Fayl-Billot et son canton L'auteur :

Né de parents baut-marnais, Bruno Théveny a 46 ans. Diplômé de l'E.F.A.P à Paris dont il sort major en 1975, il effectue son service national au S.I.R.P.A. (Service d'Information et de Relations Publiques des Armées) en tant que journaliste. Entré en 1976 au quotidien « La Liberté de lEst » à Épinal, il y restera jusqu'en 1996, couvrant tous les secteurs d'actualités propres aux Vosges et notamment l'Affaire Grégory, jusqu'au procès final de sept semaines à Dijon. Depuis, il est journaliste au « Journal de la Haute-Marne » et collabore à l'hebdomadaire national « La Vie du collectionneur ». Passionné de cartophilie, il a publié « Bourbonne-les-Bains et son canton : Histoire d'eau », en 1997. Il prépare d'autres ouvrages régionaux sur la Haute-Marne et les cantons de Varennes-sur- Amance et Laferté-sur-Amance.

@ Dominique Guéniot, éditeur, 52200 - Saints-Geosmes ISBN : 2-87825-169-5 D.G. 213 Les Armoiries des Vanniers

Ces armes parlantes, créées aux environs de 1350, ont été enregistrées à l'Armoriai de , le 16 juillet 1700 sur lettre patente d'autorisation signée du Roi Louis XIV. Elles portent « d'azur au chevron d'or », accompagné de trois vannets de même, deux en chef, un en pointe. « Oser l'osier » ou « La Belle époque du Pays Vannier »

Au début du xxe siècle, on perçoit par la fenêtre entr'ouverte de l'atelier du vannier le discret sifflement du brin d'osier que courbe l'artisan. On entend la chanson des oseraies du Bois-Banal ou de la papeterie, une chanson prenante pour qui sait l'entendre au crépuscule des chaudes journées de l'été. Le Pays des Vanniers, c'est « ces mille bruits confus, ce bruissement léger des cimes qui s'entre-choquent sous le moindre souffle de vent, et cette brume vaporeuse qui s'étend à l'automne au-dessus des oseraies ", comme le soulignera encore en 1932 l'ingénieur-agronome Daniel Elouard. Aujourd'hui, la vannerie et la nostalgie ne sont plus ce qu'elles étaient. Les brins d'osier se chuchotent à leurs oreilles leurs inquiétudes, tête penchée. La vannerie bicentenaire doit se battre. Oser l'osier. Difficile pari ! S'adapter surtout, en partant d'un créneau si bien établi et d'une notoriété intacte, tel est le combat que mène le canton de Fayl-la-Forêt ou de Fayl-Billot, selon l'acception des uns et des autres. Nous préférons quant à nous l'ancien vocable. Après « Histoire deau » et « Le Canton de Bourbonne-les-Bains, à travers les cartes anciennes », nous poursuivons notre périple dans le sud haut-marnais, à l'intérieur du Pays vannier, et d'Amance-Apance. Quatre cantons sur un même chemin. Avec le même programme de développement. Après le thermalisme, la vannerie, avant de poursuivre sur les bords de l'Amance les péripéties des cantons de Varennes et Laferté, le siècle passant, dans un prochain ouvrage. Avec un regard appuyé sur ce début de siècle et une certaine qualité de vie. Une nouvelle démarche de développement est engagée localement. Les quatre cantons expriment leur volonté de mettre en œuvre une stratégie commune à travers un projet de développement. Petit à petit c'est un nouveau territoire qui se prend en charge. Il est temps ! Si le sud de la Haute-Marne change, le vieux fond haut-marnais subsiste encore chez les descendants de ceux qui vécurent cette époque dite belle, et chez ceux qui, gagnés par le charme austère et mystérieux de notre vieille région, ont décidé de s'y installer. Rien ne pouvait mieux rendre la richesse et l'ambiguïté de cette époque que la photographie. Celle-ci nous permet de retrouver - et même de revivre - la vie de nos villages, de nos campagnes et de nos forêts, prairies et pâturages, ainsi que les moments quotidiens voués aux travaux et au labeur, comme les jours de fête et de liesse. Ce voyage n'aurait pu être possible si, alors, certains n 'avaient songé à fixer sur des plaques de verre les multiples facettes des paysages haut- marnais et de l'activité des hommes, de l'agriculteur à l'artisan, du commerçant au vannier. Parmi tous ces « artistes », le photographe Lucien Merger, on le verra, tout au long de ce livre, occupe la première place grâce au patrimoine qu 'il a légué à ses descendants et à la collectivité haut-marnaise. Cet « épicier » qui sillonnait les routes de nos villages était à lui tout seul un personnage. Grâce à lui, et à d'autres comme Eugénie Clément-Allemand, Félix Raguet, Léon Fyot, Albert Guillemin, les abbés Darbot et Lassalle, les éditeurs J. Schwab, jules et Alice Minot à Fayl-Billot, Joseph Rallet, à Bussières et Karrer, à Dole, et bien d'autres, nous allons entrer dans un autre monde, révolu, mais ô combien vivant par la qualité des clichés. Aux images prises sur le vif ou aux scènes quelquefois composées nous apporterons un commentaire historique et cartophile que nous espérons à la portée de tous. Car le but de cet ouvrage est qu 'il soit ouvert à tous les amoureux du terroir. En feuilletant ce livre et en vous promenant au cours du siècle à travers les rues de Fayl- Billot et de son canton c'est aussi à une cure de jouvence orientée vers le futur que nous vous convions. Sans plus attendre nous vous invitons à une balade au Pays des Vanniers.

