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Une cantatrice saintongeaise Anne Charton-Demeur (1824-1892)*

Sans doute il est trop tard pour parler encor d’elle ; Depuis qu’elle n’est plus quinze jours sont passés, Et dans ce pays-ci quinze jours, je le sais, Font d’une mort récente une vieille nouvelle, De quelque nom d’ailleurs que le regret s’appelle, L’homme, par tout pays, en a bien vite assez. (, À la Malibran, Stances)

À l’inverse de la Malibran dont le nom mythique incarne, à lui seul, la diva assoluta, combien d’artistes qui furent illustres en leur temps tombent peu à peu dans un injuste oubli ? Hormis quelques spécialistes, aujourd’hui qui se souvient d’Anne Charton-Demeur ? C’est pourquoi cet article répond à un modeste souhait, celui de rappeler - et en particulier aux Saintongeais, ne serait-ce qu’en évoquant son nom - une femme qui eut son heure de gloire à une époque qui paraît à la fois proche et lointaine, et, le cas échéant, répond peut-être aussi au secret espoir de susciter l’envie, à un chercheur passionné par la musique et par la Saintonge, pour aller plus avant.

Dans le Dictionnaire biographique des Charentais, une courte notice, accompagnée d’une gravure, est réservée à Anne Charton-Demeur donnant un aperçu de ce que purent être la vie et la carrière d’une cantatrice admirée et reconnue parmi les meilleures de son époque1. C’est en remontant aux sources qu’on peut essayer de reconstituer le début d’un parcours qui, malgré quelques indices dans l’enfance et l’adolescence, reste néanmoins lacunaire. Toute histoire ne se fait pas sans documents et en consultant différents ouvrages spécialisés, dictionnaires ou biographies ou encore revues ou journaux - et notamment le Journal des Débats - on prend conscience malgré tout que se dessine, tantôt floue voire contradictoire, tantôt avérée, la carrière d’Anne Charton-Demeur.

C’est grâce à que le nom d’Anne Charton-Demeur n’est pas complètement tombé dans l’oubli. En effet, il apparaît à plusieurs reprises sous la plume du grand compositeur qui fut, pendant près de trente ans, un critique musical - de toute évidence compétent - à la prose originale et caustique. Et cette causticité se manifeste particulièrement dans les feuilletons de « revue musicale » du Journal des Débats ainsi que dans la Correspondance échangée avec ses proches et ses collègues. Dès lors, la succession des documents, composée de ces ressources et du recours aux divers dictionnaires et biographies, permet de suivre l’évolution de ce que put être la carrière d’une cantatrice du XIXe siècle afin de lui redonner la place qu’elle mérite. Le nom d’Anne Charton-Demeur surgit à propos de deux œuvres, parmi les plus importantes de Berlioz : Béatrice et Bénédict, ravissant et incomparable opéra pour lequel elle crée avec succès, en 1862, le rôle de Béatrice et, l’année suivante, Les Troyens à Carthage. C’est pour cela que, encouragé par la réussite de Béatrice et Bénédict et par la performance d’Anne, Berlioz n’hésite pas à faire appel à elle pour interpréter le rôle de Didon dans Les Troyens. Mais ce n’est que la partie Les Troyens à Carthage, de l’œuvre colossale que représente Les Troyens, qui fut donnée, le 4 novembre 1863. Elle était dirigée par le chef d’orchestre du Théâtre-Lyrique, Adolphe Deloffre (1817- 1876). Tant pour l’une que pour l’autre de ces œuvres, les comptes rendus, on le verra, laissent transparaître le talent d’Anne Charton-Demeur dans des rôles magnifiques qui demandent une voix volumineuse, techniquement irréprochable.

1* Toute citation et toute reproduction extraites de ce document doivent se référer à ce dernier (loi du 11 mars 1957 consolidée au 3 juillet 1992). Dictionnaire biographique des Charentais et de ceux qui ont illustré les Charentes, coordination par François Julien- Labruyère, Paris, Le Croît vif, 2005, p. 299. 2

Anne naît à Saujon en Charente-Inférieure (qui deviendra plus tard Charente-Maritime). Son acte de naissance est ainsi libellé :

« Le 5 mars 1824, sur les deux heures du soir [...], est comparu Jacques Charton, ferblantier, âgé de vingt-sept ans demeurant au chef lieu de notre commune, lequel nous a présenté un enfant de sexe féminin, né le trois de ce mois à quatre heures du soir, de son légitime mariage avec Marie David, auquel il a donné le nom de Anne Arsène. Les dites déclaration et présentation faites en présence de Louis Moizant, tailleur d’habits, âgé de trente-sept ans, et de Jean Sorignet père, cordonnier, âgé de soixante quatorze ans. »

Comment une jeune fille, née sous la Restauration dans une bourgade au cœur de la Saintonge, dans un milieu d’artisans - son père est ferblantier - développa-t-elle et affirma-t-elle un talent attesté et célébré par ses contemporains ? Anne fut-elle une petite fille choyée ? D’après les registres de l’État Civil de la ville de Saujon, elle a deux frères aînés, Jean né le 17 août 1821 et Michel, le 8 novembre 1822. Elle est le troisième enfant et c’est une fille. Quand ses parents découvrirent-ils les dons de leur fille ? Peut-être est-ce, comme la grande cantatrice Maria Callas un siècle plus tard, vers l’âge de huit- dix ans. En ce cas, comment contribuèrent-ils à ce que ses dons exceptionnels puissent s’épanouir ? Sont-ils conseillés pour qu’elle soit, à Bordeaux, l’élève de François, dit Léon Bizot (2 février 1801-9 avril 1858) ? Fort connu, ce dernier, à l’issue de la saison 1832, était devenu premier ténor au théâtre de Nantes et avait même été nommé directeur-gérant par la société des artistes. Après divers engagements, de retour à Nantes en 1839-1840, toujours en tant que premier ténor, il devient en outre l’associé du directeur Lemonnier. En 1842-1843, Léon Bizot est engagé à Bordeaux et, suivant la filière traditionnelle, donne des cours de chant. De ce fait, il est légitime qu’en 1842 il contribue aux débuts d’Anne Charton. Selon toute probabilité, en présence des dons d’Anne, il eut certainement à cœur de développer les capacités exceptionnelles de mezzo-soprano dramatique dont elle fait preuve. Des années plus tard, après l’avoir engagée, Berlioz soulignera : « Voilà une voix saine, agile et expressive dans toute son étendue de deux octaves et deux notes (du si aigu jusqu’au sol dièse en dessous des portées) ; voilà une musicienne imperturbable, une âme servie par un délicieux organe ; voilà une cantatrice2. » C’est à Bordeaux qu’Anne fait ses débuts dans Lucia di Lammermoor3. L’historien et critique d’art Léon Roger-Milès (1859-1928), petit-fils de Léon Bizot, laissera une Correspondance passionnante dans laquelle on retrouve des lettres adressées à son grand-père par l’illustre ténor Gilbert Duprez (1806-1896). Léon Bizot fut le condisciple de Gilbert Duprez et peut-être même son répétiteur, lors de leurs études musicales à Paris. Gilbert Duprez lancera le fameux contre-ut qui le rendit célèbre. Musset prétendait que « Duprez chante comme un lion »4. Comme d’autres chanteurs renommés, Gilbert Duprez enseigne et forme des cantatrices telle la cantatrice Caroline Miolan-Carvalho (1827-1895), soprano lyrique fort en vogue et interprète privilégiée de , contemporaine d’Anne Charton. Nous verrons qu’elles partagèrent même l’affiche. Gilbert Duprez put-il contribuer à lancer la carrière d’Anne Charton puisqu’il connaissait bien Léon Bizot qui, vers 1846-47, était revenu s’installer à Paris pour devenir en 1853 maître des études au Conservatoire de musique religieuse ? Est-ce Gilbert Duprez qui, après l’excellente interprétation - originelle - de Lucia di Lammermoor en 1842 au Grand Théâtre de Bordeaux, probablement suivie en 1843-1844 d’autres représentations à Bordeaux et peut-être à Toulouse, conseille et appuie Anne qui était arrivée à Paris ? Lui recommande-t-il d’aller voir Daniel Auber (1782-1871), prolifique et distingué compositeur dont il avait interprété avec un succès extraordinaire l’opéra, ? En effet, en juin 1847, ce dernier écrit à son ami Eugène Scribe (1791-1861), auteur et librettiste fécond qui a beaucoup travaillé avec le compositeur, qu’Anne se présenta chez lui deux années auparavant, donc en 1845 : « On va nous jouer Actéon après cinq ou

