A propos de l’église Saint-Pierre de Hambye

par M. Bernard Beck

Église Saint-Pierre d’Hambye

Guide de visite

La fondation de l’église paroissiale d’Hambye, placée sous le vocable de Saint-Pierre, remonte très certainement au XIIe siècle, car l’église est mentionnée dans la charte de fondation de l’abbaye Notre-Dame d’Hambye par Guillaume Paisnel (vers 1147). L’abbaye voisine en percevait donc les revenus et en nommait le desservant (jusqu’au XVIIIe siècle).

L’architecture de l’église

Le porche occidental (XVe siècle) est le seul vestige de l’église médiévale. Il s’ouvre par une grande baie gothique dont les arcs en accolade, au profil prismatique (ou en amande), caractéristiques de la dernière période de l’art gothique, reposent sur deux colonnettes latérales aux chapiteaux octogonaux. Les rampants du toit sont décorés à leur sommet d’une fleur de lys et, sur les côtés, de six animaux malheureusement abîmés par le temps. On reconnaîtra à droite un lion, et à gauche un dragon, allusion probable aux Paisnel dont une légende évoquait le dragon de la Hougue Bie, à Jersey, et aux Estouteville dont le blason s’ornait d’un lion. C’est en conséquence à Louis d’Estouteville (1397- 1464), mari de Jeanne Paisnel (1402-1436) et seigneur d’Hambye qu’il faudrait attribuer la construction de ce porche, quand Louis, capitaine du Mont-Saint-Michel, eut recouvré ses domaines après la défaite anglaise à la fin de la guerre de Cent Ans (1450). Intérieurement la voûte repose sur une croisée d’ogives prenant naissance sur quatre culots ornés de têtes grotesques. La grande clef de voûte est décorée d’un écu porté par deux anges et orné d’un calice. Deux bancs de pierre courent le long des murs. Le porche abritait les réunions du conseil paroissial, ou « fabrique », et le curé y affichait les bans, les mandements épiscopaux, les proclamations et édits royaux. La tour-clocher a été en grande partie reconstruite au cours du XVIIIe siècle, comme l’indique un procès-verbal du 25 juillet 1707 : « les ouragans qui arrivèrent il y a près de deux [ans] ont endommagé la tour » et les « derniers vents » ont achevé de la ruiner (Archives diocésaines de ). Le clocher est couvert d’une toiture en dôme à l’impériale couronné d’un lanternon. Le chœur et la nef de l’église appartiennent au XVIIe siècle (un document conservé aux Archives diocésaines de Coutances précise qu’une « chapelle du Rosaire » a été bâtie en 1662). Les bas-côtés, les grandes arcades de communication avec la nef et le chœur, ainsi que les baies en plein cintre qui éclairent l’église, ont été construits au début du XIXe siècle, après la restauration religieuse et le Concordat de 1801. L’église a pris alors sa forme définitive et ses respectables dimensions, pour répondre à la croissance démographique de la paroisse d’Hambye.

Les pierres tombales du porche. Elles datent des XVIIe et XVIIIe siècle et sont celles des curés desservants et d’un capitaine du château d’Hambye. -Sous ce tombeau repose le corps de vénérable et discr[ète] personne Guill[aume] Mariette P.[prêtre] curé de Hambye décédé le 30 juin 1676 IHS MA. -Sous ce tombeau repose le corps de Me Henri Robert Mariette pbre [prêtre] curé de ce lieu décédé le 18 avril 1701. -Tombeau de vénérable personne Me Antoine Mariette pbre curé de ce lieu et doyen de Gavray décédé le 26 mars 1752. Priez Dieu pour luy. -Cy gist le corps de discrète personne Me Pierre Guillaume Mariette pbre curé de Hambye décédé le 15 9bre [novembre] 1756. Priez Dieu pour luy. -Cy gist et repose le corps de Charles de Beaufils escuyer gouverneur et capitaine du chasteau de Hambye qui décéda le 24 octobre 1652. Ces dalles tumulaires se trouvaient primitivement dans le chœur de l’église.

Le mobilier de l’église.

