MARBRES EN FRANCHE-COMTÉ

Actes des Journées d’études Besançon 10-12 juin 1999

Sous la direction de Laurent POUPARD (Service régional de l’Inventaire général, DRAC de Franche-Comté) et Annick RICHARD (Service régional de l’Archéologie, DRAC de Franche-Comté) Cet ouvrage a été réalisé par le Service régional de l’Inventaire général et le Service régional de l’Archéologie, Direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté,

Il est publié par l’Association pour la Promotion et le Développement de l’Inventaire comtois (ASPRODIC), sous la présidence de Jean-Marie GRIMBERT, avec le concours de la Direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté.

• Direction de la publication - Laurent POUPARD, Service régional de l’Inventaire général, DRAC de Franche-Comté - Annick RICHARD, Service régional de l’Archéologie, DRAC de Franche-Comté

• Coordination éditoriale - Marie-Claude MARY, Conservatrice régionale de l’Inventaire général, DRAC de Franche-Comté

• Relectures - Christiane CLAERR-ROUSSEL, Service régional de l’Inventaire général, DRAC de Franche-Comté - Patrick ROSENTHAL, Maître de Conférences au Département Géosciences, Université de Franche-Comté

• Maquette et mise en page - Bertrand TURINA

• Participation à la saisie - Elisabeth WEBER, Service régional de l’Inventaire général, DRAC de Franche-Comté

• Participation aux traductions - Catherine GUILLEMENET, Centre d’Information et de Documentation, pôle Patrimoine, DRAC de Franche- Comté - Bernard PONTEFRACT, Service régional de l’Inventaire général, DRAC de Franche-Comté

Marbres en Franche-Comté: actes des journées d’étude, Besançon, 10-12 juin 1999/Direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté, Service régional de l’Inventaire général [et] Service régional de l’Archéologie; dir. Laurent Poupard et Annick Richard; coord. Marie-Claude Mary. Besançon: Association pour la Promotion et le Développement de l’Inventaire comtois, 2003. - 240 p.: 277 ill. en noir et en coul., graphiques, cartes; 30 cm. Bibliogr. p. 231. ISBN 2-9507436-4-1.

© Association pour la Promotion et le Développement de l’Inventaire comtois, Besançon, 2003 DRAC de Franche-Comté, 7 rue Charles Nodier, 25043 Besançon cedex.

Photographie de couverture : parc aux marbres de l’ancienne marbrerie Carron, actuellement Yelmini Artaud (moulin Rentreux, Saint-Amour, ). 2 Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997 Remerciements

Ce volume d’actes est le fruit des Journées d’études qui se sont tenues à Besançon, à la Maison de l’Economie – CCI du Doubs, du 10 au 12 juin 1999 et dont l’organisation a été assurée conjointement par l’Association pour la Promotion et le Développement de l’Inventaire comtois et La Maison de l’Architecture.

Le comité de pilotage créé pour la circonstance réunissait Marie-Claude Mary, Laurent Poupard, Annick

Richard, Patrick Rosenthal, Danielle Decrouez, Robert Le Pennec, Olivier Dubant et Jean-Marie Grimbert.

A cette occasion, une exposition, produite par le Centre jurassien du Patrimoine, a permis de valoriser la documentation réunie par les chercheurs, notamment celle relative à la géologie, aux carrières, aux marbreries locales et à l’outillage de taille, mais aussi celle acquise sur quelques sites archéologiques.

Les Journées ont bénéficié du soutien de la Direction régionale des Affaires culturelles de Franche- Comté et du Conseil général du Jura, de la Maison de l’Economie – CCI du Doubs, de la Maison de l’Architecture de Franche-Comté, de la marbrerie Yelmini Artaud, de la ville de Dole, des communes de

Chassal, Pratz, Saint-Lothain et Sampans (Jura) et de la Conservation départementale d’Archéologie du Jura.

A ce titre, nous remercions tout particulièrement Dominique de Boisjolly-Hoyet, Bruno Bréart, François Mazière, Corinne Beley, François-Xavier Cahn, Olivier Dubant, Yves Yelmini, Isabelle Langlois, Anne

Corriol-Gaulier, Jean-Pierre Bon, Patrick Rosenthal, Bernard Pontefract, Pierre Delanoé, Pascal Prunet, Yves Jeannin, Robert Le Pennec, Jean-Pierre Mazimann, Pierre Mougin, François Bræmer et Marie-

Jeanne Lambert.

3 Avant-propos

Revenons sur les circonstances qui ont présidé aux préparatifs et au déroulement des journées d’études consacrées aux marbres de Franche-Comté qui se sont tenues, trois jours durant, à Besançon en 1999.

En toile de fond prend place tout le travail conduit depuis 1998 par le Service régional de l'Inventaire général en partenariat avec l’Association pour la Promotion et le Développement de l’Inventaire comtois (ASPRODIC), dans le cadre de la vaste opération nationale, intitulée Repérage du patrimoine industriel, visant à donner une documentation nouvelle et systématique sur les sites industriels antérieurs à 1950 qui ont façonné et marquent encore le paysage. L’opération bouclée dans le Jura a dénombré douze marbreries dont une seule unité en activité : installée à , en extension depuis 1993 sur la commune toute proche de Saint-Amour par l’acquisition de deux usines concurrentes vouées à la fermeture, la marbrerie Yelmini Artaud a su maintenir un savoir-faire réputé au service d’une production recentrée, en fonction des lois du marché, sur la fabrication d’éléments en marbre prêts à poser. Mais au-delà de ce constat s’est opérée une prise de conscience que le marbre, ou plus exactement la pierre marbrière, avait tenu un rôle important dans le passé économique et artistique de la Franche-Comté.

Dès lors, ce thème particulier est devenu à la fin de 1996 un nouvel enjeu d’investigations que Laurent Poupard, chercheur au Service régional de l’Inventaire général, a su maîtriser et développer en jouant à fond la collaboration et l’échange, avec plusieurs partenaires, qui ont contribué à faire évoluer les connaissances tant sur la localisation des carrières, l’identification des marbres comtois que l’histoire des marbreries industrielles et leurs techniques de transformation de la matière première. Citons Patrick Rosenthal, maître de conférences au Département Géosciences de l’Université de Franche-Comté, Robert Le Pennec, archéologue, tous acquis à la démarche pluridisciplinaire avec la complicité d’Yves Yelmini et d’Olivier Dubant représentant deux générations de dirigeants de la marbrerie Yelmini Artaud.

Les résultats ne se sont point fait attendre puisqu’en décembre 1997 sortait, dans la collection Images du Patrimoine, la publication sur les marbres et marbreries du Jura, première étape d’une dynamique plus ambitieuse générée par le noyau dur déjà constitué des mêmes partenaires, disposé à poursuivre et élargir les recherches à l’ensemble des marbres rencontrés sur le territoire de la Franche-Comté. Simultanément s’est fait jour la nécessité d’organiser des journées d’étude et de formation dans le but de valoriser la documentation déjà réunie, notamment celle relative à la géologie et aux carrières locales, et d’inscrire le thème dans une problématique plus large, réunissant géologues, historiens et historiens d’art, archéologues, architectes, restaurateurs, artisans et industriels.

Pour mettre sur rail un tel projet, outre le soutien indéfectible d’ASPRODIC et de son président, Jean- Marie Grimbert, ont été sollicitées de nouvelles compétences. Il en est ainsi de Danielle Decrouez, conservateur en chef au Muséem d’Histoire Naturelle de Genève, habituée à expertiser les roches issues de sites archéologiques comtois, et d’Annick Richard, archéologue au Service régional de l’Archéologie, partie prenante pour la valorisation de la recherche. Nouvellement créé, ce comité de pilotage s’est employé à affiner le projet qui a reçu d’emblée l’approbation de Dominique de Boisjolly, alors directrice régionale des Affaires culturelles et de son adjoint, Philippe Chamoin.

4 La concrétisation de ces journées pouvait s’engager. L’adhésion de François-Xavier Cahn, Président de la Maison de l’Architecture, fut décisive pour faire passer l’information auprès du réseau de ses adhérents et prêter main forte à l’organisation générale. En chambre, s’est réglée sans difficulté la question des présidents de séance qui se sont succédés pour encadrer les communications : Bruno Bréart, conservateur régional de l’Archéologie, Patrick Gaviglio, directeur du département de Géosciences à l’Université de Franche-Comté, Olivier Dubant et François- Xavier Cahn, déjà cités.

Sur le terrain, les visites ont amené les participants devant les anciennes carrières marbrières de Chassal, de Pratz et de Sampans, bénéficiant de l’accueil du maire dans chaque commune et de présentations consistantes dues à Anne Corriol-Gaulier, professeur au LEGTA de pour les carrières de la basse vallée de la Bienne, à Laurent Poupard et Patrick Rosenthal pour les carrières de la région doloise, avec un plus apporté à Sampans où Pierre Delanoé avait rassemblé des outils liés à l’extraction et à la taille de la pierre. En visite d’usine, Olivier Dubant montrait les différents postes du traitement du marbre, tributaires de façons de faire éprouvées. La confrontation en direct avec les œuvres produites à partir des roches locales est passée par deux lieux. Dole où Isabelle Langlois, animatrice du patrimoine « Ville d’art et d’histoire », avait organisé un circuit spécifique mettant à l’honneur portails et mobilier Renaissance conçus en marbre de Sampans, alors que Pascal Prunet, architecte en chef des Monuments historiques, évoquait, à la collégiale Notre-Dame, la restauration délicate qu’il avait réalisée sur les colonnes du portail, en pierre de Sampans, exposées aux intempéries. Saint-Lothain où en présence du maire, quelques exemples prestigieux en albâtre du pays, conservés dans l’église paroissiale, ouvraient lieu à discussion sous l’autorité de Bernard Pontefract, conservateur en chef du patrimoine.

En contrepoint de ces journées d’étude, l’occasion était offerte d’apprécier à la Maison de l’Architecture une exposition conçue pour la circonstance par la Conservation départementale d’Archéologie du Jura et les services régionaux de l’Archéologie et de l’Inventaire général de la D.R.A.C. et produite par le Centre jurassien du Patrimoine. S’y distinguaient notamment la collection d’outils à main de tailleurs de pierre rassemblée par Yves Jeannin, conservateur en chef honoraire du patrimoine. Les échantillons de marbres antiques issus de sites archéologiques comtois et des pièces de références étaient, quant à eux, mis à disposition soit par Marie-Jeanne Lambert, conservateur, qui les avait choisies dans les fonds du Musée d’Archéologie de Lons-le-Saunier, sur les conseils de François Braemer, président du Corpus international des sculptures de l’empire romain, et de Robert Le Pennec, soit par les archéologues Jean- Pierre Mazimann et Pierre Mougin ayant participé à la découverte et à l’étude des vestiges de la ville antique de Mandeure-Mathay.

L’ambition des Actes rassemblés ici vise à restituer tout la teneur et la diversité des prestations des uns et des autres qui ont fait la spécificité de ces journées d’étude dans leurs différentes phases.

Marie-Claude MARY Conservatrice générale du patrimoine Conservatrice régionale de l’Inventaire général

5 Introduction Marbres en Franche-Comté

Les géologues ne donnent pas la dénomination de marbre aux gisements de Franche-Comté; ils parlent de pierre marbrière. En revanche, carriers et historiens lui confèrent cette appellation et reconnaissent à

ces calcaires toutes les qualités techniques et esthétiques des marbres. Bien que les intervenants à ces

journées d’études parlent, suivant leur spécialité, de pierre marbrière ou de marbre, nous conserverons l’appellation d’usage.

Recherches en archives, dépouillements bibliographiques et prospections attestent la présence de

marbres jurassiens dans 93 des 543 communes du département du Jura; 66 de ces gisements furent mis en exploitation.

Des travaux récents sur deux sites gallo-romains des Ier et IIe siècles ap. J.-C., à Besançon (Doubs) et à

Villards-d’Héria près de Moirans-en-Montagne (Jura), remettent en cause l’emploi de ces marbres durant l’Antiquité. En revanche, leur utilisation au Moyen Age est certaine. La saga des ducs de Bourgogne est

alors l’occasion de commandes prestigieuses où les marbres du Jura trouvent leurs premières lettres de

noblesse. L’ensemble le plus admirable est réalisé pour Marguerite d’Autriche (1480-1530) au «royal monastère de Brou». A la Renaissance, les commandes locales prennent le relais, à Besançon puis à Dole

où s’ouvrent, au milieu du XVIe siècle, des ateliers de sculpture ornementale dirigés par des sculpteurs

originaires de la région: les Le Rupt et les Lulier.

Le dernier quart du XVIIe siècle et le XVIIIe siècle constituent une ère de prospérité favorable à

l’exploitation des carrières, mais c’est la seconde moitié du XIXe siècle qui est l’âge d’or de la marbrerie

jurassienne. Chemin de fer et canaux contribuent à la mise en exploitation de nouvelles carrières et facilitent la diffusion des produits. Le dynamisme de grandes entreprises familiales - les Ragoucy et les de

Tinseau à , les Célard à Saint-Amour, les Mourlot à Balanod et les Gauthier à Molinges - est

décisif. Enfin, la mécanisation progressive, tant de l’exploitation que de la scierie, permet une production croissante et un abaissement des coûts.

Le marché de la construction, en pleine expansion, est gros consommateur de marbres. Quelques

chantiers majeurs et emblématiques, comme l’opéra et l’hôtel de ville de Paris ou la basilique Notre- Dame de Fourvière à Lyon, offrent un second lot de références prestigieuses. Le développement du

«confort moderne» implique l’introduction de cheminées dans tous les logements urbains et dans de

nombreuses maisons rurales. La demande est si importante que chaque société lui consacre un catalogue. Elles expédient des cheminées par wagons entiers dans toute la . Cette production

industrielle de grandes séries disparaît après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui ne subsiste

qu’une seule marbrerie industrielle en Franche-Comté. Outre leur intérêt pour l’histoire et la restauration, les marbres du Jura retrouvent, grâce à elle, un

marché auprès des architectes et des décorateurs contemporains.

6 Ces trois journées d’études consacrées aux marbres en Franche-Comté permettent de croiser des métiers qui, chacun, s’appliquent à faire progresser un ensemble complexe et passionnant de connaissances et de savoir-faire. C’est par la confrontation et le croisement de ces approches que l’on donne du sens à l’Histoire. L’interdisciplinarité est une démarche fondatrice; elle procède par recoupement, plus que par juxtaposition. C’est une approche exigeante car, si elle suppose de la générosité et de l’ouverture d’esprit, elle nécessite -- ce qui n’est pas évident - un dépassement des cloisonnements administratifs et professionnels. Toutefois, il faut que chacun conserve sa spécificité. Chaque discipline est fondée sur des choix techniques et scientifiques qu’il convient de respecter. De plus, le domaine qui nous intéresse est vaste: il mêle des métiers et des spécialités très affirmées qui n’ont pas l’habitude de se côtoyer. Marbriers et historiens de l’art se rencontrent rarement, archéologues et carriers sans doute plus souvent mais dans un contexte différent. Et, si historiens de l’art et archéologues se fréquentent, il reste dans ce domaine beaucoup à faire.

Par chance, le patrimoine industriel fait le lien entre nombre de ces disciplines. Le CILAC1, fondé en 1979 et soutenu par le Ministère de la Culture et de la Communication, est à l’origine de la création en 1983, au sein de l’Inventaire général, d’une cellule dite du patrimoine industriel. Mais ce n’est qu’en 1986 que l’Etat lance un repérage général, actif à ce jour dans 13 régions. En 1988, au sein du Service régional de l’Inventaire général de la Direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté, c’est Laurent

Poupard qui est chargé de cette tâche; il en aura la responsabilité jusqu’en 19942. C’est à lui que nous devons d’être rassemblés et il faut le féliciter du travail accompli qui vient d’aboutir à trois publications3 et à une base documentaire rassemblant plus de 1000 références sur des carrières réparties sur 244 communes de la région.

Ces journées d’études rassemblent les partenaires de ces recherches bien au-delà des services patrimoniaux habituels.

Francis ROUSSEL Conservateur général du patrimoine, Inspecteur général des études, de la documentation et de l’Inventaire.

1. Comité d’information et de liaison pour l’archéologie, l’étude et la mise en valeur du patrimoine industriel. 2. Depuis cette date, le Repérage est assuré par Raphaël Favereaux. 3. Claerr-Roussel (C.), Poupard (L.), Mairot (P.) et al.; photogr. Sancey (Y.); graph. Céréza (A.) et Desgrandchamps (G.).- Les forges de Syam: Jura. Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, région Franche-Comté. Paris, Erti, 1996, 64 p., ill. (Images du Patrimoine, 156). Poupard (L.); photogr. Sancey (Y.); graph. Céréza (A.) et Rosenthal (P.).- Marbres et marbreries (Jura). Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, région Franche-Comté. Paris, Erti, 1997, 63 p., ill. (Images du Patrimoine, 169). Favereaux (R.) et Poupard (L.); photogr. Mongreville (J.) et Sancey (Y.); cartogr. Batardy (C.).- Patrimoine industriel: Jura. Besançon, Association pour la promotion et le développement de l’Inventaire comtois, 1998, 360 p., ill. (Indicateurs du patrimoine). 7 Sommaire

• Remerciements ...... p. 3

• Avant-propos...... p. 4 Marie-Claude Mary

• Introduction ...... p. 6 Francis Roussel

Présentation générale ...... p. 11

• Marbres et albâtres du Jura: géologie, distribution des gisements et faciès ...... p. 13 Patrick Rosenthal et Robert Le Pennec

• L’extraction des pierres de taille et des roches marbrières dans l’Antiquité: ...... p. 21 les principales stratégies d’exploitation Jean-Claude Bessac

• Petit aide-mémoire sur l’outillage à main de la taille de la pierre ...... p. 35 Yves Jeannin

Le marbre en Franche-Comté dans l’Antiquité...... p. 49

• Circulation et commercialisation des marbres en Franche-Comté...... p. 51 dans l’Antiquité François Braemer

• Marbres et succédanés dans l’Antiquité en Franche-Comté ...... p. 61 Jean-Claude Barçon

• Les marbres antiques en Franche-Comté:...... p. 71 l’exemple de Mandeure – Mathay (Doubs) Jean-Pierre Mazimann

Études historiques: du Moyen Âge au XIXe siècle...... p. 73

• A propos de quelques matériaux mis en œuvre ...... p. 75 dans l’église de Saint-Lothain (Jura) Bernard Pontefract

• A propos du gisant de Jean de Bourgogne: archives et matériau ...... p. 81 Marie-Hélène Lavallée

• Marbres et albâtres dans l’église de Brou (Bourg-en-Bresse) ...... p. 85 Marie-Françoise Poiret

• L’utilisation des marbres de Franche-Comté par la maison Bouvas...... p. 105 de Bourg-Saint-Andéol (Ardèche) au XIXe siècle Brigitte Féret

• Le porphyre de Plancher-les-Mines (Haute-Saône) ...... p. 111 à Notre-Dame de Fourvière (Lyon) Dominique Tritenne

8 Le marbre jurassien aux XIXe et XXe siècles ...... p. 123

• L’exploitation des marbres jurassiens aux XIXe et XXe siècles...... p. 125 Laurent Poupard

• Les carrières de la région doloise...... p. 141 Laurent Poupard et Patrick Rosenthal

• Les marbreries de Saint-Amour et Balanod (Jura) ...... p. 163 Olivier Dubant et Laurent Poupard

• Les carrières de marbre de la basse vallée de la Bienne: ...... p. 173 Pratz et Chassal (Jura) Anne Corriol-Gaulier

Identification, caractérisation et restauration ...... p. 181

• Etude de la provenance des matériaux récoltés sur deux sites gallo-romains:...... p. 183 école Granvelle à Besançon (Doubs) et sanctuaire de Villards-d’Héria (Jura) Danielle Decrouez, Robert Le Pennec et Pierre-Alain Proz

• Caractérisation pétrophysique des «marbres» du Jura:...... p. 193 exemples des marbres de Sampans et de Miéry Jean-Pierre Sizun et Patrick Rosenthal

• Utilisation de calcaires du Jura à l’Opéra de Paris...... p. 207 Annie Blanc

• Les collections de marbres du département du Jura...... p. 213 Robert Le Pennec

Expériences contemporaines d’Arts appliqués...... p. 219

• Projet d’un mobilier associant le bois et la pierre ...... p. 221 Angel Nassivera et Christophe Leprest

• Orientations bibliographiques ...... p. 231

9 10 Présentation générale

11 12 Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003 Marbres et albâtres du Jura : géologie, distribution des gisements et faciès Patrick ROSENTHAL* et Robert LE PENNEC**

Résumé DES MARBRES DANS LE JURA? L’ORIGINE DES MARBRES ET Les marbres du département du Jura ALBÂTRES JURASSIENS Depuis la parution de l’Images du sont principalement des calcaires patrimoine n°169 en 1997, les L'histoire géologique du Jura com- secondaires (Jurassique et Crétacé) marbres du Jura sont revenus sur le mence il y a 245MA (millions résultant d’une sédimentation marine devant de la scène régionale. Alors d'années), avec le cycle orogénique de type plate-forme carbonatée. Des que l’on n’y exploite plus que trois alpin, succédant au cycle hercynien milieux de sédimentation contrastés et gisements, dont l’un de façon occa- (ou varisque) responsable de la for- des contraintes tectoniques tertiaires sionnelle, on redécouvre que, dans mation du socle cristallin du Jura, qui aboutissant à la structuration de la les siècles passés, les calcaires du n'affleure que dans les Vosges et le chaîne jurassienne ont produit une département supportant bien le poli Massif central, et dans le petit massif grande variété de faciès carbonatés ont été extraits de nombreuses car- de la Serre au nord-est de Dole. susceptibles de recevoir le poli. Les rières. Si l’on tient également gypses et anhydrites du Trias et du compte des extractions d’albâtre L'érosion de la chaîne hercynienne Purbeckien ont également été exploi- gypseux, l’étude menée conjoin- est presque achevée au Trias infé- tés pour l’albâtre. La structure tement avec le service de rieur (245-240 MA). Les reliefs géologique guide la distribution géo- l’Inventaire général (Poupard et al. résiduels localisés aux niveaux des graphique des gîtes: les gîtes 1997) recense 71 communes concer- Ardennes, du bassin de Paris et du Massif central alimentent en maté- jurassiques des compartiments faillés nées par l’extraction de marbres ou riaux (graviers, sables, silts et argiles) de la région doloise sont limités au d’albâtres. sud-est par le fossé bressan, rempli de la sédimentation continentale deltaïque qui règne en Lorraine, sédiments meubles et, donc, sans Le géologue s’étonnera sans doute Franche-Comté et jusqu'en Pro- marbre. Plus à l'est, en traversant la d’un tel bilan pour un département vence. chaîne du Vignoble au Haut-Jura, du qui se caractérise essentiellement Trias au Crétacé, l’âge des gîtes d’al- par un sous-sol constitué de calcaires Pendant 180 millions d'années, au bâtres et de marbres est sensiblement jurassiques et crétacés n’ayant pas Trias (245-205 MA), au Jurassique de plus en plus jeune, du nord-ouest subi de phases de métamorphisme. (205-135 MA) et au Crétacé (135-65 au sud-est. Rien, en effet, ne le prédispose à MA), la région voit se succéder trois renfermer le moindre gîte de marbre mégacycles sédimentaires, chacun Abstract au sens géologique. Dans cette comportant: The marbels of the Department of acception, le marbre est une roche – une phase transgressive à grande 1 Jura are mainly mesozoics limestones carbonatée métamorphique, ou en échelle, marquant l’implantation (Jurassic and Cretaceous) resulting d’autres termes une roche consti- d'une mer épicontinentale où la from marine sedimentation correspon- tuée principalement de calcite ou de sédimentation carbonatée domine ding to a carbonated epeiric platform. dolomite recristallisées sous l’effet en marge de l’océan alpin; d’une élévation de température et Various sedimentary environments – une phase régressive à grande de pression. Il convient donc de pré- and the tertiary tectonic stress leading échelle caractérisée par l’apparition ciser que le terme marbre sera to the structuration of the jurassian de sédiments calcaires porteurs employé dans ces lignes avec l’ac- range made a lot of carbonated d’indices d’émersion, de dolomies, ception des marbriers, à savoir toute voire d’évaporites (gypse, sel gem- lithofacies well to be polished. Triassic roche susceptible de prendre un me) indiquant des milieux sur- and purbeckian gypsum and anhydrit beau poli et d'être utilisée en déco- salés confinés pouvant aboutir à have been also quarried for alabaster. ration. Etant donné le contexte l’émersion complète. The geological structure set the géologique du Jura (§ suivant) et geographical distribution of deposits. hormis les albâtres gypseux, les Pendant ces mégacycles, des fluctua- Jurassic marbles of the faulted area of marbres jurassiens sont tous des tions plus fréquentes du niveau Dole are bordered to the SE by the roches sédimentaires calcaires ou marin et des mouvements tecto- Bresse rift, filled with clays, sands and des calcaires dolomitiques. niques provoquent une rythmicité de gravels, then without marbles.

Eastward, on a cross section of the 1.Roche carbonatée: roche principalement consti- range from the Vignoble (external tuée de calcite [Ca CO3] ou de dolomite Jura) to the Haut-Jura (internal Jura), [Ca, Mg (CO3) 2]. between Trias and Cretaceous, the age * Maître de Conférences au Département Géosciences, Université de Franche-Comté. 16 route de Gray, of alabasters and marbles decreases 25030 Besançon cedex et UMR 5060 du CNRS, Institut de Recherche sur les Archéomatériaux, UTBM. from NW to SE. 90010 Belfort cedex, France. ** Archéologue bénévole. 11 rue du Belvédère, 39200 Saint-Claude, France. 13 brèches et conglomérats tertiaires brèche de la Maladière dolomies et grès du Trias supérieur. Terrains du Jurassique moyen brocatelle de Chassal calcaires et marnes Au nord-ouest du département, le (Dogger) du Crétacé marbre de Bief-du-Fourg Trias recouvre les terrains primaires marnes à gypse du Purbeckien albâtre de Foncine-le-Bas du massif de la Serre. marbre ronceux de Crans La régression de la fin du Lias crée

marbre de Le Trias supérieur affleure dans le calcaires du les conditions d’installation d’une Jurassique supérieur pierre de Damparis faisceau lédonien et à , au sud série de plates-formes carbonatées au de la Petite Montagne. Entre Salins- marnes Jurassique moyen alternant avec des oxfordiennes les-Bains et Lons-le-Saunier, le sel périodes sans sédimentation. Les marbre d' gemme et le gypse ont fait l’objet milieux marins peu profonds vont calcaires du de nombreuses exploitations. Les Jurassique moyen Sampans donner: petit granit de albâtres gypseux proviennent de – les calcaires à entroques du gisements de bancs massifs de gypse marnes du Lias Bajocien inférieur (Pelletier 1960) (CaSO4, 2H2O) et d’anhydrite exploités pour la pierre de taille et calcaire à Gryphées noir de Miéry marnes à gypse (CaSO4) interstratifiés dans des pour le marbre dans de nom- du Trias supérieur albâtre de Saint-Lothain marnes (fig.2) (Astre 1948; Motinot breuses localités du faisceau grès du Trias inférieur 1980). lédonien (Vignoble) et du plateau 0 de Lons-le-Saunier (fig. 4 et 5). Ce socle primaire 100m Au cours des 70 millions d’années du sont ces calcaires qui ont fait l'objet mégacycle jurassique, les fluctua- du plus grand nombre de sites Fig. 1 – Marbres et albâtres dans la série stratigraphique du Jura. (Dessin P. Rosenthal, 1997) tions de second et de troisième ordre d’extraction recensés; déterminent une suite de séquences – dans la région doloise, les calcaires au cours desquelles vont s’accumuler oolithiques et bioclastiques du la sédimentation, donnant des cycles environ 1000 m de dépôts carbonatés Bajocien supérieur (Contini 1970; sédimentaires de deuxième ordre montrant des faciès2 classiques de Pernin 1978), qui ont fourni le (exemple du Jurassique inférieur ou plateformes carbonatées où se succè- réputé marbre rouge de Sampans Lias) ou des séquences transgressives dent marnes3, calcaires argileux, (fig. 6 et 7) (cf. aussi ce volume: ou régressives de troisième ordre calcaires bioclastiques4, calcaires ooli- J.-P. Sizun et al, p. 193-206), et les dont la durée correspond à un étage thiques5, graveleux6, microcristallins7. calcaires oolithiques et bioclas- ou une fraction d'étage (Contini tiques du Callovien d’Audelange et 1994). Terrains du Jurassique inférieur de Sampans. (Lias) Dans le détail, la succession des ter- Terrains du Jurassique rains déposés au cours de ces trois La transgression jurassique est mar- supérieur (Malm) mégacycles évolue en épaisseur et en quée au Lias inférieur par la sédi- nature d’un point à l’autre du dépar- mentation régulière d’une dizaine de Les marnes de l’Oxfordien inférieur tement. Il en va de même du degré mètres de calcaires sombres micro- et moyen marquent une nouvelle d’érosion de cette série qui, ici, peut cristallins, renfermant de grandes transgression à laquelle succèdent les être complète et ailleurs érodée jus- ammonites et de nombreuses huîtres pulsations régressives du Jurassique qu’aux couches du Trias. Pour arquées (Gryphea arcuata) du Siné- supérieur calcaire donnant naissance autant, il est possible en première murien. Les bancs réguliers, bien à une suite de plates-formes carbona- approximation de résumer cette suc- qu'ayant souvent une semelle nodu- tées. A l’exception des calcaires cession sous forme d’une coupe leuse, ont fourni de grandes dalles oolithiques et graveleux du stratigraphique synthétique (fig.1), funéraires et donnent au polissage un «Séquanien» de Damparis, au sud sachant que son épaisseur peut varier marbre sombre, noir à gris bleu, sou- de Dole (fig. 8), les calcaires du entre 1000 et 2000 m du nord-ouest vent parsemé de sections de bio- Jurassique supérieur, qui ont été au sud-est. clastes blancs centimétriques à déci- extraits pour le marbre, correspon- métriques (entroques8, tests de gry- dent majoritairement à des milieux Terrains du Trias phées et de brachiopodes) tranchant de sédimentation marins, peu pro- sur le fond sombre (fig.3) (cf. aussi ce fonds, de faible énergie où les vases Au Trias, le premier mégacycle volume: J.-P. Sizun et al, p. 193-206). calcaires ont pu sédimenter; ils com- donne la succession schématique Bien que d'âges différents, ils rappel- portent parfois des fines laminations suivante: conglomérats et grès lent le célèbre marbre noir de bicolores ou des encroûtements fluviatiles du Trias inférieur, calcaires Dinant. algaires (oncolithes). marins à céphalopodes, dolomies et La sédimentation marneuse du Lias évaporites du Trias moyen, marnes moyen et supérieur caractérise un C’est le cas des micrites à lamines versicolores à sel gemme et à gypse, maximum de transgression. du «Séquanien» de Saint-Ylie, des

2. Faciès: catégorie dans laquelle on peut ranger une roche déterminée par sa nature, son contenu paléontologique et, globalement, par le milieu de sédimenta- tion auquel elle correspond. 3. Marne: sédiment composé de 35 à 65 % de calcite et de 65 à 35 % de minéraux argileux. 4. Calcaire bioclastique: calcaire comprenant des débris de tests d’organismes liés par un ciment de calcite micro- ou macrocristalline. 5. Calcaire oolithique: calcaire constitué d’oolithes, petites sphères de 0,5 à 2 mm de diamètre, dont le centre est un débris (fragment de test ou grains de quartz) enveloppé de minces couches concentriques de calcite. Les oolithes sont liées par un ciment de calcite micro- ou macrocristalline. 6. Calcaire graveleux: calcaire composé de fragments millimétriques de calcaire microcristallin arrondis, émoussés, d’origine commune, liés par un ciment de cal- cite micro- ou macrocristalline. 7. Calcaire microcristallin: calcaire constitué principalement de cristaux de calcite microscopiques (< 5 µm). Synonyme: micrite. 14 8. Entroques: articles ou fragments de test de crinoïdes, les crinoïdes formant une classe d’équinodermes fixés au fond marin par un pédoncule articulé. calcaires fins à oncolithes du «Séquanien» de , des micrites tachetées du Kimmeridgien de Mignovillard, des calcaires dolomi- tiques flammés du Portlandien de Crans (fig. 9).

Terrains crétacés

Fig. 2 – Albâtre gypseux, Trias supérieur, Saint-Lothain: lame Fig. 7 – Calcaire à oncolithes et bioclastes, Jurassique moyen A la fin du Jurassique et au début du mince (lumière analysée). Les cristaux de gypse montrent (Bajocien supérieur), Sampans: surface polie de Grain des indices de dissolution/recristallisation sous contrainte. d'orge. Crétacé, la mer quitte le domaine (Cliché M. Rossy, 1997) (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) épicontinental, isolant des lagunes ou laissant place à des lacs et à la terre ferme. Les gypses des lagunes « purbeckiennes » ont fait l’objet de petites exploitations, dont celle de Foncine-le-Bas qui a produit de l’al- bâtre (Thirria 1836).

La transgression suivante donne au Crétacé inférieur une nouvelle suc- Fig. 3 – Calcaire à gryphées, Lias (Sinémurien), Miéry: surfa- Fig. 8 – Calcaire graveleux à mollusques, Jurassique supé- ce polie de noir de Miéry. Sections de coquilles de gryphées rieur (« Séquanien »), Damparis (Belvoye): surface polie. cession de plates-formes carbo- (calcite blanche) tranchant sur le fond noir du calcaire Section longitudinale d'un test de gastéropode. microcristallin. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) natées. Les calcaires oolithiques et (Cliché Y. Sancey ©Inventaire général, ADAGP, 1997) graveleux du Valanginien ont été peu extraits pour la marbrerie; en revanche, les calcaires graveleux et bioclastiques du Barrémien ont donné des marbres parmi les plus réputés du Jura: les brocatelles, telles celles de Pratz et de Chassal (fig. 10 et 11), à l’ouest de Saint- Claude. Après la régression majeure du Crétacé supérieur, l'évolution ter- Fig. 4 – Calcaire à entroques, Jurassique moyen (Bajocien Fig. 9 – Calcaire dolomitique flammé, Jurassique supérieur inférieur), Graye-et-Charnay: lame mince. Les entroques (Portlandien), Crans: surface polie. Selon son degré d'oxy- tiaire et quaternaire du Jura est mar- émoussées sont cimentées par de la calcite macrocristalline. dation, le fer diffus dans la matrice de la roche la colore en (Cliché M. Rossy, 1997) bleu ou en roux. quée essentiellement par la déforma- (Cliché Y. Sancey ©Inventaire général, ADAGP, 1997) tion et l’érosion des séries calcaires accumulées pendant 200millions d’années. Seule la mer miocène atteindra les limites sud-est et ouest de l’espace jurassien.

Rôle de la tectonique dans la formation de certains marbres

Depuis 35 millions d'années, le socle Fig. 5 – Calcaire à entroques, Jurassique moyen (Bajocien Fig. 10 – Calcaire bioclastique et graveleux bréchique, et la couverture sédimentaire subis- inférieur), Loisia (Champagne): surface polie de Gris du Crétacé inférieur (Barrémien), Chassal: lame mince de sent des déformations, liées à la Jura. Noter les sections étoilées de certaines entroques Brocatelle jaune. Un joint stylolithique de dissolution sous (articles de pentacrines). contrainte est souligné par un liseré sombre d'insolubles. collision alpine, responsables de la (Cliché Y. Sancey ©Inventaire général, ADAGP, 1997) (Cliché M. Rossy, 1997) structure plissée et faillée du Jura. Le jeux des failles, les contraintes imposées aux calcaires dans certains gisements et des circulations de fluides ont eu des conséquences sur l’évolution des propriétés physiques de la roche.

Des brèches polygéniques résultant de l'érosion de reliefs de failles sont localisées au front du contact tecto- Fig. 6–Calcaire oolithique et bioclastique, Jurassique moyen Fig. 11 – Calcaire bioclastique et graveleux bréchique, (Bajocien supérieur), Sampans: lame mince. Crétacé inférieur (Barrémien), Chassal: surface polie de nique du Jura et de la Bresse, aux Détail d'un bioclaste: section d'une colonie de bryozoaires. Brocatelle violette. (Cliché M. Rossy, 1997) La brocatelle résulte de la fracturation, de phénomènes de environs de Saint-Amour. Elles don- dissolution/recristallisation, de la migration de fluides sous nent, après polissage, un marbre contraintes, d'imprégnations et d'oxydation d'un calcaire barrémien dont le faciès était a priori banal. multicolore très décoratif (fig. 12). (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) 15 NW Sampans Mont-Rolland Landon Les Perrières Dole SE Jurassique supérieur calcaire ma pi pi "Séquanien" A Le Doubs "Rauracien"

Oxfordien moyen calcaires hydrauliques

Oxfordien inf. et moyen calcaires de Dole, calcaires argileux et marnes 0 500 1000 m Callovien & Bathonien calcaires

W E Bajocien Damparis Belvoye calcaires B ma ma Le Doubs Lias ma marnes marbre ? Trias supérieur et moyen marnes, sel gemme pi gypse, calcaires, dolomies Trias inférieur pierre de taille grès

Fig.12– Brèche polygénique calcaire, Tertiaire (Oligocène?), Fig. 13 – Région de Dole: coupes géologiques schématiques et sites d'extraction de marbre. Saint-Amour (la Maladière). A: coupe de Sampans à Dole; B: coupe de Damparis à Choisey. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) (Dessin P. Rosenthal, 1999)

Dans la région de Dole, les teintes mais aussi les pores de la roche, riage vers le nord-ouest par décolle- rouges très soutenues de faciès tels rendant ainsi à ce matériau fracturé et ment et sectionnement de la série que le marbre de Sampans peuvent bréchique une cohésion inattendue. secondaire sur le socle; résulter d'imprégnations ou d'oxyda- – une érosion de la chaîne différen- tions liées au rôle drainant des failles LA STRUCTURE GÉOLOGIQUE ciée d’est en ouest, elle-même responsables de la remontée du horst9 DÉTERMINE LA DISTRIBUTION tributaire de la composante vertica- de la Serre (cf. aussi ce volume: J.-P. DES GÎTES le des déformations tectoniques. Sizun et al, p. 193-206). Entre les plaines suisse et bressanne, De Dole à Saint-Claude, on traverse Dans le Haut-Jura, les brocatelles où les calcaires jurassiques et crétacés les principales unités géologiques du de Chassal ou de Pratz sont des sont enfouis sous 2km de sédiments Jura. La distribution des gîtes de tertiaires, l’arc jurassien constitue un roches bréchiques qui, a priori, étant marbre est lisible sur les coupes géo- môle rocheux où les calcaires forment donné leur état de fracturation, pour- logiques transversales de la région les lignes de reliefs. raient être dépourvues de cohésion. doloise (fig.13 A et B) et de la chaîne L’examen d’une lame mince ou d’une La distribution des gîtes de marbres jurassienne (fig.14), ainsi que sur la surface polie montre nettement des et albâtres résulte de la conjonction carte de localisation des carrières joints stylolithiques de dissolution de trois paramètres essentiels: (fig.15). sous contrainte, soulignés par des lise- – une série stratigraphique secon- rés d’insolubles (fig. 10 et 11), la daire contrastée, principalement calcite ainsi libérée ayant migré pour carbonatée, décrite au paragraphe recristalliser dans des zones abritées précédent; 9. Horst: compartiment délimité par des failles telles que les fentes ouvertes perpen- – des déformations tertiaires intenses normales parallèles, structuralement relevé par diculaires aux joints stylolithiques, ayant abouti à un important cha- rapport aux compartiments limitophes.

NW SE fossé faisceau plateau Plateau de Haute chaîne de la Bresse lédonien de Lons-le-Saunier

Bief-du-Fourg Miéry Loulle Crans calcaire Chassal calcaire calcaire calcaire calcaire valanginien Foncine- sinémurien "séquanien" barrémien portlandien le-Bas Saint-Amour Saint-Lothain brèche gypse gypse Crançot purbeckien tertiaire du Trias calcaire bajocien

Tertiaire Crétacé Jurassique Oxfordien Jurassique Lias Trias supérieur Trias inférieur, Socle cristallin 0 5 10 km inférieur supérieur marneux moyen et moyen Permien et Carbonifère

Fig. 14 – Coupe géologique schématique de la chaîne jurassienne et sites d'extraction de marbres et albâtres. La coupe a pour objet de rattacher des exemples de carrières de marbres aux unités structurales du Jura. Bien que n'étant pas tous situés sur un même tracé nord-ouest/sud-est, les sites de carrière 16 sont projetés sur le plan de coupe. (Dessin P. Rosenthal, 1999) N H A U T E - S A Ô N E marbrerie

carrière l'Ognon marbre exploité marbre non exploité albâtre exploité

formation géologique non identifiée brèches et conglomérats tertiaires le Doubs Sampans calcaires du Audelange Crétacé inférieur Champvans gypse purbeckien C Ô T E - D 'O R Foucherans Dole calcaires du D O U B S Jurassique supérieur Damparis calcaires Choisey calloviens et bathoniens la calcaires Loue bajociens calcaires sinémuriens Salins-les-Bains Bans gypse et anhydrite du Trias supérieur Montigny-lès-Arsures

Arbois Andelot-en-Montagne

Saint-Lothain Bief-du-Fourg Poligny

Valempoulières Miéry Esserval-Tartre Mignovillard Montrond Mournans-Charbonny

Champagnole Château-Chalon Bief-des-Maisons Loulle Crans Syam Lons-le-Saunier Crançot Châtelneuf Messia-sur-Sorne Foncine-le-Bas

Publy Saint-Laurent- La Chaux-du-Dombief la-Roche l' Saint-Maur Bellefontaine

Rotalier Bois-d'Amont S A ÔN E - E T - L O I R E Châtel-de-Joux Chaux-des-Prés Morez Bienne Rosay la Digna Montagna- le-Reconduit Loisia S U I S S E Graye-et-Charnay Balanod Gigny Cuttura Louvenne Saint-Claude Saint-Amour Pratz

Nantey Saint-Julien Lavans-lès-Saint-Claude Nanc-lès-Saint-Amour Vaux-lès-Saint-Claude Villeneuve-lès- Chassal Saint-Jean-d'Etreux Molinges Morez Ville repère Chemin de fer Charnod Route principale Cornod Viry Cours d'eau 0 5 10 km A I N

Fig. 15 – Localisation des carrières et des marbreries. (Dessin P. Rosenthal, A. Céréza, 1997) 17 Du nord-ouest au sud-est, on repère les unités suivantes:

La région doloise

En marge sud-est du horst de la Serre, les gîtes de marbre se rattachent à des compartiments faillés du Jurassique moyen (ex.: marbre de Sampans) et du Jurassique supérieur (ex.: marbres de Damparis ou de Choisey) (Bienmiller 1974; Jourdy 1871; Pernin 1978).

Le fossé bressan

Bien que connue pour son manque de pierres, on peut toutefois rattacher à la Bresse les conglomérats calcaires tertiaires de bordure qui se sont accumulés aux confins du fossé tectonique et du relief du Jura, Fig. 16 – Le Vignoble entre Miéry et Saint-Lothain. donnant à Saint-Amour la brèche Sous le relief du bois Touiller (calcaire du Jurassique moyen), l’érosion atteint les calcaires à gryphées du Sinémurien, soulignés tertiaire de la Maladière. par une étroite bande boisée (plus sombre sur la photographie), et les argiles à sel gemme et à gypse du Trias. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 2000) Le faisceau lédonien ou Vignoble

Zone la plus externe du Jura, elle est aussi celle où l’érosion est la plus avancée (fig. 16). On y voit les niveaux les plus anciens de la série stratigraphique, exploités à différents titres: – albâtre gypseux du Trias supé- rieur. La solubilité du gypse alliée à l’érosion actuellement modérée de la zone du Vignoble se tradui- sent par une dissolution du gypse en surface. Les exploitants ont été conduits à extraire l’albâtre en puits ou en carrières souterraines à Aresches, Saint-Lothain (Davillé 1936), Salins-les-Bains; – calcaire à Gryphées du Sinému- rien (Jurassique inférieur), du type «noir de Miéry», exploité à: Cuisia, Digna, Miéry, Plainoiseau, Poligny, Rosay et Saint-Lothain; – calcaires à entroques du Bajo- cien (Jurassique moyen) tiré, par exemple, des carrière de Cousance.

Le plateau de Lons-le-Saunier

La structure tabulaire donne au plateau son homogénéité (fig. 17). Au sud d’Orgelet, la fréquence des failles nord-sud complique la structure de la Petite Montagne. L’érosion a le plus souvent dégagé les terrains postérieurs au Bajocien, ce qui explique les nombreuses carrières de calcaires à entroques du Bajocien inférieur (Jurassique moyen), telles celles de Balanod, Crançot, Graye-et-Charnay, Loisia, Fig. 17 – Reculée de Baume-les-Messieurs: falaises de calcaire du Jurassique moyen (Bajocien). Montagna-le-Reconduit (Girardot 18 (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 1993) 1890-1896). Le plateau de Champagnole

C'est le prolongement oriental du plateau de Lons-le-Saunier. L'éro- sion y a préservé les calcaires du Jurassique supérieur, d'où l'aug- mentation d'altitude (fig. 18). Les gîtes de marbres « séqua- niens», kimméridgiens ou port- landiens sont assez nombreux au sud et à l'est de Champagnole (ex.: Loulle, Le Frasnois, Crans). Au contact de la Haute-Chaîne appa- raissent les calcaires du Crétacé ayant fourni des marbres valan- giniens, comme à Bief-du-Fourg.

La Haute-Chaîne

Les plis liés aux décollement et au sectionnement des terrains secon- Fig. 18 – Reculée de Vers Cul, Ney: falaise de calcaire du Jurassique supérieur (« Séquanien »). daires donnent une alternance d’an- (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 2000) ticlinaux jurassiques et de synclinaux crétacés (fig. 19). Dans les zones anti- clinales, quelques gîtes de calcaires du Jurassique supérieur ont pro- duit les marbres portlandiens de Mignovillard et des Crozets. Dans les zones synclinales, les terrains du Crétacé ont livré les marbres et brocatelles du Barrémien (Chassal, Pratz). L'albâtre de Foncine-le-Bas pro- vient d'un amas de gypse saccharoïde blanc du Purbeckien, que l'on exploitait encore en 1834 sur 7 m d'épaisseur dans une grande fosse profonde de 10m (Thirria 1836).

CONCLUSION

La carte de répartition des gîtes de marbres jurassiens (fig. 15) montre qu'à l'exception du fossé bressan, naturellement dépourvu de roche massive, l'ensemble des régions naturelles du département dispose de niveaux calcaires jurassiques ou crétacés qui ont satisfait les besoins locaux en marbres. Les nombreuses variétés réperto- riées sont le reflet de la diversité des milieux de sédimentation. L'originalité des faciès tels ceux des marbres de Sampans ou des brocatelles du Haut-Jura en ont fait des produits exportables. Les gypses et anhydrites du Trias supérieur et du Purbeckien ont, pour leur part, alimenté en albâtre quelques ateliers de sculpteurs, complétant ainsi la gamme des ressources en pierres polissables du Jura.

Fig. 19 – Carrière de Champied, Pratz: front de taille dans les calcaires barrémiens. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) 19 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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20 Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003 L’extraction des pierres de taille et des roches marbrières dans l’Antiquité: les principales stratégies d’exploitation

Jean-Claude BESSAC*

HISTORIOGRAPHIE ET le XIXe siècle: des épigraphistes recherches antérieures et constitua, PROBLÉMATIQUE comme Bruzza (1870: 106-204) ont jusqu’à ces dernières décennies, d’abord étudié des inscriptions la principale référence dans ce Des épigraphistes et des concernant les carrières de marbre domaine. Ces premières démar- historiens à l’origine des Au début du XXe siècle, la thèse de ches visaient surtout les ex- recherches sur les carrières l’historien Charles Dubois (1908), ploitations de marbre du pourtour consacrée à l’administration et à méditerranéen, dont les plus pres- L’intérêt des chercheurs pour les l’exploitation des carrières dans le tigieuses appartenaient au domaine carrières antiques a commencé dès monde romain, fit le point sur les impérial.

La connaissance de ce secteur de Résumé Abstract l’activité romaine a beaucoup pro- La recherche archéologique permet Research in archæology now allow to gressé durant cette période initiale d’affirmer maintenant que les chan- assert that antique places of extrac- d’étude. Une phase de désintérêt a tiers d’extraction antiques nécessi- tion required the intervention of suivi et ce n’est que durant le der- taient l’intervention de spécialistes experimented specialists. Quarrymen nier tiers du XXe siècle que les expérimentés. Les carriers étaient had to work in close relationship with recherches sur les carrières ont obligés de travailler en concertation builders. The latter had to choose repris, s’élargissant à l’ensemble du étroite avec les constructeurs. Ces monde antique. L’apport antérieur architectural options bearing in mind derniers étaient contraints d’opter fut ainsi largement complété, pour des partis architecturaux, en what the quarriers were able to provi- principalement dans le secteur tenant compte des possibilités de de with especially first of all the geo- marbrier. Divers spécialistes s’y fourniture des carrières, c'est-à- logical and geographic conditions. sont intéressés, d’abord des histo- dire en premier lieu des conditions Builders often sent teams of quarry- riens, ensuite des archéologues et géologiques et géographiques. Ils men on purpose to the extraction des épigraphistes. envoyaient souvent des équipes de sites in order to achieve what they carriers exprès sur les sites d’extrac- were asked for. As a whole, the extra- Citons notamment: John Ward- Perkins (1971: 57-137), François tion pour réaliser leur commande. ction strategies at the time were Dans leur ensemble, les stratégies Braemer (1971a : 167-174 ; 1971b: directly dependent on the connection d’extraction d’alors étaient directe- 273-286), Marc Waelkens (1990: between the monument and the ment dépendantes de cette interrela- 54-72), John Clayton Fant (1989), tion entre le monument et la carrière. quarry. Ornamental stones especially Miguel Cisneros-Cunchillos Les pierres ornementales, surtout when they were to be replit (sawn) (1988), Hazel Dodge (1991: 28-50), lorsqu’elles étaient destinées à être into covering slabs partially exagued etc. débitées en plaques de revêtement, from the interdependence linked échappaient partiellement à cette with the order requirements. Il existe aussi des apports moins traditionnels mais néanmoins interdépendance avec la commande. The level (standard) of the tech- indispensables à l’archéologie, dus Le niveau des techniques d’extrac- niques in extraction, transportation, tion, de transport, de taille et de mise aux conservateurs du patrimoine, cutting and building was also to be aux architectes et aux géologues en œuvre entrait également en jeu taken into account as regards the tels que Enrico Dolci (1980), Tony pour les grandes orientations des great orientations (tendencies) of Kozelj (1988: 3-80) et Norman exploitations de pierre. Bien qu’ayant stone extraction. Although, it has Herz (1988). Notons à part Josef progressé ces dernières années, l’ar- Röder (1965: 467-552; 1971: 253- chéologie des carrières reste encore improved these past few years, quarry 312), qui fut l’un des premiers à un domaine nettement sous-exploité archæology is still clearly under- exploited compared to other fields of aborder franchement les questions par rapport aux autres secteurs. La techniques à partir d’observations research. Therefore the research pur- poursuite des recherches demeure de terrain précises, parfois ponc- donc toujours une priorité. suit is still a priority. tuées de fouilles.

*CNRS, UMR 154. 390 avenue du Pérols, 34970 Lattes, France. 21 Un certain retard des recherches sur les carrières de pierres de taille communes

Ce regain d’attention pour les pierres ornementales romaines n’a guère profité aux autres exploi- tations de pierres ordinaires, moins prestigieuses. Pourtant, même si leur importance pour l’histoire de l’art est un peu moindre, leur impact historique est aussi large, surtout dans les secteurs socio- économiques et techniques. Bien que les roches ornementales aient occupé une place considérable dans une très grande partie du Fig. 1 – Fouille archéologique de la carrière des Pielles, ouverte au début du Haut-Empire romain, dans le Bois des Lens près de monde romain, il faut souligner Nîmes (Gard). que les autres pierres de taille utili- Elle a connu ensuite plusieurs phases d’activités, sa lecture typologique est donc assez complexe. (Cliché J.-C. Bessac) sées alors représentent des volumes de matériaux très sensi- Pyrénées. Dans les pays du précisions tout à fait sûres et blement supérieurs. Ceci est Levant, la perte de l’expérience convenablement datées. particulièrement vrai dans les multiséculaire des carriers et des régions modestement pourvues en tailleurs de pierre a été partielle- La rareté des fouilles roches ornementales, mais riches ment évitée grâce à une certaine archéologiques dans les en pierres communes de bonne survivance de l’activité des carrières antiques qualité: en Occident, par exemple, Byzantins dans ce domaine. C’est la France et l’Espagne, en Orient la probablement par les contacts Les fouilles archéologiques dans Syrie, la Jordanie et le Liban. entre ces deux mondes, durant le les carrières antiques restent enco- Moyen Age, qu’il a pu y avoir en re trop exceptionnelles. Cela est Malgré cette relative indifférence Occident une redécouverte pro- dû, d’une part aux importantes pour l’exploitation des pierres com- gressive d’une large partie des masses de déblais d’extraction qu’il munes, d’intéressants articles et techniques antiques, tant dans le faut traiter d’un point de vue surtout quelques synthèses sont secteur de la taille de la pierre que archéologique avant d’atteindre les parus sur cette question. Dans ce dans celui de l’extraction. structures d’exploitation antiques, domaine, l’aire gréco-romaine a d’autre part à la forte pénurie de particulièrement bénéficié des Malgré quelques apparences spécialistes de ces techniques. Mis écrits d’Angelina Dworakowska trompeuses, l’héritage de ces tech- à part les travaux de Joseph Röder (1975 et 1983), de Robert Bedon niques antiques, tel qu’il s’est (1957: 213-271; 1959: 47-88) en (1984) et d’Anneliese Peschlow- transmis jusqu’à nous par l’inter- Rhénanie, de Gérard Monthel et Bindokat (1990). Mais ce furent médiaire de près de deux millé- Mathieu Pinette (1977: 37-62) en pour l’essentiel des démarches naires de traditions et d’influences Bourgogne et mes propres investi- d’historiens, sans l’apport de diverses, est loin d’être intact. Il y a gations dans le Midi méditerranéen fouilles archéologiques. eu de nombreuses altérations, des (Bessac 1986: 151-171; 1992: 397- pertes, mais aussi certaines évolu- 430; 1996), les recherches spéci- L’apport des traditions et ses tions. La quasi-absence de textes fiques actuellement publiées ne limites ou de témoignages iconogra- s’appuient guère sur la prospection phiques antiques sur les tech- archéologique systématique et pra- Des routines professionnelles et niques de la pierre gréco-romaines tiquement jamais sur la fouille des techniques marbrières se sont et antérieures doit être soulignée. stratigraphique en carrière. parfois perdues peu après la fin de Ni les devis grecs de construction, D’un autre côté, rares sont les l’Empire romain. Les pierres de ni les seuls écrits romains sur l’ar- archéologues qui peuvent s’enga- taille ordinaires ont également subi chitecture que nous a laissé Vitruve ger dans ce domaine avec l’optique alors un très fort recul de leur ne se sont vraiment attardés sur ce d’un professionnel de la pierre. exploitation et les professions qui secteur de l’activité du bâtiment. Pour excellentes que puissent être leur étaient liées ont connu une Cette situation nous oblige à nous ces études, elles se cantonnent importante dégénérescence. En tourner principalement vers l’ap- généralement aux perspectives his- Occident, la disparition graduelle port des fouilles archéologiques toriques et archéologiques com- de ces techniques antiques a par- dans les carrières (fig.1). C’est munes. Lorsque les aspects tech- fois été légèrement différée dans actuellement la principale forme niques et économiques sont pris en quelques rares carrières, souvent d’investigation qui peut nous four- compte, seuls les plus évidents 22 assez isolées, comme celles des nir des indices inédits et des sont retenus. seront certainement nécessaires dans l’avenir.

Par rapport aux autres champs de l’archéologie, telle que la pro- duction des céramiques, le secteur des carrières antiques n’en est encore qu’à ses premiers pas; cependant, sa richesse fait que les connaissances acquises sont déjà importantes. La bibliographie pro- posée à la fin de ce texte montre que l’administration des carrières et la conduite technique détaillée de l’extraction ont déjà fait l’objet de nombreuses publications. En revanche, peu d’auteurs ont abordé Fig. 2 – Carrière traditionnelle syrienne ouverte dans la région de Résafa, au nord de la ville de Deir-ez-Zor. Elle a fait l’objet d’observations ethnoarchéologiques entre 1988 et 1993. (Cliché J.-C. Bessac) les différentes formes générales des exploitations antiques en fonc- tion de la quadruple contrainte du Les interactions entre la production, pour l’élément en terrain, de la commande, de l’éco- carrière et la commande pierre en cours d’élaboration ou nomie et du niveau technique des d’achèvement, l’interrelation est carriers. Les carrières antiques sont encore également vraie. Donc, un traite- trop souvent perçues du seul point ment de la question tenant Le sujet proposé ici sera donc trai- de vue du droit romain qui les compte, tant dans les stratégies té essentiellement sous l’angle des considère comme une variété de que dans les techniques, de cette diverses stratégies pratiques d’ex- mines. Par conséquent, elles sont étroite interdépendance doit rester ploitation. Le lecteur ne devra pas analysées économiquement et une règle afin de faire progresser s’étonner du caractère encore très techniquement selon des schémas sensiblement notre connaissance lacunaire de cette courte synthèse, propres à ce dernier domaine. Si du sujet. ponctuée de trop rares exemples, cette démarche peut convenir dans en particulier pour ce qui concerne certains cas pour des investigations Une approche élargie de l’Occident. Elle ne reflète que juridiques ou administratives, en l’étude des carrières antiques l’état actuel de nos connaissances revanche le regroupement des en la matière. deux activités rend très difficile Dans le cadre des investigations l’application d’un schéma d’étude connexes, une place doit égale- LES GRANDES LIGNES DE commun pour une approche socio- ment être réservée à l’ethno- L’HISTOIRE DES CARRIÈRES économique et technique du sujet. archéologie et, au-delà, à l’archéo- L’extraction des minerais, leur logie expérimentale, mais en De la Préhistoire à l’Antiquité transformation en métal et leur restant très conscient de leurs façonnage final peuvent être limites (fig.2). Ces deux approches Dès l’époque préhistorique, les découpés en divers secteurs d’étu- sont très difficiles à mettre en hommes ont extrait des mégalithes de totalement indépendants. Si œuvre actuellement en Occident, pour édifier leurs dolmens et leurs l’évolution actuelle du métier de mais d’intéressantes possibilités menhirs. Le choix de blocs déjà carrier tend également vers cette subsistent encore au Proche-Orient isolés, en partie ou en totalité, de la autonomie, par rapport à l’utilisa- (Bessac, Abdul Massih et Valat roche massive par des fissures géo- tion ultérieure du matériau qu’il 1997: 159-197; Bessac 1997 II: logiques facilitait beaucoup leur extrait, la situation est tout autre 237). Dans chaque carrière, la prise extraction. Lorsqu’il fallait complé- pour le professionnel antique. en compte de la géologie, et sur- ter cet état naturellement favorable tout de son incidence sur la par un creusement de la roche, des Exception faite d’une certaine par- lithostratigraphie et la microtopo- outils constitués de pierres très tie de l’exploitation des pierres graphie locale, est fondamentale dures étaient employés. Parmi les ornementales de renom, destinées pour une bonne compréhension blocs erratiques, étaient choisis à être débitées en fines plaques, des stratégies et des techniques ceux qui possédaient déjà une l’organisation technique et les adoptées par les exploitants forme naturellement proche de modes de production des carriers antiques. Dans ce domaine, depuis celle de l’œuvre projetée, de antiques dépendent étroitement quelques années, la variété des manière à limiter au minimum le de l’œuvre finale pour laquelle ils chercheurs s’élargit progressive- travail d’ébauche. travaillent (élément d’architecture, ment aux ethnologues, aux statuaire, sarcophage, etc.). A géologues, aux spécialistes du Les exploitations systématiques de l’autre extrémité de la chaîne de bâtiment. D’autres collaborations carrières de pierre de taille ne com- 23 mencent réellement qu’avec les antérieures à la connaissance du fer

grandes civilisations: Egypte pha- ou à l’apparition des techniques a raonique, Empire hittite, Monde d’aciérage suffisamment efficaces phénicien, etc. En l’absence de fer, pour un tel travail, sont à ciel ces premières extractions, même si ouvert, c’est-à-dire à l’air libre. elles sont organisées à grande Malgré quelques exceptions, cette échelle, doivent encore beaucoup catégorie de carrière prédominera b aux techniques préhistoriques et très nettement durant toute sont parfois assez difficiles à identi- l’Antiquité. fier sur le terrain. Ce n’est qu’avec l’apparition du fer, et surtout avec LES PRINCIPALES STRATÉGIES sa vulgarisation, vers le VIIe siècle DE L’EXTRACTION ANTIQUE av. J.-C., que démarre l’extraction traditionnelle en Méditerranée Les formes extensives de c occidentale. Elle est fondée sur l’extraction à ciel ouvert (fig. 3) deux principes généraux: l’isole- ment des blocs par le creusement Par extraction extensive, il faut de tranchées étroites et le forçage entendre ici des stratégies d’ex- de coins engagés dans des trous ploitation qui privilégient une spécialement confectionnés, afin progression horizontale, essentiel- Fig. 3 – Schémas des principales formes d’extraction lement superficielle. Dans cette extensives à ciel ouvert: a) exploitation de blocs erratiques; d’obtenir une fracture de direction b) extraction extensive dispersée; c) extraction extensive prédéterminée (Bessac 1996: 193- forme d’extraction, les contours de linéaire. (Dessin J.-C. Bessac) 427; id. 1999b: 37-39). Ce sera la la carrière ne sont pas toujours bien seule façon d’extraire la pierre définis. naturel d’énormes blocs de calcaire massive jusqu’à l’arrivée de la dur, déjà isolés de tous côtés, a pro- mécanisation, à la fin du XIXe L’exploitation de blocs erratiques bablement influencé l’architecture siècle. Vers 1960, la généralisation (fig.3a) du palais hellénistique du roi de l’extraction mécanique fera La plus commune et probablement Hyrcan. Ses constructeurs ont pu totalement disparaître cet héritage la plus ancienne des stratégies être séduits par l’idée d’une impor- technique ancestral en Europe d’extraction extensives consiste à tante économie des temps de taille occidentale (Martin, 1981: 106- tirer profit des éboulis naturels en optant pour un appareil mégali- 107, note 1). Actuellement, au entassés en pied de falaise ou bien thique adapté à leur grand format. Moyen-Orient, les derniers ves- des blocs erratiques naturellement L’exploitation de blocs erratiques tiges encore vivants de cette isolés du substrat. A proprement n’est pas seulement réservée à la activité traditionnelle sont en voie parler, il s’agit ici plus d’un débit pierre dure; durant le Ier siècle av. d’extinction (Bessac, Abdul Massih primaire de ces énormes mono- J.-C., de grands pans de rocher, et Valat 1997: 159-197). lithes en blocs de dimensions plus détachés au cours du Quaternaire modestes, que d’une véritable de la falaise en calcaire coquillier Des survivances préhistoriques extraction en règle. Parfois, selon des Baux-de-Provence (Bouches- tardives son volume initial, le bloc naturel du-Rhône), ont été exploités au est simplement équarri sur place pied de cette dernière, à l’emplace- En Amérique latine, au Mexique avant d’être transporté sur le chan- ment même de leur point de chute en particulier, des civilisations tier de taille. Malgré ses origines, (Gauthier 1986: 402-405). comme les Mayas utiliseront, jus- vraisemblablement préhistoriques, qu’à l’arrivée des Européens au cette pratique persiste toujours L’extraction extensive dispersée XVe siècle, des procédés d’extrac- durant l’Antiquité et même bien (fig.3b) tion primitifs absolument ana- au-delà. Proche de la précédente, l’extrac- logues à ceux de l’époque préhisto- tion extensive dispersée progresse rique (Stierlin 1964: 132-134; Concurremment avec d’autres en tous sens sur un plateau ou à Robles Garcia 1992: 85-112). On formes d’exploitations (Schmidt- flanc de colline, en n’exploitant trouve aussi des situations surpre- Collinet 1990: 87-92), la ville qu’une ou plusieurs variétés de nantes dans des cultures orientales antique de Palmyre en Syrie a pro- bancs, dans la mesure où la roche marginales, comme au Yémen, où duit ainsi une partie de ses pierres offre des secteurs nettement déga- l’extraction des pierres dures se de taille dures les plus volumi- gés par l’érosion naturelle. Cela se pratique encore avec des outils neuses. Un amas naturel de blocs traduit par des vestiges d’extrac- lithiques aux environs du Ier siècle situé au bas d’une falaise, à tion nombreux mais réduits, de notre ère, alors que l’usage du quelques kilomètres dans les mon- éparpillés au gré des affleurements fer pour la taille des calcaires est tagnes au nord de la cité, servait de de pierre. Pour les carriers, l’essen- déjà quasi-général dans cette carrière (Bounni et Al-Asad 1995: tiel est de bien identifier les strates région depuis environ cinq siècles 134) (fig. 4). À Iraq el-Amir, en de bonne qualité qui apparaissent (Bessac 1999a: 278, fig. 37). Toutes Jordanie, à quelques centaines de en surface en divers points du site 24 les exploitations de pierres dures mètres en amont du site, un stock rocheux. C’est là qu’ils installent grammes monumentaux romains des plus prestigieux recourent sou- vent à cette pratique, car elle est jugée comme la plus économique. C’est le cas de plusieurs villes antiques du Proche-Orient, notam- ment Amman et Jérash en Jordanie, qui font appel à ce mode d’exploitation pour l’essentiel des pierres dures, souvent marbrières, de leurs commandes publiques et privées (fig. 5).

L’extraction extensive linéaire (fig.3c) Il s’agit également d’une forme d’extraction à ciel ouvert qui, au Fig. 4 – Exploitation antique de blocs erratiques de calcaire dur éboulés au pied d’une falaise au nord de Palmyre (Syrie). lieu d’être limitée à un point ou à (Cliché J.-C. Bessac) une petite aire, s’étend en ligne horizontale ou subhorizontale et peut éventuellement s’appliquer à plusieurs niveaux distincts d’un affleurement. Cette conduite de l’exploitation est dictée par la pré- sence d’une ou d'un ensemble de strates affleurantes, présentant des caractères particulièrement intéres- sants de structure, de finesse, de dureté, de résistance ou de couleur, voire plusieurs de ces qualités. Ce mode d’extraction ne peut donc concerner que des roches d’origine sédimentaire, calcaires et grès en particulier.

Comme exemple antique de cette Fig. 5 – Exemple d’extraction extensive dispersée de pierres marbrières dans les collines entourant la ville antique d’Amman catégorie, on peut citer un étroit (Jordanie). (Cliché J.-C. Bessac) mais très long chantier d’extraction de grès ayant fonctionné dans les falaises de Pétra en Jordanie (en cours d’étude). Là, ont été exploi- tés deux bancs de grès durs totalisant une épaisseur d’environ un mètre. Au-dessus, les quelques strates suivantes sont très friables et se sont dégradées, créant ainsi une sorte d’auvent allongé qui pro- tège la carrière. Une fois extraits, les blocs étaient évacués en utili- sant le sol de carrière qui forme une voie presque horizontale. D’autres exemples viennent de la ville sud-arabique de Shabwa, au Yémen, datée entre le Ier siècle av. Fig. 6 – Extraction extensive linéaire de calcaire dur en bordure d’un plateau proche de la ville antique de Shabwa au Yémen. e (Cliché J.-C. Bessac) J.-C. et le IV siècle de notre ère (fig. 6): il s’agit de plusieurs chan- leurs chantiers d’extraction en Le comptoir grec d’Ampurias tiers d’extraction exploitant une ou tirant profit au maximum des parti- semble avoir adopté ce type d’ex- deux strates disposées en ligne en cularités lithostratigraphiques, et traction pour l’essentiel de ses bordure d’un plateau (Bessac éventuellement karstiques, afin murs en calcaire froid local (Bessac 1999a: 232-235 et 266-267, fig. 5 d’économiser au mieux leur peine. 1993a: 296-298). Même des pro- et 7). 25 Les formes intermédiaires de l’extraction à ciel ouvert (fig.7) a b

Il existe plusieurs formes d’extrac- tions antiques qui combinent les aspects d’une extension horizonta- le avec certaines particularités d’une progression intensive verti- cale, cette dernière étant fréquem-

ment prédominante. Le caractère c d mixte de ces carrières doit être évo- qué séparément, car il peut impli- quer des stratégies spécifiques d’exploitation.

Les carrières en paliers (fig. 7a) Ces exploitations s’étagent en escalier dont les degrés, plus ou Fig. 7 – Schémas des formes intermédiaires de l’extraction à ciel ouvert: a) extraction en paliers; b) extraction par arasement ; moins larges, constituent chacun c) extraction en tranchée; d) extraction liée au dégagement extérieur des structures rupestres. (Dessin J.-C. Bessac) des fronts de taille généralement inférieurs à un mètre de haut. L’avantage d’une telle progression, à la fois verticale et horizontale, donc un peu extensive, est de pou- voir répartir plusieurs variétés de bancs en fonction de la progression de la construction. Par exemple, des strates de pierre médiocre pourront alimenter le remplissage interne d’un rempart tandis que des bancs de bonne qualité pour- ront être exploités simultanément pour produire les parements des mêmes murs. C’est une pratique d’extraction propre aux roches sédimentaires et, par conséquent, assez commune dans les calcaires Fig. 8 – Carrière en paliers ouverte dans le grès dunaire d’Apollonia de Cyrénaïque (Libye). (Cliché J.-C. Bessac) et les grès, en particulier lorsqu’ils tous deux occupants du site. En au fond de cette carrière initiale- présentent des bancs bien diffé- revanche, ce sont bien les carriers ment creusée en fosse, cela ne peut rents en matière de résistance, de hellénistiques de la ville de Doura- être que pour des facilités de circu- couleur ou de finesse de grain. Un Europos, en Syrie, qui ont extrait lation et de bardage (Bessac 1996: autre intérêt de l’exploitation en par paliers les différentes variétés 12 et 113-117). paliers est de pouvoir facilement de gypse local (Bessac 1997 II: circuler entre le fond et le sommet 115-116 et III: fig. 1-8). Ceci leur a L’extraction par arasement général des chantiers, en profitant des permis d’orienter la production des (fig. 7b) degrés façonnés par l’extraction meilleures strates, proches de la Le chantier d’extraction par arase- des blocs. C’est pourquoi, ces qualité de l’albâtre, vers les œuvres ment général est conduit par paliers successifs se trouvent aussi marbrières (sculptures, chapiteaux, tranches horizontales assez vastes, dans des formations relativement bases, etc.) et celles des bancs qui peuvent conduire à la dispari- homogènes et sans joints de strati- médiocres, les plus nombreux, vers tion complète d’une petite fication. les murs appareillés ordinaires éminence naturelle. D’une maniè- (Bessac 1993b: 227-230). Une autre re plus commune, il n’entame situation peut se présenter, par qu’une partie de colline ou de pla- Les carriers antiques ont exploité exemple dans la carrière de teau. Sa caractéristique principale ainsi des formations de roche Mathieu, au Bois des Lens, près de est de ne présenter qu’un niveau tendre comme les grès de plage Nîmes (Gard), le calcaire ooli- de front de taille à la fois: celui en d’Apollonia de Cyrénaïque en thique fin et ferme y étant cours d’exploitation. Par ailleurs, il Libye (fig. 8). L’étude seulement suffisamment homogène pour comporte rarement plus de deux superficielle de ces carrières ne m’a rendre inutile une stratégie de fronts de carrière et, parfois, en est pas permis de les attribuer sûre- choix de strates. Si les Romains ont totalement dépourvu; il est donc 26 ment aux Grecs ou aux Romains, opté ici pour ce mode d’extraction toujours très ouvert sur l’extérieur. dépression naturelle, des branches perpendiculaires sont ouvertes de chaque côté, selon les besoins d’extension de l’exploitation. L’ouverture latérale de petits chantiers d’extraction se pratique toujours à partir du sommet du terrain, de manière à pouvoir sup- primer les déchets de découverte généralement inutilisables.

Comme dans tous les chantiers à progression partiellement horizon- tale, il faut donc à chaque fois éliminer ces déblais en dehors des zones possibles d’extension de la carrière et évacuer les blocs. La

Fig. 9 – Carrière antique exploitée par arasement au sud de Martigues (Bouches-du-Rhône). tranchée axiale primitive joue ce Elle a fourni notamment une grande partie des pierres des remparts hellénistiques de Marseille. (Cliché J.-C. Bessac) rôle de voie de dégagement. Ce mode d’exploitation progresse remparts de la cité, dans les dépôts essentiellement en profondeur, dunaires du Quaternaire. Les car- Quelques grandes carrières impé- mais il s’étend aussi un peu en sur- rières du Cap Couronne (fig. 9), au riales de marbre de Tunisie et face, autorisant ainsi un classement sud de Martigues (Bouches- surtout de Turquie semblent avoir dans la catégorie des extractions du-Rhône), installées dans la adopté, par endroits, le principe de intermédiaires. molasse coquillière du Tertiaire, cette progression (Röder 1993: 23, ont produit, selon le principe des fig. 5; id. 1971: 272-273, fig. 14 et 15). Mais, d’une manière générale, Une telle extraction ne peut se arasements successifs, l’essentiel cette stratégie est assez peu com- concevoir que dans des roches des pierres des fortifications mune dans l’Antiquité et ce n’est assez homogènes, même si elles grecques de Marseille (Guéry, vraiment qu’à l’époque moderne sont divisées horizontalement par Pirazzoli et Trousset 1981: 18-21; qu’elle se développera, en particu- des joints de stratification. Son Guéry, Trousset et Hallier 1985: lier dans les calcaires tendres, intérêt est de pouvoir mettre en 25-52). Dans la carrière de l’Estel comme celui de Crazannes en place un système de production sud, qui a servi à construire le Pont Charente-Maritime, où elle est modulaire très rationnel, géré dans du Gard, élément majeur de souvent associée avec des dévelop- le cadre d’un canevas d’extraction l'aqueduc de Nîmes (Bessac 1992: pements souterrains (Bocquet et régulier et orthogonal. Bien que 397-430), les Romains semblent Valat 1995: 20, fig. 3). déjà connu des Egyptiens (Goyon avoir utilisé à peu près le même 1977: 105-110), le principe de l’ex- principe d’exploitation. Mais là, de L’extraction liée au dégagement traction par grands arasements a grands plots rupestres ont dû être extérieur des structures rupestres surtout été développé par les laissés provisoirement au milieu de (fig.7d) constructeurs des défenses hellé- la carrière, afin de pouvoir facile- Il s’agit là d’une stratégie d’extrac- nistiques. Pour fortifier leurs ment desservir tous les secteurs du tion tout à fait annexe puisque son comptoirs et leurs villes, ils avaient chantier d’extraction avec des objectif premier est de produire besoin de produire rapidement engins de levage. En attendant les une forme architecturale dans la d’importantes quantités de blocs résultats des investigations en roche. Son principe élémentaire de grand appareil approximative- cours sur ce site, il est préférable de consiste à dégager la structure en ment modulaires (Bessac et considérer ce type de carrière extrayant des blocs tout autour, Leriche 1992: 74-76; Bessac 1995: comme une variante de l’extraction plutôt que de creuser la roche 394-396). Il fallait donc qu’ils choi- par arasement. de manière destructive. Ce procé- sissent des roches assez tendres et dé est appliqué essentiellement homogènes. Se prêtant très bien à Les carrières en tranchée (fig. 7c) lorsque la pierre du substrat est uti- cette stratégie d’extraction, les Dans ce choix, les carriers com- lisable comme pierre de taille, car il calcaires coquilliers du Tertiaire et mencent d’abord leur extraction exige l’intervention de véritables les grès dunaires récents offrent dans le cadre d’une tranchée assez carriers et non de simples terras- les meilleurs exemples de cette large pour constituer un accès faci- siers. C’est un mode d’exploitation pratique. le vers l’extérieur. Ces carrières souvent mixte, car il peut adopter sont souvent installées à flanc de une ou deux des trois formules pré- Concernant l’époque hellénis- colline, ce qui facilite les opéra- cédentes ou bien les combiner tique, citons une partie des tions. A partir de la tranchée toutes, selon la forme projetée de la carrières de Néapaphos à Chypre, initiale, qui peut être volontaire- structure rupestre et en fonction de ouvertes en bord de mer, près des ment implantée dans une petite la microtopographie locale du site. 27 Il s’en distingue néanmoins du fait que les fronts de carrière, et parfois les sols, sont déterminés par les volumes de l’œuvre rupestre plutôt que par la destination des blocs, la productivité ou les caractéristiques de la roche en place.