Bruno THÉVENY Fayl-B il lot

et son canton

Textes et illustrations anciennes :

BRUNO THÉVENY

DOMINIQUE GUÉNIOT éditeur La chanson du Vannier d'André Theuriet

Brins d'osier, brins d'osier, Courbez-vous, assouplis sous les doigts du vannier Brins d'osier vous serez le lit frêle où la mère Berce un petit enfant aux sons d'un vieux couplet : L'enfant, la lèvre encore toute blanche de lait, S'endort en souriant dans sa couche légère Brins d'osier, brins d'osier Courbez-vous assouplis sous les doigts du vannier Vous serez le panier plein de fraises vermeilles Que les filles s'en vont cueillir dans les taillis Elles rentrent le soir rieuses au logis Et l'odeur des fruits mûrs s'exhale des corbeilles Brins d'osier, brins d'osier Courbez-vous assouplis sous les doigts du vannier Vous serez le grand van où la fermière alerte Fait bondir le froment qu'ont battu les fléaux Tandis qu'à ses côtés des bandes de moineaux Se disputent les grains dont la terre est couverte Brins d'osier, brins d'osier Courbez-vous assouplis sous les doigts du vannier Lorsque s'empourprent les vignes à l'automne André Theuriet (1833- Lorsque les vendangeurs descendront des coteaux Brins d'osier vous lierez les cercles des tonneaux 1907), le célèbre écrivain Où le vin doux rougit les douves et bouillonne et poète, qui a maintes Brins d'osier, brins d'osier fois chanté la beauté de Courbez-vous assouplis sous les doigts du vannier la nature haut-marnaise, Brins d'osier, vous serez la cage où l'oiseau chante particulièrement aux alen- Et la nasse perfide au milieu des roseaux tours d', où il Où la truite, qui monte et file entre deux eaux s'enfonce et tout à coup se débat frémissante fut receveur de 1856 à Brins d'osier, brins d'osier 1859, à travers 16 ouvra- Courbez-vous assouplis sous les doigts du vannier ges consacrés au Pays de Et vous serez aussi, brins d'osier, l'humble claie Langres, a signé une Où, quand le vieux vannier tombe et meurt, on l'étend « Chanson du Vannier » Tout prêt pour le cercueil. Son convoi se répand qui n'a pas été oubliée. Le soir, dans les sentiers où verdit l'oseraie Brins d'osier, brins d'osier Courbez-vous sous les doigts du vannier Fayl-Billot