2 « Feuilleton du Journal des Débats », 3 septembre 1863. Voir pour les « Feuilletons du Journal des Débats » : Site Hector Berlioz, créé par Michel Austin et Monir Tayeb, qu’on peut consulter sur Internet. 3 La Grande Encyclopédie, inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, Paris, Lamirault, 1885-1902, 31 vol., qui fait naître Anne Charton en 1827, indique qu’elle était « à peine âgée de seize ans », cf. t. 10, p. 818-819. Or, en 1842, Anne avait dix-huit ans. 4 Alfred de Musset, « Débuts de Mademoiselle Pauline Garcia », Revue des Deux Mondes, 1er novembre 1839, t. 20. 3 six répétitions. Ah ! j’oubliais de vous parler de Mademoiselle Charton qui a très fort réussi à l’Opéra- Comique, et que les abonnés ont adoptée dès le premier jour. Je me suis rappelée qu’elle était venue me voir chez moi il y a deux ans, et j’avais trouvé de l’avenir en elle5. »

C’est certainement après son passage à Paris qu’Anne est engagée, de 1845 à 1847, au Théâtre de à Bruxelles en tant que première chanteuse et « forte seconde en tous genres ». Elle y interprète, le 21 mai 1845, le rôle de Catarina dans Les Diamants de la couronne de Daniel Auber. Ce dernier, ayant « trouvé de l’avenir en elle », est-il intervenu dans son engagement ? Toujours est-il qu’en juin-juillet 1845, elle part en tournée à Londres avec le Théâtre de la Monnaie et chante coup sur coup, le 19 et le 21 juin à Covent Garden, Catarina dans Les Diamants de la couronne. En mai 1846, le Théâtre de la Monnaie organise une deuxième tournée à Londres mais cette fois Anne se produit à Drury Lane. Est-ce à ce moment qu’elle interprète Angèle dans de Daniel Auber et triomphe, le 18 juillet, dans Le Postillon de Longjumeau d’ (1803- 1856), dans le rôle de Madeleine ? À ces rôles, associe-t-elle aussi celui d’Eudoxia dans l’opéra de Jacques-Fromental Halévy (1799-1862), La Juive ? De toute évidence, Anne s’est fait une place et, le 11 novembre 1846 à Bruxelles, la représentation Le Lac des fées, opéra de Daniel Auber, a lieu au bénéfice de Mlle Charton.

En 1847, elle revient à Paris et interprète, le 1er juin à l’Opéra-Comique, le rôle de la reine dans Ne touchez pas à la reine de Xavier Boisselot (1811-1893) sur un livret de Scribe ; en juin elle chante une fois encore Angèle dans Le Domino noir d’Auber et Scribe et en décembre Zerline dans d’Auber et Scribe. En janvier 1848 toujours à l’Opéra-Comique, elle remplace au pied levé la soprano Louise Lavoye, souffrante, dans le rôle-titre de Haydée, encore une œuvre d’Auber et de Scribe. Dès lors, on comprend mieux pourquoi Auber écrit à Scribe, à la même époque, que « Mademoiselle Charton [...] a très fort réussi à l’Opéra-Comique, et que les abonnés [l’]ont adoptée dès le premier jour. » La carrière d’Anne Charton est bel et bien lancée et, à partir de fin 1847, semble s’accélérer. Cette année 1847 se révèle faste et probablement essentielle pour sa carrière car elle épouse, le 4 septembre, le flûtiste belge Jules-Antoine Demeur, premier flûtiste au Théâtre de la Monnaie. Est-ce lors de la première tournée de La Monnaie à Londres, en juin 1845, quelques jours après les débuts d’Anne à Bruxelles, ou lors de la deuxième tournée, à partir de mai 1846, qu’ils lient connaissance et s’apprécient6 ? Quoi qu’il en soit, ils se marient et Anne s’appelle désormais Anne Charton-Demeur joignant, comme d’autres cantatrices contemporaines, son patronyme au nom de son mari ? Jules Demeur est un excellent flûtiste et a publié, apparemment avant son mariage, des ouvrages ayant trait à la flûte - l’un des premiers instruments de musique dans l’histoire de l’humanité - et de son importance dans les œuvres qu’il étudie7. Il est né à Hodimont-lez-Verviers, le 23 septembre 1814, et meurt à Paris le 21 août 1882 à 22 heures, à son domicile 5 rue de Vienne, dans le huitième arrondissement. Sur l’acte de décès, enregistré le 22 août à « trois heures du soir », curieusement Jules-Antoine devient Jules Alexandre8. La nécrologie de la revue Le Ménestrel précise que Jules Demeur, « mari de l’éminente