Les Egyptiens ont certainement été les premiers à employer cette forme annexe de l’extraction, en particulier à Gizeh pour dégager le Grand Sphinx des strates calcaires (Goyon 1977: 105) et à Abou Simbel pour obtenir la façade de granit du temple. Ce sont princi- palement les Grecs qui ont développé cette pratique, surtout Fig. 10 – Extraction liée à la confection rupestre de la base des remparts hellénistiques de Doura-Europos (Syrie). dans le cadre de l’architecture mili- (Cliché J.-C. Bessac) taire hellénistique dans les sites où la pierre tendre ou ferme constitue accentué par l’action mécanique,

le substratum. Notons, à titre de courte durée mais très violente, a d’exemples, certains secteurs des des eaux des rivières locales ou socles des remparts de Doura- ouadis. L’érosion naturelle des Europos en Syrie (Bessac 1997 II: strates tendres supérieures ménage 114-115) (fig. 10) et d’Apollonia de souvent une petite terrasse longue Cyrénaïque en Libye (Hallier mais étroite, qui permet d’engager

1986: 267). Dans ce dernier site, une extraction. L’espace ainsi dis- b cette catégorie d’extraction concer- ponible, très réduit en largeur mais ne aussi les structures inférieures souvent assez long, est réparti du théâtre et le stade (Davesne entre plusieurs carriers. Chacun 1978: 13-15). Pour des périodes un d’eux exploite au même rythme peu plus récentes, on ne peut que une longueur de sol de carrière

citer les monuments nabatéens de approximativement égale, mais pas c Pétra en Jordanie (Shaer et Aslan forcément dans le prolongement 1997: 219-230) et leurs équivalents de ses voisins; au contraire, la en Arabie Saoudite à Medain découpe de ces fronts est souvent Saleh, l’antique Hégra (McKenzie en dents de scie. Il est important 1990: pl. 2-14). Dans l’ensemble, que leur progression verticale soit les Romains paraissent éviter les égale, de manière à pouvoir tous Fig. 11 – Schémas des formes extensives de l’extraction à ciel ouvert: a)extraction verticale par petits chantiers juxtaposés; réalisations rupestres et, par consé- profiter du même dispositif d’en- b) extraction en conque; c) extraction en fosse. quent, cette catégorie d’extraction. trée et de sortie du chantier. Celui- (Dessin J.-C. Bessac) ci est constitué d’une ligne vertica- sent exploités ainsi dès le début de Les formes intensives de le d’encoches, souvent doubles, l’Empire romain, semble-t-il, en l’extraction à ciel ouvert (fig.11) espacées de 40 à 50 cm, qui servent Gaule méditerranéenne, en parti- d’échelle et permettent de rejoin- culier dans la région de Nîmes à L’extraction verticale par petits dre un point de cheminement Sernhac (Bessac 1991: 294-298). chantiers juxtaposés (fig. 11a) naturel commode (Shaer et Aslan Mais l’absence de fouilles stratigra- Ce n’est guère qu’en présence de 1997: 219). phiques à la base de ces chantiers falaises composées de roche assez ne permet pas encore de confirmer homogène mais pas trop dure, que Des fronts de carrière d’une tren- définitivement la datation de tous l’on peut trouver cette catégorie taine de mètres peuvent ainsi être les fronts de ces carrières. d’extraction. En fait, les seuls exploités. Ce type d’exploitation exemples antiques sûrement iden- est totalement imposé par la géolo- L’extraction en conques (fig. 11b) tifiés sont tous nabatéens et situés gie et la topographie locale. Dans Apparemment plus rare que la pré- sur les bords de canyons, dans le des conditions comparables, il a pu cédente, puisqu’on ne connaît massif de grès de Pétra en Jordanie être en usage également ailleurs, qu’un seul exemplaire antique (Pflüger 1995: 291, fig. 3). Dans ce notamment plus au sud, dans la avéré, ce type de carrière, égale- site, les zones de bons grès se tra- région gréseuse d’Hégra en Arabie ment identifié à Pétra, découle des duisent souvent par un abrupt Saoudite, ou bien en Egypte, où ce mêmes conditions géologiques et assez important d’origine tecto- matériau est également présent. topographiques (Pflüger 1995: 292, 28 nique et souvent sensiblement Certains calcaires gréseux parais- fig. 4). Mais contrairement à la for- Fig. 12 – Carrière en conque ouverte dans les falaises de Fig. 13 – Exemple d’exploitation romaine en fosse dans la carrière de Mathieu, au Bois des Lens près de Nîmes (Gard). grès de Pétra en Jordanie. (Cliché J.-C. Bessac) (Cliché J.-C. Bessac) mule précédente, il n’existe pas ici Les carrières en fosse (fig.11c) Un dernier inconvénient, tout à fait de terrasse naturelle de départ (fig. Exclusivement intensives, ces imprévisible, peut résulter de 12). Au début du chantier, chaque exploitations sont ouvertes essen- l’éventuelle apparition d’un défaut carrier doit attaquer le flanc vertical tiellement dans des affleurements majeur de la roche, comme les cavi- de la falaise, à partir d’un point épais de roche homogène, sans tés karstiques dans le calcaire. qu’il atteint grâce à l’emploi d’un stratification nette. L’intérêt de ces Dans les carrières offrant des possi- échafaudage volant rudimentaire. chantiers vient du fait qu’une fois bilités d’extensions horizontales, la couche de découverte supprimée C’est cette attaque ponctuelle, à on peut éviter ces derniers défauts sur toute la surface supérieure de la en les contournant; mais dans les flanc de falaise, qui détermine une fosse, la progression verticale en fosses, ils peuvent être à l’origine progression verticale de profil profondeur ne rencontre plus, en de l’abandon de leur exploitation. conchoïdal. Autrement dit, le front général, que de la bonne pierre. de carrière forme une sorte d’au- C’est un type d’extraction que l’on Malgré tous ces désavantages, les vent, incliné de 20 à 30° par rapport observe surtout dans les pierres carriers romains ont fréquemment à la verticale et s’élargissant de plus sédimentaires, en particulier les recouru à l’extraction en fosse en plus vers le bas. Malgré son pro- calcaires fermes, dont on sait que de diverses variétés de pierres. fil en auvent, cette formule de l’altération et la fragmentation se Dans les granits, il semblerait que carrière doit être considérée réduisent au fur et à mesure que la carrière romaine de Locuon comme à ciel ouvert. l’on s’éloigne de la surface du sub- (Ploërdut, Morbihan) puisse être strat. Cela peut parfois être rattachée à cette catégorie Tant que la carrière n’atteint pas le également valable pour d’autres (Eveillard et al. 1997: 43-68). pied de la falaise, la seule façon roches non sédimentaires, comme d’entrer et de sortir de cette caté- les granits et les basaltes. Notons aussi un exemple oriental gorie de chantiers d’extraction est d’exploitation antique du basalte d’utiliser des cordes. Quant aux Cependant, cette formule présente en fosse en bordure de la ville de blocs, ils seront évacués en les pré- aussi des inconvénients non négli- Bosra, en Syrie méridionale (en geables. Le plus évident, surtout si cipitant dans le vide, avant d’être cours d’étude). Cependant, c’est les blocs sont de grand appareil, dans les calcaires fermes, comme transportés par des moyens plus vient de l’évacuation de la produc- celui des carrières du Bois des classiques vers le monument. Il tion qui ne peut se faire qu’à l’aide Lens, près de Nîmes (fig. 13), que existe d’autres carrières de ce type, de puissantes machines de levage les Romains ont le plus appliqué ouvertes dans le calcaire coquillier installées en bordure de la fosse. cette méthode (Bessac 1986: 159- de l’île de Minorque aux Baléares Précisons que l’usage de rampes 182; id. 1996: 12-17). Les schémas (Florit-Nin et Souleau-Lara 1995: pour faciliter l’accès aux véhicules d’exploitation proposés par Josef 94), mais, bien que sûrement de transport au fond des fosses est Röder (1971: 204, fig. 9) révèlent anciennes, elles restent mal datées relativement récent. Une autre dif- aussi que certaines carrières et l’on ne peut les prendre en ficulté résulte des inondations romaines de marbre d’Anatolie ont compte ici. périodiques de ces exploitations. fonctionné également en fosse. 29 Pourquoi les Romains ont-ils plutôt favorisé ce choix qu’un autre, en a b dépit des problèmes qu’il impli- quait? Une réponse sûre et défini- tive, valable pour tous les cas, est difficile à proposer. A l’exception des marbres du domaine impérial, pour l’essentiel, il semblerait que cela vienne du fait que leurs

équipes de carriers étaient liées au c d chantier de construction et non à l’exploitation (Bessac 1996: 280- 281). Par conséquent, il leur fallait éviter absolument la moindre extension horizontale en dehors de l’emprise initiale de la carrière, car un tel choix les aurait obligé à extraire à nouveau les matériaux inutilisables de la découverte. Fig. 14 – Schémas des formes d’extractions souterraines: a) extraction en puits; b) extraction en galerie; c) extraction à piliers L’installation d’une puissante tournés; d) extraction liée au creusement de structures souterraines. (Dessin J.-C. Bessac) machine de levage au-dessus du dans ce domaine est le site antique communiquent à leur base grâce à front de carrière représente un de Pétra. Le grès local, qui se prête des passages creusés dans la roche. investissement récupérable quoi tout à fait bien à l’extraction sou- La pierre de taille est évacuée ver- qu’il arrive, tandis que le déblaie- terraine comme l’attestent les très ticalement par le puits, tandis que ment de plusieurs mètres d’épais- nombreuses chambres rupestres, les déchets d’extraction sont entre- seur de mauvaises pierres, soit pour n’a suscité, pour l’essentiel, que posés dans les carrières contiguës augmenter la surface du chantier, l’exploitation de carrières à ciel désaffectées. Ainsi, la production soit pour créer une sortie à flanc de ouvert. La seule carrière souterrai- de déchets de découverte est très colline ou une rampe, constitue ne exploitée alors représente un réduite et le problème des déblais une perte d’énergie et de temps. volume dérisoire de pierre de taille est facilement résolu. En cas de rencontre de mauvaises par rapport au reste (étude en roches en profondeur, ces carriers cours). Outre les inconvénients Les seules carrières en puits préféraient ouvrir une nouvelle habituels du milieu souterrain, tels connues de manière sûre pour la excavation un peu plus loin. La que l’humidité ambiante et le période antique ont été identifiées politique d’exploitation de car- manque de lumière, il est possible dans le domaine punique à proxi- rières au coup par coup, pour une qu’il y ait eu aussi des réticences mité de Carthage (Rakob 1995: commande déterminée et proba- d’ordre cultuel. Le domaine sou- 62-64; Paskoff et Trousset 1995: blement par des équipes diffé- terrain est le lieu de prédilection 57-66). Elles sont creusées un peu rentes, impliquait aussi une gestion des divinités païennes malfaisantes à la manière des silos protohisto- des déblais à très court terme, par- et, bien que les mines antiques riques contemporains de la côte ticulièrement préjudiciable à l'ex- soient là pour démontrer que nord orientale d’Espagne (Martin i tension des fosses (Bessac 1996: les peurs pouvaient être surmon- Ortega 1993: 21) et de son prolon- 279-283). Faute d’avoir évacué les tées si nécessaire, elles pouvaient gement français qui se termine vers déblais en fin de commande, le néanmoins constituer un frein. Béziers, région également influen- vidage d’une excavation, en vue Curieusement, c’est à partir du cée par la culture punique. Ces d’une reprise de l’activité, pouvait moment où le christianisme se carrières en puits d’Afrique du s’avérer trop coûteux pour une généralise, vers la fin de l’Empire Nord sont ouvertes dans des grès nouvelle équipe venant là romain, que les carrières souter- dunaires tendres. Contrairement quelques temps après. Pour cette raines prennent un réel essor. aux carrières en puits tradition- dernière, il était parfois plus facile nelles, elles sont indépendantes et d’engager une nouvelle ouverture • Les extractions en puits (fig. 14a) ne communiquent pas à leur base. de carrière en fosse à côté. Elles commencent en surface par Les rares autres exemples de car- le creusement d’un puits dans les rières en puits se trouvent dans la Les extractions souterraines formations supérieures altérées. région de Montpellier et semblent, (fig.14) Dès qu’elles atteignent le niveau pour la plupart, d’époque plus de la bonne roche, elles s’élargis- récente: médiévale ou moderne. Tant qu’ils n’y ont pas été forcés sent en profondeur selon une Cependant, quelques indices par les dispositions géologiques, les forme grossièrement pyramidale archéologiques font que l’on ne carriers antiques ont évité l’extrac- aux parois bombées. Dans les peut écarter l’hypothèse d’un fonc- tion souterraine. Le meilleur extractions traditionnelles en puits, tionnement romain pour les 30 exemple que l’on puisse trouver plusieurs carrières juxtaposées exemplaires les plus anciens, comme ceux de Mus dans le Gard d’un point de vue archéologique, a de s’effondrer. Les carriers (Bessac 1981: 66). été étudié par Josef Röder (1957: antiques ont parfois utilisé ces 213-271). Il concerne des carrières deux modes d’exploitation dans un Les extractions en galerie ou en salle de tuf volcanique en Rhénanie, qui même site souterrain, en particu- (fig. 14b) ont fonctionné essentiellement lier dans le marbre de Paros où les C’est le procédé d’extraction sou- entre le milieu du Ier siècle et le galeries côtoient les piliers tournés terraine le plus commun quelles début du IIe siècle de notre ère. (Dubois 1908: 110-111). Il existe que soient les époques considé- L’avantage de l’extraction en gale- quelques exemples de carrières à rées. A partir d’un flanc de colline rie de ce matériau vient surtout du piliers tournés en Gaule, dans les ou d’un ancien front de carrière à fait, qu’en dehors de quelques Pyrénées et dans les Alpes (Bedon ciel ouvert, la galerie peut s’enfon- points d’affleurement à flanc de 1984: 91). La quatrième forme cer dans le substratum en suivant coteau où il est accessible à l’air d’extraction souterraine tradition- les bancs de roche intéressants. libre, ailleurs il est recouvert d’une nelle, constituée par les carrières Très fréquemment, les galeries forte épaisseur de tuf de mauvaise dites « à hagues et bourrages », sont élargies de manière à devenir qualité. D’un autre côté, la particu- bien identifiées pour la fin du de véritables salles. Des galeries larité de ce matériau est de Moyen Age et l’Epoque moderne secondaires peuvent aussi être rapidement durcir à l’air libre. En (Viré 1998: 17-18), ne semble pas creusées à partir de la première. La l’exploitant dans l’ambiance humi- avoir fonctionné durant l’Anti- progression est avant tout guidée de d’une extraction souterraine, les quité. par la qualité de la roche, par rap- carriers romains pouvaient profiter port aux risques d’effondrement du de l’avantage de sa faible résistance L’extraction liée au creusement des ciel de carrière; les considérations à l’outil. structures rupestres souterraines de sécurité ne semblent intervenir Le véritable démarrage à grande (fig.14d) De même que dans le dégagement qu’assez secondairement dans échelle de l’extraction en galerie l’Antiquité. des structures rupestres exté- n’est sûrement attesté qu’avec la Les Grecs ont pratiqué l’extraction rieures, il existe deux stratégies de production des sarcophages tardo- en galerie dans certains affleure- creusement lorsque l’on veut obte- romains et surtout mérovingiens ments de marbre très prisés comme nir des ouvrages souterrains: soit la (Bedon 1985: 42-48; Barthélemy celui de Paros (Dodge 1991: 31). destruction de la roche, soit sa 1987: 1-7). Dans les quelques cas La renommée de ce marbre blanc transformation en blocs. C’est qui ont pu être étudiés et datés laiteux, dont la particularité est habituellement la qualité de la assez sûrement, de très larges gale- d’être partiellement translucide, a roche qui tranche en faveur de ries peu profondes, que l’on peut probablement justifié une telle l’une ou l’autre des deux solutions. assimiler à des salles, sont ouvertes démarche, peu commune dans les Parfois, le choix peut être détermi- à partir de fronts de carrière anté- autres carrières contemporaines. Il né par la morphologie de la cavité rieurs. L’extraction est alors divisée est connu quelques autres rupestre qui, si elle est trop étroite, exemples d’extraction de marbre en deux phases: la première par exemple, peut diminuer très en galerie souvent peu profonde, consiste à extraire des couvercles sensiblement la rentabilité d’une comme à Teos dans le domaine de sarcophage en position verti- extraction et favoriser la destruc- grec (Dodge 1991: 31) ou à cale; la seconde concerne le déga- tion de la roche. Chemtou en Tunisie (Alvarez gement à plat des cuves sur le sol Ici également, comme dans l’ex- Pérez 1985: 46-50), dans l’aire cul- de carrière. La première interven- traction rupestre à ciel ouvert, il turelle romaine. Dans les deux cas, tion ayant permis de creuser une semblerait que les Egyptiens aient le problème vient du fait que ces cavité de la hauteur d’un homme, il été les initiateurs de cette formule, carrières, qui présentent aussi des est possible ensuite de procéder mais il reste encore quelques incer- chantiers à l’air libre, ont fréquem- comme dans une extraction ordi- titudes. En Méditerranée orientale, ment fonctionné jusqu’à l’époque naire à ciel ouvert. à la croisée des influences grecque, byzantine et il est encore impos- phénicienne et égyptienne, on sible de distinguer de manière sûre L’extraction à piliers tournés (fig.14c) trouve aussi des réalisations de les structures de chacune de ces Il est parfois difficile de faire la dif- cette catégorie. Cela apparaît dans périodes. férence entre une carrière à piliers le cadre de l’architecture funéraire tournés et une carrière en galerie. de Chypre (Aupert 1996: 170-172; En règle générale, quelle que soit Si l’on densifie le réseau des gale- Hadjisavva 1986: 1-20), mais égale- la nature des roches, l’Empire ries en les croisant en tous sens, ment à Alexandrie et sur la côte romain ne fournit qu’assez peu l’exploitation devient à piliers tour- libyenne. Dans l’état actuel de la d’exemples d’extraction de ce nés. Tant que ce dernier mode recherche, on ne peut cependant type. La plupart se trouve dans les d’extraction n’a pas été réglementé affirmer qu’il y a eu récupération contrées septentrionales ou monta- et systématisé, les piliers ont été systématique de pierres de taille, gneuses, comme le montrent laissés seulement là où les carriers plutôt qu’un creusement seule- notamment les inventaires de estimaient leur présence indispen- ment destructif au sujet de toutes Gaule (Bedon 1984: 90, tabl. 2). Le sable afin que la voûte rocheuse, ces réalisations, en particulier les seul site souterrain, bien connu dite aussi ciel de carrière, ne risque plus anciennes. 31 Dans les sites où la pierre tendre sur le terrain, il faut être conscient traditionnelles, mais, malgré tout, ou ferme constitue le substratum, que les situations sont souvent plus leur progression reste relativement l’architecture militaire grecque complexes. Dans une même carriè- modérée. Par ailleurs, dans la plu- puis hellénistique a produit des re, on peut parfois identifier plu- part des pays, elles font habituelle- ouvrages défensifs souterrains, sieurs stratégies d’exploitation qui ment l’objet d’un contrôle mini- comme ceux des fortifications de se sont succédé, à quelques années mum par les services de l’archéolo- Syracuse (Adam 1982: 248-251), d’intervalle, au cours d’une même gie. En contrepartie, pour diverses dont on pourrait supposer qu’ils période historique. Des chantiers raisons, trois activités contempo- ont fait usage de cette stratégie d’extraction d’époques différentes, raines sont particulièrement incon- d’extraction annexe. Mais, là aussi, installés sur un même site d’extrac- trôlables et agressives à l’égard des les sections restreintes des galeries tion, peuvent engendrer des straté- anciens vestiges de carrières: l’ex- et surtout l’urgence des travaux gies similaires aussi bien que traction des granulats concassés, en n’ont probablement pas permis de diverses. La géologie générale de très forte expansion ces dernières rentabiliser ces percements en l’affleurement n’est pas la seule à années, les dépôts d’ordures ména- récupérant la pierre. L’étude dicter la marche à suivre; plusieurs gères ainsi que des déchets indus- détaillée du creusement de galeries autres facteurs interviennent dans triels et la progression rapide de comparables, mais destinées au les choix d’exploitation, notam- l’urbanisation. Une fois engagées, passage de l’aqueduc romain de ment la nature de la commande et toutes ces activités sont quasiment Nîmes près de Sernhac (Gard), la structure des entreprises. En irréversibles pour tout ce qui touche dans une zone très propice à la pro- dehors des grandes options présen- à la conservation des carrières duction de pierre de taille, a révélé tées dans ces lignes, il existe aussi anciennes. que briser simplement la pierre au de nombreuses carrières considé- lieu de l’extraire permettait d’aller rées aujourd’hui comme atypiques, En complément des diverses plus vite, sans faire appel aux pro- essentiellement en raison des formes d’actions que tous les fessionnels qualifiés que sont les lacunes de nos connaissances qui citoyens peuvent tenter d’exercer carriers (Bessac 1991: 312-316). limitent nos critères d’identifica- auprès des autorités concernées, en Finalement, c’est encore Pétra qui, tion. Il est très probable que leur faveur d’une meilleure maîtrise du avec ses chambres rupestres morphologie résulte également développement industriel et urbain, inachevées, fournit les exemplaires d’une combinaison plus ou moins une entreprise de sauvegarde s’im- les plus sûrs de cette méthode réussie entre les contraintes écono- pose pour les anciennes carrières. Il d’extraction annexe aux creuse- miques et techniques des carriers est certain que toutes les structures ments de structures souterraines et les conditions de la microgéolo- d’extraction ne peuvent faire l’objet (en cours d’étude). gie locale. Cette situation de la de fouilles archéologiques, mais un recherche n’est pas propre à inventaire exhaustif de ces témoi- BILAN ET PERSPECTIVES l’Antiquité, elle est également gnages de l’activité passée pourrait vraie pour les périodes médiévale faciliter ensuite, en cas de menaces, Cette brève présentation des prin- et moderne. L’étude des carrières la mise en place de mesures de pro- cipales stratégies antiques d’ex- anciennes reste donc à approfondir. tection à long terme ou, pour le ploitation de carrières de pierre moins, de sauvetage archéologique. constitue un premier bilan en la Toutefois, outre l’action du temps, Espérons que ces quelques lignes matière. Les exemples proposés ici qui finit par altérer toutes les roches, contribueront à une sensibilisation ont été choisis en raison de leur diverses menaces pèsent sur les car- en ce sens des divers acteurs, en vue simplicité typologique qui facilite rières. Les moyens d’extraction d’une meilleure prise en considéra- leur lisibilité et leur donne un contemporains de la pierre de taille tion de cette catégorie de vestiges caractère didactique. Cependant, sont plus rapides que les techniques encore trop mal connus.

DISCUSSION témoignent les traces. Il en est de même pour les environs de Pétra, François Braemer apporte son témoignage direct. où sont repérables des exploitations de type médiéval, non loin de A propos de l’ancienneté de certaines exploitations, une grande points d’appui du Moyen Age. prudence doit être observée. Est significatif le cas de l’île de Paros, Plus près de nous, on connaît le cas, dans les Pyrénées, où des exploitations considérées comme antiques (et même très d’exploitation que certains voulaient attribuer à l’Antiquité et en anciennes) n’ont probablement été ouvertes qu’au XIXe siècle, tirer des conclusions d’ordre général, alors qu’elles avaient été notamment pour le tombeau de Napoléon à Paris, comme en ouvertes juste avant la seconde guerre mondiale. 32 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Même en dehors des études scienti- – percussion lancée par un outil Résumé fiques qui lui ont été consacrées muni d'un manche (marteaux, Exceptionnelle aujourd'hui, la haches et dérivés), construction en pierre était naguère (Bessac 1986), les représentations la règle générale partout où ce de l'outillage « traditionnel » du tra- – percussion posée avec percu- matériau était commun, et cette vail de la pierre ne sont pas rares; teur: l'outil mis en contact avec architecture pérenne compose par contre, la recherche de ces outils le matériau est frappé par un per- encore le paysage familier de la dans les musées est le plus souvent cuteur (ex.: ciseau et massette); plupart des régions. A portée de décevante. C'est pour pallier main dans la carrière voisine, il momentanément cette lacune — pour user le matériau (lui donner exigeait pourtant un outillage qu'avec la complicité des Services une forme finie) au moyen d'un particulier. L'utilisation de la pierre régionaux de l'Inventaire général et outil et/ou d'un produit abrasif doit en effet être précédée par ces de l’Archéologie et à l'occasion des entraîné au contact de sa surface étapes obligatoires que sont Journées d'étude sur les marbres en (sciage, polissage): l'extraction et une mise en forme Franche-Comté, un modeste échan- – percussion posée sans percu- plus ou moins poussée, selon ses tillonnage de ces instruments a pu teur (outils à scier, racler, râper qualités propres et le résultat ou à percer); recherché. Un outillage spécifique être présenté pour ce contact visuel est donc nécessaire, tant au carrier irremplaçable. On comprendra aisé- — pour briser et détacher des éclats, qu'au tailleur de pierre ou au ment que cette présentation n'a pas marbrier; le maçon lui-même la prétention d'offrir un ensemble la tête active de l'outil percutant est dispose de quelques outils qui lui inédit ou complet, mais seulement soit du type pointe, soit du type permettent les ultimes retouches de rappeler, d'un simple coup d'œil, arête tranchante, selon le résultat visé et la dureté du matériau à trai- nécessaires lors de la pose. une panoplie d'outils manuels ter. Constituant l'habillage de luxe de naguère très répandus, aujourd'hui certains de ces édifices, le marbre presque oubliés. La percussion par un instrument n'est qu'une variété de pierre dure, Pour expliquer cet outillage, on le plus souvent débitée en plaques pointu, du type pic/pointe, creuse la nous pardonnera de rappeler et travaillée avec une sélection des pierre ponctuellement en détachant quelques principes élémentaires. mêmes outils. des éclats aigus: c'est la fonction pic. La pierre étant un matériau dur et Abstract La percussion par une arête ou une cassant, sans souplesse, son mode Although exceptional nowadays, lame tranchante détache des éclats stone construction was in former de mise en forme impose des tech- plus larges et permet de définir des times the general rule, wherever this niques spécifiques. Inspirés des surfaces ou des arêtes, de créer des material was common, and this per- outils à bois, mais plus lourds, les volumes. Le tranchant est: petual architecture still forms the outils de la pierre sont en acier – soit une arête vive à angle large- familiar landscape of most régions. ou garnis d'acier dans leur partie ment ouvert (proche de 90°), tels la Within easy reach from the nearby agressive, forgés en une forme chasse ou le marteau-têtu: dégros- quarry, it needs however particular appropriée au type de taille souhai- sissage, fonction têtu ; tools. Indeed, the use of stone must té et à la résistance du matériau mis be preceeded by the compulsory – soit le tranchant à angle vif d'un en œuvre. stages of quartilage and shaping, of ciseau ou d'une hache appelée varying degrees according to its own taillant: surfaçage, finition. qualities and the desired result. Le traitement mécanique du maté- Specific tools are therefore necessa- riau pierre se fait essentiellement La combinaison de l'effet lame/ ry, as much for the quarryman as for par percussion. Selon la terminolo- pointes, obtenue en échancrant the stone-cutter or the marble-cut- gie généralement adoptée (Bessac plus ou moins profondément les ter; the mason too has a few tools to 1986), on distinguera trois grands lames, leur donne plus de mordant. make any final adjustments that are types de percussion: Fréquemment appliquée, cette necessary when setting the stone. méthode a généré des outils qui Forming the luxurious cladding of — pour détacher des éclats plus ou portent des noms spécifiques selon some buildings marble — a hard moins importants (dégrossissage, la forme des dents du taillant (bret- stone variety most often sliced — is taille): ture, gradine, grain d'orge, etc.). worked with a selection of the same tools. * Conservateur émérite du patrimoine, DRAC de Franche-Comté. 3 rue du Tillot, 25480 Pirey, France. 35 Pour travailler le matériau par per- cussion posée sans percuteur, la 5 4 tête active use par le frottement mécanique direct de dents, d'aspé- 6 rités, de lames transversales,

d'abrasif en poudre ou compact 1 (sciage, ponçage, perçage). C'est le cas des outils du marbre.

La description des outils à main prend en compte leur mode d'ac- 2 tion (percussion lancée ou posée) et leur type de tête active. La pré- sence ou l'absence de manche dif- férencie fortement l'aspect des outils, aussi regroupe-t-on généra- lement les outils à pierre selon leur 3 mode de percussion (Bessac 1986). C'est la classification que nous

retiendrons. L'un des tableaux des Fig. 1 – Outils liés à l’exploitation et au débitage de la pierre. plus anciens, des plus complets et N° 1: escoude; n° 2: rivelaine; n° 3 et 4: masses; n° 5: pic (de carrier); n° 6: coins. (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2000) des plus accessibles des outils à pierre nous est donné au XVIIIe siècle dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. D'autres Outils de l’exploitation consistant en une grosse pièce de fer ouvrages cités en référence com- [d'extraction? cf. aussi annexe 1] emmanchée en son milieu et taillée en plètent les dénominations évo- (fig. 1) biseau aigu à chacune de ses extrémités (Larousse du XIXe siècle). quées ci-dessous. Instruments servant au dégage- ment des bancs de la carrière La blotteuse (blotadou en Provençal), Les numéros entre crochets carrés, instrument évoqué par J.-C. à côté des noms d'outils, renvoient Pic et pioche Bessac, serait une escoude légère au tableau des pièces présentées Dissymétriques d’après les plan- au fer long de 20 à 25 cm, d'un dans l'exposition (cf. annexe 1). ches de l’Encyclopédie. Le fer, de poids de 1,5 à 2,5 kg (Bessac 1991). même dimension et de même OUTILS À PERCUSSION LANCÉE poids, se différencie par son extré- Rivelaine [n° 2] mité: pointue pour le pic, taillant Région parisienne et Oise. Ces instruments agissent par l'iner- étroit pour la pioche. La forme Pic symétrique au fer de profil rec- tie d'un fer aciéré, perforé d’un œil contemporaine, équilibrée, unit les tangulaire allongé terminé par où s'insère l’extrémité d’un man- deux sur le même instrument. che en bois plus ou moins long (30 deux triangles isocèles avec extré- mités pyramidales et long manche à 90 cm généralement). Le fer Outils servant à trancher les lits comporte parfois une seule tête (Bessac 1991). par des saignées verticales Outil à peu près semblable au pic à active (percuteur/pic ou tranchant) Formes et noms différents selon deux pointes, mais plus long et plus associée à un court talon annexe les régions. (souvent marteau). Dans ces outils léger, qui sert, dans l’exploitation des mines à couper ou entailler les roches, dissymétriques, le poids se porte [n° 1] Escoude plus particulièrement les roches d’un seul côté du manche: celui de Escoude (Provence), trace (Midi de tendres... Pic plat et très aigu, de la tête (ex. la hache). Mais si le la France), esse ou lauquetot (Ile-de- dimensions très variables, qui est talon est remplacé par une autre France), trombe (Savoie). employé de préférence par les mineurs tête, l'outil est conçu équilibré: le Outil symétrique à fer plat trapé- [et les carriers?] pour pratiquer dans poids du fer est le même de part et zoïdal (long. 45 à 50 cm, haut. 4 à 6 la roche des entailles étroites et pro- d'autre de l'œil d'emmanchement, cm, épais. 2,5 à 3 cm) aminci aux fondes que l'instrument soit symétrique extrémités (de 0,5 à 2 cm). Se ter- (Larousse du XIXe siècle). ou non. mine par un tranchant perpendicu- Les outils de la pierre sont généra- laire au manche pour les pierres lement équilibrés, même si la tendres ou fermes (de 0,4 à 2 cm de Hache de carrière fonction des deux percuteurs n’est large), par une pointe pour les En Gironde, on remarque deux pas la même. Les percuteurs sont pierres dures. Manche long de 1,10 types de haches qui seraient utili- désignés par leur fonction et l’outil à 1,40 m (Bessac 1991). sées dans l'exploitation du calcaire porte un nom composé si les fonc- Instrument de carrier, en usage dans les tendre: un taillant symétrique à 36 tions sont différentes. carrières de pierre tendre du Midi, tranchants courbes et une hache chants, 6 kg); masse dite à débiter (un tranchant, une face plane ou bombée, 5,5 kg) [n° 4]; masse double têtu (3,5 et 4 kg) (Manufrance 1928). Elles agissent 9 8 directement sur la pierre pour la briser. La masse « classique » — outil

7 7b 7a équilibré lourd à deux têtes-mar- teau, carrées et plates, ou légère- ment bombées [n° 3] — est le per- cuteur-auxilaire d'une percussion posée, généralement percussion- poids sur un coin d'acier. Exemple de masse: poids 6 kg, manche 0,90 m (Manufrance 1928). Mention de « grande masse » de 12 kg à Ruoms (Jourdan 1995: 27). Le coin [n° 6], utilisé pour déta- cher les blocs, pèse de 2 à 4,5 kg Fig. 2 – Outils de taille et mise en forme. N° 7, 7a, 7b, 8 et 9: pics symétriques. (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2000) (Manufrance).

Marteau-têtu ou têtu [n°20, 21, 24a] Fonction têtu: casser par percus- 10 sion d'une arête. La forme têtu est une tête-marteau 13 carrée ou rectangulaire, dont la table est creusée de manière à pré- senter deux arêtes vives parallèles au manche. Le têtu peut être symétrique 11 [n°24a et masses ci-dessus], associé à une pointe [n° 20] ou un taillant [n° 21]. Le pic-têtu est aussi dit marteau de maçon ou marteau-têtu (1,9 à 2 kg, manche 40 cm) (Manufrance 1928). 12 Par extension abusive, certains marteaux aux arêtes vives mais à tête plate, pouvant casser la pierre, 14 sont aussi appelés têtus.

Outils utilisés à la taille (fig.1-3) Fig. 3 – Outils de taille et mise en forme. N° 10 et 14: taillants droits; n° 11: taillant brettelé; n° 12: rustique; n° 13: marteau grain d’orge. (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2000) Pic [n° 5, 7-9] Dit pic ou pioche de carrier ou de tailleur de pierre. dissymétrique dite bordelaise Barre à mine Fonction: pointe à dégrossir ou (Boucard 1998: 198-200). Forte tige métallique de même tailler la pierre par piquage ponc- longueur que la pince, terminée tuel. Utilisé sur les pierres dures. Autres outils par une pointe ou un taillant. Agit La forme de la tête consiste en un par son poids pour percer la roche. fer plus ou moins long, terminé par Pince une forte pointe. Il est souvent Forte tige métallique, longue de Outils à débiter (fig. 1 et 5) symétrique. Son épaisseur, la lon- 1,10 à 2 m, terminée en taillant gueur du fer et son poids sont incurvé. Utilisée comme levier Masse [n° 3, 4] pour dégager ou faire glisser les Seules les variantes à un ou deux variables suivant l’usage: dégrossir blocs. tranchants ou à une tête de têtu se (pioche de carrier) ou finir un pare- rattachent à la percussion lancée: ment de mœllon. Combiné parfois masse dite couperet (à deux tran- à un têtu ou un taillant. 37 Exemples: pic double naviforme Taillant brettelé ou bretture l’aspect d’un pointillé dû aux dents de dit marteau de tailleur de pierre (poids [n° 11] la laye (Pérouse de Montclos: 46). 4,3 kg) (Manufrance 1928; disparaît Marteau bretté (Baudry, Aladenise), Nous avons vu à propos du taillant du catalogue après 1939); pic à bretture (Aladenise), bretture droit: 1) que le terme de taille layée double de même forme dit marteau (Larousse du XIXe siècle, Bessac est souvent opposé à la taille brette- de maçon (poids 1,6 kg, long. 26 cm) 1986), laye ou marteau bretelé lée, 2) qu’elle s’applique aux traces (Manufrance 1913; figure encore en (Encyclopédie), laye (Pérouse de du taillant droit. 1952 avec manche de 40 cm). Montclos). Cette confusion provient sans Le pic de maçon à 2 pointes est Fonction: dressage des pierres de doute de l'extension du terme de vendu au kg chez Clément à parements, comme le taillant droit. laie à tous les taillants: ainsi, Feller Corravilliers (70) en 1919. Forme: la même forme de hache définit le peigne comme une laie à que le taillant droit mais le tran- dents interchangeables, pour dresser les Le terme de smille (n.f.) est sou- chant est pourvu de fines entailles parements de la pierre tant dure que vent appliqué au pic symétrique de qui le divisent en dents plates tendre (Feller 1970: 220). petite dimension. appelées brettures pour une Marteau avec lequel les maçons piquent meilleure pénétration dans la pier- Marteau grain d’orge [n° 13] le mœllon et le grès re. Les stries parallèles laissées par Fonction: régularise les aspérités (Larousse du XIXe siècle). la frappe ne sont pas unies mais subsistant sur les pierres dures pointillées. fermes et demi-fermes après Taillants L’outil est symétrique ou combiné dégrossissage au pic. On donne le nom de taillant à tous à un taillant droit, à un taillant Forme: hache dont le taillant est les outils présentant un tranchant grain d’orge ou à un pic. Dans formé de dents nettement espacées large dans le plan du manche (en l’Encyclopédie, variante associant un et taillées en pyramide, donc poin- fait des « haches à pierre »). Ce taillant large et un étroit2. tues et très mordantes. Généra- tranchant peut présenter des parti- lement symétrique, avec parfois un cularités (dents diverses). (Poids Rustique [n° 12] nombre de dents différent sur les des exemplaires courants: 3 à 3,25 Le rustique est une variante de la taillants, ou combiné au pic, au têtu, kg selon Manufrance). bretture dont les dents sont plus au taillant, à la bretture. étroites et largement séparées par Taillant droit [n° 10, 14] des entailles ouvertes en V (qui Le peigne est un marteau grain Marteau taillant (Baudry, Alade- expliqueraient les dessins anciens d’orge symétrique formé d'un nise), taillant droit ou laye et l’appellation). Plus incisif dans assemblage de pointes amovibles (Chauvel), laie (Aladenise), marteau les pierres dures, il laisse aussi des (pour le travail du grès). avec hache des 2 bouts (Encyclopédie), traces plus marquées que la hache (Pérouse de Montclos), mar- bretture3. Polka teau dit rustique à blanchir Fonction: taille par enlèvement (Manufrance 1928). Le problème de la laye et des d’éclats larges. C’est la seule layures: herminette à pierre encore en Fonction: dressage des parements Les Vocabulaires tant de l’archi- usage. des pierres tendres et demi-fermes tecture que de la sculpture, comme La polka est un marteau à deux par enlèvement d’éclats en frappes le Glossaire de Zodiaque (Vogüé/ taillants: l’un dans l’axe du manche parallèles laissant des stries unies1. Neufville 1971) désignent sous le (hache), l’autre perpendiculaire Forme d’une hache dont le tran- nom de laie/laye le marteau bretté (herminette). La polka est donc, en chant est droit et parallèle au comme l’avait fait l’Encyclopédie fait, la combinaison d’un marteau- manche. L’outil est généralement puis P. Larousse. Leur définition taillant et d’une herminette à symétrique, mais le taillant peut des layures s’applique donc aux pierre. aussi être associé à un taillant den- traces qui se présentent sous l’aspect Les taillants de la polka peuvent telé ou à un pic. L’Encyclopédie pré- d’un pointillé dû aux dents de la être droits, brettelés ou à grains sente une variante combinant un laye (Baudry). A la différence des d’orge, avec des combinaisons pos- taillant large et un taillant étroit hachures, les layures ne sont pas des sibles de taillants différents sur le [n°14]. stries continues; elles se présentent sous même outil.

1. Le qualificatif de hache donné par l’Encyclopédie a été repris par le Vocabulaire de l’architecture, mais rectifié par le Vocabulaire de la sculpture. Le premier propose l’expression hacher et hachures pour les traces laissées sur les surfaces, alors que Chauvel les dit layées et n’applique le terme de taille layée qu’à celles réalisées au taillant droit, qu’il distingue de la taille brettelée. 2. Trop petits, les dessins anciens de l’outil semblent erronés: les dents sont schématisées en V, ce qui ne correspond pas à la bretture (Félibien 1676, d'après le Vocabulaire de l’architecture, et Encyclopédie). La représentation du Vocabulaire de la sculpture (Baudry) est également fautive: non seulement les dents sont en V, mais elles apparaissent sur le bord d’une section carrée et non sur un tranchant; l’outil dessiné ressemble en fait à une boucharde. 3. Les rustiques des « Vocabulaires » de l’architecture et de la sculpture semblent en fait être des brettures. En 1913, le catalogue de Manufrance baptisait « rustiques » tous les taillants à pierre présentés (en fait un marteau bretté, un têtu-grain d’orge, un taillant droit double 38 et un taillant-grain d’orge !). 18], et la boucharde marteline 16 [n°15], plus fine, à tête plus resser- rée, pour entrer dans les moulures

18 ou les surfaces étroites (Aladenise: n°68; Jourdan 1995: 33, fig. 24).

17 Autres variantes: la boucharde polka (Aladenise 1991: n° 70) et la boucharde laie (Aladenise 1991: n°75), ou patente (Bessac 1986), 15 dont les têtes sont non pas qua- drillées mais striées de tranchants parallèles. Certaines bouchardes ont des têtes amovibles interchangeables et cer- taines patentes sont formées d’un 19 assemblage de lames, elles aussi amovibles.

Fig. 4 – Outils de finition. Exemple de bouchardes droites: N° 15: boucharde marteline; n° 16-18: bouchardes droites; n° 19: décrasse-boucharde. longueur 11 à 22 cm x largeur 4 à 5 (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2000) cm (Goldenberg 1927, 227); poids

22 3 à 3,1 kg (Manufrance 1928). 21 20b Marteline. Il existe une reproduc- tion, dépourvue d'origine, de mar- teline du XVIIIe siècle (Verdier 1997: 2, 37) qui correspond exacte- 20a 24a ment à la description donnée par Larousse: un pic et une boucharde rudimentaire à trois dents: « mar- teau de fer pointu d’un côté, dia- manté de l’autre, qui sert à égrener la pierre ou le marbre sans en déta- cher des éclats » (Larousse du XIXe

24 siècle). Dans une planche de 23 l'Encyclopédie consacrée au travail du marbre figurent trois reproduc- tions de « martelines de grains de formes différentes » et une de « marteline en taille de diamant » Fig. 5 – Outils liés au débitage de la pierre et marteaux à pierre. (L'Encyclopédie: Sculptures en tous N° 20a et 20b: pics-têtus; n° 21: taillant-têtu; n° 22: décintroir; n° 23: marteau taillant (grelet?); n° 24: taillant-pic; n°24a: têtu symétrique. (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2000) genres, Travail du marbre: pl. IV, L’herminette à pierre est connue Outils de finition (fig. 4) n° 23, 29). dans l’Antiquité: il existe dans les musées des exemplaires symé- Boucharde [n° 15-18] A noter que dans l’Encyclopédie, le triques. L’herminette antique la Marteau symétrique dont les deux mot boucharde ne s’applique qu’au plus connue est celle, dissymé- têtes carrées sont tranchées en un « ciseau boucharde » (Bessac 1986) trique, des charpentiers: l’ascia, quadrillage de pointes de diamant. ou « boucharde à massette » dont les représentations funéraires La boucharde est un outil particu- (Aladenise 1991), instrument à per- sont nombreuses. La polka est éga- lier qui porte par toute la surface de cussion posée avec percuteur. lement connue de l’Antiquité sa tête et combine l'écrasement du (J-P. Adam ; MAN Saint- marteau à l'effet de piquage des Autres marteaux à pierre (fig. 5) Germain: 2polkas de la forêt de fines pointes qui garnissent cette Compiègne, d'après Champion tête. Ils appartiennent à l’outillage du 1916). Dans l’iconographiemédié- Fonction: écraser, matir la surface maçon et sont attestés au XVIIIe vale,J.-C.Bessacinterprète comme de la pierre en imprimant un qua- siècle dans l'Encyclopédie. Ce sont étant des polkas des marteaux de drillage de petites cavités dans la des outils légers, utilisables profil triangulaire, où l’on peut tout pierre dure. sur échafaudage pour de petites aussi bien reconnaître des pic- rectifications au moment de la pose taillants, vu l’imprécision des On distingue la boucharde clas- ou pour tasser les pierres dans le représentations. sique, ou boucharde droite [n° 16- mortier. 39 Décintroir [n° 22] 28 29 33d 37b 36 37a 33e 34 Marteau équilibré à deux petits taillants, l’un dans l’axe du manche, l’autre perpendiculaire: 32a hache et herminette; sorte de polka plus légère et plus effilée. Sert à écarter les joints en démoli- tion, à nettoyer briques et pierre, à les retailler. 33a Poids: 0,9 à 1,9 kg; longueur du 28a manche: 30 à 33 cm (Manufrance). 30

Taillant-pic [n° 24]

Grelet [n° 23] Marteau de maçon à panne allon- gée et évasée perpendiculaire au manche (Nouv. Larousse Univ. 1949). N.B.: De nombreux modèles de « marteaux de maçon » combinant 25 26 27 33b 33c 37c 31 35 32b une tête-marteau et une panne pointue ou formant tranchant type Fig. 6 – Percuteurs et outils « posés ». N° 25-27: massettes métalliques; n° 28 et 29: maillets de bois; n° 28a: maillet monoxyle taillé; n° 30: chasse à pierre; n°31:chasse herminette sont proposés dans le large; n° 32a et 32b: broches; n° 33a, 33b, 33c et 33d: ciseaux droits; n° 33e: ciseau à douille; n° 34: ognette; n°35:tamponnoir; n° 36: ciseau à onglet; n° 37a, 37b et 37c: gouges. catalogue de Goldenberg (1927: (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2000) 224-225).

OUTILS À PERCUSSION POSÉE Les percuteurs (fig. 6) Ciseaux [n° 33-34, 36, 58-59] AVEC PERCUTEUR Fonction: lever des éclats. Massettes métalliques [n° 25-27] Tige terminée par un taillant plus Il s’agit d’outils dont l'extrémité ou moins large (1 à 6 cm en géné- active pénètre dans la pierre, suite Maillets de bois [n° 28-29] ral) et parfois pourvu de dents. Il au choc causé par la frappe de leur s’appelle gradine si les dents sont tête par un percuteur. Les outils « posés » plates (comme la bretture) [n° 63- (fig. 6, 8 et 10) Le percuteur est un marteau 65], gradine grain-d’orge si les symétrique à deux têtes plates ou à dents sont plus aiguës, pied de tête conique. Il est en fer (masset- Chasse à pierre [n° 30] biche (deux dents plates). Sans Fonction: approcher les arêtes de te) ou en bois (maillet). La préci- dent, c’est un ciseau droit [n° 33, la pierre dure en chassant des sion obtenue pour l’impact est évi- 58-59]. On l’appelle rondelle si le éclats conséquents. Mêmes effets demment plus grande qu’avec les taillant est arrondi, à onglet s’il est que le têtu. outils lancés. en biseau [n° 36, 66]. L’ognette Tige d’acier dont l’extrémité de possède un tranchant étroit à l’ex- L'outil est une tige d'acier que l'on section rectangulaire est taillée en trémité d’un corps losangique, ren- maintient à la main sur la pierre à biseau obtus en guise de tranchant. forcé pour pierre dure [n° 34, 54]. traiter. La tige des ciseaux est parfois La tête de l’outil qui reçoit le choc Broche [n° 32] incurvée vers la base. Les têtes est l’extrémité du corps métal- Poinçon, aiguille, pointe, parfois sont diverses selon la pierre tra- lique, parfois amincie en cône, improprement pointerolle4. vaillée. parfois développée en forme de Tige pointue plus ou moins champignon (dit tête de maillet), longue. Gouge [n° 37, 60-62] ou encore une soie habillée d’un Même fonction que le pic pour Fonction : creuser la pierre. manche en bois bloqué sur un dégrossir ou dresser un parement. Tige terminée par un taillant creux épaulement et cerclé d’une virole. Permet aussi de creuser des cavi- plus ou moins ouvert. A taillant La partie active est de formes tés. Emploi quasi universel. lisse ou à dents, les variantes sont diverses selon l'effet souhaité. les mêmes que pour les ciseaux

4. Le terme pointerolle désigne de préférence une broche (ou « coin » selon les textes anciens) au corps perforé pour emmanchure. Montée, façon marteau, sur un manche perpendiculaire et utilisée dans les mines (XVIe siècle). La tête de cette broche est percutée par une massette pour engager la pointe et détacher les blocs de minerais. Le manche de la pointerolle permet de mieux la diriger à moindre risque pour le mineur. Pointerolle et massette étaient les outils de base du mineur et le symbole de la profession. 5. Ciseau en marteline: ciseau dont le tranchant est diamanté comme un des bouts de la marteline et qui a la même destination que cette dernière (Larousse 40 du XIXe siècle). Sciage, rainurage (fig. 7)

40 Scie à poignée(s) Le débitage des blocs de pierre demi-ferme et tendre se fait au

41 passe-partout (grande scie à deux 42 poignées, longue de 1,60 à 2,50 m) ou au crocodile (grande scie à une main).D’autresmodèlesplus légers existent : scie à modillon, scie à 39 joints, dédouillé, décrocheuse.

38 Scie à cadre

44 Au Moyen Age n’est attestée que la scie à cadre, dont la lame est représentée pourvue de dents, mais qui n’est plus employée que 43b sans dent avec un abrasif (sable sili-

43a ceux et eau - Encyclopédie, Voca- bulaire de la sculpture); dite scie à grès (Aladenise). C'était l'outil de Fig. 7 – Sciage et rainurage, surfaçage et lissage. N° 38 et 39: sciottes; n° 40: chemin de fer; n° 41: rabotin; n° 42: guillaume à pierre; n° 43a et 43b: rifloirs; n° 44: gratte-fond. débitage des plaques de marbre. (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2000) Sciotte [n° 38-39]

47c La sciotte est une petite scie de métal fixée sur toute sa longueur sur un bâti de bois muni d’une ou

45a deux poignées. Elle entame la 45 46e pierre sur quelques centimètres de profondeur. Elle sert à dégager les

46f fonds, exécuter les moulures, amorcer les arêtes. 46c Surfaçage, lissage (fig. 7 et 10) 46b

46a Ripe, gratte-fond [n° 44, 55-57] La ripe et le gratte-fond sont des 46d instruments dont la lame fine et dentelée, traînée perpendiculaire- 47b ment au plan de la pierre, sert à supprimer les aspérités.

47d 47a L’Encyclopédie présente sous le nom de ripe un instrument au fer trian-

Fig. 8 – Perçage. gulaire soudé, perpendiculaire à sa N° 45: vilebrequin; n° 45a: vilebrequin (manque la conscience volante); n° 46a, 46b, 46c et 46d: mèches langue d’aspic; n° 46e tige d’emmanchement, instrument et 46f: mèches à têton; n° 47a: fleuret; n° 47b: tamponnoir; n° 47c: grand tamponnoir; n° 47d: « batte à beurre ». (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2000) qu’elle nomme ailleurs crochet, lorsque le manche est plus court, (gouges, gradines, grain d’orge). Tamponnoir [n° 35, 47] ou grattoir, lorsque la lame est un Les têtes sont diverses. Outil à percer, cf. p. 42. peu plus épaisse. Elle nomme aussi ripe des instru- Ciseau-boucharde OUTILS À PERCUSSION POSÉE ments à lame dentelée, dans le pro- Boucharde (Encyclopédie, Chabat), SANS PERCUTEUR longement du manche, semblables ciseau en marteline5 (Larousse du à ceux que le Vocabulaire de la XIXe siècle). Il s’agit d’outils dont le fer use la sculpture et J.-C. Bessac nomment Mêmes fonctions que la bouchar- pierre par frottement pour prati- gratte-fond. Le gratte-fond et la de; utilisé dans les creux non quer des saignées et/ou détacher ripe, présentés séparément par accessibles au marteau. des blocs (scie, sciotte), pour régu- Aladenise, sont d’ailleurs de forme Tige terminée par une tête carrée lariser, amincir, polir (racloir, ripes, fort semblable entre eux. (parfois ronde), dont la surface est râpes) ou percer. garnie d’un quadrillage de dents Râpe, rifloir [n° 43] taillées en pointe de diamant La râpe se distingue de la ripe par 41 un fer épais hérissé sur toute sa 51 50 49 surface d’aspérités aux arêtes vives, sortes de crochets saillants. Les plus connues sont les râpes 48 droites de sections diverses (utili- sées aussi pour le bois ou la corne). Des formes en S avec poignée cen- trale et extrémité en forme de virgu- le portent le nom de rifloir, de râpe éperon si l’extrémité est arrondie, ou 49a d’autres noms imagés selon les formes (crête de coq, queue de rat, etc.).

Guillaume à pierre [n° 42] Il existe des sortes de rabots à pier- re destinés à profiler les moulures. Composés le plus souvent de deux 53 52 fers montés sur un corps de bois ajouré d'une poignée (Verdier Fig. 9 – Outils de mesure et de traçage. N° 48: équerre; n° 49: fausse équerre; n° 49a: niveau pendulaire; n° 50: grand compas; n° 51: compas quart de cercle; n° 52 1997, 2: 34, 37; Oury 1978) ou d'un et 53: pointes à tracer. (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2000) fer fixé en tête de bâti (exemplaire présenté, cf. Goldenberg 1927: 148).

63 64 Chemin de fer, rabotin [n°40-41] 65 62 Finition des surfaces ou des mou- 60

lures (lissage). 59 Sorte de rabot à pierre constitué d’une plaque de bois surmontée d’une poignée. Des lames de scie 61 58 incrustées dans la plaque sont dis-

posées obliquement et alternative- 66

ment en sens contraire (en V). Le 67 frottement des dents use la pierre en stries parallèles. Si les lames incrustées sont 68 parallèles, l’instrument se nomme rabotin. Les lames peuvent aussi être lisses et leur profils divers (concaves, convexes, etc.). Ces instruments sont récents (XIXe 57 siècle). 55 54 56

Perçage (fig. 6 et 8) Fig. 10 – Petit outillage de marbrier-sculpteur. N° 54: ognette; n° 55 et 56: ripes; n° 57: spatule; n° 58: fermoir; n° 59: ciseau; n° 60-62: gouges; n° 63-65: ciseaux-gradines; n° 66: ciseau oblique; n° 67: tranchet; n° 68: burin. (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2000) Perçoir [n° 45-45a] Percer revient à user la pierre par le pivotement de l’extrémité d’une tige généralement cylindrique. Ce par l’enroulement et le déroule- C’est cette extrémité de la mouvement use au moyen d’un ment d’une cordelette (perçoir à « mèche » qui attaque la matière en abrasif (ex. confection des haches archet, perçoir à pompe) ou par des pivotant pour pratiquer un trou cir- préhistoriques perforées) ou, dès moyens mécaniques (drille à vis ou culaire. l’invention du métal, par le frotte- à engrenages), à présent éléctromé- Tamponnoir [n° 35, 47] ment de l’extrémité d’une tige caniques (perceuses). Les trous de scellement d'un dia- métallique aplatie et taillée en poin- mètre supérieur au centimètre te (trépan) qui pivote sur son axe. Mèche [n° 46] peuvent être obtenus par percus- La tige ou mèche, amovible, main- Tige métallique courte que l'on fixe sion posée d'une tige nommée tenue dans des montures diverses, dans la monture et qui est terminée tamponnoir, dont la tête est taillée pivote par un mouvement des par un tranchant le plus souvent en d'un ou plusieurs tranchants 42 mains,desbras(tarière,vilebrequin), V (dite « langue d'aspic »). [langue de carpe: n° 35; fleuret: n°47]. Le coup porté sur l'extrémi- EN GUISE DE CONCLUSION important pour l'archéologie du té de la tige fait pénétrer la tête, bâti. qu'il faut faire pivoter à chaque Sur le plan de l'archéologie, si la Ce genre d’étude élargit de plus en percussion. rareté des outils est flagrante (dis- plus sa place pour parvenir à une parition par corrosion ou par recy- connaissance plus fine de notre OUTILS DE MESURE ET DE TRA- clage), elle est heureusement com- parc monumental. Les nouvelles ÇAGE [n° 48-53] (fig. 9) pensée par une certaine pérennité techniques mises en œuvre par les des formes. restaurateurs entraînent souvent la (Pour mémoire) disparition de ces traces par substi- De type classique, ils ne se distin- Il semble donc important de tution d'éléments de remplace- guent pas de ceux des autres cor- conserver un échantillonnage de ment débités industriellement et porations: règles, équerres, compas produits encore accessibles qui artificiellement vieillis. (utilisés surtout pour les reports), permettent l'expérimentation ou la Avant ces restaurations, il est pointes à tracer. représentation intellectuelle: l'ou- important que les archéologues til explique la trace. puissent pratiquer une analyse per- L'intérêt de l'étude des traces d'ou- tinente. La connaissance des outils tils, qui complète celle des déter- traditionnels ouvre une voie pour minations pétrographiques, est les y aider.

Fig 11– Linteau-enseigne du maréchal-ferrant Louis Verrier à Serres-les-Sapins (Doubs) (1850). Ensemble et détail. Dans la panoplie proposée, entre une hache et un fer à cheval, on remarque un taillant grain-d’orge et un ciseau. (Cliché Y. Jeannin)

43 ANNEXE 1

CATALOGUE DES OUTILS À PIERRE présentés à l'exposition « Marbres en Franche-Comté » dans le cadre des Journées d'études sur les marbres en Franche-Comté

Les longueurs, largeurs, hauteurs et diamètres sont donnés en centimètres, les poids en grammes.

EXTRACTION Outils de l'exploitation N° Désignation...... Long. fer...... Long. manche....Poids...Références...... Observations 1 Escoude ...... 44...... brisé, restitué.....2100...Bessac 1991...... Emmanchement d'origine respecté 2 Rivelaine ...... 37...... restitué...... 2400...Larousse......

Outils à débiter la pierre N° Désignation...... Long. fer...... Long. manche....Poids...Références...... Observations 3 Masse symétrique ...... 17,8 x 5,5...... restitué...... env. 3000...Aladenise...... Marque: Truetemper/USA – 8 4 Masse à débiter...... 20,5 x 6,4...... brut, 76...... env. 5000...Cf. catalogue Manufrance ..Marque: MOB 5 Pic (de carrier) ...... 19 x 5...... 44...... 2800...... Effet masse plutôt que taille 6a Coin ...... 16,5...... 800...... 6b Coin ...... 20,5...... 2100......

TAILLE ET MISE EN FORME Pics N° Désignation...... Long. fer ...... Long. manche ...Poids...Références...... Observations 7 Pic symétrique ...... 25,5...... 34,5...... 1670...... Base plutôt plane 7a Pic symétrique ...... 22...... 36...... 1770...... 7b Pic symétrique ...... 24...... 44...... 1200...... 8 Pic symétrique ...... 24,5...... restitué, 46,5...... 2300...... Naviforme 9 Pic symétrique ...... 36...... 47...... 2950...... Base plane

Taillants N° Désignation...... Long. fer ...... Long. manche ...Poids...Références...... Observations 10 Double taillant droit...... 23,5 x 14...... restitué...... 2600...... Destiné au grès 11 Taillant droit et bretture...... 24,5 x 8...... 38,5...... 2300...... 12 Double taillant rustique ...... 22,5...... 63...... 3000...Bernard-Guetet fils, Serrières de Briord (Ain), Ann. métal., 1925, p. 531...... Marque:BERNARD FILS/AIN/D...SE(rrie)/RES 13 Double grain d'orge...... 20,4 x 8,5...... restitué...... 2500...... Marque: JOLY 14 Taillant droit dissymétrique ...... 29 x 14...... 60...... 4600...Type de l'Encyclopédie...... XVIIIe s.

Bouchardes N° Désignation...... Long. fer ...... Long. manche ...Poids...Références ...... Observations 15 Boucharde-marteline 40/70 dents ...... 15,5 x 3,5 x 2,5...... 31...... 1350...Jourdan 1995, 32, fig. 24...Marque: étoile à 6 branches 16 Boucharde droite 36/81 dents...... 20 x 4,4 x 4,4...... restitué, 40...... 2640...... Marque: ANGONIN A DAMPA(RIS) 17 Boucharde droite 36/36 dents...... 15 x 4...... restitué...... 1600...... Marque: PM 18 Boucharde 289/196 dents...... 17,5 x 4...... 2000...«Soc. des procédés Morgon, Bourg», Ann. métal., 1925, p. 203...... Marque: I. MORG... / R.S.O. / BOUR.. 19 Décrasse-boucharde...... Grattoir l. 11 ...... 30,4 ...... Aladenise...... Manche improvisé

Marteaux de maçons N° Désignation...... Long. fer ...... Long. manche ...Poids ..Références ...... Observations 20a Pic-têtu...... 23 x 3,8 x 4,8...... 1750...... Marque: MOB 20b Pic-têtu...... 23,5 x 5,2 x 5,4...... 50 (neuf)...... 2700...... 21 Taillant-têtu...... 29,7 x 4...... 1600...... Marque: D 22 Décintroir ...... 31 x 3,3...... 31...... 750...... Neuf. Marque: MOB 123 750 23 Marteau-taillant...... 20,5 x 2,8...... 25...... 1100...Grelet?...... 24 Taillant-pic...... 20,7...... 25...... 800...... 24a Têtu symétrique ...... 17 x 4,5...... 35...... 2650...... Marque: FONDU/EXTRA M N

Massettes et maillets N° Désignation...... Long. fer ...... Long. manche ...Poids ..Références...... Observations 25 Massette avec points de touche très usés.10 x 5 ...... 21,5...... 1660...Mercuzot Bessac ...... 26 Massette avec points de touche...... 8 x 5...... 17,5...... 27 Massette ordinaire ...... 9,5 x 4,5...... 24,5...... 1700...... 28 Maillet bois monoxyle ...... 24, 7,5 d...... 360...Maillet dit «de sculpteur» . 28a Maillet monoxyle taillé...... (tête 16,5 x 11,5 x 8,5) ..(totale: 38,5).....1340...... 29 Maillet bois ...... (tête 14 x 10 x 7,5) ...33...... 840...... Cf. menuisier

44 Chasse, broches, ciseaux, gouges N° Désignation...... Larg. taillant ...... Long. outil ...... Poids...Références...... Observations 30 Chasse à pierre...... 3,7...... 20...... 1100...... 31 Chasse large...... 5...... 20 ...... Laurencin, 152. Aladenise, 35. 32a Broche ...... 52...... 1115...... Tige 8 pans 32b Broche ...... 19 ...... Tige 8 pans 33a Ciseau droit ...... 0,9...... 20 ...... 33b Ciseau droit ...... 1,8...... 22,7...... 33c Ciseau droit ...... 3,2...... 24 ...... Marque propr.: GIRARD (3 fois) 33d Ciseau droit ...... 3,2...... 34 ...... Tige 8 pans 33e Ciseau à douille...... 2,8...... 30 ...... Marque: …BROTHER/…STEEL 34 Ognette ...... 0,5...... 20,5...... Tige 8 pans 35 Tamponnoir...... 2...... 28,5...... 400...Peugeot 1923, 162...... Dit « langue de carpe » 36 Ciseau à onglet ...... 4,3...... 23 ...... Aladenise, p. 6, fig. 54...... Manche à douille 37a Gouge ...... 4...... 27,5 ...... Aladenise, p. 6, fig. 50...... 37b Gouge ...... 4,5...... 34 ...... 37c Gouge...... 17,5......

Sciottes et râpes N° Désignation...... Long. fer ...... Hauteur ...... Poids ..Références...... Observations 38 Sciotte...... 33,5...... 7,5 ...... Marque propr.: D (3 fois) 39 Sciotte cintrée...... 16...... 7 ...... 40 Chemin de fer...... 25 x 4,5...... 8 ...... 6 lames anguleuses 41 Rabotin 8 lames...... 15,5 x 3...... 7,5 ...... Pour moulures creuses 42 Guillaume à pierre...... 41 x 5,9...... 6,5 ...... Goldenberg 1927, 148...... Profil arrondi 43a Rifloir ...... 27...... Râpe. Marque: DUNEAU et HELLINIX (?) 43b Rifloir ...... 34,7...... Marque: ROMAIN 44 Gratte-fond ...... 22...... Chabat 1875 ...... Lisse

Perçage N° Désignation...... Diamètre ...... Long...... Poids ..Références...... Observations 45 Vilebrequin...... 26 ...... Manufrance ...... Modèle courant 45a Vilebrequin tout métal ...... 24...... 1375...... Av. carré de 1,5: admet fortes mèches...... Manque conscience 46a Mèche langue d'aspic...... 1,1...... 17,8 ...... Manufrance ...... 4 pans 46b Mèche langue d'aspic...... 1,2...... 17 ...... Cylindrique 46c Mèche langue d'aspic...... 1,6...... 14,5...... Cylindrique 46d Mèche langue d'aspic...... 1,7...... 19,5...... 4 pans 46e Mèche à têton...... 2,0...... 19,5...... 4 pans 46f Mèche à têton...... 1,5...... 14,7...... 4 pans 47a Fleuret ...... 2,5...... 26,5...... 650...Aladenise, 104...... 4 arêtes 47b Tamponnoir...... 2,4...... 27,5...... 250...Verdier (2, 34, n° 11)...... Cylindrique 47c Tamponnoir...... 3,5...... 49 ...... Cf. 47b ...... Taillant anguleux 47d Batte à beurre...... 2,7...... 24 ...... Aladenise, 104 ...... 4 arêtes

Instruments de mesure/traçage N° Désignation...... Long...... Hauteur ...... Poids .. Références...... Observations 48 Equerre...... 61,5 x 43,5...... Marque: G.D/F Vaufrey à Morteau/JBD 49 Fausse équerre ...... 29,5...... 49a Niveau pendulaire...... 72...... 36 ...... Plomb neuf 50 Grand compas ...... 68...... Manque quart de cercle 51 Compas quart de cercle...... 28,5...... Vis neuve 52 Pointe à tracer...... 21...... Poignée torse 53 Pointe à tracer...... 26...... Poignée torse

PETIT OUTILLAGE DE MARBRIER-SCULPTEUR Outillage tout métal N° Désignation...... Long. fer ...... Largeur ...... Références...... Observations 54 Ognette ...... 25...... 0,15...... Marque: GILON 55 Ripe...... 27,5...... 0,9/0,6...... Extrémités arrondies 56 Ripe...... 20...... 1,3/1...... Extrémités dentelées 57 Spatule...... 26,5...... Corps plat

Outils emmanchés N° Désignation...... Long. totale ...... Long. fer ...... Largeur ..Références...... Observations 58 Fermoir...... 22...... 10...... 1,6...... Marque: ...ADDIS/LONDON 59 Ciseau...... 17,5...... 6...... 2,4...... Marque: ...STEEL 60 Gouge ...... 23...... 10...... 1,8...... Marque: GOLDENBERG/ACIER 61 Gouge ...... 18...... 6...... 0,9...... G F sur le manche 62 Gouge ...... 25,5...... 12...... 0,6...... Marque: PEUGEOT FRERES/ACIER FONDU 63 Ciseau gradine...... 24,5...... 14...... 4...... 64 Ciseau gradine...... 24...... 10,7...... 2,7...... Forgé dans une lime 65 Ciseau gradine...... 24,5...... 11,5...... 1,3...... 66 Ciseau oblique...... 18...... 5,5 ...... Marque: ..GORBY CAST STEEL 67 Tranchet...... 22,7...... 9,5 ...... 45 68 Burin ...... 11,5...... 8 ...... Poignée refendue ANNEXE 2

PROBLÈMES DE DÉTERMINATION DES OUTILS (origine, datation)

Alors que les traces qu'ils ont laissées sur exceptions près, ils sont donc devenus des Métaux, 37e éd., Paris, 1919: 1145). les monuments sont nombreuses, rares des objets de collection, qu'il n'est pas Dans le même temps, les catalogues de sont les spécimens conservés d'outils à toujours aisé d'identifier. Goldenberg (1927, à Zornhoff - Bas- pierre antérieurs au XIXe siècle. Connus Rhin) et de Clément (1919, à Corravillers dès l'Antiquité par les représentations Il semble que les outils présentés ici - Haute-Saône) ne présentent pas de sculptées et quelques rares exemplaires remontent à la période 1850/1950. Est-il taillant, mais seulement des « marteaux découverts (Champion 1916; Adam possible d'en savoir plus sur leur origine? de maçon». Outre les scies à pierre, 1989), les outils à pierre sont Un début d'enquête ne parvient à dégager ciseaux et gouges «pour sculpteurs», fréquemment représentés sur les que quelques pistes. Œuvres de Peugeot Frères (à Valentigney - Doubs) miniatures médiévales (Du Colombier taillandiers, ils reflètent la multiplicité n'offre que des mèches à pierre et un 1973; Bessac 1985. Cf. annexe 3). Ils des ateliers: beaucoup restent ano- tamponnoir mais, par contre, une très sont parfois mentionnés dans les nymes; d'autres portent une marque grande variété de truelles (catalogue de ordonnances des métiers des XVIe - lisible sur laquelle il n'est pas toujours 1923). XVIIe siècles et fabriqués par les facile de trouver une documentation... e taillandiers. Ainsi à Besançon au XVI En revanche, la fabrication des siècle, pour éviter les accidents, Parmi les exemplaires présentés: bouchardes est tout spécialement l’« Ordonnance des Massons » précise: — les produits industriels Goldenberg et signalée dès 1845 chez un taillandier de Voulons aussi et ordonnons que les Peugeot [n° 60, 62] sont encore très Vesoul (Félix Maillard, 4 rue Saint- piguasses, martels, taillantz, haches et répandus; Georges, à Vesoul – Haute-Saône, qui se tous autres ustensiles appartenantz aux — « Truetemper USA » [n° 3] et présente comme « maréchal et taillandier, massons soient faictz à testes ouvertes, « MOB » [n° 4, 20a, 22] sont des fabricant de bouchardes à l'usage des larges devant et estroictz devers la signatures contemporaines, encore tailleurs de pierre » — F. Péry, Almanach main.... En cas d’incendie, les maçons diffusée pour MOB; du commerce de la Franche-Comté, iseront tenuz d’aller tout incontinant — « Angonin à Damparis » [n° 16] et Baume-les-Dames, 1845: 345.) puis, en avecques leurs eschielles, ung testu ou « F.Vaufrey à Morteau » [n° 48] 1925, dans la liste des fournisseurs hache en la main... (Police du noble indiquent leur lieu de fabrication d'outils pour mines et carrières (six Hôtel Consistorial de Besançon, XVIe (Damparis - 39; Morteau - 25) et fabricants parmi les cinquante-neuf siècle). Si le mot pigasse, gros pic, est restent à documenter quant à leurs adresses proposées — Annuaire métal- tombé en désuétude, marteaux, taillants, auteurs; lurgique français, de Georges Marq, têtus sont toujours utilisés. Au XVIIIe — « Bernard Fils/Ain/D...SE(rrie) Paris, éd. 1925: 531-532.). siècle, l'Encyclopédie donne la gamme RES... » [n° 12] et « I. Morgon/Bté. assez complète de ces outils. Très SGDG/Bourg » [n° 18] sont signalés répandus au XIXe siècle, ils se raréfient en 1925, dans l'Ain, à Serrières-de- En 1850, la diffusion se fait par le peu à peu dès la première moitié du XXe Briord et à Bourg-en-Bresse maréchal-ferrant du village, si l'on en siècle. (Annuaire métallurgique français, de croit une enseigne conservée à Serre-les- Georges Marq, Paris, éd. 1925: 203, Sapins (Doubs): Louis Verrier, maréchal Ainsi, une panoplie d'outils à main, 531.); à Serre-les-Sapins, fait représenter sur le spécialisés pour le travail de la pierre, a — « Joly » [n° 13], Duneau et Hellinix linteau de pierre sculptée qui lui sert été mise au point au cours des âges. (?), Romain [n° 43a, 43b] n'ont pu être d'enseigne l'ensemble des produits qu'il Progrès oblige, elle est à présent identifiés. propose. On y remarque un taillant grain remplacée par des outils mécaniques ou d'orge, grandeur nature. En 1913, un pneumatiques, réservés aux entreprises Après consultation d'annuaires et de rares choix de quatre taillants figure dans le spécialisées. Alors que, dans les catalogues, on ne peut que formuler très populaire catalogue de Manufrance premières décennies du XXe siècle, de quelques remarques. La fabrication de (Saint-Etienne - Loire). Mais cette nombreux taillandiers savaient ces outils relève de la taillanderie puis de gamme grand public va très vite parfaitement les confectionner et que les l'industrie, mais avec une certaine s'appauvrir (deux taillants seulement très populaires catalogues de la spécialisation. Ainsi, aussitôt après la dans l'édition de 1922) pour finir avec Manufacture française d'Armes et Cycles première guerre mondiale, Peugeot et Cie uniquement les marteaux à usage du de Saint-Étienne (Loire - « Manu- (Pont-de-Roide - Doubs) propose expli- maçon (toujours disponibles en france ») en proposaient la gamme citement des « outils pour tailleurs de quincaillerie). Les outils à pierre presque complète, ces outils ont disparu pierre et maçons » (publicité dans C. deviennent alors un matériel spécialisé à avec le matériau pierre. A quelques Rousset, Annuaire de la Quincaillerie et diffusion très restreinte.

46 ANNEXE 3

À PROPOS DES OUTILS MÉDIÉVAUX

Premiers outils à pierre médiévaux Polka/Pic?