Un brin d'histoire

Le bourg de Fayl-Billot est situé au route nationale. Il forme la partie la plus sud-est du département de la Haute- importante de l'agglomération, avec son Marne sur la route nationale 19 (ex-route petit centre commercial et ses magasins impériale) qui relie Paris à Bâle, à 24 km incontournables de vannerie. L'ensemble de Langres et 50 de Vesoul. Sa position est agrémenté, précise Henri Ferrand, est très variée. Il s'étend d'abord, en historien de la localité, pendant la forme de fer à cheval dans une plaine, période estivale « d'une décoration florale descend dans un vallon étroit où coule le qui a placé Fayl-Billot au premier rang ruisseau de Louvières qui alimente la des villages fleuris de Champagne- rivière Saulon ou Salon, affluent de la Ardenne ». « Autrefois, ajoute cet ancien Saône, puis remonte jusqu'au sommet du enseignant d'ameublement rotin à l'École coteau opposé. Dans ce sens, il a une de Vannerie, les terres du Fay, avec celles longueur de 13 hectomètres. de Poinson et une partie de celles de Le quartier ancien de Fayl-Billot est Bussières, formaient une enclave celui du « Vau » qui représente le lieu bourguignonne en pays champenois. Par d'origine du village. Le « Haut » du pays sa position au carrefour de quatre est traversé sur toute sa longueur par la provinces, la Champagne, la Bourgogne, la Franche-Comté et la Lorraine, la région un château fort, bâti sur le sommet de la de Fayl-Billot a subi au cours des siècles montagne, vers le xiie siècle, par les diverses influences que l'on remarque seigneurs de Fouvent et détruit environ aujourd'hui encore, dans son architec- trois siècles après, on ne sait à quelle ture ; son habitat et ses traditions... ». occasion. Guy de Châtillon, seigneur de Selon l'Abbé Roussel, auteur du Fayl et de Morey, accorde aux habitants « Dictionnaire Historique des Communes en 1324 une charte d'affranchissement. du Département de la Haute-Marne », En 1448, Philippe-le-Bon, duc de Fayl-Billot semble tirer son nom de fagus, Bourgogne, confirme les privilèges hêtre, vulgairement fayard et de billotus, accordés par ses prédécesseurs aux poteau. Mais ce n'est que depuis 1632 habitants de Fayl-Billot, pour avoir du sel que le surnom de Billot a été ajouté à son à volonté, moyennant une légère taxe. Ce nom primitif de Fayl. Cette petite ville, privilège leur est maintenu par les Rois quoique située dans la Champagne, de France jusqu'à la Révolution. Le dépendait du gouvernement de principal fief de la ville, celui de Fayl, Bourgogne et du bailliage de Dijon, et érigé en baronnie, est possédé succes- était chef-lieu d'un bailliage particulier. sivement par la maison de Châtillon-les- La seigneurie de Fayl-Billot était divisée Dombes, puis par celle de la Baume- en plusieurs fiefs, à savoir ceux de Fayl, Montrevel, d'où il passe à diverses de Montarby, et de Sacquenay. Il y avait familles. Les derniers seigneurs sont les

