Jacques Derouard
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Jacques Derouard MAURICE LEBLANC (1864-1941) EN ATIENDANT ARSENE LUPIN •.. La nouvelle L'Arrestation d'Arséne Lupin paralt en juillet 1905 dans le sais tout, mensuel illustré lancé par Pierre Lafitte, célebre éditeur de la BelleEpoque. Le magazine n'en est qu'a son síxierne numéro, mais se vend déja a pres de 200000 exemplaires. L'auteur de la nouvelle, Mau- rice Leblanc, est un écrivain distingué, auteur de contes et de romaos psychologiques tres fouillés, qui analysent avec finesse les méandres du sentiment. 11 est apprécié par beaucoup de ses confreres. 11 est parfaite- ment inconnu du graod publico Quatre ans plus tard, lorsque L'Aiguille creuse paraít en librairie, Mau- rice Leblanc, devenu «le Conan Doyle francaís ». est connu du Tout- Paris,et Arsene Lupin célebre dans le monde entier. Entre-temps, il y eut la publicité fracassante de Pierre Lafitte, qui mul- tiplia les «Concours Arsene Lupin », n y eut aussi une píece en quatre actes,écrite avec Francis de Croisset. Ellefit se déplacer en foule les Pari- siens, pour qui le gentleman-cambrioleur, pendant des décennies, devait avoir le visage romantique et la distinction native d'André Brulé, comédien aimé du grand publico 11 y eut surtout, ce qu'on oublie trop souvent, le talent de Maurice Leblanc.Un véritable écrivain qui a, plus qu'aucun autre, le sens de la clarté,le don de conter, l'art de décrire. Son ceuvre fourmille de portraits teintés d'ironie, esquissés en quelques lignes suggestives. En veut-on un exemple?Voicil'émouvante héroíne du Mariage d'Arsene Lupin: «Angé- lique était longue et maigre comme son pere, osseuse et seche comme lui. Agéede trente-trois ans, toujours vétue de laine noire, tirnide, effacée, elle avaítune téte trop petite comprirnée a droite et a gauche, et d'oü le nez jaillissaitcomme une protestation contre une pareille exiguíté. » N'est-ce point merveilleux ? L'on ne résistera pas au plaisir de citer aussi le portrait du notaire, maitre Audigat, daos La Femme aux deux ~ourires,«un jeune homme pille, gauche d'aspect, phraseur et timide, epris de poésie et qui jetait négligemment daos la conversation des 1177 1176 MAURICE LEBIANC MAURICE LEBIANC alexandrins spécialement fabriqués par lui, tout en ajoutant : COlll ' , CorneiJIe de Rouen, Maurice fait d'excellentes études classi- rn }.U Iycee ,. I .. orte en 1881, époque de sa «rhétorique », e« prermer pnx dit le poete ». ela es 11rem P " d qu ~ et d'histoire littéraire », et en 1882, a la fin de son annee e Et l'art de la mise en scene ! Voyez maítre Audigat dans l'exercice d d'an yse hie » le « prix d'honneur de dissertatíon francaise ». Le 8 aoüt esa hilosoP , l prafession: « (11) exhiba une boite d'allumettes, en prit une, la frott « P année-Ia, il passe l'oral du baccalauréat, est interragé sur a psy- appracha la flarnme de la premiere des trois bougies; tout cela avecalet de cette. de la pensée et sur l'école d,Alexan d n.e, et d ort. expliquer un s gestes d'un prestidigitateur qui va faire sortir une douzaine de lap.e chOl~g¡deDe vita beata de Séneque . il est recu bachelier avec la mentíon lns d'un chapeau haut de forme. » extralt u ' "assez bien». Cher Maurice Leblanc, qui eut le bon goüt de ne jamais ennuyer u f it rnieux au service militaire, au Xl" régiment d'artiJIerie de Ver- seul de ses innombrables lecteurs ! n Il al l· ·1 bti 1 t saiIles puisque, en 1884, nous apprend son ívret, l o tíent a no e Et puis, surtout, avec Lupin, il eut le don, rare entre tous, de créerun «bien'» aux examens de fin d'année ... mythe. n eut également celui de se renouveler, chose rare aussí dansle Il n'empeche: il ne conserva point un ~eilleur ~ouvenir ?~régiment domaine du raman d'aventures; chacune de ses ceuvres baigne dansun que de l'école; c'est, écrira-t-i~ dan s L,Enthous~asme, « ~ epreuve e.n climat tout a fait différent des autres. Ce renouvellement, ille doít aufait laquelle se résume et s'acheve I ceuvre d oppression que Ion poursuít qu'il eut le génie d'utiliser l'histoire et la géographie non comme de sím, tre nos jeunes années». C'est que, comme sa sceur Georgette, le con . , , tI pIes éléments de décor, de « pittoresque ». mais cornme faisant partiede íeune écrivain, dandy et volontíers anarchisant, Jugera severemen e l'histoire. Songeons a L'Aiguille creuse! Comme avec les plus réussies J ílíeu bourgeois rauennais oü il fut élevé: « Nous fürnes des enfants des aventures de Lupín, La Comtesse de Cagliostro, L'Ile aux trentecero bmiien élevés», écrit-il dans L'Enthousiasme, un