Les représentations figurées antérieures En ce qui concerne l’usage des outils à au XIIIe siècle ne sont pas nombreuses: l’époque médiévale, il convient de se reporter à l’excellente étude critique de a – deux compagnons finissent au ciseau Jean-Claude Bessac (1985). On peut ou à la broche la corniche d’un monu- cependant, comme on l’a signalé, rester ment à fronton dans les Evangiles sceptique sur les représentations de la d’Ebbon (IXe siècle); polka, trop imprécises et trop abondantes b – dans le Psalterium Aureum de Saint- (marques de tâcherons en particulier). Il Gall, un personnage semble sculpter s’agit sans doute souvent d’un pic taillant au ciseau l’ornementation d’un ram- ou d’un pic-têtu. C’est ce dernier, pant de fronton: curieusement, son semble-t-il, qui figure sur le linteau d’une percuteur est une large hache sans fente d’éclairage de l’escalier appuyé au talon retournée et très mal emman- clocher de l’église de Mont-sur-Lison chée (première moitié IXe siècle); (ouvrage probable du XIVe siècle, c – une hache-marteau à taillant droit est Courcelles-lès-Quingey - Doubs), où la tenue verticalement par un personna- taille au pic est dominante. Le pic figure ge sculpté trouvé dans des fouilles curieusement comme meuble principal aux abords de Saint-Hilaire-le-Grand, (répété trois fois) des armoiries du bourg à Poitiers (XIe siècle); de Champlitte (Haute-Saône) sans qu’on Fig. 12 – Représentation d’un pic-têtu. Escalier du clocher de l’église de Mont-sur-Lison à d – un relief de l’avant-nef de Saint- en connaisse l’explication. Courcelles-lès-Quingey (Doubs) (XIVe siècle?). Philibert de Tournus représente un (Cliché Y. Jeannin) sculptor qui semble utiliser un outil semblable: taillant-marteau dissymé- trique tenu à l’envers (1040-1060); e – à la cathédrale de Monréale, en Sicile, un personnage achève un décor en pointe de diamant, sur un bloc de pierre, avec une hache à taillant arrondi à la manière des haches à bois; sur l'échafaudage, un maçon tasse une pierre sur le lit de mortier à l'aide d'un marteau dissy- métrique (mosaïque du XIIe siècle); f – sur la Bible de Roda (dite de Noailles), le maçon rectifie la pierre qu’il s’apprête à poser à l’aide d’un marteau dissymétrique qui ressemble- rait à un taillant-têtu (XIIe siècle); g – le pic double (symétrique) figure, sans doute comme arme, aux mains d’un des damnés du tympan de Conques. On croit aussi discerner, sur ce même tympan, que l’objet brandi par un diable, qui défie les élus, est une batte ou un maillet monoxyle tourné (vers 1130-1135); h – l’Hortus Deliciarum, d’Herrade de Landsberg, montre à la fois la taille au ciseau et l’utilisation d’un pic double léger semblable à celui de Conques (1175-1185); i – le maçon d’une peinture murale de Brioude (Saint-Julien) porte sur l’épaule un gros outil équilibré qui semble être un pic-taillant ou un pic- têtu (fin XIIe siècle). Sous toute réserve, on remarquera donc l'usage très fréquent de la percussion posée (a, b, h). Les taillants, dissymé- triques, restent très proches des haches à Fig. 13 – Groupe des Quatre Saints Couronnés de la collégiale de Gray (Haute-Saône). bois (c, d, e, f, i). Le pic double, symé- Ces saints patrons des sculpteurs, tailleurs de pierres et maçons portent encore quelques instruments de la corporation: hache ou taillant, niveau pendulaire, têtu-pic… qui reflètent la pérennité des formes (XVIIe siècle?). trique, est attesté au XIIe siècle (g, h). (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1998) 47 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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D'ALEMBERT (1762-1772) Manufrance (1, 2): voir Manufacture 1–[Fac-similé d’un choix de Vogüé et Neufville 1971 : VOGUE française... planches publié par l’Aventurine (dom M. de) et NEUFVILLE Bookking International, Paris, Manufrance 1928 : Catalogue de la (dom J.). – Glossaire de termes tech- 1996]. Manufacture française d’Armes et niques à l’usage des lecteurs de «la 2–Gravure et sculpture [extraits: Cycles de Saint-Étienne, année fac-similé de planches publie par 1928 (rééd. Bibliothèque de Nuit des Temps». Coll. Zodiaque, La 48 Interlivre, 1994]. l’Image, 1997). Pierre-qui-Vire, 2e éd., 1971. Le marbre en Franche-Comté dans l’Antiquité

49 m Tamise

océan 1 Rhin Atlantique Oise lle Se Marne ine Mose

Danube

Saône Doubs Garonne Isère 6 Pô 2 Rhône 3 4 7 5 mer Noire

11 13 12 14 mer 10 16 8 18 15 9 19 17 21 Medjerda 20 Méditerranée

1 Bavais (environ de) 10 Thessalie 2 Pyrénées (griotte) 11 Vallée de la Struma 3 Garonne (blanc de Saint-Béat) 12 Thasos (Aliki) 4 Garonne (Pène Saint-Martin) 13 Thasos (Vathy) 19 Pentélique 5 Moulis (Aubert) 14 Iscehisar-Synnada 20 Laconie 6 Aime 15 Asin Ciflik-Iasos 21 Mani 7 Apennin (Carrare) 16 Sigacik-Teos 22 Assouan Nil mer 8 Cap de Garde 17 Cyclades (Paros) 23 Jebel Dukan-Mons Porphyrites 9 Chemtou 18 Karystos 24 Jebel Fetireh-Mons Claudianus 0 500 km Rouge 23 22 24

Carte 1 – Principaux gisements du monde romain cités. (Dessin A. Céréza, d'après F. Braemer)

m Tamise 1 2 océan 3 Rh Atlantique Oise in Seine Marne Moselle 4 5 6 Danube

Saône 7 Doubs Garonne Isère ône Pô Rh 8 9 10

18 mer Noire 11 17 12 13 14 mer

15 16 Medjerda Méditerranée

1 Fishbourne 7 Autun 13 Herculanum 2 Silchester 8 Arles 14 Pompei 3 Cologne 9 Antibes 15 Piazza Armerina 4 Trêves 10 La Turbie 16 Athènes 5 Metz 11 Rome 17 Byzance-Constantinople Nil mer 6 Vendeuvre 12 Ostie 18 Varna 0 500 km Rouge

50 Carte 2 – Principaux sites antiques du monde romain cités. (Dessin A. Céréza, d'après F. Braemer) Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003

Circulation et commercialisation des marbres en Franche-Comté dans l’Antiquité François BRAEMER*

Nous sommes éclairés, aujour- Aussi s’intéressa-t-on naturelle- Résumé L’identification, depuis 1950, des gise- d’hui, sur l’exploitation et le ment aux matériaux les plus colo- ments de pierres — notamment commerce des pierres, spéciale- rés, abandonnant volontiers les nobles — exploités dans l’Antiquité a ment décoratives, dans l’Antiquité, autres — à l’exception des grandes fait faire de grands progrès à l’étude par les découvertes archéologiques œuvres d’art — au four à chaux. du commerce, de l’architecture et de qui complètent dans une large Pour identifier et faciliter les choix, la sculpture, grâce, notamment, à un mesure les inscriptions et les textes on utilisa les couleurs et on parla de Répertoire des gisements de pierres et des antiques (Dubois 1908), notam- « vert » et de « rouge » antiques ou lieux d’utilisation. ment ceux de Pline. Originaire du de « pavonazzeto », sans se soucier, Dans le pays des Séquanes, les pierres bien entendu, des lieux d’extrac- nobles méditerranéennes sont parve- versant méridional des Alpes, ce tion. L’abondance était telle que nues par le Rhône et ses affluents, à dernier, par exemple, oppose la Villards-d’Héria, Besançon, Man- grande difficulté ancienne de la l’on ne pensait pas recourir aux deure. Et les importantes routes traversée des Alpes et l’exploi- gisements eux-mêmes, devenus — 2 transalpines reliant Rome à la tation, à son époque, de mille à l’exception de ceux de l’Apennin Germanie et à la (Grande) Bretagne, genres de marbres1. — d’un accès difficile, qui les met- qui n’ont pas pu inclure dans leur par- tait à l’abri de la moindre identifi- cours montagneux le transport de Bien avant le Ier siècle, ces riches cation et facilitait des confusions blocs lourds et fragiles, ont pu partici- matériaux étaient utilisés en entre les variétés de l’Apennin et per, dans la plaine de la Saône, avec les des autres parties du monde routes secondaires, à leur achemine- architecture — notamment pour des colonnes et des revêtements, antique. Pour distinguer les types, ment grâce à la coordination de la voie on en vint même à utiliser le lieu d’eau et de la route terrestre. de sol comme de murs, qui de réutilisation comme le «Porta Souhaitons que des fouilles stratigra- réclamaient moins de matière que phiques dans divers secteurs de la construction proprement dite Santa» au Vatican. Les rares tenta- chaque site apportent des éléments de des siècles classiques —, pour la tives de repérage de provenances aboutirent peu à peu à des datation propres à présenter l’évolu- sculpture et les incrustations, et on méprises comme, par exemple, tion du commerce. se mit même à les imiter en pour l’« africano ». peinture (Eristov 1979). Abstract Aussi, est-il apparu à M. l’inspec- Beginning in the fifties, the identifica- Aux siècles suivants, en plus du teur général Gérard Aubin, comme tion of geologic strata, especially rocks « Carrare», on s’intéressa à d’autres aux organisateurs du colloque like marbles or granites…, that were marbres européens (Pyrénées, franc-comtois — Mme Marie- quarried during the Antiquity (Roman Provence avec la «brèche d’Alep») Ages) allowed to improve significantly Claude Mary, M. Laurent Poupard à des fins commerciales, surtout studies devoted to trade, architecture et Mme Annick Richard — qu’il and sculpture, due to an index of the aux époques de protectionnisme serait bon de fournir quelques durant lesquelles on favorisa les geologic strata and of the places where indications sur l’évolution des they have been used (Répertoire des produits locaux au détriment des recherches avant d’aborder le cas gisements de pierres). marbres italiens, comme le « blanc In the Sequanes region, the Rhône de la Franche-Comté antique. de Gênes ». Mais ces marbres ne and its affluents were used to direct donnèrent pas toujours satisfaction, Mediterranean rocks towards Villards- Dès l’époque de la Renaissance, ainsi que nous l’ont appris des d’Héria, Besançon, Mandeure. les pierres nobles découvertes à sculpteurs comme J.-B. Pigalle. Major Transalpine ways going from Rome ont fait prendre conscience Rome to Germany and Great de la beauté des revêtements Britannia, that could not be used for antiques et de l’ampleur du phéno- transportation of heavy and brittle mène. La récupération aboutit, * Directeur de recherche (hon.) au Centre rocks, have been also concerned in national de la recherche scientifique; malheureusement, à une réutilisa- Saône area, together with less impor- Président du Corpus international des tant roads, due to a combined use of tion sans discernement et sans sculptures de l’empire romain. 21 rue de Clichy, 75009 Paris, France. water-way and by land way. scrupules, à des fins décoratives. It is highly expected that stratigraphic excavating in various area for each site, 1. Pline. – N.H., XXXVI, 1, 2, commenté par Braemer 1971c: 145. will bring to light information for Et à propos d’Aime, Braemer 1971b: 273; 1991b: 71. dating, that will permit to follow the 2. Les principaux gisements du monde romain cités dans le texte sont localisés sur la carte 1, les princi- evolution of commercial factors. paux sites antiques du monde romain cités le sont sur les cartes 2 et 3 (sud de la province romaine de Germanie supérieure et régions voisines). 51 Au cours de la seconde moitié du celle faisant venir la 1966: 79) et les granites d’Egypte XIXe siècle, on parvint à une telle Trajane d’une carrière de la haute remplacèrent ceux d’Italie du Nord confusion par méconnaissance des vallée de la Garonne (Astre 1933: ou de France. On finit, malgré des gisements situés en dehors d’Italie 57). réticences, à faire abandonner des et de France, que l’on en vint à hypothèses aventureuses à propos attribuer à des gisements locaux L’ampleur de fouilles systé- du «grand antique», en l’attribuant proches de sites antiques les matiques fournissant, comme en aux Pyrénées (Braemer 1971a: découvertes fortuites ou faites au Tripolitaine, une grande variété de 170; Braemer 1978b: 739). cours de fouilles (Lebègue 1889: matériaux décoratifs, fit évoluer la 142). La poursuite de la fabrication situation à partir des années 1950. Furent alors prospectées systémati- de pseudo-antiques, d’œuvres à Une équipe internationale compo- quement les différentes régions du l’antique et de faux favorisa la sée de J.B. Ward-Perkins, R. Gnoli, monde antique. Les membres du confusion. Et l’appât que consti- Th. Kraus, F. Braemer, ainsi que de Comité purent rapidement préciser tuait la recherche de marchés incita G. Carettoni et M. Floriani les identifications et les contours à la création de termes hybrides, Squarciapino, surintendants du des grands gisements de l’Orient comme l’appellation « Saint-Anne Forum romain et d’Ostie, fonda en romain, de l’Apennin et de des Pyrénées ». En dehors de cas 1965 le Comité international d’étu- l’Afrique, tout en se posant des très ponctuels — favorisés par la de des matériaux (notamment questions à propos de l’ancienneté connaissance de gisements français marbres) de l’Antiquité, qui s’est des carrières sur des zones exploi- traditionnels, grâce à la comparai- donné pour tâche non d’identifier tées depuis le XIXe siècle. Ainsi à son entre nos acquis et les débris d’une manière traditionnelle des Paros, par exemple, où l’on consi- antiques conservés, trouvés à une échantillons mais des gisements dérait — comme dans la plupart époque où les traditions d’artisanat (Ward-Perkins 1966: 30; Braemer des sites — qu’une exploitation de l’Ancien Régime étaient encore 1971a: 168). Il intéressa à ses contemporaine s’enorgueillait d’un vivantes — dont l’identification études des géologues et des miné- passé antique, j’ai pu ramener l’ou- s’est avérée exacte3, on en arriva, ralogistes, auxquels se joignirent verture d’une carrière, attribuée peu à peu, à identifier des maté- plus récemment des chimistes et jusque-là à la haute antiquité, au riaux sortis de fouilles officielles des physiciens pour les marbres XIXe siècle pour le tombeau de systématiques à ceux qu’utilisent blancs. Napoléon Ier en raison du faciès et les marbriers pour les monuments des procédés techniques utilisés. funéraires de nos cimetières. Ainsi, Après avoir commencé d’inven- Se joignirent très vite à eux des encore au cours du troisième quart torier les types de matériaux et gisements dont les productions ne du XXe siècle, malgré nos mises en leurs variétés, notamment sur les dépassaient pas les limites de deux gardes répétées, « on fit gravir » les grands sites archéologiques italiens provinces et même d’une seule. Alpes à des granites, attribués à de Pompei, Herculanum et Ostie, Certaines pierres apparurent com- l’Italie du Nord alors qu’ils prove- il abandonna, au cours de réunions me des « marbres de remplace- naient d’Egypte, d’où il était périodiques, les anciennes déno- ment » (Braemer 1971a: 172, fig. 1) infiniment plus facile de les faire minations factices facilitant les au fur et à mesure de l’annexion de venir à Lyon par voie d’eau dans confusions et rechercha les nouveaux territoires, dans les une Antiquité qui ne connaissait possibles lieux d’extraction en Pyrénées, la totalité de la chaîne pas les tunnels transalpins. Plus fonction des divers caractères de des Alpes depuis les Alpes mari- récemment, furent présentées sur chaque matériau, d’abord autour times jusqu’à celles de Transyl- le site de Grand (Vosges) des iden- de la mer Méditerranée puis sur vanie, en passant par les importants tifications, selon des méthodes plus toute la surface de l’empire romain, gisements des Alpes centrales4. ou moins anciennes, qui s’avèrent en partageant les tâches et en en grande partie inexactes et récla- confiant, si possible, des zones à Les résultats aboutirent en 1983 au ment des rectifications importantes chacun de ses membres, en fonc- Répertoire des gisements de pierres (Braemer 1988a: 29). tion de leurs compétences. Ainsi ayant exporté leur production à m’échurent particulièrement les l’époque romaine, classés en fonction Avec le recul de l’utilisation des régions continentales, notamment de l’ampleur géographique de leur pierres nobles, la confusion fut d’Europe, et leurs abords. A titre commercialisation et assortis des complète jusqu’au milieu du XXe d’exemples, le gisement de l’«afri- lieux d’utilisation dans la totalité siècle, où l’on avait eu bien du mal cano» fut découvert sur la côte de l’empire romain5, et à son à dissiper des légendes comme occidentale de l’Anatolie (Ballance Complément 6.

3. Cf. à titre d’exemple les identifications de Drouet 1837: 338. 4. Pour les marbres blancs, Braemer 1975b: 115-120. Pour les colorés, voir, par exemple, le cas de la brèche de la haute vallée de la Garonne (dont il sera question plus loin) dans Braemer 1994: 234 (pour le Nord-Ouest de la Gaule) et Braemer 1982c: 74-75 (pour la province de Bretagne). 5. Braemer 1986b: 287-328, divisé en I-II, fig. 1 (commercialisation dans les deux bassins de la mer Méditerranée et jusqu’aux limites de l’empire), III-IV, fig. 2 (dans l’un des bassins de la mer Méditerranée), V, fig. 3 (dans plusieurs provinces), VI, fig. 3 (dans une seule province), VII, fig. 4 (dans un secteur plus limité). 6. Braemer 1992b: 235, destiné à être complété au fur et à mesure de l’identification d’autres gisements répondant aux normes de ce Répertoire. Sur l’évolution et d’autres aspects de la recherche, outre Braemer 1971a: 167-174, cf. Braemer 1969; Gnoli 1971, à partir des appellations traditionnelles et des premières identifications de gisements par l’intermédiaire de documents anciennement connus et de témoignages repérés essentiellement dans des édifices de Rome; Braemer 1986a: 267-285; Braemer 1992a: 227-234; Braemer 1986e: 141-170; Braemer 1991a: 33-50; ainsi que les recueils d’articles de différents auteurs 52 sur des sujets divers plus ponctuels, réunis par Pensabene 1985 et 1998. L’étude systématique des faciès l’estuaire de la Medjerda. En Il convient maintenant de faire amena la découverte de nouveaux même temps, apparut l’importance profiter, comme d’autres régions9, gisements, peu éloignés de ceux commerciale des fleuves frontières le pays des Séquanes devenu déjà repérés comme, par exemple, du Rhin et du Danube ainsi que de Franche-Comté, de ces méthodes. à Chemtou — où il faut différen- l’océan Atlantique (Braemer Certes l’utilisation à des fins géo- cier le gisement de marbre jaune 1975b: 118; 1982b: 88, fig. p. 83; graphiques et, à fortiori, historiques (Braemer 1986b: 293, I, 9) d’autres 1982c: fig. 13; 1991a: 47) considé- des points de « ramassage » rele- (312, VII, 32 et 33) — ou à Thasos ré, à l’égal de la mer en général et vés, en général anciennement, est — où apparurent nettement sépa- des vastes déserts jusqu’à ces der- très difficile. On manque même de rés un gisement de marbre dolomi- nières années par les historiens, précisions dans le cas de fouilles tique au nord de l’île, dont l’étude comme une frontière antique dan- récentes, sans parler de l’absence montra qu’il fut largement utilisé gereuse. Il est vrai que, au Ier siècle, de données stratigraphiques. (294, I, 16) et qui fut récemment Pline se méfiait de la mer7. Ces l’objet de la découverte d’un relief importants résultats permirent, dès Aussi faut-il ne s’appuyer que sur rupestre représentant Heraklès 1983, d’ajouter à la route tradition- des témoignages de provenance (Brunet 1996: 56, fig.), et l’exploi- nelle de l’ambre vers les pays relativement précise à l’intérieur tation bien connue d’Aliki au sud méditerranéens par l’Europe cen- d’un site, que l’on a pu examiner de l’île (Sodini et al. 1980: 87-145; trale, un itinéraire maritime romain soi-même. Tout recours à des indi- Braemer 1986b: 305, VI, 7), dont la par la mer du Nord, la Manche cations imprécises ou à des production se trouva en concurren- et l’océan Atlantique (Braemer interprétations risque de fausser les ce sur le continent, particulière- 1986c : 368). conclusions. En l’absence de don- ment au Bas-Empire, avec celles nées laissées par les fouilleurs, il a de la vallée moyenne de la Struma, Avec l’étude de la localisation des donc fallu tenter de retrouver les notamment de Sandanski (310, différents faciès d’un gisement, et circonstances de la découverte, la VII, 15). les débuts de datation d’emplois localisation précise à l’intérieur sur des sites privilégiés (Pompei, d’un site et la position stratigra- Le repérage, dans le Répertoire, des Herculanum, Ostie) et dans cer- phique des témoignages. A ce exploitations antiques situées en tains bâtiments (thermes de Varna, propos, je tiens à rappeler le souve- bordure de mer ou de fleuve a de Trêves), on chercha, peu à peu, nir de Mlle Cornillot, à Besançon, montré l’importance de la voie à classer les diverses utilisations et et à remercier M. Yves Jeannin de d’eau et mis en valeur la coordina- à préciser les dates des exploita- son ancienne collaboration pour le tion de cette voie d’eau et de la route tions et des importations, en site de Mandeure, ainsi que M. terrestre dans l’Antiquité romaine, songeant à séparer l’Antiquité du Robert Le Pennec et Mme Marie- ainsi que le rôle des villes de trans- Bas-Empire. En effet, durant cette Jeanne Lambert et son équipe au bordement (Braemer 1989: 109-121). période, certains marbres — com- musée d’archéologie de Lons-le- me le Chemtou jaune, le noir Saunier. Les témoignages que j’ai Dans de telles conditions de circu- d’Aubert et le coloré d’Asin Ciflik- pu examiner illustrent de façon lation, il avait fallu au marbre Iasos (Braemer 1986b: 295, II, 4) particulièrement significative le d’Iscehisar (dit de Synnada) — ont pu connaître une très vaste rôle des voies navigables, que je (Braemer 1986b: 293, I, 8) une zone commerciale à l’heure où on viens de définir, dans le cadre de la réputation qui dépassait largement recherchait des couleurs tranchées, cité des Séquanes. Il n’est que de celle du « violet » de l’Apennin, tandis que de nouveaux gisements, prononcer les noms du Rhône et de pour qu’on continue de l’exporter délaissés au cours du Haut-Empire ses affluents — l’Ain, la Saône depuis son gisement du centre de en raison de leurs moindres quali- (éventuellement la Seille), le l’Anatolie, et à celui de Chemtou tés ou de leur moins bonne facilité Doubs — à partir du cours des- un attrait qui encourageait l’utilisa- d’accès, pouvaient intéresser les quels il a suffi de courts portages tion de matériaux de remplace- populations locales désirant des pour alimenter les sites antiques. ment, comme celui de la Pène matériaux plus proches de leurs Cela a pu être le cas de la plaque Saint-Martin extrait des Pyrénées besoins, même si ils étaient de qui a été remployée et retrouvée à (Braemer 1986b: 301, V, 3), pour moins belle qualité. Ce fut le cas Chambornay (Chatel 1983: 170- qu’on n’hésitât pas à lui faire tra- des Alpes centrales et des Pyrénées 172 et discussion). verser une zone montagneuse pour pour le marbre blanc8, comme pour atteindre un lieu d’embarquement la griotte, qui fut, néanmoins, Pour replacer dans leur cadre les sur la côte septentrionale de la exportée à Ostie, à Rome et à exemples franc-comtois et en tirer Tunisie, afin de faire face à l’ensa- Byzance-Constantinople (296, parti, il est utile de s’arrêter, un ins- blement, dès la fin du Ier siècle, de II,7). tant, dans la vallée d’un affluent

7. Pline. – N.H., XXXVI, 1, 2. 8. Braemer 1986a: 277-278; 1991a: 34; 1992a: 229-230; 1992b: 237, VII, 66, par exemple. 9. Pour les Gaules et les régions limitrophes, cf. Braemer 1982a: 53-73; 1982b: 81-91, et d’autres déjà cités. Pour plus de détails dans des régions sensibles et favorisées par des découvertes: – cf. pour le Nord, Braemer 1978a: 203-207; 1982c: 73-83; 1984: 253-259; 1988a: 26; 1994: 233-239; – cf. pour le Sud, Braemer 1979: 103-146; 1981: 57-72. Voir aussi sous une forme un peu différente, Braemer 1988b: 175-198. 53 plus méridional du Rhône et d’évo- quantité de Karystos. Aussi, – marbres grecs de Mani (293, I, quer le cours de l’Isère. Cette Izernore se place-t-il dans la bonne 11), Thessalie, Karystos, souvent rivière fut remontée dès le milieu moyenne des sites secondaires des épais de 0,03 m; du Ier siècle par une plaque de Gaules. – brèche de la Pène Saint-Martin marbre d’Afrique, d’un type de dans la haute vallée de la Chemtou, sur laquelle a été gravée Situé légèrement au nord, l’en- Garonne (293, I, 10); une inscription, peut-être peu de semble de la commune de – porphyres de Laconie (relative- temps avant l’ouverture d’une Villards-d’Héria a profité de maté- ment épais, 0,01 m); exploitation en aval d’Aime, repé- riaux provenant des mêmes – marbres de l’Apennin de qualités rée par des inscriptions s’étendant régions. Mais il faut faire preuve de diverses, dont certains provien- jusqu’à l’extrême fin de l’Empire prudence, en raison de l’absence nent des fouilles postérieures qui romain (Braemer 1971b: 273-286). d’identification des découvertes du ne semblent pas, d’ailleurs, avoir A 40 km en aval, les fouilles ont XVIIe siècle11 et du manque de pré- apporté de nouveautés; révélé sur le site de Gilly la concur- cisions utiles à propos de – marbre anatolien de Sigacik-Teos rence entre les marbres de trouvailles récentes, générateurs (Braemer 1982b: 82), relative- l’Apennin (Braemer 1986b: 297, d’éventuelles confusions. La pré- ment rare au nord de Lyon en III, 1), remontant l’Isère, et ceux sence de marbre de l’Apennin, que raison, probablement, de sa tein- d’Aime (307, VII, 6), la descendant j’avais identifié à l'époque des te foncée (Braemer 1986b: 301, (Braemer 1991b: 70). fouilles, a été confirmée par Mme V, 2); Danielle Decrouez, M. Robert Le – pierres calcaires diverses. Malheureusement, les témoi- Pennec et moi-même à propos Pour tirer des conclusions de cette gnages jurassiens ont un caractère d’autres morceaux; mais il n’a pas liste, il faudrait disposer de plus plus simple et sont moins riches été possible de retrouver certaines d’éléments datés au Pont des d’enseignements. plaques, notamment ornées, qui ne Arches. A Izernore (Braemer 1982b: 87), semblent pas être parvenues au encore en Narbonnaise, on se musée de Lons-le-Saunier. Grâce à Malgré l’époque plus ancienne des trouve néanmoins en présence non la grande amabilité de Mme Marie- découvertes, j’ai pu identifier en seulement de marbres de Jeanne Lambert et de son équipe, provenance du lac d’Antre (fig. 2), l’Apennin et de Chemtou, mais dans des circonstances difficiles en situé à une altitude plus élevée, aussi des marbres grecs de raison des travaux de réaménage- dans un endroit infiniment plus Karystos10, qui a joui d’une grande ment du musée d’archéologie, où difficile d’accès pour des transports réputation dans les Gaules — on le ont été déposés — trop longtemps lourds et fragiles, des: rencontre jusqu’en Poitou où il a après les découvertes — des docu- – marbres blancs de l’Apennin par- orné un ensemble monumental à ments dans des caisses dépourvues ticulièrement fins, contrairement Tours-Mirandes, à Vendeuvre-du- d’indications précises, j’ai pu, heu- à ceux du Pont des Arches; Poitou (Vienne), probablement à reusement, séparer les trouvailles – marbres africains, notamment l’époque des Sévères (Braemer du lac d’Antre de celles du Pont plusieurs variétés (jaune, rose) de 1982b: 87) —, et de Thessalie des Arches, notamment par la pré- Chemtou et du Cap de Garde; (Braemer 1986b: 294, I, 12), d’Asie sence d’étiquettes que l’on peut – marbres de Grèce (Mani); Mineure centrale, avec le coloré dater — par la forme des caractères – marbres des Pyrénées (brèche de d’Iscehisar (dit de Synnada) (293, I, des inscriptions — du milieu du la Pène Saint-Martin et blanc de 8). Et j’ai pu, grâce à la date XIXe siècle12. la haute vallée de la Garonne); des journaux qui enveloppaient Une partie de ces découvertes et – porphyres de Laconie, parmi les- certains d’entre eux, préciser l’uti- celles des prospections de surface quels un revêtement ovale de lisation au temple — probablement de Louis Genevaux13, exécutées de 0,02 m d’épaisseur (longueur: pour la décoration de son second 1950 à 1960, m’ont permis de repé- 0,18 m; largeur: 0,12 m) poli sur état, au IIe siècle — des porphyres rer au Pont des Arches (fig. 1) des: les deux faces. d’Egypte (292, I, 6) et de Laconie – marbres africains de Chemtou et Ce groupe fait penser à une déco- (292, I, 4), des marbres de second du Cap de Garde (Braemer ration de grande qualité, justifiée choix de l’Apennin et d’une grande 1986a: 297, IV, 1); par la présence de marbres blancs

10. Braemer 1986b: 289, I, 2. Sur les exploitations de Karystos, cf. maintenant Vanhove 1996. 11. Cf. R.P. Dunod 1697, où il est question de la présence de marbres de parquetage et de l’incrustation et de vingt-huit sortes de marbres (p. 17 et 41) — proba- blement des pierres diverses pouvant être plus ou moins polies, selon la terminologie de l’époque — entreposés au Collège des Jésuites de Besançon, qui ont disparu de l’horizon archéologique, probablement dès l’époque révolutionnaire. 12. Sur les recherches et les découvertes anciennes et celles du XIXe siècle, aidées par la Société d’émulation du Jura, tant au Pont des Arches qu’au lac d’Antre, cf. essentiellement: – Champay 1837: 192-193, sous forme de compte-rendu des travaux de recherches d’antiquités sur la commune de Villards-d’Héria, dans lequel il cite ses découvertes, notamment du marbre (p. 193), que l’on propose de transférer au Musée; – Monnier 1838: 121-123, sous forme de rapport sur les fouilles de M. Champay, qui a trouvé des débris de marbre (p. 122); – Champay 1839: 219, à propos du Pont des Arches, dont il fournit un plan; – Champay 1844: 162-168, qui rappelle les découvertes anciennes au Pont des Arches ainsi qu’au lac d’Antre et rapporte ses observations sur ce dernier site; – Champay 1847: 77-86. 13. Sur ces prospections en général, cf. un court résumé en 1965: Présentation de marbres trouvés au Pont des Arches par M. Genevaux (21 février 1959), Société 54 d’Emulation du Jura, Tableau de l’activité de la Société de 1959 à 1964, Résumé méthodique des mémoires et communications, Lons-le-Saunier, 1965: 121. Fig. 1 – Sanctuaire gallo-romain de Villards-d’Héria (Jura): le Fig. 2 – Le lac d’Antre à la fin du premier quart du XIXe siècle. « Pont des Arches ». (D’après I. Taylor, C. Nodier, A. de Cailleux. – Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, la Franche-Comté, (Cliché J.-L. Mathieu, Musée d’archéologie de Lons-le- Paris, 1825) Saunier) (Cliché J.-L. Mathieu, Musée d’archéologie de Lons-le-Saunier) particulièrement fins de l’Apennin générale, car elles seraient basées beaux-arts et d’archéologie sont employés pour des corniches de sur un nombre relativement faible des porphyres d’Egypte et de petites dimensions (hauteur: de témoignages: les uns, exhumés Laconie et, surtout, des marbres 0,06m). Ce détail indiquerait le au XIXe siècle, de provenance colorés de mêmes types, notam- désir d’une riche ornementation, certes assez précise, peuvent être ment de Thessalie et de Karystos en raison de la rareté dans les mis en rapport avec les anciens ainsi que d’Anatolie (violet Gaules de cette variété réservée inventaires des musées, mais d’Iscehisar-Synnada et Sigacik- aux monuments d’inspiration d’autres, trouvés anciennement ou Teos). Il convient, bien entendu, impériale, comme le trophée de la plus récemment, sont dépourvus de mettre à part les sculptures en Turbie où je l’ai, moi-même, iden- d’étiquettes. L’absence d’observa- ronde bosse, notamment une main tifié sur les éléments sculptés, tions précises qu’il convient de colossale (Espérandieu 1918: même de grandes dimensions. faire, bâtiment par bâtiment, au n°5273) en marbre du Pentélique L’absence de données chronolo- cours de fouilles stratigraphiques, (Braemer 1986b: 289, I, 3) dont giques empêche de faire des empêche aussi de savoir si l’on est nous ignorons le lieu d’exécution. comparaisons avec d'autres sites du en présence de l’utilisation, à des Et on peut identifier, sur une monde romain, car le commerce du époques données, de marbres de peinture14, une imitation très sché- marbre très fin et de grande qualité couleurs complémentaires ou si matique d’un matériau jaune, a pu évoluer selon les régions, l’on est, dans le cas du Chemtou et probablement de Chemtou. L’in- notamment des provinces comme de son remplaçant de la haute ventaire en cours de découvertes celles des Gaules, en fonction des vallée de la Garonne, en face d’une toutes récentes devrait permettre diverses utilisations et de l’applica- concurrence entre deux matériaux d’apporter des compléments. tion éventuelle de peinture. qui pourrait s’expliquer par une Ce caractère de relative richesse différence de prix d’achat et de A l’extrémité du parcours fluvial de l’ensemble monumental est, longueur du trajet d’achemi- sud-ouest/nord-est du Doubs, d’ailleurs, à rapprocher de la nement, comme dans le Nord des l’amabilité de M. Yves Jeannin m’a présence d’autres fragments de Gaules et en Bretagne. permis d’identifier, jadis, des porphyre, provenant de Laconie marbres de l’Apennin, de Grèce mais également d’Egypte, de Pour poursuivre l’enquête dans le (Karystos notamment et Penté- faible épaisseur, destinés à des territoire des Séquanes, il est lique) et une petite quantité de incrustations, dont on connaît des nécessaire de contourner la chaîne porphyre d’Egypte. Il faut penser exemples jusqu’aux extrémités de du Jura par le sud-ouest et de que l’on a aimé, aussi, les l’empire romain, notamment dans remonter le cours de la Saône et du incrustations15. Ces identifications la province de Bretagne. Doubs. A Besançon, les décou- fournissent un jalon supplémen- Néanmoins, il convient de ne pas vertes faites anciennement que j’ai taire le long du grand axe de tirer des conclusions de portée pu examiner jadis au musée des circulation menant de la mer

14. Découverte, en octobre 1963, 26 rue Bersot (Lerat 1964: 389, fig. 19) et conservée au musée de Besançon. 15. Comme en témoigne une plaque conservée, depuis 1882, au musée de Besançon (inv. 882,2,10) dont le fond des zones destinées à être garnies d’un motif déco- ratif est seulement épannelé. Que soit vivement remerciée Mme M.-H. Lavallée, directeur des musées de Besançon, qui a bien voulu me fournir des précisions sur ce cas et celui de la note précédente. 55 REIMS de marbres de l’Apennin, de Grèce Marne 1 (Karystos, Thessalie), d’Asie mi- N neure (Iscehisar) et de Chemtou. Trêves n’a pas attendu sa notoriété du Bas-Empire pour se parer de 2 nombreuses statues en marbre de Rhin Grèce et de l’Apennin, et ses e 3 Kaiserthermen, de la fin du II siècle, ont été ornés de revête- 5 6 ments de marbres de l’Apennin, de griottes des Pyrénées et de noir du 4 Aar type de Bavai (Nord) (Braemer Saône Doubs Doubs 1986b: 305, VI, 6), apporté par la Moselle. Lac de Ce tour d’horizon permet, sinon de 7 prendre une vue détaillée de l’uti- Neuchâtel Seille lisation des pierres nobles en Franche-Comté dans l’Antiquité, 8 Léman du moins d’appréhender un nouvel Lac aspect du commerce séquane. Ont Ain 9 Rhône été acheminés des marbres de Saône l’Apennin, de Grèce, d’Asie Mineure et des Pyrénées ainsi que Rhône 12 des porphyres de Grèce et 10 d’Egypte, très utilisés dans la val- 11 lée du Rhône pour la décoration. 0 50 km Isère ROME On notera, pour le moment, l’ab- sence des griottes des Pyrénées et 1 Grand 7 Chalon-sur-Saône Itinéraire terrestre de Rome 2 Langres 8 Villards-d’Héria aux provinces du nord-ouest du noir de Belgique, rencontrés en 3 Seveux 9 Izernore de l’empire romain, par le Rhénanie. Si on n’a pas vu de gra- 4 Besançon 10 Lyon col du Grand-Saint-Bernard nites méditerranéens, très utilisés 5 Mandeure 11 Aime et le territoire séquane. dans la vallée du Rhône16, on 6 Augst 12 Grand-Saint-Bernard remarque la présence du Sigacik- Carte 3 – Principaux sites antiques du sud de la province romaine de Germanie supérieure et des régions voisines cités. (Dessin A. Céréza, d'après F. Braemer) Teos qui rattache la région à la vallée du Rhône et met en valeur Méditerranée au Rhin. Mais il est du grès pour les reliefs. Outre une l’homogénéité du commerce à l’in- nécessaire de préciser que la villa statuette en fin marbre de térieur du bassin rhodanien. proche de Mandeure, mise au jour l’Apennin, ce site a livré à aux Murgelots et Traverseaux à Grienmatt des placages ornés d’un Avant de faire le point et de tirer Mathay, a fourni du marbre que M. décor sculpté, probablement de la des conclusions à propos de la cir- Yves Jeannin a identifié à celui de fin du IIe siècle d’après les procé- culation de ces matériaux lourds, Chagey (Braemer 1986b: 313, VII, dés techniques employés, taillé encombrants et fragiles, il est indis- 43) — dont le gisement n’est dans un marbre fin de l’Apennin pensable d’évoquer d’autres éloigné que de 25 km — et il se parsemé de taches gris bleu, de moyens de transport. pourrait qu’un porphyre vert second choix. On a découvert aussi, Songeons d’abord aux voies ter- contenant de gros cristaux puisse à Augst, des plaques en porphyres restres qui ont fait communiquer venir des gisements du versant d’Egypte et de Laconie d’une deux bassins fluviaux et, par sud-ouest des Vosges — à la limite épaisseur de 0,012 m qui dépasse exemple, près de nous, à l’itinérai- de la cité des Lingons, qui celle des incrustations courantes, re joignant le port de Chalon- fit également partie un moment ainsi que du marbre de Chemtou sur-Saône à Autun — sur l’Arroux, de la province de Germanie (épais de 0,01 m) et, surtout, de affluent de la Loire —, chef-lieu de supérieure—, nettement plus Sigacik-Teos (de 0,025 m) — alors la civitas des Eduens. On sera néan- éloignés et assez difficiles d’accès. que nous avons vu que ce marbre moins surpris que l’on n’ait pas Mais il ne faut pas cesser de penser est, en général, assez rare au nord encore signalé la présence de blocs que la voie d’eau transportant les de Lyon en raison, peut-être, de sa plus ou moins façonnés de schiste pierres nobles importées s’est couleur assez sombre. noir de la vallée de l’Arroux, qui poursuivie par le Rhin à l’issue du N’oublions pas que les villes rhé- auraient pu parvenir par cette route court portage de la porte d’, nanes et mosellanes de Cologne, et les rivières du bassin de la Saône qui contourne le Jura, vers Augst Metz, Trêves ont été ornées de en Franche-Comté, où il aurait pu où, en plus du calcaire, a été utilisé porphyres de Laconie et d’Egypte, faire office de la couleur noire

56 16. Sur l’histoire des identifications de pierres dans cette vallée, cf. Braemer 1991a: 35; et sur l’utilisation des granites, cf. Braemer 1986b: 295, 300. représentée dans les pays rhénans célèbres voyageurs et n’a-t-il pas coloré, du Karystos, très répandu par le « noir » de Belgique. Les servi à faire franchir ce double obs- dans les Trois Gaules (Braemer Séquanes étaient-ils à ce point tacle à des minerais de fer en 1982b: 91). hypnotisés par les produits médi- provenance du versant méridional Mais on n’a pas rencontré la large terranéens apportés par leur réseau des Alpes et à du sel du nord-ouest palette des villes de la fluvial? du Jura vers la plaine du Pô Narbonnaise, même situées en (Dubois 1993: 30 et discussion dehors du littoral, ni celle des cités Avant de prendre parti, il convient 47)? Mais ces derniers étaient d’un rhénanes, bien que le pays des de songer à la configuration du ter- transport plus aisé, notamment à Séquanes fut traversé par le che- ritoire des Séquanes — limité à dos de mulet. Il ne pouvait cepen- min privilégié de la mer l’est par la chaîne du Jura — et à dant pas rendre les services d’une Méditerranée au Rhin. Le nombre son orographie, et de faire la place voie d’eau pour le transport de des variétés ne peut pas, non plus, qui lui revient à l’itinéraire inter- blocs lourds, encombrants (et être comparé à celui de Grand, provincial du col du Grand-Saint- devenant fragiles à partir du situé sur les confins occidentaux de Bernard (carte 3), qui le reliait moment où ils étaient sciés en la cité des Leuques, mais seule- directement au cœur de l’empire et plaques), en provenance de Grèce, ment à 80 km de la limite le desservait complètement en le d’Orient ou d’Egypte, venus par septentrionale de la cité des traversant du sud-est au nord- l’Adriatique et le Pô, qu’il était Séquanes. Il est vrai qu’on est en ouest. C’était la voie de Rome aux dans l’impossibilité d’acheminer présence d’un cas exceptionnel extrémités nord-ouest de l’empire, dans sa double traversée monta- que ne pouvaient pas laisser espé- dont la branche ouest se dirigeait, gneuse des Alpes d’abord, puis du rer les anciennes identifications. après la traversée des Alpes, direc- Jura ensuite. Seul le lac Léman Mes rectifications permettent de tement sur Yverdon, près du lac de aurait pu le suppléer sur quelques dresser une liste infiniment plus Neuchâtel propre à la navigation, kilomètres, dans l’attente d’un longue que celles des vici des Besançon sur le Doubs, Seveux sur vent favorable, mais les transborde- Trois Gaules, spécialement de la la Saône, Langres sur la Marne ments auraient été cause de retard Franche- Comté. Elle contient des naissante, et atteignait la mer à et n’auraient pas résolu les pro- spécimens en provenance d’une Boulogne, port d’embarquement blèmes posés par le franchissement extrémité à l’autre de l’empire, de pour la province de Bretagne. des chaînes de montagne. la province de Belgique à Cet axe était l’un des plus impor- Bien sûr, cette route et d’autres, l’Anatolie, qui a fourni, outre du tants de la partie européenne de comme l’axe sud-nord du piémont marbre coloré d'Iscehisar-Synnada, l’empire romain, avec ceux du col jurassien, ont-elles sûrement aidé du fortement coloré d’Asin Ciflick- de Tarvis vers le Danube et de la au transport de pierres à travers le Iasos, très rare dans l’Occident via Egnatia qui traversait la pénin- plat pays à partir du réseau fluvial mais utilisé peut-être à Grand à sule balkanique en direction de de la Saône et du Doubs. Des l’époque relativement tardive de sa l’Orient. Au moins depuis l’époque découvertes éparses le laisseraient célébrité (Hatt 1950: 427-436), de Tibère, il a acheminé, dans des supposer. comme à Piazza Armerina et dans conditions normales, les hommes, les grandes villes du monde orien- les idées et les modèles (Braemer En dehors de fines lamelles de por- tal. On souhaitait trouver dans les 1986d: 77-90). Même si les stèles phyres en provenance de la autres régions des Trois Gaules des funéraires du pays des Séquanes ne Méditerranée orientale — faciles à exemples du grand discernement sont pas aussi proches, dans leur transporter et qu’on rencontre des carreleurs dans leur choix des exécution, de leurs modèles ita- jusque dans la province de pierres, privilégiant les marbres de liens (Braemer 1986d: fig. 1 et 2) Bretagne —, repérées sur le terri- Chemtou pour la bimbeloterie, que celles du Rhin ou de Langres, toire des Séquanes, et de pierres abandonnant la brèche de la Pène on reconnaît cette influence sur des remployées éventuellement au Saint-Martin aux revêtements stèles figurées à buste du secteur cours du Bas-Empire — qui ont pu allant jusqu’à 0,035 m d’épaisseur de Dole (Espérandieu 1918: être ramassées loin de leur nouvel- et laissant en concurrence le n°5299 et 5305), dont on peut le destination pour y créer un décor Chemtou et son remplaçant pour dater les modèles respectivement de morceaux sans rapports entre les plaques de 0,015 m. du début du règne de Marc Aurèle eux —, on peut penser qu’on se et de la fin du IIe siècle, ainsi que trouve généralement en présence Certes, on a découvert, en sur des réductions de stèles funé- de matériaux en mêmes coloris et Franche-Comté, des marbres raires à Besançon17. de mêmes origines méditerra- d’Afrique, mais le Karystos de Tout au plus, cet axe aurait-il pu néennes — et éventuellement Grèce semble moins représenté servir à transporter des éléments pyrénéennes — que dans les sites que dans le reste des Trois Gaules d’incrustations de faible épaisseur, des Trois Gaules. On y retrouve la — même de l’ouest — et les varié- des pierres précieuses ou de prépondérance, en marbre blanc, tés de marbres de Grèce et surtout l’ambre. N’a-t-il pas continué de l’Apennin, imposé à la d’Asie sont peu nombreuses, en d’être utilisé au Moyen Age par de Narbonnaise au Ier siècle et, en tout cas plutôt moins que dans la

17. Espérandieu 1918: n° 5279 (pour le Ier siècle) et 5271 (pour le IIIe siècle). 57 province de Bretagne18. Il est vrai datés dont on a un pressant besoin Le même phénomène n’a pas épar- que le stuc, beaucoup utilisé dans quand on songe qu’à peu près gné les pays méditerranéens, les régions dépourvues de pierres chaque fois qu’un spécialiste se pourtant plus aptes à se procurer nobles ou simplement de bonne déplace à la suite d’une découverte des matériaux décoratifs. Son- qualité, comme le Sahel, en ou de l’appel d’un collègue, dési- geons, par exemple, à Antibes20 où Proconsulaire, a été employé au reux de tirer parti, avec lui, d’un des plaques de dimensions et d’ori- moins pour exécuter des décors document, il se trouve en présence gines diverses ont été, toutefois, compliqués à Arlay19 et à Man- d’un dépotoir ou d’œuvres répa- mieux appareillées, ou même dans deure, alors que de grands édifices rées, transformées ou même des pays marbriers comme la d’Augst s’enrichissaient, nous recomposées tardivement, souvent Proconsulaire, ou à Rome, près de l’avons vu, d’ornementations parti- au Bas-Empire. Ce fut mon cas à laquelle mon diagnostic a été aussi- culièrement fouillées en marbre de plusieurs reprises. Je peux citer les tôt confirmé par mon ami, Henri l’Apennin. dépotoirs des cryptoportiques Stern. On ne peut pas, d’ailleurs, L’état actuel de la documentation d’Arles où domine, aussi, le cipolin compter davantage sur des sculp- fragmentaire dont nous disposons de Karystos. Je peux parler égale- tures qui ont pu subir des sur le territoire des Séquanes n’au- ment de revêtements, par transformations ou des répara- torise pas à parler, dans le Jura, exemple, non loin de la Franche- tions21. Ces recompositions ne d’industrialisation et de romani- Comté, à Crépan, sur la commune peuvent donner qu’un faible aper- sation grâce à des exploitations de de Prusly-sur-Ource (Côte-d’Or), çu du goût de l’Antiquité tardive pierres ou de minerais, comme on a riches en pierre de couleurs qui, à partir de fragments de ren- pu le faire à propos des Pyrénées (Braemer 1982a: 58; 1982b: 87) contre, a surtout cherché des dès la fin du Ier siècle avant J.-C., originaires de gisements dispersés oppositions de couleurs vives des Alpes occidentales et centrales et probablement ramassées sur qu’elle a trouvées, par exemple, au Ier siècle, et en Transylvanie au divers sites antiques, et à Autun sur dans des griottes pyrénéennes très IIe siècle (Braemer 1975a: 79-87). des sols (Blanchard-Lemée et al. colorées ou dans des « noirs » pro- 1986) d’un traitement négligé fonds de Belgique. L’explication de ces données récla- contenant différents types de merait une meilleure connaissance marbres de l’Apennin, de Chem- Le plus modeste fragment peut de l’ambiance artistique du pays tou, de Grèce et des Gaules dont être infiniment utile s’il est accom- des Séquanes, qui reste peu facile à certains faciès ont surtout été utili- pagné, comme les céramiques, appréhender en raison du petit sés tardivement. Pour former des d’une fiche rassemblant des indica- nombre de témoignages dont la décors symétriques de pavements, tions précises sur ses trois dimen- provenance est assurée. Comme en on leur a opposé le coloris noir du sions, son lieu de découverte et sa matière de Préhistoire, les objets, schiste de l’Autunois utilisé pour stratigraphie. Nous pourrons, alors, même les plus spectaculaires, ne de petits objets utilitaires au IIe mettre en relation, non seulement sont guère porteurs d’un message siècle (Rebourg 1996: 102) puis des pierres dont la zone d’extrac- clair, si on ne sait pas d’une maniè- devenu, à l’époque sévèrienne, un tion aura été repérée, mais aussi re précise les circonstances de leur élément de parure, parfois historié leurs divers faciès, avec différentes découverte. On aimerait mieux (Braemer 1999). En tant que repré- utilisations sur chaque site et à des connaître celles des trouvailles sentant de la couleur noire, il est périodes bien délimitées, comme anciennes, et on en aurait souhaité demeuré un élément essentiel des j’ai pu le faire à la Turbie, dans des de nouvelles dont on aurait pu revêtements bicolores jusqu’à circonstances pourtant difficiles en apprécier l’emplacement précis et l’époque contemporaine, au même raison de l’état de conservation des la position stratigraphique, comme titre que le marbre noir de débris du monument. Ces recher- dans une fouille où les fouilleurs Belgique et le calcaire du type de ches permettent d’ajouter à la s’astreignent, avec raison, à récolter Miéry (Jura), selon les régions. répartition géographique des gise- le moindre indice sur les céra- Mais ces remplois antiques sont ments exploités au cours de miques. C’est à ce prix seulement composés d’éléments disparates, l’Antiquité et au commerce de que les identifications sont profi- de formes et d’épaisseurs diffé- leurs produits, l’histoire de ce der- tables. rentes, utilisés tels quels ou ayant nier et celle des techniques en subi des tailles successives attri- Franche-Comté comme ailleurs. Ces constatations précises permet- buables à plusieurs mains et à des traient d’utiliser des témoignages périodes variées.

18. Braemer 1982c: 75, qui joint, à propos des cas caractéristiques de Fishbourne et de Silchester, les identifications de B. Cunliffe, de L.C. Boon et les siennes. 19. Conservées au musée d’archéologie de Lons-le-Saunier (Bourgeois 1975: 175). 20. Voir l’état actuel dans Morena et Counord 1994: fig. p. 95. 21. Voir, pour un site non éloigné du pays des Séquanes, les observations sur les sculptures et les remarques de Braemer 1978c: 167-168, ainsi que les conclusions 58 pertinentes de Marcadé 1982: 42. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Résumé PRÉAMBULE actions de valorisation du Service Longtemps considérées comme subsi- régional de l’Inventaire général de diaires dans le cadre de l’archéologie, Les pierres décoratives, marbres et Franche-Comté, pour les périodes les recherches spécifiques concernant autres roches ornementales ont été récentes, a sans doute créé une les matériaux lithiques, et notamment rencontrées à maintes reprises dans nouvelle dynamique, un regain les roches nobles, marbres et pierres les fouilles archéologiques en d’intérêt pour les marbres dans marbrières, commencent à susciter un Franche-Comté. Néanmoins, ces cette région. Néanmoins, pour la regain d’intérêt. Des techniques témoins lithiques n’ont — jusqu'à période antique, nous ne possé- récentes d’analyse ouvrent la voie à de présent — fait l’objet d’études spé- nouvelles perspectives de recherches dons ni archives, ni trace matérielle pluridisciplinaires. Dans l’immédiat, cifiques que de façon très de gisements locaux. Ces gise- 2 les études — certes encore spora- sporadique ; dans bien des cas, la ments régionaux — au vu de la diques — permettent déjà d’entrevoir, présence de marbres n’est pas variété des éléments recueillis — dans le microcosme régional, une signalée dès lors qu’il s’agit de devaient être relativement nom- diversification des sources d’approvi- fragments, de plaques de revête- breux, mais en revanche d’impor- sionnement. Il ressort une inégalité ments et non d’éléments sculptés. tance modeste; de ce fait, ils n’ont flagrante, quant à la diffusion des Parfois, les éléments lithiques ont pas laissé de traces archéologiques roches nobles en corrélation avec les davantage retenu l’attention des situations géographiques particulières probantes. Pour concurrencer les et le statut des établissements chercheurs, en raison de l’abondan- marbres véritables d’importation, antiques. Cependant, de multiples ce et de la qualité des témoins les gisements de pierre marbrière exemples démontrent le pragmatisme recueillis; cependant, là encore, les destinés aux revêtements, voire des occupants des secteurs les moins archéologues n’ont été en mesure aux blocs d’architecture, devaient favorisés: des roches indigènes — que de classer que les variétés les plus être nécessairement proches des l’on ne qualifierait plus aujourd’hui de typées. Il s’agit notamment des sites d’utilisation, sauf si ces der- « marbrières » — ont été employées roches telles que le marbre cipolin, niers bénéficiaient d’une situation en tant que succédanés, pour pallier les porphyres rouges ou verts… favorable, par exemple, sur un axe un déficit fréquent en marbres colorés, 3 notamment dans les établissements Néanmoins, même pour ces varié- fluvial en aval des carrières . La privés ruraux. tés quasi-précieuses, des ambi- situation, qui prévalait jusqu’au guïtés persistent: ainsi le porphyre XIXe siècle (notamment avant l’ap- Abstract1 vert de Laconie, largement diffusé parition du chemin de fer pour les The specific research concerning lithic dans l’Antiquité, a-t-il été fré- sites envisagés), constitue un indi- raw material, and especially noble quemment, et improprement, cateur plausible pour appréhender stones, marble and hard limestones, appelé « serpentine ». la viabilité présumée des exploita- was considered as subsidiary in De ces approximations, auxquelles tions secondaires antiques (quasi- archeology until a new shift towards l’archéologue a dû souscrire (parce similitude des techniques d’extrac- this subject has appeared recently. qu’il ne peut vraiment appréhen- The latest analysis techniques allow tion et de transport). Cependant, future prospects for interdisciplinary der les domaines complexes de par ce biais, il n’est possible d’ac- research. The still sporadic surveys l’identification comme les véri- quérir que des présomptions: les have emphasized a diversification in tables spécialistes, géologues et données extraites des annuaires the raw material sources of supply. pétrographes), découlent aussi régionaux sont elles-mêmes trop The uneven distribution of noble l’emploi de terminologies peu imprécises; des enquêtes complé- stones is linked to the status of appropriées ou imprécises, dans la mentaires sur les communes ayant antique settlements and their geogra- perspective d’études compara- possédé des gisements répertoriés phical location. The less favoured sec- tives: rouge antique, vert de mer, tors pragmatically replaced marble by seraient indispensables. Ces re- what is considered as « marbly » brèche jaune, brocatelle violette, cherches ne pourraient aboutir stones used as substitute for coloured marbre gris veiné… marbles that where frequently missing * ITA CNRS affecté au Service régional de l’Archéologie de la DRAC de Franche-Comté. and especially at the private rural set- Dans ce contexte, la réactivation 7 rue Charles Nodier, 25043 Besançon cedex, tlements. de recherches impulsées par les France.

1. La traduction anglaise du résumé est de Nicole Perrenoud-Cupillard que nous remercions ici. 2. Citons l’étude récente, mais sommaire (à cause des délais impartis), de Danielle Decrouez et Pierre-Alain Proz, du Muséum d’Histoire Naturelle de Genève, pour les marbres du site de Besançon « Ecole Granvelle » et l’étude succincte des marbres du site de Villards-d’Héria dans le Jura (Lerat 1998: 70). 3. L’Edit du Maximum de Dioclétien en 301, qui instaurait un contrôle des prix par une tarification imposée, donne de précieuses indications sur le coût relatif des transports par voie maritime, fluviale et terrestre: on en déduit que le transport par voie terrestre pouvait être vingt-cinq fois plus onéreux que l’acheminement par voie maritime. Le coût de l’acheminement par voie fluviale était variable, de quatre à huit fois plus économique que le transport par chariot, selon que l’on remontait ou que l’on descendait le courant. 61 qu’en s’étayant sur un travail com- plus souvent à des microfaciès dif- Les marbres colorés, brèches ou plémentaire d’inventaire, prenant férents; les échantillons correspon- brocatelles sont eux aussi bien en compte les données géolo- dent rarement à des faciès de représentés; dans ces catégories, la giques, des résultats d’analyses pierres marbrières issues de car- variété des faciès rend les identifi- comparatives avec, le cas échéant, rières modernes bien recensées6. cations encore plus ardues (et le concours de pétrographes pour Les roches d’origine volcanique, aléatoires). A défaut de comparai- valider les observations. facilement identifiables, posent sons avec des échantillons de problème en revanche, en ce qui référence et d’analyses, on serait A ce jour, les recherches visant à concerne la détermination fiable de tenter d’attribuer prématurément à préciser l’origine des matériaux leur origine géographique; en Synnada (Turquie) les variétés à issus des sites antiques et présu- effet, certains gisements régionaux veines violettes. Cependant, cer- més extraits de gisements régio- du secteur situé entre Mélisey tains échantillons présentent naux n’en sont encore qu’au stade (Haute-Saône) et le ballon d’Alsace davantage de coloris, en dépit de la préliminaire: dans ces conditions, (Vosges) pourraient avoir, du moins faible surface des fragments: les ambitions de cet article se résu- en théorie, fourni des porphyres brèches à éléments blancs et viola- meront à un état des lieux, et non à assez proches des variétés vertes de cés associés à des zones vertes un inventaire. Actuellement, des Laconie, voire du porphyre rouge bordées de gris diffus avec des conclusions définitives seraient d’Egypte. veines calcitiques blanches en sans doute prématurées; il s’agira lacis. Il s’agit certainement de donc essentiellement de livrer Les marbres blancs (teinte pure) à matériaux importés, évoquant par quelques observations, force étant structure saccharoïde, utilisés aussi la variété des coloris et la structure de constater que les investigations bien en placage que pour l’archi- une brèche polygénique du type ont été limitées par le nombre res- tecture et la statuaire, sont, bien Teos; mais il serait pour l’instant treint de sites spécifiquement entendu, très répandus: ceux dont prématuré de les rattacher au sec- étudiés4. le grain est très fin proviennent teur de la Grèce d’Asie (Turquie) vraisemblablement des carrières de plutôt qu’à des gisements de MARBRES ET ROCHES l’Apennin (Luni, région de Gaule. ORNEMENTALES À BESANÇON Carrare), mais d’autres fragments, à gros cristaux brillants, étaient En revanche, certaines plaquettes Les fouilles ont livré des quantités très probablement issus d’autres en calcaire marbrier de couleur très variables de matériaux lithi- contrées (mer Egée, Cylades; pourraient appartenir à des gise- ques; en revanche, on note une Grèce ou Turquie actuelle?)7. ments régionaux qui restent à grande diversité5, qu’il s’agisse de préciser; citons des variétés à marbres véritables ou de matériaux L’origine des marbres grisâtres, dominante rouge, pigmentées par assimilés: roches métamorphiques, blancs à passées ou veines grises de l’hématite. Il s’agirait alors de pierres calcaires sédimentaires, est encore plus incertaine: de visu, succédanés de « rouge antique », roches volcaniques plutoniques, on pourrait proposer pour les varié- voire dans certains cas du porphy- intrusives ou effusives. En se réfé- tés gris-bleuté à grain fin la Savoie, re, lorsque des clastes de taille rant aux limites administratives en complément des importations millimétrique, plus pâles que la actuelles de la région, la proportion de la région de Carrare pour les matrice, évoquent, par leur aspect de matériaux d’importation est plaques de revêtement. Les varié- moucheté, le précieux matériau. conséquente; en effet, les gise- tés pyrénéennes semblent peu ments régionaux fournissaient représentées pour l’usage précité, Le porphyre véritable (censé pro- essentiellement des roches sédi- du moins dans l’échantillonnage venir d’Egypte, du Mons Porphy- mentaires, des calcaires, parfois fort restreint examiné. En rites, actuel Gebel Dokhan) est plus ou moins recristallisées, mais revanche, les autels votifs manu- certes représenté à Besançon en principe pas de véritables facturés — dont la facture typique (fig.1), mais de façon nettement marbres (en excluant les roches ne laisse guère planer de doute plus sporadique que la variété ignées de cette appellation). Les quant à leur origine — (cf. musée verte du type « vert de Laconie » matériaux assimilables à des caté- de Besançon) ont pu parvenir, sans dit de Sparte (lapis lacedæmonius). gories de pierres marbrières locales difficultés majeures de transport, Ces roches volcaniques intrusives sont certes bien attestés, mais ces dans la civitas, étant donné leur très dures étaient parmi les plus matériaux colorés appartiennent le miniaturisation. prisées (coloris et poli quasi-inalté-

4. Seuls les matériaux lithiques des sites de Besançon « Le Refuge », de la villa de Burgille (Doubs) et de Goux (Jura), ont pu faire l’objet d’un examen visuel approfondi. Les marbres d’autres sites bisontins n’ont été observés que succinctement; il en est de même pour les matériaux d’autres sites régionaux. 5. Aucun recensement précis n’a été effectué en raison de la dispersion des collections; on peut néanmoins estimer le nombre à plus d’une soixantaine d’espèces, toutes catégories confondues, au vu d’un échantillonnage effectué pour un seul site de Besançon: celui de l’école Granvelle. 6. Les critères de choix des gisements étaient différents: – proximité ou présence d’une voie navigable (transport souvent plus onéreux que l’extraction et le façonnage; – roche de substitution constituant un succédané acceptable d’une variété de marbre prisée dans l’Antiquité (cf. rouge antique, jaune antique, etc.). 7. Etant donné le nombre de faciès observés, les identifications présumées ne peuvent avoir qu’une valeur indicative; seuls des examens en laboratoire (spectro- scopie, thermoluminescence…) peuvent, par comparaison avec les valeurs relevées sur des échantillons de référence, fournir des déterminations relativement 62 fiables. l’examen visuel de bon nombre d’échantillons issus des sites bison- tins qui en ont encore livrés récemment. Son aspect très carac- téristique se retrouve — de visu — identique dans divers sites antiques, par exemple à Lyon, Rome et Pompéi ou en Tunisie… (cf. collection présentée au musée de Chemtou, Simitthus, site d’extra- ction du fameux marmor numi- dicum). Des pétrographes propo- sent pour ce matériau une origine moins lointaine, notamment Fig. 4 – Porphyre vert de Belfahy, Haute-Saône, à phéno- 8 cristaux clairs, matrice sombre vert-gris anthracite Belfahy , Haute-Saône, au sud-est Fig. 1 – Besançon (Doubs), Square Castan. (prélèvement moderne aimablement fourni par M. J.-M. Echantillons antiques de porphyre, dit d’Egypte; petites Chanson, professeur de sciences naturelles). des Vosges (fig. 4), et même le intrusions formant un mouchetis blanc-rosé sur un fond (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2002) d’andésite rouge sombre. (Cliché J.-C. Barçon) Massif central; de fait, il existe plu- sieurs variantes, des microfaciès, qui ne permettent pas pour autant d’inférer l’existence d’un nombre équivalent de gisements. En revanche, il existe bien à Besançon, mais attestée de façon plus spora- dique, une autre roche volcanique bien différenciée par rapport au type précité: globalement, sa colo- ration évoque le porphyre vert, mais, ici, la matrice de fond n’est pas de l’andésite. Il s’agit d’une variété verte de labradorite (fig. 5): la tonalité générale est plus pâle et plus grisâtre, la roche est consti- tuée de cristaux variables en Fig. 5 – Besançon (Doubs), Le Refuge, rue Lecourbe. Labradorite verte, cristaux irréguliers (feldspath, chlorite et couleur comme en taille (de vert à micas noirs…), succédané du porphyre vert (?) ou du « vert antique ». anthracite et de taille millimé- (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2002) trique pour la biotite noire à centimétrique pour les cristaux Fig. 2 – Besançon (Doubs), Square Castan. rable, comme on peut encore l’ob- Assemblage moderne d’éléments antiques; en haut, grou- server au square Castan; fig. 2), et verdâtres). L’aspect non et pement de roches ignées: porphyre rouge, porphyre vert dit de Sparte, labradorite…; au centre, brèches calcaires parmi les plus onéreuses (difficulté la dureté moindre de la matrice à amygdalines. (Cliché J.-C. Barçon) d’extraction et de transport). Ces cristaux grossiers, de texture hété- pierres nobles semblent n’avoir été roblastique, indiquent de visu qu’il utilisées, à Besançon, que sous s’agit de labradorite verte9. Bien forme de placages: marqueterie, que ce matériau se différencie net- lambris pariétaux, incrustations ou tement des andésites à peut-être pour façonner des pla- phénocristaux, il a très bien pu quettes minces de pavement du jouer un rôle comme succédané du type opus sectile. véritable porphyre vert (en raison de ses coloris proches et de son Le porphyre, une variété d’andési- aspect plus ou moins moucheté), te à phénocristaux, le plus répandu voire même servir de substitut du à Besançon semble être le porphy- « vert antique », une brèche de re vert, dit de Sparte (lapis Larissa en Thessalie, Grèce (Ayala lacedæmonius) ou de Laconie 1992: 43, fig. 5). Par ailleurs, une

Fig. 3 – Besançon (Doubs), Le Refuge, rue Lecourbe. (fig.3), censé provenir de la vallée plus grande facilité d’extraction et Porphyre vert antique, dit de Sparte, à grands phénocristaux de l’Eurotas, au sud de la Grèce. de débitage (dureté moindre que vert pistache sur fond vert sombre de méta-andésite. (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2002) C’est du moins ce qui ressort de l’andésite) et une localisation rela-

8. Le porphyre vert de Belfahy est une andésite verte à phénocristaux. Cependant, la comparaison directe d’un échantillon aimablement confié par M. Jean-Marie Chanson avec les fragments antiques de Besançon, montre néanmoins des différences de faciès indéniables: la roche plutonique vosgienne présente une matri- ce plus sombre, évoquant davantage la teinte anthracite que le vert sombre; les phénocristaux présentent des différences sensibles de morphologie, de répartition et de densité. 9. Voir les identifications proposées par Pierre Chauve et Patrick Rosenthal (1992: 107-108), pour les marbres du Square Castan. La labradorite verte est bien pré- sente dans le secteur sud des Vosges, aisément acheminable par le cours de l’Ognon ou celui du Rahin prolongé par le Doubs vers le secteur de Besançon. 63 tivement favorable des gisements10 eu — y compris dans le cadre d’un auraient peut-être constitué des édifice aussi prestigieux que le arguments suffisants pour justifier temple du forum — qu’un emploi l’exploitation de ce matériau, de plus restreint (chapiteaux, frises qualité inférieure à l’andésite por- constituées de plaques rapportées). phyrique. L’EMPLOI DU MARBRE HORS DU Parmi les matériaux lithiques CHEF-LIEU DE LA CIVITAS nobles rencontrés à plusieurs reprises à Besançon, en quantité Hors de Besançon, capitale de la relativement importante, il con- Cité des Séquanes, l’emploi des vient de citer le marbre cipolin (fig. marbres, et notamment des varié- Fig. 6 – Besançon (Doubs), Le Refuge, rue Lecourbe. 6 et 7): de visu, le faciès observé tés importées a été, quantitati- Marbre cipolin présentant une cassure schisteuse à reflets évoque le type cipolin de Karystos vement et qualitativement très de micas blancs (du type Karystos, Eubée, Grèce - ou des Alpes Apuanes?). (île d’Eubée, Grèce de mer Egée). variable, conditionné semble-t-il (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2002) En effet, il s’agit dans tous les cas par divers critères; à savoir: d’un marbre saccharoïde à bandes – l’importance relative et la noto- striées parallèles, droites ou ondu- riété des sites; lées, avec des nuances allant du – leur position géographique par blanc-gris verdâtre au vert sombre. rapport à une voie fluviale navi- Le cipolin du type marmor gable, un confluent; Carystium a été employé sous – la présence éventuelle de gise- forme de plaques minces, en décor ments proches et aisément pariétal (lambris, plinthes), notam- exploitables. ment dans la domus située sous le jardin de la Banque de France Le cas de Mandeure (Doubs), Fig. 7 – Besançon (Doubs), Le Refuge, rue Lecourbe. (Lerat 1987) — actuellement, agglomération importante, mais Fragment de la partie inférieure d’une vasque monopédi- Institut d’Archéologie, rue Chifflet aussi pôle religieux comme l’attes- culée; à gauche, lit de pose et amorce du trou aménagé pour le passage du conduit central. Pierre marbrière d’origi- — mais aussi dans les fouilles te la présence d’un complexe ne indéterminée, roche relativement tendre dont la texture à grain très fin évoque davantage l’albâtre que le marbre. récentes du «Refuge», rue cultuel (sanctuaire de Mars et (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2002) Lecourbe. Il est à noter que Bellone, théâtre, thermes), situé contrairement à la plupart des sur un axe routier et fluvial impor- plus restreint (Lerat 1998: 70). autres marbres colorés d’importa- tant est à cet égard significatif. On Cependant, si l’on considère les tion, dont l’usage n’est géné- y retrouve grosso modo la même difficultés d’accès inhérentes. à la ralement attesté que sous forme de diversité de marbres (quarante- situation topographique du site (cf. plaques minces, ce matériau (ou un sept sortes en incluant les pierres altitude, cours d’eau peu navi- schiste micacé similaire) a été marbrières) et des similitudes gable), cette relative diversité employé aussi sous forme de blocs quant à la nature des importations. confirme le rôle primordial de ce d’architecture, pour la réalisation sanctuaire au sein de la civitas. de fûts de colonnes (cf. temple du Le site de Villards-d’Héria (Jura), forum, rue Moncey). Des comparai- dont seul le sanctuaire inférieur a LES ÉTABLISSEMENTS RURAUX: sons précises des matériaux issus vraiment été fouillé, avait tout de UN ÉVENTAIL LIMITÉ DE de ces sites bisontins restent à même livré, en se référant au bilan MARBRES D’IMPORTATION effectuer: s’agit-il toujours du des premières fouilles, vingt-huit faciès du type marmor Carystium ou variétés (toutes catégories confon- En contexte rural, les établisse- de variétés assez semblables, dues). Les études conduites par R. ments privés, les villæ et même les comme le cipolin — dit antique — Le Pennec, P.-A. Proz et D. sanctuaires, semblent avoir été net- de Laillon, Suisse (Le Pennec Decrouez sur vingt-six échantillons tement moins dotés en pierres 1992) ou d’un marbre schisteux des indiquent que onze d’entre eux nobles d’importation: certes, des Alpes Apuanes en Italie? sont présumés provenir de la décors lithiques, lambris, revête- région de Carrare (variétés ments de bassins, placages et La relative abondance du cipolin blanches ou blancs veinés de gris). dallages ont été mis au jour, mais ou de roches assimilées, saccha- L’origine précise d’autres variétés, les matériaux employés sont géné- roïdes et à cassure schisteuse notamment de certains marbres ralement moins précieux. Dans micacée, et surtout l’utilisation colorés, n’avait pu être déter- bien des cas, le choix de matériaux pour des éléments de grande taille minée; la comparaison avec les se résume à des calcaires plus ou pourraient surprendre: même le échantillons de Besançon montre, moins polissables (lambris et dalla- marbre blanc, nonobstant son de visu, des similitudes, même si ge de la villa de Burgille, Doubs) usage en statuaire, semble n’avoir l’éventail des espèces attestées est ou à des pierres marbrières locales.

