ETIENNE GABIN De la Société d'Histoire et d'Archéologie de CL*1 on

HISTOIRE DE L'ABBAYE DE MAIZIÈRES ET DU PRIEURÉ DE SERMESSE ' ( Saône - et - Loire )

1952 AVANT-PROPOS

Ces quelques pages d'histoire religieuse locale s'adressent uniquement aux lecteurs que de tels sujets ne rebutent pas. Celui qui les a écrites n'a pas d'autre mérite que de s'étire rapproché le plus fidèlement possible de la vérité, en glanant ça et là, les éléments indispensables à l'évocation de tout un passé monastique. Son but a été de faire, dans le cadre restreint et sans pré- tention de cet opuscule, un simple récit des faits, basé sur les titres et documents qu'il a pu atteindre au cours de ses recher- ches. L'ABBAYE DE MAIZIÈRES

I. — SA SITUATION L'Abbaye de Maizières se trouve à quinze cent mètres à l'ouest de Saint-Loup de la Salle, village de six cent cinquante âmes situé entre Verdun et Beaune, aux confins du départe- ment de Saône-et-Loire et de la Côte-d'Or. 1. Entourée d'une vaste enceinte en bordure de la route de Saint-Loup à Chagny, elle est placée sur un rectangle de terre formé par ce chemin départemental — qui en représente le premier-côté - la ligne d'Allerey à Beaune 2, la Dheune de. l'est à l'ouest, et, enfin une ancienne voie romaine qui en est le quatrième, du nord au sud.