5 Une note précise : « Anne Charton-Demeur (1824-1892) eut beaucoup de succès à Londres, où elle créa, entre autres, le rôle d’Eudoxia dans La Juive en 1846 et où elle chanta Angèle dans Le Domino noir. Elle interpréta également Catarina dans Les Diamants de la couronne au St James Theatre à Londres. Elle chante encore à l’Opéra-Comique en 1849 et à partir de 1853. » Cf. Correspondance d’Eugène Scribe et de Daniel-François-Esprit Auber, publiée par Herbert Schneider éditions Mardaga, Liège, 1998, Lettre 19 : Auber à Scribe 24 juin 1847, p. 62 et 63. Actéon est un opéra-comique d’Auber, livret par Scribe, créé le 23 janvier 1836 à l’Opéra-Comique. 6 À ce sujet voir, d’une part la Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique, par F.-G. Fétis, Paris, Firmin Didot, 8 vol., 2e édition, 1866-1868, t. 2 1867, p. 465, d’autre part, The Grove Book of Singers, publié par Laura Macy, Oxford University Press, 2008, qui souligne : « At Drury Lane she met the Belgian flautist Jules-Antoine Demeur », p. 84 et 85. 7 Jules Demeur, Fantaisie et variations pour la flûte : avec accompagnement de piano sur des motifs favoris de l’opéra La Figurante, musique de L. Clapisson, op. 1, Bruxelles, Lahou, [ca 1840] ; Fantaisie pour la flûte : avec accompagnement de piano forte sur des motifs de l’opéra La Somnambule de Bellini, op. 2, Bruxelles, Lahou, [ca 1840]. 8 Merci à Luc Bourrousse d’avoir communiqué l’acte de décès ainsi libellé : « L’An mil huit cent quatre vingt deux, le vingt deux août à trois heures du soir. Acte de décès de Jules Alexandre Demeur âgé de soixante sept ans, propriétaire né à Verviers (Belgique) décédé en son domicile rue de Vienne 5, le vingt et un août courant à dix heures du soir. Fils de père et 4 cantatrice Mme Charton [...] avant de s’éclipser volontairement dans le rayonnement [de son épouse] s’était fait lui-même un beau nom de virtuose car c’était un flûtiste des plus brillants. [...] [Il] est inhumé au cimetière de Saint-Augustin »9. Cette notice, tout en soulignant la célébrité de « l’éminente cantatrice », n’omet pas de mettre l’accent sur la volontaire éclipse d’un flûtiste brillant, éclipse qui, cela va de soi, permit au talent de son épouse de pleinement se révéler. En effet, plusieurs biographies relèvent que, dès son mariage, Jules-Antoine Demeur, certainement lucide devant les dons réels de sa femme et les promesses entrevues, avait décidé de donner « sa démission de professeur au Conservatoire [et de premier flûtiste au Théâtre de la Monnaie], dans le but de voyager [avec elle et de la suivre] dans les villes principales de la France, dans les pays étrangers, et en dernier lieu en Amérique10. » Et effectivement, ils vont voyager. De Bruxelles à Londres mais aussi au gré des propositions, qu’elles soient de Paris ou qu’elles viennent de province - du midi ou du nord de la France - Anne chante et, comme tous les artistes lyriques qui ont un nom à Paris, se déplace pour honorer des contrats sur ces scènes théâtrales de province aussi renommées pour la carrière d’un artiste que celles de Paris. Ainsi à Douai, son passage est relaté dans les annales de la ville : « Le 4 juin 1848, reprise de [Meyerbeer], deux grands noms du chant français étaient à l’affiche ; le personnage d’Isabelle était interprété par Anne Charton-Demeur et Levasseur chantait le rôle de Bertram »11.

En 1848, Anne a vingt-quatre ans, l’âge de prouver ce que l’on sait et peut faire. Diva assoluta, elle ne le sera pas comme une Malibran qui, d’après les témoignages des contemporains (Musset ou , entre autres), dégageait sur la scène un magnétisme extraordinaire et envoûtant. Elle n’égalera pas non plus la grande cantatrice Pauline Viardot, jeune sœur de la Malibran. Cependant, elle accède au niveau envié d’une prima donna recherchée interprétant les grands rôles du répertoire dans les œuvres de Mozart, Weber, Bellini, Donizetti, Rossini. Devenu en quelque sorte l’impresario de sa femme, Jules Demeur s’attache à la guider dans ses choix. Bien que les repères chronologiques soient imprécis, diverses références permettent toutefois de suivre une carrière commencée avec un incontestable éclat et font mention, tant en France qu’à l’étranger, de l’afflux des engagements. Ainsi, à partir de 1849 jusque, semble-t-il, en 1851-52, Anne fait des apparitions remarquées à Londres et chante en tant que première cantatrice12 au St. James Theatre dirigé, depuis 1842, par John Mitchell qui produit principalement des œuvres françaises jouées par les plus grands artistes (comédiens et chanteurs) français de l’époque. En ce XIXe siècle, comme Paris, Bruxelles, Vienne ou Berlin, Londres est une des grandes capitales de la musique. Berlioz le répète et l’écrit à plusieurs reprises dans le feuilleton du Journal des Débats : « Il n’y a pas de ville au monde, j’en suis convaincu, où l’on consomme autant de musique qu’à Londres »13. Ville vouée au culte de la musique, Londres accueille, selon une longue tradition, de grands compositeurs. Au XVIIIe siècle, en 1710, Haendel vient et, à partir de 1712, s’y établit jusqu’à sa mort en 1759. En 1763, Mozart, enfant prodige, s’y produit ; en 1791 et en 1794, Haydn fait deux visites ; au XIXe siècle, pour répondre à la commande faite en 1817 par la Royal Philharmonic Society de Londres, Beethoven écrit sa neuvième symphonie. Enfin, Carl Weber y meurt après avoir fait représenter son dernier opéra, Oberon14. mère dont les noms ne nous sont pas connus. Epoux de Anne Arsène Charton âgée de cinquante sept ans, propriétaire, demeurant rue de Vienne 5. Dressé par nous Antoine Reynal, Adjoint au maire, officier de l’état civil du huitième arrondissement de Paris, officier d’académie sur la déclaration de Gustave Labat, âgé de vingt six ans, employé, demeurant à Paris rue de Vienne 5, voisin du défunt, et de Ferdinand Dreux, âgé de quarante huit ans, concierge demeurant à Paris rue du Havre 11 non parent du défunt, qui ont signé avec nous après lecture. » 9 Le Ménestrel, dimanche 27 août 1882, n° 39. 10 Au sujet de la biographie d’Anne Charton-Demeur, voir la Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique, op.cit., t. 2 1867, p. 465, et, pour plus amples informations, The Grove Book of Opera Singers qui précise : « [He] gave up this position of first flute at the Théâtre de la Monnaie to travel with his wife on her engagements. » op.cit., p. 84 et 85. 11 Guy Gosselin, L’Âge d’or de la vie musicale à Douai : 1800-1850, Liège, Mardaga, 1994, p. 91 et 105. 12 The Grove Book of Opera Singers, op.cit., « [...] leading female singer for Mitchell’s French company at St James’s Theatre, London. » 13 « Feuilleton du Journal des Débats », Site Hector Berlioz, op.cit., 29 juillet 1851, p. 2, et 26 juillet 1853, p. 2. 14 Ibid., cf. la Présentation « Berlioz à Londres ». 5 6

Beaucoup de cantatrices y font des débuts éclatants et durables. En 1825, la Malibran puis, en 1839, sa jeune sœur Pauline Viardot voient leur carrière prendre une dimension internationale. Même si, de nos jours, Anne Charton-Demeur n’a plus leur rayonnante célébrité fondée sur leur talent, elle n’échappe pas cependant à ce parcours et donnera de nombreux concerts à Londres. C’est dans la première quinzaine de juin 1851, lors de son deuxième séjour que Berlioz entend pour la première fois Anne Charton-Demeur au concert de la Société philharmonique. Elle chante « la grande scène » de l’opéra Le Freischütz de Weber, certainement avec Fidelio de Beethoven, le plus grand opéra romantique allemand qui impose et exige une interprétation parfaite. Critique à l’affût, l’esprit en alerte et la réflexion avivée, il écrit dans le Journal des Débats, le 1er juillet 1851, une « lettre » dans laquelle il relate la vie musicale londonienne telle qu’il la voit. Il s’y étonne grandement de constater que les deux principaux théâtres lyriques, pour lui « les seuls qui existent maintenant » - le Théâtre de la Reine et Covent-Garden - se fassent une guerre sans merci, « guerre d’intérêts et d’amour-propre, âpre et acharnée. On combat pied contre pied, poitrine contre poitrine, à coups de dive et de premiers ténors, bourrés de guinées à double charge », déplore-t-il non sans ironie. Il arrive que la même œuvre soit représentée le même jour aux mêmes heures. Berlioz s’élève contre cette rivalité qui ne peut que nuire aux œuvres et aux interprètes. En conclusion, il mentionne Anne Charton-Demeur qui lui a fait forte impression :

Je ne puis finir cependant [...] sans vous parler de l’ovation reçue par Mme Charton-Demeur au dernier concert de la Société Philharmonique. Elle y a chanté la grande scène du Freyschütz avec une largeur de style, une sensibilité, un élan dramatique, une sûreté d’intonations, et une fidélité qui lui ont valu, avec les applaudissemens de l’auditoire, les suffrages de tous les vrais artistes, étonnés d’entendre si bien rendu un morceau célèbre qui l’est ordinairement si mal. Mme Charton a beaucoup gagné depuis son départ de Paris : sa méthode est plus correcte, sa voix plus pleine et plus ductile. C’est enfin aujourd’hui une cantatrice remarquable, qui peut réussir dans le style passionné tout aussi bien que dans le style léger et orné. Il est au moins singulier que nous en soyons privés à Paris15.

