jeunes aux plus jeunes. Véritable devoir de mémoire, Il pourrait servir auprès des communes, lors des Temps d’Activités Périscolaires.

C’était en 1964, il y a 50 ans,

En Chine en URSS, aux Etats-Unis, à Cuba et au Viêt-Nam, des tensions se font jour, certains pays d’Afrique n’y échappent pas. La France vit une belle période d’expansion. Elle compte 48 millions d’habitants et bénéficie de son excédent naturel et d’un solde migratoire élevé. Le travail, toujours plus et encore mieux, l’épargne et l’investissement caractérisent l’époque. Le budget du sport a plus que doublé en 6 ans. Le département recense 260 000 habitants contre 450 000 aujourd’hui. Corneilla-del-Vercol, terre agricole, en compte 590 et vit paisiblement à l’abri de son Château et de l’Eglise Saint-Christophe.

Le Japon, reconstruit et debout, s’apprête à accueillir et fêter les Jeux de la XVIIIème olympiade. Ils sont les premiers à se dérouler sur le continent asiatique après l’Europe, l’Amérique et l’Océanie et inaugurent la diffusion en mondovision. Des moyens colossaux ont été engagés. L’Afrique du Sud pour cause d’apartheid, la Corée du Nord et l’Indonésie pour ingérence dans le sport et la Chine populaire sont les grands absents.

C’était en 1964 aux Jeux Olympiques, il y a 50 ans.

Tokyo offre un superbe village aux athlètes. La terre a trembloté dans la nuit du 29 au 30 septembre, mais le Japon veut vivre une quinzaine de rêve jusqu’au samedi 24 octobre.

Les Jeux s’ouvrent le samedi 10 octobre. 5541 athlètes représentent 94 pays.

La flamme est portée par le jeune Yoshinori Sakaï âgé de 19 ans, né à Hiroshima. La montée des marches, les flammes qui jaillissent de la vasque... c’est un intense moment de grâce teintée d’émotion.

2 Après les Jeux de Rome, en 1960, sans médaille d’or, les Jeux d’hiver de 1964 à Innsbruck avec les victoires en ski alpin des sœurs Christine Goitschel, Marielle Goitschel et du géantiste François Bonlieu, nous ont comblés. A l’instant où s’ouvre la quinzaine, nous, français, sommes remplis d’espoir… et pourtant.

Dès le lundi 12 octobre, Alain Gottvallès notre recordman du monde sur 100 mètres nage libre ne termine que 5ème. Don Schollander, l’américain remporte la course.

Le mercredi 14 octobre, la belle Christine Caron surpasse le record du monde du 100 mètres dos. Pourtant elle est battue par Kathy Ferguson, une américaine, nouvelle recordwoman du monde. « KiKi et Kathy sont main dans la main sur le podium,.... une note de tendresse (Michel Clare, L’Equipe) ». Ce jour là, le fils du maître Ernest Revenu de Melun, Daniel Revenu, est médaillé de bronze au fleuret. Jean Claude Magnan échoue d’une touche 4 / 5 contre le polonais Franke. Une médaille d’argent supplémentaire.

Le 15 Octobre, éclabousse de toute sa classe le 100 plat en athlétisme et Al Oerter remporte au disque sa 3ème médaille d’or d’affilée. La médaille d’argent que s’offrent en quatre barré en aviron les frères Jacques et Georges Morel vient égayer notre journée.

Le vendredi1 6 octobre Jacky Courtillat, Pierre Rodocannochi, Christian Noël qui remplace Jean Claude Magnan, fatigué et Daniel Revenu ramènent le bronze au fleuret par équipes. Pierre Trentin est 3ème du kilomètre sur piste en cyclisme.

Le dimanche 18 octobre il pleut – Jazy et la France pleurent Michel Jazy, le champion chéri des français, est favori de la finale du 5000 mètres. A 200 mètres du but il a course gagnée ; il compte 15 mètres d’avance … avant de s’effondrer pour ne terminer que 4ème. Il demeure pétrifié, ne comprend pas. A Rome, il était médaille d’argent du 1500 mètres derrière le néo-zélandais Peter Snell, le même qui à Tokyo s’adjuge successivement 800 mètres et 1500 mètres.