FAYL-BILLOT. - Vue générale (Est) d'Attricourt. Le droit de justice haute, de la guerre entre la France et la Franche- moyenne et basse, y est attaché. Le signe Comté, Fayl-Billot n'a plus que quelques patibulaire est dressé sur le Mont maisons debout et une centaine d'habi- d'Olivotte. Le baron de Fayl-Billot siège tants... Tous réduits à la misère. L'abbé aux États de Bourgogne. Jusqu'à l'an 900, Roussel témoigne : « leurs bestiaux ayant Fayl-Billot n'a été qu'un village ou un été enlevés par leurs ennemis, les hameau sans importance. Il n'a pas villageois sont obligés eux-mêmes de d'église, et dépend de Charmoy qui s'atteler à la charrue et de la traîner deviendra plus tard sa succursale. La ville comme des bêtes de somme ». Il faut doit sa naissance au prieuré dont l'église, cependant imaginer que les expatriés ont à la fois priorale et paroissiale, sert à eu envie de revenir au pays car en 1659, l'usage des moines et à celui des parois- après la paix officialisée par le Traité des siens. Les prieurs deviennent naturellement Pyrénées, près de 400 personnes de Fayl- les desservants ou les curés de la Billot se rendent en procession à l'église paroisse, jusqu'au XIIe ou xive siècle où le Saint-Mammès de Langres. La ville prieur cesse d'être conventuel. La cure souffre encore de pertes considérables est confiée à un prêtre séculier.. En 1423, avec les incendies de 1668 et de 1687 qui Fayl-Billot compte 320 habitants seule- la consument entièrement. En 1730, Fayl- ment. Mais en 1635, la population est de Billot a 500 feux, soit environ 2 200 1 800 habitants ! Huit ans après, par suite habitants. Ceux-ci, outre la culture de leur riche territoire, font un commerce ment distingué, qui pourra être comparé très étendu de chaises et d'objets de à ce que le diocèse de Langres a de plus vannerie. Déjà ! remarquable en architecture gothique ». L'église paroissiale fut longtemps Bel engouement de l'ecclésiastique pour l'ancienne église priorale. On peut voir qui « cette construction est absolument celle-ci sur la route de Bussières. Elle a nécessaire, l'ancienne église ne contenant l'aspect d'une chapelle avec son fenes- que 500places »... ! trage de style gothique flamboyant Au plan religieux, on peut évoquer encadré d'ornements indiquant l'aube de encore la chapelle Sainte-Anne. Celle-ci la Renaissance (fin xve et XVIe). On y fut fondée au xviie siècle par la pieuse remarque au mur d'entrée la naissance famille des Carbollot, à l'extrémité de la des nefs et des piliers du XIIe... la piscine rue Sainte-Anne. Le chapelain était à la du xve. L'édifice est classé monument nomination des fondateurs et de leur historique. La nouvelle église a été famille. Notre-Dame-de-Liesse en était construite dans le style ogival du XIIIe patronne secondaire. Cette chapelle, siècle. Le conseil municipal de Fayl-Billot entièrement ruinée, fut ensuite remplacée votera sa construction le 10 novembre par une simple croix commémorative. 1852. C'est le projet de l'architecte Il est intéressant aussi de noter qu'en Barbier qui sera retenu. 1730, on fonda à Fayl-Billot un hospice et L'abbé Claude-Jules Briffaut décrit et une école de Filles que l'on donna à commente ce plan ainsi : « Dans son gouverner à trois soeurs de Saint-Charles ensemble, le plan est celui des grandes de Nancy, dont deux devaient soigner les églises en croix latine nettement accusée. malades et l'autre faire la classe. Les croisillons se détachent fortement des L'établissement est créé grâce aux trois nefs qui forment la tige de cette libéralités du curé Renouard et de croix. Le chœur et le sanctuaire en plusieurs riches fayl-billotins. En 1838, on dessinent le sommet, sans offrir de construisit une chapelle sous le titre de la déambulatoire. Les colonnes cylindriques Visitation. sont cantonnées de quatre colonnettes qui Enfin, Fayl-Billot possédait ancien- leur enlèvent leur pesanteur et vont nement une léproserie dont il est fait directement porter les nervures de la mention sous le nom de Maladière que voûte et les arcs-doubleaux. A l'intérieur porte encore la rue où cet établissement de la grande nef règne une galerie à jour. était situé. Cinq grandes fenêtres divisées par un meneau versent dans le sanctuaire une abondante lumière que des verrières L'exécution de Monseigneur Georges historiées doivent tempérer. La flèche, Darboy, en 1871 assise sur le portail, sera bâtie toute en pierre, avec de longues moulures aux Parmi les personnalités originaires de baies du clocher, une balustrade à Fayl-Billot, il nous faut citer en premier nombreuses arcatures, des clochetons et lieu Georges Darboy né en 1813. Après des lucarnes ornées. En un mot, ce plan l'école communale de son bourg natal, il annonce une connaissance approfondie entre en 1827 au Petit séminaire de de l'art au Moyen Age. Sa réalisation Langres, puis au Grand séminaire. Il est dotera la ville de Fayl-Billot d'un monu- ordonné prêtre par Mgr Parisis, le 17 décembre 1836. Après un premier minis- six gardes nationaux fusillés par les tère à Saint-Dizier, c'est à Paris qu'il se « Versaillais », la foule réclame six otages. rend en 1845. Successivement, il sera Parmi les prisonniers, Mgr Darboy, quatre aumônier du lycée Henri IV, chanoine prêtres et le président Bonjean, doyen honoraire de Paris, aumônier de l'École des présidents de la Cour de Cassation Normale Supérieure, évêque de Nancy en sont fusillés, sans jugement, à la prison 1859, puis archevêque de Paris en 1863. de La Roquette, le 24 mai 1871... Mgr Darboy va travailler activement au Le dimanche 23 mai 1971, le centième concile « Vatican 1 » et un discours qu'il anniversaire de l'assassinat de Mgr Darboy prononcera en 1870 sur l'opportunité de est commémoré à Fayl-Billot, sous la l'infaillibilité, sera très écouté des Pères présidence de Mgr Marty, archevêque de conciliaires. Mgr Darboy est un prélat Paris. Une plaque apposée sur la maison peu conformiste. Ses attitudes lui coûtent natale de Mgr Georges Darboy est alors même son chapeau de cardinal que le inaugurée par le Préfet de la Haute- Pape ne lui remettra pas. Peu lui importe. Marne, René Dijoud. Cependant, sans aucun motif, les L'église de Fayl-Billot porte le nom de « communards » l'arrêtent comme « otage » Mgr Darboy ainsi qu'une rue de la le 4 avril 1871. Un échange est envisagé : commune, où se trouve sa maison. Il est Mgr Darboy contre Auguste Blanqui. Les fortement question de rénover celle-ci démarches échoueront. Incarcéré au pour y loger des stagiaires du lycée départ à la Conciergerie, l'Archevêque est agricole. Par ailleurs une procédure de transféré à la prison de Mazas puis à La béatification de Mgr Darboy est en cours Roquette. En représailles de la mort de à Paris.