Sur sa lancée, après le succès obtenu dans Le Freischütz, Anne interprète, le 27 juillet 1852, Amina dans La Somnambula de Bellini. Ensuite, Marseille la réclame pour interpréter, le 1er septembre 1852, le rôle d’Anna dans l’opéra de Boieldieu, La Dame blanche, et le 16 novembre donner un concert-audition du nouvel album de romances d’Etienne Arnaud. En mars 1853, elle interprète Madelon dans Madelon de Bazin. En août 1853, c’est Aix-les-Bains qui s’honore de sa présence.

Signe tangible de la réussite, la carrière d’Anne Charton-Demeur, auréolée de triomphes mérités, se poursuit à l’étranger avec de fabuleux contrats. De 1854 à 1856, elle est engagée au Théâtre impérial de Rio de Janeiro et, en avril 1854, interprète Lucia di Lammermoor, en novembre Elvira dans I Puritani et Leonora dans Il Trovatore. Le 2 décembre, elle interprète le rôle d’Alice dans Robert le Diable. Puis elle chante Violetta dans La Traviata et Gilda dans Rigoletto. C’est étourdissant et les salles croulent sous les applaudissements, si l’on en croit Berlioz très au fait, de par son métier de compositeur et de par son rôle de critique, de la carrière des musiciens et chanteurs : « Mme Charton-Demeure [sic] [...] obtient en ce moment au Grand-Opéra de Rio des succès fabuleux, des ovations tropicales. A chacune de ses représentations, la scène est couverte de fleurs, la cantatrice est rappelée jusqu’à dix fois dans la soirée ; les acclamations, les conduites aux flambeaux, les sérénades, les cadeaux somptueux, rien ne manque à son triomphe. A la dernière représentation du Trovatore de Verdi, l’impératrice du Brésil a jeté son bouquet à Mme Charton, et le public a acclamé à la fois et l’heureuse artiste et l’à-propos de cette gracieuseté impériale. Voilà comment les choses se passent là-bas. Je ne m’étonne plus que tant de chanteurs d’Europe cherchent à faire brésilier leur engagement16. »

Désormais, Anne est devenue une cantatrice qui compte et le tourbillon impétueux des engagements et séjours dans les grandes capitales a commencé. Après Rio, les propositions se succèdent. Elle revient à Londres en avril-juin 1856 pour rejoindre la France où elle se produit, en

15 Ibid., « Feuilleton du Journal des Débats », 1er juillet 1851, p. 1 et 2. Der Freyschütz, célèbre opéra de (1786-1826) qui influença grandement les compositeurs - dont Berlioz. 16 Ibid., site Hector Berlioz, 25 novembre 1854, p. 2. 7 octobre de la même année, au Grand Théâtre de Marseille dans Il Trovatore. Il semble qu’en 1856, elle réponde aussi à un engagement au Theatro Reale à Turin pour incarner Amina dans La Somnambula. De 1856 à 1860, Vienne, ville où elle est fort appréciée, la réclame régulièrement pour la saison d’avril à juin pour interpréter les grands rôles du répertoire : La Traviata, Lucia di Lammermoor, La Somnambula, Il Barbiere di Siviglia, Le Nozze di Figaro, Don Juan, L’Elisir d’amore, Don Pasquale, Il Matrimonio segreto. À la saison d’avril-juin 1859, en un trimestre, elle donne vingt et une représentations. Et en ces années, elle passe régulièrement la saison d’hiver à Saint-Pétersbourg pour paraître dans les mêmes opéras Sa voix d’une grande ampleur lui permet d’interpréter les rôles prestigieux, ce qui explique ses multiples engagements... et ses cachets. Berlioz suit cette carrière de près et ne peut s’empêcher de glisser quelques remarques malicieuses sur les succès bien rémunérés des divas. Ainsi, « Mme Lagrange, la célèbre cantatrice à la voix agile comme la flûte de Dorus17, vient de s’en aller au Brésil où elle devra chanter pendant trois ans entiers pour la somme d’un misérable million ! un million !! un seul !!! » Pourquoi Mme Lagrange a-t-elle accepté ce mirifique contrat, matérialisé par la savante progression des points d’exclamation qui dose l’importance de la somme ? Par « dépit : elle désespérait d’entrer au Théâtre-Lyrique ! » Mordant, Berlioz ponctue : « La même raison fit prendre le même parti, il y a deux ou trois ans, à Mme Charton-Demeur, dont le talent est si distingué, si riche, si original. » C’est donc à la suite d’Anne que Mme Lagrange part ! À son retour en France, Mme Lagrange a-t-elle acheté comme Madame Charton-Demeur un « pauvre petit château à Ville-d’Avray, près de Paris, dont je ne donnerais certainement pas quatre cent mille francs, » raille Berlioz avant de terminer : « Heureusement, après ses récens triomphes au Théâtre-Italien de Vienne, l’empereur d’Autriche l’a nommée [Anne Charton-Demeur] cantatrice de sa chambre, et M. Bénazet vient de l’engager pour le festival qui aura lieu à Bade le 27 août. De telles distinctions sont faites pour consoler de bien des peines18. » Ce bilan facétieux souligne l’intérêt que Berlioz porte à Anne qu’il a fait engager au festival de Baden-Baden pour chanter, le 27 août 1858, la partie de contralto dans Roméo et Juliette, comme on le sait, symphonie dramatique du compositeur. Le 25 août, il écrit à sa sœur Adèle qu’il est « venu à bout de monter » Roméo et Juliette, et il ajoute : « Ma chanteuse qui arrive ce soir, chante très bien les strophes : Heureux enfants aux cœurs de flamme Liés d’amour par le hasard D’un seul regard ! Je les lui ai fait répéter à Paris, » précise-t-il19. « La chanteuse » n’a vraisemblablement pas encore conscience qu’en mettant son talent - et son amitié - au service du grand compositeur celui-ci lui offrira la possibilité de créer les rôles de deux parmi les plus beaux opéras de son œuvre, créations qui immortaliseront le nom d’Anne Charton-Demeur ?