L’autel et son grand retable. Au temps de Louis XIV, la pauvreté des paroisses rurales ne permettant pas de reconstruire des églises de style « classique », le mobilier fut un moyen économique de mettre les sanctuaires au goût du jour, de respecter les recommandations du Concile de Trente (1545-1563) restaurateur du Catholicisme après l’ébranlement de la Réforme protestante, d'affirmer l'identité et le savoir-faire de la communauté paroissiale, de rivaliser avec les paroisses voisines et de célébrer les saints patrons de la communauté. Les retables traduisent parfaitement ces objectifs par leur ostentation (l'autel est surmonté d’un arc de triomphe), par leur programme iconographique (les sacrements, la Trinité, le rôle intercesseur de la Vierge et des saints), par leur glorification du Christ, de la Vierge et des saints. Leur grande période commence vers 1650 avec une pointe en 1680-1710, pendant –paradoxalement- la dépression de la fin du règne de Louis XIV, une reprise au XVIIIe siècle, un arrêt en 1789-1805, un ralentissement progressif après 1805. La structure habituelle associe un emmarchement, l'autel, le tabernacle et la contretable. Cette dernière comprend un tableau d'autel encadré de colonnes ou de pilastres, un entablement, un fronton, enfin des motifs décoratifs : angelots, pots-à-feu, vases, fleurons ou gloire. Les parties latérales comprennent en général une niche et sa statue. Le retable étant chargé d'instruire et d'édifier le paroissien, son décor constitue souvent un traité d'histoire religieuse et de théologie, qui glorifie la Trinité, le Christ, la Vierge, les saints, le sacrement de l’Eucharistie. Le grand retable d’Hambye est en fait constitué de deux parties d’époques distinctes : la contretable et l’autel. 1° La contretable se compose de trois panneaux scandés par des colonnes torses ou « salomoniques » (à l’imitation supposée de celles du premier Temple de Jérusalem, construit par le roi Salomon) ornées de grappes de raisin, surmontées de chapiteaux corinthiens et d’un entablement avec frise de rinceaux de feuillages et corniche à denticules. La partie centrale est occupée par un grand tableau d’autel : la Sainte Famille (la Vierge, l’Enfant Jésus, Joseph, sainte Anne, le petit saint Jean Baptiste, deux anges), copie inversée de la Grande Sainte Famille de Raphaël (1518) commandée par le pape Léon X pour la reine Claude de , épouse de François 1er, (Musée du Louvre). Les niches latérales abritent les statues de saint Pierre, patron de l’église, reconnaissable à ses clefs, et de saint Paul, tenant l’épée de son supplice. Le second niveau comporte un fronton central encadré de colonnettes torses et d’ailerons à volutes, décoré de guirlandes et de chutes de feuilles, orné en son centre d’un tondo (médaillon circulaire) avec une figure de Dieu le Père accompagné de la colombe du Saint-Esprit, et deux frontons latéraux dont les tondi s’ornent des figures de la Vierge et de saint Jean Baptiste. Des pots-à-feu surmontent les colonnettes et les frontons. Les procès-verbaux de visite de l’église, conservés aux Archives diocésaines de Coutances nous donnent sa date d’exécution : « 3 septembre 1691. Avons trouvé les maîtres sculpteurs actuellement travaillants à faire et placer la contretable au grand autel…», ainsi que le nom du commanditaire : « Feu Mre [maître] Henri Robert Mariette, curé de ce lieu, décédé depuis quinze jours qui, de son vivant, a eu beaucoup de soing de sa paroisse et l’a très bien administrée. 18 juillet 1701. » Les registres du Tabellionage d’Hambye (déposés en 1922 aux Archives départementales de la , et détruits en 1944) avaient conservé le nom de l’ébéniste « Michel Mareschal, ébéniste de la Chambre du Roi et maître tourneur à Paris ». 2° L’autel proprement dit comprend un emmarchement, un « tombeau » au profil en S, dit « à la romaine », un gradin décoré de feuilles déchiquetées, ou chicorées, et de fruits, un tabernacle orné du Livre de l’Apocalypse aux sept sceaux et d’un agneau (symbole du Christ) que couronnent les rayons d’une gloire, enfin deux panneaux latéraux couverts des symboles du culte catholique et de l’Eucharistie : à droite calice, burettes, ciboire, cierge, épis de blé et grappe de raisin évoquant le pain et le vin ainsi que le corps et le sang du Christ ; à gauche croix, ostensoir, porte cierge, épis de blé et grappe de raisin. Le décor rocaille atteste que l’autel est plus tardif (vers 1735-1750) que sa contretable et a donc remplacé un élément de mobilier religieux plus ancien. Les deux statues des saint Pierre et Paul sont également du XVIIIe siècle. Quant au décor des tondi (à la partie supérieure de la contretable), il a été ajouté (ou refait) au XIXe siècle. L’autel a été repeint en 1883 puis restauré en 1990 et 1995. Les autels latéraux des bas-côtés, plus simples, appartiennent au début du XIXe siècle et sont quelque peu postérieurs à la construction des bas-côtés. Les boiseries peintes et leurs médaillons, qui habillent les murs et les voûtes du chœur, ont été placés au milieu du XIXe siècle. L’église possède quelques statues anciennes : un saint Thibaut (XVe siècle) et une Vierge à l’Enfant (fin XVIe siècle) qui pourraient provenir de l’abbaye voisine. L’orgue a été construit en 1865 par Pierre Ménard, de Coutances. Le décor d’ébénisterie (cassolettes et trophée de la tourelle centrale) lui confère une certaine élégance. Les vitraux ont été réalisés par le maître verrier Henri Mazuet, de Bayeux, en 1926. On pourra admirer enfin la très belle charpente de bois de la nef, couverture habituelle des églises normandes depuis le Moyen Âge.