Capitale de la Vannerie Capitale de la vannerie au début du Schwab et Minot nous permettent aussi siècle jusqu'aux années 30, Fayl-Billot a aujourd'hui de retrouver tout au long de donné naissance à l'édition de moult cet ouvrage la vie commerciale et cartes postales anciennes sur le travail du agricole à Fayl-Billot au début du siècle, rotin et de l'osier. ainsi que dans le canton. L'artisanat donne fréquemment lieu à des thèmes fort nombreux de collections Ce qui fait que depuis, les cartophiles n'ont aucun scrupule à oser l'osier !... de cartes postales anciennes. La vannerie A Fayl-Billot, on cultive l'osier depuis n'échappe pas à la règle avec des clichés magnifiques d'un des meilleurs photogra- plus de trois siècles. phes haut-marnais de ce début de ving- Fayl-Billot est le pays des vanniers. tième siècle, Lucien Merger, merveilleux Vannier ? Un mot désuet s'appliquant témoin de la vie quotidienne dans les jadis à l'ouvrier qui fabriquait les vans cantons de Varennes et Laferté, sur les destinés au triage du grain. Aujourd'hui la bords de l'Amance, mais aussi dans les connotation est quelquefois péjorative, cantons de Neuilly, Bourbonne, Prauthoy, évoquant les bohémiens, si habiles à et Fayl-Billot !... Les éditeurs Raguet, tisser les paniers... Selon l'historien haut-marnais, l'abbé vanniers, en 1830, une soixantaine. En Claude-Jules Briffaut, auteur de « L'Histoire 1836, il n'y avait que 37 hectares d'oseraie de Fayl-Billot et du Canton » en 1860, « il à Fayl-Billot. C'est à cette époque que y avait des vanniers en 1688 à Fayl-Billot commence à apparaître le marchand et en 1713 à Bussières ». On n'en trouve vannier qui est au début un voiturier, un pas auparavant. On pense que cette « roulier », s'en allant par les routes industrie a été apportée dans notre pays vendre ses marchandises à Dijon, capitale vers 1670 par les Ermites de saint Pérégrin, de la Bourgogne, à 80 km de là. En 1860, à Poinson-lès-Fayl, près de Fayl-Billot. La parallèlement au développement du fabrication des chaises, elle, remonterait chemin de fer, il y a 50 hectares d'ose- au xve siècle. Les ermites, sous la houlette raies au Fays et 135 vanniers-osiéristes de Frère Jean-Jacques, fabriquent des qui produisent pour 100 000 francs de corbeilles et les vendent sur le marché de marchandises. On expédie 7 000 bottes Fayl-Billot. A la fin du xviie siècle les d'osier blanc pour 24 000 francs. La valeur vanniers sont une dizaine pour l'ensemble économique totale de l'osier et de la vannerie pour le Fays se monte à cette époque à 200 000 francs selon l'ingénieur agronome Daniel Élouard auteur en 1932 de « L'Osiériculture et la vannerie en Haute-Marne ». En 1872, il y a aussi 230 vanniers à Bussières dont un descendant de vannier signalé en 1713 : Blanchard. La vannerie de Bussières obtient des récompenses dans les expositions indus- trielles de la région, notamment celle de Langres en 1873. L'osiériculture s'élève en Haute-Marne en 1892 à 493 hectares, et atteint les 700 hectares en 1929 ! La création des réseaux ferroviaires dans la seconde moitié du xixe siècle facilite les relations commerciales non seulement à l'intérieur de la France, mais aussi avec les pays étrangers et favorise, par voie de conséquence, l'expansion industrielle en général et le dévelop- pement de la vannerie en particulier. Les marchands-rouliers qui parcourent les FRÈRE JEAN-JACQUES, provinces voisines avec leurs chariots Supérieur des Ermites de S'-PereqrÍn (1670-1676 J. chargés de vannerie, et déballent leurs marchandises sur les foires et les marchés des trois « pays » : Fayl-Billot, Poinson-lès- de la ville, abandonnent petit à petit les Fayl, Bussières-lès-Belmont. Au cours du routes et deviennent des négociants xviiie siècle la progression est très lente. sédentaires. Ils expédient par chemin de La vannerie ne prend son essor qu'au fer, dans