10. La situation en amont des gisements était susceptible de diviser par deux (ou par trois selon la rapidité du courant) le coût de l’acheminement par voie fluvia- 64 le; cf. Edit du Maximum de Dioclétien de 301. Les matériaux issus des fouilles de n’étant pas en mesure de proposer que l’usage relativement prolongé Goux (Jura), comportent des mou- autre chose qu’une terminologie de la mosaïque à décor géomé- lures de couronnement en marbre sommaire quant à la nature des trique, bien attesté à Besançon par blanc véritable (du type Carrare?); matériaux rencontrés. De plus, il le nombre de pavements recensés néanmoins, l’éventail des marbres faut ajouter le fait que, dans la (près d’une soixantaine actuelle- utilisés apparaît restreint, malgré la majorité des cas, les éléments ment), ne témoigne pas autant situation favorable de ce site recueillis se limitent à des frag- qu’on aurait pu encore le supposer, (proche d’une voie navigable, le ments de placage, dont la forme il y a quelques décennies, d’un Doubs). lacunaire n’autorise que peu de retard de la romanisation. En effet, conjectures quant à leur fonction les datations issues des investiga- L’établissement rural de Chassey- initiale. Cela a conduit bien sou- tions récentes montrent qu’aucun lès-Montbozon (Haute-Saône), au vent à n’accorder à ces éléments décalage chronologique significatif bord de l’Ognon, confirme qu’en qu’un intérêt très subsidiaire. n’a affecté l’évolution de ce type contexte rural, les importations se de décors; en revanche, l’emploi limitaient essentiellement au mar- Cependant, des disparités, à la fois assez parcimonieux de la couleur bre blanc; ici, exceptionnellement, quantitatives et qualitatives, ont au début des Antonins ne corres- ce matériau a été employé dans un été observées entre les centres pondrait-il pas à une utilisation pavement en opus sectile bordant un politiques et religieux publics et raisonnée et pragmatique des bassin ornemental octogonal sur- les établissements privés en matériaux disponibles localement monté d’une vasque, dans la salle contexte rural: il apparaît que dans (donc de coût modéré) pour d’apparat associée à l’entrée. En les premiers, les matériaux nobles confectionner des pavements? revanche, contrairement aux villæ ont été largement diffusés, y com- précitées, les moulures de couron- pris ceux dont l’importation était Bien sûr, les pavements d’époque nement issues de cet édifice ont onéreuse (en raison de l’éloigne- flavienne (69-96 ap. J.-C.), en noir été simplement réalisées en calcai- ment géographique des gise- et blanc, ne constituaient, somme re fin (pierre dite lithographique de ments). Toutefois, dans ces centres toute, que de pâles succédanés couleur beige) revêtu de peinture favorisés, on observe qu’en dépit d’opus sectile, même lorsqu’ils adop- rouge. d’une diversification accrue des taient un schéma semblable. approvisionnements, les quantités Cependant, le choix de la mosaï- Quelques pierres nobles, autres de pierres nobles d’importation, que offrait au moins l’avantage de que le marbre blanc, ont cependant exprimées en masses, étaient res- ne requérir qu’une quantité moin- été utilisées, en quantité restreinte, treintes, voire contingentées. dre de matériaux aisément dispo- dans le cadre des établissements L’emploi parcimonieux de ces nibles; cela peut expliquer que ces ruraux les plus luxueux. On trouve, matériaux se remarque par le fait canevas ont perduré, en cohabitant par exemple, du porphyre rouge que les placages constitués des avec de nouvelles formes plus débité en tesselles, dans le motif matériaux nobles — les plus oné- libres et davantage colorées d’opus de guillochis d’une mosaïque trou- reux — sont de faible épaisseur. Ils tesselatum, au moins jusqu’à la fin vée au XIXe siècle à Chassey- se rapportent en règle générale à du Principat (fin IIe siècle). lès-Montbozon. Dans ce cas parti- des décors pariétaux, du type L’apparition timide de la couleur, culier, l’origine présumée du plinthes ou lambris lithiques traités en premier lieu du rouge, couleur porphyre, sensé provenir du sec- en marqueterie, plutôt qu’à des prédominante, puis de l’ocre jaune teur de Mélisey11 (Haute-Saône) apparaît plausible, puisque la dis- sols. Il est toutefois plausible que peut renforcer cette impression: en tance entre le lieu d’extraction les éléments de quelques dallages effet, ces coloris à base d’hématite, proposé et le site d’utilisation n’ex- — l’opus sectile de certains pave- d’oxydes de fer, pouvaient, le cas cède pas une quarantaine de kilo- ments — aient été récupérés pour échéant, être extraits de gisements mètres; de plus, le site d’extraction d’autres usages, à partir de assez proches. Les mosaïstes bison- présumé se trouve en amont, sur le l’Antiquité tardive; mais dans cette tins, probablement issus des ate- même cours d’eau, l’Ognon. éventualité, on aurait dû observer liers rhodaniens, avaient su acqué- plus fréquemment, sur le mortier rir une maîtrise remarquable dans UN USAGE PRAGMATIQUE ET de pose, des empreintes en négatif. l’exécution des motifs géomé- PARCIMONIEUX DES ROCHES Cependant, il faut noter que ces triques. Cependant, le fait de NOBLES décors marmoréens étaient souvent devoir éviter — autant que pos- remplacés par d’autres types de sible — l’emploi de véritables Les marbres et pierres assimilées, pavements, opus tesselatum, opus marbres a sans doute constitué un issus des chantiers archéologiques signinum ou, quelquefois, par des handicap non négligeable pour de Franche-Comté, n’ont peut-être dallages sobres en matériaux régio- l’exécution de scènes figurées où pas retenu beaucoup l’attention naux (calcaires à grain fin, schistes). ce type de matériau était quasi- des chercheurs; l’archéologue seul On serait donc tenté de conclure indispensable (du moins avant l’ap-

11. Selon les indications de A. Gasser (cf. Stern 1963: 103), les tesselles étaient constituées de porphyre extrait des environs de Mélisey; M. J.-M. Chanson, pro- fesseur de sciences naturelles, a bien voulu me confirmer l’existence dans ce secteur d’une andésite rouge sans phénocristaux, donc tout à fait appropriée pour cet usage. 65 parition des pâtes de verre colo- de jaune; il se distingue par des rées). Ainsi, peut-on observer l’as- veines violettes, nimbées d’au- pect souvent gauche et terne de réoles roses. Ici, l’extrême finesse ces figurations où, manifestement, du grain (pratiquement impercep- la maîtrise est moindre que dans tible à l’œil nu) se traduit au les compositions géométriques, toucher par une douceur évoquant notamment par comparaison avec davantage l’albâtre que le marbre. des provinces mieux dotées en roches colorées. LES PIERRES MARBRIÈRES DANS LES ÉTABLISSEMENTS PRIVÉS

Le marbre blanc du type Carrare, RURAUX Fig. 8 – Fragment de plaquette en schiste bitumineux; il mais aussi d’autres variétés, de mer s’agit d’un élément de marqueterie, (opus sectile), proba- blement utilisé dans un lambris lithique de la cella au temple Egée ou de Savoie, ont été impor- En contexte rural, les marbres véri- du « Pont des arches » des Villards-d’Héria (Jura). Ce maté- riau d’origine régionale, voire locale, a été employé comme tés plus massivement, en raison de tables, donc importés, se résument succédané du marbre noir uni. leur emploi quasi-incontournable pratiquement au seuls marbres (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2002) en statuaire, et pour certains orne- blancs (cf. villæ : Burgille, Doubs; ments d’architecture (cf. main Goux, Jura…); ces derniers, mieux baguée d’une statue monumentale, diffusés ne semblent pas provenir balustre de vasque de la rue exclusivement de l’Apennin, bien Ronchaux; statuaire, frises sculp- que l’éventail des faciès soit plus tées et chapiteaux du forum…). restreint que dans le chef-lieu de Inversement, le cipolin du type Cité. De plus, l’emploi de ces Karystos s’est rencontré moins fré- marbres blancs, même dans les quemment (peut être est-ce en sites dotés d’une voie navigable, a raison d’une mode passagère ou été limité presque exclusivement à d’aléas ayant affecté son importa- des moulures de couronnement. tion après l’époque flavienne?); En revanche, diverses pierres mar- cependant, quelques sites bison- brières colorées ont été largement tins ont livré du cipolin en quantité employées, aussi bien en dallage relativement importante12. qu’en lambris. Ces matériaux évo- quent des microfaciès régionaux; Parmi les variétés colorées, l’andé- ces calcaires, généralement plus site à phénocristaux du type com- muns et d’aspect moins typé porphyre vert de Laconie est fré- que les roches marbrières juras- Fig. 9 – Besançon (Doubs), Le Refuge, rue Lecourbe. quemment rencontrée, mais, bien siennes exploitées à l’époque Eclat de plaque de schiste bitumineux; des traces de mortier rose permettent de présumer d’une utilisation possible de sûr, toujours en plaquettes de moderne, ont pourtant prédominé ce matériau dans un revêtement pariétal ou un pavement. faible épaisseur. Ce matériau, très largement dans les établisse- (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2002) comme le porphyre rouge, tout ments ruraux. Il s’agit donc proba- autant prisé mais moins répandu à blement de gisements de moindre Besançon, se retrouve de l’époque importance, dont l’exploitation se flavienne jusqu’à l’avènement des justifiait avant tout en raison d’une Sévères (193-235 ap. J.-C.) et au- situation géographique avantageu- delà en remploi. Les autres roches se, pour satisfaire des besoins spo- colorées sont presque exclusive- radiques. Des tentatives de locali- ment des éléments de placage, sation de ces carrières auraient débité en plaques plus épaisses, donc de grandes chances de rester surtout lorsqu’il s’agit de pierres vaines. marbrières brèchiques, plus fra- giles. Toutefois, une découverte LE CAS PARTICULIER DES récente, rue Lecourbe (Le Refuge, « MARBRES NOIRS » 1999) témoigne d’une autre possi- ET DES MATÉRIAUX LITHIQUES bilité d’utilisation de certains DE SUBSTITUTION marbres colorés: un fragment conséquent appartenait à la base Des variétés d’emploi plus com- d’une vasque de fontaine orne- mun, notamment certains gise- Fig. 10 – Besançon (Doubs), Le Refuge, rue Lecourbe. mentale monopédiculée. Cet ments signalés comme carrières de Fragment de plaque de porphyre; la matrice de fond (andé- site) de l’échantillon possède une coloration hybride insolite, élément est constitué d’un marbre « marbres noirs » (cf. les informa- brun-vert, presque violacée, les phénocristaux sont irrégu- très typé assimilable à une broca- tions diffusées par divers annuaires liers et jaunâtres; lieu d’extraction indéterminé (Vosges, Massif-central, secteur de Fréjus en Gaule; ou Grèce…). telle à fond blanc légèrement jaspé départementaux jusqu’au siècle (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2002)

12. Cf. les fouilles anciennes du forum, rue Moncey, du parc de la Banque de France (Lerat 1987), et, dans le même secteur, les fouilles récentes du « Refuge » rue Lecourbe, effectuées sous la responsabilité de Cl. Munier en 1999. Cependant, comme il n’a pas été possible d’effectuer des comparaisons directes entre 66 les matériaux issus de ces sites, on ne peut donc inférer que ces marbres, d’aspect schisteux, correspondent à une seule et même variété. dernier) ont pu éventuellement rouge, dans les pavements de type l’époque flavienne, en dépit d’une correspondre à des sites d’exploita- opus tesselatum, était susceptible progression manifeste de l’urbani- tion déjà connus dans l’Antiquité, d’être constitué des matériaux les sation romanisée dans la Cité (cf. la mais peut-être assez tardivement. plus divers: calcaire, schiste, dolo- proportion de mosaïques en noir et En effet, le noir intense employé mie, marbre, grès, andésite ou por- blanc et l’émergence discrète et dans les premiers pavements phyre, terre cuite, pâte de verre… progressive de la couleur en rap- d’opus tesselatum à l’époque flavien- La mention de porphyre du secteur port avec la chronologie; Stern ne diffère notablement de celui de de Mélisey (en fait, il doit s’agir 1963). la période des Antonins (96-192 ap. d’andésite rouge sans phénocris- J.-C.), dont les tesselles sont géné- taux), notée par A. Gasser pour une Ce n’est que sous les Antonins, ralement plus pâles. Y aurait-il eu mosaïque de Chassey-lès- notamment avec Hadrien (117-138 substitution progressive de maté- Montbozon (Stern 1963: 103), ap. J.-C.), que l’emploi des marbres riaux importés (par exemple, du semble pertinente pour de mul- colorés trouvera son plein essor: type pierre noire de Varenna, tiples raisons. On ne peut que dans ce contexte, l’accroissement région de Côme en Italie; ou de regretter d’une façon générale une des besoins a certainement favorisé Belgique comme à Bavay) par des quasi-absence d’identification pré- en Franche-Comté la recherche — matériaux locaux (il existe des cise des matériaux dans la plupart tardive — de gisements nouveaux: gisements de roches dites « mar- des études concernant les sites de on a ainsi pu, dans une certaine bres noirs » proches de Besançon: consommation. Il s’agit pourtant de mesure, s’affranchir localement de Arguel, Pouilley-les-Vignes...; données primordiales pour recons- l’importation onéreuse de maté- Joanne 1872: 29) ? De façon plus tituer point par point l’aire de dif- riaux issus du Proche-Orient. Ce prosaïque, cette variation pourrait fusion de chaque lieu d’extraction phénomène et l’emploi des maté- correspondre à un phénomène de envisagé. Dans cette perspective, riaux de substitution, ne semble substitution. Des schistes noirs (il apparaît la nécessité de constituer cependant pas avoir atteint l’am- peut s’agir de schistes bitumineux) progressivement une lithothèque pleur constatée en Aquitaine relativement rares, mais employés spécifique — comportant des (Braemer 1984: 259), du moins, en contexte urbain, pour les variétés parfois comme succédanés du échantillons de référence — gérée de pierres nobles les plus réputées. marbre noir, débités non seule- conjointement par des archéo- Par contre, cela semble nettement ment sous forme de tesselles, mais logues et des pétrographes; il s’agi- 13 plus marqué dans les établisse- aussi en plaquettes d’opus sectile rait de pallier la dispersion actuelle (fig. 8 et 9), auraient été remplacés ments ruraux, dans lesquels les des collections, qui fait obstacle à la progressivement par de la pierre matériaux lithiques colorés étaient, réalisation d’études comparatives. marbrière du Sinémurien du type pour l’essentiel, d’origine locale. Enfin, les travaux relatifs à la diffu- marbre noir de Miéry (Poupard sion par les voies maritimes et flu- 1997: 15). Des gisements abon- BILAN PROVISOIRE ET viales des pierres nobles devront dants de ce calcaire noir à gryphées PERSPECTIVES être affinés au niveau régional, existent dans la région. L’emploi dans la mesure où des corrélations de ce matériau dès l’Antiquité est Arrivée trop tardivement au cours ont déjà pu être observées entre la bien attesté, aussi bien comme de la « Paix romaine », la mode des situation des établissements et la marbre à Arlay dans le Jura, pour pavements et des lambris lithiques proportion de matériaux importés, constituer une plinthe bordant une n’a cependant pas permis la décou- tant en contexte urbain que rural. mosaïque luxueuse (Stern 1963: verte de toutes les variétés mar- 75-76), que comme simple pierre à brières connues aujourd’hui. Par bâtir (mœllons appareillés en opus Actuellement, se pose encore le ailleurs, il faut ajouter que les pos- vittatum), par exemple à Poligny problème du contexte stratigra- sibilités de choix, dans les établis- (Jura). phique des pierres décoratives; en sements privés, étaient gran- effet, il ne faut pas perdre de vue dement limitées par le critère éco- LA DIVERSITÉ DES MATÉRIAUX que la période d’utilisation, pour la nomique lié à la facilité d’achemi- EMPLOYÉS POUR LES COULEURS Séquanie (intégrée alors à la nement (Bedon 1984: 196). PRÉDOMINANTES : PROBLÈMES Germanie Supérieure), correspond Actuellement, il est d’ores et déjà D’IDENTIFICATION à un laps de temps fort réduit. En possible d’affirmer que des gise- effet, l’empreinte de la romanisa- ments régionaux de calcaires mar- La même problématique pourrait tion, dans l’architecture et son briers, de roches volcaniques, s’appliquer aux éléments rouges ou décor, n’a vraiment commencé que andésites et labradorites ont été ocres des pavements. Les indica- dans les dernières décennies de exploitées dans l’Antiquité. En tions des inventeurs, concernant la l’époque julio-claudienne; de fait, revanche, compte tenu de l’état nature des matériaux colorés ren- l’emploi des matériaux lithiques actuel des recherches, il est encore contrés, sont encore plus rares. Le colorés était encore peu répandu à prématuré de délimiter des aires

13. Le site des Villards-d’Héria a livré un fragment de plaquette en schiste bitumineux, dont l’épaisseur n’excède pas 8,5 mm ; on peut observer un angle de 20° résultant du débitage. Cet élément constituait (avec les nombreux fragments de marbre recueillis dans l’Héria, au pied du temple) une marqueterie lithique; il devait s’agir d’un opus sectile, employé vraisemblablement en lambris plutôt qu’en pavement. Cette découverte, résultant de l’examen d’éléments récemment rapportés par J.-L. Odouze au Service régional de l’Archéologie de Franche-Comté, ne figure donc pas dans la publication du site sous la direction de L. Lerat en 1998. 67 de diffusion, probablement res- étape avait pu être franchie, l’im- Tenter de mieux cerner les limites treintes, même pour les calcaires portation massive de matériaux de ces aires de diffusion, en rela- marbriers. Seuls les porphyres du nobles du Proche-Orient (via Ostie tion avec la chronologie, implique- type andésite, verts ou rouges, et le dépôt, la statio marmorum de ra certainement une recherche matériaux nobles prisés et onéreux, Rome) aurait, de toute évidence, d’identification plus systématisée, auraient vraiment mérité une aire compromis d’éventuels débouchés et bien sûr, simultanément, une accrue de commercialisation, au vers le bassin méditerranéen. prise en compte du contexte strati- moins vers les provinces limi- graphique (Bræmer 1984: 258). trophes. La présence sporadique De plus, il ne faut pas perdre de Pour l’avenir, la création d’une de faciès de coloration hybrides, vue que les exploitations impor- lithothèque régionale constituerait par exemple à tonalité générale tantes de roches nobles, notam- un outil de travail essentiel. Il ne violacée à Besançon (fig. 10) et à ment celles de porphyres, étaient devrait pas s’agir d’une simple col- Villards-d’Héria, donc bien diffé- rattachées au domaine impérial lection de marbres vouée à l’oubli renciés de la variété couramment (patrimonium Cæsaris), qui s’arro- dans une réserve, mais bien d’un importée de Grèce (porphyre vert geait un quasi-monopole; de sur- ensemble d’échantillons référen- de Laconie), pourrait constituer un croît, ces carrières impériales, diri- cés associés à un fichier évolutif. indicateur à ne pas négliger. En gées par un procurator bénéficiaient Pour atteindre ces objectifs, il fau- effet, une variété régionale de d’une main-d’œuvre économique- drait sans doute inclure, d’une part, « porphyre violet » a été signalée ment avantageuse. En effet, des des rubriques pétrographiques et (Joanne 1875: 40). Néanmoins, il esclaves et surtout de la main géologiques et, d’autre part, des serait alors peu vraisemblable de d’œuvre pénale — des repris de données archéologiques (avec une présumer que la période d’essor justice condamnés à l’opus metallici attention particulière pour le (qui n’a guère excédé sept décen- — étaient employés pour assurer contexte chronologique) pour nies, sous les Antonins) aurait été les tâches les plus pénibles: l’ex- chaque échantillon lithique sélec- suffisante pour passer de la décou- traction, la manutention et le trans- tionné. Souhaitons qu’un tel projet verte à la valorisation commerciale port (Bedon 1984: 147-157). Ces puisse se concrétiser au niveau de ces gisements. La faible diffu- conditions particulières, en vigueur régional; il s’agirait aussi par ce sion des granites vosgiens semble durant le Principat14, pourraient moyen de favoriser une dynamique corroborer cette hypothèse; on aussi expliquer, dans une certaine de recherche pluridisciplinaire et pourrait aussi supposer que la maî- mesure, l’émergence timide des de valoriser, à travers ces éléments, trise de l’extraction et du débitage exploitations privées. En effet, ces une facette trop longtemps délais- des roches volcaniques les plus dernières ne furent encouragées sée de notre patrimoine. dures n’était pas encore bien acqui- que trop tardivement (sous le se, vu qu’elles n’ont été prisées Dominat15) par Constantin en 320 qu’assez tardivement dans la civi- (cf. Codex Théodosianus X, 19, 1; tas. Par ailleurs, même si cette Bedon 1984: 176 et 206).

14. Le Principat (de princeps, le premier, le prince) désigne le premier régime impérial institué par Auguste et la période chronologique qui recouvre grosso modo les deux premiers siècles de l’Empire. 15. Le Dominat (de dominus: maître, seigneur) désigne une nouvelle forme du pouvoir impérial, évoluant vers l’absolutisme, à partir de Sévères (de 193 à la chute de l’empire romain en 476); l’empereur est appelé officiellement de son vivant « dominus et deus ». La réduction de la longue période (cinq siècles) de l’Empire à seulement deux phases chronologiques successives, Principat et Dominat, est, certes, peu satis- faisante dans l’absolu. Toutefois, cette simplification didactique est actuellement moins controversée que la terminologie traditionnelle, Haut-Empire et 68 Bas-Empire, remise en cause — à juste titre — par les historiens actuels. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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69 Fig. 1 – Marque au revers d’une moulure en marbre: MTTO pour AMITTO (refusé ou rejeté)? (Dessin M. Lame. « Cloux du château », prospections de surface).

Fig. 2 – Calcaire marbrier de Chagey (Haute-Saône). (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2002) 70 Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003

Les marbres antiques en Franche-Comté: l’exemple de Mandeure – Mathay (Doubs) Jean-Pierre MAZIMANN*

Résumé statuaire colossale: la tête et la main largement ce lot le cipolin que l’on Bien que petite ville provinciale, d’un Mars Ultor, la main de sa rencontre dans toutes les épais- Epomanduodurum fit revêtir, selon les parèdre Bellone ainsi que deux seurs. Seuls les marbres blancs ou usages romains, ses monuments autres fragments (épaule et coude) les porphyres apparaissent dans des publics de marbres d’origine lointaine. d’une statue non identifiée sont placages inférieurs à 10 mm. Elle n’en négligea pas pour autant traités en marbre blanc. Mais dans l’apport de roches d’imitation locales. la statuaire, le marbre est toujours Le Pavonazetto a été utilisé en très largement concurrencé par un dallage comme le cipolin qui, fait Abstract calcaire blanc crayeux du remarquable, est le seul marbre que Although it was a small provincial Kimméridgien, d’origine locale et l’on retrouve employé dans tous les town, Epomanduodurum had its public thermes de Mandeure: buildings covered with marble from a de taille facile, qui provient peut- – à Courcelles, en placage mural distant origin, in accordance to the être des carrières de Seloncourt ou Roman use. However it didn’t neglect d’Audincourt (Doubs). Son moin- dans la pièce B et en association local production of marble like stone. dre coût et son transport aisé avec des dallages de calcaire fin expliquent son utilisation systé- poli, de couleur crème, et de matique dans tous les autres schistes noirs en damiers; Lorsqu’on aborde l’étude du fragments de statues retrouvés. – dans les thermes centraux marbre antique à Mandeure, deux (« Muraille Bourg ») qui, si l’on en constatations s’imposent d’em- Le décor des demeures privées est, croit Parrot, « étaient revêtus à blée: sa diversité — pas moins faute de fouilles, encore très mal hauteur d’appui de marbre blanc, d’une quarantaine de marbres connu. Toutefois, la villa des bleu et vert (cipolin) avec un sou- répertoriés — mais aussi son abon- Murgelots et Traversots à Mathay a bassement de marbre blanc de dance toute relative. livré du marbre local de Chagey Paros dans les bains et une cor- (Haute-Saône), gris foncé à veines niche de marbre blanc » (Parrod Si ce matériau est particulièrement blanches (fig. 2) et, en réemploi, un 1835). bien représenté par de menus frag- élément de moulure portant au ments de placage ou de moulures verso la tête d’un gracieux putto Ce marbre serait-il dû à la générosi- (fig. 1), c’est toujours, ce qui ne sau- (fig. 3 et 4), qui témoigne d’un té de l’évergète local Flavius rait surprendre, à l’emplacement certain faste dans le décor. Catullus qui, sur deux plaques de 1 des monuments publics antiques marbre blanc retrouvées, témoigne de son legs de 75000 deniers « ad connus: le sanctuaire, les thermes Les sondages qui jouxtent les marmorandum balneum », c’est-à- centraux (« Muraille Bourg ») et les monuments publics ont par contre dire pour faire revêtir les murs de thermes de Courcelles par livré du marbre à profusion. Ainsi le ces thermes de marbres, vœu que exemple. Il est très rare par ailleurs. sondage G du gazoduc, réalisé en réalisa et compléta son héritier Mais, sans doute, a-t-il été systéma- 1984 à proximité du sanctuaire Caius Flavius Gallus. tiquement récupéré et utilisé pour antique, a fourni dans un horizon de Mais que certains proviennent de la fabrication de la chaux; le site de e démolition tardif (fin III siècle, Paros reste à prouver… l’Essarté à Mathay a d’ailleurs livré début IVe siècle) 1158 fragments de un four à chaux. De ce fait, excep- marbres de placage variés, ouvragés Certains marbres de substitution tion faite des thermes de ou non, qui laissent supposer que sont locaux, comme celui de Courcelles, il n’a pratiquement le temple devait en être abondam- Chagey par exemple. Ce pourrait jamais été retrouvé en place, même ment pourvu. C’est aussi ce que aussi être le cas des porphyres verts dans les ultimes fouilles du confirment les prospections à ou rouges dont seules des analyses Castellum. Ce sont donc surtout les vue du champ des « Ouchottes » définiraient la provenance: des cou- hasards des sondages ou des pros- (P.Augé) qui ont permis, en 1985, lées bréchiformes en sont connues à pections qui ont permis d’en d’en récolter 165 fragments d’une Belfahy et à Plancher-les-Mines en appréhender la diversité. douzaine de variétés et d’épaisseur Haute-Saône, ainsi qu’à Bourbach- allant de 7 à 48 mm pour les le-Haut dans le Haut-Rhin. Le marbre a fait l’objet d’une marbres et de 3 à 9 mm pour les utilisation parcimonieuse dans la porphyres verts ou rouges. Domine

* Archéologue bénévole. 1. CIL XIII 5416 a et b, et CIL XIII 5417 (trouvées au XVIIIe siècle dans la fouille des thermes centraux). 16 rue de Ferrette, 90000 Belfort, France. 71 Mais dans leur grande majorité, les marbres de Mandeure proviennent du reste de l’Empire romain (Italie, Grèce, Turquie, Tunisie, Egypte).

Leur arrivée et leur distribution sur le site ne sauraient surprendre, Mandeure étant en effet un point de rupture de charge sur le Doubs. Elle pouvait donc profiter de sa situation de carrefour fluvial et rou- tier sur l’axe Rhône-Rhin pour importer des matériaux nobles afin d’embellir sa parure monumentale, et ce probablement dès le milieu du Ier siècle ap. J.-C.

Malgré le faste de ses monuments publics, elle ne fut cependant jamais une ville de marbre, comme le confirme par ailleurs le décor domestique qui, tant au niveau peinture que mosaïque, reste tou- jours d’un luxe provincial relatif basé, faute de moyens peut-être, sur l’imitation du modèle romain.

C’est ce que fait pleinement ressor- tir le sens de la dédicace de Catullus, avec sa fierté et son insis- tance à nous faire savoir le montant de sa contribution à l’embellisse- ment des thermes locaux.

Fig. 3 et 4 – Revers et profils d’une moulure de marbre blanc ornés d’une tête de putto et de végétation. (Dessin A. Polato. Villa des Murgelots et Traversots, fouilles SCPPM C. Thirakadzé 1964-66).

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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73 74 Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003 À propos de quelques matériaux mis en œuvre dans l’église de Saint-Lothain (Jura) Bernard PONTEFRACT*

HISTORIQUE DE L’ÉGLISE Résumé Abstract Une courte étude des matériaux utili- A short study of the matérials used for Moine venu d’Autun, saint sés pour la construction et l’ornemen- the construction and the decoration of tation de l’église de Saint-Lothain Lothain se serait retiré dans le Jura the church of Saint-Lothain seems e semble symbolique en raison de la et y serait mort au début du VI symbolic due to the notoriety that notoriété que connut, à la fin du siècle, dans un lieu appelé Silèze, knew, at the end of Middle Ages and Moyen Age et au début de la où il fonda une communauté de Renaissance, l’albâtre exploité dans in the beginning of Renaissance, ala- solitaires qui prit son nom. Un ce village, notoriété abondamment baster exploited in this village, abun- sarcophage dans la crypte, portant évoquée dans le présent ouvrage par dantly reminded in the present work une inscription tardive, est le seul diverses communications. by diverse communications. élément pouvant attester cette tradition, relatée par la Vie de saint Lothain rédigée vers 900.

Devenue paroissiale, l’église de l’ancien prieuré, sans être celle d’origine, comporte encore de nombreux éléments romans du XIe siècle. Extérieurement, c’est l’abside qui est la partie de l’édifice la mieux préservée (fig. 1). Elle se compose, en étage de soubas- sement, d’une crypte, qui a conservé ses petites fenêtres à double ébrasement, surmontée du chœur présentant des baies fortement agrandies à l’époque moderne. Ses murs ont gardé leur décor de lésènes — petites arcatures murales réunies par de minces bandeaux verticaux —, système décoratif que l’on rencontre au XIe siècle de l’Italie du Nord à la moyenne vallée du Rhin et sur le pourtour méditer- ranéen. Les deux petites chapelles encadrant l’abside de la crypte n’existent pas à la partie supérieure où les bas-côtés se terminent par des murs droits, résultat vrai- semblable des remaniements du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle, qui firent disparaître les absidioles. Le clocher hors œuvre en façade fut construit en 1716. C’est à cette époque que le vaisseau central fut couvert d’une voûte d’arêtes en remplacement de la charpente

* Conservateur en chef du Patrimoine, Service régional de l’Inventaire général de Franche- Comté. 7 rue Charles Nodier, 25043 Besançon cedex, France. Fig. 1 – Abside de l’église de Saint-Lothain (Jura). (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 2000) 75 d’origine. Les bas-côtés ont, quant à eux, toujours été voûtés d’arêtes. L’intérieur de la nef fut alors lui- aussi fortement modifié, d’abord par la surélévation des murs gout- tereaux consécutive à la nouvelle voûte puis, au début du XIXe siècle, par un décor de stuc néo- classique qui, heureusement, n’a pas affecté la structure romane. Les grandes arcades retombent sur des piles de plan carré à angles abattus, recevant des voûtes d’arêtes sans doubleaux. Précédant immédiatement le chœur, aux piles plus fortes, aux arcades plus amples, et dont les bas-côtés possèdent pilastres et doubleaux, Fig. 2 – Sol de la première partie de la nef. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 2000) la quatrième travée pourrait avoir été un transept. Là se trouvent les escaliers menant à la crypte. Cette dernière est divisée en trois courts vaisseaux, couverts de voûtes d’arêtes supportées par de puissantes piles composées, d’une exceptionnelle ampleur pour une crypte, qui servent de soubas- sement aux grandes arcades de l’église haute. Ces piles peuvent être comparées à celles de la crypte de la cathédrale d’Auxerre, construite entre 1023 et 1035. La faible hauteur disponible conduisit à fortement surbaisser les voûtes.

LES PIERRES DU SOL DE L’ÉGLISE

Tout autant qu’il offre un reflet de Fig. 3 – Nautile et huîtres du type gryphée arquée. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 2000) l’histoire de l’édifice, le sol de l’église atteste l’utilisation qui pou- vait être faite des pierres locales, résistantes à l’usure. Sous le clo- cher et dans la première partie de la nef, il est constitué de dalles en roche calcaire noire (fig.2), d’âge sinémurien, dite «pierre de Miéry» car vraisemblablement extraite de la commune de ce nom, touchant celle de Saint-Lothain au sud-ouest. Cette roche présente, entre autres fossiles, de nom- breuses huîtres du type gryphée arquée, deux belles ammonites et un nautile (fig. 3). A la suite, cette même pierre de Miéry est mise en œuvre, dans le vaisseau central, sous forme de dalles funéraires sur lesquelles les noms des défunts ont été systématiquement bûchés mais qui, parfois, ont gardé leurs dates. 76 Fig. 4 – Bénitier sous le clocher. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 2000) L’une d’elles, de 1696, comporte de nombreuses huîtres et des entroques. D’autres dalles funé- raires sont en calcaire bajocien. A l’est, le sol de la nef est composé de dalles plus petites et plus récentes (XVIIIe siècle?), en calcaire du bajocien inférieur. Le dallage du chœur est récent.

QUELQUES PIÈCES DE MOBILIER EN PIERRE

Encastré à droite sous le clocher, un bénitier du XVe siècle est lui aussi en calcaire bajocien; il provient vraisemblablement du plateau lédonien, où la pierre de Crançot sert de référence pour cet étage géologique, même s’il en Fig. 5 – Console dans la sacristie gauche. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 2000) existe quelques affleurements dans le Vignoble. Face à lui, un second bénitier du XVIIIe siècle est sculpté dans la pierre noire de Miéry (fig. 4). L’élément choisi ne comporte que très peu de coquilles, afin d’assurer à l’œuvre une bonne étanchéité. Autre exemple de l’utilisation de ce calcaire à gryphées arquées: une console du XVIe siècle dans la sacristie de gauche (fig. 5). Relativement claire — sa couleur va du marron au gris foncé —, la pierre contient des bryozoaires et quelques entroques. Le culot de départ d’une ogive de cette sacristie, figurant une tête Fig. 6 – Sarcophage de saint Lothain. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 2000) humaine, présente le même aspect. sarcophages dits « nivernais » (en semblent apparaître dans le dernier LE SARCOPHAGE DE SAINT fait, également — et peut-être plus quart du VIe siècle et être utilisés LOTHAIN généralement — produits dans le pendant une bonne partie du siècle Bourbonnais), caractérisés par suivant. Le sarcophage de saint Dans la crypte, le sarcophage de l’emploi fréquent du grès2. Ces Lothain pourrait ainsi être la saint Lothain (fig. 6) porte une œuvres ont un couvercle à bandeau réutilisation d’un sarcophage plus inscription qui pourrait être sommital et à pans latéraux ancien, si l’on admet que l’écriture contemporaine des années 900. Il obliques, un traitement de la de l’épitaphe ne date que du IXe s’est révélé être en grès, matériau surface des parois de la cuve et du siècle. Cette réutilisation pourrait, étranger à la région de Saint- couvercle à l’aide d’étroites bandes par ailleurs, avoir eu lieu lors d’une Lothain. Un deuxième sarcophage, de stries taillées légèrement à la translation des reliques du saint. de même époque, est également broche, d’obliquité alternée d’une S’il s’agit bien d’un sarcophage de en grès, tandis que deux autres, bande à l’autre. Le bandeau type « nivernais », il serait le seul plus récents, sont en calcaire sommital montre parfois — et c’est repéré dans l’Est de la France, leur bajocien à entroques. le cas à Saint-Lothain — une diffusion actuellement connue D’après Gilbert-Robert Delahaye1, amorce de traverse de croix. s’étant faite vers l’ouest, princi- celui de saint Lothain pourrait palement par la vallée de la Loire, appartenir au groupe des Les sarcophages de ce type jusqu’à Nantes.

1. Delahaye (G.-R.).- Un sarcophage nivernais conservé dans les cryptes de Saint-Germain d’Auxerre. Bulletin de la Société des Fouilles archéologiques de l’Yonne, n°1, 1984: 43-47. Delahaye (G.-R.).- Les sarcophages mérovingiens de pierre découverts à Paris. In: Catalogues d’art et d’histoire du Musée Carnavalet, II, Collections mérovingiennes. Paris, Musée Carnavalet, 1985: 689-699. 2. Nous remercions M. Gilbert-Robert Delahaye pour les informations qu’il a bien voulu nous apporter. 77 78 Fig. 7 – Statue de La Trinité. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) Fig. 8 – Haut-relief présentant la chasse de saint Hubert. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 2000)

LE MOBILIER DE LA CRYPTE sence à Saint-Lothain n’a certaine- grande taille au premier plan, la ment rien de fortuit et l’observation petite taille des autres acteurs — D’après la tradition, la pierre de de son matériau blanc poli, avec chevaux et compagnon de saint l’autel de la crypte serait une quelques veinures correspondant à Hubert — pouvant être interprétée ancienne pierre de sacrifice des fractures, ne laisse aucun comme la volonté de l’artiste de antique, christianisée et utilisée par doute: il est taillé dans de l’albâtre suggérer la perspective. Ce relief saint Lothain lui-même. Elle est en et il est tout à fait raisonnable de passe pour être taillé dans l’albâtre pierre noire de Miéry, avec penser que cet albâtre a été extrait de Saint-Lothain. Or, nos observa- entroques, huîtres, etc. dans les carrières qui ont fait la tions nous ont laissé perplexe: si Toujours dans la crypte, la tradition renommée de Saint-Lothain. l’œuvre est sculptée dans une signale une source d’où s’échappait matière très blanche et fine, elle a de l’huile. L’édicule qui la surmon- Il en est de même pour d’autres sta- subi de nombreuses réfections, par- te est tellement badigeonné et tues, comme la Vierge de Pitié, de fois en plâtre, et la polychromie qui réparé en de multiples parties qu’il belle facture quoiqu’un peu lourde, la recouvre semble étonnante sur n’a pas été possible de s’assurer s’il le fragment de statue connu sous le un matériau pouvant recevoir un est bien en albâtre de Saint- nom de sainte Foy, dont il ne sub- beau poli. Lothain, ainsi qu’il est générale- siste que le buste, ce qui ne permet ment admis. Son soubassement, par plus de juger de sa qualité malgré la Cette contribution aux actes des contre, est en calcaire bajocien à finesse de son visage encadré d’une Journées d’étude sur les marbres en entroques. longue chevelure, ou encore la Franche-Comté ne se veut donc en console sculptée de l’ange porte- aucune manière définitive. Elle n’a LES STATUES écusson qui la supporte. Toutes ces pas la prétention d’être exemplaire, œuvres datent du XVIe siècle. n’est pas complète et se limite à un L’église conserve plusieurs statues choix d’œuvres purement subjectif. des XVe et XVIe siècles. Parmi elles, Par contre, le haut-relief représen- Elle pose — ou repose — toutefois se distingue le très beau groupe tant la chasse de saint Hubert reste la problématique du questionne- sculpté de la Trinité (fig. 7), du plus problématique (fig. 8). Cette ment des œuvres au point de vue début du XVIe siècle, que certains œuvre porte la date 1525 et le nom de leur matériau, problématique n’hésitent pas à comparer aux de son donateur, Humbert Gonrat. souvent fructueuse et amenant à œuvres de Michel-Ange, en raison Elle représente le moment où saint des interrogations qui ne sont pas de l’impression de puissance qui Hubert est confronté à un cerf por- toujours prises en compte autant s’en dégage. Si aucun texte pou- tant un crucifix dans ses bois. qu’il serait nécessaire. vant nous aider à préciser sa Profondément fouillé, ce haut- provenance n’a été trouvé, sa pré- relief met en valeur le saint par sa 79 Fig. 1 – Gisant de Jean de Bourgogne. Jean Pépin de Huy, 1315. (Cliché Ch. Choffet)

Fig. 2 – Gisant de Jean de Bourgogne. Vue soulignant les mutilations. Fig. 3 – 1315, extrait du compte de l’hôtel de Mahaut d’Artois, A 334 fol. 26 v°, Arras, Archives 80 (Cliché J.-P. Tupin, Ville de Besançon) départementales du Pas-de-Calais. (Cliché AD du Pas-de-Calais) Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003

À propos du Gisant de Jean de Bourgogne : archives et matériau Marie-Hélène LAVALLÉE*

sion pour les historiens et les histo- placée à une époque et dans des Résumé riens de l’art, notamment pour circonstances encore inconnues, et Une exposition-dossier consacrée à Françoise Baron, conservateur malgré les mutilations qu’elle a une nouvelle acquisition, le Gisant de 2 Jean de Bourgogne par Jean Pépin de général honoraire du patrimoine, subies (fig. 2), une figure gisante. Huy, a permis, grâce à une relecture de rappeler l’historique de cette Mais il proposait d’y voir l’effigie des archives existantes, d’identifier acquisition, les circonstances de sa de Claude, fils de Jean IV de e l’enfant représenté, le nom du découverte, de préciser nos Chalon, exécutée au début du XVI sculpteur, les circonstances de sa connaissances sur l’art du sculpteur siècle pour l’église des cordeliers découverte. d’origine mosane qui la réalisa, de Lons-le-Saunier (Jura). Jean Pépin de Huy, sur la person- Abstract nalité de celle qui la commanda, HISTOIRE D’UNEDÉCOUVERTE An exhibition about a new purchase, Mahaut d’Artois, enfin sur la sculp- the Gisant de Jean de Bourgogne by ture parisienne au début du XIVe L’enfant fut identifié seulement en Pépin de Huy, allowed us, thanks to a siècle: le Gisant de Jean de 1985 par Françoise Baron, qui new reading of the existing archives, to Bourgogne en est un des plus rendit à Jean Pépin de Huy une identifie the repre-sented child, beaux exemples. œuvre alors inédite et à Mahaut determine the name of the sculptor d’Artois un fils inconnu des and the circumstances of its discovery. Longtemps négligée, puis identi- généalogistes (Baron 1985: 161- fiée de façon inexacte et mal datée 163). Jusqu’alors, on ignorait En 1997, le musée des Beaux-Arts jusqu’en 1985, l’œuvre a pâti presque tout de Jean, un des cinq et d’Archéologie de Besançon célé- d’avoir quitté son emplacement enfants de Mahaut (vers 1270- brait une de ses plus belles originel et de représenter un enfant 1329), comtesse d’Artois et pair de acquisitions faite quelques années ignoré des historiens et des France, épouse d’Othon IV (vers plus tôt, le Gisant de Jean de généalogistes, connu par la seule 1240-1303), comte de Bourgogne, Bourgogne1 (fig. 1), en lui consa- mention de son tombeau. En effet, car il n’apparaissait jamais de son crant une exposition L’enfant oublié. elle n’a été découverte qu’en 1972 vivant dans la comptabilité ou les Le Gisant de Jean de Bourgogne et le dans la chapelle de actes officiels. Il fut longtemps mécénat de Mahaut d’Artois en (Jura), où elle se trouvait depuis le confondu avec son frère aîné Franche-Comté au XIVe siècle (Baron XIXe siècle, par l’abbé Pierre Robert I, mort vraisemblablement 1997-98: 58-61, n° 6). Quelques Lacroix, ancien conservateur des avant 1291 et enterré dans l’église mois après, cette même sculpture Antiquités et Objets d’Art du Jura des jacobins de Poligny (Baron figurait à l’exposition parisienne (collectif 1972). Ce dernier 1997-98: 48-49, n° 1). Jean mourut L’Art au temps des Rois Maudits reconnut sous la forme d’une certainement en bas âge, à une (Collectif 1998: 97-98, n° 47). Ces statue de saint Philibert, patron de date inconnue, antérieure sans deux manifestations ont été l’occa- l’église dans laquelle elle fut doute à l’accession de sa mère au comté d’Artois en 1302. Il n’est cité qu’en 1315 dans deux documents conservés aux Archives départe- mentales du Pas-de-Calais, d’un très grand intérêt pour l’histoire et l’histoire de l’art. Les comptes de l’hôtel de Mahaut d’Artois rendu à la Toussaint 13153 (fig. 3) et la quittance de Jean de Huy passée devant la prévôté de Paris4 (fig. 4) nous donnent en effet le nom d’un des fils de Mahaut d’Artois, les noms du sculpteur et des autres artistes qui réalisèrent la tombe, le Fig. 4 – 1315, 29 octobre, quittance de Jean de Huy devant la prévôté de Paris. Arras, Archives départementales du Pas-de-Calais, A 339 38. (Cliché AD du Pas-de-Calais) lieu et la date de sa création, ainsi que le nom du commanditaire. 1. Classé MH en 1973. Acquis en 1994. H. 0,15; l. 0,61; pr. 0,205. * Conservateur en chef du patrimoine, directeur 2. L’oreiller sous la tête du gisant a été supprimé par détourage; pieds, mains et avant-bras enlevés. des musées de Besançon. 3. Arras, Archives départementales du Pas-de-Calais, A 334, fol. 26 v°, 32 v°. 1 place de la Révolution, 25000 Besançon, 4. Arras, Archives départementales du Pas-de-Calais, A 339 38. France. 81 Fig. 5 – Gisant de Jean de Bourgogne. Détail du visage. (Cliché AD du Pas-de-Calais)

1315 — Extraits du compte de estoient deuz audit Jehan de Huy pour d’Alençon (Musée national du l’hôtel de Mahaut d’Artois rendu à une petite tombe pour feu Jehan jadis Moyen Age — Thermes de Cluny) la Toussaint 1315. Paiements fiulz de ladite madame la contesse qui effectués pour les tombes d’Othon gist a Poligni. provenant de Poissy (Collectif de Bourgogne et de Jean de 1998: 97-98, n°47). Il ne semble pas Bourgogne. avoir quitté Paris, ville en pleine Item, ledit jour [6 juillet], a maistre « UNE PETITE TOMBE DE Jehan de Huy, tombier, en payement de MARBRE POUR JEHAN…» effervescence où les chantiers XXXII £ parisis qui li estoient deus étaient nombreux (Collectif 1998: pour la façon d’une petite tombe de 34-40). Son nom disparaît des marbre pour Jehan, jadis fil madame, Les archives nous révèlent donc que Diex absoille, qui gist a Pouligny, que la tombe de Jean, exécutée archives en 1329 avec la dernière XXIII I bien après son inhumation, fut com- commande que Mahaut lui passe Item, ledit jour, a Jehan de Roen, de Paris, pour poindre ladite tombe, mandée à Jean Pépin de Huy, alors pour une « ymage de Nostre Dame XX s. qu’il venait d’achever le tombeau d’allebastre » (Baron 1997-98: 66- Item, ledit jour [29 octobre] a Jehan de de son père, Othon IV, pour l’abba- 67, n° 9) destinée à l’ancienne Namur, alant de Paris a Pouligny pour asseoir la tombe de Jehan, fil tiale cistercienne de Cherlieu chartreuse de Mont-Sainte-Marie à madame, XVI s. (Haute-Saône) (Baron 1997-98: 54- Gosnay (Pas-de-Calais), aujour- Item pour une huche en quoi la tombe 57, n° 4 et 5). Ce sculpteur (fig. 6) d’hui au musée des Beaux-Arts fu mise, pour coton, corde pour la lier et toile, XIII s. d’origine mosane, établi à Paris où il d’Arras. Pourquoi Mahaut d’Artois avait acquis le droit de bourgeoisie, commanda-t-elle si tardivement un 1315, 29 octobre, Paris — Quittance devant la prévôté de est connu de 1311 à 1329. Dans gisant de marbre pour son enfant Paris de Jean de Huy pour la tombe l’état actuel des connaissances, il mort très jeune sans doute dans « la de Jean d’Artois, fils de Mahaut semble n’avoir travaillé que pour Comté »? Elle aurait pu comman- d’Artois. A touz ceus qui ces lettres verront, Mahaut d’Artois. Nous ne savons der une dalle gravée, comme celle Jehan Ploiebauch, garde de la prevoste pas où il a été formé mais en 1311 qu’elle fit réaliser peu avant 1306 de Paris, salut. Sachent tuit que par — date de la première commande pour son premier fils Robert. Cette devant nous vint en jugement Jehan de Huy, tombier, bourgeois de Paris et que lui passe Mahaut — il était œuvre, détruite à la Révolution recongnut en droit lui avoir eu et receu manifestement un artiste accompli mais connue grâce au dessin réalisé de noble, haute et puissant dame et de grand talent. Il connaissait par Roger de Gaignières5 (fig. 7) et à madame la contesse de Artois par les 6 mains de mestre Estiene, son bien le milieu artistique parisien du un croquis de Chifflet , a été exécu- rece[ve]ur vint quatre livres parisis et début du siècle si l’on regarde la tée par un artiste comtois dans un par les mains Arnoul des Nois receveur qualité du rendu du gisant de Jean marbre noir provenant sans doute de ladite madame la contesse d’Artois en Bourgongne huit livres parisis; (fig. 5) et l’on note ses points de res- d’une carrière de la région. lesqueles trente deus livres Parisis semblance avec la statue de Pierre Françoise Baron apporte une répon-

5. Albums de la collection Gaignières, cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale, inv. Est., Rés. Pe 4 fol. 45. 82 6. Chifflet, Bibliothèque municipale de Besançon, ms coll. Chifflet, n° 11. Fig. 6 – Sceau de Jean Pépin de Huy: un maillet accompa- Fig. 7 – Dalle funéraire gravée de Robert I. Dessin. Paris, Fig. 8 – Pleurant. Jean Pépin de Huy, 1311-1315. Paris, musée gné de tenailles dans une étoile. Arras, Archives Bibliothèque nationale de France, cabinet des Estampes. du Louvre, département des Sculptures. départementales du Pas-de-Calais, A 285 68. (Cliché Bibliothèque nationale de France) (Cliché J.-P. Tupin, Ville de Besançon) (Cliché AD du Pas-de-Calais) se à cette question en étudiant la fils. La date de 1315, qui corres- trepier de marbre noir, donné aux personnalité de Mahaut grâce à la pond à la fin des travaux dames de Gonay9. Ces trois com- lecture des archives, exceptionnel- commandés à Jean Pépin de Huy mandes faites par Mahaut à Jean lement bien conservées, com- pour Cherlieu et à sa livraison du Pépin de Huy, conservées encore posées de la comptabilité et de l’in- gisant de Jean pour le couvent des aujourd’hui, ont en réalité toutes ventaire de ses biens dressé après le jacobins de Poligny, permet d’ima- été exécutées à Paris puis trans- pillage de 1315. Elle complète ainsi giner que le sculpteur utilisa le portées respectivement à Cherlieu, l’analyse que Jules-Marie Richard même matériau pour le gisant Poligny et Gosnay. Un test effectué avait faite; celui-ci avait, dès 1887, d’Othon et pour celui de Jean. à l’acide chlorhydrique sur le gisant révélé l’ampleur des entreprises par Patrick Rosenthal, du Dépar- artistiques de Mahaut et l’intérêt EN MARBRE OU EN ALBÂTRE? tement de Géosciences de l’Uni- personnel qu’elle y avait porté. versité de Franche-Comté, et celui Si l’on en croit le marché passé par d’Annie Blanc, du Laboratoire de Devenue veuve en 1303 et âgée Mahaut devant la prévôté de Paris Recherche des Monuments Histo- seulement d’une trentaine d’an- pour le tombeau d’Othon IV7 en riques de Champs-sur-Marne, nées, elle se trouvait à la tête d’un 1312 et la quittance de Jean de Huy effectué sur le gisant et le pleurant, vaste domaine comprenant le et Jean de Berquesen pour les seul témoin connu du tombeau comté d’Artois, celui de Bourgogne pleurants et arcatures signée la d’Othon (fig. 8) (musée du Lou- ainsi que des possessions à Paris; même année8, le tombeau était vre), prouvent que nous sommes en elle savait tenir son rang et afficher constitué de l’image d’Othon présence de marbre, analyse sa puissance. C’était une femme au représenté en chevalier armé confirmée par l’observation de goût affirmé, pieuse et généreuse, portant écu et épée, à ses pieds un restaurateurs qui ont relevé des qui sut faire appel aux meilleurs lion en « alebatre blanc », des traces d’outils utilisés pour le travail artistes pour embellir ses rési- « arches » et des « ymages », c’est- du marbre, matériau plus dur que dences, pour construire et décorer à-dire le cortège de pleurants placé l’albâtre. Quant à l’utilisation des ses fondations et pour honorer la sous des arcatures ou soubas- mots « marbre » ou « allebastre», ils mémoire des défunts. Ainsi, elle fit sement « d’albastre». L’extrait du étaient employés l’un et l’autre ériger sept tombeaux pour diffé- compte de l’hôtel de Mahaut de indifféremment, comme l’a fort rents membres de sa famille 1315 cite une « petite tombe de justement rappelé Eliane Vergnolle, d’Artois ou de Bourgogne, notam- marbre pour Jehan». Par contre, professeur à l’Université de ment le tombeau d’Othon IV l’extrait du compte de l’hôtel de Franche-Comté. inhumé à sa demande à Cherlieu 1329 mentionne : une ymage de auprès de ses parents et celui de ses Nostre Dame d’allebastre, 1 dossier et 1

7. Arras, Archives départementales du Pas-de-Calais, A 302 7. 8. Arras, Archives départementales du Pas-de-Calais, A 313 69. 9. Arras, Archives départementales du Pas-de-Calais, A 494 fol. 13 r°. 83 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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84 Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003 Marbres et albâtres dans l’église de Brou (Bourg-en-Bresse) Marie-Françoise POIRET*

Les matériaux précieux sont large- marbre noir provenant de Liège et Les nombreux textes d’archives ment présents dans l’église de d’autres lieux (fig. 1). On trouve concernant la construction de Brou Brou, fondation princière du début aussi en abondance l’albâtre allié apportent de multiples précisions du XVIe siècle, et parmi ceux-ci les au marbre noir dans la chapelle par- sur quantité de sujets et permet- marbres de différents types et de ticulière de Marguerite d’Autriche, tent de rendre vie aux acteurs de ce différentes provenances: les trois dans les décors posés le long des projet. La question des matériaux tombeaux ducaux sont faits d’al- murs et dans le grand retable des utilisés dans l’église, notamment bâtre de Saint-Lothain (Jura), de Sept Joies de la Vierge (fig. 13). des marbres et de l’albâtre, en four- marbre blanc de Carrare et de nit un bon exemple: provenances, choix des qualités, modes d’extrac- tion et de transports, coûts, Résumé Abstract intervenants; tous ces points appa- Le monastère de Brou fut édifié au The monastery of Brou was built in début du XVIe siècle par Marguerite the beginning of the 16th century by raissent à travers des documents d’Autriche (1480-1530), fille de Margaret of Austria (1480-1530), divers tels que lettres, factures ou Maximilien Ier de Habsbourg et peti- daughteroftheemperor Maximilian1st marchés. te-fille de Charles le Téméraire. En and grand-daughter of Charles the 1504, elle reste veuve du duc de Bold. In 1504, she was left widow of On fera ici une large utilisation de Savoie, Philibert le Beau. C’est pour Philibert the Handsome, Duke of ces textes, du moins ceux qui ont abriter trois somptueux tombeaux — Savoy. To house three somptuous été publiés par les historiens ceux de Philibert, de sa mère et le tombs — those of Philibert and his depuis le XIXe siècle. La première sien propre — que la princesse fit édi- mother, and her own —, the princess source d’information utilisée, fier le monastère de Brou. Nommée ordered the construction of the en 1506 régente des Pays-Bas pour le actuellement toujours la plus com- monastery of Brou. Appointed compte de son neveu Charles Quint, plète, est l’ouvrage de Max elle suit désormais depuis Malines ce Regent of the Netherlands in 1506 to Bruchet, qui fut archiviste du grand chantier mené en vingt-cinq her nephew, the future Charles V, she Nord: Marguerite d’Autriche, duchesse ans (1506-1532) où travaillent artistes then supervised from Malines this de Savoie, publié à Lille en 1927 et maîtres d’œuvres français puis fla- great building Project completed in (Bruchet 1927). Cet ouvrage com- mands. twenty-five years (1506-1532), where porte notamment deux annexes Les matériaux précieux sont large- worked artistes and craftsmen from abondantes: d’une part, un France and Flanders. ment présents dans l’église de Brou, « Répertoire des documents et parmi ceux-ci les marbres de diffé- Precious building materials are nume- archéologiques relatifs à Brou » qui rents types et de différentes prove- rous in the Brou Church, among recense 203 pièces d’archives, nances: les trois tombeaux sont faits which marbles of different types and d’albâtre de Saint-Lothain, de marbre different origines. The three tombs résumées ou citées en extraits, blanc de Carrare et de marbre noir are made of alabaster from Saint- ainsi que les références des provenant de Liège et d’autres lieux. Lothain, of white marble from Carrara ouvrages où beaucoup d’entre elles La chapelle particulière de Margue- and of black marble from Liege and ont été publiées in extenso; d’autre rite d’Autriche est aussi ornée en other places. The private chapel of part, un recueil de cent pièces jus- abondance d’albâtre allié au marbre Margaret of Austria is also richely tificatives (ou preuves) publiées noir, dans les décors posés le long des ornated with alabaster and black dans leur entier, concernant l’en- murs et dans le grand retable des Sept marble, in the décorations set along semble de la vie de Marguerite Joies de la Vierge. the walls and in the great alterpiece d’Autriche, parmi lesquelles plu- Les abondants textes d’archives dedicated to the Seven Joys of Mary. concernant la construction de Brou sieurs textes importants pour l’his- The copious archives about the apportent de multiples précisions sur toire de Brou, dont une douzaine ces matériaux: provenances, choix construction of Brou give many directement liés à notre sujet. La des qualités, modes d’extraction et de détails on these materials: origines, présente communication s’appuie transports, coûts, intervenants, tous choice of the qualities, mode of quar- sur les documents publiés par M. ces points apparaissent dans divers rying and carrying, costs, operators, all Bruchet, complétés par une tren- documents — lettres, factures ou that appears in different documents taine de références relevées chez — letters, invoices, contracts. Theses marchés. On a fait ici une large utili- différents historiens1. sation de ces textes, du moins de ceux texts has been here largely used, at * Conservateur du musée de Brou, administrateur qui ont été publiés par les historiens least those published by the histo- de l’église de Brou (Bourg-en-Bresse). Musée depuis le XIXe siècle. rians since the 19th century. de Brou, 63 boulevard de Brou, 01000 Bourg-en- Bresse, France. 1. Textes d’archives publiés par: Bancel 1885; Baux 1844, 1862; Chagny 1913; Cochin et Bruchet 1914; Dufay 1867; Finot 1888; Jarrin 1887; Lemaire de Belges 1882-1891; Quinsonas 1860. 85 MARGUERITE D’AUTRICHE, FONDATRICE DE BROU

Avant d’aborder la question des marbres, rappelons le contexte his- torique de l’édification de Brou. La construction de ce monastère a été commanditée par l’archiduchesse Marguerite d’Autriche. Née à Bruxelles en 1480, fille de l’empe- reur Maximilien Ier de Habsbourg et de Marie de Bourgogne, elle- même fille unique du duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, Marguerite d’Autriche épouse en troisièmes noces à vingt-et-un ans le jeune duc de Savoie, Philibert le Beau, qui règne sur un vaste duché englobant la Bresse. En 1504, trois ans plus tard, il meurt à vingt- Fig. 1 – Le chœur de l’église de Brou. (Cliché C. Rose, CNMHS/SPADEM) quatre ans. Dès lors, Marguerite de qu’elle aussi sera enterrée à des édifices de Brou »: fonction d’Autriche s’emploie à réaliser un Brou. Dès lors, comme l’écrit Max multiforme de coordination et de vœu fait par sa belle-mère: recons- Bruchet, pour abriter la gloire d’une recherche de tous les moyens truire le petit prieuré de Brou près régente des Pays-Bas, pour magnifier nécessaires à la réalisation, « sollici- de Bourg-en-Bresse (Ain). La pre- les Maisons de Bourgogne et ter » signifiant « activer ». Il peut mière pierre du nouvel édifice est d’Autriche, il fallait une œuvre gran- s’agir tout aussi bien de trouver des posée en août 1506. Peu après, diose (Bruchet 1927: 153). auteurs de projets que leurs exécu- Marguerite d’Autriche est nommée tants, d’obtenir des devis ou de régente des Pays-Bas, pour le L’ALBÂTRE négocier des marchés. Cela concer- compte de son neveu, le futur DE SAINT-LOTHAIN (Jura) ne également les matériaux: Charles Quint. Elle quitte le duché chercher les lieux d’approvisionne- de Savoie et installe sa cour à Les principaux acteurs ment, examiner la qualité et le Malines. Elle ne quittera plus les prix, organiser l’extraction de la Pays-Bas jusqu’à sa mort, et c’est A partir de 1509, la régente entre- pierre ou l’abattage du bois et les désormais à distance qu’elle suit prend de nombreuses démarches transports. Nous allons retrouver très attentivement pendant vingt- pour obtenir des projets dessinés, longuement ce personnage à pro- cinq ans la progression du chantier d’abord pour les trois tombeaux pos de la carrière d’albâtre de de Brou. Cet éloignement tout puis pour l’église, mais aussi pour Saint-Lothain. comme le rang de la fondatrice faire approvisionner le futur chan- expliquent l’abondance des pièces tier en matériaux, et notamment en La seconde figure dominante de écrites qui nous sont parvenues, les albâtre. A ce stade, deux person- cette époque à Brou est l’artiste papiers de sa chancellerie ayant été nages jouent un rôle important. lyonnais Jean Perréal, dit Jean de soigneusement archivés. Paris, né vers 1460. Unanimement Le premier est le poète Jean admiré de ses contemporains, c’est La construction a commencé par Lemaire, chroniqueur et familier un esprit curieux, informé des nou- l’édification des bâtiments monas- de la princesse. Né à Bavai vers veautés italiennes et ouvert à tiques, de 1506 à 1512, date à 1473, neveu de l’historiographe toutes les activités de l’esprit. laquelle les moines peuvent être Molinet, il entre en 1504 au service Célèbre pour son talent de portrai- logés dans le nouveau couvent, de la duchesse de Savoie, tout en tiste, il est valet de chambre et même si celui-ci n’est pas encore fréquentant les milieux littéraires des rois de France Charles totalement terminé. Cependant, le et artistiques de Lyon. Puis VIII et Louis XII, qu’il a accompa- cœur du projet concernait l’église Lemaire suit la princesse aux Pays- gné plusieurs fois en Italie. Vivant et les tombeaux qui devaient y Bas quand elle en devient régente. à Lyon, il est très écouté et souvent prendre place. Au départ, un pre- Disciple des grands rhétoriqueurs, sollicité par les syndics de la ville mier projet assez modeste concer- mais aussi précurseur des huma- pour des travaux divers. Person- ne deux sépultures pour le duc de nistes et des poètes de la nage polyvalent, il se révèle Savoie et sa mère, Marguerite de Renaissance, ses écrits ont contri- architecte-urbaniste et ingénieur, Bourbon, au prix de 150 livres cha- bué à établir la renommée littéraire décorateur et ordonnateur de fêtes, cune, ce qui est bien peu comparé de Marguerite d’Autriche, dont il dessinateur de projets de sépul- au résultat final et à son coût. Mais est un temps l’historien. Le poète tures et d’orfèvrerie; lettré, il a des quelques années plus tard, en réapparaît en Bresse à partir de talents de poète et il compte 86 1509, Marguerite d’Autriche déci- 1509 avec le titre de « solliciteur nombre d’amis dans les cercles Fig. 2 – Tombeau de Marguerite de Bourbon. (Cliché H. Nègre) Fig. 3 – Tombeau de Philibert le Beau, étage inférieur, sta- tuette de Sybille. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) humanistes. Il est aussi attaché à la Le choix de l’albâtre de Saint- d’une qualité digne du projet de cour de Savoie qui le pensionne à Lothain Marguerite, l’infatigable Lemaire a partir de 1504. Un de ses titres de immédiatement entrepris des re- gloire est, à l’époque, la conception La question des tombeaux se trou- cherches en divers lieux du duché du tombeau des ducs de Bretagne à ve au cœur des préoccupations de et du comté de Bourgogne, comme Nantes, commandé par la duchesse Marguerite d’Autriche: il l’écrit en 1510 à la régente3 : Anne, reine de France, et dont la et soit nostre intention augmenter ledict Il s’en treuve à Clugny qui ne vault sculpture a été exécutée par ediffice et fondation de tout nostre riens, car ce n’est que croye [craie]. Il Michel Colombe, le plus célèbre povoir et y faire eslever deux ou trois s’en treuve à Salins qui vault encoires sculpteur de son temps. Lemaire sepultures si riches et sumptueuses moins, car il est meslé de sable et de qui connaît Perréal de longue date comme a telz prince et princesses troux et de vaines. Et qui plus est, s’adresse à lui, le met au courant appartient Madame, [...] on m’en a apporté de des intentions de la régente des écrit-elle en juin 15102. Pour vostre pays de bresse. Et de fait c’est Pays-Bas et lui demande des pro- répondre à son attente, Perréal lui a albastre, mais il est grisastre, basenne jets — des « pourtraits » — pour les fourni des dessins. Mais dans quels [noirci], plain de neux, et n’en treuve trois tombeaux. En 1510, nobles matériaux seront-ils réa- on sy non de petitz lopins [fragments]. Marguerite donne son accord sur lisés? Plusieurs possibilités s’of- Il a aussi examiné les possibilités les projets que Perréal a dessinés frent alors. Choisira-t-on le métal: de gisement à la source saline de et, quelque temps plus tard, elle lui le bronze comme au tombeau que (Jura), peu éloignée de demande un projet pour l’église Maximilien Ier fait alors réaliser à Saint-Lothain4 : elle-même. Innsbruck, ou le cuivre comme au on vous a escript que j’ay trouvé et jugé tombeau de Marie de Bourgogne qu’il y eust marbre ny albastre en Un troisième personnage, de que l’on venait de terminer à vostre saulnerie de Tourmond [...] Bien moindre importance, est le sculp- Bruges? Ou bien la pierre, c’est-à- ay je dit qu’il y avoit quelque apparen- teur franc-comtois Thibaut Landry, dire le marbre et l’albâtre, blanc et ce de gyp, qui sont les indices de marbre, de Salins, avec lequel Marguerite noir, comme aux tombeaux des mais que il faudroit chaver [caver, d’Autriche a directement passé un ducs de Bourgogne à Dijon ou à creuser] beaucoup plus parfond, contrat pour qu’il exécute les celui des ducs de Bretagne à avant que on peut attaindre le dit « pourtraits » de Perréal. Il se trou- Nantes? Marguerite d’Autriche marbre [...] Or eussent bien volu ceulx ve bientôt en butte à l’hostilité du penche pour la deuxième solution, qui ont la charge de vostre dicte Lyonnais, qui le juge incapable de une alliance de marbres blanc et Saulnerie, que je me fusse abusé et réaliser correctement ses projets, et noir. Dès 1510 arrivent des ordres arresté a cercher de l’albastre dedans à celle de Lemaire, qui n’admet pour approvisionner Brou en l’un icelle affin que l’on se fust mocqué de pas le désir du sculpteur de sur- et l’autre. moy comme on fait deulx [d’eux], mais veiller l’extraction de l’albâtre à Dieu mercy et vous, Madame, je n’es- Saint-Lothain. Pour trouver du marbre blanc toie pas si depourveu de sens.

2. 30 juin 1510 — Mandement de Marguerite d’Autriche à Louis de Vauldrey, bailli d’Aval, et à Simon de Chantrans, gouverneur et capitaine de Montmorot, concer- nant l’albâtre des sépultures de Brou (Arch. Nord, B 19182, n° 44515, minute de la main de Lemaire). Publié par Bruchet 1927: 365. 3. 1510, 20 et 25 novembre, Bourg — Lemaire à Marguerite d’Autriche (Paris, BN, nouv. acq. franç. 1412, autographe). Publié par Bancel 1885: 185 et sq.; voir aussi Lemaire de Belges 1882-1891: 396 et sq. 4. Tourmont est situé dans le canton de Poligny (Jura). 87 Fig. 4 – Tombeau de Philibert le Beau. (Cliché H. Nègre) Fig. 6 – Tombeau de Philibert le Beau, détail du gisant supérieur. (Cliché H. Nègre)

Fig. 5 – Tombeau de Philibert le Beau, étage supérieur. (Cliché H. Nègre) Fig. 7 – Tombeau de Philibert le Beau, tête du transi inférieur. (Cliché H. Nègre)

Aussi, après toutes ces comparai- vostre grand ayeul que Dieu absoille. née: sons, en vient-il à opter pour la Pourquoy eust-il répudyé l’albastre et est en bruit [en renommée] la dite carrière de Saint-Lothain, qui a fait d’Angleterre, où il ala expressement perrière passé deux cents ans; mais elle ses preuves et dont il s’est porté pour en amener, et celui de Grenoble en a esté en désert par les guerres, [...] sei- acquéreur pour le compte de la Daulphiné et d’ailleurs, pour s’arrester gneur Lemaire a l’honneur de l’avoir princesse: à celui de vostre perrière de Saint- remise et restituée en bruit, et icelle me suis arresté au plus seur et au plus Lothain, se ce n’eust esté pour ce qu’il retrouvée à la plus grande gloire de expérimenté et ay acquis, à vous, trouva par experience qu’il excédoit tous Madame.7 Madame, la dite perrière perpetuelle- les aultres en valeur d’autant que l’ar- On peut noter que les relations ment, qui est pas petit tresor, et jay fait gent excede et vault mieulx que l’estain entre lui et Perréal n’étaient pas planter vos armes, dont les moisnes de ou le plomb? Et pourquoy en envoya le limpides: ce dernier, dans la pre- Baulme murmurent à tort, car tous tré- roy Louis XIe faire si grand fourniture mière lettre qu’il adresse à Margue- sors et minières cachez en terre par le dict maistre Anthoinet, comme rite en novembre 1509, prétend lui appartiennent au prince souverain. témoigne le capitaine Chantran et les aussi avoir découvert cette carrière: anciennes gens du pays, lesquelz jay j’ay faict selon la charge que me donna Cette carrière de marbre blanc qu’on [j’ai] examinez, sy non qu’il n’en povoit le dict Jehan Le Maire, c’est assavoir de dit albastre a des titres de gloire, car recouvrer ailleurs de pareil? treuver albastre que jay treuvée la plus elle a été utilisée jadis pour le tom- De même, Perréal dans une lettre blanche du monde, et à bon conte, beau du duc de Bourgogne, Jean adressée à Barangier, secrétaire de grandes piesses et à grant quantité.8 Sans Peur, ancêtre de la princesse la régente, confirme que l’albâtre En fait, c’est certainement à — détail qui ne peut laisser celle-ci de Saint-Lothain a été utilisé par le Lemaire que revient cette (re) indifférente — et pour d’autres grand sculpteur Michel Colombe6 : découverte, grâce aux recherches chantiers importants: je vous respons que lesdictes piesses ont qu’il a pu mener dans les archives Maistre Anthoinet de Paris [Antoine esté menées par Loire jusqu’à Tours à de Dijon et de l’abbaye de Baume- le Moiturier], très singulier tailleur maistre Michel Colombe, lequel en [a] les-Messieurs (Jura), comme ses d’ymaiges ja pièca [depuis long- fait sépultures pour un évesque. capacités d’historiens le lui permet- temps] trespassé, fut celui qui tailla la taient: et si treuve on par les anciens derrenière sépulture de Dijon, c’est Lemaire est fier d’avoir redécouvert tiltres de labaye de Baulme, dit-il.9 assavoir celle du bon duc Philippes5 cette carrière qui avait été abandon-

5. Lemaire fait erreur: il ne s’agit pas du tombeau de Philippe le Bon, mais de celui de Jean sans Peur. 6. 4 janvier 1511, samedi, Lyon — Jean Perréal à Barangier (en 1865, coll. Fillon provenant de la coll. Feuillet de Conches). Publié par Bancel 1885: 192-201. 7. Voir note 3. 8. 15 novembre 1509, Lyon — Jean Perréal, dit Jean de Paris, à Marguerite (Arch. Ain, H 614, original). Publié par Dufay 1867: 128. 88 9. Voir note 3. Fig. 8 – Tombeau de Marguerite d’Autriche. Fig. 9 – Tombeau de Marguerite d’Autriche, le gisant et le transi. (Cliché H. Nègre) (Cliché H. Nègre)

La mission de Jean Lemaire riere au lieu dict de Sainct Lotain lez me fere avoir la commission d’estre Poligny en nostre conté de Bourgoigne pres des ouvriers qu’ilz tireront la Les recherches de Lemaire ont été au baillage d’Aval, pour lequel faire pierre audict Saint Lougtain, a celle fin rondement menées, en quelques extraire et conduyre en quantité conve- que l’on coppe [coupe] lesdictes pierres mois; en effet dès juin 1510, diffé- nable nous soit necessaire deputer et des mesures selon qui les fauldra pour rents ordres émanant de la cour de commectre ung personnaige a ce souffi- parfaire ledict ouvraige; car qui les Malines précisent qu’il est chargé sant et ydoine et a nous feable, savoir coppera sans mesure, cela viendra a d’extraire l’albâtre de Saint- faisons que nous, confians a plain des tres grante dommaige de madicte dame Lothain: sens, loiaulté et bonne diligence de écrit-il en août 1510 à Barangier, Nous avons despesché ung mandement nostre chier et bien amé serviteur et secrétaire de la princesse12. patent ouquel [par lequel] avec nostre indiciaire Jehan Lemaire, avons icelui bailly d’Aval vous avons nommé et commis et commectons nostre commis- Techniques d’extraction - Saint- commis pour aider et assister Jehan saire et serviteur especial en ceste partie Lothain, Tourmont (Jura) Lemaire nostre Serviteur et Indiciaire pour fere fere, solliciter et pourchasser présent porteur, à recouvrer de par l’attrait [l’extraction] et fourniture de Pour remplir sa mission, il est indis- nous certaine quantité d’albastre de la la pierre d’albastre necessaire pour pensable que le poète mette carriere de Saint-Lotain, pour faire ladicte euvre, commettre les ouvriers directement la main à l’ouvrage, faire les sepultures, telles que entendons sur ce propices, fere lever ledict estant sur vostre perrière d’albastre en ou couvent de Saint Nycolas de albastre, icelluy tailler et traire de continuel labeur et dangier. Tolentin en Bresse.10 ladicte carriere de Saint Lotain par telz quartiers et quantitez que lui et le Dans la longue lettre qu’il écrit à La mission de l’indiciaire est soi- maistre tailleur d’ymaiges en bailleront Marguerite en novembre 151013, gneusement détaillée dans un les eschantillons et mesures, et d’illec les Lemaire donne des détails tech- autre mandement, adressé le faire charrier jusques audict couvent de niques sur l’extraction de l’albâtre même jour à Louis de Vauldrey, S. Nycolas de Tolentin lez Bourg en à Saint-Lothain, tels qu’il a pu les bailli d’Aval, et à Simon de Bresse [pour] illec estre mises.11 observer de près. La carrière est à Chantrans, gouverneur et capitaine ciel ouvert, mais il faut chercher les de Montmorot. Il doit trouver les Si Lemaire se charge bien de bancs à une certaine profondeur, ouvriers nécessaires, faire extraire toutes ces missions, il entend rester dans une fosse d’une vingtaine de la pierre, la faire tailler aux formats seul maître à la carrière et il n’ac- mètres de long et de haut sur une et aux quantités nécessaires selon corde aucun droit de regard au douzaine de mètres de large: l’avis du maître-sculpteur, et la sculpteur Thibaut Landry, qui le ains [avant d’] avoir trouvé les bons faire transporter jusqu’à Brou: souhaiterait pourtant bien et qui bancz et parfaictz jay fait creuser plus et autre grand quantité de marbre s’en plaint: de LXXI piedz de parfond et autant de blanc qu’on dit albastre, dont avons Mon tres honnoré seigneur, je vous sup- large et cincquante en travers, qui est entendu qu’il se treuve une bonne car- plie humblement que vostre plaisir soit une chose horrible à veoir.

10. 30 juin 1510 — Mandement de Marguerite d’Autriche à Simon de Chantrans, seigneur de Courouzon, gouverneur et capitaine de Montmorot (Arch. Nord, B2219, n° 76038 fol 1). Publié par Jarrin 1887: 388. 11. Voir note 2. 12. 1er août 1510, Salins — Thibaut Landry de Salins à Barangier (Arch. Nord, B18986 n° 38224, original). Publié par Cochin et Bruchet 1914: 32-33. 13. Voir note 3. 89 Fig. 10 – Tombeau de Marguerite d’Autriche, détail du transi. Fig. 11 – Tombeau de Marguerite d’Autriche, tête du gisant. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) (Cliché H. Nègre) Travail qui nécessite des étaie- Tout ceci suppose des équipes Tourmond et note beaucop de choses ments: compétentes et dévouées, que desquelles je vous eusse bien volu Et pourquoy eust on faict de toute anti- Lemaire a trouvées à Saint- advertir se j’eusse osé. [...] Doncques quité tant de cavernes par dessoubz Lothain: plaise Vous scavoir, sans que je use de terre et tant de descombre à l’environ, Et vous asseure, Madame, que ceulx de vantise, que ung jour de feste je menay tant d’estansonnemens de bois pour saint lotain sont voz meilleurs subgectz sur vostre dicte fontaine quinze ou seize soubtenir le dessus, si on n’eust estimé que je sache et tous robustes compai- de mes compaignons besoignans en ce trésor bon et vaillable en toute singu- gnons et de couraige, et ont bien merité vostre perriere [de Saint-Lothain] et larité? que sil vous plait leur faictes une gra- les feiz mettre la main à leuvre en cieuse recompense, car ils ont assez vostre saulnerie, cest assavoir aux Les conditions de travail sont diffi- perdu au descombre quilz ont fait pour pompes et aux engins à tirer leaue. Si ciles, en raison de la présence de tirer vostre marbre. fut dit et sceu et divulgué partout à len- l’eau, sans compter les dangers viron pour verité que mes gens en d’éboulements: Les problèmes causés par la pré- moins d’un quart dheure avoient des- au travail en l’eau vifve jusques au sence d’eau dans les carrières ne treu [distrait = ôté] leaue à force de genouil, comme nous estions. Car le sont pas réservés à Saint-Lothain. bras, de plus que ceulx qui sont ordi- vray marbre ne se nourrist sy non en Lemaire évoque les conditions naires au labeur dudict ouvraige ne l’eaue, c’est assavoir l’albastre, et fault d’extraction dans une « saunière », souloient [avaient l’habitude] faire en venir et cercher jusques aux sources c’est-à-dire une source d’eau salée, ung jour entier. vifves, lesquelles il nous failloit estoup- celle de Tourmont14, où ces pro- per [boucher, colmater] de mousse et blèmes sont évidemment très « Ung trésor trouvé au pays de de conroy [glaise], et encoires l’eaue importants. Il insiste surtout sur les ma dicte dame » surmontoit tellement qu’il la failloit compétences indispensables aux espuiser jour et nuit. Et tousjours en exploitants: Tant d’efforts et de peines se justi- dangier de noz vies, à cause de la pier- Et touchant vostre dicte fontaine et fient par la qualité du matériau que re qui retumboit. sourse de sel, Madame, [...] en tel cas ne l’on arrache si difficilement à la fault point gens qui ayment leur singu- terre: Quant à hisser les blocs hors de la lier prouffit et vaine gloire, mais [...] Pleust or à Dieu que Madame eust veu fosse, cela ne va pas non plus sans quilz soient fondez et practicyens en les beaux et merveilleux quartiers en difficultés, notamment pour ceux l’art mathémactique et géométrie pour toute perfection! [...] l’albastre des de grande taille: sçavoir faire en gens beaucoup exploit- sépultures des princes à Dijon est le nous a esté nécessité d’en aléger les tans et à peu de gens et de coust, et plus beau et le plus pollissable de tout grandz pierres, dont il en avoit deux mesurer la haulteur des terres et caden- le monde [...] Et sont les plus beaux qu’il failloit à chascune xij [12] che- ce des eaues et la séparation des sources, bancz, les plus parfondz et les plus netz vaulx ou xxiiij [24] beufz; et si nous dont je nay veu aucun qui se y entendit du monde.15 eussions laissé en son entier les deux qui grandement en vostre dicte saulnerie. Lemaire est intarissable sur les tenoient ensemble, il n’eust esté possible [...] qualités de l’albâtre de Saint- à homme vivant de les tirer hors du Madame, jay esté par plusieurs fois sur Lothain, bien qu’il se retienne creux ne de les mener. le lieu de vostre dicte saulnerie de parfois d’en dire davantage:

14. Voir supra, p. 87 et note 3. 90 15. Voir note 3. Fig. 12 – Chapelle de Marguerite d’Autriche, angle nord-est et voûte. Fig. 13 – Chapelle de Marguerite d’Autriche, retable des Sept Joies, partie supérieure. (Cliché M. Grefferat/Musée de Brou) (Cliché H. Nègre) Je n’oseroie dire les autres merveilles messeigneurs les ducs de Bourgoigne, nous avons conclud et deliberé fere le qu’on en dit à Poligny, de peur qu’on mesmement par maistre Claux et sepulture a Brou de l’alebastre estant ne me creust. maistre Anthoniet, souverains tailleurs audict Brou par vous prins a Saint Toutefois il ne manque jamais une d’ymaiges, dont je, Michel Coulombe, Louthain dont vous voulons bien aver- occasion de vanter dans ses lettres ay autreffois eu la cognoissance [...] ty afin que, suyvant vostre commission, à Madame la qualité de cet albâtre, Certifiant et affirmant que, pourveu vous poursuyviez ceste affere selon que non sans emphase; ainsi en que la dicte pierre soit tirée en bonne vous en avons donné la charge par novembre 1511: saison et les ancyens bancs decouvertz vostre dicte commission.17 de vous en escripre plus avant, il sem- avec grand et ample descombre faict bleroit que je le feisse à ma louenge, sur le bon endroit, c’est très bon et très Mais depuis, on lui a fait parvenir pour ce que j’ay retreuvé la perrière; certain marbre d’albastre, très liche un échantillon qu’elle a fait exami- mais tant y a que c’est le plus bel [lisse] et très bien polissable en toute ner aux Pays-Bas par des experts albastre du monde et le plus approuvé. perfection et ung trésor trouvé au pays dont les conclusions sont très néga- Ny en Espaigne, ny en Italie, ny en de ma dicte dame, sans aller querir tives, au point qu’elle envisage Engleterre, n’en y a point qui l’aproche aultre marbre en Ytalie ny ailleurs; car d’interrompre l’approvisionne- en bonté, beauté et polissement. les aultres ne se polissent point si bien et ment. Elle en informe Lemaire et ne gardent point leur blancheur; ains lui demande un nouvel échan- Il pousse d’autres aussi à conforter [mais] se jaulnissent à la longue.16 tillon: son avis, par exemple le vieux nous avons veu une pierre d’albastre sculpteur Michel Colombe qu’il est Une enquête sur la qualité de tirée en la perrière de Saint-Lothain, allé voir en Touraine pour passer l’albâtre de Saint-Lothain laquelle maistre Loys [Barangier], avec lui le marché des maquettes nostre secrétaire, nous a envoyée, et en pierre des tombeaux: Pourquoi un éloge aussi insistant? trouvons par ceulx qui se y cognoissent Au surplus, le dict Jehan Lemaire nous C’est qu’à Malines, on a des doutes que le dict albastre n’est aucunement a apporté une pièce de marbre d’al- sur la qualité de cet albâtre. bon pour nos dictz ouvrages. Par quoy bastre de Saint Lothain lès Poligny en D’autant que Lemaire n’est pas un ne seroit convenable y mettre plus de la conté de Bourgoigne, dont il a nou- juge impartial: il a des intérêts dépense, ains [mais] se pourveoir vellement descouvert la carriere ou personnels dans l’exploitation ailleurs [...] Sur quoy désirons que perriere, laquelle, comme nous avons de Saint-Lothain, sa commission nous advertissez bien et au long de la entendu par certaine renommée, a devant lui rapporter des revenus vérité et que nous envoyez l’essay par autrefois esté en grant bruit et estima- supplémentaires. deça, affin de veoir ce que sera et quon tion, et en ont esté faictes, aux chartreux Certes, Marguerite avait écrit à n’en face la despense en vain.18 de Dijon, aucune des sépultures de feuz Lemaire, en juillet 1510:

16. 3 décembre 1511, Tours — Marché des sépultures de Brou passé entre Michel Colombe et Marguerite d’Autriche représentée par Jean Lemaire (Arch. Nord, B 2221, pièce 76294, original, cahier de 6 p.). Publié par Dufay 1867: 151-153. 17. Vers le 14 juillet 1510 — Marguerite d’Autriche à Lemaire (Arch. Nord, B18929, n° 36224, minute). Publié par Bruchet 1927, preuve XXXVIII: 366. 18. 10 octobre 1510, Anvers — Marguerite d’Autriche à Lemaire (Paris, BN, nouv. acq. franç. 1412, copie insérée dans une lettre de Lemaire du 20 novembre 1510). Publié par Bancel 1885: 185; Lemaire de Belges 1882-1891, t. IV: 398 et sq. 91 Fig. 14 – Retable des Sept Joies, la Visitation. (Cliché H. Nègre) Fig. 15 – Chapelle de Marguerite d’Autriche, mur nord. (Cliché M. Grefferat/Musée de Brou)

C’est à ce message que Lemaire Bresse ou en Franche-Comté, et que pourrez. Et que vous enquerez où répond si longuement quelques lui demande de suspendre l’exécu- l’albastre et marbre blanc dont ont esté jours plus tard, le 25 novembre19, tion du marché passé avec le fects les sepultures de feu messeigneurs en témoignant son amertume de la sculpteur Thibaut, le temps que noz predecesseurs à Dijon a esté tiré, défiance de la princesse: l’on vérifie un nouvel échantillon dont aussi nous advertirez pour, le tout Madame, quand j’euz parachevé de aux Pays-Bas. Elle charge aussi entendu, declairer et fere ce que appar- lire vos dictes lettres, le sang me mua, Barangier d’enquêter de son côté, à tiendra audit affere, ouquel ne desirons tout entremeslé de craincte, vergogne et l’insu de Lemaire, sur la qualité de riens espargnier. Mais aussi voulons juste courroux ensemble, c’est assavoir cet albâtre et sur la véracité de son que noz deniers soyent bien employez et de craincte d’estre en l’indignation de utilisation pour les tombeaux de par bonne raison.20 vostre haultesse, et de honte pour Dijon: autant que vous m’estimiez mensongier Nous avons veu la piece dalbastre que Barangier remplit cette mission et moins souffisant à fournir ce que Jehan le maire nous a envoyé de la per- fidèlement. Il interroge d’abord j’avois mis en termes [j’avais écrit], et riere trouvée à Saint Lothain. Et Perréal, une autorité reconnue. aussi de justes courroux contre ceulx pource que aucuns bons maistres de Celui-ci écrit en janvier 151121 à la qui vous avoient mal informée [...] Et pardeçà [des Pays-Bas] treuvent princesse pour la rassurer sur la si le cas fust adveneue que j’eusse receu ladicte pierre fort tendre et tenant plus qualité de l’albâtre de Saint- vos lettres moy estant sur vostre perriè- du gypse que dalbastre, qui seroit ung Lothain. Il n’en conclut pas moins re d’albastre en continuel labeur et grand inconveniant pour nostre que le marbre conviendrait mieux: dangier, j’eusse tout laissé là, et m’en ouvraige si ainsi estoit, Desirant à ceste ay congneu, par les lettres de monsei- fusse alé plourer [pleurer] mon infor- cause en savoir la verité escripvons gneur maistre Loys [Barangier] et de tune ailleurs. audit le maire nous en envoyer aucunes maistre Jehan Lemaire le doubte en Il proteste aussi avec véhémence autres pieces, affin que le fassions bien quoy vous estes tant de l’alabastre que contre ses détracteurs dont il met veoir et visiter par gens congnoissans à du marché. Madame, touchant l’ala- les compétences en doute, jugeant ce, affin de non employer nostre argent bastre il est bel et blanc, grans quartiers qu’il y a eu traîtrise et que l’échan- en vain; et à ceste cause aussi que le et sain; et le plus blanc que je veiz pies- tillon en question n’était pas marchié, fait avec le tailleur de Salins sa [depuis longtemps], qui est la représentatif des bancs de qualité [Thibaut Landry] de la sepulture de richesse, mais ne dure [n’est pas dur], qu’il a trouvés: feu monseigneur [Philibert le Beau], et la raison est bonne, car elle est tirée Mon Dieu, diz je lors, pour une petite nous semble fort renchery de ce que ledit de frès [frais], car, en sa mynière, elle pierre que je n’avoie pas envoyée et qui mayre nous avoit dit, voulons encoires estoit envyronnée de humidité, qui la n’estoit synon l’ouverture et la monstre dillayez [différer] ledit marchié pour tenoit molle, mais par temps sendurcit. [démonstration] de la diligence du deux mois prouchains, pendant les- Madame, mondit Seigneur maistre descombre, faut-il condemner toute la quelz ferons, de pardeçà, fere la vraye Loys m’a escript que bien au long lui en reste? experience dudit albastre; et desirons fisse sçavoir, et de la bonté et de la aussi que secretement, et par gens nature: ce que j’ay fait et là verrez ce Cependant, Marguerite d’Autriche congnoissans à ce, la fectes fere depar- que j’en dis et seuz à la verité, sy vous ne s’en tient pas là. Elle informe delà, et que de ce que en trouverez nous plest de lire la lettre bien au long. Aussy son secrétaire Barangier, alors en advertissez à la vraye verité le plustot il ira à Dijon comme il m’a rescript et

19. Voir supra les divers extraits de cette lettre de Lemaire p. 87-91. 20. 24 novembre 1510, Bruxelles — Marguerite d’Autriche à Barangier (Bourg, ancienne collection Baux). Publié par Chagny 1913: 93. 92 21. 4 janvier 1511, Lyon — Jean Perréal à Marguerite d’Autriche (coll. Feuillet de Conches en 1865). Publié par Bancel 1885: 201-203. là pourra sçavoir tant de la pierre que du coust. Et, comme ditte, ce serait dommaige gaster les deniers pour somptueux ouvrage, se [si] la nature nestoit bône. Madame, je vous conseilleroie faire l’ouvrage plustot de marbre que d’aultre chose, et sy vous plest, voyez les raisons pourquoy je le dis, ez lettre dudit maistre Loys.