Pour l’heure, après son séjour à Baden-Baden, de concert en festival « fatiguée d’une longue et pénible carrière [...] pleine de joie de ne plus chanter », elle essaie de se reposer dans sa maison de Ville-d’Avray. Mais, d’après le Journal des Débats du 8 novembre 1858, une dépêche arrive lui proposant de venir à Trieste. Contrariée, la diva demande « une somme folle, absurde [pensant que] l’impresario refusera et [qu’elle] restera. Mais la réponse aussitôt renvoyée, on accepte l’absurde proposition, la somme folle est accordée. » Il paraît que sous « une tempête d’applaudissemens, de brava ! bravissima ! Eviva la Charton ! quella farà furore, fanatismo ! [...] il a fallu chanter trois fois par semaine la Lucia. Pas d’autre rôle, dit encore à cette heure le public de Trieste. « No ! Lucia ! sempre Lucia ! Lucia for ever ! » crient les dilettanti qui savent l’anglais20. » Cette information provient, bien entendu, de la même source et de la même plume primesautière et pleine de vivacité sur la vie musicale contemporaine et ses us et coutumes. La réprobation ironique et acérée de Berlioz glisse imperceptiblement de l’individualisation vers la globalisation des mœurs spécifiques à l’activité musicale, surtout celles touchant à l’art lyrique.

17 Louis Dorus (1813-1896). Berlioz connaissait le célèbre flûtiste qui fut le premier à utiliser la flûte traversière. 18 « Feuilleton du Journal des Débats », Site Hector Berlioz, op.cit., 20 juillet 1858. 19 Ibid., Lettre à sa sœur Adèle, 25 août 1858, Bade, lettre n° 2307 20 Ibid., « Feuilleton du Journal des Débats », 8 novembre 1858. 8

Activité musicale qui se déploie davantage en fonction des rétributions que du talent : l’argent doit-il être le moteur de l’art et l’instigateur du talent ? Ne pèse-t-il pas de tout son poids alors que l’important devrait être de pouvoir garder la liberté de choix. Pour Berlioz, cette question fondamentale est toujours présente, lui qui écrivait dès 1830 : « En musique comme en littérature, que l’indépendance de la pensée soit le principe de toutes choses. Laissez les consciences affranchies de toute espèce de joug, et ne vous faites pas un monopole que nul n’a le droit de posséder. Liberté ! que ce mot soit sacré pour tous21. » Ce conflit personnel entre l’idée que le compositeur se fait de l’Art et les moyens de le servir, entre idéal et contingences matérielles, ne transparaît-il pas à travers les propos mordants concernant les engagements d’Anne Charton-Demeur ? Or, de plus en plus sollicitée, imperturbable, Anne chante et la ronde fantastique des engagements continuent. En 1861, le Theatro Real de Madrid la réclame, ensuite encore et toujours la saison d’hiver à Saint-Pétersbourg. Les remarques facétieuses sur les propositions qu’elle reçoit... et accepte, se multiplient. Berlioz relève, note, et continue à tempêter, non sans arrière-pensée car vraisemblablement il a déjà entrevu la possibilité de l’engager. Acerbe, il souligne, le 3 juillet 1861 : « Voici les Américains qui, par l’entremise de M. Ulman, le Barnum du jour, nous enlèvent Mme Charton-Demeur. Oui, la charmante cantatrice à la voix de velours va partir pour les Etats-désunis ; on lui assure des sommes folles, mais qu’il est toujours bon d’accepter des pays étrangers, quand dans son propre pays on ne peut en obtenir de raisonnables. » C’est que « la voix de velours » intéresse de plus en plus un compositeur à la recherche d’une cantatrice capable d’interpréter le rôle de Béatrice dans l’opéra qu’il vient de terminer. Dans une lettre à sa sœur Adèle, le 28 mai 1858, Berlioz lui explique que, depuis mai 1858, Bénazet, directeur du festival de Bade, l’avait sollicité pour composer « un petit opéra pour l’ouverture d’un théâtre » qu’il voulait faire construire et qui devait être inauguré en août 1860. Réticent, Berlioz avait abandonné cette idée mais se laisse peu à peu convaincre et, à partir de 1861, se met au travail pour écrire rapidement le délicieux opéra, Béatrice et Bénédict, inspiré de l’œuvre de Shakespeare Beaucoup de bruit pour rien. Fin 1861, il l’a enfin terminé.

Dès fin septembre 1861, Berlioz a trouvé sa Béatrice et l’écrit à sa nièce Nanci Suat, le 1er octobre : « J’ai engagé dernièrement une admirable et charmante cantatrice pour mon rôle de Béatrice (dans le petit opéra). C’est Mme Charton-Demeur. Elle allait partir pour l’Amérique, mais les événements de la guerre entre les Etats Désunis lui ont permis de rompre son engagement; et je l’ai prise au vol pour notre opéra de Bade. Demain mercredi elle viendra avec son mari et sa sœur nous trouver à St Germain où M. Delaroche donne un dîner festivalesque. Mme Demeur est déjà en train d’apprendre son rôle qui est entièrement fini. Et l’Opéra idiot qui n’engage pas une telle virtuose ! [...] Mme Demeur ne fait pas la diva, elle chante comme je veux ; et son mari me dit toujours : grondez-la, ne vous gênez pas, dites-lui bien ses vérités. Ce que je ferais en tout cas sans permission22. » Le 21 décembre 1861, il ne peut s’empêcher de laisser transparaître son admiration pour sa future interprète qui vient de donner un concert à Sèvres « au bénéfice des pauvres. Jamais voix pareille unie à une telle méthode n’avait été entendue en pareil lieu. L’air de « Grâce » de Robert, le duo du Maître de Chapelle, dans lequel l’éminente virtuose a été bien secondée par M. Géraldy, ont surtout enthousiasmé les nombreux amateurs réunis à la mairie de Sèvres ce jour-là . Aussi la belle châtelaine de Ville-d’Avray a-t-elle été accablée d’applaudissemens d’abord, de prose et de vers ensuite, et à la sortie du concert eût-on à coup sûr dételé ses chevaux si, en voisine sans prétentions, elle ne fût venue à pied. » Anne n’est donc pas partie et a appris son rôle. Depuis le mois de février 1862, Berlioz rapporte à son fils Louis que les répétitions ont lieu « tous les mardis » à son domicile23. Mais si Anne répète, elle doit également faire face à ses contrats, qui, en cette année 1862, continuent à se bousculer. Outre des engagements à Bordeaux, Nantes et Limoges, elle a reçu une proposition, accompagnée à la

21 « Variétés : le romantisme en musique », Revue musicale, mars 1830. 22 Site Hector Berlioz, À sa nièce Nanci Suat, 1er octobre 1861, Paris, Lettre n° 2575. Relevons que Berlioz évoque « son mari et sa sœur ». Est-ce une sœur d’Anne car, après sa naissance en 1824, il semble délicat de retrouver des traces de la famille Charton à Saujon ? 23 Ibid., « [...] nous répétons chez moi tous les mardis Béatrice, qui paraîtra au théâtre de Bade le 6 août [...] ». 16 mars 1862, Paris, Lettre n° 2598. 9 clé d’un cachet fabuleux pour chanter « l’opéra italien au théâtre de la Havane pendant quatre mois et demi, à partir de septembre prochain, et M. Maretzeck, impresario dudit théâtre, paiera à Mme Charton-Demeur quatre-vingt-cinq mille francs et ses frais de voyage », signale Berlioz. En outre, en ce début d’année 1862, elle a été engagée au Théâtre-Italien pour interpréter, avec le ténor Tamberlick, le rôle de Desdemona dans Otello [Rossini]24. Incontestable depuis des années, à Londres, Vienne ou Saint-Petersbourg, sa carrière se confirme à Paris. Paul Scudo, redoutable critique de la Revue des Deux Mondes qui ne manque pas un spectacle, surtout au Théâtre-Italien, rend compte de la prestation du ténor Tamberlick qu’il admire, et du même coup témoigne, avec une condescendance confondante, de la prestation d’Anne dans le rôle de Desdémone :

M. Tamberlick a été secondé dans Otello par une nouvelle Desdemona dont le nom nous était plus connu que le talent. Née à Bordeaux, élevée au , Mme Charton-Demeure [sic] a essayé ses premiers pas dans la carrière dramatique au théâtre de Bruxelles ; puis elle est venue à l’Opéra-Comique, où elle n’est pas restée longtemps, et s’en est allée où s’en vont maintenant un grand nombre de cantatrices françaises : elle a parcouru le monde et brillé longtemps au Brésil. C’est une cantatrice agréable, dont la voix de mezzo- soprano est vigoureuse, étendue et assez bien exercée. Elle chante avec élan, avec passion, en dépassant quelquefois la mesure de la vérité. On voit bien que Mme Charton-Demeure a vécu longtemps loin de Paris, et qu’elle a eu à plaire à un public plus indulgent encore que celui du Théâtre-Italien. Si Mme Charton-Demeure reste quelque temps parmi nous, elle y apprendra peut-être à modérer son zèle, à tempérer son style, et à ne pas confondre la musique des grands maîtres avec les opéras contemporains25.