toute la France et même à xixe siècle. Elle devient alors, par son l'étranger, les osiers et la vannerie « levée » importance, une véritable industrie. En chez les fabricants. Les transports d'osier 1815, on dénombre une trentaine de et de vannerie se font aussi par voie fluviale depuis le port de Gray sur la fabricants de mannes et de paniers divers Saône. apparaissent à cette époque et avec eux A la fin du xixe siècle la culture de « les faiseurs » de vanneries légères « à l'osier se pratique dans tout le canton de jour ». Fayl-Billot et dans les cantons voisins. Jadis, les oseraies étaient réparties en Presque tous les vanniers produisent cinq parcelles : le Chasseux, le Petit leurs osiers. Les petits agriculteurs et les Moulin, le Grand Moulin, le Revers du manouvriers qui possèdent un petit lopin Bois Banal et le Poirier Durand. Elles sont de terre se lancent aussi dans cette alors divisées en 20 carrés de 11 ares. Les culture qui améliore de façon appréciable osiers cultivés, à côté des variétés typiques leurs revenus. Certains font de la locales, Fragilis bouton plat, Fragilis bouton vannerie pendant l'hiver, principalement aigu, Fragilis Sainte-Reine sont représentés des emballages. par de nombreuses variétés appartenant En 1892, on estime le nombre de aux espèces triandra, viminalis et alba vanniers à près de six cents et la super- et par quelques hybrides dont le ficie des oseraies à cinq cents hectares purpuréa-daphnoides (déjà cité), osier environ. fin, souple et de port régulier. Le salicetum de collection, commencé avant la guerre de 1914, réunit actuellement 80 Deux espèces principales variétés d'osier en provenance de différentes régions osiéricoles françaises et étrangères. Les osiers cultivés depuis toujours dans A la suite de la mécanisation de la la région de Fayl-Billot appartiennent à culture de l'osier et de calculs sérieux de deux espèces principales : « la Saule rouge » et « la Saule grisette » appelées rentabilité, la durée moyenne de l'oseraie ainsi en raison de la couleur de leur s'établit entre 15 et 20 ans selon la variété écorce. La première correspond à la et le terrain porteur. Elle est au début du l'espèce Fragilis et la seconde à l'espèce siècle de 50 ans et même plus, la renta- bilité n'entrant pas en ligne de compte ! Trianda. Ce sont les osiers Fragilis avec La mécanisation de la culture influe sur les trois variétés, bouton aigu, bouton les méthodes de plantation et d'entretien plat et Sainte-Reine qui sont les mieux des oseraies. Le défonçage des vieilles adaptés à la région et les plus répandus. La variété Sainte-Reine a été introduite au oseraies, travail long et pénible pratiqué auparavant à la bêche à deux fers de début du siècle. Elle est très appréciée profondeur, est maintenant exécuté avec pour la fabrication des paniers à jours. une sous-soleuse tractée. La coupe de Aujourd'hui on conseille un hybride, le l'osier, un dur travail avant exécuté à la purpurea-daphnoides qui donne de bons résultats sur les terrains sains et bien serpette, est facilitée par l'utilisation de motofaucheuses et de tracteurs de coupe. drainés. La plantation des osiers se fait par Les premiers pas de la mécanisation bouturage en lignes espacées, autrefois en osiériculture sont faits au début du de 20 à 40 cm, aujourd'hui de 60 à 90 cm pour des raisons d'équilibre de peuple- Carte page suivante : ment et de facilité d'entretien. Jusqu'au L'osier débarrassé de son écorce, on l'exposait toujours au soleil début du XVIIIe siècle, les vanniers fabri- pour le blanchir. L'osier blanc est très sensible à la pluie qui peut le tacher. Ensuite l'osier blanchi est conservé dans un endroit sec et quent principalement des vans, des cabs aéré, aussi obscur que possible, en évitant que les bottes ne et des hottes. Les premiers « mandeliers », reposent directement sur le sol, s'il est en terre.