Comme il l’indique à la princesse, Perréal écrit aussi le même jour plus longuement à son secrétaire22 en commençant par lui faire un véritable cours sur la physique des albâtres: Monseigneur, pour respondre a vostre première demande touchant la nature de l’alabastre, et que on luy a dit que le Fig. 16 – Chapelle de Marguerite d’Autriche, arc de l’oratoire. (Cliché M. Grefferat/Musée de Brou) cousteau ne doit prendre dessus, je vous averty, comme celuy qui en peult parler, qu’elle ne sante la gelée, elle s’endurcit croy ferés pour en respondre au net à par troys raisons, la premiere par la et blanchit de jour en jour. Je vous Madame et mieulx informer ceulx qui matière, la seconde par la forme sub- pourroie plus au long desclarer les sont autour d’elle. stancielle, la tierce par ses accidents, et deux natures en enssuivent les docteurs vous di qu’il est deulx manières d’ala- et bons philozophes, mais à présent je Les conclusions de cette enquête bastre. La première n’est pas blanche, conclus qu’il n’est aultre nature d’ala- ont dû rassurer la princesse car, mais déclinant aucunement à citrinni- bastre que ces deux. quelques mois plus tard, elle té. Et anciennement l’on en faisoit des Perréal insiste sur la nécessité de redonne sa confiance à Lemaire et vaisseaux [vases], et le tenoit-on pour n’utiliser les blocs qu’un an après à l’albâtre de Saint-Lothain, précieux, comme il est escript en leur extraction, pour les faire durcir comme celui-ci le confie à l’Evangille: In alabastro unguen- et obtenir un meilleur poli, précau- Barangier: tum preciosum; et sont transparens tion que n’a pas observée le par vostre moyen Madame est retour- ung peu et veyneux de doulce couleur, de sculpteur Thibaut Landry: née à saine cognoissance de son albastre leur nature plus froiz et aquatiques que Toute alabastre sendurcit à la longue et des marchiez faictz. J’ay receu les terrestres, combien que [bien que] de hors de sa mynière, par quoy je vous dites lettres de Madame à Lyon, envi- terre et d’eau sont procréez toutes avertis que autant en avendra ron la my-aoust, dont j’ay esté remply pierres, congellez par froideur, maiz [adviendra] à ceste cy qui est belle et de joye inestimable.23 procréez par chaleur; maiz pour leur fort blanche, mais feroit bon que l’on Dorénavant, aucune hésitation froideur estoient ordonnez [assignés] à n’y touschast d’un an, et vous sçavez n’apparaît plus dans les décisions tenir unguens [onguents] pour la que je disoie toujours que l’on ne devait d’approvisionnement du chantier conservation d’iceulx. besongner que au nouveau temps; maiz de Brou en albâtre de Saint- L’autre alabastre, quant à la matière, maistre Thibault vouloit toujours Lothain. est terrestre et aquatique, mais plus ter- besongner. restre que aquaticque, et par conséquent Et lorsque les acteurs de ce pre- plus aprochent de siccité et de blan- Barangier complète son enquête mier épisode dans l’histoire de cheur; car là ou agist chaleur en siccité, par des recherches à Dijon, pour l’église de Brou devront quitter la la plus est prochaine blancheur, comme vérifier l’origine et le prix de l’al- scène pour être remplacés par des il appert des os, et par conséquent plus bâtre utilisé dans les tombeaux des Flamands, le maître-maçon Loys dur. Quant à sa forme substancielle, ducs de Bourgogne. On l’apprend Van Boghem en venant à l’automne elle est moins homogénée en son tout, par la même lettre de Perréal: 1512 examiner la situation sur pour challeur qui cause incinéracion en du pris du pied vous en savez mieulx la place avant de prendre en main la choses sèches par faulte d’humidité, qui vérité à Dijon, et pourriez ce monstrer direction des travaux fait un éloge est cause de ligament. Quant à ses acci- ou dire à Madame; car comme dittes ès sans réserve de l’albâtre déjà dents, pour le premier [d’abord], en sa lettres que m’avez escriptes que passerés approvisionné, et en commande à mynière elle est envyronnée de froideur, à Dijon et que yrés en la chambre des nouveau de grandes quantités: qui répugne à la chaleur, et la tient comptes, pour sçavoir où fut prinse Le dict maistre [Van Boghem] a veu le humide et molle, et, quant elle est hors l’alabastre des feux Ducz et combien marbre estant au dict Brouz, et en a tirée, c’elle est de vieille ou longue roche, elles ont cousté, certes je loue bien cela et faict l’essay et poly, et le treuve le et est à l’air ung an ou plus, pourveu ferés bien se en prenés la peyne, que je meilleur du monde. Il desire d’en avoir

22. 4 janvier 1511, samedi, Lyon — Jean Perréal à Barangier (en 1865, coll. Fillon provenant de la coll. Feuillet de Conches). Publié par Bancel 1885: 192-201. 23. 8 septembre 1511, jour de la Nativité Notre-Dame, Bourg — Lemaire à Barangier (Arch. Nord, B18853, n° 30209, autographe). Lemaire de Belges 1882-1891, t. IV: 383. 93 MARBRE NOIR ET MARBRE DE CARRARE

L’albâtre de Saint-Lothain consti- tue donc le plus abondant des « marbres » présents à Brou. Mais on trouve aussi du marbre blanc de Carrare et du marbre noir de diverses provenances, dans les tombeaux et dans la chapelle de la princesse.

Marbres noirs

L’approvisionnement en marbre noir est mentionné dès le début des opérations concernant les tom- beaux, simultanément avec la Fig. 17 – Le bénitier de marbre noir, nef de l’église de Brou. (Cliché H. Nègre) recherche d’albâtre. Un premier trente ou quarante pièces d’une grosse albâtre et pour d’autres en marbre approvisionnement est fait à Liège, qu’il m’a montrée, tant pour les sépul- de Carrare: le gisant de Marguerite comme le confirme le mandement tures que pour vostre chappelle, de Bourbon (fig. 2), mère de de juin 1510 déjà cité, adressé par écrit Barangier à Marguerite en Philibert, est en marbre, mais il est Marguerite à Louis de Vauldrey et novembre 151224. entouré de putti en albâtre. Les Simon de Chantrans: gisants supérieurs du duc de Savoie pour lesquelles sepultures dresser, en Les œuvres en albâtre dans (fig. 6) et de son épouse, Margue- ensuivant l’exemple de noz feux prede- l’église de Brou rite d’Autriche (fig. 9 et 11), sont en cesseurs ducz et contes de Bourgoigne, marbre ainsi que les « enffans » qui nous soit mestier [besoin] avoir bonne C’est donc bien en albâtre de les entourent (fig. 5); tandis que les quantité de marbre noir, lequel avons Saint-Lothain qu’a été réalisée une transis du couple ducal, à la base de desja envoyé querir en Liege.27 grande partie des chefs-d’œuvre de leurs deux tombeaux, sont en Et c’est le « solliciteur des édifices sculpture qui ornent toujours l’égli- albâtre (fig. 7 et 10). Il est difficile à de Brou », Jean Lemaire, qui a se de Brou. Dans la chapelle de un œil non exercé de percevoir la accompli cette mission avant d’être Marguerite (fig. 12), il a donné le différence de matière entre les chargé de l’approvisionnement en grand retable des Sept Joies de la gisants et les transis. Ce qui albâtre de Saint-Lothain, comme Vierge qui occupe tout le mur est démontre la fausseté des assertions nous l’apprend un courrier de (fig. 13 et 14) et il a fourni les pan- de Perréal quant à la préférence à Marguerite d’Autriche au Conseil neaux ciselés qui couvrent la base donner au marbre, comme il l’écri- de Bresse, daté du 10 juillet 1510: du mur nord (fig. 15), ainsi que vait à Barangier en janvier 1511: nous avons naguières envoye au dict l’encadrement sculpté des baies Je vous advertis conseiller à Madame present porteur [Jean Lemaire] en ouvrant sur les deux oratoires faire la dite sepulture de marbre blanc Liege pour faire fourniture de marbre superposés à l’ouest (fig. 16). Dans prins à Genes et de marbre noir prins noir, et maintenant lui avons fait autre le chœur, l’albâtre de Saint- au Liege, ainsy que la Royne [Anne de despesche pour se tirer tant en nostre Lothain constitue aussi la majeure Bretagne] a fait; car, sans mentir, ce conté de Bourgongne pour funir du partie des trois tombeaux (fig. 2, 4 sera œuvre perpetuelle et de princesse. marbre blanc qu’on dit albastre.28 et 8): leur architecture ainsi que les Quant est de alabastre, il ne dure pas statuettes qui s’y nichent (fig. 3) la moitié; car marbre peut durer mil Des approvisionnements auprès sont en albâtre, sculpté par des ans bel, meiz non pas blanc, et l’ale- d’autres fournisseurs sont mention- « ymagiers » flamands25. bastre ne saroit durer quatre cens ans, nés à diverses reprises. En mai non pas trois.26 1512, c’est encore du marbre de Quant aux cinq grandes figures Les transis de Philibert et de Liège, comme en atteste la quit- couchées des princes et aux « enf- Marguerite ont largement passé ce tance d’un «marchant et maistre fans » qui les entourent, tous dus délai, en toute splendeur, et ils des pierres de marbre», bourgeois au ciseau de Conrad Meyt et de ses semblent prêts à poursuivre avec de Dinant, payé 148 livres pour aides, ils sont pour certains en succès l’épreuve encore longtemps. « certaines pièces» de marbre29. En 24. Avant le 15 novembre 1512, Dole — Barangier à Marguerite (Arch. Nord, B 2225, n° 76413, original avec cachet). Publié par Dufay 1867: 166. 25. Il ne reste sans doute rien dans Brou du travail commencé par Thibaut Landry pour les tombeaux d’après les projets de Perréal. En effet, après la fin de l’équi- pe française (Lemaire-Perréal-Landry), toute l’architecture et les œuvres contenues dans l’église sont d’inspiration flamande. Marguerite commanda de nouveaux « patrons » pour les tombeaux à Jean Van Roome, dit Jean de Bruxelles, et ce sont eux qui furent réalisés par un atelier flamand anonyme, qui tra- vailla à Brou pendant une dizaine d’années. 26. Voir note 22. 27. Voir note 2. 28. Juillet 1510 — Marguerite d’Autriche au Conseil de Bresse (Arch. Nord, B 2219, n° 76038, fol. 1 verso, minute). Publié par Jarrin 1887: 385. 94 29. 13 mai 1512 — Quittance d’Hubert Nonnon pour fourniture de marbre noir (Arch. Nord, B19091, n° 42257, original). Cité par Bruchet 1927: annexe 1, n°77. même temps, on commande aussi à de Losanne pour avoir du marbre noir, lors des travaux de finition enfin un marchand champenois, pour un et avons de luy repceu bonne responce décidés par Charles Quint en 1548. des tombeaux, une grande dalle de par laquelle il vous offre le tout, et mes- On possède le contrat passé entre près de 2,50 m de long sur 1 m de mement celluy qu’il avoyt faict tirer les représentants de la nouvelle large, qu’il devra livrer en bon état pour son ediffice, régente des Pays-Bas, Marie de à Brou, comme le précise un man- écrit le Conseil de Bresse à la Hongrie, sœur de l’Empereur, et le dement de Marguerite au « chief et régente31. Il s’agit probablement de tailleur de pierre Nicolas Ducré, de gouverneur général de [ses] pièces de taille moyenne destinées Bonneville en Faucigny: demeines et finances »: à la chapelle de Marguerite. En donnent, baillent et remettent en tache a Nous, eu sur ce vostre advis, voulons et effet, le Conseil de Bresse, en maistre Nycolas Ducre, tailleur de vous mandons par ces présentes, que exposant trois jours plus tard pierres, natif de la Bonne Ville, pays de par nostre amé et féal conseiller, tréso- l’avancement des travaux dans Foucigny, present et la charge accep- rier et receveur général de nos demeines l’église, parle de 28 blocs de tant, asscavoir que le dict maistre et finances Diego Flores et des deniers marbre noir: Nycolas sera tenu, selon quil promet de sa recepte, vous faictes payer, bailler vostre chappelle prestque toute tailliée, fere, de tailler et copper ung beneyty de et délivrer comptant à Jacquet et une grande partie de la ymagerie, de pierre de marbre noir, ensemble le pied, Jaquenet dit Jehan Pierre, marchant sorte que c’est une chose tres excellente a jouxte la forme dung patron faict et résident à Faugnières [Fagnières] lez veoir. Au surplus, voz pierres de pourtraict en ung folliet de papier.34 la ville de Chalons en Champaigne, la marbre noir en nombre de XXVIII sont somme de quarente livres du pris de tiréz [extraites] et desja amenées Le marbre de Carrare quarente gros monnoie de Flandres la jusques a Genefve, et esperons il fere livre, que luy avons ordonné, octroyé et diligenter de sorte que, dedans peult de Le marbre de Carrare fut réservé accordé, ordonnons, octroyons et accor- jours, seront randues yci.32 aux trois grands gisants, c’est-à-dire dons par cesdites présentes prandre et aux images « au vif » de Marguerite avoir de nous, pour [en] une foys, pour On trouve du marbre noir aux deux de Bourbon, Philibert le Beau et son payement d’une pierre de marbre points principaux de l’église de Marguerite d’Autriche, comme noir contenant en longueur neufz piedz Brou: tombeaux et chapelle de la l’indique le contrat passé en avril et demi et en largeur quatre piedz et princesse. Aux tombeaux, il consti- 1526 entre cette dernière et le demy ou environ, laquelle nous avons tue les dalles sur lesquelles repo- sculpteur Conrad Meyt: fait prandre et acheter de luy pour ledit sent les cinq gisants, aux étages Premier la figure et representacion au pris, pour servir aux sépultures que supérieurs et inférieurs, et se vif de feu monseignr le duc Philibert de faisons présentement dresser et ériger en retrouve encore au pourtour de Savoye, illehecques [celui-ci] reposant l’église de nostre couvent de Broux leurs bases (fig. 2, 4 et 9). Dans la avec le lion couchant aux piedz, et pour nous et feu nostre très chier mary chapelle de Marguerite, il encadre alentour les six enffans, dont les quatre le duc Philibert de Savoye que Dieu les compartiments inférieurs du tiendront ses armes et épitaphe; et les absoille. Laquelle pierre de marbre retable des Sept Joies; il court aussi deux du millieu, lung les gantelletz, et ledit marchant est tenu, moyennant en bandeau à hauteur d’assise sur lautre le timbre; et cecy se fera de ladite somme de IIIIxx [80] livres, de tout le pourtour des murs de la cha- marbre blanc. [...] Item, fera le person- la nous livrer saine et entière en nostre pelle: de part et d’autre du retable naige de la figure et representacion de ville de Bourg-en-Bresse à ses propres à l’est, sous le vitrail de madame, au vif, avec le levrier cou- fraiz et despens, selon et ensuyvant le l’Assomption au nord, et sous l’arc chant aux piedz, et alentour quatre marchié qui en a esté fait dont il a de l’oratoire à l’ouest33 (fig. 12 et enffans tenans les armoyries; le tout de baillé son obligacion.30 15). marbre blanc. [...] Item, fera aussi le personnaige de la representacion de Trois ans plus tard, en octobre Il existe encore un élément en madame Marguerite de Bourbon, mère 1515, l’évêque de Lausanne est marbre noir dans l’église de Brou. de feu monseigr de Savoye, et quatre sollicité pour du marbre noir, sans Il s’agit du grand bénitier qui se enffans alentour, tenans les armoyries, que l’on mentionne la provenance dresse au fond de la nef, à peu de lesquelles pieces il fera dalbastre, a exacte des carrières qui devaient distance du portail occidental cause que la dite sepulture est en lieu lui appartenir: (fig.17). Il fut exécuté quinze ans remot [écarté], qui ne se peult damp- Madame, nous avons escript a mons. après la consécration de l’église, neffier [détériorer] comme les autres.35

30. 26 mai 1512, Bruxelles — Mandement de Marguerite d’Autriche pour faire payer le marbre noir destiné à Brou (Arch. Nord, B 2222, fol. 138 v°, copie officiel- le). Publié par Finot 1888: 224. 31. 21 octobre 1515, Bourg — Le Conseil de Bresse à Marguerite (Arch. Nord, B 19175, n° 44271, original avec cachet). Publié par Bruchet 1927, preuve LXX: 398. 32. 24 octobre 1515?, Bourg — Le Conseil de Bresse à Marguerite (Arch. Nord, B 19175, n° 44315, original). Publié par Bruchet 1927, preuve LXXI: 399. 33. Je remercie M. François Braemer qui a eu l’obligeance d’examiner les marbres noirs de Brou. Il apporte les précisions suivantes: les dalles des tombeaux sont en marbre de la Meuse, sauf la dalle supérieure du tombeau de Philibert le Beau qui est probablement du type « Miéry » de Franche-Comté; l’encadrement de la base du retable des Sept Joies est en marbre de Belgique. 34. 22 août 1548, Brou, « faict au premier clostre dudict couvent » — Prix-fait de la sculpture du bénitier de Brou (Arch. Ain, H 614, original; autre original, Arch. Nord, B 459, n° 22999). Publié par Baux 1862: 451. 35. 14 avril 1526, après Pâques, Malines — Contrat passé entre Marguerite d’Autriche et Conrad Meyt pour la grande statuaire des tombeaux de Brou (Arch. Nord, B 19182, n° 44560, copie contemporaine). Publié par Baux 1844: 91. 95 Si, pour le tombeau de Marguerite Le transport du marbre de Item, pour les despens de maistre Loys de Bourbon, la matière des « enf- Carrare et de sa compaignie qui allarent, le XVe fans » est bien spécifiée — l’al- jour de juing, au dict Neyron pour bâtre —, rien n’est dit pour le Celui-ci fut acheté à Carrare et son veoir le moien de fere amener les troys gisant de la duchesse, mais on sait transport fut source de problèmes grosses piesses de marbre et une aultre par ailleurs que trois grands blocs et de dépenses importantes. Les moyenne, illec [là] estant encore; neant- de marbre de Carrare furent ache- Archives départementales de l’Ain moins ne peult trouver illec personne minés jusqu’à Brou, avec six blocs conservent un mémoire très qui voulsit prendre la charge. plus petits. Ces trois grands blocs détaillé de toutes les dépenses et correspondent à l’évidence aux de toutes les démarches que néces- On charge alors le prieur de Brou — trois gisants, tandis que les plus sita le transport de ces blocs, entre « maître de l’œuvre », c’est-à-dire petits blocs servirent aux mai et juillet 152837. comptable et contrôleur des travaux « enffans » et aux attributs entou- — de trouver des transporteurs: rant les princes. Le sculpteur, on l’a L’essentiel du voyage se fit par Item, pour les despens de frere Loys de vu plus haut, devait aussi réaliser bateau, apparemment sans encom- Gleyrens et dun religieux son compai- en albâtre les transis de Marguerite bre; d’abord par mer depuis gnon, qui alarent, le XXIe jour de d’Autriche et Philibert le Beau. l’Italie, puis sur le Rhône jusqu’au juing, jusques a Vassalieu et par les vil- port de Neyron, près de Miribel, à laiges aupres, pour scavoir si illec lon Le même contrat précisait que le une quarantaine de kilomètres au pourroit avoir des bœufz de loage pour maître-maçon Loys Van Boghem, sud de Bourg-en-Bresse. Mais le ayder a amener les dictes piesses de architecte de l’édifice, devait four- plus dur restait à faire: le convoie- marbre, et combien cousterait ung joug nir au sculpteur les matériaux — ment par charriot sur les mauvais de beufz pour jour. marbre et albâtre — et devait aussi chemins de la Dombes jusqu’au lui procurer les assistants néces- chantier de Brou. Des charretiers C’est finalement à Lyon qu’on saires: de Bourg assurèrent sans trop de trouva des charretiers acceptant de moïennant la bonne assistence que le dit problème le transport des blocs les se charger du transport; ils deman- Me Loys lui fera douvriers, qui sera de moins gros: dèrent toutefois qu’on leur fournis- trois bons ouvriers, au nombre des a Guiot le charreton, Jacquemo de se un « gros char bien ferré », des quelz le frere du dit Me Conrard sera Pontbo, et Roland Gallet, charretons hommes pour aider au chargement comprins aux raisonnables gaiges de de Bourg, pour lamenage de cinq et des convoyeurs: ma dite dame; et luy fera aussi la deli- piesses du dict marbre moyennes du dict Item, pour les despens du dict frere vrance des pierres de marbre et port de Neyron jusques a Brou, enclouz Loys et de son compaignon qui sont ales dalbastre, necessaire pour l’ouvraige [compris] huict gros et troys quarts que a Lion, et dillec ont amene on [au] dict que dessus, ce que le dit Me Loys a pro- cousta le rabilliage des roues. Neyron deux charretons pour mar- mis faire en presence que dessus. chander avec eulx pour combien ilz Les choses ne furent pas si simples Mais ils refusèrent de se charger ameneroient et rendroient les dictes dans la réalité, en raison de l’ani- des grands blocs dans lesquels troys grosses piesses de marbre avec la mosité entre les deux hommes, qui devaient être taillés les trois dicte piesse moindre à Brou, avec les- entraîna de violentes altercations, gisants. Le problème était tel qu’il quels il accorda a IIIIxx frans [80 au point que la régente dut fallut plusieurs semaines de francs], en leur promectant fournir un envoyer des officiers de sa cour réflexions et de démarches diverses gros char bien ferré et acoustré, et four- pour arbitrer leurs conflits: pour le résoudre. C’est d’abord le nir des gens sur le lieu pour ayder a Et, affin que l’ouvrage que ledict maçon Loys Maillet qui se rend à charger le dict marbre; et oultre ce, maistre Conrard a en mains ne soit Neyron le 21 mai, jour de troys hommes pour les conduyre pour plus retardé, luy a esté commandé et l’Ascension, pour assister au les chemyns; et ce marché faict, il leur sera encoures [encore] derechief de déchargement des blocs et pour sca- fist charger une des grosses piesses et la parfaire sa charge le plus tost qu’il voir par quel chemyn lon le pourroit dicte piesse moindre. pourra, et pour ce fere, prendre tels dilec [de là] faire amener a Brou. Puis Loys Van Boghem se transporta de ouvriers que bon luy semblera, sans que un certain Loys Girard est envoyé nouveau à Neyron pour surveiller maistre Loys ait aucune cognoissance pour scavoir le moien par le quel lon le chargement du plus gros des sur luy.36 pourrait faire amener le dict marbre. blocs: Mais si Conrad Meyt put commen- Finalement, la question n’ayant Item, pour les despens de maistre Loys cer rapidement les sculptures en toujours pas trouvé de solution et de son serviteur, qui alarent a albâtre, dont le chantier était trois semaines plus tard, Loys Van Neyron, le mardi VIIe jour de julliet, approvisionné, il dut attendre plus Boghem lui-même va se rendre pour donner ordre a faire charger la de deux ans l’arrivée du marbre. compte sur place: plus grosse piesse du dict marbre.

36. 31 août 1530 — Ordonnance de Claude de Boisset et de Jean de Marnix concernant le concours de Louis Van Boghem et de Conrad Meyt à Brou (Arch. Ain, H 614, copie contemporaine non authentique). Publié par Bruchet 1927, annexe 1, n° 167 (extraits): 250. 96 37. Juillet 1528 — Mémoire des dépenses pour le charroi du marbre de Carrare (Arch. Ain, H 614, copie contemporaine). Publié par Baux 1844: 95-99. Il y eut encore des dépenses pour Thomas, Claude Rodet et Guiot le En tout, le transport des trois gros renforcer et réparer le char de charreton, les quelz troys hommes lon a blocs prit quinze jours et, en sus de transport: fourny et baille, pour aider a conduire la somme prévue au contrat, on Item, au filliastre de Mermet, le ferrier, les dicts charretons pour les chemyns, accorda aux charretiers de Lyon a Francoys de la grange, mareschal, et avec une jument du dict Guiot, le quel pour leurs domaiges et interets quils ont a François le royer, pour le rabilliage ils ont mene apres le dict gros charg, soubstenus en lamenage du dict marbre, [réparation] du dict gros char pour pour porter engins et cordes necessaires en quoy ils ont vacque et demeure XV mener les dictes grosses piesses, le quel a pour charger et conduyre le dict jours, quatre hommes et neuf chevaulx este rabillie par deux foys, enclouz six marbre; a quoy ont vacque le dict qui ont rompu leurs roes et charrete, gros pour ung quarteron de groz clouz Guigo Thomas et Claude Rodet aux pour pitie et compassion de leur perde de roes [roues], prins chieu [chez] troys voiages, douze jours, et le dict lon leur a done XII ff [12 florins]. George Mochet. Guiot et sa dicte jument, neuf jours; Il fallut aussi fournir les engins de comprins et encloux les salaires et des- L’achat du marbre et son transport levage et recourir à des renforts pens des hommes preins pour ayder a jusqu’à Neyron coûtèrent 1467 flo- d’attelage pour se sortir des mau- charger, et bestes pour aider a sortir des rins et le transport de Neyron à vais passages: maulvais chemyns et passaiges et autres Brou 275 florins. Item, pour les despens de Guigo fraits necessaires.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Bancel 1885: BANCEL (E.-M.). – Cochin et Bruchet 1914: COCHIN Lemaire de Belges 1882-1891: Jehan Perréal dit Jehan de Paris, (Cl.) et BRUCHET (M.). – Une LEMAIRE DE BELGES (J.). peintre et valet de chambre des rois lettre inédite de Michel Colombe – Œuvres. Louvain, édition Charles VIII, Louis XII et suivie de nouveaux documents sur J. Stecher, 1882-1891, 4 vol. er François I . Paris, 1885, IV - Jean Perréal et Jean Lemaire de 248p. Belges. Paris, 1914, 53p. Poiret et Nivière 1990: POIRET (M.-F.) et NIVIERE (M.-D.). – Baux 1844: BAUX (J.). – Recherches Dufay 1867: DUFAY (C.-J.). – Brou, Bourg-en-Bresse. Paris et historiques et archéologiques sur Bourg-en-Bresse, 1990, 128 p. l’église de Brou. Bourg-en- L’église de Brou et ses tombeaux. Bresse, 1844, 332 - 176 p. Lyon, 1867, 2 - 174 p. Poiret 1994: POIRET (M.-F.). – Le monastère de Brou, le chef-d’œuvre Baux 1862: BAUX (J.). – Histoire de Finot 1888: FINOT (J.). – Louis d’une fille d’empereur. Paris, 1994, l’église de Brou. 3e éd., Bourg-en- Van Boghem, architecte de 128 p. Bresse, 1862, XVI - 508p. Brou. Réunion des sociétés savantes des Départements de la Bruchet 1927: BRUCHET (M.). – Quinsonas 1860: QUINSONAS Sorbonne - Section des Beaux-Arts, (Comte E. de). – Matériaux pour Marguerite d’Autriche, duchesse de vol. 12, 1888: 187-234. Savoie. Lille, 1927, 496 p. servir à l’histoire de Marguerite d’Autriche, duchesse de Savoie, Jarrin 1887: JARRIN (Ch.). – Ce Chagny 1913: CHAGNY (A.). – Régente des Pays-Bas. Paris, 1860, Correspondance politique et admi- que vaut Brou comme œuvre 3 vol. nistrative de Laurent de Gorrevod, d’art. Annales de la Société conseiller de Marguerite d’Autriche, d’Emulation de l’Ain, 4e cahier, 1ère partie, 1507-1520. Lyon, octobre-décembre 1887: 309- 1913, CIX - 456 p. 400. 97 ANNEXE

PRINCIPAUX DOCUMENTS D’ARCHIVES CONCERNANT LES MARBRES DE BROU [1510, 30 juin] — Mandement de de tout nostre povoir et y faire eslever 1510, 20 et 25 novembre, Bourg — Marguerite d’Autriche à Simon de deux ou trois sepultures si riches et sump- Lemaire à Marguerite d’Autriche Chantrans, seigneur de Courbouzon, tueuses comme a telz prince et princesses (Paris, BN, nouv. acq. franç. 1412, auto- gouverneur et capitaine de Montmorot appartient, affin que ceulx qui les verront graphe) concernant les travaux de Jean Lemaire cy apres ayent occasion de prier Dieu à Brou pour les ames, pour lesquelles sepultures « Tres haulte, tres excellente princesse et (Arch. Nord, B 2219, n° 76038, fol. 1) dresser, en ensuivant l’exemple de noz ma tres redoubtée dame. Si tres humble- feux predecesseurs ducz et contes de ment que faire puis a vostre bonne grace «Nous avons despesché ung mandement Bourgoigne, nous soit mestier avoir bonne me recommande. patent ouquel, avec nostre bailly d’Aval quantité de marbre noir, lequel avons [...] arriva ung homme incogneu, lequel vous avons nommé et commis pour aider desja envoyé querir en Liege, et autre interrompit ma sollicitude et me présenta et assister Jehan Lemaire nostre Serviteur grand quantité de marbre blanc qu’on dit unes lettres sans dire de quelle part elles et Indiciaire présent porteur, à recouvrer albastre, dont avons entendu qu’il se treu- venoient; mais après que j’eus recogneu de par nous certaine quantité d’albastre de ve une bonne carriere au lieu dict de l’impression de vostre scel, ma très la carriere de Saint-Lotain, pour faire faire Sainct Lotain lez Poligny en nostre conté redoubtée Dame, je me levay sur bout en les sepultures, telles que entendons ou de Bourgoigne au baillage d’Aval, pour toute craincte, honneur et révérence, des- couvent de Saint Nycolas de Tolentin en lequel faire extraire et conduyre en quan- couvriz ma teste, humilay mon genouil, Bresse. Et pour ce que estes assez voisin tité convenable nous soit necessaire depu- baisay et adoray la figure de voz armes, de dudit lieu de Saint Lotain, il nous a ter et commectre ung personnaige a ce subjection et fidélité que je doy à icelles semble qu’il n’y a par de là homme souffisant et ydoine et a nous feable, perpetuellement, puis je leuz la super- mieulx seant pour prendre les paines et savoir faisons que nous, confians a plain scription telle: A nostre très cher et bien faire diligence en ceste affaire, mesme- des sens, loiaulté et bonne diligence de amé maistre Jehan Lemaire, indiciaire et ment à estre présent à faire tous les mar- nostre chier et bien amé serviteur et indi- historiographe de l’empereur Monsei- chez, tant de la traicte dudict albastre ciaire Jehan Lemaire, avons icelui com- gneur et père, et de Monseigneur mon comme du labeur des ouvriers et charroy mis et commectons nostre commissaire et nepveu. à ce nécessaire. si vous prions que avec serviteur especial en ceste partie pour fere ledict Jehan Lemaire vous y employez fere, solliciter et pourchasser l’attrait et Alors voyant par les tiltres, lesquelz je comme en vous, de ce et plus grantchose fourniture de la pierre d’albastre necessai- dessers petitement, qu’elles s’adressoient est nostre parfaicte fiance. si nous ferez re pour ladicte euvre, commettre les à moy, je les ouvriz et trouvay dedens: plaisir.» ouvriers sur ce propices, fere lever ledict «De par l’Archiduchesse et Contesse. albastre, icelluy tailler et traire de ladicte Chier et bien amé, nous avons veu une (Publié dans JARRIN (Ch.).- Brou. carriere de Saint Lotain par telz quartiers pierre d’albastre tirée en la perrière de Annales de la Société d’Émulation de et quantitez que lui et le maistre tailleur Saint-Lothain, laquelle maistre Loys, l’Ain, 1887: 388.) d’ymaiges en bailleront les eschantillons nostre secrétaire, nous a envoyée, et trou- et mesures, et d’illec les faire charrier vons par ceulx qui se y cognoissent que le jusques audict couvent de S. Nycolas de dict albastre n’est aucunement bon pour [1510, 30 juin] — Mandement de Tolentin lez Bourg en Bresse [pour] illec nos dictz ouvraiges. Par quoy ne seroit Marguerite d’Autriche à Louis de estre mises, en payant deuement et raison- convenable y mettre plus de dépense, ains Vauldrey, bailli d’Aval, et à Simon de nablement tout ce que en ce cas fera a se pourveoir ailleurs. Si ce n’estoit que Chantrans, gouverneur et capitaine de payer et frayer, et de ce fere lui avons celuy que se treuve en la fontaine de Montmorot, concernant l’albâtre des donné povoir, auctorité et mandement. Si Tourmond se trouvast bon, ainsi qu’on sépultures de Brou vous mandons, et a chascun de vous en nous a escript l’avez trouvé. Sur quoy (Arch. Nord, B 19182, n° 44515, minute droit soy si comme a luy appartiendra, désirons que nous advertissez bien et au de la main de Lemaire) que nostredict indiciaire et commissaire long de la vérité et que nous envoyez l’es- en tout et partout ou il vous requerra a sai par deça, affin de veoir ce que sera et « Marguerite, etc., a noz améz et feaulx l’execution de sadicte charge vous assis- quon n’en face la despense en vain. Chier conselliers Loys de Vauldrey, bailli d’Aval tez et faictes assister par noz subjects es et bien amé, Nostre seigneur soit garde de et a Symon de Chantran, gouverneur et mectes de vos offices, faisant par iceulx vous. Escript à Anvers, ce Xe doctobre capitaine de Mon[tmorot] et a chascun de nosdicts subjectz conduyre et charrier XVc et X. Signé de la main de vostre vous ou de voz lieuxtenans, salut. ladicte quantité de marbre même jusques excellence Marguerite. Et soubz signé Comme, apres le trespas de feu prince de es frontieres de noz pays de Bresse a pris Marnix.» bonne memoire nostre tres chier seigneur raisonable, cessants les contreditz et et espoux le duc Philibert de Savoie, cuy empeschemens a ce contraires et non obs- Madame, quand j’euz parachevé de lire Dieu absoille, Nous, pour la singuliere tant oppositions et appellations et sans vos dictes lettres, le sang me mua, tout amour et affection que lui portions en son prejudice d’icelles, car tel est nostre plai- entremeslé de craincte, vergogne et juste vivant, ce que ne debvons oublier apres, sir, et de ce vous donnons plain povoir, courroux ensemble, c’est assavoir de ayons a l’honneur de Dieu premierement auctorité et mandement special par ces craincte d’estre en l’indignation de vostre et consequemment pour le bien et remede presentes, nonobstant oppositions ou haultesse, et de honte pour autant que des ames dudict feu seigneur et de ses appellations quelconques. Donné...» vous m’estimiez mensongier et moins parens et aliéz, fait fonder et ediffier le souffisant à fournir ce que j’avois mis en couvent de Saint Nycolas de Tolentin lez (Publié dans BRUCHET (M.).- termes, et aussi de justes courroux contre Bourg en Bresse, ouquel lieu les corpz Marguerite d’Autriche, duchesse de ceulx qui vous avoient mal informée. dudict feu seigneur et madame Savoie. Lille, 1927, preuve XXXVII: Marguerite de Bourbon, sa mere et nostre 365.) [...] Et si le cas fust adveneue que j’eusse grand tante, reposent, et soit nostre inten- receu vos lettres moy estant sur vostre tion augmenter ledict ediffice et fondation perrière d’albastre en continuel labeur et 98 dangier, j’eusse tout laissé là, et m’en grisastre, basenne, plain de neux, et n’en veoir. Or eussent bien volu ceulx qui ont fusse alé plourer mon infortune ailleurs. treuve on sy non de petitz lopins; mais la charge de vostre dicte Saulnerie, que je Mais le mesme jour de la datte de voz celui de St Lotain est si noble que deman- me fusse abusé et arresté a cercher de l’al- lettres, les marchiez furent faictz de la dez. Seullement les quartiers quil vous bastre dedans icelle affin que l’on se fust grand sepulture par vos officyers de fault vous les trouvez, mais qu’il soit pos- mocqué de moy comme on fait deulx, Bresse, comme vostre sommelier sible de les charryer. Par quoy nous a esté mais Dieu mercy et vous, madame, je Rosalles, présent porteur, vous pourra nécessité d’en aléger les grandz pierres, n’estoie pas si depourveu de sens, ains me dire, car il estoit present à tout en ceste dont il en avoit deux qu’il failloit à chas- suis arresté au plus seur et au plus expéri- ville de Bourg. [...] cune xij chevaulx ou xxiiij beufz; et si menté et ay acquis, à vous, Madame, la Et encoires diz je à par moy ruminant sou- nous eussions laissé en son entier les deux dite perrière perpetuellement, qui est pas ventes fois vos dictes lettres: Or escript qui tenoient ensemble, il n’eust esté pos- petit tresor, et jay fait planter vos armes, Madame qu’elle a bien une pierre d’al- sible à homme vivant de les tirer hors du dont les moisnes de Baulme murmurent à bastre par moy tirée de la perrière de creux ne de les mener. Et sont les plus tort, car tous trésors et minières cachez en Saint-Lotahin, et dit qu’elle treuve par beaux bancz, les plus parfondz et les plus terre appartiennent au prince souverain. ceulx qui s’y cognoissent que le dict netz du monde. Et pleust à Dieu que ceulx Et touchant vostre dicte fontaine et sourse albastre n’est aucunement convenable qui se y cognoissent si bien eussent esté de sel, Madame, se je n’avoie peur que on pour ses ouvraiges, ains s’en veult pour- au travail en l’eau vifve jusques au feist peu d’estime de ce que j’en mettrois veoir ailleurs. genouil, comme nous estions. Car le vray en avant comme on a fait des autres Mon Dieu, diz je lors, pour une petite marbre ne se nourrist sy non en l’eaue, choses, j’abondonneroie ma vie en gaige pierre que je n’avoie pas envoyée et qui c’est assavoir l’albastre, et fault venir et ou cas que je ne vous y feisse ung si grand n’estoit synon l’ouverture et la monstre de cercher jusques aux sources vifves, les- service, que tous envieux en seroient des- la diligence du descombre, faut-il quelles il nous failloit estoupper de mous- plaisans et que jamais je n’auroie envers condemner toute la reste? Pleust or à se et de couroy, et encoires l’eaue sur- vous, Madame, reputation si petitte, car Dieu que Madame eust veu les beaux et montoit tellement qu’il la failloit espuiser en tel cas ne fault point gens qui ayment merveilleux quartiers en toute perfection! jour et nuit. Et tousjours en dangier de noz leur singulier prouffit et vaine gloire, mais Mais que sont ces grandz cognoisseurs de vies, à cause de la pierre qui retumboit. leur honneur, l’amour, la crainte et l’auc- par delà, qui ne cognoissent que l’albastre Par ainsi, Madame, en revenant à la lectu- torité du prince, et quilz soient fondez et des sépultures des princes à Dijon est le re des lettres de vostre excellence, je practicyens en l’art mathémactique et plus beau et le plus pollissable de tout le disoye à par moy: Ceste noble perrière géométrie pour sçavoir faire en gens monde? Or est cestuy cy du lieu mesmes, n’est avillie ni mesprisée sy non pour beaucoup exploittans et à peu de gens et et est en bruit la dite perrière passé deux autant que seigneur Lemaire a l’honneur de coust, et mesurer la haulteur des terres cents ans; mais elle a esté en désert par les de l’avoir remise et restituée en bruit, et et cadence des eaues, et la séparation des guerres, et si treuve on par les anciens icelle retrouvée à la plus grande gloire de sources dont je nay veu aucun qui se y tiltres de labaye de Baulme. Et pourquoy Madame, car telle est ma fortune. [...] entendit grandement en vostre dicte saul- eust on faict de toute antiquité tant de Doncques ma fortune est telle que je bas nerie. Et de toutes ces choses, je ne me cavernes par dessoubz terre et tant de des- toujours les buissons et ung autre prent les vante que bien a point. Mais, Madame, combre à l’environ, tant d’estansonne- oisillons. Ainsi m’en prent il a ceste heure vous avez entre les mains homme à ce mens de bois pour soubtenir le dessus, si de ceste perrierre d’albastre. Je suis doncq propice, riche de science, d’amyz, d’en- on n’eust estimé ce trésor bon et vaillable de semblabme qualité comme Cassandra tendement, d’ingeniosité, d’audace, en toute singularité? Maistre Anthoinet de laquelle estoit tres bonne devineresse, d’honneur, d’avoir et d’auctorité, et qui Paris, très singulier tailleur d’ymaiges ja mais jamais elle n’estoit creue ny auctori- desireroit de tout son cueur y faire son pièca trespassé, fut celui qui tailla la der- sée. Ainsi me passionnoie je à par moy, chief-deuvre à peu de coust pour honneur renière sépulture de Dijon, c’est assavoir Madame. Si vous supplie me pardonner de vostre excellence, laquelle il ayme et celle du bon duc Philippes, vostre grand de si long propos, car par vosdictes lettres l’honneure en tout lieu. Et pour nommer ayeul que Dieu absoille. Pourquoy eust-il il vous a pleu me donner auctorité de vous le personnaige, Madame, c’est vostre répudyé l’albastre d’Angleterre, où il ala advertir du tout bien au long à la verité, ce painctre et varlet de chambre, Maistre expressement pour en amener, et celui de que je feray presentement. Jehan de Perreal de Paris. Lequel tres Grenoble en Daulphiné et d’ailleurs, pour Madame, en tant quil touche ce quil vous humblement se recommande à la bonne s’arrester à celui de vostre perrière de plait me mander, que on vous a escript grace de vostre haultesse, et se presente à Saint-Lothain, se ce n’eust esté pour ce que j’ay trouvé et jugé qu’il y eust marbre l’employ dudict affaire. qu’il trouva par experience qu’il excédoit ny albastre en vostre saulnerie de Madame, jay esté par plusieurs fois sur le tous les aultres en valeur d’autant que Tourmond, saulve la grace de ceulx qui lieu de vostre dicte saulnerie de l’argent excede et vault mieulx que l’es- vous en ont advertiz pour faire leur cas Tourmond et note beaucop de choses des- tain ou le plomb? Et pourquoy en envoya bon, bien ay je dit qu’il y avoit quelque quelles je vous eusse bien volu advertir se le roy Louis XIe faire si grand fourniture apparence de gyp, qui sont les indices de j’eusse osé. Et se, Madame, on vous a rap- par le dict maistre Anthoinet, comme marbre, mais que il faudroit chaver beau- porté feablement l’industrie, la conduicte témoigne le capitaine Chantran et les cop plus parfond, avant que on peut et l’exploit dont j’ay usé à l’attrait de anciennes gens du pays, lesquelz jay exa- attaindre ledict marbre. Car certes, vostre marbre, on pourra bien conjecturer minez, sy non qu’il n’en povoit recouvrer Madame, le creux de vostre saulnerie en se je suis tel que j’osasse entreprendre et ailleurs de pareil? quoy on a besoigné tout lesté n’est pas si achever plus grands choses. Et madame, Il s’en treuve à Clugny qui ne vault riens, large ne si parfond que celui de vostre per- les entendemens ne valent riens qui ne les car ce n’est que croye. Il s’en treuve à rière ou je nay esté que six sepmaines et met en euvre, et l’acier s’en rouille s’il Salins qui vault encoires moins, car il est en mauvais temps, ne le soit trois fois plus n’est exercité. Doncques plaise Vous sca- meslé de sable et de troux et de vaines. Et en largeur, longueur et parfondeur. Car voir, sans que ie use de vantise, que ung qui plus est, Madame, depuis que on a ains avoir trouvé les bons bancz et par- jour de feste je menay sur vostre dicte sceu que je mettoie ce marbre icy en faictz jay fait creuser plus de LXXI piedz fontaine quinze ou seize de mes compai- avant, on m’en a apporté de vostre pays de de parfond et autant de large et cincquan- gnons besoignans en vostre perriere et les bresse. Et de fait c’est albastre, mais il est te en travers, qui est une chose horrible à feiz mettre la main à l’euvre en vostre 99 saulnerie, cest assavoir aux pompes et aux faire que laisser. Et je vous supplie tres (Publié dans CHAGNY (A.).- Corres- engins à tirer l’eaue. Si fut dit et sceu et humblement ne lavoir prins en mauvais pondance politique et administrative de divulgué partout à lenviron pour verité gré. Laurent de Gorrevod, conseiller de que mes gens en moins d’un quart dheure Madame, j’ay prié tres instamment vostre Marguerite d’Autriche, première partie, avoient destreu [distrait = ôté] leaue à sommelier Rosalles present porteur, 1507-1520, Lyon, 1913: 93.) force de bras, de plus que ceulx qui sont lequel a veu et entendu presentiallement ordinaires au labeur dudict ouvraige ne la plus grand partie des choses passées [1511], 4 janvier, Lyon — Jean Perréal à souloient faire en ung jour entier. Et certes touchant vostredict marbre et les marchiez Marguerite d’Autriche il y a de la lascheté beaucop. Et vous faictz de la grand sepulture, quil vueille (Coll. Feuillet de Conches en 1865) asseure, Madame, que ceulx de saint solliciter vostre excellence de me faire lotain sont voz meilleurs subgectz que je advertir du plaisir d’icelle sur tous les- « Madame, tant et sy très humblement que sache et tous robustes compaignons et de dictz poinctz, ou aucune partie diceulx, faire puis à vostre bonne grace me recom- couraige, et ont bien merité que sil vous ainsi comme il vous plaira, affin que je mande. plait leur faictes une gracieuse recompen- saiche comment je me doy conduire à la Madame, de tout mon cuer vous remercie se, car ils ont assez perdu au descombre reste. [...]» de lettres qui vous a pleu me rescripre, par quilz ont fait pour tirer vostre marbre. lesquelles j’ay bien entendu vostre bon Oultre plus, Madame, par vos dictes (Publié dans BANCEL (E.-M.). - Jehan désir et la fin et honeur où vous tendez, et lettres, il vous plait me commander que je Perréal dit Jehan de Paris, peintre et valet aussy ay congneu, par les lettres de mon- vous envoie l’essay dudict albastre et vous de chambre des rois Charles VIII, Louis seigneur maistre Loys [Barangier] et de er advertisse de toutes les circunstances affin XII et François I . Paris, 1885: 185 et sq.; maistre Jehan Lemaire le doubte en quoy de veoir ce que ce sera, et que on ny face et dans LEMAIRE DE BELGES (J.). - vous estes tant de l’alabastre que du mar- plus de despense en vain. Œuvres. Louvain, édition J. Stecher, ché. Madame, touchant l’alabastre il est Madame, avant la reception de vosdictes 1882-1891, t. IV: 396 et sq.) bel et blanc, grans quartiers et sain; et le lettres, je vous ay donné pleniere adver- plus blanc que je veiz piessa, qui est la tence de tout par mon nepveu. Lequel à richesse, mais ne dure, et la raison est ceste cause j’ay envoyé expressement 1510, 24 novembre, Bruxelles — bonne, car elle est tirée de frès, car, en sa devers vostre haultesse. Et se plustost Marguerite d’Autriche à Barangier mynière, elle estoit envyronnée de humi- eusse receu icelles vosdictes lettres, j’eus- (Bourg, ancienne collection Baux) dité, qui la tenoit molle, mais par temps se obey à icelles comme je doy. Mais j’ose sendurcit. bien affermer que la despense na pas esté « Très chier et bien amé. Nous avons veu Madame, mondit Seigneur maistre Loys grande ne faicte en vain, comme telle qui la piece dalbastre que Jehan le maire nous m’a escript que bien au long lui en fisse est sa voisine. Et n’est ladicte coustenge a envoyé de la perriere trouvée à Saint sçavoir, et de la bonté et de la nature: ce que gy ay faicte semblable à celle que le Lothain. Et pource que aucuns bons que j’ay fait et là verrez ce que j’en dis et e Roy Loys XI envoya faire sur le mesme maistres de pardeçà treuvent ladicte pier- seuz à la verité, sy vous plest de lire la lieu, dont pour les premiers fraiz le com- re fort tendre et tenant plus du gypse que lettre bien au long. Aussy il ira à Dijon missaire mania XVIIIc escuz d’or comp- dalbastre, qui seroit ung grand inconve- comme il m’a rescript et là pourra sçavoir tant. Je n’oseroie dire les autres mer- niant pour nostre ouvraige si ainsi estoit, tant de la pierre que du coust. Et, comme veilles qu’on en dit à Poligny, de peur Desirant à ceste cause en savoir la verité ditte, ce serait dommaige gaster les qu’on ne me creust. Mais je suis certain, escripvons audit le maire nous en envoyer deniers pour somptueux ouvrage, se la Madame, que si quelque autre qui eust eu aucunes autres pieces, affin que le fas- nature nestoit bône. port de sa nation envers vostre excellence sions bien veoir et visiter par gens Madame, je vous conseilleroie faire l’ou- eust este inventeur et executeur d’un tel congnoissans à ce, affin de non employer vrage plustot de marbre que d’aultre service, il en eust fait ung grand cas. Mais nostre argent en vain, et à ceste cause chose, et sy vous plest, voyez les raisons le proverbe commun dit que tousjours a aussi que le marchié, fait avec le tailleur pourquoy je le dis, ez lettre dudit maistre povres gens menue monnoye. de Salins [Thibaut Landry] de la sepultu- Loys. [...] La Tierce doleance que je vous ay re de feu monseigneur, nous semble fort Madame, j’ay fait veoir à maistre Loys le affaire, Madame, cest que le Receveur renchery de ce que ledit mayre nous avoit patron que je feis pour la sépulture du duc général de haynnau, Jehan de la Croix na dit, voulons encoires dillayez ledit mar- de Bretaigne, je luy ay à peu près donné tenu compte de voz lettres closes par les- chié pour deux mois prouchains, pendant par escript ce quelle couste et comment on quelles lui mandiez bien expressement lesquelz ferons, de pardeçà, fere la vraye y besongna et ainssy pourrez faire, mais que il m’eust a paier promptement à cause experience dudit albastre; et desirons que attendez ung peu. [...] de mon voyaige et commission mes aussi que secretement, et par gens Madame, je vous supplie veoir bien au gaiges d’un an entier, escheuz et encou- congnoissans à ce, la fectes fere depar- long ce que j’ay rescript à maistre Loys ruz, le dernier jour de serpembre derrenie- delà, et que de ce que en trouverez nous Barangier touchant la nature de l’ala- rement passé a cause de mon office de advertissez à la vraye verité le plustot que bastre, et ce que jen seuz, aussy du mar- Indiciaire. Ains a respondu, haultaine- pourrez. Et que vous enquerez où l’al- ché; car pour venir à la vérité j’entendoie ment qu’il ne feroit riens du contenu de bastre et marbre blanc dont ont esté fects que fussiez servie comme princesse et que vosdictes lettres, et que vostre secretaire les sepultures de feu messeigneurs noz la chose passast par les mains de grands Marnix qui les avoit despeschées, m’avoit predecesseurs à Dijon a esté tiré, dont ouvriers; jay bien au long tout escript. baillé une chanson, ce que non avoit, mais aussi nous advertirez pour, le tout enten- Dieu veuille qui soit à vostre gré. Des estoient ordonnéees de si bonne sorte du, declairer et fere ce que appartiendra aultres ne me chault. qu’on ne scauroit mieulx. Sur toutes les- audit affere, ouquel ne desirons riens Madame, je prie à nostre Seigneur qui quelles choses, Madame, de vostre espargnier. Mais aussi voulons que noz vous doint bonne et longue vie et le benigne grace, il vous plaira avoir regard deniers soyent bien employez et par comble de vos désirs. A Lion, ce iiije de et me y donner provision, et aussi me faire bonne raison. A tant, très chier et bien janvier. De vostre très humble et très rembourser de l’argent que jay frayé pour amé, Nostre Seigneur soit garde de vous. obéissant serviteur, Jehan Perreal, de la traicte et charroy de vostre marbre, en la Escript à Bruxelles, ce XXIIIIe jour de Paris, votre valet de chambre et peintre 100 faulte de voz tresoriers, cuidant mieulx novembre XXVcX.» indigne. » (Publié dans BANCEL (E.-M.). - Jehan Maiz, quant passerés à Dijon interroguez Ou que Madame la face faire de cuyvre Perréal dit Jehan de Paris, peintre et valet vous à gens qui bien en sçauront parler, doré qui sera plus riche, maiz non pas sy de chambre des rois Charles VIII, Louis quant à la nature, tant de blancheur, dures- bien fait, quelque bon patron qu’on face XII et François Ier. Paris, 1885: 201-203.) se que polissement, car sachez que la plus aux fondeurs qui la fonderont; car la blanche est la plus riche. La plus dure se matiere qui coule expresse, bave et enfle polit mieux; maiz toute alabastre sendur- choses subtiles, et quand ils la cuident [1511], 4 janvier, samedi, Lyon — Jean cit à la longue hors de sa mynière, par réparer, ilz gastent tout, et au lieu de faire Perréal à Barangier quoy je vous avertis que autant en avendra des cheveulz ils feront une queue d’es- (En 1865, coll. Fillon provenant de la à ceste cy qui est belle et fort blanche, toupes. coll. Feuillet de Conches) mais feroit bon que l’on n’y touschast Et pour eviter tout danger Madame la d’un an, et vous sçavez que je disoie tou- peult et doit faire de marbre pour le « Très cher et honoré Seigneur, humble- jours que l’on ne devait besongner que au mieulx, et suis de ceste oppinion et non ment à vostre bonne grace me recomman- nouveau temps; maiz maistre Thibault d’aultre, combien que ma dicte Dame, la de, vous mercient vos gracieuses lettres et vouloit toujours besongner. bonne et sage, sera bien conseillée [...]» celles de Madame [...] Quant à ce que demandez que je m’en- Monseigneur, pour respondre a vostre quière si l’oste du Grifon, de Lion, en a (Publié dans BANCEL (E.-M.). - Jehan première demande touchant la nature de vendu, car il en fit amener deux ou trois Perréal dit Jehan de Paris, peintre et valet l’alabastre, et que on luy a dit que le cous- de chambre des rois Charles VIII, Louis teau ne doit prendre dessus, je vous aver- belles grandes piesses, je vous respons XII et François Ier. Paris, 1885: 192-201.) ty, comme celuy qui en peult parler par que lesdictes piesses ont esté menées par troys raisons, la premiere, par la matière, Loire jusqu’à Tours à maistre Michel Colombe, lequel en [a] fait sépultures la seconde, par la forme substancielle, la [1511], 8 septembre, jour de la Nativité pour un évesque. Vous vous en pourrez tierce, par ses accidents, et vous di qu’il Notre-Dame, Bourg — Lemaire à interroguer, si je ne suis creu, maiz c’est la est deulx manières d’alabastre. La pre- Barangier vérité, et touchent ce que vous me mandez mière n’est pas blanche, mais déclinant (Arch. Nord, B 18853, n° 30209, auto- que j’en fasse faire atestacion de tout et aucunement à citrinnité. Et anciennement graphe) l’on en faisoit des vaisseaux, et le tenoit- combien vauldrait le pied dudit alabastre, afin de mieulx en avertir madame, certes on pour précieux, comme il est escript en « Mon tres honnouré Seigneur, humble- je vous respons, quant j’en parle à eulx ils l’Evangille: In alabastro unguentum pre- ment et tant de bon cuer que faire puis à ne sçavent que dire ne respondre à mes ciosum; et sont transparens ung peu et vostre bonne grace me recommande. Par proposicions ne de la nature, ne de la veyneux de doulce couleur, de leur nature les lettres que Madame m’a escriptes, bonté, ne des accidens, mais remetent tout plus froiz et aquatiques que terrestres, signées de vous et données à Bruxelles du à moy et disent qu’ils n’en sçauroient que combien que de terre et d’eau sont pro- VIIIe de Juillet dernier passé, jay cogneu dire, et je les en croy. créez toutes pierres, congellez par froi- vostre grand vertu, en laquelle Dieu vous Maiz, pour vostre acquit et descharge, deur, maiz procréez par chaleur; maiz maintiegne si longuement que je desire; vous ay bien voulu au long escripre de pour leur froideur estoient ordonnez à car par vostre moyen Madame est retour- ladite alabastre la nature; du pris du pied tenir unguens pour la conservation née à saine cognoissance de son albastre vous en savez mieulx la vérité à Dijon, et d’iceulx. et des marchiez faictz. pourriez ce monstrer ou dire à Madame; L’autre alabastre, quant à la matière, est J’ay receu les dites lettres de Madame à car comme dittes ès lettres que m’avez terrestre et aquatique, mais plus terrestre Lyon, environ la my-aoust, dont j’ay esté escriptes que passerés à Dijon et que yrés que aquaticque, et par conséquent plus remply de joye inestimable avec Madame en la chambre des comptes, pour sçavoir aprochent de siccité et de blancheur; car Jehan de Paris. Je faiz du tout response à où fut prinse l’alabastre des feux Ducz et là ou agist chaleur en siccité, la plus est Madame comme je suis bien asseuré combien elles ont cousté, certes je loue prochaine blancheur, comme il appert des qu’elle vous monstrera. Et pour ce, à bien cela et ferés bien se en prenés la os, et par conséquent plus dur. Quant à sa cause de briefveté, je ne le répète point peyne, que je croy ferés pour en respondre forme substancielle, elle est moins homo- icy. [...] au net à Madame et mieulx informer génée en son tout, pour challeur qui cause Monsieur, les deux aultres lettres que ceulx qui sont autour d’elle. [...] incinéracion en choses sèches par faulte Madame m’avoit escriptes, signées par Et pour ce que Madame ne me rescript d’humidité, qui est cause de ligament. Marnix, m’avoient navré jusques au cuer; que de l’alabastre et non pas du pris, et Quant à ses accidents, pour le premier, en mais la tierce signée par vous m’a remis que je voy qu’elle est en doubte, et aussy sa mynière elle est envyronnée de froi- sus, dont je vous scauray gré tant que je dit qu’elle aimeroit mieulx que son œuvre deur, qui répugne à la chaleur, et la tient vive [...]» humide et molle, et, quant elle est hors fust fait de marbre d’Italie, je vous veulx advertir de tout afin de mon costé m’en tirée, c’elle est de vieille ou longue roche, (Publié dans LEMAIRE DE BELGES estre acquitté envers ma dicte Dame de et est à l’air ung an ou plus, pourveu (J.). - Œuvres. Louvain, édition J. Stecher, mon devoir, et aussy afin que mieulx luy qu’elle ne sante la gelée, elle s’endurcit et 1882-1891, t. IV: 382-384.) blanchit de jour en jour. en diez la vérité, combien que luy en res- Je vous pourroie plus au long desclarer les crips, mais non pas tant amplement de deux natures en enssuivent les docteurs et peur d’ennuyer. 1522, 30 juillet, Brou — Procès-verbal bons philozophes, mais à présent je Je vous advertis conseiller à Madame des travaux exécutés en l’église depuis conclus qu’il n’est aultre nature d’ala- faire la dite sepulture de marbre blanc l’arrivée de Louis Van Boghem bastre que ces deux. prins à Genes et de marbre noir prins au (Arch. Ain, H 614, original) Et quant à ce que dittes que m’en enquiè- Liege, ainsy que la Royne [Anne de re aux maistres massons et tailleurs Bretagne] a fait; car, sans mentir, ce sera « Sensuit la declaracion de louvraige faict d’ymaiges, certes, je vous avertis en tel œuvre perpetuelle et de princesse. Quant et taillé en la fabrique de lesgliese et du cas n’y sçavent riens, ne de la nature de est de alabastre, il ne dure pas la moitié; couvent de sainct Nycolas de Tolentin de ladicte pierre, par quoy de moy seul vous car marbre peut durer mil ans bel, meiz Brou, qui a esté faict du temps que asseure, par l’article de devant, toute la non pas blanc, et l’alebastre ne saroit maistre Loys Van Boghen a heu la charge, natture, et n’y en scey point d’aultres. durer quatre cens ans, non pas trois. en ensuyvant la volente et ordonnance de 101 nostre tres redoubtée dame, tant ce qui est 1526, 14 avril, après Pâques, Malines — Me Loys lui fera douvriers, qui sera de faict dedans le dict couvent, de quoy en Contrat passé entre Marguerite trois bons ouvriers, au nombre des quelz feront messeigneurs les religieux la visita- d’Autriche et Conrad Meyt pour la gran- le frere du dit Me Conrard sera comprins cion, relacion et attestacion. [...] de statuaire des tombeaux de Brou aux raisonnables gaiges de ma dite dame; Touchant les sepultures et contretables. (Arch. Nord, B 19182, n° 44560, copie et luy fera aussi la delivrance des pierres Premierement, est faict ou bien pres les contemporaine) de marbre et dalbastre, necessaire pour l’ouvraige que dessus, ce que le dit Me quatres pilliers et cleres voyes et voltes au « Marché fait par ma Dame avec Me Loys a promis faire en presence que des- dessus de la sepulture de madame, que lon Conrard Meyt, taillieur dyamaiges, Ce sus. [...]» le voit tout a lentour selon son ordonnan- jourd’huy XIIII davril, anno XXVI, apres ce; et le marbre aussy est prest, et aussy Pasques. Présents MMrs le conte de (Publié dans BAUX (J.). - Recherches his- toutes les imaiges a lentour, sauf que reste Hochstrate, chevalier dhonneur, de toriques et archéologiques sur l’église de a faire les bassemens des pilliers et aul- Rosimboz, premier maistre dostel, Messre Brou. Bourg-en-Bresse, 1844, 2e partie: cunes pieces non achevees. Anthoine de Montecut, aulmosnier et 91-93.) Item, pour le contretable de madame sont confesseur, Jehan de Marnix, tresourier general de ma dite dame, et Me Loys Van faictes les sept joyes selon son ordonnan- [1527] — Relation des travaux exécutés ce, et la taille de la massonnerie est fort Boghen, commis par ma dite dame a la à Brou commencée pour mectre en sa chappelle. conduicte de ledifice de Brouz. (Arch. Nord, B 19182, n° 44560, original, Item plus, sont faictes pour mectre en sa Premierement a este dict et accorde que le cahier de 7 pages) chappelle cinq grosses imaiges dalebastre, dit Me Conrard se transportera dicy en environ cinq pieds de hault chascune, cest Bresse, au couvent de Brouz, pour besoi- « En obéissant au commandement à moy gnier aux sepultures que ma dicte dame assavoir une Nostre Dame, saincte fait par ma très redoubtée dame souverai- entend estre faictes en icelle eglise de Marguerite et saincte Marie Magdeleyne, ne princesse et maistresse Madame l’ar- Brouz, et selon le pourtraict pour ce faict chiducesse d’Austrice, ducesse et contes- pour mectre au dessus de la contretable de par le dit Me Loys Van Boghen; fera les la dicte chappelle; et sainct Andre et se de Bourgoingne et douairière de pieces que sensuyvent de sa main, assa- Savoye, dame de Salins, de Malines, etc., sainct Philibert, por mettre aux deux voir les visaiges, mains et les vifz, et au j’ay au mieulx que possible m’a esté, coustes contre le tas de charges, de quoy surplus se pourra faire aydier par son frere recueillir par Inventoire les ouvraiges de les tabernacles et reprinses son desia ou autres bons et experts ouvriers que Me son église de Brou lez sa ville de Bourg, posés. Loys lui baillera, comme cy apres est en son pays de Bresse, aussi que cy après Item, pour la sepulture de monseigneur le declairé. est escript. duc Philibert, la pierre de marbre noyr est Premier la figure et representacion au vif [...] En après les deux chappelles de prest de la moytie taillée et les vertus alen- de feu monseignr le duc Philibert de madicte dame, dont la principalle chap- tour. Savoye, illehecques reposant avec le lion pelle (c’est la chapelle de la Vierge) est à Item, pour la sepulture de feue madame couchant aux piedz, et alentour les six treze clef avec fuillatières pourtans les- enffans, dont les quatre tiendront ses Marguerite de Borbon, est assavoir que dictz armes et blason de madicte dame, armes et épitaphe; et les deux du millieu, toute la dicte sepulture est faicte et preste painctes et dorées, et tous les sièges lung les gantelletz, et lautre le timbre; et a poser, tant ymages que aultres d’icelle chappelle d’allebastre, chascung cecy se fera de marbre blanc. siège son arc remplir desdicts armes et ouvraiges, excepte le bassement du Item, fera audessoubz la figure de la mort, blason de madicte dame contenant les marbre noyr et le bassement des piliers. selon le pourject; et icelle figure sera dal- motz dessus diz [Fortune infortune fort Item plus pour monseigr le gouverneur bastre. une]. Et au desszoubz de marbre noir pour [Laurent de Gorrevod], a faict et achevé la Item, fera le personnaige de la figure et s’asseoir, et à chascun cousté ung taber- passion, cest assavoir les ymaiges de sa representacion de madame, au vif, avec le nacle où il y a un sainct Andrey et un contretable; touchant la massonerie ny a levrier couchant aux piedz, et alentour sainct Phelippe, et à l’entour de ladicte rien de fait, et est faict ung Ecce Homo. quatre enffans tenans les armoyries; le chappelle un larmier d’allebastre où sont Item, touchant monsr l’ommosnier et sa tout de marbre blanc. lesdictes armes et devises. [...] chappelle, les ymaiges des sept douleurs Et fera audessoubz la representacion de la Item y a une contretable toute d’allebastre sont faictes et achevées. Mais touchant la mort, dalbastre. pour madicte dame, bien richement massonnerie ny a rien de faict, excepte Item, fera aussi le personnaige de la repre- ouvrée et quasi preste à asseoir. sentacion de madame Marguerite de une ymaige de sainct Anthoine qui est Item la sépulture de madicte dame, Bourbon, mère de feu monseigr de laquelle est fort avancée, et me semble preste, que sera pour mectre en sa dicte Savoye, et quatre enffans alentour, tenans bien somptueusement et richement taillée. chappelle au dessus de laultre. les armoyries, lesquelles pieces il fera dal- Item plusieurs grandes et belles pièces de Item plus, sont faictes trois ymaiges de bastre, a cause que la dite sepulture est en marbre pour la sépulture de feu louable et alebastre, de quatre pieds et demy d’haul- lieu remot [écarté], qui ne se peult damp- très recommandée mémoire mons.r le duc teur chascune; cest assavoir: sainct neffier [détériorer] comme les autres. de Savoye à qui Dieu face grace et mercy. Augustin, saint Nycolas de Tolentin et Et quant aux vertus et autres pieces neces- Item y a en ladicte église de madicte saincte Monique, que sont pour mectre saires a faire autour des dites sepultures dame, la sépulture de ma dame de sur le grand hautel. Et ne reste dicelles par dessus ce que dessus, le dit Me Loys Bourbon qui est quasi achevée et aussi que de les polir. [...]» Van Boghen les fera faire sur sa charge; le fort bien menusée des riches ouvraiges. tout d’albastre comme il appartient. [...]» (Publié dans BAUX (J.). - Recherches his- Le dit Me Conrard rendra le tout fait et toriques et archéologiques sur l’église de perfait deuement au dit de maistre, deans (Publié dans QUINSONAS (Comte E. le temps et terme de quatre ans prouchain de). - Matériaux pour servir à l’histoire Brou. Bourg-en-Bresse, 1844, 2e partie: venant, a compter dois le XVe de may de Marguerite d’Autriche, duchesse de 86-89.) prochain venant, anno XVc XXVI, Savoie, Régente des Pays-Bas. Paris, 102 moïennant la bonne assistence que le dit 1860, t. I: 380-382.) [1528, juillet] — Mémoire des dépenses la charge, et despendit au dict voiage X ff. vacque le dict Guigo Thomas et Claude pour le charroi du marbre de Carrare – Item, pour les despens de frere Loys de Rodet aux troys voiages, douze jours, et le (Arch. Ain, H 614, copie contemporaine) Gleyrens et dun religieux son compai- dict Guiot et sa dicte jument, neuf jours; gnon, qui alarent, le XXIe jour de juing, comprins et encloux les salaires et des- « Sensuit ce que couste le marbre blanc, jusques a Vassalieu et par les villaiges pens des hommes preins pour ayder a achepté en la province de Carrara pres de aupres, pour scavoir si illec lon pourroit charger, et bestes pour aider a sortir des Pise, pour leglise de Brou, par le facteur avoir des bœufz de loage pour ayder a maulvais chemyns et passaiges et autres de sire Humbert Grilliet. amener les dictes piesses de marbre, et fraits necessaires, pour lesquelz a est livre – Premierement, pour IIIc LII [écus] combien cousterait ung joug de beufz XXXVIII ff. IV g. I fort. soleil et ung solz tournoys, que le dict sire pour jour, et despendit illec IIII gr. V d. – Item, pour les journees des troys Humbert, par ses comptes et parcelles, a – Item, pour les despens du dict frere hommes dessus només et de la dicte monstre a messeigneurs de la chambre Loys et de son compaignon qui sont ales a jument, a raison de quatre gros la journee des comptes avoir debourse tant pour Lion, et dillec ont amene on dict Neyron de homme, quest pour les douze jours des lachapt que pour la voiture et conduite du deux charretons pour marchander avec deux, cest assavoir VIII florins, et pour les dict marbre jusques au port de Neyron, eulx pour combien ilz ameneroient et ren- neuf jours du dict Guiot et de sa dicte lon lui a livré, monnoye de Savoye, XIIIc droient les dictes troys grosses piesses de jument, a raison de six gros pour journee, LXVII ff. VII gros. marbre avec la dicte piesse moindre à quatre florins et demy; ainsi montent en – Item, le jour de l’Ascension XXI de Brou, avec lesquels il accorda a IIII xx some XI ff. et demy. may fut transmis Loys Maillet, masson, frans, en leur promectant fournir un gros – Item, a Guiot, Planchier et Andre avec le serviteur du dict sire Humbert, char bien ferré et acoustré, et fournir des Dalmes, charretons de Lion, pour lamena- jusques au dict Neyron, pour veoir des- gens sur le lieu pour ayder a charger le ge des dictes troys grosses piesses et de la charger le dict marbre, et pour scavoir par dict marbre; et oultre ce, troys hommes dicte moyenne de marbre, du dict port de quel chemyn lon le pourroit dilec faire pour les conduyre pour les chemyns; et ce Neyron jusques à Brouz, marché faict par amener a Brou: le quel despendit en troys marché faict, il leur fist charger une des le dict frere Loys a IIIIxx frans, valans jours quil demoura, enclouz ung florin grosses piesses et la dicte piesse moindre, monoye de Savoye sept vingt six florins et pour le loage du cheval qui mena et huict et fus despendu au dict voiage VI ff. X gr. huict gros, qui leur ont este livrés; ainsi gros pour ses journées de deux jours V fors. est VIIxx VI ff. VIII g. ouvrans, III ff. VIII gros. - Item, pour les despens de maistre Loys – Item plus, au dessus dicts charretons, – Item, pour les despens de Loys Girard, et de son serviteur, qui alarent a Neyron, pour leurs domaiges et interets quils ont transmis avec une lectre missive du chap- le mardi VIIe jour de julliet, pour donner soubstenus en lamenage du dict marbre, pellein de Miribel, pour scavoir le moien ordre a faire charger la plus grosse piesse en quoy ils ont vacque et demeure XV par le quel lon pourrait faire amener le du dict marbre, fut livre III florins. jours, quatre hommes et neuf chevaulx qui dict marbre, enclouz cinq gros pour ses – Item, au filliastre de Mermet, le ferrier, ont rompu leurs roes et charrete, pour journees de deux jours ouvrans qui vac- a Francoys de la grange, mareschal, et a pitie et compassion de leur perde lon leur qua a ce, a este livré XI gros. François le royer, pour le rabilliage du a done XII ff. – Item, a Guiot le charreton, Jacquemo de dict gros char pour mener les dictes – Item, a Jehan Bertos, menuisier de Pontbo, et Roland Gallet, charretons de grosses piesses, le quel a este rabillie par Montluel, pour ses poines et vaccations Bourg, pour lamenage de cinq piesses du deux foys, enclouz six gros pour ung faictes apres le dict marbre, par le com- dict marbre moyennes du dict port de quarteron de groz clouz de roes, prins mandement de maistre Loys, compris le Neyron jusques a Brou, enclouz huict chieu George Mochet, e este livre IIII ff. florin deu a son messagier, a est compte gros et troys quarts que cousta le rabillia- VII gr. III ff. ge des roues, a este livré LV ff. IIII gros – Item, pour les despens de Guigo Some de la despence faicte dapuis Neyron Iquart. Thomas, Claude Rodet et Guiot le charre- jusques a Brou, IIc LXXIV ff. XI g. et – Item, pour les despens de maistre Loys ton, les quelz troys hommes lon a fourny deux grains. » et de sa compaignie qui allarent, le XVe et baille, pour aider a conduire les dicts jour de juing, au dict Neyron pour veoir le charretons pour les chemyns, avec une (Publié dans BAUX (J.). - Recherches his- moien de fere amener les troys grosses jument du dict Guiot, le quel ils ont mene toriques et archéologiques sur l’église de piesses de marbre et une aultre moyenne, apres le dict gros charg, pour porter Brou. Bourg-en-Bresse, 1844, 2e partie: illec estant encore; neantmoins ne peult engins et cordes necessaires pour charger 95-99.) trouver illec personne qui voulsit prendre et conduyre le dict marbre; a quoy ont