II. — FONDATION DE L'ABBAYE L'Abbaye de Notre-Dame de Maizières 3, de l'ordre des Cis- terciens, a été fondée en 1132 par Foulques de Réon. Elle fut bâtie sur les ruines d'un ancien ermitage près de la Dheune cheminant, en ces parages, sous un vieux pont de pierre que traversait une route. Ruines antiques encore- apparentes au début du XII" siècle, ou simplement, comme le dit Courtépée, celles d'une vieille masure — maceriae — qui aurait abrité quelques moines éloi- gnés ainsi du monde et unis dans la prière ? Nous l'ignorons. Quoi qu'il en soit, le nom de maceriae — d'où celui de Maizières — donne bien à cet endroit situé sur les bords de cette petite rivière, le long d'une voie romaine secondaire, toute l'expression de la solitude recherchée, indispensable au projet de construction du monastère. « Le site où s'élèvent les monastères cisterciens est toujours admirablement choisi dans la plus belle nature-. On ne saurait oublier ces ruines puissantes et magnifiques, envahies par la (1) A noter que l'Abbaye de Maizières est située sur le département de Saône-et-Loire et non de la Côte-d'Or, comme l'a écrit à tort M. cienneMarcel enAubert . dans son savant ouvrage consacré à l'architecture cister- existe(2) Ligneencore. de chemin de fer aujourd'hui supprimée. La maisonnette (3) Abbatia Nostrae Dominae Mauriarum. végétation, dernier témoin de ces grandes abbayes perdues loin de toute ville, de toute habitation, de tout regard humain... « Bien que ce ne soit pas dans la Règle, on cherchait avant tout un endroit où l'on- eut de l'eau en abondance, l'eau né- cessaire à la vie et à l'hygiène d'une nombreuse communauté, l'eau qui actionnait les roues des moulins et des machines d'ateliers, qui irriguait les prés, les vergers et les jardins n.1 La charte de fondation fut signée. Et l'on vit paraître, disait dom Plancher en 1738... « Une autre abbaye de CiteaU-X 2 au diocèse de Chalon, appe- lée Maizières. Le fond sur lequel elle est bâtie fût donné à Barthelemi, abbé de La Ferté, par Foulques de Rey, par S.!t femme et par ses enfants : Gaathier, Foulques, Geoffroi, Bar- thelemi et son fils Boniface. Mais, cette donation ne fût accep- tée qu'après bien des supplications et des instances. Car, n'étant offerte qu'à condition qu'on bâtirait sur le même fond une église et un monastère sous le nom de la Sainte- Vierge, l'abbé Barthelemi qui se trouvait assez chargé de la conduite de la communauté de La Ferté ne voulait point s'en- gager à la construction d'uns nouveau mona&tère, dont La cornrnunauti qui serait de sa dépendance l'exposerait à de plus grands travaux et 'à de fréquentes inquiétudes. » et Il n'y eut que les vives sollicitations de Foulques de Rey, ses larmes, ses cris et ses protestations qu'il faisait qu'au jour du jugement, il chargerait cet abbé de rendre compte de son â-me et -que Dieu le lui demanderait aussi s'il refusait plus . longtemps de recevoir son aumône qu'il faisait pour honorer Dieu, racheter ses propres péchés, ceux de sa femme, de ses enfants, de son père, de sa mère, et de taus ses ancêtres ; et avec tout cela, les prières d'Etienne, second abbé de Citeaux, de Pierre, archevêque de Tarentaise et de plusieurs autres qui déterminèrent enfin l'abbé Barthelemi à promettre de rece- voir son offrande aux conditions qu'il la voulait faire. » « Dès qu'on lui eut notifié cette promesse, il alla au chapitre de La Ferté avec Barthelemi de Saint-Marcel à qui appartenait environ la moitié de tout le territoire destiné pour la nouvelle abbaye et tous deux ensemble du consentement de leurs fem- mes et de tous leurs enfants donnèrent le territoire entier à l'abbé Barthelemi en présence de Gauthier évêque de Chalon (1) Marcel Aubert (Architecture Cistercienne, I, 1943, p. 91). (2) Cf. l'Abbaye de la Bussière-sur-Ouche près de Pouilly-en-Auxois (Côte-d'Or),Maizières. fille, également, de Citeaux et fondée en même temps que et de Pierre archevêque de Tarentaise. Foulques donna encore l'usage de tous les bois qui lui appartenaient dans le voisi- nage et quelques prés. Tout cela se fit encore en présence de Gauthier évêque de Chalon et de Joceran évêque de Langres, de Pierre archevêque de Tarentaise et de plusieurs autres. « La présence de Joceran évêque de Langres 1 qui quitta son évêché en l'année 1125 est une preuve que cet acte de dona- tion doit être rapporté à cette année tout au plus tard ; ainsi si l'on compte l'année de fondation du Monastère de Maizières du jour de cette donation, il fait l'avancer au moins de sept ans et au lieu de la rapporter à l'an ii32 comme l'on fait ordinairement, il faudra la mettre tout au plus tard à l'année 1125. C'est ce qui nous a fait dire que cette abbaye parut en même temps que celle de la Busste're, c'est-à-dire l'année d'après ou peut-être même quelques années auparavant. « Le même Foulques de Rey 2 donna encore à l'abbaïe de Maizières tout ce qu'il avait au même lieu et dans le voisinage, ce qu'il fit en présence de Christol de Liebaud de Saint-Marcel, de Lieband de Saint-Gervais et Robert de Dracy 3. Mais,. Foul- ques de , fils du même Foulques de Rey, après la mort de son père, souffrait impatiemment d'être privé des fonds considérables. qu'avaient été donnés pour l'établissement de l'abbaïe de Maizières, troublà les religieux de ce monastère dans la possession de tous ces fonds dont il regrettait la perte et qu'il eut bien voulu recouvrer. « Il fit pour cela plusieurs tentatives qui furent toujours inu- tiles- et enfin touché d'un véritable repentir, il confirme tou- les les donations de son père et consentit qu'un fief qui rele- vait et que l'on tenait de lui fut encore ajouté aux donations précédentes que l'on avait faites au monastère. « Il se désista des poursuites qu'il avait commencées pour rentrer dans les fonds cédés par son père et donna en pré- sence de Gauthier évêque de Chalon et de plusieurs autres, les assurances et les actes nécessaires pour que l'on ne put jamais inquiéter la communauté de Maizières sur le même sujet. 1) III. — SES ENVIRONS La Dheune — Duina — sort d'une série d'étangs situés en- 1 tre et au nord-ouest de la forêt d'Avoise. (1) Décédé le 16 avril 1126 et inhumé à Saint-Etienne de Dijon (Obi- tuaire de Moutier-Saint-jean). (2) Rion - Réon - Rey (Rion, Hameau de ). (3) Robert de Dracy cosigna la charte de fondation. De là, elle vient baigner Saint-Léger et Chagny en suivant le canal du Centre, puis Chaudenay, et à l'ouest de IDemigny, le château de Mimande qu'elle entoure complètement de son sinueux rivage avant d'arriver à Saint-Loup. Ce cours d'eau dont le passage en cette contrée attirait déjà le généreux donateur, descend vers le port de 1 en arrosant ses vastes prairies. Il contourne ensuite Saint Martin- en-Gatinois où il serpente sur un certain parcours avant de se jeter dans la Saône, près de Chauvort. Quant à la voie romaine mentionnée plus haut, tant de fois parcourue par cet illustre habitant de Réon, elle était l'ancien tracé de la route de Chalon à Beaune, plus ou moins prati- cable au XIIe siècle mais dont les religieux devaient néan- moins se servir pour les différents besoins de la communauté. Branchée sur celle d'Aggripa près de Chalon, cette voie passe dans le bois de la Greurie, en pleine forêt de Cergy, entre l'étang de Vorthoy et de Maizières, puis traverse la Dheune le long de l'abbaye, pour rejoindre Beaune par Sainte- Marie-la-Blanche. Elle franchit cette rivière sur un pont romain que l'on a attribué au va siècle 2, mais qui est sans doute plus récent. Ouvrage,'en tout cas, remarquable par la disposition de sa • voûte, flanqué de quatre bornes particulières, mutilées par les roues de chars et presque entièrement recouvertes de brous- sailles. A quelques mètres, avant et après ce pont, on en aperçoit encore les dalles posées, là, à cause des inondations et, près • du chemin de Cissey à Géftnges, au sommet du coteau princi- palement, une grande étendue de pierres éparses qui en cons- tituait la chaussée. , ■ Ainsi, elle permettait aux moines de passer sur la rive gauche pour se rendre à leur ferme de Courcelotte, située sur la hau- teur non loin de l'abbaye, et à toutes leurs autres propriétés dépendant du bailliage de Beaune. Déjà, cette harmonieuse collinè dominant la vallée de la Dheune devait présenter, de par sa situation géographique, un certain intérêt comme point d'observation régional. C'est ce qui expliquerait pourquoi les Romains avaient établi, dans un but défensif, près du bois des Haies, sur le territoire de (1) Port, en raison de passage de plusieurs rivières et de la voie 1 d'Aggripa, sous l'occupation romaine. Appelé en 1314 Portus Pallueli de la Seigneurie de Chevilly-en-Vallières et du baillage de Beaune. (2) L. Gallas, Entre Saône et Dheune, Chalon 1924, p. 16. ACHEVÉ D'IMPRIMER PAR L'IMPRIMERIE HE LA PRESSE JURASSIENNE 19, RUE DUSILLET — DOLE-DU-JURA LE 20 OCTOBRE 1952 N° D'IMPRIMEUR : 31

ETIENNE GABIN, AU CHAPOT, PAR VERDUN-SUR-LE-DOUBS (S.-ET-L.)

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