siècle avec l'invention des machines à d'Allemagne, de Belgique et d'Italie. écorcer l'osier. Le « décorticage », opération Conscients du danger, les vanniers de longue et fatigante qui demande une Fayl-Billot demandent le 7 décembre importante main-d'oeuvre et la mobili- 1884, par l'intermédiaire du Président du sation générale de toute la famille de Comice Agricole, M. Gouget et son l'osiériculteur, est simplifié dorénavant secrétaire René Bottot la création en par la machine. A noter pour l'anecdote France d'écoles professionnelles de que l'école, dont nous allons évoquer les vannerie semblables à celles existant déjà débuts plus loin, a organisé en 1929 à en Autriche, en Hollande et dont l'orga- Fayl-Billot un grand concours de nisation est projetée en Allemagne. C'est « décorticage » qui devait rassembler le 29 septembre 1904 - vingt ans plus plusieurs constructeurs de machines. tard ! - que le Maire de Fayl-Billot, René Tout n'est pas encore parfait aujourd'hui. Bottot, et le Conseil Municipal, à la L'écorçage pèse encore lourdement sur le demande de 400 vanniers, donnent leur prix de revient de l'osier blanc. Il absorbe adhésion la plus complète au projet de une bonne partie des bénéfices réalisés création d'une école professionnelle de sur la production de l'osier vert brut. vannerie à Fayl-Billot. La commune prête Sachez encore que le choix de variétés trois locaux : la salle de réunion attenante bien adaptées à la nature du sol et au à la mairie, une salle de l'hospice (ancien climat, l'apport d'amendements et de ouvroir), une grange pour la préparation fumures parfaitement équilibrées et l'amé- des osiers (devenue plus tard garage du Centre de Secours), ainsi que les oseraies lioration des façons culturelles ont fait nécessaires à l'installation de l'école. On augmenter les rendements des oseraies décide également que les élèves prendront de 30 à 50. Ils varient aujourd'hui de 7 à 18 tonnes d'osiers bruts verts à l'hectare pension chez l'habitant en attendant l'aménagement de locaux d'internat. Le suivant la variété, la richesse du sol et la 5 janvier 1905, le Ministre de l'Agriculture plantation. 100 kg d'osiers verts produisent et député de l'arrondissement de Langres, 25 à 35 kg d'osiers écorcés secs... Léon Mougeot, d'une part, le Ministre du Commerce et de l'Industrie d'autre part, donnent leur agrément aux suggestions Une école en 1905 du Conseil Municipal de Fayl-Billot. Ainsi naît l'École de Vannerie. C'est au xixe siècle que la production Le 15 juin 1906, la ville de Fayl-Billot, commence à se diversifier. On se met à ne pouvant supporter seule les frais de faire des bannetons pour les boulangers, fonctionnement de l'école, (l'État ne des mannes pour les pâtissiers, des prenant à sa charge que les traitements paniers « crocanes » pour les bouchers, du directeur et de deux professeurs) des paniers à beurre, des corbeilles à demande au Ministère de l'Agriculture lessive, des claies, des poussinières, des d'assurer la direction générale de l'École , cageots, des paniers à bois, des casiers à municipale créée l'année précédente, et bouteilles, des berceaux, des fauteuils. Le offre pour l'installation de cette école, le métier se transmet de père en fils. A domaine dit « du Château », à l'empla- partir de 1880, certaines fabrications cement d'un château féodal détruit au traditionnelles sont concurrencées par xive siècle, une partie des terrains des vanneries produites à bas prix dans communaux situés au « Bois Banal », ainsi les prisons, et par des articles importés qu'une participation