DISCUSSION François Braemer: Le rappel des textes fait par mademoiselle Poiret met en évidence le besoin de concordance entre ces derniers et les matériaux aujourd’hui visibles. En dehors de la répartition entre divers marbres de l’Apennin, comme celui à taches gris-bleu de second choix du corps du gisant supérieur de Marguerite d’Autriche, et les albâtres utilisés essentiellement pour l’architecture des tombeaux, leur décoration et certains gisants, il est incontestable que sont parvenus à nous des calcaires marmoréens noirs de types différents. On est aujourd’hui en présence du : – noir profond de Belgique, utilisé dans l’Antiquité que l’on voit aussi sur l’encadrement du registre inférieur du retable des Sept Joies de la Vierge et sur les réparations dont il a été l’objet; – noir à veines blanchâtres (de largeur pouvant, éventuellement, excéder 0,01 m) du type de la région mosane (plaque inférieure du tombeau de Philibert le Beau), employé dans la vallée du Rhin pour des tombeaux des Temps Modernes; – noir plus clair (plaque supérieure du tombeau de Philibert le Beau), possédant des traces de fossiles et pouvant être du type de Miéry (Jura). Aussi, deux types de recherche semblent encore s’imposer à Brou: – l’une, minéralogique, à propos de matériaux très différents, comme celui du type de Saint-Lothain, celui d’Etrurie méridionale et ceux d’Egypte, d’Afrique du Nord et de Turquie; – la seconde à propos des calcaires noirs, pour laquelle la mise en relation des textes du XVIe siècle et éventuellement plus tardifs, des représentations anciennes (dessins, gravures) et des morceaux en place — parmi lesquels ne sont pas exclus des morceaux du type de Miéry, qui pourraient être le fruit de transformations ou de réparations — semblerait indispensable pour aider à résoudre les problèmes qui peuvent se poser. 103 Fig. 1 – (Jura), église Saint-Sébastien. Autel secondaire de la Vierge. (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2002)

104 Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003 L’utilisation des marbres de Franche-Comté par la maison Bouvas de Bourg-Saint-Andéol (Ardèche) au XIXe siècle Brigitte FERET*

Résumé L’atelier Bouvas est fondé vers velles; d’autre part, ils fournissent Fondée vers 1830 par le fils d’un 1830 par un tailleur de pierres venu nombre d’éléments de mobilier tailleur de pierre originaire de la région du Jura, qui achète un moulin éta- religieux aux églises du Jura (fig.1). de Besançon, la marbrerie Bouvas bli sur un bras du Rhône en vue s’établit à Bourg-Saint-Andéol, sur un d’y créer une marbrerie. Pendant bras du Rhône, dans un ancien moulin LES TRAVAUX DE qu’elle transforme. plusieurs années, il travaille essen- RESTAURATION D’abord limitée aux travaux de mar- tiellement dans le domaine de la brerie funéraire et aux grands aména- marbrerie funéraire et lui associe Les marbres du Jura sont régulière- gements urbains, cette entreprise se de grands travaux d’aménagements ment employés pour remplacer des spécialise peu à peu dans le mobilier urbains, pour lesquels il emploie variétés de marbres italiens deve- religieux. Sa production, d’abord stric- des pierres pour la plupart locales. nues rares et difficiles à se procurer. tement locale, se développe peu à peu et la marbrerie entretient des rapports Petit à petit, l’atelier se développe Dans la majorité des cas, ces tra- particuliers avec la Franche-Comté. et tend à se spécialiser dans la mar- vaux concernent des autels de Cet intérêt se manifeste d’une double brerie religieuse, sans toutefois marbres polychromes du XVIIIe manière: les sculpteurs Bouvas utili- jamais renoncer à la commande siècle, qui ont souffert de mau- sent des marbres du Jura dans leur pro- civile (fig.2). vaises conditions de conservation duction et ils fournissent très large- ou bien dont le clergé estime qu’il ment la région en mobilier religieux. D’abord restreinte au dépar- L’emploi des marbres du Jura inter- est nécessaire de rajeunir l’esthé- vient dans deux cas: les restaurations tement, la clientèle des Bouvas tique ou souhaite en modifier la d’autels polychromes du XVIIIe siècle s’étend rapidement bien au-delà et conception d’origine. La marbrerie pour lesquelles les marbres d’origine la Franche-Comté constitue un Bouvas acquiert rapidement une sont devenus rares, la production d’ou- pôle d’attraction fort pour cette renommée dans ce domaine et se vrages nouveaux nécessitant l’emploi dynastie de sculpteurs, en raison voit confier un nombre important de marbres colorés. de ses origines familiales. L’intérêt La fourniture de mobilier religieux à la de restaurations. région est le second aspect de leur acti- pour cette région se manifeste vité, il ne peut être négligé bien que d’une façon double: d’une part, les Il est vrai qu’elle bénéficie de l’emploi des pierres locales n’y soit pas marbriers Bouvas emploient à conditions propices. La disparition dominant. plusieurs reprises des pierres originaires du Jura dans leurs Abstract travaux, tant ouvrages de *Conservateur, Archives départementales The Bouvas workshop was founded in d’Eure-et-Loir. restauration que productions nou- 9 rue du Cardinal Pie, 28000 Chartres, France. the early 1830s in Bourg-Saint-Andéol by a stone-cutter coming from the Jura department; it was established along an arm of the river Rhône in an old mill he bought in order to set up a marble factory. He started his business by selling fune- ral wares and doing public works for which he used mostly local stones. As the workshop developed, it specialized in marble religious items. At the begin- ning, the customers were locals but as time went on, they came from other parts of the country, mostly from the Franche-Comté area as the Bouvas family originated from there. The Bouvas sold a lot of religious fur- niture for Jura churches and they used Jura marbles to create new works; they also used them to restore 18th century polychrome altars as political circum- stances made it very difficult to buy ita- lian marbles. Fig. 2 – Dole (Jura), église du Sacré-Cœur de la Bedugue. Signature de l’atelier Bouvas sur l’autel secondaire de la Vierge. (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2002) 105 Fig. 3 – Dole (Jura), église du Sacré-Cœur de la Bedugue. Fig. 4 – Dole (Jura), église du Sacré-Cœur de la Bedugue. Autel secondaire de la Vierge. (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2002) Maître-autel. (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2002)

de la quasi-totalité des grands ate- un recensement général des varié- marbrier marseillais Dominique liers de marbreries à la Révolution1 tés de marbres disponibles en Fossati. Vers 1860, l’atelier Bouvas permet aux nouveaux-venus de France. intervient pour en réparer les proposer leurs services au clergé et consoles du gradin supérieur et d’assez vite se signaler pour cette Cette situation tout à fait favorable reprendre les placages de ses spécialité. Dans le même temps, donne l’opportunité à la marbrerie gradins et de son tabernacle. Seule une modification des habitudes de Bouvas de s’intéresser au domaine une petite note en marge du dessin travail dans la marbrerie religieuse, de la restauration. Cette activité est montre que les sculpteurs se grande utilisatrice tout au long du assez mal documentée dans son proposent d’utiliser une brèche XVIIIe siècle de variétés italiennes fonds d’archives qui comporte violette du Jura pour cette très colorées, est intervenue avec majoritairement des plans cotés — réparation, mais l’indication reste la rupture qu’ont entraîné le blocus destinés à l’exécution des ouvrages trop laconique pour que puisse être continental et l’interruption des de marbrerie par les ouvriers — et établie avec certitude la variété importations de pierres italiennes les poncifs employés par les exacte de marbre utilisée. pendant de longues années. sculpteurs pour reporter les Soucieux de se libérer des dépen- éléments de décors (suivant la C’est d’ailleurs une difficulté dances économiques — le marbre technique de la sculpture au constante: sur leurs notes, ces n’étant presque plus produit point). Ce dernier type d’ouvrage praticiens emploient des formules en France et les importations de ne fait pas l’objet d’une notice très sèches, puisque l’identité des variétés étrangères devenues individualisée à l’intention des marbres à employer relève pour très onéreuses —, le pouvoir ouvriers. Il paraît donc évident que eux de l’évidence. Cependant, il relance l’idée de recourir aux la trace de l’ensemble des est net que ce sont essentiellement ressources locales. Inaugurée sous restaurations qu’ils ont faites n’a pu les marbres du Jura violets et Napoléon1er, avec tous les concours être conservée; néanmoins, une jaunes et le Sampans qui sont mis (publiés dans le Bulletin d’encoura- part de celle-ci est bien attestée. en œuvre. Le jaune du Jura gement à l’Industrie) ouverts pour la remplace souvent le jaune de découverte de nouvelles carrières L’un de leurs premiers travaux Sienne, qu’ils avaient l’habitude ou la remise en exploitation de car- dans ce domaine concerne le d’utiliser en placage de petites rières abandonnées, cette idée est maître-autel de l’église paroissiale dimensions ou en incrustations sur reprise sous la Restauration par de La Ciotat (Bouches-du-Rhône), les autels, bien qu’il soit d’un jaune Héricart de Thury, qui entreprend produit en 1740 par le sculpteur- aux tonalités plus sourdes, moins

1. Seules quelques marbreries continuent à travailler jusque vers 1830: la maison Bastiani à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), l’atelier Mazzetti à Avignon 106 (Vaucluse). Fig. 5 – Dole (Jura), église du Sacré-Cœur de la Bedugue. Fig. 6 – Moiron (Jura), église Saint-Sébastien. Autel secondaire de Saint-Joseph. (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2002) Colonnette en brocatelle de Chassal (Jura) en façade de l’autel secondaire de la Vierge. (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2002)

éclatant. Il faudrait se livrer à un abandonné. D’autre part, tous les août 1890. Plus rarement, elles examen minutieux de l’ensemble changements, repentirs, modifi- consistent en éléments mineurs du des restaurations qui leur furent cations de matériaux ne sont jamais décor de l’église, comme les deux confiées au cours du siècle, afin précisés sur ces plans avant leur marchepieds en rouge du Jura four- de vérifier si les substitutions archivage. Toutefois, la seule indi- nis à l’été 1903 par les marbriers à proposées ont bien eu lieu: de cation d’intention de mise en œuvre l’église paroissiale de Lièvremont l’autel de la paroisse de la d’un type de pierre particulier prou- dans le Jura, pour les autels respec- Madeleine à Béziers (Hérault) à ve par sa seule présence l’intérêt tifs de la Vierge et du Sacré-Cœur, celui de la chartreuse de Valbonne à que les marbriers lui portent… ou l’autel en marbre rouge du Jura Valréas (Vaucluse), de l’hospice de fait pour la chapelle du cimetière de Pont-Saint-Esprit à Bessan-et- L’emploi de marbres colorés se raré- Grenelle à Paris en 1902. Boujan (Hérault) à l’Isle-sur-la- fie dans le mobilier religieux Sorgue (Vaucluse) et, enfin, à la au XIXe siècle. Si des autels poly- Il est évident que la longue liste chapelle des Princes de Monaco. chromes sont encore réalisés jusque d’ouvrages qu’expédient les Bouvas Tous ces travaux ont nécessité la vers 1850, s’inspirant de la produc- en Franche-Comté recèle d’autres reprise de placages descellés par tion de l’Ancien Régime, ils emplois de marbres du Jura (fig. 6), l’humidité ou le remplacement de disparaissent à cette période, chas- mais les matériaux ne sont pas tou- marbres rongés par la calcite. sés par la mode des «néo» — jours précisés et seul un retour néo-gothique ou néo-roman — qui minutieux aux sources et la compa- LES PRODUCTIONS NOUVELLES impose que l’autel soit uni, raison avec le mobilier permettrait employant une seule matière, pierre de mesurer exactement sa fréquen- Pour les productions nouvelles, la claire ou marbre statuaire, parfois ce. Sur les quatre-vingt-cinq situation est presque la même: les rehaussée de peintures ou de ouvrages environ qu’envoie cette mentions d’utilisation de marbres mosaïques (fig. 3 à 5)… Les com- maison dans toute la Franche- du Jura apparaissent régulière- mandes d’œuvres de marbres Comté, on compte soixante autels ment, mais ne donnent jamais la colorés sont donc exceptionnelles et maîtres-autels de marbre, pour nature exacte de la variété utilisée après 1850 et ne concernent majori- lesquels seize dessins seulement ou à utiliser. Le plan coté connaît là tairement que des ouvrages précisent que le matériau est du sa limite. D’une part, il n’est pas fait d’importance, comme le lambris en marbre blanc, le statuaire ou demi- de plan aux cotes — qui est un plan marbre jaune du Jura et rouge incar- statuaire si prisé entre 1850 et 1914. d’exécution destiné aux ouvriers nat pour la chapelle de la Vierge de Ce constat ouvre donc une large qui travailleront sur le chantier — la cathédrale d’Uzès dans le Gard, piste de recherches. Par ailleurs, un pour des ouvrages dont le projet est dont la commande est passée en élément du catalogue de la marbre- 107 rie — enregistré sous le numéro matière ont choisi les Bouvas pour RÉFÉRENCE 1208 — montre la méthode que les la réalisation de la chapelle funérai- BIBLIOGRAPHIQUE Bouvas utilisent pour trouver de re de la famille Cusenier à Ornans nouveaux clients parmi le clergé de (Doubs) en 1892? Cette impor- Archives départementales de l’Ar- dèche: 74 J fonds de la marbrerie Franche-Comté: en 1892, ils expé- tante réalisation prévoit un dient un tabernacle-échantillon à Bouvas (classé, répertoire en gros-œuvre en pierre de Lens cours). Besançon, à un M. Maillard dont la (Gard), mais les dessins sont muets qualité n’est pas indiquée. en ce qui concerne le décor, autel Un regain d’intérêt pour les et placages. marbres colorés du Jura se manifes- te entre 1900 et 1920, avec la Au total, si l’emploi, par cette réalisation de dessins d’autels dynastie de sculpteurs-marbriers, néo-baroques reprenant des poly- de pierres marbrières du Jura est chromies complexes unissant bien attesté, il faudrait une violets et jaunes du Jura. Il ne recherche complémentaire minu- semble pas qu’il y ait jamais eu tieuse afin de vérifier la réalité de d’exécution de ces dessins, les- l’utilisation de ces matériaux pour quels, pourtant, comportaient clairement l’intention d’utiliser le mobilier religieux. Ce contrôle jaunes, rouges et violets locaux. — consistant à rapprocher dessin et Dans le reste du corpus des œuvres ouvrage réalisé — constituera, il est destinées aux églises de Franche- vrai, une tâche de longue haleine Comté, les matériaux sont qui nécessitera du temps. Enfin, rarement indiqués ou ne provien- puisque les travaux civils n’ont pas nent pas de la région. Toutefois, il été envisagés ici, il convient de serait intéressant de vérifier signaler la fabrication par les quelles ont été les pierres mises en Bouvas de cheminées en marbres œuvre pour la réalisation du lam- du Jura, voire, peut-être, l’acquisi- bris «de marbre blanc et polychrome» fait en 1886 pour tion de ces mêmes cheminées à la l’église Notre-Dame de Lourdes à maison Gauthier, établie à Dole (Jura), numéro 938 du cata- Molinges (Jura), dont le catalogue logue des plans cotés. De même, figurait en bonne place parmi leurs dans un domaine voisin, quelle ouvrages de références.

108 ANNEXE

LISTE DES TRAVAUX EXÉCUTÉS PAR LA MARBRERIE BOUVAS COMPORTANT LA MENTION D’UTILISATION DE PIERRES DE FRANCHE-COMTÉ OU RÉALISÉS POUR CETTE RÉGION

Travaux numérotés: N° 938 Lambris en marbre blanc et N° 1155 Fonts baptismaux en pierre de marbre polychrome pour l’église Cruas jaune pour l’église paroissiale N° 538 Cheminée en brèche violette Notre-Dame de Lourdes à Dole de (Jura), 1890. du Jura pour m. Tendil, à Vallon- (Jura), 1886. Pont-d’Arc (Ardèche), s.d. N° 1189 Maître-autel en marbre blanc N° 942 Maître-autel pour l’église pour l’église de Châtillon (Jura), 1891. N° 582 Autel pour l’église Notre- paroissiale de Saint-Loup (Jura), Dame de Lourdes, à Dole (Jura), 1886. N° 1199 Maître-autel de l’église 1877. N° 950 Maître-autel en marbre pour paroissiale des Deux-Fays (Jura), 1891. N° 592 Réparation du maître-autel l’église paroissiale de Bréry (Jura), 1886. (XVIIIe siècle) de l’église paroissiale N° 1207 Tabernacle-échantillon envoyé de Marseillan (Hérault), 1878. à M. Maillard, à Dole (Jura), 1892. N° 970 Piscine en pierre de Lens pour l’église paroissiale de Gendrey N° 695 Autel de saint Claude pour N° 1236 Chapelle funéraire de la (Jura), 1886. l’église paroissiale de famille Cusenier, à Ornans (Doubs), (Jura), 1880. 1892. N° 989 Autels de la Vierge et de saint Joseph pour l’église paroissiale de la N° 1271 Fonts baptismaux pour l’église N° 736 Cheminée en jaune du Jura Bedugue, à Dole (Jura), 1887. pour M. Lachave, à Viviers paroissiale de Mélisey (Haute- Saône), 1893. (Ardèche), 1881. N° 1002 Appui de communion en pierre de Lens pour l’église N° 1272 Bénitiers pour l’église N° 747 Tombeau pour l’autel du paroissiale de Gendrey (Jura), 1887. paroissiale de Mélisey (Haute- Sacré-Cœur de l’église paroissiale Saône), 1893. de Ruffey (Jura), 1882. N° 1012 Appui de communion pour l’église paroissiale de la Bedugue à N° 1273 Maître-autel en marbre blanc N° 764 Tabernacle en marbre pour Dole (Jura), 1887. pour l’église paroissiale de Trésilley Dole (Jura), 1882. (Haute-Saône), 1893. N° 1014 Réparations à l’autel de la N° 838 Maître-autel pour l’église Vierge de l’église paroissiale de N° 1282 Autel en marbre blanc dédié à paroissiale de Moiron (Jura), 1884. Saint-Loup (Jura), 1887. Notre-Dame du Suffrage pour l’église paroissiale de La Vieille- N° 890 Cheminée en marbre jaune du N° 1015 Autel de saint Joseph pour Loye (Jura), 1893. Jura pour le château de la Borie, à l’église paroissiale de Saint-Loup Suze-la-Rousse (Drôme), 1885. (Jura), 1887. N° 1308 Réparations au maître-autel de l’église paroissiale de Loulle (Jura), 1894. N° 892 Autel en marbre blanc dédié à N° 1022 Autel de Notre-Dame du la Vierge pour l’église paroissiale de Rosaire pour l’église paroissiale de Lons-le-Saunier (Jura), 1887. N° 1320 Autel de saint Joseph pour le Montaigu (Jura), 1885. couvent des Filles de Marie à Lons- le-Saunier (Jura), 1894. N° 893 Autel en marbre avec retable N° 1073 Maître-autel pour l’église paroissiale de la Tour-de-Sçay en pierre pour l’église paroissiale du N° 1321 Autel de la Vierge pour le (Doubs), 1889. Vaudioux (Jura), 1885. couvent des Filles de Marie à Lons- le-Saunier (Jura), 1894. N° 1074 Maître-autel pour l’église N° 910 Appui de communion et paroissiale de Saffloz (Jura), 1889. carrelage pour l’église de Dole N° 1324 Socle de croix pour l’église (Jura), 1885. paroissiale de Loulle (Jura), 1894. N° 1075 Autel de saint Joseph pour l’église paroissiale de Saffloz (Jura), N° 1370 Réparations en pierre de Cruas N° 914 Maître-autel pour l’église de la 1889. Bedugue à Dole (Jura), 1885. rose du maître-autel des Dames de Saint-Maur à Lons-le-Saunier (Jura), N° 1115 Maître-autel en marbre blanc 1895. N° 933 Niche pour les fonts pour la chapelle du couvent des baptismaux de l’église paroissiale Filles du Calvaire à Lons-le-Saunier N° 1371 Maître-autel en marbre pour la d’Arlay (Jura), 1886. (Jura), 1890. chapelle de l’orphelinat Bourdault à Vesoul (Haute-Saône), 1895. N° 937 Maître-autel en marbre blanc N° 1145 Lambris en marbre jaune du pour l’église paroissiale de Gendrey Jura et rouge incarnat pour la N° 1477 Autel de la Vierge en marbre (Jura), 1886. chapelle de la Vierge dans la pour l’église paroissiale de Chaux- cathédrale d’Uzès (Gard), 1890. des- (Jura), 1897. 109 N° 1478 Fonts baptismaux en pierre de N° 1608 Autel en marbre dédié au N° 1725 Deux marchepieds en rouge Lens pour l’église paroissiale de Sacré-Cœur pour la basilique Saint- du Jura pour les autels latéraux de Chaux-des-Crotenay (Jura), 1897. Ferjeux à Besançon (Doubs), 1901. l’église paroissiale de Maisons-du- Bois-Lièvremont (Jura), 1903. N° 1485 Tabernacle « XVe » pour le N° 1635 Fonts baptismaux en pierre de maître-autel de l’église paroissiale Lens pour l’église paroissiale de N° 1736 Maître-autel pour de Chaux-des-Crotenay (Jura), 1897. Saulx (Haute-Saône), 1901. (Jura), 1903. N° 1500 Autel en marbre et retable en N° 1655 Autel de la Vierge en marbre N° 1783 Autel en marbre dédié à la pierre de Saint-Paul-Trois-Châteaux blanc pour l’église paroissiale de Vierge pour l’église paroissiale de dédié à la Vierge pour l’église Chaffois (Doubs), 1901. paroissiale de Beaufort (Jura), 1898. Gilley (Doubs), 1905. N° 1656 Autel de saint Joseph en N° 1517 Maître-autel et projet de chaire marbre blanc pour l’église N° 1784 Maître-autel en marbre avec (non exécutée) pour la basilique paroissiale de Chaffois (Doubs), ciborium pour l’église paroissiale de Saint-Ferjeux à Besançon (Doubs), 1891. Gilley (Doubs), 1905. 1899. N° 1657 Appui de communion en N° 1822 Fonts baptismaux pour l’église N° 1518 Autel en marbre dédié à la marbre pour l’église paroissiale de paroissiale Saint-Christophe à Vierge pour la basilique Saint- Chaffois (Doubs), 1891. Belfort (Territoire-de-Belfort), s.d. Ferjeux à Besançon (Doubs), 1899. N° 1666 Autel en marbre pour l’église N° 1521 Maître-autel et appui de paroissiale de (Jura), 1902. Travaux non numérotés: communion en marbre pour l’église paroissiale de Fontaine-lès-Luxeuil N° 1670 Autel et retable en marbre Autel en marbre rouge du Jura pour la (Haute-Saône), 1899. pour une église de Belfort chapelle funéraire du cimetière de (Territoire-de-Belfort), 1902. N° 1530 Deux autels en marbre dédiés Grenelle (Paris), 1902. à la Vierge et à saint Joseph pour N° 1671 Piédestal en marbre bleu Maître-autel de la chapelle du Refuge à l’église paroissiale de La Côte turquin pour une église de Belfort (Haute-Saône), 1899. Besançon, s.d. (Territoire-de-Belfort), 1902. N° 1531 Maître-autel en marbre blanc Autel du Sacré-Cœur pour l’église de N° 1672 Réparations à l’autel de la pour l’église paroissiale d’Onglières Vierge pour une église de Belfort Pontarlier (Doubs), s.d. (Jura), 1899. (Territoire-de-Belfort), 1902. Abat-voix pour l’église de Saint-Amour N° 1533 Maître-autel en marbre blanc N° 1690 Deux crédences semblables en (Jura), s.d. pour l’église paroissiale de marbre pour l’église paroissiale de (Jura), 1899. Saulx (Haute-Saône), 1902. N° 1563 Chaire en pierre de Lézinnes N° 1697 Maître-autel en marbre blanc pour la basilique Saint-Ferjeux à « demandé par M. Painchaud, Besançon (Doubs), 1899. architecte », pour l’église paroissiale N° 1564 Appui de communion en de Rennes-sur-Loue (Doubs), 1902. pierre de Lézinnes pour la basilique Saint-Ferjeux à Besançon (Doubs), N° 1699 Maître-autel en marbre blanc 1899. pour l’église de Maisons-du-Bois- Lièvremont (Doubs), 1902. N° 1565 Fonts baptismaux pour la basilique Saint-Ferjeux à Besançon N° 1714 Maître-autel en pierre de (Doubs), 1899. Nuits-Saint-Georges pour l’église de Saint-Lupicin (Jura), 1903. N° 1572 Maître-autel pour l’église paroissiale de Chaffois (Doubs), N° 1715 Autel avec reliquaire en pierre 1900. de Nuits-Saint-Georges pour l’église de Saint-Lupicin (Jura), 1903. N° 1573 Deux autels en marbre dédiés respectivement aux Sacrés-Cœurs de N° 1716 Deux autels en marbre blanc Marie et de Jésus pour l’église dédiés au Sacré-Cœur et à la Vierge paroissiale de Fontaine-lès-Luxeuil pour l’église paroissiale de Maisons- (Haute-Saône), 1900. du-Bois-Lièvremont (Doubs).

N° 1579 Autel en marbre dédié à sainte N° 1724 Deux autels latéraux pour Philomène pour la basilique Saint- l’église paroissiale de Bulle Ferjeux à Besançon (Doubs), 1900. (Doubs), 1903.

110 Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003 Le porphyre de Plancher-les-Mines (Haute-Saône) à Notre-Dame de Fourvière (Lyon) Dominique TRITENNE*

Résumé INTRODUCTION Pourquoi venir parler de porphyre de Haute-Saône au beau milieu de Porphyre, granit, onyx, rien ne journées d’étude consacrées aux saurait être trop beau pour orner marbres de Franche-Comté? le trône de notre souveraine Quelle idée saugrenue de venir par- Marie ler à Besançon du monument de (Joannès Blanchon à Pierre Bossan, Lyon qui fut le plus violemment lettre du 1er juillet 1877). décrié lors de sa construction, que ses détracteurs surnommèrent A la chute de l’Empire en 1871, la même « l’Eléphant renversé »? France sort de la guerre contre la Nous devons ce sujet à la géologie Prusse, Paris connaît la mise en de la Franche-Comté qui est œuvre des grands travaux d’Hauss- « têtue », et à un architecte du XIXe mann. Les communards, qui veu- siècle qui le fut tout autant dans ses lent transformer la France en une choix de matériaux. république décentralisée, laïque et Avant d’apporter les éléments de sociale, sont réprimés par les réponse, je dirai aussi, sous forme de troupes de Thiers. Mac-Mahon lui boutade: quel monument français succède et son gouvernement veut fit appel au plus grand nombre de Fig. 1 – Notre-Dame de Fourvière à Lyon. veiller au maintien de l’ordre (Cliché D. Tritenne) carrières françaises de marbres, gra- moral; des prières publiques sont nits et autres matériaux décoratifs instituées. Le Sacré-Cœur est bâti metteur en scène. Ce dernier pro- pour sa réalisation? La nouvelle à Paris, l’Opéra se termine. longea l’œuvre au décès du maître église de Fourvière. C’est imprégné de ces événements en 1888; puis, son fils, Antoine et suite au vœu des Lyonnais, que Sainte Marie-Perrin lui succéda à Abstract la première pierre de la nouvelle sa mort en 1917. Sainte Marie- 1 Why speaking about porphyry from église de Fourvière est posée le Perrin se retrouva donc Haute-Saône in a conference on 7décembre 1872 (fig. 1). rapidement avec un chantier énor- marbles of Franche-Comté? me à gérer, un architecte en chef What an absurd idea coming in L’architecte choisi par la commis- absent, mais heureusement avec Besancon to speak about the Lyon’s sion de Fourvière est Pierre Bossan un réseau d’amis, de fournisseurs, monument which was the most vio- (1814-1888), spécialiste de l’archi- de connaissances et de références lently decried during its construc- tecture religieuse, même si: qui l’aida gran-dement. Il n’hésita tion, such decried that its detractors l’œuvre qui en résulte, en raison de sa pas à déléguer, à se renseigner even called it «the reversed nouveauté même, n’est pas tout auprès de ses collègues archi- Elephant ». 2 d’abord comprise, et la violence, la tectes . Son ami et condisciple We owe this subject to the Franche- multiplicité des attaques sont en pro- architecte Jean Pascal (1837-1920), Comté geology which is «obsti- portion même de son mérite (Louis qui participa au concours pour le nate », and to an architect of the 19th Janmot, dans le Salut Public de Lyon, Sacré-Cœur de Montmartre, fut century who was also obstinate in numéro du 2 septembre 1890). aussi collaborateur de Charles his choices of materials. Garnier pour l’Opéra de Paris, ter- Before bringing elements of answer, Dans les faits, Bossan, malade et miné en 1875. Rien d’étonnant, I shall say as a joke: in what French retiré à La Ciotat, délégua dès dès lors, que des échanges de cour- monument was used the greatest le début la direction des travaux rier eussent lieu entre eux. number of French quaries marbles, sur le chantier à Louis-Jean granites and other ornamental mate- Sainte Marie-Perrin (1835-1917), * Chef d'exploitation, SATMA, site de Montalieu. rials? Fourvière's new Church. Route des Usines, 39390 Montalieu-Vercieux, son élève, qui en fut le véritable France.

1. Louis-Jean Sainte Marie-Perrin (1835-1917) épouse Reine-Amélie Desjardins (1845-1895) en 1865. Sainte Marie-Perrin eut cinq enfants, dont Antoine (1871- 1927) qui succéda à son père à Fourvière, et Reine (1880-1973) qui devint Mme Paul Claudel. Son beau frère Léon Charpy, basé à Saint-Amour dans le Jura, est l'auteur d'une Notice sur l'industrie de la marbrerie à Saint-Amour et sur les divers gisements de marbre dans le département du Jura (s.l. : s.n., 1880). 2. L'époque était celle des lettres de recommandations. A sa requête, ou de leur propre chef, de nombreux camarades d'école de Sainte Marie-Perrin le renseignent ou l'informent sur des matériaux décoratifs. Extrait d'un courrier d'Eugène Saint-Père à Sainte Marie-Perrin le 12 octobre 1885: si donc vous voulez bien lui confier quelques travaux de marbrerie, vous auriez, je crois, au point de vue construction et décoration, d'heureux résultats; les relations avec l'homme seraient plus agréables que celles avec un industriel (anima vilis), et ce faisant, vous recevriez l'expression de la reconnaissance de son ami, qui est votre ancien et bien affectueux camarade d'école. 111 Le style voulu par Bossan3 nécessi- ment le vert Campan pour les Le vert Maurin, de son village te dorures, bronzes et profusion de colonnes des chapelles de la éponyme des Alpes-de-Haute- marbres. La pierre de taille massi- Pentecôte et de la Nativité, four- Provence, référence incontour- ve domine à l’extérieur, le marbre nies en 1893 par les Établissements nable dans les serpentines, sera règne en maître à l’intérieur (nous Vienne de Lyon. utilisé pour les seize colonnes ados- entendrons par marbre, au sens sées aux murs latéraux. Elles sont large, le terme donné jusqu’au Son beau-frère Léon Charpy7, basé fournies en 1894 par les Établisse- XIXe siècle à toutes les roches sus- à Saint-Amour (Jura), lui recom- ments Vienne de Lyon. ceptibles de prendre le poli et non mande le 28 avril 1877, la maison celui des «ultras» qui, actuelle- Payen, à Saint-Gervais (Haute- Sa quête de matériaux verts lui fait ment, ne connaissent de marbres Savoie), pour son Jaspé du utiliser aussi des produits étran- que blancs). Mont-Blanc. M. Payen est le suc- gers: Vert de Suède de Norrköping Une des particularités de l’Empire cesseur de la « Compagnie des pour le socle de la Vierge du cibo- fut justement de mettre en vogue Jaspés du Mont-Blanc » qui fournit rium, colonnettes en onyx du des matériaux verts, qui allient douze colonnes de Jaspé pour Brésil, vert grec de Tinos (Grèce), si bien leur couleur aux bronzes l’Opéra de Paris. Il s’agit d’un vert de Gênes. Mais il ne fera pas et aux dorures. Chantre de ce matériau de tonalité générale vert d’aussi heureuses découvertes que modèle architectural: la crypte de clair à vert foncé, avec « d’écla- Charles Garnier avec son Spath- Visconti qui, depuis 1861, abrite tantes taches d’un rouge cramoisi fluor vert du centre de la France aux Invalides le tombeau de et d’un blanc éclatant »8. Sainte pour les balustres des balcons de Napoléon4. Marie-Perrin s’enquiert auprès de l’Opéra de Paris. M. Payen, mais n’utilisera pas son Mais le vert est une couleur rare matériau à Fourvière. Sa principale déconvenue viendra dans l’ordre minéral. Les véritables En 1877, l’Esterellite de Fréjus, quand, en avril 1891, avec plus de marbres verts sont à Campan et à fournie par Escalle et Viegl, est uti- huit mois de retard sur la livraison Estours dans les Pyrénées et, dans lisée pour les portes latérales de la prévue, les six colonnes en serpen- les Alpes, à Serennes (ne pas porte des Lions, ainsi que pour les tine de Serriou, destinées au confondre le vert de Serennes, colonnettes octogonales des tri- ciborium qui abritera la statue de la véritable marbre, avec le vert bunes de l’orgue, dans le chœur de Vierge Marie, « petit temple dans Maurin, serpentine située 9 km la basilique. Dans la même région le grand », arrivent à Lyon: une est plus loin)5. pourtant riche en serpentine verte, brisée, une autre est exécutée en Sainte Marie-Perrin se renseigne Sainte Marie-Perrin ne sollicitera deux pièces et les dernières pré- déjà pour les colonnes de 7,27 m de pas les carrières du Var. sentent des « poils » qui ne la nef en 1876, avant le choix défi- Toujours sur conseil de Charles peuvent donner aucune sécurité9. nitif du Bleu des Etroits du Siaix6, Garnier, en 1877, il questionne les La fourniture pour le ciborium, qui et Charles Garnier lui répond: carrières de Cipolin Antique du abritera la statue de Marie et le Cher confrère, je comprends que vous ne Saillon dans le Valais suisse, exploi- maître-autel au centre du chœur de vouliez pas de Campan rubané qui est tées par Guinand, Parisod et Cie. la future basilique10, consiste en six fort canaille, quant au Campan vert Leur beau matériau sera immédia- colonnes de 2,75 m de haut, 0,40 m pâle, il y en a de beau, il y en a de laid, tement utilisé pour quatre de diamètre à la base et 0,34 m à mais vous auriez de la peine à trouver colonnettes encadrant les fenêtres l’astragale. 14 blocs de la dimension que vous dési- du milieu du chœur de la crypte Sainte Marie-Perrin cherche donc rez (lettre du 26 octobre 1876). (croisées de l’abside donnant sur la un matériau vert pour remplacer Sainte Marie-Perrin utilisera finale- galerie). les colonnes livrées brisées.

3. Sur le style qualificatif de l’architecture de P. Bossan, lire: E. Hardouin-Fugier, Voir, revoir Fourvière, 1988, p. 193 et Thiollier, L’œuvre de P. Bossan, 1891. 4. Concernant les marbres utilisés aux Invalides pour la construction du maître-autel et du tombeau de Napoléon, il faut noter que de nombreux auteurs et de nom- breux documents, même d’époque, sont, par méconnaissance du sujet, à la source de beaucoup d’erreurs reprises par la suite. On peut cependant y reconnaître sans grande peine: - les colonnes torses et les balustres en grand Antique d’Aubert (Ariège); - le revêtement de l’escalier qui descend à la crypte, en vert Maurin (Saint-Paul, Alpes-de-Haute-Provence); - l’autel lui même en noir de Sainte-Luce (Isère); - le sarcophage du tombeau en porphyre rouge de Soksu en Finlande; - le socle en porphyre vert de Belfahy (Haute-Saône), travaillé à la graniterie Varelle au Pont de Miellin. 5. Bien que situés géographiquement à proximité l’un de l’autre (tous deux sont sur la commune de Saint-Paul, Alpes-de-Hautes-Provence), le vert de Serennes est un blanc veiné de vert (chlorite), d’origine calcaire; le vert Maurin est une ophicalcite dont l’origine n’est pas calcaire, n’en déplaise à ceux qui les confon- dent. Le vert Campan se trouve sur la commune éponyme (anciennement Sainte-Marie-de-Campan, Hautes-Pyrénées) et le vert d’Estours sur celle de Seix (Ariège). 6. A ce titre, Mme Hardouin-Fugier dans son ouvrage Voir, revoir Fourvière localise à tort cette carrière en Maurienne à Séez, alors que l’étude des archives montre que la carrière est à côté de Moûtiers (Tarentaise), sur la commune de Montgirod (Savoie). 7. Léon Charpy (cf. note 1.) fut l’heureux destinataire d’une série d’échantillons pour sa collection géologique, envoyés le 24 novembre 1879 par A. Violet, direc- teur des usines de Belvoye (commune de Damparis, Jura), ainsi que nous l’apprend un échange de courrier entre les deux hommes. Il serait intéressant de savoir si cette collection existe toujours. 8. Il s’agit là d’un matériau exceptionnel, sans équivalent. Deux documents le décrivent: le rapport Violet sur l’Exposition universelle de 1878 et un article de M. Jean Verrier : Les Jaspes du Berchat dans la revue d’histoire locale de Saint-Gervais (Haute-Savoie). 9. A ce titre, une recherche et une étude ont été publiées dans le n° 4 de Mémoires d’Obiou de mai 1999 (cf. bibliographie). La serpentine de Serriou était tirée de l’Alpe-du-Grand-Serre, commune de La Morte (Isère). 112 10. L’église de Fourvière a été consacrée basilique en mars 1897. LES ACTEURS

La Maison Alphonse Gence (fig.2)

Lors de ses recherches pour leur fourniture, Sainte Marie-Perrin avait déjà consulté en décembre 1889 Alphonse Gence, établi à Lure (Haute-Saône), qui lui avait proposé ses prestations en « granit rouge », « feuille morte » ou « gris- noir » précisant: Si vous n’étiez pas trop pressé, je pourrais avoir facilement du vert de Suède en blocs bruts et même des granits de Labrador suivant Fig. 2 – En-tête de papier-courrier de la Maison Alphonse Gence. (Fondation Fourvière, Lyon) l’échantillon que je vous adresse par colis postal. J’ai aussi du très joli Devant tant de zèle et d’insistance, L’entreprise Varelle (fig. 3) porphyre vert, mais la carrière se Sainte Marie-Perrin prend des ren- trouve malheureusement enfouie sous la seignements sur les carrières et les Dès 1877, Sainte Marie-Perrin fut, neige en ce moment (lettre du 1er fabriques de Haute-Saône auprès grâce à son beau frère L. Charpy, décembre 1889). d’Alfred Ducat, architecte à en affaire avec l’entreprise Félix Le lendemain, nouveau courrier Besançon qui lui répond le 29 Varelle, de Servance (Haute- nous apprenant que: décembre 1889: Saône), qui exécutera les deux L’échantillon n° 7 est le porphyre vert Vous avez été informé que parmi les colonnes en granit des Vosges pour des Vosges dont je possède un gisement principales maisons qui exploitent les la Porte des Lions. considérable qui est maintenant sous la granits se trouve celle d’Alphonse Gence En 1879, la société devient Varelle neige pour un mois ou deux. Je fais en à Ternuay (Haute-Saône) et des sœurs Sœurs, avec comme directeur tech- ce moment dans cette matière une Varelle à Servance. Je possède deux nique un certain Alphonse Gence importante série de vases de 1,90m de séries de très beaux échantillons de gra- qui y demeurera jusqu’en mai hauteur pour le Château de Chantilly nits de diverses couleurs provenant de 1880, époque à laquelle elle livrera (Architecte Monsieur Daumet de ces deux maisons. Les prix d’unités qui quatre colonnes en granit à Sainte Paris). Ces vases sont de toute beauté. s’y rapportent sont à très peu près les Marie-Perrin : A la suite de cet envoi d’échan- mêmes. Je sais que ceux de mes confrères Nous avons fourni des colonnes de la tillons, Sainte Marie-Perrin passe qui ont eu quelques rapports avec ces première nuance (porphyre mélaphy- commande à M. Gence d’une établissements en ont été satisfaits. Ce rique vert) de 3,3 m de long sur 0,25 m plaque gravée en porphyre vert. Le sont là les seuls renseignements qu’il me de diamètre, et de la deuxième nuance 24 décembre 1889, relance de soit possible de vous donner. (brèche porphyroïde rouge) de 3,33 m notre industriel: Les échanges suivants nous confir- de long sur 0,35 m de diamètre pour la Il serait assez tôt de commander les six ment que M. Gence envoie à cathédrale de Monaco. (signature illi- colonnes en granit trois mois à l’avan- Sainte Marie-Perrin divers échan- sible). ce, si la matière choisie faisait partie tillons de produits verts: vert de La correspondance continue sur des numéros 1 ou 8, mais choisie dans Grèce (Tinos), serpentine de dix ans avec différentes four- les autres numéros il ne serait pas trop Gothard (Suisse)12. Mais Sainte nitures. Nous nous arrêterons sur tôt que je sois fixé d’ici peu. Pour ces Marie-Perrin ne donna pas suite deux lettres de l’année 1889 qui colonnes, l’extraction est tout, car je auprès de cet entrepreneur. sont représentatives d’une période puis m’arranger pour avoir trois tours Néanmoins la suite nous rensei- charnière pour l’entreprise Varelle. de libre sur les neuf que je possède, pour gnera sur l’activité de M. Gence Quand en décembre 1879 décède faire votre commande. Vous pouvez qui ne semble pas avoir exploité François Félix Varelle, fils du fon- compter, Monsieur, que ce travail serait lui-même de carrière de porphyre dateur de l’entreprise, ses filles très soigné et d’un poli très brillant, vert, bien qu’ayant une usine lui reprennent l’entreprise, a priori irréprochable. A l’époque où j’aurais à permettant de réaliser de gros tra- sans régler le problème de la suc- les exécuter, ma série de grands vases vaux. Il fut aussi un habile négo- cession. La situation ne sera tran- pour son Altesse Royale, Monsieur le ciant et un très bon connaisseur en chée que dix ans plus tard. Duc d’Aumale serait fort avancée, matériaux, capable d’inquiéter ses Lettre à Sainte Marie-Perrin du 31 sinon achevée.11 concurrents. décembre 1889:

11. Cité par M. Darras, La marbrerie, 1912. 12. Tiré du Catalogue Dervillé à la fin du siècle dernier (6 août 1886): On est en train d’exploiter au Gothard une carrière de magnifique pierre qui serait au dire des hommes compétents, une variété très rare de serpentine, d’une résistance extraor- dinaire et pouvant s’utiliser mieux que toutes les pierres que fournissent les carrières suisses, soit dans les arts industriels, soit dans les arts décoratifs [...]. Tandis que le marbre exposé aux intempéries perd son poli, les monuments en serpentine du Gothard, bien qu’ayant été exposée pendant un an déjà à l’air et à la pluie, n’ont rien perdu de leur lustre. 113 indivis, est réglée. Noémie Zulma, sions que vous nous demandez, née le 25 décembre 1856 au Pont Monsieur notre administrateur vous de Miellin (commune de enverra demain le prix de ces colonnes Servance), a épousé en 1879 Jean- avec échantillons. Le directeur tech- François Cathlin, capitaine d’ar- nique. tillerie, de dix ans son aîné. Zulma Le 22 avril, remise de prix à l’archi- Cathlin-Varelle sera désormais l’in- tecte pour des colonnes de 2,75 m terlocutrice privilégiée de Sainte x 0,40 m en porphyre vert à 700 F Marie-Perrin pour l’affaire des l’unité. colonnes du ciborium de Fourvière. J’appelle votre attention sur ce fait: c’est que notre polissage est garanti C’est une habile négociatrice. Elle inaltérable et exempt de tout n’hésite pas, le 13 avril 1891, à faire encaustique. L’administrateur délégué intervenir l’abbé Delagrange, cha- A. Bourdon. noine honoraire, curé-doyen de Nouvel échange le 24 avril 1891: Servance, pensant qu’un avis aussi Si les colonnes sont faites en deux autorisé ne laisserait ni Sainte pièces, nous trouverons certainement Marie-Perrin ni la commission de dans nos carrières de porphyrite n° 9 Fourvière insensibles: de quoi les fournir, seulement mes mou- Monsieur, la maison Varelle de lurations des bracelets entraîneront une Servance, représentée maintenant par petite augmentation de prix. L’admini- l’aînée des demoiselles, mariée à strateur délégué. A. Bourdon. Monsieur Cathlin, capitaine d’artille- A la date du 25 avril, les choses s’ac- rie, qui a été le bras droit de son père célèrent et le marché va se traiter. dans l’exploitation durant la commu- nauté, est en pleine activité et sur le Les échanges de meilleur pied de fabrication, tant pour correspondance le suivi du travail que pour la facilité d’extraction de la matière première. Z. Cathlin à Sainte Marie-Perrin le Cette maison m’est parfaitement 25 avril 1891: connue et j’ose affirmer le plaisir qu’on Je puis obtenir des blocs de 2 m de long a de rendre témoignage à qui mérite pour colonnes en melaphyre de estime qu’elle est digne de toute confian- Belfailly, peut-être plus, mais je ne ce pour la délicatesse de son procédé, voudrais pas le promettre [...]. soit pour la convenance des ses pro- L’extraction des blocs en cette matière

Fig. 3 – En-tête de papier-courrier de l’entreprise Varelle. duits dans les différents genres de cette étant difficile, j’estime que ces colonnes (Fondation Fourvière, Lyon) fabrication. Monsieur Gence ne tra- nous coûteraient 600 F pièce rendues J’ai l’honneur de vous informer que je vaille plus je crois à son compte, il va bien emballées en gare à Lure. Si je viens de racheter la graniterie de mon du reste m’assure-t-on, quitter le pays. peux les avoir en une pièce, cela ne vous père que j’ai dirigée pendant long- Monseigneur Foulon, votre très digne coûtera pas davantage [...]. Il est bien temps. Toutes les personnes qui ont bien cardinal, notre ancien et regretté arche- entendu que ce travail serait d’un fini voulu me confier leur travail ont été vêque, a pu prendre une idée de la mai- parfait [...]. Je préférerais le mélaphy- satisfaites de la bonne exécution et de son en la visitant il y a quelques re de Plancher-les-Mines [...]. l’exactitude à livrer les commandes. années. Veuillez, Monsieur, agréer l’ex- Veuillez adresser désormais vos lettres pression de mes respectueux hommages. A. Bourdon à Sainte Marie-Perrin à Madame Cathlin née Varelle, ancien- Une telle lettre de recommanda- le 29 avril 1891: ne maison Félix Varelle Graniterie du tion est assez éloquente par elle- L’échantillon qui vous a été communi- Pont de Miellin à Servance Haute- même et se passe de tout commen- qué par M. Gence [...] et qui est étique- Saône. taire... té porphyre vert de Saint-Barthélemy Au-delà de ces précisions pure- peut vous être fourni par notre société. ment techniques, la signataire A cette date du 17 avril 1891, entre Je ne connais à Saint-Barthélemy rajoute, car la lettre est datée du 31 en scène le troisième acteur. qu’une seule carrière et c’est nous qui en décembre 1889: avons la concession. Pour vous éviter A l’occasion de la nouvelle année, rece- La société anonyme des des ennuis qui ne manqueraient pas de vez Monsieur, nos meilleurs souhaits et Granits et Porphyres des surgir et pour vous renseigner sur la nos bien respectueuses salutations. Vosges (fig. 4, 5 et 6) situation du concurrent qui nous est Z.Cathlin. opposé, voici en communication deux Cette maîtresse femme est une des Consultée par Sainte Marie-Perrin, lettres qui vous édifieront. filles de Félix Varelle. Après dix la société répond: Voudrez-vous avoir l’obligeance de me ans de « communauté » avec ses Nous pouvons vous fournir des les retourner après en avoir pris 114 sœurs, la succession, sans doute en colonnes en porphyre vert des dimen- connaissance. Nous ne connaîtrons malheureuse- ment pas la teneur de ces deux lettres. M. Jeannerot, de l’archevêché de Lyon, à Sainte Marie-Perrin le 1er mai 1891: Cher Monsieur, j’ai reçu ce matin de très bons renseignements de l’usine de Ternuay, laquelle appartient à la Société anonyme des Granits et Porphyres des Vosges dont le siège social est à Paris [...].

Z. Cathlin à Sainte Marie-Perrin le 1er mai 1891: Il n’y a que moi dans le pays qui puis- se vous fournir le mélaphyre de Plancher, ayant seule la carrière, si je vous dis cela c’est que je viens d’ap- Fig. 4 – En-tête de papier de la société anonyme des Granits et Porphyres des Vosges. (Fondation Fourvière, Lyon) prendre que M. Gence [...] était aller y chercher des échantillons. Je viens de revoir encore la carrière de Belfailly. Il ne serait pas possible d’avoir des blocs de 2 m pour les six colonnes, j’en aurais tout au plus deux, tandis qu’à Plancher-les-Mines, j’ai de beaux blocs [...]. Veuillez être assez bon pour me donner la préférence vous verrez que vous serez satisfait.

Z. Cathlin à Sainte Marie-Perrin le 4 mai 1891: Il serait peut-être bon que vous veniez pour vous rendre compte de ce que nous pouvons vous fournir et l’effet que ça fait en grands blocs, je vous ferais voir mes carrières et alors vous verriez mieux ce que vous avez à faire, nous pourrions discuter les prix et terminer cette affaire. Fig. 5 – Papier publicitaire présentant la société anonyme des Granits et Porphyres des Vosges. (Fondation Fourvière, Lyon)

Z. Cathlin à Sainte Marie-Perrin le 11 mai 1891: Je viens de recevoir en même temps la lettre de l’avis de la gare de Lure que le colis postal y est arrivé, je vais la remettre signée au courrier qui me l’amènera seulement demain, mais je sais de quel porphyre il s’agit, à Saint- Barthélemy la carrière est à peine ouverte et ne peut donner que de bien petits morceaux sans défauts, les blocs en cette matière ne peuvent pas s’obte- nir en grandes dimensions sans défauts ou ce sont des fils qui les coupent ou de grosses mises jaunes. Nous avons une carrière de porphyre vert à Ternuay, ce serait difficile, peut-être même impos- sible de trouver ces dimensions [...]. C’est en mélaphyre de Plancher-les- Mines qu’il faut faire ces colonnes. Fig. 6 – Papier publicitaire présentant la société anonyme des Granits et Porphyres des Vosges. (Fondation Fourvière, Lyon) 115 LE MARCHÉ Plancher-les-Mines, il ne peut y avoir la carrière du Laurier, la carrière d’erreur sur ce point. Ces deux méla- Baroni et celle où est implantée Et enfin, après tout le travail de phyres peuvent aussi s’appeler du gros l’usine Kibros, mais aucune ne cor- Zulma Cathlin-Varelle pour l’em- serpentin. Nous avons encore un plus respondait au faciès recherché. porter sur la concurrence, le 13 mai petit serpentin mais nous n’avons pas le contrat est passé. de carrière, nous le trouvons en blocs Heureusement, le contact oral avec erratiques de grandes dimensions. un « ancien », qui nous dirigea sur Le contrat la route entre Plancher et Belfahy, Le gisement, l’extraction, le nous a mis sur la bonne voie. En La maison Cathlin-Varelle de Servance transport limite des deux communes, des (Haute-Saône) s’engage à livrer en murettes de soutènement, en bor- deux mois à dater de ce jour, rendues La correspondance dure de route, construites avec des soigneusement emballées et franco sur Le 16 juin 1891: blocs correspondant au faciès sont wagon à Lyon, les six colonnes mono- Vous pouvez être sans inquiétude, je visibles en de nombreux endroits lithes du ciborium de Fourvière. presse le plus possible l’extraction qui dans la forêt Saint-Antoine. Le Les six colonnes seront exécutées en por- serait déjà terminée si nous n’avions eu temps extrêmement pluvieux le phyre vert conforme à l’échantillon un tel temps depuis trois semaines. Les jour de notre visite ne nous permît désigné sous le nom de mélaphyre de derniers orages ont tellement dégradé malheureusement pas de trouver le Plancher-les-Mines n° 12, envoyé à les chemins qui vont dans le bois, c’est à site exact de la carrière, certaine- l’architecte, mesurant deux mètres dire celui qui va à notre carrière, qu’il ment enfouie sous la végétation. soixante et quinze centimètres de hau- y est impossible aux voituriers de s’y Nous avons pu recueillir un bloc teur, quarante centimètres de diamètre hasarder avant que les principales d’une vingtaine de kilogrammes filet inférieur et trente quatre centi- réparations ne soient faites. Elles dans un stock rassemblé par un mètres de diamètre de l’astragale. Elles seront terminées dans trois jours me entrepreneur de maçonnerie de seront polies et présenteront le brillant dit-on. Belfahy, dans le village. Le mau- le plus parfait sans encaustique [...]. Le Le 23 juillet 1891: vais temps, lors de notre passage, prix de chaque colonne est de huit cents Je comptais avoir de magnifiques blocs nous a fait comprendre ce que vou- francs [...]. Il est entendu que la matiè- qui étaient extraits en carrière et qui ne lait dire Zulma Cathlin à Sainte re sera parfaitement saine, sans poils, laissaient voir aucun fil, mais en les Marie-Perrin en mentionnant: ni délits. On laissera de côté les blocs découpant, il s’est trouvé des fils qui les les derniers orages ont tellement dégra- qui donneraient des taches trop claires coupaient à 2 m, 2,5 m. dé les chemins qui vont dans le bois, ou trop noires dans la pâte et les six Nous avons beaucoup de blocs de cette c’est-à-dire celui qui va à notre carriè- colonnes devront présenter une physio- dimension, mais nous avons eu toutes re, qu’il est impossible aux voituriers nomie uniforme, de cristaux vert pâle les peines du monde à arriver à 2,75m, de s’y hasarder [...]. dans une pâte vert sombre. nous en avons eu plusieurs auxquels il L’ancien, qui nous permît de situer ne manque que quatre centimètres, il y a le gisement, précisa que de nom- Le choix du matériau encore une en chantier à laquelle il ne breuses fois les attelages de bœufs Comme précisé dans le contrat de manque que trois centimètres sur 0,10 avaient été entraînés par le poids vente, le matériau utilisé est bien de largeur. des blocs... le porphyre de Plancher-les-Mines. Il n’y a rien de plus ingrat que l’extrac- La description qui en est faite (cris- tion du porphyre et du mélaphyre, nous Toujours pour la partie extraction, 3 taux vert pâle dans une pâte vert avons tiré plus de 50 m de mélaphyre le Rapport sur les marbres et machines sombre) corrobore l’échantillon pour les avoir malgré le mauvais à travailler le marbre de l’Exposition recueilli sur place et les six temps continuel qu’il a fait pendant les Universelle de 1878, édité par la colonnes du ciborium. Il est donc six premières semaines. Société des Ingénieurs civils à la préféré au porphyre vert « clas- Plus d’un à ma place aurait renoncé à Librairie scientifique, industrielle sique », type socle du tombeau de les fournir en une seule pièce. Je suis des et agricole E. Lacroix (Paris, 1879), Napoléon. Il est aussi souvent plus heureuse d’avoir pu y arriver, dont le rédacteur, pas toujours nommé mélaphyre. quand tout chacun à un moment donné impartial car partie prenante du croyait la chose impossible, je n’ai directeur des usines de Belvoye Il semble que la maison Varelle soit qu’un regret c’est d’avoir un peu de A. Violet, nous dit au sujet de l’en- la seule à exploiter cette matière. retard dans la livraison, ce qui ne pou- treprise Varelle: Description des mélaphyres faite vait manquer avec tant d’imprévu. L’extraction de ces produits se fait à ciel par Varelle le 17 avril 1891: ouvert, à l’aide de coins et de chevilles Je peux très bien vous livrer des Commentaires en acier disposés sur le pourtour du colonnes de porphyre vert que nous Nous nous sommes rendus sur bloc à détacher et enfoncés graduelle- nommons mélaphyre de Plancher-les- place à Plancher-les-Mines où exis- ment dans la masse. La poudre n’est Mines des dimensions que vous donnez. taient, outre les mines de cuivre, employée qu’exceptionnellement pour Celui qui est le plus noir provient de plomb et argent, des carrières de des dégagements de roches. notre carrière de Belfailly, tandis que le matériaux de construction à proxi- Par la correspondance entre l’en- 116 plus vert sort de notre carrière de mité du village. Nous avons visité treprise et l’architecte, nous com- prenons que le rendement est l’on disait même qu’elle devait être expositions. Les références déjà faible, soient 50 m3 tirés pour au mise en liquidation, il y a environ connues sont nombreuses et nous total six colonnes de 0,345 m3 quatre ans qu’elle existe [...]. en avons apprises quelques autres (environ 4 %). Remarquez bien Monsieur Sainte par la correspondance (cathédrale Il s’est trouvé des fils qui les coupaient Marie-Perrin, que le porphyre que je de Monaco). L’entreprise est éta- à 2 m, 2,5 m [...] nous avons eu toutes vais vous fournir est une matière rare blie depuis 1835 en bordure de les peines du monde à arriver à 2,75m. que personne n’aurait pu vous fournir l’Ognon, au Pont de Miellin. Elle Le gisement doit effectivement et qui ne se compare même pas au gra- en est à la troisième génération13. être très faillé, péturé, même si nit. Lui étant bien supérieur, aussi L’énergie motrice est d’origine plus loin Zulma Cathlin nous pouvons-nous avoir plus facilement de hydraulique (la rivière). Son équi- apprend que: grandes dimensions dans les granits. pement comprend des châssis, des Par extraordinaire, nous avons eu Le 13 août 1891: scies et deux tours puisque les deux colonnes (sur les 6) de 4 m de long Je ne crains pas que l’usine de Ternuay colonnes sont fabriquées par deux. qu’il a fallu couper pour faire les travaille mieux que nous, je n’ai Les tours acceptent des colonnes vôtres. Si vous avez des commandes de jamais eu la curiosité de visiter leur de 4,5 m de long. Sa production colonnes de 1,5 à 2m [...]. usine ni leur travaux, mais notre nous est décrite en 1878, toujours représentant de Paris qui a pu compa- par A. Violet: La transformation et la gravure rer le fini du travail m’a dit plusieurs Les produits ne sont jamais vendus fois: je ne crains pas Ternuay, car ils bruts, mais ils sont façonnés dans les La correspondance exécutent mal [...]. Vu le fini parfait ateliers mécaniques que possède Le 15 mai 1891: que je désire vous livrer, et les trois M.Varelle, au centre de ses extractions. J’estime que la gravure que vous me jours de fête que nous allons avoir (car Les granits et la syénite ordinaire de demandez, très bien soignée, vaut 60 F le 15 août est la fête de Servance par Servance sont employés pour monu- par colonnes, si vous trouvez que c’est conséquent comme elle tombe un samedi ments funèbres, piédestaux, colonnes, trop, je laisse ce prix à votre appréciation. c’est toujours fête le dimanche et le vasques, etc. Le 16 juin 1891: lundi), je n’ai pas pu obtenir qu’ils La syénite-corail, le porphyre vert, les Nous avons déjà deux colonnes au travaillent le lundi. serpentines, sont employés pour objets taillage, sous peu de jours on les mettra Le 29 août 1891: de luxe, cheminées, vases, pendules, au tour pour les polir, pendant ce temps La gravure a été beaucoup plus diffici- guéridon. les autres arriveront. C’est bien le le et beaucoup plus longue à faire que je Les six colonnes doivent être même porphyre que l’échantillon que je m’y attendais, l’on est resté presque le rigoureusement identiques, dans la vous ai envoyé. Je ne remarque point de double de temps que pour la gravure matière et dans la finition. Elles tâches qui puissent gêner à l’aspect sur le granit ou sur le porphyre, cela subissent une première ébauche général [...]. Je désire faire faire la gra- tient à ce que l’on rencontre des parties manuelle (taillage) avant d’être vure au fur et à mesure que les colonnes excessivement dures qui doivent être en présentées au tour. Par passes suc- seront polies, par conséquent veuillez je espèce le quartz et dans lesquelles l’ou- cessives, elles sont réduites à leur vous prie ne pas trop tarder pour til ne voulait pas pénétrer (c’est la diamètre définitif, légèrement envoyer le dessin des gravures. première fois que nous gravons dans tronconique (0,40 au filet inférieur Le 23 juillet 1891: cette matière) [...]. Comme vous pouvez et 0,34 à la cime). La matière est Deux colonnes sont au polissage, l’on en juger, j’ai placé bien exactement ensuite polie afin de l’amener au va chercher les dernières la semaine comme vous le désiriez les 16 grosses et brillant désiré. prochaine. les seize petites feuilles autour de la Et c’est sur le produit fini qu’inter- Le 3 août 1891: colonne. viennent les graveurs. C’est dire Deux des colonnes sont terminées de Le 11 septembre 1891: que le moindre écart est interdit, polir, l’on va se mettre après les gra- L’on tient la gravure de la dernière car tout éclat enlevé ne peut être vures [...]. Trois tailleurs de pierre colonne, d’après le temps que l’on a mis recollé. Le matériau très dur résis- travaillent après chaque, de façon à pour graver les autres [...]. te à l’outil. La gravure manuelle du arriver à vous les fournir pour le trois Le 19 septembre 1891: porphyre de Plancher-les-Mines comme vous le désiriez. J’active le plus que possible le travail est une première pour l’entreprise. Le 7 août 1891: des colonnes, elles sont toutes polies, La société des granits des Vosges établie c’est la gravure qui en retarde l’envoi. L’expédition, la livraison, le à 4 km d’ici, a été formée par un gérant paiement de notre maison qui a appris à tra- Commentaires vailler dans notre maison, par Dans ces deux parties de la four- La correspondance conséquent le travail ne peut être supé- niture, apparaît le véritable savoir- Le 16 juin 1891: rieur, ils ont de plus des ouvriers qui faire de l’entreprise Varelle. Pour Si j’avais les blocs ici, je ferais tra- ont été formés par nous, sans quoi ils mémoire, c’est elle qui a livré le vailler la nuit et le jour, ça irait vite, n’auraient jamais rien pu faire. porphyre vert du socle du tombeau malgré le retard que ce mauvais temps L’hiver dernier cette maison se trouvant de Napoléon. Elle recueille régu- nous a donné, j’espère également pou- sans travail et sans fonds de réserve, lièrement des médailles aux voir les livrer en temps voulu. 13. A ce sujet, lire l’ouvrage Granit, la pierre et les hommes de François Durand. 117 Le 13 juillet 1891: Les colonnes sont en chantier, je ne puis encore vous préciser le jour de l’envoi, nous travaillons très tard le soir, pour rattraper le temps qu’a pris l’extrac- tion qui a été la plus pénible, si rien d’imprévu ne nous arrive, je compte pouvoir faire l’envoi du 20 au 25 août. Le 13 août 1891: Je ne crois pas qu’il nous soit possible d’expédier les six colonnes avant le 10 ou 12 septembre, nous travaillons pourtant jours et nuits. Le 20 août 1891: Quoique cela me coûte de faire deux envois, je vous enverrai les deux pre- mières colonnes pour que vous les rece-

viez pour le 6 septembre. Fig. 7 – Notre-Dame de Fourvière, Lyon. Deux des six Fig. 8 – Notre-Dame de Fourvière, Lyon. Détail des bracelets colonnes supportant le baldaquin, en porphyre vert de sculptés. (Cliché D. Tritenne) Le 29 août 1891: Plancher-les-Mines (Haute-Saône). (Cliché D. Tritenne) J’ai l’honneur de vous informer qu’hier sible, pensant bien que vous devez être 7 à 8 m de longueur; matin j’ai fait remettre en gare à Lure en possession des colonnes et que vous – n° 4: Granit gris plus noir pour l’une des colonnes mélaphyre, elle est en êtes satisfait. Je vous en serais bien colonnes de 4 m de longueur; partie de suite, la gare demande six obligée ayant besoin de mon argent – n° 5: intermédiaire entre 3 et 4, jours au plus tard pour l’arrivée à pour le premier novembre prochain. pour colonnes de 6 à 6,5 m de Lyon, car je l’ai fait expédier au tarif longueur. général. Elle doit donc arriver le 3 sep- Commentaires tembre au plus tard [...]. Nous serons Prévue initialement dans les deux L’entreprise a fourni: heureux d’apprendre que vous êtes mois qui suivaient la commande, la – en 1877, deux colonnes canne- satisfait du travail et de la matière qui livraison totale des six colonnes lées en feuille morte, de 3,73 x est de toute beauté. interviendra en octobre 1891. 0,70 m, utilisées à la porte des Le 11 septembre 1891: L’expédition est faite en deux fois: Lions; Je pourrais vous les expédier le 20 ou le – une colonne le 26 août 1891, – probablement à la même époque, 21 courant. Pour ce qui est du fini du – les suivantes à la fin octobre. les deux colonnes en Corail des travail, comme de l’extraction des L’expédition se fait par voie ferrée Vosges de 6,20 x 0,6 m toujours blocs, je n’ai rien épargné pour que ce depuis la gare de Lure. pour la porte des Lions; soit aussi parfait que possible. Je n’ai Suite à la mésaventure de la livrai- – le 18 avril 1880, quatre colonnes compté ni mes peines, ni ce que cela me son des six colonnes de serpentine de 1,44 x 0,35 m en gris noir; coûtait, pour arriver à vous satisfaire. de Serriou, Sainte Marie-Perrin – le 11 décembre 1884, les plaques Vous avez du reste pu en juger, d’après avait bien précisé qu’elles de- polies en porphyre vert type tom- celle que vous avez déjà reçue, les vaient être rendues soigneusement beau de Napoléon, mises en autres sont toutes aussi belles. emballées... (fig. 7 et 8). place sur le parvis des portes Le 19 septembre 1891: d’entrée. Je suis aussi impatiente que vous de AUTRES FOURNITURES voir ce travail terminé, je souffre de la Chantiers sur lesquels l’entreprise lenteur du travail des gravures, pen- Entreprise Cathlin-Varelle est intervenue, au travers de la cor- sant que vous attendez sur ces colonnes. respondance: Je n’ai que deux ouvriers qui ont pu Les matériaux: – soixante-quatre colonnes, de 3,33 graver ces mélaphyres, les autres ne Le 7 février 1879, A. Varelle met en x 0,35 m, en porphyre mélaphy- l’auraient pas aussi bien faite. L’on gare de Lure une caisse renfermant rique de Plancher-les-Mines ou tient la gravure de la quatrième, il en cinq échantillons: en brèche porphyroïde rouge reste encore deux, aussitôt terminées je – n° 1: Syénite (granit) corail uni- pour la cathédrale de Monaco. vous les expédierai, cela ne peut pas quement pour pièces de moins Chantiers déjà connus: tarder beaucoup. de 3 m de longueur; – socle du tombeau de Napoléon Le 29 octobre 1891: – n° 2: Porphyre vert, même lon- aux Invalides; J’ai l’honneur de vous remettre ci- gueur; – vingt colonnes en granit Corail inclus un effet de 1760 F sur Ces deux sortes de matières sont pour l’Opéra de Paris. M.Blanchon au 9 février prochain en très rares et très difficiles à exploi- Il faut noter qu’en 1912, Gustave vous priant de vouloir bien le faire ter; uniquement pour cheminées, Forel, successeur de Cathlin- accepter de M. Blanchon et me le colonnettes, vasques et vases. Varelle, fournira d’autres colonnes 118 retourner par retour du courrier si pos- – n° 3: Granit gris pour colonnes de pour la basilique. Société anonyme des Granits citent, « l’usine de Ternuay », sans – sa dureté, c’est la roche la plus résis- et Porphyres des Vosges doute sous-entendu que le siège tante de la chaîne des Vosges, elle social est à Paris. Elle n’a pas été donne 982 kg par cm2 à l’écrasement L’usine est installée à Ternuay assimilée localement, comme l’en- (épreuve faite au conservatoire des (actuellement Ternuay-Melay-et- treprise Varelle qui avait une direc- Arts et Métiers à Paris) Saint-Hilaire, Haute-Saône). Le tion familiale et l’usine sur place, – les eaux de pluies qui découleront de siège est à Paris, rue Chambiges au même endroit, au Pont de la porte en bronze, déposeront sur le puis, à partir du 22 janvier 1894, Miellin. granit des oxydes qui le tacheront à la rue Tremoilles. L’administrateur, Primée médaille d’or à l’Exposition longue. Ces oxydes seront très visibles M. Bourdon, signe la correspon- universelle de 1889, sa spécialité sur du granit blanc, et au contraire dance. semble être les plaques sciées ne seront pas apparents sur le granit Paris le 4/09/1889 minces en 0,02 à 0,05 m d’épais- feuille morte. Monsieur, seur. Le 18 juin 1895, M. Bourdon à Nous prenons la liberté de vous faire Ci-après, voici deux extraits de Sainte Marie-Perrin: nos offres de service, dans la cas ou lettres de 1891, dans lesquels le J’ai bien reçu votre honorée lettre du 15 vous auriez l’emploi de roches dures directeur, M. Bourdon, donne à courant. Voici le détail du travail pour dans les grands travaux que vous faites Sainte Marie-Perrin son apprécia- le seuil en granit. Le prix élevé provient édifier. tion sur son savoir-faire: de la difficulté que l’on aura à trouver Un outillage puissant nous permet de le 22 avril 1891: un beau bloc de 3,75 x 1,10. livrer rapidement et à prix modérés les J’appelle votre attention sur ce fait: La faible épaisseur de 0,30 ne travaux les plus considérables. c’est que notre polissage est garanti permettra pas de fendre ce bloc en Une fabrication très soignée est de inaltérable et exempt de toute encaus- carrière, il faudra le prendre de 0,50 à rigueur dans nos usines. tique. 0,60 d’épaisseur puis le scier ensuite à Sur votre demande, Monsieur, nous le 4 août 1891: l’usine. nous empresserons de vous envoyer une Vous remarquerez un fini et un poli Le bloc brut à transporter de la série d’échantillons provenant de nos notablement plus parfait que sur les carrière à l’usine pèsera environ 7000 principales carrières. roches dures fournies par d’autres ate- kilos et ce transport sera à faire par Nous vous indiquerons en même temps, liers. voiture, dans des chemins de montagne à titre de références, les principaux tra- et sur un parcours de 20 kilomètres. vaux d’église exécutés par notre société. La société anonyme des Granits et Toutes ces difficultés occasionneront des Porphyres des Vosges a fourni pour frais onéreux. En acceptant la Nous savons qu’il s’agit d’un Fourvière: commande, si elle nous est confiée, nous ancien de chez Varelle et que de – le 4 août 1891, deux colonnes en courons de grands risques en carrière, nombreux ouvriers ont été formés feuille morte de 3,99 x 0,51 m; nous pouvons trouver le bloc de suite chez Varelle. – le 6 août, deux colonnes en gra- comme nous pouvons dépenser Lettre de Cathlin-Varelle à Sainte nulite gris blanc n° 3 de 2,52 x plusieurs mille francs avant de le Marie-Perrin le 3 août 1891 concer- 0,20 m; rencontrer. nant le personnel et le savoir-faire – le 21 décembre 1891, deux Si ce n’était pas pour vous, Monsieur, des concurrents de Ternuay: colonnes en granulite n° 3 gris et pour la belle œuvre de Fourvière, je [...] ils ont des ouvriers qui ont été for- blanc avec bases et chapiteaux; n’oserais pas entreprendre cette més par nous, sans quoi ils n’auraient – le 13 juillet 1892, deux fûts en commande. jamais rien pu faire [...]. syénite feuille morte n° 1; Le 3 juillet 1895: Lettre du 13 août 1891: – le 22 janvier 1894, deux fûts polis Nous nous occupons de trouver en car- [...] notre représentant de Paris qui a en granulite n° 3, hauteur 2,51 m, rière la grande pièce pour le seuil en pu y comparer le fini du travail m’a avec bases et chapiteaux même granit. dit plusieurs fois, que je ne crains pas granit; Le 30 août 1895: Ternuay, car ils exécutent mal. – le 5 novembre 1894, deux fûts en Le grand seuil est à l’ébauche en carriè- Notons qu’en 1879, le représentant granulite n° 3 avec bases et re. de Paris pour Varelle est un M. chapiteaux, deux fûts en syénite Le 8 septembre 1895: Fuchs. A partir du 26 septembre feuille morte n° 1 avec bases et Je puis vous expédier les deux petits 1889, c’est M. Plantin qui le rem- chapiteaux, le tout suivant seuils en granit feuille morte, ils sont place. Son nom est ensuite rayé modèle déjà fourni le 22 janvier terminés. systématiquement sur les lettres, 1894 (fig. 9). Le document présenté en fig. 5 et et on voit réapparaître le même 6 nous indique les matériaux tra- M.Plantin comme représentant Autres fournitures, le seuil des vaillés et les principales réalisa- d’Alphonse Gence à dater du 21 portes d’entrée et deux petits tions. décembre 1889. autres: le 12 juin 1895: Autres références d’emploi: Cette entreprise est restée, pour Je vous propose le granit n°1 syénite – en granit n° 1 feuille morte, deux ses concurrents de l’époque feuille morte pour les raisons sui- colonnes pour la mairie du XIVe comme dans les documents qui la vantes: arrondissement de Paris; 119 – huit colonnes de 6 m pour l’éta- vous deviez faire vos colonnes ce serait blissement thermal du Mont- le moment de les extraire avec une série Dore. de blocs dont j’ai besoin pour un monument commandé par M. B. La maison Alphonse Gence Raspail. Il faut lui reconnaître son excellen- Au travers des courriers envoyés à te connaissance des matériaux fran- Sainte Marie-Perrin entre le 1er çais ou étrangers. décembre 1889 et le 28 avril 1890, ainsi qu’au travers des écrits de ses Mais le fait le plus significatif que concurrents, nous allons résumer le nous retiendrons est sa fourniture parcours sympathique, bien que mentionnée dans les courriers des chaotique, de M. Gence. 2 et 24 décembre 1889.