Le lundi 19, Daniel Morelon gagne le bronze de la vitesse en cyclisme sur piste ; par la suite il deviendra un immense champion et un technicien réputé.

Le mardi 20, Maryvonne Dupureur s’empare de l’argent sur le 800 en athlétisme. Et Claude Arabo nous apporte l’argent au sabre.

Le 21, Abebe Bikila, l’éthiopien, le coureur aux pieds nus, réalise un doublé sur le marathon, après Rome 1960 ; il court cette fois avec des chaussures. Le stade est archi-plein, 100 000 personnes. Quand Bikila arrive personne ne sait que celui qui vient de réaliser la meilleure marque mondiale de tous les temps a été opéré de l’appendicite, le mois précédent. Paul Genevay, Bernard Laidebeur, et Jocelyn Delecour terminent 3èmes du 4 x 100 en athlétisme. Michel Camboulives, le sprinter perpignanais, était remplaçant au sein de cette belle équipe.

Le jeudi 22 octobre, Jean Boudehen et Michel Chapuis gagnent l’argent en canoë bi-place. La tchécoslovaque Véra Caslavska enchante le gymnase et devient une absolue championne au concours général de gymnastique.

Le vendredi 23 octobre, le Narbonnais Jo Gonzalès, battu par Boris Lapoutine, est médaille d’argent de la catégorie des super-welters, quand l’immense judoka néerlandais, le géant Anton Geesink fait pleurer tout le Japon en clouant au sol en finale des poids lourds le japonais Akio Kaminaga.

Nous totalisons 13 médailles ce soir là, bien mieux qu’à Rome, mais toujours pas d’or.

3 Ces jeux de 1964 auront été ceux de Léonid Zhabotinsky en haltérophilie poids lourds, d’Anton Geesink, de Dawn Fraser, nageuse de choc sur 100 mètres nage libre, de Don Schollander, de Bob Hayes, de Peter Snell, de Valéri Brumel le sauteur en hauteur, d’Abebe Bikila, de Véra Caslavska, ceux aussi de l’immense désillusion de Michel Jazy... ils seront à leur terme ceux d’un catalan du Roussillon et de son cheval.

C’était le samedi 24 octobre 1964 à Tokyo , il y a 50 ans

La cérémonie de clôture est toute proche et le programme offre encore deux épreuves, les deux grands prix de sauts d’obstacles, individuel et par équipes. En course – LUTTEUR B, cheval hongre bai-brun de 9 ans (1955) fils de Furioso un galopeur et de Bellone une trotteuse. Il est monté par le cavalier catalan Pierre JONQUERES d’ORIOLA... La suite mérite que l’on s’y attarde. Le clan français qui en avait oublié l’air de la Marseillaise,... quant aux paroles n’en parlons pas, allait être servi.

Pierre JONQUERES D’ORIOLA arrive au stade à 7 heures du matin, minuit en France. A Tokyo il a plu. Le terrain est gras, mais d’excellente qualité. Minutieux comme toujours, décontracté contrairement à d’autres qu’il croise au paddock, l’enceinte réservée aux chevaux et aux cavaliers, Pierre JONQUERES d’ORIOLA est prêt.

Au premier tour LUTTEUR B commet deux fautes et un petit dépassement de temps soit 9 points ; aucun cheval n’est sans faute. Le deuxième tour se déroule devant un stade comble en ce jour de célébration de la fin des Jeux. Il faut sauter quatorze obstacles et réaliser un sans faute à l’arrivée pour préserver toutes ses chances. Les douze premiers sont passés sans encombre. On tremble néanmoins. Un léger tutoiement du mur en briques qui reste en place... et hop en route vers la rivière. Source de tracas, le matin, elle est franchie brillamment. L’oxer, bien épais, donne lieu à un bond magistral de LUTTEUR B.