Malgré cette absence d’enthousiasme, le succès remporté dans Otello ne fait pas de doute. Anne peut envisager sans crainte de chanter le rôle de Béatrice, Berlioz sait qu’elle le servira avec talent et l’affirme dans une lettre à Liszt, le 19 juillet 1862 : « Tu me souhaites des chanteurs intelligents; ceux dont je dispose le sont en général, et j’aurais tort de me plaindre. Mme Charton- Demeur est à coup sûr la meilleure cantatrice que nous ayons en ce moment en France. Elle a obtenu cet hiver un très beau succès dans la Desdemona au théâtre Italien. On annonçait qu’elle allait être engagée à l’Opéra; puis il n’en [a] plus été question, faute d’argent dit-on. Elle va partir pour la Havane où l’appelle un de ces engagements fous comme on en fait maintenant (85.000 pour 4 mois); et j’ai été trop heureux de la prendre au vol pour les 15 jours de Bade. C’est la Béatrice; elle est dans ce rôle si difficile charmante de tout point. »

Le 9 août 1862, le triomphe de Béatrice et Bénédicte est éclatant et la création d’Anne fait sensation. Dès le 10 août, les lettres envoyées à son fils et au mari de sa nièce, Marc Suat, reflètent la joie de Berlioz : « Grand succès ! Béatrice a été applaudie d’un bout à l’autre [...]. Madame Charton- Demeur a été admirablement charmante, et Montaubry nous a présenté un Bénédict élégant et distingué. » Le compositeur est heureux et ne tarit pas d’éloges : « On m’a rappelé je ne sais combien de fois. Tout a bien marché; Mme Charton-Demeur est bien la plus ravissante Béatrice que l’on puisse voir et entendre. Montaubry qui est quelquefois peu distingué, s’est montré au contraire un Bénédict fin, élégant, mordant et plein de grâce26. » C’est un tel succès que Bénazet prie Berlioz de le reconduire l’année suivante avec les mêmes interprètes et cette invitation prend à l’évidence la forme d’une apothéose confirmée par ces lignes adressées, le 18 août, à son ami l’écrivain Ernest Legouvé : « [...] Mme Demeur a été charmante musicalement et littérairement. [...] L’orchestre a été ravissant de finesse et d’agilité; et comme j’étais fort souffrant le soir de la 1ère représentation, comme je ne m’intéressais en conséquence à rien, étant sans émotion, j’ai très bien conduit et sans faire une faute (ce qui ne m’arrive pas souvent). Bénazet est au 17ème ciel, il a redemandé l’ouvrage et l’auteur et la prima donna pour l’année prochaine. » « Prima donna », Anne l’est devenue dans toute l’acception du terme mais doit de nouveau partir pour répondre à son engagement à La Havane qui s’avère à la fois fructueux et d’un succès

24 Ibid., « Feuilleton du Journal des Débats » 23 mai 1862, p. 2, 8 mars 1862, p. 2. 25 Paul Scudo (1806-1864), « Revue musicale - Les Théâtres lyriques », Revue des Deux Mondes, 1er mai 1862, t. 39, p. 243 et 244. Tamberlick (1810-1889). 26 Lettres à son fils Louis n° 2642 et à Marc Suat n° 2643, 10 août 1862, Bade. Achille-Félix Montaubry (Niort 1826-Angers 1898), ténor. 10 délirant, souligne Berlioz le 23 décembre 186227. Cette prestation est suivie, en janvier 1863, d’une apparition à l’Académie de musique de New-York. Comme prévu, elle reparaît, en 1863 à Baden-Baden, dans le rôle de Béatrice. Dans le Journal des Débats, le 3 septembre, Berlioz reconnaît qu’elle rend l’interprétation encore « plus mordante, plus gracieuse et plus originale que jamais. » Il ajoute : « C’est un curieux effort de l’art que cet assemblage de raillerie et de sensibilité formant le fond du caractère de Béatrice tel que Mme Charton l’a reproduit. La cantatrice a d’ailleurs été irréprochable ; sa voix ne fut jamais si pleine ni si pure ; elle semble avoir gagné en fraîcheur et en force sous le soleil des tropiques, et le voyage de la Havane lui a été de tout point favorable. Plus sûre aujourd’hui des qualités spéciales de son talent, Mme Charton réussit dans toutes ses tentatives vocales : elle n’aventure rien, et tout ce qu’elle fait est bien fait. Voilà une voix saine, agile et expressive dans toute son étendue de deux octaves et deux notes (du si aigu jusqu’au sol dièse en dessous des portées) ; voilà une musicienne imperturbable, une âme servie par un délicieux organe ; voilà une cantatrice. Et quelle action elle exerce sur le public ! Jourdan (Bénedict) eût été étincelant de verve et charmant de tout point s’il ne se fût laissé surprendre, au premier acte, par tant de fatales distractions. » Marivaudage recherché, subtil et savamment orchestré, Béatrice et Bénédict s’affirme de plus en plus aujourd’hui, pour les metteurs en scène, musiciens et interprètes, laboratoire de convergences musicales, lieu privilégié pour en expérimenter tous les possibles. En février et mars 2010, lors des représentations de Béatrice et Bénédict, le site de l’Opéra-Comique de Paris rappelle l’historique de cette œuvre et n’oublie pas de signaler la créatrice du rôle de Béatrice, « la merveilleuse Anne Charton- Demeur ».

Pour Anne, cette année 1863 est celle qui la fait entrer définitivement dans le panthéon de l’art lyrique. Non seulement son interprétation de Béatrice est louée pour rester à jamais gravée, mais elle crée aussi le rôle de Didon dans Les Troyens à Carthage. Berlioz réussit enfin à faire représenter une partie, avoue-t-il dans ses Mémoires, du « vaste opéra [qui le tourmente] dont il veut écrire les paroles et la musique », opéra qu’il a composé entre 1856 et 185828. Il en fait d’ailleurs jouer et chanter des extraits par Pauline Viardot au festival de Baden-Baden, en 1859. Après d’innombrables difficultés, il dirige la partie Les Troyens à Carthage au Théâtre- Lyrique de Paris, le 4 novembre 1863. Pour cette première, il a d’abord pressenti Pauline Viardot puis propose le rôle à Anne, bien qu’il craigne que sa voix soit inégale pour rendre certaines scènes. Anne accepte, non sans quelques réticences dues, semble-t-il, « aux prétentions exorbitantes de la prima donna » qui empêchent de commencer les répétitions, assure Berlioz dans une lettre au prince de Hohenzollern-Hechingen, le 3 mai 186329. Mais Anne a revu ses « prétentions » et donne son accord pour chanter Didon. Berlioz reconnaît dans ses Mémoires que « Mme Charton-Demeur, la seule femme qui pût chanter le rôle de Didon, fit à mon égard acte de généreuse amitié en acceptant de M. Carvalho des appointements de beaucoup inférieurs à ceux que lui offrait le directeur du théâtre de Madrid30. » Est-ce à partir de cet incident que l’amitié et l’estime entre le compositeur et l’interprète se concrétisent réellement pour se renforcer au fil des années ?