Deux lettres de l’entreprise C’est son entreprise qui réalisa la Varelle, datées du 12 décembre série de vases en porphyre vert 1879 et du 1er mai 1880, sont destinée par le duc d’Aumale (qui signées A. Gence. A cette époque, prit la smala d’Abd El-Kader en il était donc au service de cette 1843) à son château de Chantilly. Le duc d’Aumale (quatrième fils entreprise. Fig. 9 – Notre-Dame de Fourvière, Lyon. Seuil des portes de Louis-Philippe) céda en 1886 d’entrée en granit feuille morte fourni par la société anony- L’architecte de Besançon qui ren- me des Granits et Porphyres des Vosges. seigne Sainte Marie-Perrin sur ses collections et le château de (Cliché D. Tritenne). les usines de Haute-Saône le Chantilly à l’Institut. Cette série ont aussi été révélés, tels la 29 décembre 1889, mentionne de vases, souvent citée comme microgranulite du Raddon, la A.Gence de Lure (mais bizarre- référence de réalisation en porphy- brèche porphyrique rouge et le ment ne parle pas de l’usine de re vert, fut donc fabriquée chez M. petit serpentin. Ternuay). En août 1890, il déména- Gence. Il a fourni à Fourvière une plaque ge pour Saint-Barthélemy. En avril de 1,12 x 0,54 x 0,02 m avec 134 Leur dureté et leur aptitude à 1891, le curé Delagrange nous lettres gravées et dorées, encadrée prendre le poli inaltérable obligè- apprend que M. Gence va partir. par une rainure de 3,32 m de long, rent les entreprises à acquérir un en porphyre vert. savoir-faire spécifique. Les diffé- Le même mois, il est vu à la carriè- rents chantiers français ou re de Saint-Barthélemy prenant CONCLUSION étrangers auxquels elles participè- des échantillons qu’il expédie à rent sont devenus des références er Sainte Marie-Perrin. Le 1 mai A l’étude de ces lettres, des visites de réalisation du XIXe siècle. Nous 1891, il prend des échantillons en la basilique (fig. 10), d’un citerons pour mémoire le tombeau chez Varelle. déplacement sur le terrain et des de Napoléon, l’Opéra de Paris, Le 11 mai 1891, Z. Cathlin-Varelle échantillons prélevés, nous avons Notre-Dame de Fourvière, le châ- annonce à l’architecte que M. eu un cliché instantané sur une teau de Chantilly. Gence va partir. période faste pour le bassin carrier La dernière lettre à le mentionner de Servance. Les entreprises ont maîtrisé la est intéressante et nous apprend filière depuis la représentation que: Liée aux ressources de son sous-sol commerciale jusqu’à l’expédition er le 1 août 1895, M. Bourdon à M. granitique, alors que le reste de la des commandes dans les délais. Sainte Marie-Perrin : Franche-Comté est d’origine sédi- Elles furent au nombre de trois Je connais la carrière qui donne le mentaire, cette petite partie de son dans cette période. microgranulite du Raddon. C’est territoire a vu maintenant l’activité L’entreprise Varelle, devenue contre notre usine et j’ai même fourni extractive et de transformation se Cathlin-Varelle puis Forel fut la des colonnettes de cette roche à la basi- déplacer dans le département des plus ancienne (dès 1835). Nous lique St-Martin de Tours. Mais je Vosges, dont elle dépend géologi- avons vu comment la société des doute que l’on trouve des morceaux quement. Granits et Porphyres des Vosges et assez gros pour faire vos deux colonnes. la maison A. Gence ont vu le jour M. Gence, avant sa faillite, avait traité Elle n’aurait jamais existé sans le grâce à elle. le monument Raspail dans ce granit, il granit feuille morte, le granit corail L’entreprise Varelle fut celle de n’a jamais pu le fournir. et le granit gris-noir. Deux deux anciens militaires (capitaines Son activité, en plus des produits matériaux verts uniques ont permis d’artillerie); l’usine de Ternuay a courants, a donc aussi été de four- des réalisations de prestige: le sans doute souffert d’avoir une nir des matériaux rares, comme ce porphyre vert de Servance/Belfahy/ direction parisienne; quant à microgranulite du Raddon, dont il Saint-Barthélemy et le mélaphyre A. Gence, nous lui reconnaîtrons précise le 28 avril 1890: de Plancher-les-Mines/Belfahy. un sens inné du commerce et un 120 J’ai des blocs de très beau granit et si Des matériaux moins connus nous goût exceptionnel pour les beaux CHOEUR

CIBORIUM

C8

ANCIENNE CHAPELLE

NEF

C2

VESTIBULE SAINT - JOSEPH

C6 N

10 5 m C4

S 1

S 2 S 3

ENTREE

Fig. 10 – Plan de l’intérieur de la basilique de Fourvière. (Dessin A. Céréza, d’après Sainte Marie-Perrin) Localisation des matériaux cités à l’intérieur de la basilique: – entrée: neuf dalles en porphyre vert de Servance; – seuils (S1, S2, S3): en granit feuille morte; – petites colonnes des chapelles: C2, C4 et C8 en granulite gris blanc; C6 en granit feuille morte; – six colonnes du ciborium en porphyre de Plancher-les-Mines. Localisation des matériaux cités à l’extérieur de la basilique: – quatre colonnes de la Porte des Lions: deux cannelées en feuille morte (de 3,73 x 0,70 m); deux lisses en corail (de 6,20 x 0,60 m); – colonnes des escaliers de la Porte des Lions à la crypte. 121 matériaux. riaux d’exception qu’à Fourvière. équivalente... Toutes ces activités furent Aucun autre monument français ne Remerciements à: importantes pour l’emploi dans peut présenter ensemble le Bleu – Mme Malblanc, Marbrerie- cette région. Les courriers des Etroits du Siaix, le Jaspé Graniterie, Champagney (Haute- n’évoquent pas l’aspect humain, d’Ollières, la serpentine de Serriou, Saône); ouvrier, mais il faut garder en la brèche du Royannais, ni bien – M. René Sainte Marie-Perrin, mémoire les millions d’heures entendu le mélaphyre de Plancher- Paris; passées à travailler ces matières les-Mines14. – M. Ceschia, retraité, Plancher- dures, de la carrière au chantier. Sans diminuer le rôle influent de les-Mines (Haute-Saône); Bossan, Sainte Marie-Perrin s’est – M. Dubarry de Lassale, expert en Enfin, cette étude permet de hissé, avec la réalisation de Notre- ébénisterie et en marbres, découvrir l’incroyable ténacité Dame de Fourvière, au niveau des Roquebrune (Gers). d’un architecte dans sa quête des Garnier, Abadie ou Visconti. matériaux verts. Nulle part ailleurs Seule lui manquait la réalisation ne furent utilisés autant de maté- d’un chantier parisien de taille

14. Jaspé d’Ollières: commune éponyme (Var). Brèche du Royannais: commune de Rochechinard (Drôme).

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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123 Fig. 1 – Partie inférieure des murs de la chapelle d’Andelot (église paroissiale de Pesmes, Haute-Saône). Calcaires blancs, marbres noirs (Miéry?) et rouges (Sampans). (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997)

Fig. 2 – Autel du Sacré-Chœur (chapelle nord de la cathédrale de Saint-Claude, Jura). Marbres de Mignovillard, Damparis, Sampans et Salins-les-Bains, de Suisse et d’Italie (Gênes et Sicile). 124 Postérieur à l’autel, le tabernacle est réalisé en brocatelle de Chassal. (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 1998) Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003 L’exploitation des marbres jurassiens aux XIXe et XXe siècles Laurent POUPARD*

LE CONTEXTE HISTORIQUE Résumé Abstract Très utilisés à la Renaissance, les The use of Jura marble (marble stones En Franche-Comté, les marbres marbres jurassiens — en fait des really) was quite common in pierres marbrières — sont par la suite Renaissance buildings in the Franche- jurassiens sont connus et abondam- progressivement concurrencés par les Comté area; they were superseded by ment utilisés depuis la fin du Moyen roches belges et italiennes. Une réac- belgian and italian stones later on. To Age et la Renaissance. tion se manifeste au début du XIXe compete with foreign imports, new Ainsi, les artistes de la Renaissance siècle, qui se traduit dans le départe- quaries opened in the early 1800s and ont-ils volontiers joué sur un accord ment par l’ouverture de nouvelles car- stone working was mechanized. de trois couleurs offertes par ces rières et l’industrialisation de la fabri- Three important marble working cen- cation. Trois grands centres marbriers roches: le rouge de la pierre marbriè- vont alors s’organiser, avec une ters were set up in the Jura district; re de Sampans, le noir de celle de implantation conditionnée par l’exis- the factories or wokshops had to be Miéry et le blanc de l’albâtre de tence d’un cours d’eau (obligatoire), la built near marble veins and rivers and Saint-Lothain. Tel est le cas de présence sur place (ou à proximité be able to get sand easily for sawing l’Atelier dolois, dominé au milieu du immédiate) du matériau et la possibi- and polishing the stones. A « brocatel- XVIe siècle par deux sculpteurs: lité de se fournir en sable utilisé pour le » vein was discovered in Chassal in Denis le Rupt (?-vers 1583) et the 1770s, consequently a marble fac- le sciage et le polissage. La découver- Claude Arnoux dit Lulier (vers 1510- tory was established nearby in te de brocatelle à Chassal entraîne, 1580). La chapelle d’Andelot (fig. 1), dans les années 1770, l’installation Molinges; it developped considerably à l’église de Pesmes (Haute-Saône), d’une usine à Molinges, qui se déve- from 1865 on. Marble working started loppera à partir de 1865. A Saint- off again in Saint Amour in 1815; réalisée de 1556 à 1563, est certaine- Amour, la marbrerie est réintroduite à there were three factories in the villa- ment l’une de leurs œuvres les plus partir de 1815 et, comptant trois éta- ge in 1825 and about fifteen in the représentatives de ce goût marqué blissements en 1825, elle en totalise 1890s. Marble working had always pour la polychromie1. une quinzaine dans la décennie 1890. been a traditional activity in Sampans Dans la région doloise — où le travail and Damparis and the « Société d’ex- Période de guerre, le XVIIe siècle du marbre est déjà une tradition ploitation des carrières de Tinseau » correspond à une interruption dans ancienne sur les territoires de set up a factory in this area in 1857; it l’exploitation des marbres locaux. La Sampans et Damparis — est créée, en employed up to 500 workers. The Comté ne va retrouver la paix 1857, la Société d’Exploitation des th second half of the 19 century is qu’après 1678, date de son rattache- Carrières de Tinseau, qui emploiera known to be the golden age of the ment à la France. La production jusqu’à cinq cents personnes. Si la Jura marble working. During this per- e d’œuvres d’art et de constructions seconde moitié du XIX siècle repré- iod, the Jura production was sold all sente l’âge d’or de la marbrerie juras- over the world but in the meantime, prestigieuses peut alors reprendre. sienne, dont la production s’exporte small quarries were closed down. Elle se traduit notamment par le dans le monde entier, elle voit aussi la At the beginning of the 20th century, nombre élevé d’autels d’église réali- fermeture des petites carrières locales. the Jura marble factories started to sés. Par exemple, lors de la Par la suite, le ralentissement des decline owing to a number of reasons: transformation de l’église abbatiale grands chantiers de construction pari- parisian building sites were less de Saint-Claude (Jura) en cathédrale, siens, l’arrivée en force de nouveaux numerous, modern building materials deux autels latéraux sont, en 1783 et matériaux industriels et de nouveaux were discovered and modern confort éléments de confort (chauffage central 1784, réalisés par les frères Maderny, devices such as central heating appea- notamment), les deux conflits mon- de Salins-les-Bains (Jura). Ils asso- red in houses. The two world wars had diaux, une mécanisation insuffisante, cient aux pierres jurassiennes de sont autant de facteurs qui expliquent a disastrous influence on economy and Mignovillard, Damparis, Sampans et le déclin de la marbrerie jurassienne, mechanization wasn’t developped Salins-les-Bains, des marbres de déclin encore aggravé par le traité de enough in marble working. Moreover, Rome, en 1957, qui s’accompagne de tariff barriers disappeared in 1957 la disparition des barrières douanières. thanks to the Rome treaty. Marble * Ingénieur d’étude, Service régional de l’Inventaire La région doloise cesse toute produc- stones production stopped in the years général de Franche-Comté. 7 rue Charles Nodier, 25043 Besançon cedex, France. tion dans les années 1920-1930. A 1920-1930 in the Dole area. The Molinges, victime de restructurations, Molinges factory closed down in 1984; 1. Le décor architectural de cette chapelle fait essen- l’usine ferme en 1984 (la carrière de from then on, marble stones have tiellement appel au marbre rouge de Sampans (par Chassal n’est plus exploitée que par been extracted from the Chassal quar- exemple pour la clôture, due à Denis le Rupt), mais joue aussi sur les couleurs: le dallage allie au intermittence). Finalement, la seule ry only occasionally. Nowadays, rouge le noir de Miéry et le blanc ou le jaune d’un marbrerie industrielle encore en acti- Yelmini Artaud ltd is the only compa- calcaire local. Ces deux dernières roches sont alter- vité est celle de la SA Yelmini Artaud, gny running a marble working activity nativement mises en œuvre dans la série de quinze bas-reliefs du sculpteur pesmois Nicolas Bryet, dorénavant propriétaire de trois sites in the Jura district; it owns three fac- ornant les murs. Quant à la statuaire en ronde sur Balanod et Saint-Amour. tories in Balanod and Saint-Amour. bosse, attribuée à un atelier troyen, elle est en albâtre (de Saint-Lothain ?). 125 Suisse et d’Italie (Gênes et Sicile)2 minées, dalles, etc.). Une scierie grâce au développement des (fig. 2 et annexe 1). peut donc alimenter plusieurs mar- moyens de transport, chemin de fer La Révolution entérine, au plan breries, comme ce fut le cas à essentiellement: national, la réapparition de la libre Saint-Amour. – 1855: inauguration de la ligne entreprise dans le commerce du Dijon - Dole, qui atteint marbre. En effet, auparavant, de CONDITIONS D’IMPLANTATION Besançon l’année suivante; François Ier à Louis XIV, l’Etat DES CENTRES MARBRIERS – 1864 : ouverture de la ligne Lyon- s’était attribué le monopole dans ce Besançon, passant par domaine. Systématiquement, à l’origine de Saint-Amour; Les pierres marbrières locales sont l’implantation de chaque centre – 1871 : percement du tunnel sous alors si fortement concurrencées marbrier, l’on trouve une carrière. le col du Fréjus (dit tunnel du par les roches d’importation Si chacune — ou presque — des Mont-Cenis), qui permet à Saint- (marbres belges plus qu’italiens cinq cent quarante-trois communes Amour d’être reliée à la Suisse et d’ailleurs), que le Maître des du département a extrait mœllons à l’Italie. requêtes au Conseil d’Etat, et pierres de taille sur son propre Héricart de Thury, pousse un cri territoire, nous avons pu repérer la Avec la mise en place de ce réseau, d’alarme en 1823: mention de marbre pour quatre- ce sont de nouveaux marchés qui Tel est, Messieurs, l’état présent des vingt-treize d’entre elles, une s’ouvrent aux produits jurassiens. choses: nos plus beaux établissemens exploitation de ce marbre ayant été Mais la première conséquence est sont successivement tombés; nos grandes effective dans soixante et onze tout autre, ainsi que l’écrit en 1880 marbreries ne sont plus que de simples (fig.3). Léon Charpy dans sa Notice sur l’in- polisseries; Paris est encombré de Les voies de communication fort dustrie de la marbrerie à Saint- marbres de la Belgique et des Pays-Bas: mauvaises s’opposant, de fait, au Amour: on nous apporte nos statues, nos bustes, transport de la matière première sur Dès lors, tous les marbres qui étaient nos tables, nos consoles, nos cheminées, de longues distances, c’est donc exploités dans le pays, furent peu à peu et même jusqu’à nos tombeaux ou l’usine qui s’installe près de la car- abandonnés; on préféra, à cause de monumens funéraires, terminés et prêts rière. Ainsi, la marbrerie de l’économie et de la facilité des trans- à mettre en place; nos dernières car- Molinges doit-elle son existence à ports, et surtout à cause de leur richesse, rières de marbres seront bientôt la découverte, en 1768, de brocatel- travailler les marbres étrangers, en abandonnées, nous serons alors entière- le (un marbre bréchique) dans la particulier ceux d’Italie. ment à la merci des étrangers; enfin, à commune voisine, Chassal. voir nos monumens publics et nos Les difficultés dues aux moyens de LES CENTRES MARBRIERS constructions civiles et particulières, on communication ne sont toutefois JURASSIENS AU XIXe SIÈCLE pourra douter à l’avenir s’il a jamais pas forcément insurmontables. existé en France une seule exploitation Selon une enquête de 1820, à Si pour les centres marbriers juras- de marbre. Augea: siens, la première moitié du XIXe En réaction, il propose une aug- deux voituriers sont habituellement siècle est celle d’un démarrage — mentation conséquente des droits occupés à conduire à Grenoble le pro- ou d’un redémarrage — de leur d’entrée sur les marbres étrangers duit de cette carrière. activité, la seconde moitié du siècle et la mise en place d’une politique en représente l’âge d’or. En effet, d’incitation gouvernementale pour D’autres éléments sont également leur essor est favorisé par diverses favoriser l’utilisation des marbres indispensables à l’implantation raisons: expansion économique, français dans les monuments d’une scierie de marbre ou d’une ouverture sur l’extérieur avec le publics. marbrerie: le sable — utilisé pour le chemin de fer, rénovation des sciage et le polissage — et l’eau — grandes villes — à commencer par Le renouveau certain que va nécessaire au travail de la pierre et le Paris du baron Haussmann —, connaître au XIXe siècle la marbre- source d’énergie. évolution des constructions avec rie jurassienne est lié à ce contexte En effet, les roches dures ne se cou- l’apparition du « confort moderne » protectionniste et l’on comptera, au pent pas, mais s’usent. Le sciage incluant la cheminée, etc. début des années 1860, dix scieries (ou tranchage) s’effectue lorsque la de marbre dans le département. lame en acier, dénuée de dents, Au XIXe siècle, trois grands centres Notons dès à présent que scierie de frotte sur un mélange de sable et marbriers s’organisent dans le marbre et marbrerie peuvent être d’eau qui, lui, use la pierre. Balanod département, n’hésitant pas à faire des établissements distincts: dans et Saint-Amour, par exemple, sont appel à des compétences et à des la scierie, les blocs sont débités en situés sur un cours d’eau (le capitaux extérieurs (des milieux blocs plus petits ou en plaques Besançon) et disposent dans la plai- lyonnais et parisiens): (appelées tranches); les tranches ne bressane de sable en abondance. – la région doloise, où le travail du sont travaillées dans la marbrerie L’essor de chaque centre marbrier marbre est déjà une tradition pour donner des produits finis (che- ne va cependant être possible que ancienne;

126 2. Le détail en est donné dans deux devis datés de 1782 (AD Jura: 2 H 128). N H A U T E - S A Ô N E marbrerie BESANCON carrière l'Ognon 1856

au Rhin e ôn Dijon Neuchâtel du Rh1832 1856 1855 Rainans Orchamps

C Ô T E - D 'O R Doubs et le canal le Sampans Saint-Jean-de-Losne Audelange 1802 Champvans D O U B S Foucherans Dole 1856 1863 ou 1864 Damparis Choisey la Loue

Bans Salins-les-Bains

1862 Aresches Pontarlier 1871 (Neuchâtel) Andelot-en-Montagne 1862 1860 Frasne Poligny Bief-du-Fourg Saint-Lothain Valempoulières Lausanne Chalon- Mièry 1915 sur- Mournans-Charbonny 1867 Saône 62 Mignovillard Plasne Montrond 18

Champagnole Sirod Gillois Plainoiseau Loulle Crans Pillemoine 1890 Lons-le-Saunier Crançot

Le Frasnois Foncine-le-Bas

1864 l'Ain Saint-Maur Bonlieu S A Ô N E - E T - L O I R E Saint-Laurent- 1900 en-Grandvaux Maynal Morez Dijon Augea Cuisia Cousance Cressia 1883 1912 Bienne Rosay Gizia La Rixouse la Digna Pimorin Loisia Les Crozets Longchaumois S U I S S E Balanod Graye-et-Charnay Ravilloles Montagna- le-Reconduit Saint-Amour Thoissia Saint-Claude Pratz Nanc-lès- Nantey Saint-Amour Vaux-lès-Saint-Claude Morez Ville repère Saint-Jean-d'Etreux Villeneuve-lès- Chassal Chemin de fer Charnod Molinges Route principale Charnod Cours d'eau

1864 Cornod Lyon 1802 Date d’inauguration 1889 1856 du tronçon 0 5 10 km A I N La Cluse (Lyon, Genève)

Fig. 3 – Localisation des carrières exploitées et des marbreries. Etablie d’après une carte de localisation de 1997 (P. Rosenthal, A. Céréza), cette carte situe, d’une part les carrières de marbre ayant été exploitées, d’autre part les scieries de marbre et marbreries attestées. (Dessin A. Céréza © Inventaire général, ADAGP, 2001) 127 – les villages de Saint-Amour et Balanod, où cette activité, pour- tant attestée à la Renaissance, avait disparu; – et un centre nouveau, en aval de Saint-Claude, constitué des com- munes de Molinges et de Chassal.

Les autres établissements sont plus modestes et ont une durée de vie limitée: celui installé au Saut- Girard (commune de Bonlieu) ne fonctionne que de 1844 à 1853, pour exploiter les marbres locaux, notamment ceux de la commune du Frasnois3. Parfois installés sur Fig. 4 – La marbrerie de Molinges au début du XXe siècle. des sites de moulin, ils sont d’im- Carte postale (coll. part.: R. Le Pennec, Saint-Claude). (Reproduction Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) portance variable: si la scierie de marbre édifiée vers 1850 au moulin d’Audelange4 est dotée de deux châssis de scie actionnés par une roue Poncelet, celle de Bans ne compte qu’une scie5 installée à titre d’équipement annexe pour l’usine à plâtre qui remplace le moulin en 1831.

Molinges et Chassal

A Molinges, la marbrerie est créée dans les années 1770, avec une usine qui disparaît assez rapide- ment. Elle renaît dans la décennie 1820 sur l’initiative du propriétaire de la tréfilerie de La Rixouse, Félix Boudon, et compte alors quatre châssis de scie en bois, une machi- ne à polir et différents tours. Son fonctionnement ainsi que le mode d’exploitation de la carrière de Chassal sont expliqués par Boudon lui-même dans une lettre accompa- gnant une expédition à l’exposition de 1827 au Louvre (annexe 2).

L’affaire ne prend toutefois réelle- Fig. 5 – Cheminée en marbre de Pratz (maison de Nicolas Gauthier, Molinges, Jura). Modèle n° 47 du catalogue de la marbrerie de Molinges, en Jaune Lamartine. ment son essor qu’en 1849, avec la (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) société parisienne Dargaud et Cie, et, surtout, à partir de 1865, avec la funéraires, des éléments de décor (1852-1924) choisit de garantir une Compagnie de la Marbrerie de intérieur... Elle participe à nombre partie de ses approvisionnements Molinges, de la famille Gauthier de chantiers prestigieux: casino de en matériaux en exploitant lui- (fig. 4). Employant cent vingt Cannes, basilique de Lisieux, même des carrières, qu’il acquiert ouvriers vers 1890, cette société théâtre de Caracas, etc. ou qu’il loue: fabrique principalement des che- Offrant à ses clients le choix entre – dans le Jura: à Pratz (Jaune minées (fig. 5), mais aussi des cent quatre variétés de roches dif- Lamartine), Viry et Chassal (bro- monuments commémoratifs et férentes, Nicolas Gauthier catelle);

3. La fermeture de cette marbrerie, qui succédait à une taillanderie, pourrait être liée à la mauvaise qualité des roches disponibles. 4. Cette scierie sera supprimée après 1887. Employant vingt ouvriers en 1865, elle aurait fourni à l’Opéra de Paris quelques colonnes en marbre de Champvans ou de Sampans. 5. Cette scie est destinée au sciage de l’albâtre trouvé dans les carrières de gypse de appartenant au propriétaire de l’usine. Elle disparaît peut-être dès la 128 décennie suivante. du Louvre, Désiré Fontaine. Dans la deuxième moitié du siècle, avec l’arrivée du chemin de fer, elle connaît un grand développe- ment sous l’impulsion de Maurice Célard, lequel, modernisant les ins- tallations qu’il achète ou qu’il loue, importe massivement des marbres étrangers.

Comptant trois usines en 1825, cette industrie va en totaliser une quinzaine dans la décennie 1890, dont cinq scieries de marbre sur des sites d’anciens moulins: – Antides (scierie établie au début des années 1860, agrandie ou rebâtie par Maurice Célard vers Fig. 6 – Scierie de marbre du moulin Antides à Saint-Amour (Jura). (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) 1881, puis désaffectée au début du XXe siècle, avant les années 1920) (fig. 6); – Rentreux (scierie créée par Chambard en 1815, passée à la famille Carron qui la rebâtit en 1898); – Febvre (scierie créée vers 1843?, achetée par Célard en 1890 et rebâtie vers 1897, dotée d’ateliers de marbrerie vers 1868, 1887 et 1928); – Ripaille; – la Poudrerie.

A Balanod, la marbrerie est réintro- duite dans la commune vers 1863 par la famille Mourlot, auparavant établie au moulin Febvre, à laquel- Fig. 7 – Vue d’ensemble de la marbrerie depuis l’est à Balanod (Jura). le succèdera vers 1912 la SA Au premier plan, le parc aux tranches. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) Yelmini Artaud. Une nouvelle scie- rie y voit le jour en 1880, puis le – dans le sud de la France: en d’Antoine Vivant-Brochot, locataire site connaît des extensions à partir Ariège à Uchentein et Balacet de la précédente, elle est mention- de 1900 (fig. 7). (Escalettes), dans l’Hérault à née comme tournerie d’albâtre en Cazedarnes (Rouge jaspé) et 1878, mais c’est vraisemblable- A la fin du XIXe siècle, ce sont donc Cessenon (Rouge antique) et dans ment aussi et surtout une scierie de plus de cent vingt personnes qui les Pyrénées-Orientales à Baixas marbre, où se débitent les blocs de scient et travaillent le marbre dans (Brèche orientale et Brèche romaine brocatelle de la commune et le ces deux communes, pour une pro- [Brèche blanche?]) ; marbre de Pratz. En 1894, elle est duction similaire à celle de – voire en Italie, avec Cesana convertie en atelier de pipiers et Molinges. Torinese (face à Briançon). taillerie de diamants. La région doloise A côté de la marbrerie de Molinges, Saint-Amour et Balanod celle de Chassal paraît des plus dis- Dans la région doloise, plus d’une crètes. A une première scierie de A Saint-Amour, la marbrerie est trentaine de carrières sont recen- marbre édifiée dans la décennie réintroduite à partir de 1815 par le sées à Sampans et à Damparis en 1850, sur la rive droite de la percepteur du lieu, Louis-Nicolas 1812-1813. Exploitées artisanale- Bienne, par la famille Jeantet suc- Chambard. Elle s’appuie tout ment, elles fournissent alors cède, au début de la décennie d’abord, pour exploiter les marbres surtout des blocs ébauchés, expé- suivante, une seconde bâtie de locaux, sur les compétences d’un diés par le canal du Rhône au l’autre côté de la rivière. Propriété ancien chef d’atelier et de décors Rhin6.

6. Ouvert en 1802, le premier tronçon de ce canal permet de relier Dole, sur le Doubs, à Saint-Symphorien, sur la Saône. 129 Avec trois des quatre carrières de Belvoye (lieu-dit de la commune de Damparis, situé près du canal), l’entreprise familiale Ragoucy devient — temporairement —, dans les années 1840, l’une des plus importantes de ce secteur.

Au regard de l’ancienneté des sites d’exploitation, l’industrialisation se manifeste donc tardivement dans ce centre marbrier, puisque c’est en 1857 seulement qu’est créée, non à Sampans d’ailleurs — où aucune usine ne s’établit — mais à Damparis, la première société réel- lement industrielle: la Société d’Exploitation des Carrières de

Tinseau, dont le siège social est au Fig. 8 – Vue à vol d’oiseau des usines de Belvoye. A. Violet propriétaire, 1875 (Damparis, Jura). château de Saint-Ylie (actuelle- Gravure de Smeeton Tilly (coll. part.). (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) ment commune de Dole). 6m de long), de débiteuses, mou- découverte), l’aire d’extraction est Paul et Alphonse de Tinseau béné- lureuses, polissoirs mécaniques, dégagée, puis commence l’exploi- ficient d’une situation particulière- tours, etc. Comptant jusqu’à cinq tation qui s’effectue en gradins ou ment favorable. Située à Belvoye, cents personnes, la société fabrique en fosse. Ce dernier système est, leur usine profite, outre de la proxi- balcons, perrons, colonnes, balus- par exemple, mis en œuvre à mité de Sampans, d’une desserte trades et balustres, autels, vases, Damparis, à Pratz et à Graye-et- par voie d’eau et par voie ferrée. baignoires, éviers, cheminées, Charnay (pour la carrière des Surtout, elle est implantée au moulures, dallages, revêtements de Carrats)7 (fig. 9). Rapidement se centre de carrières leur appartenant façade, etc. Cette production est posent les problèmes du stockage et dont ils peuvent tirer un calcaire exportée dans le monde entier, des blocs et de l’évacuation des fort apprécié des architectes: très permettant à Violet d’afficher déblais. pur, ingélif, possédant une très comme référence le soubassement L’extraction proprement dite s’ef- grande résistance à l’écrasement de l’Hôtel de ville de Paris et le fectue longtemps avec des coins alliée à la faculté de prendre le poli. dallage de la cathédrale Saint- placés dans des fissures naturelles Employant cent cinquante à deux Denis, le monument des Girondins ou dans des saignées tracées au pic cents personnes en 1862, la société à Bordeaux, le théâtre de Genève ou à la broche. A l’inverse de l’ou- fournit la pierre utilisée à Paris ou le piédestal de la statue de la tillage des tailleurs de pierre, ce pour des édifices aussi divers que la Liberté. sont les massettes — en acier doux fontaine Saint-Michel (bassin), — qui s’usent, les broches étant l’église de la Trinité (colonnes TECHNIQUES D’EXTRACTION ET elles en acier dur. monolithes soutenant les voûtes), DE MISE EN ŒUVRE Le bloc est finalement détaché à la le pont au Change ou le soubasse- pince à talon; de gros crics aident à ment et divers balustres et Quand bien même elles semblent la manœuvre. Occasionnant trop colonnes du Palais Garnier. plus dynamiques au XIXe qu’au de pertes dans un matériau coû- XXe siècle, les carrières et les mar- teux, la poudre est peu utilisée. En liquidation en 1869, elle est breries jurassiennes ne restent pas Placé sur des rondins de bois, le reprise l’année suivante par à l’écart du progrès; leur histoire bloc est finalement traîné sur l’aire Adolphe Violet, entrepreneur illustre les évolutions techniques de stockage à l’aide d’un treuil. général du Palais Garnier. qui touchent ce domaine. Violet modernise l’usine (fig. 8): La modernisation concerne chacun Parmi les perfectionnements appa- embranchement ferroviaire parti- des trois grands pôles qui, de la rus à la fin du XIXe siècle, le plus culier en 1871, machine à vapeur à roche brute au produit fini, ordon- marquant est le fil hélicoïdal, la scierie (en complément de la tur- nent la chaîne opératoire: carrière, inventé en 1854 par le Français bine hydraulique de 80 ch mise en scierie, marbrerie. Eugène Chevalier. C’est une cor- place en 1865), gazomètre pour le delette d’acier qui, montée en chauffage et l’éclairage des ateliers Travail de carrière boucle, entraîne un produit abrasif en 1875... L’outillage se compose dont le frottement use la roche alors de vingt châssis de scie (pour Après la découverture de la roche (fig.10). Mis en œuvre en Belgique des blocs mesurant jusqu’à 5 ou (évacuation des morts-terrains dits par Gay et Thonar à partir des

7. Jouxtant les carrières de Champagne (commune de Loisia), celle des Carrats est ouverte vers 1872 et, comme elles, produit un marbre appelé Petit Granit, Granit 130 gris Champagne ou Gris du Jura. Elle ferme dans les années 1980. manutention (camions, portiques roulants et grues automotrices) et du sciage, avec l’utilisation des outils diamantés. L’utilisation en grand du diamant industriel8 ne date réellement que des années 1950, voire même, pour le fil héli- coïdal, que de la décennie 19809. Ainsi, installé à Chassal durant cette décennie, un fil diamanté va considérablement y augmenter la vitesse de sciage, qui passe de 1 à 2cm à l’heure à 25 cm à l’heure.

Travail de scierie

Transporté à la scierie, le bloc de marbre y est découpé en tranches, plaques d’épaisseur variable, à l’ai- de d’un châssis multilames — l’armure. Le principe de cette machine, introduite en France peu avant la Révolution, est celui de la scie à pierre dure manuelle: le marbre est usé par le frottement répétitif de chacune des cinquante à cent lames d’acier sur le service, mélange d’eau et d’abrasif (sable siliceux ou Carborundum) (fig. 11). A Saint-Amour, les établissements Célard disposaient au moulin Febvre de sept armures, datées de 1897 et dues à la société Désiré Fig. 9 – Vue d’ensemble de la carrière des Carrats (Graye-et-Charnay, Jura). La grue a été installée vers 1971 pour faciliter l’évacuation des blocs. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) Décamps de Cousolre (Nord) (fig.12), complétées en 1957 par deux châssis Giorgini Maggi, de Seravezza (Italie). Cet équipe- ment, démantelé après 1993, était approvisionné en service par une grande noria, de 9 à 10 m de dia- mètre, et desservi par un portique roulant électrique et des chariots métalliques sur rails. A Balanod, les six armures ont été remplacées en 1986 ou 1987 par un unique châssis italien, des Officine Meccaniche Simec (Castello di Godego), muni de vingt-cinq lames diamantées10.

Fig. 10 – Schéma de principe du fil hélicoïdal. Dans cette installation de débitage, le fil est actionné par la poulie motrice en haut à droite et maintenu en tension par le cha- Pour recouper les blocs ou les débi- riot en haut à gauche. L’entonnoir surmontant le bloc distribue le produit abrasif. (Dessin A. Céréza © Inventaire général, ADAGP, 2001) ter en tranches de largeur inusitée, la scierie peut faire appel à un châs- années 1880, il est utilisé à Pratz Si le XXe siècle tire profit des éner- sis monolame ou au fil hélicoïdal. dans la décennie suivante, puis à gies pneumatique et électrique, Dans ce dernier cas, à la différence Chassal. l’évolution la plus importante rési- de celle d’une installation en car- de surtout dans les domaines de la rière — composée de trois fils et

8. Le recours au diamant industriel est imaginé au milieu du siècle dernier par un joaillier nommé Bigot-Dumaine. Pour le sciage du marbre, ce procédé connaît en 1885 une application intéressante avec la scie circulaire construite par Félix Fromholt: le disque de cette machine est serti de cent quatre-vingts diamants. Les années 1950 voient un changement radical avec l’abandon des pierres serties pour les segments à concrétion diamantée (fragments de diamant broyés). 9. Après des premiers essais infructueux au début des années 1970. 10. Apparues en Belgique en 1956, les lames diamantées pour châssis ne se répandent en France qu’au milieu des années 1970. Elles portent des segments dia- mantés (d’environ 2 cm de longueur, 4 à 5 mm d’épaisseur et 5 à 6 mm de hauteur utile) dont le nombre et la disposition sont fonction de la matière à scier. 131 pouvant avoir jusqu’à 800 à 1000 m de long (afin de ne pas s’échauf- fer) —, la cordelette n’a que deux fils, d’une longueur bien moindre. Là aussi, le fil diamanté sera utilisé dans les années 1980. D’une lon- gueur réduite, car peu sensible à l’échauffement, il est muni de perles de concrétion diamantée dont l’espacement régulier est maintenu par des spirales métal- liques.

Travail de marbrerie

En marbrerie, le travail est pareille- Fig. 11 – Schéma de principe d’une armure. A gauche, le moteur entraîne un volant d’inertie dont le mouvement est transmis par le couple manivelle-bielle au cadre porte- ment fondé sur l’usure du maté- lames, qui se voit ainsi animer d’un mouvement de va-et-vient. La descente du cadre est commandée dans le comble par un ensemble d’engrenages, au moyen de chaînes auxquelles il est suspendu. Le système de répartition du service est représenté riau. Faisant à l’origine principale- au-dessus du bloc. (Dessin A. Céréza © Inventaire général, ADAGP, 2001) ment appel au sable et à l’eau, les marbriers emploient à partir de la fin du XIXe siècle de nouvelles matières, essentiellement le Car- borundum (carbure de silicium, inventé en 1891 par le chimiste américain Acheson) et le diamant industriel. Rappelons que l’usage de ce dernier ne se généralisera que dans la deuxième moitié — voire même dans le quatrième quart — du XXe siècle.

Les tranches provenant de la scie- rie sont débitées suivant le tracé donné par un gabarit. Le cas échéant, elles sont moulurées. Toute la gamme du perçage, du tournage et de la sculpture est éga- Fig. 12 – Deux armures Décamps vues de face en 1993, à la marbrerie Célard (moulin Febvre, Saint-Amour, Jura). lement pratiquée, travail qui sera Des coins métalliques (visibles à l’avant du cadre porte-lames) maintiennent les lames en tension. facilité par l’adoption d’outillage (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) pneumatique puis électro-portatif. Finalement vient le polissage, à la machine (fig. 13) ou à la main11 : se succèdent dressage, égrisage, adouci, poli mat puis poli brillant, qui peut être suivi d’une dernière opération, l’encausticage. Presque toujours indispensable, le masticage inter- vient entre l’égrisage et l’adouci: en effet, le polissage révèle les défauts de structure de la pierre, qu’il convient alors de masquer. Par le masticage, l’habileté de l’ou- vrier doit permettre de pallier ces défauts sans que l’intervention ne soit visible, d’où le recours à des colorants.

Fig. 13 – Polissage d’un dessus de table en marbre à l’aide d’un polissoir à genouillère (Balanod, Jura). (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997)

11. Le polissage manuel des pièces sculptées et des éléments aux formes chantournées constituait traditionnellement la tâche confiée, à domicile, aux femmes 132 et aux enfants. CONCENTRATION ET DÉCLIN AU XXe SIÈCLE

Au XXe siècle, la marbrerie juras- sienne connaît un déclin certain. Les causes en sont variées: ralentis- sement des grands chantiers de construction parisiens, arrivée en force de nouveaux matériaux indus- triels et de nouveaux éléments de confort (chauffage central notam- ment), les deux conflits mondiaux, la nécessaire mécanisation de l’ex- traction — pour des roches qui ne s’y prêtent pas forcément — et de la fabrication. Ce déclin est encore aggravé par le traité de Rome, en 1957, qui s’ac- Fig. 14 – Vue partielle d’anciens bâtiments de la marbrerie (Damparis, Jura). Construits par les de Tinseau, les ateliers du fond étaient surmontés de logements, tandis que le bâtiment en biais abritait écu- compagne de la disparition des ries, forges et ateliers. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) barrières douanières: les droits de douane favorisaient jusque-là l’im- portation des marbres étrangers en blocs, marbres alors sciés et travaillés en France. Après cette date, les tranches et matières ouvrées, impor- tées de pays mieux organisés comme l’Italie, concurrencent sévè- rement la production locale et entraînent la suppression de nom- breuses scieries.

Première touchée, la région doloise cesse toute production marbrière dans les années 1920-1930. Un rude coup est déjà porté à cette activité en 1884 avec la faillite de la société Violet, dont l’usine est, en 1899, convertie par la maison Jacob- ie Fig. 15 – Vue d’ensemble des vestiges de la marbrerie de Molinges (Jura). Delafon et C en fabrique (Cliché L. Poupard © Inventaire général, ADAGP, 1990) d’appareils sanitaires en grès puis porcelaine, ce qu’elle est toujours (fig. 14). Par ailleurs, 1923 voit la disparition de la maison Ragoucy, dernière entreprise importante de la place. A Justin Ragoucy avait succédé en 1870 François-Auguste Javelle puis, en 1895, la Société anonyme des Carrières et Usine de Belvoye (Jura) et Corgoloin (Côte-d’Or). Avec cin- quante-trois ouvriers en 1908, une scierie dotée de trois châssis multi- lames, trois raboteuses et six tours, plus diverses machines à vapeur (remplacées par des moteurs élec- triques en 1913), cette dernière avait poursuivi son activité jusqu’à la pre- mière guerre mondiale. Rouvrant ensuite avec seulement une vingtai- Fig. 16 – Parc aux marbres de l’ancienne marbrerie Carron, actuellement Yelmini Artaud (moulin Rentreux, Saint-Amour, Jura). (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) ne de personnes, elle ferme donc définitivement en 1923. 133 Fig. 17 – Rosace ornant le dallage du bureau de l’ancienne marbrerie Célard, actuellement Yelmini Artaud (moulin Febvre, Saint-Amour, Jura). Les rayons de la rosace sont en Balanod rosé asso- cié à de la Beige fine (ou Cabouca, Portugal), le centre et les triangles périphériques en Boisjourdan (Bouère, Mayenne). (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997)

A Molinges, l’usine est vendue en aussi fermé; l’exploitation ne s’y mêmes raisons, c’est le tour de la 1920 à la société lyonnaise effectue dorénavant plus que de société Célard, également en diffi- Marbres, Pierres et Granits (MPG). façon sporadique, à ciel ouvert. culté. Elle dispose, dans la décennie 1940, de cinq châssis de scie (sur A Saint-Amour, la raréfaction des Actuellement, la seule marbrerie lesquels deux ouvriers, en perma- commandes de cheminées et des industrielle encore en activité dans nence, remontent à la pelle le sable monuments oblige, dans les années le Jura est donc celle de la SA de Fontainebleau nécessaire au 1920-1930, les trois sociétés qui Yelmini Artaud, dorénavant pro- sciage), d’un tour à marbre, de trois subsistent à se convertir. priétaire de trois sites à Balanod et débiteuses, de deux polissoirs à Au moulin Rentreux, la marbrerie Saint-Amour. Elle occupait vingt- plat et de deux polissoirs à Carron s’oriente vers le sciage à huit personnes dans le départe- genouillère. Ce matériel est façon pour des entreprises lyon- ment en 1997. modernisé après la seconde guerre naises; au moulin Febvre, Célard Forte du savoir-faire de ses mondiale: châssis de scie vers 1946 se spécialise dans les restaurations ouvriers, elle a pu se positionner puis scies à lames diamantées dans et fabrique des éléments pour le dans la production de haut de les années 1970, ponts roulants et bâtiment; Yelmini Artaud, à gamme et ne compte plus les réali- wagonnets, etc. La société emploie Balanod, réalise des revêtements sations de prestige sorties de ses trente-cinq ouvriers à l’usine en (façades et sols), des escaliers et ateliers: salles de bain destinées 1958. Elle est intégrée en 1972 au des aménagements d’intérieur aux émirats arabes, revêtements groupe Rocamat, lequel supprime (salles de bain par exemple). muraux et de sol du paquebot la scierie en 1975 avant de fermer Fermée dans les années 1970, la Splendor of the Seas (1995-1996), l’établissement en 1984. Les bâti- marbrerie Carron est rachetée en grands hôtels en Allemagne, etc. ments ont été détruits depuis 1993 par Yelmini Artaud qu’inté- Elle essaie toujours d’utiliser les (fig.15). resse l’étendue de son parc aux rares marbres jurassiens exploités, Exploitée en souterrain depuis marbres et son pont roulant notamment celui de Balanod 134 1928, la carrière de brocatelle a elle (fig.16). L’année suivante, pour les (fig.17). RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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ANNEXE 1

DEVIS D’AUTEL POUR LA CATHÉDRALE DE SAINT-CLAUDE (Jura) (AD Jura: 2 H 128)

« Devis de l’autel

1° La marche à l’entour du parquet sera en pierre de Mignovillard [«mignons villard » ] bien lustrée et bien travaillée suivant l’art 2° Le parquet sera fait en marbres figurant sur le plan ou bien comme ils [les frères Maderny] l’exigeront à propos 3° La base dudit autel sera en pierre de Mignovillard avec le socle plaqué en pierre de l’Abbaye-Damparis [« labaÿe dans paris »] 4° Le cadre du tombeau sera en marbre rose de Suisse plaqué sur la pierre brute du pays 5° Les panneaux dudit tombeau seront en marbre de Gênes [«ienes » ] dit blanc veiné 6° La corniche dudit tombeau sera en pierre de Mignovillard 7° Le gradin des chandeliers sera en pierre de Mignovillard; il se pourra que le socle et une petite moulure en dessus visible et le cadre dudit gradin seront en marbre de Suisse et les panneaux en marbre blanc veiné de Gênes 8° Le derrière dudit autel qui forme le pilastre portant la châsse sera en [aucun nom inscrit] Le socle qui fera la hauteur du marchepied et du socle du tombeau sera en pierre blanche tachée de petites taches jaunes de Salins 9° La base sera la même, qui régnera tout à l’entour, en pierre de Mignovillard 10° Le cadre sera en pierre blanche de Salins 11° Les panneaux seront en belle pierre de l’Abbaye-Damparis ou bien de Sampans [«Sempent » ] 12° La corniche dudit pilastre sera en Mignovillard

Si l’on veut, on peut faire le cadre du tombeau en pierre blanche de Salins avec les panneaux en brèche violette ou bien en bon marbre de Sicile [«cecilie »?]

Le présent devis écrit, d’autre part, sera exécuté suivant sa forme et teneur et il ne sera employé que du marbre, suivant sa qualité, de la meilleure espèce relativement à notre promesse envers messieurs du noble chapitre de Saint-Claude. Le douze décembre mil sept cent quatre-vingt-deux

[Signé: ] Joseph Maderny, Dominic Maderny, L. Maderny » 136 ANNEXE 2

MODE D’EXPLOITATION DE LA CARRIÈRE DE CHASSAL ET DE LA MARBRERIE DE MOLINGES EN 1827 (Lettre de Félix Boudon conservée aux AD Jura: M 3315)

« St Claude, le 4 mai 1827

Monsieur le Préfet,

J’ai l’honneur d’adresser à la Préfecture, pour être présentées à l’exposition de 1827, deux chambranles de che- minées, en marbre de Chassal. Ces cheminées sont renfermées dans trois caisses, savoir:

F.B. N°1 Pt 110 Kil. F.B. N°2 Pt 92 F.B. N°3 Pt 67

Les pièces composant ces cheminées sont ci-après détaillées, savoir:

Caisses n° 1 2 3 1° Une cheminée à colonnes en marbre violet 1° Une tablette avec moulure 1 2° Une frise 1 3° 2 retours de frise 1 4° 2 colonnes avec chapiteaux et bases 2 5° 2 jambages ou pilastres avec chapiteaux et bases 2 6° 2 socles 2

2° Une cheminée à la capucine en marbre rose 1° 1 tablette sans moulure 1 2° 1 frise 1 3° 2 revêtemens 2 4° 2 jambages 2

Ces objets ont été confiés au Voiturier Joseph Carraz de Chassal, pour être rendus à la Préfecture dans quatre jours, avec une lettre de Voiture du 2 mai 1827.

J’ai l’honneur de vous donner ci-après les détails demandés par l’article 3 de Votre arrêté du 12 janvier 1827.

1° Nom et prénoms du Fabricant Boudon, Félix, de St Claude, propriétaire de l’usine, dirigeant par lui-même les travaux d’exploitation des car- rières, de construction, de l’établissement des machines et de fabrication du marbre.

2° Lieu de la situation de l’usine La fabrique est située au lieu dit Cuéttan, commune de Molinges, arrondissement de St Claude, Jura.

3° Etendue et procédés de la fabrication

§ 1er Carrière Les marbrières de Chassal (près Molinges) ont été exploitées pendant environ 30 ans avant la révolution; puis elles ont cessé de l’être pendant trente et quelques années. J’ai commencé dans la principale carrière anciennement ouverte. Les mauvais procédés des anciens exploitans qui travailloient avec de trop petits moyens, avoient laissé cette carrière en trés mauvais état et cette circonstance m’a forcé à des travaux extraordinaires et coûteux qui m’ont procuré du marbre brisé, dont la plus grande partie a été jetée dans les matériaux inutiles. A mesure que les bancs attaqués par les anciens exploitans ont été enlevés et que la carrière a été déblayée et pur- gée, j’ai obtenu des résultats plus avantageux; mais la nature de la carrière m’a mis dans le cas d’employer de grands moyens, des forces prodigieuses et un mobilier considérable et très coûteux. La carrière est placée dans la pente de la montagne de Chassal du côté du couchant. Les bancs ne sont pas tout à

137 fait horizontaux, mais un peu inclinés du côté de levant. A la surface, ils paroissent n’avoir qu’environ quatre pieds d’épaisseur; mais à mesure qu’on pénètre dans la carrière, ils se réunissent d’abord par deux, ensuite par trois, puis par quatre; de telle sorte qu’on a cru, jusqu’à ce que les travaux aient prouvé le contraire, qu’il n’existoit pas de bancs et que la montagne présentoit dans cette partie, une masse dont on ne pouvoit apprécier l’épaisseur. Au point où j’en suis, les bancs ont 16 à 18 pieds d’épaisseur; je ne sais si, plus avant, ils s’épaissiront encore par la jonction des bancs supérieurs. Ce banc de 16 à 18 pieds est partagé dans sa longueur ou largeur, par des fils ou fentes ou terrasses presque imper- ceptibles. La nature semble avoir découpé ces bancs en pièces plus ou moins longues, par ces fentes ou terrasses; mais la séparation n’est pas complette. Ces grandes pièces sont adhérentes à la masse; dans beaucoup d’endroits elles présentent en arrière et par côté des bosses et des cavités correspondantes qui rendent l’adhésion trés forte. Les fentes ou terrasses dont je viens de parler ne se voient que par devant ou par côté et non par dessus ; de sorte que ce n’est que quand ce bloc ou banc est bougé qu’on en connoît la profondeur. Il s’agit donc de soulever des masses énormes et adhérentes par dessous, par derrières et par côté. L’année der- nière j’ai attaqué un banc de 10 à 12 pieds d’épaisseur et présentant 60 pieds de front. Il a fallu d’abord le purger par devant et par dessus sur une largeur ou profondeur considérable puisqu’on ne voit pas pardessus où le banc pourra se partager; puis faire sur la longueur de 60 pieds & en dessous, une profonde tranchée pour recevoir 60 à 80 coins de fer et 8 à 10 forts leviers longs de 30 pieds, que je fais charger, à l’extrémité éloignée du banc, de plu- sieurs milliers pesant de pierres. Ce banc fut partagé dernièrement en plusieurs pièces de différentes longueurs sur une profondeur de 5 à 10 pieds, et une portion de la longueur d’environ 12 pieds a résisté à mes efforts. Ces pièces étant soulevées de quelques pouces il s’agit de les éloigner et de les renverser. Pour celà j’emploie des crics, des coins, des leviers de 30 à 60 pieds, des poulies, des moufles, des treuils, des cabestans, des pieds de chèvres, &a Ces grandes pièces étant renversées, je les fait partager par les fils ou terrasses que j’apperçois. Ces fils sont per- pendiculaires au lit de carrière et coupent les bancs en travers de manière à diminuer les longueurs. Ensuite j’ôte la partie supérieure du banc qui est de mauvaise qualité. Puis, pour diminuer la masse des blocs et en rendre le transport possible, je les fait couper dans le sens de la longueur et du lit de carrière. L’exploitation de ce banc m’a demandé un an de travail de 12 ouvriers (que je ne compte que pour six mois à rai- son des interruptions pendant l’hiver et les mauvais tems). Cette dernière année ainsi que l’année précédente m’ont donné en outre un grand nombre de blocs de la longueur de sept pieds et au dessous, neuf blocs très beaux et très sains de quatre à cinq pieds carrés et 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14 et 15 pieds de longueur. Outre 7 à [8?] pieds de pierres qui recouvrent le marbre dans la carrière et dont je me débarrasse très difficilement, quoiqu’avec de la poudre, j’ai encore à ôter 10 à 15 pieds de terre, sables et pierrailles que je suis obligé de trans- porter à une distance assez considérable.

§ 2. Transport La carrière est éloignée de l’usine d’environ 20 minutes, savoir: 10 minutes sur un chemin large d’environ 10 pieds que j’ai fais établir exprès et 10 minutes sur la grande route. Ce chemin va presque partout en descendant, mais la pente n’est pas uniforme. Jusqu’à présent, j’ai fait conduire par des chevaux et des bœufs, sur de forts chariots à quatre roues que j’ai fait construire exprès des blocs de 30 milliers (de livres) et au dessous Mais j’ai reconnu que ce mode étoit trop dis- pendieux pour tout ce qui excède quinze milliers (de livres); je fais faire en ce moment des machines pour conduire les blocs de 15 à 60 milliers sans bêtes de somme, et je compte opérer, en un jour, le transport d’un bloc de 60 milliers avec 10 hommes.

§ 3. Sciage J’ai quatre scies mues par une roue hydraulique. Ces quatre scies dont deux sont à double chassis, contiennent ordinairement ensemble 120 à 150 lames. J’en ai eu quelquefois jusqu’à deux cents. Deux scies sont destinées à partager en tranches les gros blocs de 6 à 8 pieds de longueur: elles peuvent contenir chacune 30 lames. Une à double chassis sert à partager en tranches les petits blocs ou à descier des colonnes pour cheminées: elle peut contenir jusqu’à cent lames. D’après ces détails, il sembleroit que je pourrois avoir à la fin deux cent soixante lames en mouvement; cependant je n’en pourrois pas faire mouvoir autant parce que cela ralentiroit le sciage et l’ensemble du mécanisme man- queroit de force. J’ai pour le sciage, quatre ouvriers qui surveillent les scies, portent et lavent le sablon et qui se rechangent deux par deux de 6 heures en 6 heures, tant de nuit que de jour; plus un chef qui dirige le placement des blocs et des tranches et qui ajuste les lames.

138 § 4. Taille La taille se fait comme partout. J’occupe pour cela 6 à 10 ouvriers et un appareilleur.

§ 5. Polissage J’ai une machine mue par la roue hydraulique, qui sert à dresser ou égréser les tranches qui, à raison de leurs inéga- lités donneroient trop d’ouvrages aux ouvriers. J’ai des tours de différentes formes, mues par la même roue, destinées à creuser découper et polir les objets ronds tels que colonnes, mortiers, bénitiers, tables à thé, &a Pour tout le reste, le polissage se fait à la manière ordinaire. Le polissage occupe 6 à 10 ouvriers.

§ 6. Objets divers J’ai dans l’usine, une petite forge ou fournaise semblable à celle d’un maréchal ferrant, pour l’établissement des machines et entretien des outils. Un forgeron mécanicien et un charpentier sont occupés à la construction et à l’entretien des machines et des outils soit de la fabrique, soit de la carrière.

4° Prix de chaque objet

Le marbre brut en bloc, simplement équarri coûte 6f le pied cube pour les longueurs de 5 pieds et au dessous 6f 75c id. pr id. 5 à 6 pieds 7f 50c id. pr id. 6 à 7 id. 8f 25c id. pr id. 7 à 8 id. &a &a

Le marbre en tranches brutes coûte 1f 75 à 2f le pied carré. Quant aux objets finis, le détail en seroit trop long pour pouvoir entrer dans cette note. Je me borne à dire [que] les tables ordinaires coûtent de 3f à 3f 50c le pied carré; les cheminées à la capucine de 36f à 50f, les cheminées à colonnes de 130f et au dessus. Les objets que j’envoie à l’exposition coûtent, compris l’emballage et le transport jusqu’à Lons-le-Saunier, savoir: 1° la cheminée à colonnes 180f 2° id. à capucine 60f

Quoique mon marbre soit très beau je suis, dans mon tarif, les prix courans et je pourrai peut-être les baisser par la suite si, comme je l’espère, je diminue mes frais d’exploitation de carrière; si je trouve des bancs généralement plus sains, si je perfectionne le mécanisme de mon usine &a &a et surtout si je suis secondé par le gouvernement.

5° Lieux de consommation La Suisse, pour les marbres bruts, en blocs; la Franche-Comté, l’Ain, le Lyonnais, le Dauphiné, pour les marbres en tranches brutes et pour les objets finis.

6° Nombre d’ouvriers J’ai donné ces renseignements dans les détails qui précédent. 7° Origine des matières premières }

J’ajoute à ma fabrique un bâtiment dans lequel j’aurai cette année deux scies pour des blocs de 15 à 18 pieds de longueur et j’occuperai alors 5 à 6 ouvriers de plus.

Je suis &a [Signé] Boudon »

139 140 Fig. 1 – Carte de repérage des carrières de la région doloise. (Dessin A. Céréza © Inventaire général, ADAGP, 2002/IGN - Paris - 2000 - Fonds de carte: Scan 25. Licence n° 2000/CUIN/9036) Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003 Les carrières de la région doloise (Complément aux visites sur le terrain, le samedi 12 juin 1999) Laurent POUPARD* et Patrick ROSENTHAL**

SITUATION ET GÉOLOGIE ouest, large de 5 km, prolongeant l’Oxfordien moyen donnant la pier- vers l’ouest l’unité structurale des re demi-dure de Dole. Tous les Entre la plaine alluviale du Finage Avant-monts du Jura. Ce sont prin- monuments de la ville et la plupart à l’ouest, le massif primaire de la cipalement les couches de calcaires des bâtiments ont été construits Serre au nord, et les alluvions et de calcaires argileux du Juras- avec cette pierre poreuse, non géli- anciennes de la forêt de Chaux au sique supérieur (Oxfordien et ve et qui se travaille assez facile- sud, la région doloise occupe une Kimmeridgien) que l’on voit à l’af- ment. Beaucoup d’édifices dont les zone de plateau calcaire jurassique fleurement (, , murs sont montés en pierre demi- faillé, allongée du nord-est au sud- , Champvans, Choisey, dure ont des soubassements en Damparis, Dole, Foucherans) pierre de Landon, calcaire microcris- Résumé (fig.1). Vers le nord-ouest, des tallin du Bathonien faiblement La région doloise fut réputée pour petits compartiments faillés, struc- poreux, évitant les remontées ses pierres de construction, dont au turalement relevés, montrent des capillaires. Ces calcaires du Batho- moins deux faciès aptes à prendre le couches calcaires du Jurassique nien, ayant des caractéristiques poli se sont distingués au fil du propres à en faire des granulats, temps: le calcaire marbrier dit de moyen (Bajocien, Bathonien et Sampans, par ses qualités esthé- Callovien), visibles au Grand- sont exploités dans ce but au Mont tiques, et la pierre de Damparis, par Mont, à Landon, au Mont-Roland Roland. ses qualités physiques. Exploitées et à Sampans, et donnant les reliefs Les calcaires hydrauliques de l’Ox- industriellement à partir de la du secteur. Les failles assez bien fordien moyen (calcaires argileux), deuxième moitié du XIXe siècle, ordonnées se distribuent en un qui surmontent la pierre demi-dure notamment pour des édifices pari- faisceau nord-nord-est - sud-sud- de Dole, alimentaient les fours à siens tels l’Opéra (Palais Garnier) et ouest découpant les couches juras- chaux du quartier des Grandes l’église de la Trinité, ces roches sont Carrières. Ils sont encore exploités connues depuis la Renaissance. Les siques sub-horizontales en lanières historiens du XIXe siècle faisaient larges de 200 à 1000 m. Leur rejet à Rochefort-sur-Nenon pour ali- même remonter leur mise en œuvre vertical varie de quelques mètres à menter la cimenterie. à l’Antiquité. Les carrières ouvertes plus de 200 m. Quelques failles est- Les calcaires graveleux à mol- au fil du temps ont laissé de nom- ouest interrompent la continuité lusques du Jurassique supérieur breuses traces, encore visibles de des lanières. (faciès Séquanien) ont fourni la nos jours, mais celles actuellement Les décalages structuraux et le jeu pierre de Damparis, qui a été exploi- exploitées ne fournissent plus que de l’érosion d’un compartiment à tée en plusieurs carrières entre la matière première destinée à la Damparis et Choisey. Outre son production de granulats. l’autre aboutissent à ce qu’affleu- rent à la surface du sol diverses for- aptitude à recevoir le poli, elle a aussi fourni beaucoup de pierre de Abstract mations géologiques ayant fourni The Dole area was once famous for aux générations de carriers une taille. its building stones. Two of them grande variété de pierres, chacune Quant aux calcaires oolithiques et were appreciated as building mate- ayant des caractéristiques pétro- aux niveaux à oncolithes du rial because they could be polished: physiques, mécaniques, ou esthé- Bajocien supérieur, par leurs faciès Sampans calcareous marble because tiques propres à en faire des mœl- grain d’orge, oolithiques, rouge, ou of its fine aspect and Damparis lons, des pierres de taille, des jaune veiné de rouge ou de violet, stone because of its physical proper- pierres à polir ou de la pierre à ils ont donné les marbres de ties. They were used mainly as parts Sampans. On notera que les bancs of decorative items (such as chaux. de pierre rouge de Sampans, sus- columns, pediments, basements, etc.). Les carrières sont situées sur la rive ceptible d’être polie, ont fourni de They had been known since droite du Doubs, du Mont Roland la pierre de taille et des mœllons Renaissance times but were used à la plaine de , principale- pour le bâti local, comme en témoi- mostly during the second half of the ment sur les communes de gnent les constructions anciennes th 19 century in Paris buildings such Sampans, Monnières, Champvans, proches des anciennes carrières. as the Opera (palais Garnier) and th Foucherans, Damparis et Dole, et * Ingénieur d’étude, Service régional de the Trinité church. Some 19 centu- l’Inventaire général de Franche-Comté. 7 rue ry historians thought they were aux lieux-dits Landon, Belvoye, Charles Nodier, 25043 Besançon cedex, France. already known by the people of Saint-Ylie1... ** Maître de Conférences au Département Géosciences, Université de Franche-Comté. antiquity. A Dole, la rue des Grandes 16 route de Gray, 25030 Besançon cedex et We can still see marks of ancient Carrières desservait des exploita- UMR 5060 du CNRS, Institut de Recherche sur quarries but, nowadays, only les Archéomatériaux, UTBM. 90010 Belfort tions s’étendant au sud de Landon. cedex, France. crushed stones are drawn from this On en extrayait un calcaire ooli- type of quarry. 1. Saint-Ylie a été commune jusqu’en 1953, date thique faiblement siliceux de de son rattachement à Dole. 141 On peut s’étonner que le faciès donné plus loin comme « fond jaune et veines ou marbrures rouges à violettes » se retrouve en fait dans toute la région doloise et, par conséquent, aussi bien à Sampans qu’à Damparis. Bien que vingt millions d’années séparent la sédimentation de la pierre de Damparis de celle de Sampans, toutes deux sont issues de milieux de sédimentation voi- sins, correspondant à des séquen- ces de plates-formes carbonatées marines caractérisées par une gran- de variabilité de faciès, mais pou- vant aussi se répéter dans le temps. Outre cette similitude des condi- tions de sédimentation, on note dans certains calcaires de la région doloise des traces d’oxydations voire d’imprégnations donnant le faciès « fond jaune et veines ou marbrures rouges à violettes ». Ces traces peuvent aussi bien affecter la pierre de Sampans que celle de Damparis. Ces phénomènes secon- daires communs peuvent être liés au rôle drainant du réseau de failles de la région doloise, lié à la mise en place du massif de la Serre. Ainsi

deux niveaux stratigraphiquement Fig. 2 – Clôture de la chapelle d’Andelot, à l’église paroissiale de Pesmes (Haute-Saône, Atelier dolois, 1556-1563). différents peuvent montrer des Marbres rouge (Sampans) et noirs (Miéry?), calcaire blanc. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) convergences de faciès rendant leur différenciation délicate lors- de Dole, des fondations d’un dès l’époque gallo-romaine soit très qu’ils sont extraits de leur gise- fanum, où il trouva de nombreux probable, les preuves disponibles, ment. éclats de pierres de Sampans ou qui nous permettraient notamment Damparis. Les vestiges recueillis de différencier leur utilisation APERÇUS HISTORIQUES ont malheureusement disparu comme pierre de construction ou depuis, nous privant de la possibili- comme roche ornementale, man- Exploitation antérieure auXIXe té d’une nouvelle expertise. quent cruellement. siècle De même, Feuvrier rattache à une lointaine Antiquité la découverte, à Au contraire de la période médié- Dans un article de la Revue des Damparis, d’une exploitation vale, qui n’a pas laissé de témoi- Etudes anciennes d’octobre-décem- ancienne faisant appel à des coins gnage marquant de leur usage bre 1917, Julien Feuvrier2 cite de bois. Signalons tout de suite — comme pierres marbrières, la quelques exemples de mise en en prenant le contre-pied de ce Renaissance les a utilisées d’abon- œuvre des roches de la région qu’il écrit — que cette technique, dance. Nombreuses sont les doloise au cours de l’Antiquité rarement attestée de façon proban- œuvres encore visibles, où se dis- gallo-romaine. Rappelant une note te, ne constitue pas forcément un tingue notamment le rouge de de l’architecte bisontin Marnotte repère chronologique exploitable3. Sampans. datée de 1828, signalant la décou- Sa rareté mérite tout de même plus Ainsi, ce marbre sert-il souvent, verte à Besançon (sur le site de qu’une simple mention et nous pour la décoration extérieure, à la l’Hôtel de France) de pierre de conduit à reproduire son texte en réalisation de colonnes. A Gray Damparis parmi des fragments annexe (annexe 1). (Haute-Saône), la façade de l’hôtel antiques, il mentionne les fouilles Ainsi, bien qu’une exploitation des de ville, bâti à partir de 1567 qu’il fit lui-même en 1911, non loin pierres de Sampans et Damparis par l’architecte bisontin Richard

2. Julien Feuvrier (1851-1936): professeur de mathématiques et de dessin à Dole jusqu’en 1913; il y fut également archiviste municipale de 1896 à 1936 et mena de nombreuses recherches historiques et archéologiques. 3. D’après Jean-Claude Bessac: contrairement à une idée erronée mais très communément répandue, l’usage de ces derniers coins en bois est rarissime durant l’Antiquité. Il n’est attesté qu’exceptionnellement et seulement en marge des cultures grecques et romaines. Pour les périodes médiévales et modernes, il en est à peu près de même. Extrait de: Bessac 142 (J.-C.), Burnouf (J.), Journot (F.), Prigent (D.), Sapin (C.), Seigne (J.). – La construction en pierre. Paris, éd. Errance, 1999: 24-25. (Collection « Archéologiques »). en marbre rouge de Sampans — et celui de la chapelle d’Andelot, réa- lisée de 1556 à 1563 à l’église de Pesmes (Haute-Saône), en associa- tion avec le Pesmois Nicolas Bryet. Blanc, noir et rouge s’y répondent tant dans l’architecture que dans la sculpture, pour les sols comme pour les revêtements muraux, les statues et autres reliefs (fig. 2). Leurs enfants, Guillaume Lulier et Hugues Le Rupt, poursuivent sur cette voie. L’arc triomphal de la chapelle des Jacobins à la cathédra- le Saint-Jean de Besançon, que l’on peut citer à titre d’exemple, témoigne de l’art de ce dernier.

De 1636 à 1674, la Guerre de Trente ans puis les conquêtes de Louis XIV se traduisent par une longue éclipse artistique. Le qua- trième quart du XVIIe siècle voit une reprise des commandes d’œuvres d’art en marbre, pour un renouveau que confirmera pleine- ment le siècle suivant. Ainsi, dès 1689, l’architecte Othon Jacquin passe un marché pour le grand retable du séminaire de Besançon. La part belle y est faite au marbre de Sampans: Jacquin exploite alors la principale carrière de marbre de cette commune. C’est aussi à partir de cette époque que sont fabriqués ces autels qui se Fig. 3 – Façade antérieure de l’hôtel de ville de Gray (Haute-Saône, Richard Maire, à partir de 1567). Marbre de Sampans. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) retrouvent dans nombre d’églises de la région et allient aux marbres Maire, est rythmée sur deux sont associés et la mettent en jurassiens (rouge et jaune de niveaux par vingt-quatre colonnes valeur. Tous trois sont fréquem- Sampans et Damparis, et noir de de Sampans (fig. 3). A Besançon, ment mis en œuvre par l’« Atelier Miéry, presque toujours présents) des colonnes du même marbre dolois », atelier de marbriers établi des marbres étrangers (blanc de encadrent la niche monumentale au milieu du XVIe siècle dans la Gênes par exemple). Le même — abritant autrefois une statue de ville de Dole — alors capitale de la type d’association se retrouve pour Charles Quint chevauchant un Comté —, réunissant les sculpteurs le chœur de la Sainte-Chapelle, à la aigle bicéphale — en façade de Denis Le Rupt (?-vers 1583) et collégiale de Dole, entièrement l’hôtel de ville (vers 1557-1573), Claude Arnoux dit Lulier (vers remanié par le Bisontin Jean- également de Richard Maire, et 1510-1580). Complémentaires, le Baptiste Galezot en 1733 et alliant sont présentes au portail du Palais premier — ornemaniste — et le Sampans et Miéry. de justice (1582-1586), dû à un second — statuaire — contribuent L’utilisation qui est faite des autre architecte, Hugues Sambin. par leurs réalisations au déclin du marbres locaux n’est pas seulement C’est aussi le marbre de Sampans gothique flamboyant face à l’italia- religieuse: dans les milieux aisés, la qui est privilégié dans les décors nisme de la Renaissance. Il n’est cheminée devient un élément polychromes, très appréciés à cette que de voir le décor de la chapelle essentiel du confort. Le bel aspect époque, aux côtés du blanc de l’al- funéraire de la famille de Visemal à jaune veiné de rouge du marbre bâtre (Saint-Lothain) et du noir l’église de Rahon (Jura) vers 1545 dolois fait alors merveille, si bien (Miéry). L’albâtre sert générale- — les statues de Guillaume de que cette pierre se rencontre dans ment à la statuaire, alors que les Visemal et de sa femme Marie de nombre de pièces des châteaux et deux autres roches fournissent les , représentés en priants, hôtels de la région. éléments architecturaux qui lui se détachent en relief sur une dalle 143 Essor et déclin, XIXe et XXe siècles

Dès le début du XIXe siècle, la zone Sampans-Damparis connaît, pour l’industrie extractive, une proto-industrialisation marquée par la multiplication des carrières: la commune de Sampans en compte quinze en 1812, celle de Damparis dix-sept l’année suivante. Les rai- sons de cet essor: la qualité de la production et un accroissement de la demande bien sûr mais, surtout, l’ouverture en 1802 du tronçon du canal du Rhône au Rhin reliant Dole à la Saône, qui permet l’ex- portation de cette production Fig. 4 – Atelier de taille sur les bords du canal, Damparis. Carte postale, s.d. [1er quart XXe siècle]. Chenevoy éd. (Archives communales, Damparis). au-delà des limites de la province. (Reproduction Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1989) L’exploitation du marbre de la région doloise n’est toutefois On ne peut en parlant de carrières crédit (hausse du taux d’escompte) ne industrialisée que dans la seconde omettre de parler des belles carrières sont sans doute pas étrangers à la crise rs moitié du XIXe siècle, après la créa- que MM de Tinseau ont ouvertes près brutale qui affecte alors les Usines de tion en 1857 de la marbrerie de de Dole sur le bord du canal du Rhône Belvoye et qui engendre la faillite de Damparis — dont l’usine est au au Rhin. L’extraction se fait à ciel nombreuses petites sociétés industrielles lieu-dit Belvoye et le siège social ouvert à de faibles profondeurs, au au niveau de la France entière. au château de Saint-Ylie — tenue moyen de grandes roues manœuvrées La décennie suivante voit sa repri- par la Société d’Exploitation des par des hommes, qui les font tourner en se — éphémère — par l’industriel Carrières de Tinseau puis, à partir marchant, comme dans les carrières des parisien Emile Deschamps puis sa de 1870, par l’entrepreneur environs de Paris, et des chemins de fer disparition. En 1899, le site est Adolphe Violet. Une desserte amé- mènent la pierre brute aux ateliers de racheté par la société Emile Jacob liorée par l’ouverture de la voie taillage et de préparation. Il est à et Cie, futurs établissements Jacob- ferrée Dole - Chalon-sur-Saône en regretter que ces ateliers ne soient pas Delafon et Cie. 1871, une production gagnant en encore pourvus d’une machine mettant La deuxième usine marbrière de valeur ajoutée — car tournée vers en mouvement les outils et que l’on soit Damparis perdure encore une la livraison de produits finis et non obligé de recourir à une lente et coûteu- vingtaine d’années: l’entreprise plus seulement ébauchés —, la fré- se main d’œuvre. MMrs de Tinseau ont familiale Ragoucy, née dans le pre- nésie de construction du marché l’intention d’installer pour cet objet une mier quart du XVIIIe siècle avec parisien, autant d’éléments qui petite turbine, mise en mouvement par l’installation de tailleurs de pierre contribuent à expliquer l’expan- une prise d’eau faite dans le canal, d’origine italienne, les Ragozzi, sion de cette société et de sa mais ils n’ont pas encore obtenu l’auto- avait, au début des années 1870, voisine, plus ancienne, l’entreprise risation nécessaire et l’établissement donné naissance à la société Ragoucy (fig. 4). d’une simple locomobile aurait été de Ragoucy et Javelle. Celle-ci tout point plus pratique.4 devient, après la mort d’Auguste Les carrières se multiplient et le Par la suite, les roues de carrière Javelle en 1895, Société anonyme nombre des ouvriers, venant de la seront remplacées par des grues en des Carrières et Usines de Belvoye France entière, augmente de façon bois, certaines actionnées par une (Jura) et Corgoloin (Côte-d’Or). La conséquente. Les techniques d’ex- machine à vapeur. première guerre mondiale marque traction restent traditionnelles, fai- un net ralentissement de son acti- sant appel à la masse et aux coins, Cependant, la marbrerie de vité, qui cesse en novembre 1923. parfois à la poudre. L’exploitation Damparis connaît de grosses diffi- est à ciel ouvert, en fosse à Dam- cultés durant la décennie 1880: elle Les causes de la fermeture de ces paris où les blocs sont sortis à l’aide est exploitée depuis 1881 par la usines sont bien évidemment mul- de « roues de carrière », chèvres société anonyme Compagnie des tiples. Certaines sont sans doute dont le treuil est remplacé par une Marbres d’Arni et Usines de directement dépendantes de leur grande roue creuse dans laquelle Belvoye, déclarée en liquidation en statut juridique et de leur mode de prennent place des hommes. Ce juin 1884. Selon Daniel fonctionnement. D’autres relèvent système est décrit par l’ingénieur Bienmiller: de causes extérieures: ralentisse- en chef des Mines du Jura dans son le krach bancaire survenu au cours de ment des grands chantiers de rapport du 9 juillet 1863: cette période et ses répercussions sur le construction parisiens, arrivée en

144 4. L’autorisation de prise d’eau sera accordée par le décret impérial du 12 juillet 1865, permettant l’installation d’une turbine de 80 ch. Fig. 5 – Carte de repérage des carrières de Sampans. (Dessin A. Céréza © Inventaire général, ADAGP, 2002/IGN - Paris - 2000 - Fonds de carte: Scan 25. Licence n° 2000/CUIN/9036) force de nouveaux matériaux vailler de manière automatique. Il ment remonté (horst), large de industriels (ainsi par exemple, les est significatif que, lors de la récen- 400m environ, limité par deux éviers en pierre sont détrônés par te restauration du Palais Garnier, à failles parallèles orientées nord- ceux en céramique) et de nou- Paris, il ait fallu trouver un maté- nord-est - sud-sud-ouest. D’un veaux éléments de confort (chauf- riau de substitution au Sampans. point de vue stratigraphique, elles fage central notamment), la Ainsi, les tables contre lesquelles montrent des couches de calcaires Grande Guerre, etc. sont adossées les colonnes de la bioclastiques du Bajocien supé- façade antérieure, à l’étage, ont été rieur5, riches en oncolithes6. La Après 1923, quelques exploitations remplacées par de la pierre mar- septième est quant à elle située au artisanales subsistent: ainsi à brière de Balanod, tandis que pour sud-ouest, au lieu-dit les Chevanny Sampans, Gustave Ardiot aurait les linteaux supportés par ces (fig. 5). Elle se trouve dans un com- encore fabriqué dans les années mêmes colonnes, c’est un grès partiment plus occidental et pré- 1930 deux colonnes monolithes rouge des Vosges qui a été retenu. sente des couches calcaires du pour la basilique Saint-Ferjeux de Bathonien supérieur et du Besançon. La plupart des carrières LES CARRIÈRES DE SAMPANS Callovien. exploitées pour la pierre de taille Toutes ne sont pas des carrières de ou ornementale disparaissent tou- Localisation pierre marbrière: l’extraction a pu tefois avant la seconde guerre mon- se faire dans des niveaux différents diale: à Damparis, la dernière Sept carrières ont été localisées sur de ceux habituellement mis en ferme en 1935. Celles encore en le territoire de la commune de œuvre. activité de nos jours sont exploitées Sampans. Six d’entre elles se trou- pour la fabrication du concassé des- vent à l’est du village, dont cinq La première carrière, au nord-est tiné aux routes. grossièrement alignées du nord au du village, était, dans la première La réouverture des anciennes car- sud. Elles ont été ouvertes dans les moitié du XXe siècle, tenue par rières de marbre rouge de Sampans assises calcaires du Jurassique l’entrepreneur dolois Cornu (suc- semble d’ailleurs quasi-impossible moyen sur le versant sud-ouest du cesseur d’Edouard Genty?). Selon dans le contexte actuel — tant relief du bois de la Côte. Dans le certains témoignages, celui-ci législatif que concurrentiel — pour contexte tectonique défini plus exploitait également en 1936 la car- une roche qui, par ses défauts de haut, elles sont situées dans un rière de Landon, sur la commune structure, peut difficilement se tra- compartiment faillé, structurale- de Dole. A Sampans, l’extraction

5. Pour plus de détails, cf. dans cet ouvrage l’article de J.-P. Sizun et P. Rosenthal, p. 193-206. 6. Concrétions calcaires ovoïdes à sphériques, formées de couches plus ou moins concentriques correspondant à des encroûtements algaires. Ici, leur diamètre varie de 0,5 à 10 mm. 145 s’effectuait en fosse avec des grues en bois (aujourd’hui disparues); la pierre était descendue jusqu’à la gare de Champvans à l’aide de « malbroughs », gros chariots bas à quatre roues. Elle a été comblée, mais laisse encore par endroits deviner sa profondeur, assez impor- tante.