A Helsinki, ce fut un grand éclat de rire et un « hop, c’est passé » ; là c’est la sérénité du grand champion, l’assurance du devoir accompli en selle sur un cheval exceptionnel. Herman Schridde médaillé d’argent, et Pete Robeson médaillé de bronze sont vaincus

Pierre JONQUERES d’ORIOLA, médaille d’or en équitation, saut d’obstacles, inscrit son nom dans le marbre de deux continents (après l’Europe, l’Asie) ... et, mieux encore, il obtient l’argent par équipes aux côtés de Guy Lefrant (Monsieur de Littry) et Janou Lefèvre (Kenavo).

Nous sommes à l’époque élève du lycée François Arago à Perpignan. A la récréation de 10 heures, dans notre cour, celle des grands, le bruit court que la France a été sauvée de « la fanny ». Rapidement nous savons qu’un catalan de Corneilla-del-Vercol, ancien du Caousou à Toulouse et de Sorèze dans le Tarn, est notre sauveur. Quelle fierté. A Tokyo, mais aussi dans toute la France, la Marseillaise n’en sera que plus belle et le soir, lors de la cérémonie de clôture, « Le chant des adieux » que plus émouvant.

Un immense champion du XXème siècle

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En ‘’ Terre des 2 rugbys’’ tout le monde savait combien Pierre JONQUERES d’ORIOLA contribuait au rayonnement de la France. Il venait d’enrichir son palmarès, de l’embellir. A l’heure du bilan celui-ci s’avère exceptionnel :  Champion olympique en 1952 à Helsinki avec Ali Baba et premier civil à gagner aux J.O. depuis 1920 ; le cheval appartenait à l’armée.  Champion olympique en 1964 à Tokyo avec Lutteur B  Champion du monde en 1966 à Buenos-Aires avec Pomone B, fille de Furioso et d’Harmonie.  Médaille d’argent par équipes aux J.O. de 1964 à Tokyo en compagnie de Janou Lefèvre (Kénavo) et de Guy Lefrant (Monsieur de Littry),  Médaille d’argent par équipes à Mexico au J.O. de 1968 en compagnie de Janou Lefèvre (Rochet) et de Marcel Rozier (Quo Vadis) A Mexico il est en selle sur Nagir, fils de Ténarèze et frère du pur-sang Nelcius gagnant en 1966 du prix du Jockey Club, monté par Yves Sant Martin -- Troisième des championnats du monde de 1953 à Paris avec Ali Baba  Second des championnats du monde 1954 à Madrid avec Arlequin Vainqueur de nombreux Grands Prix internationaux et de quelques 300 compétitions internationales accompagnées d’environ 1000 classements. Énorme Montant des chevaux, aimés avec passion, qui ont marqué l’histoire de la discipline : L’Anachorète, l’Historiette, Marquis III, Aiglonne, Tramontane, Ali Baba, Voulette (6ème aux J.O. de Stockolm en 1956 et 4ème aux championnats du monde d’Aix-la-Chapelle), Virtuoso (2ème des championnats d’Europe 1954 à Paris),Mélisande, Lutteur B, Pomone B, Nagyr, Moët et Chandon, et nous en oublions , Pierre JONQUERES d’ORIOLA a côtoyé et s’est lié d’amitié avec tous les grands cavaliers et cavalières de son époque et celles qui ont suivi. Parmi eux, le chevalier Jean d’Orgeix, Bertrand du Breuil, Hubert Parot, Gilles Bertran de Balanda, Eric Navet, Pierre Durand (or en 1988 à Séoul), Alexandra Ledermann, Christophe Cuyer et bien d’autres encore. Les grands champions étrangers, Humberto Mariles (1948 or à Londres), William Steinkraus ( or 1968 à Mexico) : Graziano Mancinelli (or en 1972 à Munich), Nelson Pessoa, les frères d’Inzeo ,Raimondo (or à Rome 1960) et Piero, José Álvarez de Bohórquez, Francisco Goyoaga dit Paco champion du monde à Paris en 1953, Pat Smythe, Kathy Kussner, les frères Schoëhmelle, et combien d’autres.

Elevé au grade d’officier de l’Ordre de la Légion d’honneur et de l’Ordre National du Mérite, il fut désigné cavalier du XXème siècle lors des Jeux mondiaux de Jerez de la Frontera en 2002 et fut honoré aussi par un Prix de l’Académie des Sports.