Dès la première représentation, les critiques ne tardent pas et sont vives, se partageant dans leurs jugements respectifs. Le 14 novembre, les deux critiques attitrés du Monde illustré reflètent l’ambiguïté entre rejet et admiration vis-à-vis de l’œuvre. Celui chargé de la critique musicale de la revue fait preuve vis-à-vis de l’œuvre d’une incompréhension et d’une partialité que la postérité n’arrête pas de démentir et de désavouer : « M. Berlioz qu’il l’avoue ou qu’il ne l’avoue pas a voulu s’enrôler dans la phalange des romantiques, et appliquer leur doctrine à la musique. Comme eux il a

27 « Nous savons maintenant qu’elle y a obtenu un succès fou, mais très mérité, un succès raisonné dans sa folie. Je vous ferai grâce des détails des ovations décernées à la grande cantatrice. Vous n’y croiriez peut-être pas. » « Feuilleton du Journal des Débats », Site Hector Berlioz, op.cit. 28 Ibid., « Les Troyens ». 29 Malou Haine, 400 Lettres de musiciens au Musée Royal de Mariemont, Liège, 1995. Lettre de Berlioz au prince de Hohenzollern-Hechingen, 3 mai 1863, n° 111, p. 230, notes 4 et 5. 30 Mémoires, ch. 59, Postface. 11 méprisé le passé, mais il n’a pas comme eux inventé un art nouveau. Aussi sa musique n’est-elle qu’une négation ; on sait ce qu’elle repousse, mais on ignore ce qu’elle admet. » Le 15 novembre, pour ne pas être en reste dans la surenchère, Paul Scudo, dans la Revue des Deux Mondes, attaque Berlioz qu’il n’a jamais apprécié. « Le premier acte [se termine] par un cri de guerre sauvage. » Suit « un intermède fantastique où l’auteur a eu la prétention de peindre une chasse [...] dans une forêt vierge de l’Afrique, [...] cette scène grandiose [...] est une orgie de sons, de cris où l’oreille éperdue ne sait à quel hurlement se prendre. Pauvre M. Berlioz ! il a voulu dans ce chaos imiter la chasse fantastique du Freyschütz. » Cependant, dans le Monde illustré du 14 novembre, l’article signé Charles Yriarte est beaucoup plus enthousiaste. L’auteur avoue que pour lui « on ne discute pas une impression, celle que nous avons subie est immense. [...] Quelle que soit l’amertume de certaines critiques, M. Berlioz saura que son œuvre a causé le plus grand enthousiasme dans les régions artistiques. Je n’en veux pour preuve que la spontanéité avec laquelle, à la troisième représentation, quelques artistes ont organisé une souscription au foyer du public pour lui offrir une couronne d’or31. » Néanmoins, malgré les injustes réticences ou les éloges justifiés, le jeu et la prestation de l’interprète et créatrice du rôle de Didon sont appréciés, certes avec réserve - le contraire aurait été étonnant - de la part de Paul Scudo : « L’exécution des Troyens est aussi bonne que possible, si l’on songe aux difficultés que présente l’interprétation d’une telle œuvre. Mme Charton-Demeur, dont le goût pourrait être plus pur, ne se tire pas mal du rôle de Didon, où elle est obligée, dans la scène finale, de pousser des cris de hyène32. » En revanche, avec admiration, Charles Yriarte juge que « Madame Charton-Demeur [complètement oubliée par son collègue du Monde illustré] est belle et touchante comme la Didon de l’Enéide, elle a merveilleusement rendu cette figure épique. » C’est Joseph d’Ortigue, ami de Berlioz qui dès le 9 novembre, dans le Journal des Débats, saura le mieux analyser Les Troyens, cet opéra immense, dont chaque représentation est aujourd’hui un événement. Au nom de l’art, Joseph d’Ortigue rend grâce aux personnes qui ont su mettre en valeur un tel chef-d’œuvre : « [...] il faut remercier M. Carvalho de l’intelligence, de l’activité, du dévouement avec lesquels il a monté les Troyens [...]. Sa mise en scène [est] éblouissante. Mme Charton-Demeur, la reine de Carthage, est une des reines du chant. Elle possède un admirable mezzo-soprano, et elle en est tellement maîtresse, qu’on est bien sûr avec elle de n’avoir point à redouter un son douteux. Elle s’est montrée aussi grande cantatrice que tragédienne habile. Monjauze a dépassé ce qu’on attendait justement de lui dans le rôle d’Enée, dont il a bien compris la grâce et l’ampleur33. » Cet article sera suivi par deux articles critiques d’Auguste de Gaspérini, les 8 et 15 novembre 1863, dans Le Ménestrel, qui apprécient l’œuvre et l’interprète. Visionnaires, ces critiques soulignent que « ce rôle de Didon sera une des grandes créations, une des gloires de Mme Charton-Demeur. » La « voix de velours » d’Anne a su servir l’œuvre de Berlioz et continue à la mettre en valeur. Le 8 mars 1866, un grand concert a lieu au cirque Napoléon, au bénéfice d’une société de bienfaisance, sous la direction de Pasdeloup. On y jouait pour la première fois le Septuor des Troyens. C’est Anne qui l’interprète avec « 150 choristes et le grand bel orchestre ordinaire, » relate Berlioz34.

31 « Chronique musicale. Les Troyens, opéra d’Hector Berlioz », Le Monde illustré, 14 novembre 1863, p. 309 ; Charles Yriarte, «Les Troyens, opéra d’Hector Berlioz. Le Décor », ibid., p. 310. 32 Paul Scudo, « Revue musicale. Les Troyens de M. Berlioz », Revue des Deux Mondes, 15 novembre 1863, t. 48, p. 505 et 506. 33 Site Hector Berlioz, op.cit., 9 novembre 1863. 34 Lettre à Humbert Ferrand n° 3110, 8 mars 1866, Paris. 12

Après les vingt et une représentations des Troyens à Carthage, la carrière d’Anne se poursuit. Elle est réclamée à Madrid avec, si l’on en croit Berlioz, des « appointements » importants dignes d’une grande cantatrice. Le 13 mai 1866, après la création du Septuor des Troyens, on la retrouve à Paris, au Théâtre-Lyrique, dans le Don Juan de Mozart avec deux cantatrices célèbres : Caroline Miolan-Carvalho qui interprète le rôle de Zerlina, Christine Nilsson (1843-1921) celui d’Elvira et Anne Charton-Demeur celui de Dona Anna. L’Europe artiste fait part de cette représentation et La France musicale admire leur interprétation, en particulier celle d’Anne : « Mme Charton-Demeur a été engagée tout exprès pour chanter le rôle de Dona Anna. Elle a dit le récitatif et le grand air du premier acte, en ré majeur, avec une hardiesse et une vigueur admirables. Les cantatrices ordinaires transposent ce morceau ; elles le chantent un ton plus bas. Malgré les difficultés que présente cet air plein de véhémence, écrit dans les registres élevés de la voix de soprano, Mme Charton-Demeur l’a enlevé. Elle est admirable dans le duo avec Ottavio et dans le duo avec Don Juan [Don Giovanni]. Elle est la pierre angulaire de l’oeuvre35. »