financière de 80 000F. Le 23 octobre 1907, le décret conjoint - Arrêté du 28 mai 1945 fixant les des Ministres de l'Agriculture, de l'Indus- nouvelles règles de fonctionnement de trie et du Commerce, crée à Fayl-Billot l'école, règles modifiées en 1956 avec la une École Industrielle et Agricole chargée création de nouveaux diplômes. « de former des jeunes gens connaissant la - Arrêté du 31 octobre 1969, transfor- pratique rationnelle de la culture et de la mant l'École nationale d'osiériculture et préparation de l'osier, la fabrication de la de vannerie de Fayl-Billot en « Collège vannerie, l'horticulture, l'aviculture et agricole masculin ». capables de faire progresser ces diverses Ce dernier met fin officiellement à industries». Cette école prend le nom l'existence de l'École de Vannerie. Le d'« École d'Horticulture et de Vannerie ». Collège agricole lui succède avec une En fait, il s'agit de former des artisans double vocation vannière et horticole, ruraux capables de conduire une petite les deux spécialités formant alors deux exploitation agricole familiale (potager, options distinctes. En 1979, le Collège verger, petit élevage) parallèlement à la agricole prend le titre de « Lycée d'Ensei- culture et au travail de l'osier. Cette gnement Professionnel Agricole ». double vocation agricole et industrielle, l'école la conservera jusqu'à sa transfor- mation en Collège agricole en 1969. Un siècle faste : du panier à linge Le régime de l'école subira des au lit de Grace Kelly ! adaptations successives. Les principales étapes en sont les suivantes : - Décret du 4 mai 1912 donnant à Sous l'influence de l'école se dévelop- l'école son titre définitif d'« École pera au fil du temps et du siècle la nationale d'osiériculture et de vannerie », fabrication de vanneries jusque-là peu répandues comme les articles de voyage, et créant le diplôme de l'école. - Arrêté du 28 mai 1915 fixant les les malles, les valises, les paniers à pain, textes applicables au fonctionnement de à linge, et les articles de vannerie fine l'école. réalisés sur des formes en bois, les - Décret du 27 septembre 1920 modi- corbeilles de table, des paniers divers, à fiant la tutelle de l'école et la plaçant pêche, pour fleuristes et confiseurs... Le sous la seule autorité du Ministère de meuble en rotin se développe aussi l'Agriculture. parallèlement. Après la Grande Guerre, l'osier et le rotin connaissent un succès - Décret du 27 mai 1932 octroyant à l'école la personnalité civile et lui inégalé à ce jour. La renommée est interna- accordant par là-même l'autonomie tionale. Plusieurs milliers de personnes financière. Jusqu'à cette date, le directeur vivent de la vannerie. Le volume des gérait pour son propre compte le affaires est estimé en 1929 à 12 millions domaine agricole et l'internat, confor- de francs ! Le nombre de vanniers profes- mément aux statuts particuliers des sionnels est évalué à plus de 800, celui Écoles pratiques d'agriculture régies en des rotiniers à 130 environ (en atelier et « Fermes-écoles ». L'État ne prend alors à à domicile). Malheureusement qui dit 1929 sa charge que les frais d'enseignement, dit aussi « crise ». Cette année amorce le l'entretien des bâtiments scolaires, et les déclin de la vannerie qui s'accélérera de frais de fonctionnement. décennie en décennie. 164 Valleroy 167 172 Les photographes 175 Albert Guillemin 176 Lucien Merger 176 Eugénie Clément 177 Joseph Rallet 178 Lucien Lassalle 178 Félix Raguet 179 Léon Fyot 179 Paul Mongin ...... 181 Bibliographie 183 Remerciements 185 Table des matières ...... 187