Ce n’est plus une journée, celle du 24 octobre 1964, qui défile, mais trente années dans la grande compétition, avec des participations suivies aux Jeux olympiques (5) et aux championnats du monde. Cela en étant toujours compétitif. Respectueux de la Charte olympique, des valeurs et des traditions de l’olympisme, du serment et de la flamme, ce cavalier est considéré comme un mythe de l’équitation. El « Astro francés » comme il fut désigné un jour en Espagne, « un jinete que marcó toda una época y que configuró una página imborrable de la equitaciòn mundial » - (cf Carolo Lopez- 5 Quesada) - remplit de vénération ceux qui concoururent avec lui et contre lui, le public en général et tous ceux à qui l’occasion de le voir fut donnée. Il est vrai que sa joie dans l’effort en faisait un modèle.

Fidèle en amitié, reconnaissant, il citait volontiers le colonel Marceau Crespin, le colonel Cavaillé, mais aussi ses collaborateurs, les hommes qui l’ont accompagné, palefreniers, maréchaux-ferrants et nombre de ses amis. Il n’oubliait jamais les siens et rappelait le rôle de son père Joseph, l’éleveur de chevaux-viticulteur. . Homme libre aux convictions bien ancrées, l’envie de la gagne était inscrite en lui et si les gens de sa fédération en connurent quelque chose, il savait être prévenant et attentionné. Pour l’avoir rencontré lors de belles occasions, nous avons pu apprécier sa gentillesse et sa délicatesse. Nous ne nous permettrons pas de traiter de « sa monte », nous ne sommes pas qualifiés. Loin du modèle allemand, elle ne relevait pas de l’équitation classique. Elle était tout simplement sensible, inspirée, naturelle et marquée du sceau du champion.

A la fin de sa carrière, se rapprochant des jeunes, enfants et adolescents, comme il l’avait toujours souhaité, il aimait faire partager les mêmes sensations et satisfactions qu’il avait connues.

Au moment de conclure, associer à l’hommage son cousin Christian d’ORIOLA nous apparaît comme une évidence. Leurs destinées sportives sont fabuleuses.

Le joyeux catalan, ancien du collège François Arago, « artiste et génie », surnommé d’Artagnan par les anglais a fait montre d’un talent de fleurettiste à ce jour inégalé. Meilleur escrimeur du XXème siècle ainsi désigné en 2001 par la Fédération Internationale d’Escrime le natif de la place de Gambetta à Perpignan fut :  2 fois champion olympique individuel au fleuret à Helsinki 1952 et à Melbourne 1956  2 fois champion olympique par équipes à Londres 1948 et à Helsinki 1952,  8 fois champion du monde dont 4 à titre individuel. Champion des champions du journal l’Equipe en 1947. Prix de l’Académie des Sports. Porte drapeau de l’équipe de France aux Jeux Olympiques de 1960 à Rome

Vous comprendrez ainsi combien nous, les catalans, portons dans nos cœurs et dans notre mémoire ces deux champions, issus d’une famille de tradition vigneronne de notre province. Unis dans la gloire, ils figurent ensemble au « Gotha des Jeux d’été » et de l’Olympisme « pour l’éternité ».

Je salue ici Madame Rénate Jonquères d’Oriola, son épouse, les enfants de Maître Pierre et Kate Delbarre l’épouse de Christian d’ORIOLA, elle aussi championne et grande dirigeante.

A tous encore MERCI, « Ce n’est qu’un au revoir ....»

Merci à leur successeur, Martin Fourcade , aujourd’hui, double médaillé d’or aux Jeux d’hiver à Sotchi 2014 en poursuite et aux 20 km en biathlon et... à d’autres dans le futur de continuer à écrire la légende des « Chevaliers du stade, catalans »... et à toi Cécile Hernandez-Cervellon de progresser pour conquérir un jour le Graal.

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Le vendredi 24 octobre 2014,

Jean Romans Président du Comité Départemental Olympique et Sportif des Pyrénées-Orientales

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