35 La France musicale, 13 mai 1866, p. 142 et 143 ; L’Europe artiste, 13 mai 1866, p. 1 et 2. 13

« Pierre angulaire », ces mots ne prennent-ils pas une signification profonde ? Berlioz meurt le 8 mars 1869 et Anne est auprès de lui. Après la mort de celui qui lui offrit les plus belles créations de sa carrière et sut mettre en valeur ses capacités de mezzo-soprano dramatique, il semble qu’elle décide de se retirer. Et pourtant en 1870, Anne chante encore pour le concert donné à l’Opéra en l’honneur de Berlioz avec Christine Nilsson le duo de Béatrice et Bénédict, « Nuit paisible et sereine » et le Septuor des Troyens. Le fidèle ami de Berlioz, le compositeur Ernest Reyer qui rédigea aussi la critique musicale du Feuilleton du Journal des Débats, fait part de ces prestations et souligne que « Mme Charton-Demeur, la vaillante héroïne des Troyens, a quitté sa retraite de Ville-d’Avray, et Henri Vieuxtemps, le grand violoniste, a fait deux cents lieues la veille même du concert pour nous apporter le concours de leur talent, pour payer à la mémoire du maître leur tribut de respectueuse et sincère admiration36. » En 1879, Anne chante encore une fois Didon aux concerts populaires Pasdeloup, puis les traces finissent par s’estomper. Que devient-elle ? Quitte-t-elle définitivement sa retraite de Ville-d’Avray ? Comme d’autres cantatrices, se consacre-t-elle à l’enseignement du chant ? Profite-t-elle sereinement de sa retraite dans son appartement, 5 rue de Vienne, à Paris dans le huitième arrondissement, avant de mourir le 30 novembre 1892 ?

Que nous aurions aimé entendre, dans Les Troyens, la « voix de velours » chanter l’un des plus beaux, envoûtants et magiques duos d’amour du répertoire : « Nuit d’ivresse et d’extase infinie, [...] Fleurs des cieux, souriez à l’immortel amour ! », pour nous transporter et révéler, comme l’écrit dans son roman Consuelo-La Comtesse de Rudolstadt, « tout ce que l’âme pressent et rêve de plus mystérieux et de plus élevé. [...] C’est la révélation de l’infini »37. Pour les profanes que nous sommes, n’en doutons pas, Anne Charton-Demeur fait partie de ces artistes qui ont su dépasser le statut d’interprète pour nous faire oublier, l’espace d’un instant, notre inéluctable finitude.

Jeanne Brunereau

36 Site Hector Berlioz, op.cit., Ernest Reyer, Feuilleton du Journal des Débats, 22 février et 31 mars 1870. 37 George Sand, Consuelo-La Comtesse de Rudolstadt, texte présenté et annoté par Simone Vierne et René Bourgeois, Meylan, Les Éditions de l’Aurore, 1983, 3 vol., t. I, ch. LI, p. 384. Consuelo-La Comtesse de Rudolstadt est certainement l’œuvre majeure de George Sand. Il est étonnant qu’un réalisateur ne soit pas attiré par ce roman foisonnant aux multiples rebondissements pour l’adapter. « Roman de la musique, roman de l’occultisme, roman d’aventures, Consuelo ouvre de multiples possibilités d’investigation. » Jeanne Brunereau, Consuelo ou l’apogée de la femme, Paris, Les Cahiers d’Ève, 2000, p. 69. 14

Bibliographie

Austin Michel et Tayeb Monir, Site Hector Berlioz : http://www.hberlioz.com/BerliozAccueil.html Berlioz Hector, Correspondance générale, sous la direction de Pierre Citron, Paris, Flammarion, 2003, 8 vol. Berlioz Hector, Mémoires, édition présentée et annotée par Pierre Citron, Paris Flammarion, 1991. Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique, par F.-G. Fétis, Paris, Firmin Didot, 8 vol., 2e édition, 1866-1868. Brunereau Jeanne, Consuelo ou l’apogée de la femme (Femmes-Féminisme-Féminité), Paris, Les Cahiers d’Ève, 2000 (ISBN : 2-914186-03-7. Dépôt légal : DLE-20130502-23251). Correspondance d’Eugène Scribe et de Daniel-François-Esprit Auber, publiée par Herbert Schneider, éditions Mardaga, Liège, 1998. Dictionnaire biographique des Charentais et de ceux qui ont illustré les Charentes, coordination par François Julien-Labruyère, Paris, Le Croît vif, 2005. Gosselin Guy, L’Âge d’or de la vie musicale à Douai : 1800-1850, Liège, Mardaga, 1994. Grande Encyclopédie (La), inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, Paris, Lamirault, 1885-1902, 31 vol. Grove Book of Opera Singers (The), publié par Laura Macy, Oxford University Press, 2008. Haine Malou, 400 Lettres de musiciens au Musée Royal de Mariemont, Liège, Mardaga, 1995. Monde illustré (Le), « Chronique musicale, Les Troyens », opéra d’Hector Berlioz, 14 novembre 1863. Monde illustré (Le), « Les Troyens, opéra d’Hector Berlioz. Le Décor », par Charles Yriarte, 14 novembre 1863. Revue des Deux Mondes, Alfred de Musset, « Débuts de Mademoiselle Pauline Garcia », 1er novembre 1839, t. 20. - Paul Scudo, « Revue musicale - Les Théâtres lyriques », 1er mai 1862, t. 39 et « Revue musicale - Les Troyens de M. Berlioz », 15 novembre 1863, t. 48. Revue musicale, « Variétés : le romantisme en musique », mars 1830. Sand George, Consuelo-La Comtesse de Rudolstadt, texte présenté et annoté par Simone Vierne et René Bourgeois, Meylan, Les Éditions de l’Aurore, 1983, 3 vol.

Remerciements

Merci à Luc Bourrousse, chargé de mission auprès de l’Opéra de Bordeaux, des informations transmises à propos de Léon Bizot et de Jules Demeur, et surtout d’avoir précisé les repères chronologiques concernant la carrière d’Anne Charton-Demeur. Merci à Sophie Huet, Service Communication et Culture de la Mairie de Ville-d'Avray (92410), ainsi qu’à la personne qui m’a reçue lorsque je suis allée consulter les registres de l’État Civil de la Mairie de Saujon (17600). Enfin toute ma gratitude à Monir Tayeb et Michel Austin dont le Site Hector Berlioz, créé le 18 juillet 1997, remarquable par sa clarté et sa richesse, permet de suivre pas à pas vie et carrière du compositeur, et se révèle extraordinaire mine de renseignements sur la musique et l’art lyrique au XIXe siècle.

Portrait (p. 5) Mademoiselle Charton-Demeur, par Edouard-Louis Dubufe, autrefois exposé à la Galerie Didier Aaron, Antiquités, 75008 Paris, (Photo : courtoisie Didier Aaron). La photo (p. 12) d’Anne Charton-Demeur (1864 époque des Troyens), provient du site Gallica de la BnF.