raman auto biiographiique. cueils, La Demoiselle aux yeux verts ou La Barre-y-va, Maurice Leblanc Maisil ajoute : « Ce qui ne signifie point des enfants en qui l'on a dé.v:- écrit plus qu'un raman : il crée une légende. loppél'énergie, la volonté, la clairvoyance, l'espr~t d'e~amen, les qualités d'initiatives, mais des enfants qui savent se terur, qui ne se permettent quedes gestes accoutumés, et qui ont déja l'intuition. de ce qui se fait et dece qui ne se fait paso » Il écrit aussi : « On nous enseigna que les usa~es Maurice Leblanc était né a Rouen, en 1864, dans une famiJIe aisée.Son les plus ineptes doivent etre acceptés comme des dogmes. Les corvees pere, négociant en charbon, avait fait, en épousant Blanche Brohyen mondaines sont des religions. On met a les remplir autant de dévotion 1861, un beau mariage : Blanche appartenait a une famiJIe de richestein- qu'a suivre la messe.» turiers, qui fréquentait les notables. L'une de ses tantes avait épouséun cousin d'AchiJIe Flaubert, chirurgien-chef a l'Hótel-Dieu ... ce qui per- Dans ses premiers livres, Maurice dépeint Rouen comme une ville mettra a la famiJIe d'entretenir quelques légendes sur ses relations avec «méfiante et mauvaise », soumise aux préjugés, incapable de généro- l'auteur de Madame Bovary. síté, Il vit son départ pour París, a la fin de 1888, comme une libéra- tíon. Il s'installe 6, rue de Calais, non loin du cabaret du Chat-noir. Il Iusqu'en 1888, date de son départ pour Paris, Maurice a vécu dansla épouse en 1889 Marie-Ernestine Lalanne. Un beau mariage qui lui belle demeure de la famille, dont les hautes fenétres moulurées donnen! permet de s'installer 18, rue Clapeyran, de passer quelques mois sur les grands arbres du jardin Solférino, cadre de ses premiers jeux.n a d'hiver a Nice et l'été sur la cóte normande, a Vaucottes, entre Yport deux sceurs, Iehanne, son ainée d'un peu plus d'un an, et Georgette,.sa et Etretat. cadette de quatre ans. Elle devait, malgré l'opposition de sa famille.fatre une belle carríere de cantatrice. Et il écrit. Son nom apparait pour la premiere fois dans la luxueuse Revueillustrée de mars 1890, avec la nouvelle Le Sauvetage. Elle est carac- Son oncle Achille Grandchamp, négociant lui aussi fortuné, possedea téristiquede ce que sera la « maniere » de Maurice Leblanc, par l'íroníe du Iumieges, pres des ruines de la célebre abbaye, une maison de carnpagne litre,la facon dont elle ménage l'intérét et son dénouement inattendu. oü le jeune Maurice passe ses vacances. nécrira : « Je n' ai pas, au pluspro- fond de ma sensibilité, d'image plus éblouissante et plus impérieu~eq~: Ennovembre 1890, il fait éditer a compte d'auteur, chez Kolb, son pre- celle des ruines de Iumieges.» C'est la qu'il prit goüt a «la beaute de Illierlivre, Des couples, un recueil de contes dédié « au maítre Guy de nature qui se méle aux ruines, et du passé qui s'entrelace au présent»· Maupassant». Le 4 décembre, Le Voleur illustié consacre au livre un 1179 MAURICE LEBIANC 1178 MAURICE LEBIANC . I le Gil BIas donne en feuilleton en décembre 1.897,' long article, spécialement chaleureux pour la nouvelle La Fon voici des alles ., qu~ 1898 est un roman consacré tout entler a Monsieur Fouque: « Elle porte la griffe d'un homme de talent et d' une de u'OllendOrffpubh~ en mars 'aurice ratique depuis longtemps. n Et, düt le mot paraítre bien gros, j'ai pensé en la lisant a l'iranie é~venir. ~ qgloirdee la divin~ bu:CYcCyl~~:e)c~fOndé{~~ :uavril1896 par le journaliste du grand Flaubert. I'ai retrouvé dans Monsieur Fouque cette blaarme ••• ue. de 1'«ArtlS c ' {ait par futu r éditeur de Lupin. froid, ce pince-sans-rire qui était resté a prendre dans l'hérita guea sportifPierre ~afitte, M. Humblot, directeur des éditi?~S Ollendorff, l'auteur de Bouvard et Pécuchet. » ge de Cette annee 1~98, 1 blicité de ses livres. de rédíger son auto- demande a Maunce, pou~ a pu oie cet « instantané » qui le définit assez L'article est signé M. Champimont, pseudonyrne de René Morot l' portrait. Le jeune. r~m;:~~:u::t de Maupassant, dont les conseils lui des me illeurs ami.s duu jieune M'aunce ... ' Un bien: «Compatno e hvsi d'épaules larges. de teint pille, de gestes rent précieux. Au p y~lque, II fut un des premiers a lancer ces {u 'Iégance tres personne e, d lents. D'une ;830 dont on a tant abusé depuis. Sous cet. aspect e mo~- Maurice passe l'été 1892 Vaucottes. Il y fréquente le poete Edmond a joliesmode~ . ant sortant peu, n'aimant París que comme e Haraucourt, auteur du fameux Rondel de l'adieu (<< Partir, e'est mourirun dain, un sohtalre cepe~d '.