La carrière suivante était celle de Félix Jacquin, au lieu-dit la Combe Martin. Exploitée artisanalement, pour produire en dernier lieu du ballast, elle a fermé entre 1955 et 1960, à la mort de Jacquin. Ce patronyme attaché à une famille de tailleurs de pierres est, rappelons le, attesté à Sampans dès le XVIIe Fig. 6 – Front de taille de la carrière des Escherolles (Bajocien supérieur) vu du nord-est, Sampans. siècle: Othon Jacquin, l’auteur du (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) retable du séminaire de Besançon, en sortaient étaient destinés aux Chevanny (fig. 7), et fond rose à est alors propriétaire ou exploitant marbreries de Saint-Amour. violet, avec ou sans présence d’on- de la carrière de marbre la plus L’exploitation y cessa en 1939. colithes (« grains d’orge ») (fig. 8), importante dans la commune. visible dans la carrière des Vient ensuite une petite carrière A l’ouest de la carrière Violet se Escherolles. C’est cette deuxième artisanale, vraisemblablement fer- trouvait une autre carrière tenue catégorie qui est la plus caractéris- mée dans le courant du XXe siècle, par Gustave Ardiot. Très petite, tiques de la commune et qui, com- dont le site, partiellement rem- elle est actuellement occupée par binée à la présence de nombreux blayé, est occupé par une maison la maison de son petit-fils, au 11rue fossiles, fut la plus marquante au (au 6 rue des Escherolles). du Puisat long des siècles. La carrière la plus importante se Finalement, celle des Chevanny Ainsi, l’historien Loys Gollut7 écrit- trouve à proximité, tout en étant fut rachetée en 1948 par Négrello à il en 1592: peu visible: le lotissement des la famille Jacquin. Occupant deux Une autre espèce havons nous d’un Escherolles s’est construit en avant de son front de taille, partiellement ou trois ouvriers seulement, elle marbre qui approuche la beauté des masqué par les habitations (fig. 6). pouvait alors fournir des blocs de plus exquis iaspes [jaspes]. Parce que Elle était exploitée par l’entrepre- grandes dimensions d’une pierre les pierres de Sampans, village peu dis- neur Violet, propriétaire de la gran- jaune veinée de rouge, utilisée en tant de la ville de Dole, représentent 8 de marbrerie de Damparis. Elle fut construction. L’Entreprise générale une couleur porphire, belle et naïfve , reprise dans les années Vingt par la de Dragages et Assainissement qui embellie d’une infinité de marques et société anonyme M. Spinga et Cie, lui a succédé, domiciliée à Séligney représentations d’homes, femmes, Entreprise générale des Bâtiments (Jura), fabrique concassé, « groi- bestes, poissons et autres animaux, et Exploitation de Carrières, fon- se », etc. soleil, lune, estoilles, comettes, fraises, dée à Dole en janvier 1924. Elle cerises, raisins et autres choses en la ferma vers 1935 à la suite de la Caractéristiques des matériaux nature 9. Voire hay ie vëu [ai-je vu] des faillite de la société. armoiries entières, marquées sur des Les marbres de Sampans offrent tables que lon dressoit pour fut [feu] Dernière sur l’axe nord-sud, la car- des faciès variés, que l’on peut clas- messire François Bonvalot 10, abbé de rière Ardiot est située au lieu-dit ser en deux grandes catégories: Luxeul [Luxeuil], auquel lesdictes aux Fourneaux, à proximité de la fond jaune et veines ou marbrures armoiries, colorées et blasonées comme route nationale n° 5. Elle montre rouges à violettes, que l’on retrou- il falloit, apertenoient. De ces pierres une exploitation (de pierre blan- ve en fait dans toute la région lon faict des tables, colones, croix, bas- che?) en gradins hauts de 50cm. doloise et qui se rencontre, par sins et autres choses, de telles longueurs, Pierres de taille et monuments qui exemple, dans la carrière des largeurs et époisseurs que lon pourroit

7. Loys ou Louis Gollut (1535-1595): il connut l’Italie et l’Espagne avant de se fixer à Dole, où il fut avocat puis titulaire de la chaire des Belles-Lettres à l’Université, dont cette ville était alors le siège. Il est surtout reconnu comme le premier historien de Franche-Comté avec ses Mémoires historiques de la République séquanaise [...], achevées en 1588 et publiées quatre ans plus tard. 8. François Javelier, auteur du catalogue de l’exposition réalisée à Gray en 1973 par le Photo-club Noir & Couleur graylois, propose de lire « neuve ». 9. F. Javelier suggère en note les identifications suivantes pour les représentations signalées par Gollut: homme « deux oolithes forment les yeux et un débris de valve la bouche », lune « ammonites », étoiles « tiges d’encrines » et cerises « oolithes ferrugineux ». 10. François Bonvalot (?-1560): ambassadeur de Charles Quint en France, ami d’Erasme, abbé de Saint-Vincent à Besançon à partir de 1537 et de Luxeuil dix ans 146 plus tard, administrateur de l’archevêché de Besançon à compter de 1544. raisonablement désirer. Mais il faut Les nouvelles carrières offrent 5 bancs estre curieux de loger ce marbre en lieu distincts, donnant des blocs grands, auquel le vent de midy et les pluies ne faciles au travail et d’un poli parfait: battent point, parce que là une bone 1er Banc: épaisseur, 0 m 30; fond rosé partie de son teint clair et vermeil se clair, sillonné par une multitude de ternit et obscurcit. veines rougeâtres, ordinairement Dans cette dernière phrase, Gollut parallèles. signale l’un des gros défauts du 2e Banc: épaisseur, 0 m 45; fond rosé, Sampans: il supporte mal d’être granité de rouge et sillonné par des exposé aux pluies. En effet, dans veines rouges, vagabondes, très- ces conditions, il se ternit, perd son contournées, ordinairement non poli et le matériau lui-même peut parallèles. être attaqué. L’aspect des colonnes 3e Banc: épaisseur, 0 m 20; fond un placées en façade de l’hôtel de ville peu plus sombre que les deux précé- de Gray ou de celui de Besançon, dents, granité de taches rouges sans ou encore du collège de l’Arc à veines. Dole, est là pour en témoigner11. 4e Banc: épaisseur, 0 m 60; fond rose intense, pommelé de rouge cerise, gra- En 1823, dans un Rapport sur l’état nité, d’un très-bel effet. Ce banc, par actuel des carrières de marbre de son épaisseur et la richesse de son France, le Maître des requêtes au coloris, se place en première ligne Fig. 7 – Marbre de Sampans à fond jaune et veines ou mar- Conseil d’Etat Héricart de Thury12 parmi les marbres du Jura. brures rouges à violettes, carrière des Chevanny (Callovien). e (Collection Robert Le Pennec, Saint-Claude). mentionne pour la région de Dole 5 Banc: épaisseur, 0 m 20; fond rouge (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) deux variétés de marbres qu’il qua- sombre, pommelé de jaune clair d’un lifie de « beau marbre pour la gran- singulier effet. de architecture monumentale »: le Tous ces bancs sont sains, d’un poli Pourpré, de couleur « rouge pour- parfait et d’un travail assez facile. pré », et la Fausse griotte, « rouge Et d’ajouter: Ils sont exploités surtout cerise, jaspé de taches blanches ». comme pierre de construction; à peine la vingtième partie des extractions est- Quarante-deux ans plus tard, en elle livrée au polissage. Ce marbre, par 1865, frère Ogérien13 évoque les ses qualités, la puissance de son gise- anciennes et les nouvelles carrières ment et la facilité du transport par le dans son Histoire naturelle du Jura et chemin de fer, pourrait être expédié au des départements voisins (Ogérien loin et fournir ainsi une branche 1865: 294-295): importante d’industrie. Les carrières dites anciennes, actuelle- ment abandonnées, ont fourni et peu- Des informations sur le mode d’ex- vent encore fournir en quantité du traction utilisé et le matériau obte- marbre rosâtre, granité de rouge sang nu sont données en 1890 par le d’un très-bel effet; le banc a 0 m 20 Répertoire des carrières de pierre de d’épaisseur; poli parfait, travail faci- taille exploitées en 188914, qui signale le; plaques de très-grande dimension; à Sampans la présence des deux extraction facile. Les autres bancs de la industriels marbriers de Damparis, même carrière ont une très-grande MM Javelle (successeur de Fig. 8 – Marbre de Sampans à oncolithes (« grains d’orge », puissance et peuvent donner des blocs Ragoucy) et Deschamps (succes- Bajocien supérieur). Cet échantillon est atypique car habi- tuellement domine la couleur rouge (cf. ce volume: article énormes, biens sains et faciles au seur de Violet). de P. Rosenthal et R. Le Pennec, p. 13-20). (Musée d’Archéologie, Lons-le-Saunier). travail; mais la couleur est un peu dif- Dans leurs carrières, l’exploitation (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) fuse. s’effectue à ciel ouvert, à l’aide des

11. Il convient de noter la position de Charles Garnier: Le marbre rouge de Sampan, le vert de Suède et plusieurs autres gardent presque intacte leur coloration primitive; d’autres, au contraire, comme le Sarancolin ou les pierres dures de l’Echaillon ou du Jura, blanchissent promptement et semblent morts (dans: Le nouvel opéra de Paris. Paris, Ducher, vol. 1, 1878: 19-20.). Garnier parle-t-il de marbre de Campan plutôt que de Sampans? Sinon, comment interpréter cette citation? 12. Louis-Etienne-François Héricart-Ferrand, vicomte de Thury (1776-1854): royaliste légitimiste issu d’une famille de magistrats de l’Oise. Ingénieur de l’Ecole des Mines en 1802, membre de l’Académie des Sciences en 1824, président de l’Académie d’Agriculture de France. Inspecteur général des Carrières de 1809 à 1830, il est responsable de l’aménagement des catacombes à Paris, où il créa deux cabinets destinés l’un à la présentation d’échantillons minéralogiques, l’autre à l’exposition d’ossements présentant des malformations. Auteur en 1815 d’une Description des catacombes de Paris, il poursuit les travaux de consolidation des carrières souterraines de la capitale. A sa mort, il rédigeait un ouvrage sur les marbres d’Italie. 13. Frère Ogérien (1826-1869): arrivé dans le Jura en 1854, directeur des frères des Ecoles chrétiennes, dits frères ignorantins, à Lons-le-Saunier. Auteur d’une Histoire naturelle du Jura et des départements voisins en quatre volumes, publiée de 1865 à 1867. Mort à New York le 14 décembre 1869, lors d’une mission d’ins- pection en Amérique du Nord. 14. Cette publication porte en titre secondaire: Recherches statistiques et expériences sur les matériaux de construction. Elle s’inscrit dans la suite d’un premier ouvrage du Ministère des Travaux publics intitulé: Catalogue des échantillons des matériaux de construction réunis pour l’Exposition de 1878, œuvre de M. Michelot et L. Durand- Claye, avec la collaboration de MM Brun, Dorry, Klein, Lemoine, Derôme et Deschâtres. 147 outils traditionnels des carriers («pince, tranche et coins ») (fig. 9). Le mètre cube de pierre se négo- cie, suivant la qualité et/ou l’état d’achèvement de la taille, à 30 et 80 F à la carrière, 38 à 90 F rendu en gare de Champvans. La masse exploitable y atteint une dizaine de mètres, sous une couche de morts-terrains de 4,50 m. Elle s’organise en seize bancs: huit bancs de 0,35 à 0,45 m de hauteur (donnant un calcaire gris et jaune à grain fin) et huit bancs de hauteur plus variable repérés par le faciès de la roche (un calcaire compacte, à grain fin, rouge ou violet), soit gra- nite rosé (0,95 m), sanguine rouge (1,05 m), granite gris rouge (1 m), sanguine rouge antique (0,80 m), gra- nite rouge (0,70 m), grain d’orge (0,50m), grain d’orge (0,55 m) et Fig. 9 – Coins et « joues » (tiges plates métalliques facilitant le jeu des coins) enfoncées dans une fissure du banc de marbre. petits grains (1,25 m) (fig. 10). (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) Le Répertoire donne, en outre, le résultat de diverses mesures réali- sées sur plusieurs échantillons de roche: – poids moyen par mètre cube, allant de 2 514 kg pour un grain d’orge à 2 593 kg pour la variété dite petits grains (2 566 kg pour un Rouge antique); – résistance à l’écrasement par cen- timètre carré, variant entre un minima de 737 kg (Rouge antique) et un maxima de 1 605 kg (pour les bancs divers). Le grain d’orge est peu résistant à l’écrasement (minima: 743 kg, maxima: 781kg, moyenne: 762 kg) au contraire des petits grains (mini- ma: 939kg, maxima: 1 155 kg, moyenne: 1 047 kg).

Les témoignages précédents met- tent en lumière d’une part la quali- té esthétique unanimement recon- nue des pierres de Sampans, d’autre part leur diversité, laquelle s’accompagne d’une répartition en bancs parfois de faible épaisseur et de caractéristiques physiques variables (par exemple, existence de « poils » et fissures qui, souvent invisibles, sont autant de défaut révélés lors du sciage). Leur mise en œuvre a donc pu s’avérer délica- te et leur tenue dans le temps pro- blématique.

Fig. 10 – Détail du front de taille de la carrière des Escherolles (Bajocien supérieur), Sampans. 148 (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) Fig. 11 – Carte de repérage des carrières de Damparis. (Dessin A. Céréza © Inventaire général, ADAGP, 2002/IGN - Paris - 2000 Fonds de carte: Scan 25. Licence n° 2000/CUIN/9036)

LES CARRIÈRES DE DAMPARIS (actuellement le Clos de Belvoye), ornementale, ses qualités propres au Petit Pré et au Champ Serrède permettant l’un ou l’autre usage. Localisation (Champ Ferré?)17. Elle établit d’ailleurs une voie ferrée18 afin En 1992, Raymond Lavigne a Daniel Bienmiller15 cite un certain d’alimenter directement son usine publié la liste des anciennes car- nombre de carrières, à commencer depuis les carrières. rières (les « trous »), telle qu’elle par celle signalée dès le XIIe siècle lui a été livrée par un carrier. Nous puis aux XVe et XVIe siècles: la car- A côté de celles exploitées par les en avons retrouvé peu sur le ter- rière des Perrières, près du bois des marbreries, d’autres carrières — au rain, car elles sont presque toutes Brûleux. En 1783, les Ragoucy en nombre de quatorze en 1867 — comblées (fig. 11). exploitent trois au lieu-dit Derrière existent, tenues par des artisans. Un premier groupe réunit les car- les Vergers, à la sortie est du villa- Elles se répartissent au nord de rières au sud du village, à Belvoye ge. Il y en a dix-sept en 1813, dont Belvoye et à l’est du village, allant ou à proximité. une à Belvoye16 où va s’industriali- jusqu’aux limites avec la commune Deux sont signalées vers l’usine de ser l’extraction (c’est en effet là de Foucherans au nord (lieux-dits la société Jacob-Delafon: le trou que s’établiront, côte à côte, les au Bas Bourgeois, Entre Deux des Canes (ou trou Jacob?), com- deux marbreries de Damparis). Bois, les Grandes Vignes, la Char- blé, devant son nom aux infiltra- Trente ans plus tard, quatre exis- püe, etc.). La dernière exploitation tions d’eau qui en firent le lieu de tent à Belvoye, aux lieux-dits en de pierre marbrière de Damparis prédilection des canards, et une Courberon, le Champ ferré, au en activité est celle de Gaston autre près d’elle, en voie de com- Betla et la Croix de Mission. La Jeannin, qui ferme vers 1935. blement par les moules cassés de Société d’Exploitation des Car- l’usine. Elles sont également por- rières de Tinseau en ouvre à partir Plus encore qu’à Sampans, en fonc- tées sous le nom de carrières de de 1857, toujours dans cette zone tion de l’époque, du banc exploité Claude et du Champ Ferré sur un de Belvoye ou à proximité immé- ou de la demande, la roche a été plan parcellaire de 1928, conservé diate, du nord au sud, aux lieux- utilisée soit comme pierre de dans les archives de cette société dits au Bas Bourgeois, au Betla construction soit comme pierre (fig. 12).

15. Daniel Bienmiller (1947-1994): archiviste municipal de Dole de 1976 à 1994, il a contribué à fonder l’Association des Amis de la Bibliothèque, des Archives et du Musée en 1972 et participé à la naissance du premier Cahier dolois en 1977. 16. Belvoir sur la carte IGN au 1:25 000 (3224 ouest Dole), au sud du village. 17. Les lieux-dits Petit Pré et Champ Ferré sont actuellement inclus dans l’emprise de l’usine Jacob-Delafon. 18. Vraisemblablement une voie Decauville, qui atteindra un développement maximum de 4 km. 149 De l’autre côté de la route Tavaux- Damparis, se trouvent les trous de la grue et des Cambrocas, comblés, appartenant aux Javelle-Ragoucy. Le premier, derrière le centre médical Claude-Bernard, s’éten- dait sur 1 ha et avait environ 15 m de profondeur. Exploité en fosse, il devait son nom aux deux grues en bois installées pour élever par paliers les blocs de pierre (la deuxième fut réinstallée dans la carrière Jeannin, aux Grandes Vignes, avant de disparaître) (fig. 13). Préalablement à son remblaie- ment, il avait été noyé par les infil- trations d’eau. Le trou des Cam- brocas19 était signalé sur le plan de 1928 sous l’appellation de Creux

Chocard. Par ailleurs, à l’ouest Fig. 12 – Plan de 1928 localisant certaines carrières de Belvoye, Damparis. de ces deux carrières, Daniel Plan parcellaire. Communes de Damparis, Choisey et l’Abergement-la-Ronce, par Janeron, échelle 1:1000 (Archives Jacob- Delafon, Damparis). (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1989) Bienmiller mentionne l’existence aux Courberons de « sept à huit cavités abandonnées qui sont éga- lement remplies d’eau ».

Un peu plus au nord, le trou du Bas Bourgeois a disparu, mangé comme d’autres par la carrière Solvay. En 1990, celle-ci était la plus grande du département, avec une superfi- cie de 134 ha (98 sur Damparis et 36 sur Choisey) dont 43 en exploi- tation, une excavation mesurant 1500 m de long sur 400 m de large et un front de taille haut de 48 m. Elle fournissait alors le calcaire nécessaire à la production de la soude suivant le système inventé Fig. 13 – Grue en bois actionnée par une machine à vapeur, « trou de la grue » à Damparis. dans les années 1860 par Ernest Carte postale, s.d. [fin XIXe siècle - début XXe siècle]. Chenevoy éd. (Archives communales, Damparis). Solvay. (Reproduction Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1989) Le troisième groupe s’échelonne à au lieu même où Feuvrier signalait Un deuxième groupe de carrières l’est du village, suivant un axe en 1917 une exploitation à l’aide de prend place entre le groupe scolai- nord-sud. coins de bois: celle de Nicole re Jean Jaurès et la carrière Solvay. Ainsi, on rencontrait autrefois, en Bougaud, reprise ensuite par Celle de Stéphane Camus et remontant cet axe vers le nord, Georges Trocaz mais non rentable, Ernest Ménétrier a été comblée dans la rue des Acacias le trou de et celles de la famille Jeannin, où pour permettre la construction du Séron (au n° 9), celui qui fut pro- travaillèrent jusqu’à une trentaine stade Léo Lagrange. Un peu plus priété de Xavier Ménétrier et la de salariés. Ces dernières, dont loin, près du gymnase, le trou du Motte à Charlemagne. A gauche de l’une avait 5 à 6 m de profondeur, Fameux était la propriété de la rue Jean Moulin: carrières Albert ont été réaménagées pour accueillir M.Roy. Noyé, il est le seul conser- Ménétrier, Castioni et Cantin (ces l’espace de jeu Paul Eluard. Le vé. Face à lui, de l’autre côté de la deux dernières de taille modeste et front de taille montre encore par rue des Sapins, se trouvait un autre fournissant de la pierre « mu- endroits une pierre veinée de trou (comblé) puis, vers l’est, une reuse »). Au long de la rue des rouge. série de carrières tenues par longues Fins: plusieurs trous dont Plus au nord, existaient les trous Fernand Bougaud (trou du Père-la- la carrière à Charlemagne, exploi- appartenant à Stéphane Camus, à France), Penillet et Jeannin. Les tée pour remblayer les chemins. Mitaine (de ), à France sites appartiennent actuellement à Les carrières les plus importantes Bougaud et à Marthe Courtois. la société Solvay et Cie. se trouvaient aux Grandes Vignes,

150 19. Daniel Bienmiller parle du lieu-dit Camps Brocard. tés, il est très-pur, non argileux, et par conséquent il n’absorbe pas l’humidité. Toutes ses parties sont cimentées de la manière la plus intime. D’après des expériences de M. l’ingénieur Michelot, sa résistance à l’écrasement s’élève par centimètre carré à 565 kg pour le banc blanc de la carrière de l’Abbaye, qui porte 1,10 m d’épaisseur moyenne, et à 670 kg pour le banc rouge, dont l’épaisseur réduite est de 35 cm; ces résistances sont exceptionnelles pour le calcaire, et elles s’approchent de celles des pierres dures. Ajoutons maintenant que le calcaire de Saint-Ylie s’exploite

Fig. 14 – Pierre du Jura («Séquanien») mise en œuvre pour l’un des colonnes de l’église de la Trinité (Paris, Théodore Ballu, 1861- à ciel ouvert, et sans qu’on soit aucune- 1867). Ce détail de la bague sculptée ornant le tiers inférieur de la colonne permet de distinguer une section de coquille de ment gêné par l’eau; bien qu’il soit dur, gastéropode. (Cliché L. Poupard © Inventaire général, ADAGP, 2001) il est entièrement exempt de fissures en sorte qu’il se laisse travailler, sculpter Caractéristiques des matériaux son traité des Matériaux de construc- tion: et tourner avec une grande netteté; ses Connus sous le nom générique de Le choix des matériaux de construction bancs sont très-épais et peuvent fournir Pierre du Jura, les marbres de réclame toute l’attention des ingénieurs des monolithes de toutes dimensions. Damparis sont moins colorés que et des architectes; car il serait facile de Enfin, son gisement est inépuisable, et ceux de Sampans. Ils offrent deux citer des monuments qui ont commencé dans une situation très-heureuse, au faciès principaux: le premier, à à se détruire lorsqu’ils venaient à peine bord du canal de la Marne au Rhin. Il fond jaune et veines ou marbrures d’être terminés. Il importe donc de est aussi près de la Bresse, et il pourra rouges à violettes, est celui que l’on signaler à l’attention les matériaux servir à fabriquer de la chaux destinée retrouve dans toute la région doloi- dont les qualités supérieures ont été à améliorer les terres quand le chemin se; le second est plus neutre. Selon consacrées par une expérience séculaire, de fer de Dole à Châlons permettra Bienmiller, c’est ce dernier — une et que des conditions spéciales de gise- d’en opérer économiquement le trans- pierre non granitée, très dure, non ment permettent d’exploiter facilement port. La taille à la boucharde est assez gélive et pouvant prendre le poli et en même temps d’expédier au loin. difficile à cause de sa dureté et de sa lustré — que l’on peut réellement C’est à ce titre qu’il convient de dire bonne qualité; cependant elle ne dépas- qualifier de marbre de Damparis ou quelque mots du calcaire-marbre de se pas 12 francs par mètre carré. Le de l’Abbaye20. Le premier relève, Saint-Ylie, dans le département du prix sur la carrière, pour les pierres de lui, de l’appellation marbre de Jura. Il était connu depuis longtemps, choix ébauchées et destinées au polissa- Belvoye ou, parfois, pierre de car on le retrouve dans des églises ainsi ge, est seulement de 40 francs le mètre Saint-Ylie (en référence au siège que dans plusieurs monuments de la cube. Il est de 60 francs à Lyon et de social de la société de Tinseau puis Franche-Comté; mais, dans ces der- 100 francs à Paris, tous droits payés. Violet); c’est un calcaire granité nières années, M. de Tinseau en a Dans quelques années ce dernier prix très dur, ingélif, avec une colora- ouvert des carrières nouvelles à sera encore réduit; car la navigation de tion allant des tons blanchâtres à Damparis, et leur exploitation a pris l’Yonne aura été améliorée, et permet- des couleurs violacées. Le sous-sol bien vite un grand développement. tra de substituer le transport par eau les livre en bancs suffisamment Le calcaire de Saint-Ylie est jurassique, au transport par chemin de fer. importants et homogènes pour per- et présente fréquemment des restes de Dès à présent le calcaire de Saint-Ylie mettre la fabrication d’éléments de nérinées et de crinoïdes. Il est extrême- a été employé dans Paris pour un grandes dimensions (fig. 14). ment compact et prend très-bien le poli; nombre assez grand de monuments; toutefois, sa couleur est peu éclatante, MM. et Savarin l’ont utilisé En 1838, Pyot21 en décrit deux jaunâtre, offrant par places une teinte notamment pour les ponts Saint- aspects: rosâtre ou rougeâtre. Bien qu’on ait Michel et Solférino; il a servi à faire le Damparis a des marbres susceptibles découvert récemment à Sampans un socle du Palais des beaux-arts, ainsi d’un très-beau poli; l’un est couleur de banc de couleur rouge qui produit un que vingt-huit colonnes monolithes chair granitée, l’autre est plus rose et assez bel effet, c’est beaucoup moins pour le Palais de justice. Il doit aussi d’un grain plus fin. comme marbre que comme pierre de être employé pour le nouvel Opéra, et construction que le calcaire de Saint- fournir des fûts de colonnes pour l’égli- Durant la décennie 1860, Delesse Ylie doit être signalé. Indépendamment se de la Trinité. Les qualités supérieures vante la pierre de Damparis dans de ce que ce calcaire est exempt de cavi- qu’il présente comme pierre de

20. L’Abbaye-Damparis est l’ancien nom de la commune de Damparis. L’appellation l’Abbaye renvoie plus précisément au site de l’ancienne abbaye, fondée au milieu du XIIe siècle, à la sortie ouest du village. 21. Jean-Jacques-Richard Pyot (1792-1840): médecin à Conliège puis à Clairvaux-les-Lacs, membre de la Société d’Emulation du Jura, auteurs de plusieurs ouvrages dont, en 1838, une Statistique générale du Jura, complétée la même année et chez le même éditeur par son Dictionnaire général des communes, hameaux, granges, fermes, rivières, ruisseaux, etc. du département du Jura. 151 construction le recommandent d’une pâte fine, serrée, pouvant servir à la seur des bancs —, se traduisant par manière spéciale, et l’on peut prévoir lithographie et à la chaux hydrau- une mise en œuvre aisée, ont per- que son usage se répandra dans toutes lique = 0,90 m mis un emploi fréquent, tant les localités où il arrivera économique- 8° Calcaire blanc, grisâtre, compacte, comme pierre de construction que ment. visible sur 0,60 m comme pierre ornementale. Il n’est 35° Zone. - donc pas étonnant de la rencontrer A la même époque, frère Ogérien 9° Marnes et calcaires marneux, blan- fréquemment dans la capitale, signale (Ogérien 1865: 294-295): châtres, avec Hémicidaris crénula- voire de la retrouver aux Etats- Cette belle et riche carrière s’étend sur ris - CC, et une multitude d’autres Unis. les territoires de Foucherans, où elle échinides parfaitement conservés; offre le plus de matériaux, de l’Abbaye- les couches sont relevées faiblement LES AUTRES CARRIÈRES Damparis, de St-Ylie et de Belvoie; dans la direction du Mont-Roland l’exploitation s’est surtout concentrée = 12 m A côté des carrières de Sampans et sur cette dernière commune, dont la Total = 23,60 m de Damparis — les plus renom- situation sur le canal du Rhône au mées —, d’autres, également Rhin permet une exportation facile; elle Finalement, s’il ne fallait retenir situées sur la rive droite du Doubs, occupe deux cents ouvriers et présente qu’une dernière référence, ce furent ouvertes au cours des temps. les variétés suivantes: serait le Répertoire des carrières de Il est plus ardu d’avoir des rensei- 1° Marbre rougeâtre veinulé ou macu- pierre de taille exploitées en 1889. Il gnements sur elles, notamment de lé de taches rouges; difficile au poli, mentionne, bien évidemment, les savoir si elles ont fourni de la pier- qui s’obtient parfait; blocs de gran- mêmes industriels qu’à Sampans re marbrière. La plupart n’ont vrai- de dimension. — MM Javelle et Deschamps —, semblablement été exploitées que 2° Marbre blanc rosé, veinulé ou non signale que les techniques d’ex- pour la pierre de taille, voire l’ali- de gris et de bleuâtre; très-sain; poli traction sont identiques et le prix mentation des fours à chaux. parfait et facile; blocs de dimension. courant du mètre cube de pierre 3° Marbre rouge vineux, id., id. similaire: 50 F à la carrière, 60 F La commune de Dole rendu au port22 ou en gare de Plus loin, il donne une description Tavaux. Le doute subsiste sur une exploita- stratigraphique précise de l’une Dans la carrière de Belvoye exami- tion effective de la pierre de Dole des carrières (Ogérien 1865: 566- née, sous une découverte (morts ter- comme roche ornementale, quand 567): rains) de 6,80 m, onze bancs s’éta- bien même ses qualités comme N° 6. - Coupe du Corallien inférieur, gent sur 9,35 m de haut: banc de pierre de taille et de construction prise dans la carrière de M. de bornes (0,25 m), petit banc jaune (0,30 — voire comme pierre marbrière— Tinseau, à Belvoye, près de Dole. m), gros banc jaune (0,60 m), banc des étaient unanimement reconnues, Altitude, 240 mètres. crapaudines (0,60 m), banc cordé ainsi qu’en témoigne le nombre de 34e Zone. - (0,60 m), banc de bout pour maté- carrières ouvertes (fig.15). 1° Calcaire marneux, rougeâtre, dit riaux d’empierrement (2,5 m), jaspe banc de feuillage par les carriers, (1,10 m), banc blanc de 20 pouces Ainsi, dès 1795, Justin Girod de alternant avec des argiles durcies, (0,60 m), banc de 37 pouces (1,10 m), Chantrans23 écrit-il dans sa 4e tour- 8couches intercalées, dont les deux banc de bois (0,40 m) et banc de fond née minéralogique: dernières offrent quelques pholado- (1,10 m). Le calcaire est « blan- Les environs de Dole sont de calcaire mies = 3,20 m châtre, légèrement gris avec veines coquiller. L’on en tire un marbre isabel- 2° Calcaire blanc, fin, à chaux grasse, roses dans le banc de jaspe ». le et de fort belle pierre de taille grise dit banc de boue, avec de nom- susceptible de polir. breuses nérinées à la partie supé- Les mesures de poids et de résis- rieure = 2,30 m tance, qui ont été effectuées sur En 1820-1821, une enquête statis- 3° Calcaire oolithique, rougeâtre (dit des échantillons de roches prove- tique mentionne cinq carrières banc de jaspe), facile au travail, nant aussi de la carrière de communales, occupant une quin- poli comme marbre = 1,10m l’Abbaye, donnent: zaine d’ouvriers à l’extraction de 4° Calcaire blanc, rosé, avec de nom- – poids moyen par mètre cube pierres destinées à la ville et à ses breuses nérinées empâtées dans la 2593 kg; environs. En 1845, il y en a trois sur partie supérieure du banc; très-sain, – résistance à l’écrasement par la commune de Saint-Ylie (ratta- poli parfait, gras sous l’outil centimètre carré: minima 1 292 chée à celle de Dole en 1953), dont = 1,90m kg, maxima 1 604 kg, moyenne une dépendant de la famille de 5° Calcaire blanc, rougeâtre (banc dit 1406kg. Tinseau, et quatre sur celle de de pointes de bois) = 0,40 m Dole, situées au Némont (sur la 6° Calcaire rougeâtre, massif, difficile Les bonnes caractéristiques de la rive gauche du Doubs), aux au poli; banc de 1,20 m pierre de Damparis — résistance, Grandes Carrières, aux Bruyères et 7° Calcaire dolomitique, jaunâtre, à non-gélivité, homogénéité, épais- vers la commune d’Authume.

22. Le port de Beauregard, sur le canal du Rhône au Rhin, se trouve à quelques centaines de mètres en amont des usines. 23. Justin Girod de Chantrans (1750-1841): officier du Génie militaire, président de la Société d’Agriculture du Doubs, président du Conseil général du Doubs en 152 1802, membre de l’Académie de Besançon. Auteur d’un Essai sur la géographie physique, le climat et l’histoire naturelle du Doubs, en 1810. Fig. 15 – Carte de repérage des carrières de Dole. (Dessin A. Céréza © Inventaire général, ADAGP, 2002/IGN - Paris - 2000 Fonds de carte: Scan 25. Licence n° 2000/CUIN/9036)

Quelques années plus tard, Pour Dole, sous une rubrique Une liste rédigée dans la décennie Alphonse Rousset24 mentionne des Exploitation des carrières, il 1860 en mentionne onze, avec des carrières à Azans (commune égale- ajoute: configurations variées: ment rattachée à Dole en 1953) — il y a sept carrières de pierre à bâtir et – la carrière municipale des on trouve sur le territoire d’abondantes à chaux, exploitées à ciel ouvert. Les Bruyères (au nord, près du Grand carrières de pierre à bâtir non exploi- produits s’écoulent dans l’arrondisse- Mont et de la limite des com- tées, qui pourraient être converties en ment de Dole et s’exportent au loin par munes de Sampans et d’Au- chaux, des carrières de pierre de taille et le canal. thume), louée à Sébastien de marbre — à Dole —, des carrières Groussaud, offre, sous 10 à 20 cm de pierre à bâtir et de taille de premiè- En fait, la qualité de la roche, les de terre, des « bancs de pierre re qualité, qui sont exploitées et besoins en pierre à bâtir et en jaunâtre de petites épaisseurs » transportées souvent très loin, des car- chaux pour l’extension de la ville et utilisés pour des « dalles et mœl- rières de chaux hydraulique et la construction de la voie de che- lons pour la construction »; ordinaire de bonne qualité, des car- min de fer, contribuent à la multi- – celle de Pierre Grappe au Grand rières de pierre à polir et de la terre plication des carrières dans la Désert (au nord, entre le lieu-dit glaise, exploitées — et à Saint-Ylie — seconde moitié du XIXe siècle. Il les Goguelues et la nationale des carrières de pierre de taille d’une n’est alors plus du tout question de n°73) compte 8 m de pierre dure qualité supérieure. pierre marbrière. (sous 40 cm de recouvrement),

24. Jean-Claude-Alphonse Rousset (1812-1868): notaire, il est surtout l’auteur d’un Dictionnaire géographique, historique et statistique des communes de la Franche-Comté, en 6 volumes, publié de 1853 à 1858. Contrairement à ce qu’annonce son titre, cet ouvrage ne traite que du Jura, pour lequel il fait référence. 153 « 2/3 en pierres mureuses et mœllons pour l’entretien des routes, 1/3 en pierre de taille ». Un front de taille est encore visible entre les rues du Désert et Jeanrenaud.

Cinq carrières sont ouvertes au lieu-dit les Perrières, au nord de la gare, près de la jonction des che- mins des Grandes Carrières et du Rougemont: – deux sont situées à gauche du carrefour: celle de Claude- François Charles, aux Bouclan- tes, offre sous 2 m de terre « 7 m de pierre mixte, 3/4 en pierre

mureuse, 1/4 en pierre de taille »; Fig. 16 – L’atelier de Jean Faccenda dans la carrière des Perrières en 1989, rue Xavier Joly à Dole. l’autre, aux Granges, appartient à Au premier plan: installation de débitage au fil hélicoïdal. (Cliché L. Poupard © Inventaire général, ADAGP, 1989) François-Justin Besson et présen- te 2,50 à 3 m de découverte puis donnée à la fin de la campagne et, surtout, de Damparis); 5 m de pierre, « 1/2 en pierre de car épuisée; – au Grand Mont (au nord de la taille, le reste en pierre mureuse – dernière de ce groupe, la carrière nationale n° 73), celui tenu par et détritus ». Dit « fabricant de de Jean-Claude Thibert est Lagé29. La pierre y a un poids chaux hydraulique, exploitant les actuellement desservie par les moyen de 2 701 kg/m3 et une Grandes Carrières de Dole et rues Xavier Joly (au n° 7) et Jean- résistance moyenne à l’écrase- Saint-Martin », Besson est par Joseph Pallu (n° 52 et 54): 2 fours ment de 1 419 kg/cm2 (carrière du ailleurs signalé en deux autres à chaux établis depuis 1857 sur cette Grand Mont); endroits: à la Toute Ronde (au parcelle, cubant ensemble 40 m3 et – au Némont (rive gauche du nord de la gare, à l’est de la rue employant un ouvrier huit mois par Doubs), celui exploité par Jean-Joseph Pallu peu après la an. Les fours seront par la suite Grobost, pour lequel les mesures rue Lombard)25 — le site est reconstruits par Bosne, auquel donnent 2 660 kg/m3 (poids actuellement occupé par un succèdera Monin puis, en 1936, moyen) et 966 kg/cm2 (résistance HLM — et à la Chaussette (entre Faccenda (qui les arrêtera). Son moyenne à l’écrasement). la route de Champvans et la voie fils, Jean, y installera son atelier ferrée, non loin du tunnel ferro- de tailleur de pierre en 194827 Une enquête de 1910 mentionne viaire), où une exploitation à l’ex- (fig.16). dix carrières. A côté des lieux-dits plosif permet la production de déjà rencontrés, de nouveaux appa- « menues pierres » dont les deux- Le Répertoire de 1890 ne mention- raissent: la Prise d’eau, les tiers seulement sont vendus26 ; ne pour la pierre de Dole que trois Bruyères, le Mont de Landon, – deux autres carrières sont encore sites de carrières, exploités à ciel Landon et le Mont d’Alan. visibles à droite du carrefour, ouvert avec tranches, pinces et Le premier correspond à une car- creusées de part et d’autre du coins: rière — aujourd’hui désaffectée — chemin des Grandes Carrières – aux Grandes Carrières, celui de la destinée à alimenter les cinq fours qui, de ce fait, passe en contre- veuve Bosne28, dont la pierre a un à chaux bâtis de 1859 à 1878 par haut d’elles: celle de François poids moyen de 2 192 kg/m3 l’entrepreneur Emmanuel Pécaud Decoursières, qui compte 6,50 m (pour les bancs francs et versant) à au long du canal du Rhône au de pierre calcaire en assises de 20 2 323 kg/m3 (banc durçon) et une Rhin30. à 30 cm surmontant des bancs de résistance moyenne à l’écrase- Les trois suivants se situent au « pierre apte à la taille non ment de 335 kg/cm2 pour les pre- nord de Dole, près du Grand exploitée », et celle de Sébastien miers et 445 pour le second (à Mont: les propriétaires exploitants Groussaud qui, dite « de peu comparer avec les chiffres annon- sont Spinga aux Bruyères et au d’importance », doit être aban- cés pour les marbres de Sampans Mont de Landon, Marlin à Landon

25. François-Justin Besson y est propriétaire de fours à chaux qu’il transférera vers 1867 au lieu-dit A la Chausette, où il bâtira une usine importante, dite de Saint- Martin. Arrêtée vers 1947, il en reste des ruines. 26. Le front de taille s’y compose de 2,50 m de découverte, 1,50 m de « pierre à casser », 3,30 m de « pierre mureuse » et 1,75 m de « pierre d’enrochement ». 27. La carrière sera un temps louée à l’entreprise dijonnaise Ory, qui en extraira la pierre servant à la reconstruction de frontons de la saline royale d’Arc-et-Senans. 28. Nombre et hauteur des bancs: 7,15 m de découverte (y compris 4,75 m de mœllons à chaux) puis 4,35 m de pierre exploitable en 9 bancs, soit 3 bancs francs (0,35 à 0,40 m), banc têtes de chat (0,15 m), banc de mureuse (0,10 m), banc roussot (0,40 m), banc versant tendre (1,70 m), banc durçon mixte (0,60 m) et banc durçon dur (0,30 m). 29. Nombre et hauteur des bancs: 4 m de découverte (y compris 3,50 m de « pierre à casser »), puis une masse exploitable de 4,60 m en 8 bancs variant de 0,30 à 1,20 m. 30. Le site passe avant 1911 à Maurice Bouvet, propriétaire d’une usine de chaux à Champagnole, qui y emploie dix ouvriers en 1910. La carrière est exploitée en 154 souterrain avant d’être acquise par la société fromagère Graf en 1935 et transformée en cave d’affinage. récentes et sont exploitées pour du concassé. Rousset mentionnait pourtant en 1855: On trouve sur le territoire [de cette commune] de la marne, des carrières de bonne pierre ordinaire et de taille, de la pierre à chaux; la pierre de taille imite le marbre et est susceptible de rece- voir le poli.

Plus au nord, Rousset indique pour la commune de Rainans la présen- ce de: carrières de pierre ordinaire à bâtir et de taille de première qualité. Cette pier- re, rouge dans la partie haute du terri- toire et blanche ailleurs, imite le Fig. 17 – Front de taille de la carrière des Bruyères (Bathonien), Dole. marbre; elle est susceptible de recevoir (Cliché R. Le Pennec, Saint-Claude) le poli et s’exporte au loin. Trente-cinq ouvriers sont occupés chaque jour dans 3 — où quatre ouvriers extraient à 1 F/m ). Cette dernière carrière les carrières. 3 chaque année 50 m de pierre de est toujours exploitée, en bordure N’étant pas retourné sur ce terrain, 3 3 taille à 45 F/m et 500 m de « pier- de la route nationale n° 5. nous ne savons pas si ces carrières 3 re à casser » à 1 F/m . Cette zone correspondent à celles portées sur conserve encore de nos jours des Les communes autour de Dole la carte IGN au 1:25 000. traces bien visibles de quatre car- rières, toutes désaffectées. A Dans le sous-sol des communes Sur la petite commune de Landon (rue du Tumulus), où le avoisinant Dole existent les mêmes Monnières, Rousset écrit en 1856: site s’inscrit dans le dénivelé — bancs de roche qu’à Sampans et On trouve sur le territoire, de la accessible de plain-pied au sud et Damparis. Suivant les conditions marne, de la pierre ordinaire à bâtir et profondément excavé au nord —, il géographiques locales, ces bancs de la belle pierre de taille, recevant le accueille une habitation récente. ont pu être accessibles et exploi- poli et imitant le marbre. En remontant dans le vallon, à l’est tables. Examinons ce qu’il en fut Une seule carrière, mais non des du chemin du Lierre (peu après pour ces communes, en procédant moindres, a été repérée en bordure avoir quitté la rue des Ecoles), les en sens inverse des aiguilles d’une traces du site suivant sont plus dis- montre (fig. 1). de la route nationale n°5. Fournis- crètes, réduites à des monticules sant du concassé, elle s’enfonce de déchets d’extraction ou de Coincée entre l’extrémité nord-est profondément dans le massif du taille. Continuant par la rue des de la gare de triage de Dole et la mont Roland et parait avoir détruit Bruyères, nous arrivons à la carrière route nationale n° 73, la carrière de toute trace d’une éventuelle des Bruyères, dont l’entrée est Brevans, dont on ne sait rien, n’a exploitation ancienne à cet endroit. masquée par des ronces. Elle était pas dû fournir de pierre marbrière tenue par Spinga avant de devenir (Rousset signalait au XIXe siècle la A Champvans, deux carrières sont propriété de la société chimique présence de pierre à bâtir non signalées au lieu-dit sur , Solvay et Cie, établie à Tavaux. exploitée dans cette commune). au sud de la route départementale Etendue mais avec un front de n° 6 joignant Dole (Chauve 1992: taille peu élevé (fig. 17), elle En 1853, ce même Rousset men- 103). La partie supérieure de l’une montre encore en certains endroits tionne à Authume « un tailleur de d’elles offre quelques bancs de des traces d’emboîtures. La qua- pierres, exploitant de carrières », pierre marbrière et l’on sait par trième, non loin dans la même rue ainsi que « des carrières de pierre à ailleurs que, du 1er juillet 1879 au et toujours sur le côté droit, appar- bâtir, de taille et à chaux ». Une 1er juillet 1880, près de 79 tonnes tenait à Marlin et, elle, présente un carrière (non vue) est portée sur la (environ 28 m3) de « marbre rouge front de taille assez élevé. carte IGN au 1:25 000 (3224 ouest de Champvans-lès-Dole » ont été Dole), au sud-ouest de la commu- reçus en gare de Saint-Amour à Le même Marlin est, toujours dans ne, sur les pentes du Grand Mont. destination de la marbrerie l’enquête de 1910, cité pour deux Mourlot, de Balanod (Charpy 1880: autres carrières — temporaires — à Les carrières de sont sises 17-18, 29). Saint-Martin, pour de la pierre entre le bois du même nom et celui « mureuse » (300 m3/an à 2,25F/m3) des Tilleuls, au sud du village et de Pour Foucherans, Rousset men- et au Mont d’Alan, au sud-est de la l’autoroute, sur un massif formant tionne bien « d’abondantes car- commune de Monnières (dont il l’extrémité nord du Mont Roland rières de bonne pierre à bâtir et sort aussi 500 m3 de pierre à casser et du Grand Mont. Elles semblent de taille, dans lesquelles douze 155 ouvriers sont continuellement occupés », mais sans stipuler s’il s’agit de pierre marbrière. Le frère Ogérien, de son côté, est plus affirmatif: il place, pour la qualité de ses marbres, cette com- mune au même niveau que celles de Saint-Ylie et de Damparis (citant à la fois l’Abbaye et Belvoye) et, tout en reconnaissant une plus grande activité extractive à cette dernière, signale que Foucherans est l’endroit où la car- rière — c’est-à-dire la masse exploitable — « offre le plus de matériaux ». Deux excavations, proches l’une de l’autre, sont encore bien visibles sur place, de part et d’autre de la voie ferrée: l’une partiellement remblayée se trouve au sud-est de Fig. 18 – Cheminée Louis XV, DRAC de Franche-Comté, Besançon. la station de chemin de fer; un peu (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) au nord du passage à niveau de la route départementale n° 220, à l’ar- la route départementale n° 973. A décoration polychrome et les camaïeux rière d’une habitation, le front de l’extrémité nord du village, domi- superbes de sa façade. taille de la deuxième est accessible nant le canal du Rhône au Rhin, par une rampe. Un troisième site une paroi rocheuse pourrait aussi Sans atteindre au souffle lyrique de est signalé dans le bois de être un ancien front de taille. Bouchot, le Répertoire des carrières de Chevanny, au nord-ouest, et sert de pierre de taille exploitées en 1889, tou- décharge. EMPLOIS REMARQUABLES jours lui, signale les emplois remar- quables des pierres recensées. Il A Choisey, au milieu du XIXe En 1904, le comtois Henri Bouchot mentionne ainsi31 : siècle, les statistiques indiquent six évoque avec lyrisme la pierre du – pour Sampans: ou huit carrières de pierre à bâtir. Jura: décoration de la façade et colonnes Dans son Dictionnaire géographique, A Saint-Ylie, le pays des marbres, le des escaliers (premier et second historique et statistique des communes Carrare de la Franche-Comté... étages) du nouvel Opéra, palais du [...] du Jura, Rousset est plus pré- Je ne passe jamais sur le pont Saint- 32 cis: Trocadéro , à Paris; monument de On trouve sur le territoire [...] des car- Michel de Paris, sur le Pont-au- Christophe Colomb, à Mexico; rières abondantes et exploitées à ciel Change, sur le pont de Solférino, colonnes du palais du roi de Siam; ouvert d’excellente pierre à bâtir et de devant l’Opéra ou la Trinité, sans – pour Damparis: taille, semblable à celle de Damparis, revenir en pensée à ce coin de terre qui ponts Saint-Michel, Solférino et au qu’on exporte au loin par le canal du nous a valu tant de belles choses. Les Change, fontaine Saint-Michel, socle Rhône au Rhin. Cette pierre reçoit le rampes, les colonnes rouges, grises ou de l’école des Beaux-Arts, soubasse- poli et imite un beau marbre jaune, brunes des somptueux palais parisiens ment du nouvel Opéra, square du veiné de rouge, de bleu et de gris. Dix ont été taillées à Saint-Ylie, dans l’an- Conservatoire des Arts et Métiers, ouvriers au moins sont continuellement cien domaine des Tinseau. Les lithes église de la Trinité, Hôtel-Dieu, occupés à son extraction. ont été choisies comme les plus belles, les Hôtel de ville, préfecture de police, Si l’on fait exception de celle plus inattendues, les plus délicatement Cour de cassation, bassin du (celles?) du nord-ouest de la com- colorées de la France entière. A la façon Luxembourg, palais du Trocadéro, à mune, dans le bois de Parthey, des gens de là-bas, elles sont allées cou- Paris; ponts sur le Doubs, à Dole, jouxtant la carrière Solvay de rir le monde, elles ont séduit les sur la Loue, à (chemin de fer Damparis, nous avons pu localiser Américains, les Australiens, même jus- de Dole à Poligny); pont-viaduc de une carrière en fosse rue des qu’aux Chinois. Une pagode perdue la Bedugue [à Dole]; pont Saint- Boverettes, dans le triangle délimi- dans un oasis de l’Inde a tiré de Saint- Pierre sur le Doubs, à Besançon; té par cette rue, la nationale n° 5 et Ylie ou de Bévoie [sic] le meilleur de sa ponts sur le Doubs à Gevry et à

31. Pour mémoire, la pierre de Dole est référencée par – pour la carrière Bosne aux Grandes Carrières: « théâtre, gare, hospice, école maternelle et école de filles, à Dole; arsenal de Besançon »; – pour la carrière Lagé du Grand Mont: « allongement des écluses du canal du Rhône au Rhin, à Moulin-Rouge (Jura) et à Montbéliard (Doubs); barrage sur la Saône, à Gray; écluse de Beaumont (Côte-d’Or), sur le canal de la Saône à la Marne »; – pour la carrière Grobost du Némont: « Pont de Parcey, sur la Loue; grand pont et soubassement de l’église, à Dole; écluses et ponts du canal du Rhône au Rhin ». 156 32. Construit par Davioud et Bourdais pour l’Exposition de 1878, démoli pour céder la place au Palais de Chaillot (Exposition de 1937). Fig. 19 – Dauphin ornant la fontaine, datée 1690, placée dans le réfectoire du collège de l’Arc, grain d’orge rouge (Bajocien Fig. 20 – Colonne de l’église de la Trinité en Pierre du Jura supérieur), Dole. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) («Séquanien«), provenant de Damparis (Paris, Ballu, 1861- 1867). (Cliché L. Poupard © Inventaire général, ADAGP, 2001) Longwy (Jura); allongement des d’architecture, ainsi que l’attestent Michel, pont au Change, etc. Ces écluses du canal du Rhône au Rhin, les exemples évoqués plus haut deux derniers ont été rebâtis — le entre Dole et la Saône; barrages et dans ce texte, il est aussi connu premier en 1859-1860, le second écluses sur la Saône à Verdun, à pour quelques œuvres d’exception, dès 1858 — par les ingénieurs Charney, à Seurre, au Châtelet et à telles celles conservées au collège Vaudrey et de Lagalisserie. Si le Saint-Jean-de-Losne; écluses du de l’Arc à Dole: une vasque de fon- pont au Change a perdu ses para- canal du Centre, de Châlons à Saint- taine monolithe, ornée de deux pets en Pierre du Jura, le pont Léger; théâtre, hôtel national, dauphins et portant la date 1690 Saint-Michel, lui, les a conservés et Banque du commerce, à Genève; (fig. 19), et une fontaine sur pied la pierre érodée laisse encore voir monument Farel, à Neufchâtel; dont la vasque, également mono- ici ou là quelques veines rougeâtres bourse, théâtre, à Francfort; musée, lithe, atteint 1,80 m de diamètre. ou, en relief, des fossiles de gasté- à Stuttgart; Palais de justice, palais ropodes (fig. 21). C’est la même des Beaux-Arts, à Bruxelles; Dans la liste des réalisations pari- pierre qui, par exemple, se retrou- Kaiserhoff, à Berlin; école, à siennes, certains noms reviennent ve pour les murets délimitant le Hambourg; cathédrale de Dublin. sans cesse. square Chautemps (ou des Arts et Métiers). Daniel Bienmiller ajoute à L’église de la Trinité est l’un d’eux. cette liste bien des réalisations — Œuvre de l’architecte Théodore La coloration de la pierre de régionales, nationales et internatio- Ballu, elle fut édifiée de 1861 à Damparis choisie pour le Palais de nales—, à commencer par le pié- 1867, à proximité de la gare Saint- justice, sur l’île de la Cité, est éga- destal de la statue de la Liberté à Lazare. Les grandes arcades repo- lement discrète. Ce matériau y fut New York (annexe 2). sent sur quinze (seize?) colonnes utilisé pour le grand perron et pour En fait, tant en architecture civile monolithes en Damparis, de cou- vingt-huit colonnes monolithes. La que religieuse, les réalisations leur claire, dont le fût, élégant, est localisation de ces éléments est conservées sont nombreuses, sans bagué dans sa partie basse (fig. 14 malaisée. Le perron en question toutefois être forcément de et 20). Ces éléments sortent des est certainement celui sur la rue de grandes dimensions. Ainsi, l’har- ateliers de la marbrerie de Harlay (qui se poursuit par la place monie des tons jaunes et Damparis, alors dirigée par la famil- Dauphine), où quelques indices roses/rouges étant fort appréciée au le de Tinseau. attestent la présence de roche du XVIIIe siècle, ce type de pierre a Jura. Le bâtiment dominant ce per- souvent été utilisé pour la fabrica- Les ponts sont fréquemment cités, ron est dû à l’architecte Duc, qui y tion de cheminées (fig. 18). Si le nombre d’entre eux étant recons- travailla notamment en 1875-1876 grain d’orge rouge violacé de truits durant les décennies 1850- et y aménagea un vaste vestibule Sampans servit fréquemment pour 1860: pont de Solferino33, pont donnant accès à la cour d’assises, des colonnes et autres éléments Louis-Philippe34, pont Saint- desservie par une galerie suréle-

33. Inauguré par Napoléon III en 1861, le pont de Solferino fut démoli en 1960. 34. Reconstruit à compter d’août 1860, sur des plans de Féline-Romany et Vaudrey, le pont est ouvert à la circulation en avril 1862. Ses garde-corps ont été rem- placés en 1995. 157 vée. Galerie et vestibule sont sépa- appareil bigarré, comme celui de la rés par un mur ouvert de baies cathédrale de Marseille ou de Notre- géminées retombant sur six Dame de la Garde. (Hautecœur colonnes très légèrement colorées 1957: 391-393). de rouge; les vingt-deux colonnes Fourni par la marbrerie Violet, avec restantes sont encore à localiser. le Damparis destiné à la grande Les bancs en pierre de ce même cascade du palais, le Sampans a vestibule (fig. 22) sont également donc servi pour les revêtements en Damparis, mais du faciès à fond rouges du pavillon central ainsi que jaune et veines rouges qui s’affirme pour les colonnes des vestibules, dans le monument suivant. encore en place selon Annie Blanc mais masquées. Ce marbre se ren- La fontaine Saint-Michel se dresse contre actuellement principale- à quelques pas du Palais de justice. ment au Palais Garnier, mais c’est Contemporaine du pont éponyme, là le sujet d’une autre communica- elle a été réalisée par l’architecte tion. Gabriel Davioud de 1858 à 1860. Sa

restauration en 1998 a permis de L’influence de la famille de Fig. 21 – Détail du parapet du pont Saint-Michel, en Pierre remettre en valeur les marbres pré- Tinseau et d’Adolphe Violet, servie du Jura (« Séquanien »), montrant un fossile de gastéropode (Paris, Vaudrey et de Lagalisserie, 1858). sents, notamment le Damparis par leur dynamisme, leur puissance (Cliché L. Poupard © Inventaire général, ADAGP, 2001) dont les couleurs sont avivées par financière et l’existence de moyens d’une certaine mythologie: tout l’eau et les frottements: socle du de transport modernes, a permis marbre rouge jurassien n’est pas du monument, socle des statues, bas- aux pierres jurassiennes de dépas- Sampans, de même que tout sin (fig. 23). Du même auteur, la ser une aire de diffusion purement albâtre sculpté en Franche-Comté 35 fontaine du Château d’eau fait, régionale et de se signaler sur le ne provient pas de Saint-Lothain. elle aussi, appel à cette pierre, mais marché national voire mondial. Le repérage précis des carrières — il est peu probable que ce soit dans engagé ici pour la région doloise — le même faciès: la couleur y est A ce titre, il est doublement inté- éclairé par les informations don- actuellement quasi inexistante. ressant de rendre une identité à ces nées par les sources, la bibliogra- roches, que l’on côtoie habituelle- phie et les témoignages oraux, La gradation des couleurs devrait ment sans les voir: pour alimenter appuyé par un échantillonnage et s’achever avec le rouge profond du la connaissance du milieu écono- des analyses physico-chimiques marbre de Sampans. Le principal mique local et de sa dynamique des matériaux, peut favoriser une monument où il apparaissait en particulière dans le cadre plus vaste meilleure approche historique des extérieur a été entièrement détruit, du commerce international d’une œuvres et, ainsi, faciliter leur ou peu s’en faut. En effet, construit part mais aussi, renouant le lien étude, leur entretien et leur restau- par Davioud et Bourdais pour entre l’œuvre réalisée et la ou les ration. Cette démarche s’impose l’Exposition de 1878, le Palais du carrières dont sont issus ses maté- d’ailleurs un peu partout actuelle- Trocadéro a cédé la place au Palais riaux, afin de permettre un autre ment, comme le prouve la multipli- de Chaillot, édifié pour l’Expo- regard sur la création, regard qui cation des banques de données sur sition de 1937. Louis Hautecœur prenne en compte les contingences la pierre. Il serait souhaitable qu’el- écrit à ce sujet: du matériau lui-même et la le soit menée à l’échelle de la Comme Garnier, comme tant de ses connaissance qu’en avait le créa- région, instituant un partenariat contemporains, Davioud aime la poly- teur. Une telle approche permet, entre la Direction régionale des chromie; il utilise les marbres de cou- en outre, d’ancrer dans le territoire Affaires culturelles (services de leur pour les colonnes du vestibule; il et dans une réalité tangible des élé- l’Archéologie, de l’Inventaire fait alterner sur les façades les rangs de ments qui, autrement, demeure- général et des Monuments histo- mœllons et les bandes d’un marbre raient flottants dans l’imaginaire, riques) et la Faculté des Sciences Sampans rose violacé, déterminant un voire seraient partie prenante (laboratoire de Géosciences).

158 35. Edifiée à partir de 1867, mise en eau en 1874, transportée en 1880 place Daumesnil (actuellement place Félix Eboué). Fig. 22 – Banc en Pierre du Jura (« Séquanien ») dans le vestibule desservant la cour d’assises, au Palais de justice (Paris, Duc, 1875-1876). (Cliché L. Poupard © Inventaire général, ADAGP, 2001)

Fig. 23 – Détail du bassin en Pierre de Damparis (« Séquanien ») de la fontaine Saint-Michel (Paris, Gabriel Davioud, 1858-1860). (Cliché L. Poupard © Inventaire général, ADAGP, 2001) 159 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Bienmiller 1974: BIENMILLER (D.). Feuvrier 1917: FEUVRIER (J.). – A Pernin 1978: PERNIN (C.). – Etude – L’exploitation du marbre rose propos des carrières de pierre de géologique des abords du massif de la dans la région de Dole: les marbres Dole, Saint-Ylie, Sampans, Serre. Thèse Doct. Sci. Terre. de Sampans et Damparis. Travaux Damparis. Revue des Etudes Besançon, Université de Franche- de la Société d’Emulation du Jura anciennes, octobre-décembre 1917, Comté, 162 p. (1970-1972), 1974: 211-293: ill., t. 19, n° 4: 269-272. 4pl. h.t. Photo-club Noir & Couleur graylois Girod de Chantrans 1795: GIROD DE 1973: PHOTO CLUB NOIR & e Bienmiller 1976: BIENMILLER (D.) CHANTRANS (J.). – 4 tournée COULEUR GRAYLOIS, [Expo- réd. – Les ateliers dolois de la minéralogique par Quingey, Arbois, sition photographique. Gray, hôtel Renaissance 1550-1636. Dole, Les Poligny, Lons-le-Saunier, St Amour, de Ville. 1973]. Maisons grayloises de Bourg, Mâcon, Pont-de-Vaux, Amis de la Bibliothèque, des la Renaissance. [Gray], [Photo Club Chalons-sur-Saône, Dole et Besançon, Archives et du Musée, 1976, [100 p. Noir & Couleur], 1973, non paginé. multigr.], [21pl. de dessins h.t.]. avec quelques observations sur la gla- cière naturelle du ci-devant Comté de Pyot 1838: PYOT (J.-J.-R.). – Bourgogne. Manuscrit, 1795: 12. Bouchot 1904: BOUCHOT (H.). – La Dictionnaire général des communes, Franche-Comté. Nouv. éd., Paris, hameaux, granges, fermes, rivières, Plon, 1904: 199. Gollut 1592: GOLLUT (L.). – Les Mémoires historiques de la République ruisseaux, etc. du département du Jura, faisant suite à la « Statistique » de Carrières 1820: Carrières et tourbières: séquanaise et des princes de la Franche- Comté de Bourgongne: Nouvelle édi- M.Pyot. Lons-le-Saunier, Courbet, Renseignements sur les carrières de 1838: 83. pierres à bâtir, de marbre, de gypse, etc. tion corrigée sur les documents contem- et sur les tourbières du département porains et enrichie de notes et éclaircis- sements historiques par M. Ch. Rapports 1862: Rapports du service des (1820-1821). [Archives départe- Duvernoy [...]. Roanne, éd. Horvath, Mines au Conseil général (1862-1865). mentales du Jura: M 3258-1]. 1979, col. 130-131. [Archives départementales du Jura: Réimpr. de l’éd. d’Arbois, de 1846, Sp 3357]. Carrières 1856: dossier Carrières (1856- de cet ouvrage de 1592. 1868). [Archives municipales de Rousset 1853: ROUSSET (A.). – Dole: 6 I 4 (2) Industrie]. Hautecœur 1957: HAUTECŒUR Dictionnaire géographique, historique Notamment: Liste de carrières décla- (L.). – Histoire de l’architecture clas- et statistique des communes de la rées suite au décret impérial du 27 sique en France. T. VII: La fin de l’ar- Franche-Comté et des hameaux qui en avril 1864, s.d. [1866, 1867 ou chitecture classique 1848-1900. Paris, dépendent, classés par département: 1868]. Picard, 1957. département du Jura. Besançon, Charpy 1880: CHARPY (L.). – Notice Bintot; Lons-le-Saunier, A. Robert, Héricart de Thury 1823: HERICART 1853-1858, 6 t. en 6 vol. sur l’industrie de la marbrerie à St- DE THURY (L.-E.-F.). – Rapport Amour et sur les divers gisements de sur l’état actuel des carrières de marbre dans le département du Jura. Statistique 1845: Statistique générale. marbre de France. Annales des Renseignements sur les carrières, fours S.l., s.n., 1880. Mines, 1823, t. 8: 3-96. à chaux et à plâtre et tourbières pour servir à l’exécution de la carte géolo- Chauve et al. 1992: CHAUVE (P.) et Jourdy 1871: JOURDY (E.). – gique du Jura (1845). [Archives ROSENTHAL (P.). – Franche- Explication de la carte géologique départementales du Jura: M 3346]. Comté. In : POMEROL (Ch.), du Jura dolois. Bull. Soc. géol. Terroirs et monuments de France: France, (2), t. 28: 234-264. Itinéraires de découvertes. Orléans, Statistique 1910: Statistique générale. éd. du BRGM, 1992: 103-110, Lavigne 1992: LAVIGNE (R.). – Production des carrières et déclarations carte, photogr. Damparis: l’empreinte de la pierre. d’ouverture (1894-1910). [Archives Paris, Scandéditions, 1992: 32-33. municipales de Dole: 2F2 Contini 1970: CONTINI (D.). – Industries (1910-1912)]. L’Aalénien et le Bajocien du Jura Ogérien 1865: OGERIEN (frère). – franc-comtois. Ann. sci. Univ. Histoire naturelle du Jura et des dépar- Témoignages oraux, notamment René Besançon, (3), géologie, f. 11, 204p. tements voisins: T. 1 Géologie. Paris, Delanoé, Sampans. V. Masson; Lons-le-Saunier, A. Delesse 1863: DELESSE (M.). – Robert/Gauthier/A. Lançon ; Matériaux de construction. Paris, Besançon, J. Jacquin, 1865-1867, Napoléon Chaix, 1863: 219-221. 2vol., ill.

160 ANNEXE 1 FEUVRIER (Julien). – A propos des carrières de pierre de Dole, Saint-Ylie, Sampans, Damparis. Revue des Etudes anciennes, octobre-décembre. 1917 t.19, n° 4: 271-272.

« En attendant, nous pouvons citer un fait bien constaté qui rend vraisemblable l’utilisation de la pierre de Damparis avant la conquê- te romaine. Le 4 juillet 1909, nous étant rendu à Foucherans, commune limitrophe de Damparis et de Dole, pour recueillir, dans une carrière située au voisinage de la gare, les débris d’une défense d’Elephas primigenius qui se trouvaient engagés dans une poche d’argile, le pro- priétaire de la carrière, M. Magistry, nous accompagna sur les lieux. Interrogé par nous sur les découvertes qu’il pouvait avoir faites antérieurement dans les carrières qu’il avait déjà exploitées, il nous affirma que plusieurs années auparavant, comme il avait entrepris d’en ouvrir une sur le territoire de Damparis, au lieu dit les Grandes vignes (section A, 275), les ouvriers, après avoir déblayé les terres supérieures jusqu’à la roche, furent étonnés de voir qu’un commencement d’exploitation avait eu lieu autrefois par un procédé qu’ils avaient ignoré jusqu’alors. En effet, pour détacher un bloc de la masse, un rectangle avait été, sur la surface mise à découvert, jalon- né par des cavités dans lesquelles se trouvaient encore enfoncés des coins de bois. Ceux-ci paraissaient n’avoir produit aucun effet; néanmoins lorsque les ouvriers voulurent enlever le bloc, ils s’aperçurent de leur erreur: le bloc n’était plus adhérent. On sait que cette manière d’opérer, qui consiste à faire augmenter le volume des coins de bois par humidification pour détacher un bloc d’une masse rocheuse, était déjà en usage à l’époque des dolmens. De nos jours, elle persiste encore en certains lieux, mais seu- lement pour l’extraction de matériaux très durs, spécialement les grès destinés à la fabrication des meules de moulins. Quand a-t-elle été définitivement abandonnée en Gaule dans les carrières de calcaire? Il est difficile de préciser. Il semble, en tout cas, – si toutefois, ce qui n’a rien d’improbable, elle n’avait pas encore disparu à la Tène, – que les Romains, qui édifièrent tant de monuments impo- sants par leur masse et par la dimension des matériaux employés, ne devaient plus la pratiquer et que leur civilisation, en pénétrant dans notre pays, dut la faire délaisser. »

ANNEXE 2 LISTE DE RÉALISATIONS EN – Besançon (25): • hôtel Bereur [actuelle sous-préfec- MARBRE DE SAMPANS ET • palais de justice (par Hugues ture]: cheminée [badigeonnée]; DAMPARIS Sambin, 1582-1586): portail à • hôtel de Froissard: cheminée; D’après Bienmiller (Daniel). colonnes doubles; • palais de justice: oratoire du bour- – L’exploitation du marbre rose dans • hôtel de ville (1569-1573): geois Rémond Girard (par Denis Le la région de Dole: les marbres de colonnes de la niche en façade; Rupt, 1580); Sampans et Damparis. Travaux de la • cathédrale Saint-Jean: entrée de la • musée: cheminée de l’hôtel de Société d’Emulation du Jura (1970- chapelle Notre-Dame des Jacobins Casenat (par Journot dit Phœnix, 1972), 1974: 211-293, ill., 4 pl. h.t. (par Hugues Le Rupt, 1626-1637); 1565) [provenant de Besançon]. bénitier. – : 1. Sampans – : • église: retable de la chapelle de • Saint-Vivant, chapelle du prieuré: l’ancienne Chambre des Comptes Période gallo-romaine (p. 232-233) portail (XVIe siècle). de Dole (par Denis Le Rupt, s.d.); – Choisey: – Dole: bénitier. • colonne toscane provenant de la • collégiale: portail (par l’atelier des – Gray(70) : démolition d’une maison du Le Rupt, après 1577); tombeau de • hôtel de ville (par Richard Maire, hameau de Parthey, 1819 Jean Carondelet (par un artiste fla- 1568): 24 colonnes monolithes; – Dole: mand, 1501) [colonnes en grain • église: monument funéraire de Jean • vestiges d’un petit temple du 1er ou d’orge et stylobate en rouge Marmier et de sa veuve (par du IIe siècle avec des éclats de antique]; façade de la Sainte- Guillaume Lulier, 1588) [statues en pierres de Sampans ou Damparis Chapelle (par Hugues Le Rupt, albâtre sur marbre de Sampans]. (temple découvert en 1911 au lieu- 1609-1614); jubé des orgues (par – Longwy(21) : dit les Perrons); Denis Le Rupt, 1562-1568); chaire • église: bénitier. • trois monuments funéraires sculptés à prêcher (par Le Rupt, 1555); – : dont deux en Sampans, déposés au bénitier (par Denis Le Rupt, 1570); • église: portail (1604); bénitier. musée et provenant de la démolition • couvent des Cordeliers: portail (par – : de l’ancien couvent des Carmes, l’atelier des Le Rupt, 1572); • église: autel de Notre-Dame des 1898. • couvent des Dames d’: Anges (1625). lavabo (XVIIe siècle); – Pagny-le-Château (21): Renaissance (p. 242-246) • collège de l’Arc: portail (par l’ate- • chapelle: dallage de la nef et du – Authume: lier des Le Rupt, 1588); vasque du chœur (1533-1538) [carreaux de • église: bas relief de l’Annonciation réfectoire (1690); lavabo du réfec- Miéry et Sampans]. (par Guillaume Lulier, vers 1560) toire (fin XVIIe siècle); – Pesmes (70) : [albâtre et marbre de Sampans]. • chapelle des Jésuites: portail (par • église: tombeau de Pierre Mouchet – Auxonne (21) : l’atelier des Le Rupt, 1601); de Château-Rouillaud (dalle encas- • église: chaire à prêcher (par Le • chapelle des Carmélites: portail trée dans le mur); chapelle funérai- Rupt, 1566). (par l’atelier des Le Rupt, début re des d’Andelot (par Claude Lulier, – : XVIIe siècle); Denis Le Rupt et Nicolas Bryet, • château: dallage de la cuisine; che- • maison 35 Grande Rue (1658): 1556-1563); chapelle funéraire de minée [installée là au XIXe siècle et façade décorée; Catherin Mairot dite chapelle du provenant de l’hôtel de Froissard à • maison 6 rue Mont-Roland: chemi- Saint-Sépulcre (par Claude Lulier, Dole]. née du rez-de-chaussée [badigeon- Denis Le Rupt et Nicolas Bryet, née]; 1554); chaire à prêcher (par Le Rupt, vers 1560); bénitier. 161 – Poligny: – Dole: Sampans, pierre de Damparis • église: bénitier. • vestiges d’un petit temple du 1er ou (carrière du canal, blanc jaspé)]. – Rahon: du IIe siècle avec des éclats de • église: chapelle funéraire des pierres de Sampans ou Damparis 3. Sampans ou Damparis Visemal (par Claude Lulier et Denis (temple découvert en 1911 au lieu- Le Rupt, 1540-1548). dit les Perrons). Période moderne (p. 277) – Saint-Jean-de-Losne (21): – Berlin (Allemagne): • église: chaire à prêcher sculptée Période médiévale (p. 234-235) • Kaiserhof: grand escalier et revête- (par Le Rupt, 1604). – Damparis: ments. – Sampans (entrée sud du village): • église et bâtiments conventuels de – Bordeaux (33): • oratoire du Dieu de Pitié (fin XVIe l’Abbaye (fin XIIe siècle) en pierre • monument des Girondins. siècle). de la carrière des Perrières; – Courances (91): • constructions aux XVe et XVIe • château: perrons et vestibules. Période classique (p. 248-250) siècles avec la même pierre. – Le Creusot (71): – Besançon (25): • chapelle de M. Schneider. • séminaire: grand retable (par Othon Période classique (p. 254-255) – Dammartin-Marpain: Jacquin, marché du 26 octobre – Dole: • chapelle du château de 1689). • hôtel de Brun (actuel collège du Montrambert: colonnes monolithes – Dole: Mont-Roland): escalier dans l’aile et décoration. • collégiale: autel de la Sainte- nord (par Jean-François Campet, – Dole: Chapelle (par Galezot, 1732-1733) 1750); • statue de la Paix: socle (par [pierre noire de Miéry, marbre de • hôtel-Dieu (puis hôpital, actuelle- Aizelin). Sampans et marbre blanc de ment médiathèque): fontaine (par – Genève (Suisse): Gênes]; Henri Barbaroux, 1751) et chemi- • théâtre (par Gosse, 1879). • chapelle des jésuites: retable (par nées Louis XV. – Lons-le-Saunier: François Franque, vers 1742); • statue de Rouget de Lisle: socle. • hôpital, chapelle: support de l’autel Période moderne (p. 258-259, 270-272, 283) – Mexico (Mexique): et marches de la coupole centrale – Auxonne (21): • monument de Christophe Colomb. (1753); • pont sur la Saône. – Moscou (Russie): • hôtel de ville: cheminée (par – Canal du Rhône au Rhin, tronçon Dole • église Naïva. Hugues Le Rupt, 1612); / Saint-Symphorien: – Neuchâtel (Suisse): • maison 40 rue des Arènes: chemi- • ponts et ouvrages (1785-1802). • monument de Farel. née (par Luc Breton); – Damparis : – New York (USA): • maison 18 rue Arney: deux chemi- • mausolée Javelle-Ragoucy (dans • statue de la Liberté: piédestal. nées Louis XVI; l’ancien cimetière) [Belvoye, car- – Paris: • hôtel Javel, 5 rue Marcel-Aymé: rière des Merreaux]. • hôtel de ville: soubassement cheminée au rez-de-chaussée. – Dijon (21): [façade de la cour du Centre]; • théâtre municipal [l’Abbaye]. • cathédrale Saint-Denis: dallage. Période moderne (p. 272, 288) – Dole: – Besançon (25): • pont du Pasquier [Belvoye]. – Sablé-sur-Sarthe (72): • basilique Saint-Ferjeux: deux – Paris: • château: perrons et vestibules. colonnes monolithes en sanguine • ponts au Change, Saint-Michel, de – Sermaise (45, 49 ou 91?): (par Ardiot). Solferino et Louis-Philippe (par • château: perrons et vestibules. – Paris: Duban, Savarin et Vaudrey) • Palais Garnier: partie de la décora- [Belvoye]; tion polychrome, colonnes, • fontaines du Château d’eau et balustres, vestibules et petit ordre Saint-Michel; du 1er étage de la façade (par • grand bassin du Luxembourg; Charles Garnier, 1862-1875) • squares Saint-Martin et des Arts-et- [marbre sanguine et violacé de Métiers; Sampans, pierre de Damparis (car- • Notre-Dame; rière du canal, blanc jaspé)]. • Hôtel-Dieu; • école des Beaux-Arts: socle; 2. Damparis • préfecture de police: socle; • cour de cassation: socle et escalier; Période gallo-romaine (p. 232-234) • palais de justice: grand perron et – Besançon (25): 28colonnes monolithes; • vestiges d’un édifice gallo-romain • église de la Trinité: 15 colonnes du Bas-Empire avec des morceaux monolithes; de pierre de l’Abbaye (trouvé lors • Palais Garnier: soubassement; de fouilles pour la construction de colonnes, balustres, vestibules et l’hôtel de France, rue des Granges, petit ordre du 1er étage de la façade par l’architecte Marnotte en janvier (par Charles Garnier, 1862-1875) 1828). [marbre sanguine et violacé de

162 Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003 Les marbreries de Saint-Amour et Balanod (Jura) (Visite de la marbrerie Yelmini Artaud, le 11 juin 1999) Olivier DUBANT* et Laurent POUPARD**

HISTORIQUE DE LA MARBRERIE – le Besançon, ruisseau qui ne tarit Résumé À SAINT-AMOUR pas, fournit l’eau utilisée comme Attesté dans la région de Saint-Amour source d’énergie et lors du dès le XVIe siècle, le travail du marbre Apparition au XVIe siècle sciage; y est réintroduit en 1815, pour profiter de la présence sur place ou à proximi- – la plaine bressane renferme le té de roches aptes à recevoir le poli, du Les premières mentions de sable quartzeux nécessaire pour sable et de l’eau nécessaires à leur tra- marbrerie dans la région de Saint- cette opération3. vail. Scieries de marbres et ateliers se Amour remontent au XVIe siècle. multiplient au XIXe siècle, certains Philibert de la Baume, ambas- En 1816 ou 1817, Chambard forme, atteignant une taille industrielle. Les sadeur de Charles Quint en avec les notables de Saint-Amour, plus importants sont les marbreries Angleterre puis gouverneur de une éphémère société qui s’attache Carron et Célard à Saint-Amour, Bresse et du Bugey, devient baron les services d’une personne du Yelmini Artaud à Balanod. de Saint-Amour en 1548 et métier: Désiré Fontaine, originaire Seule à subsister en 2000, la SA de Maubeuge, chef d’atelier de Yelmini Artaud est dans une phase s’attache à développer l’industrie décors et de marbrerie du Louvre. de restructuration, afin de pouvoir dans sa baronnie. Il fait creuser un accroître sa production tout en mainte- canal de dérivation à la rivière du En 1825, son bail expirant, nant la réalisation de chantiers presti- Besançon — pour actionner Chambard installe avec un certain Perdrix, en aval, au moulin de la gieux: rénovation de l’hôtel Georges V moulins, battoirs, foules, forges, Poudrerie, une nouvelle usine qui à Paris, décoration d’une partie de etc. — et ouvre, dans la commune l’hôtel Adlon à Berlin, etc. Elle a pû fermera cinq ans plus tard. Il cède de Montagna-le-Reconduit, une traverser la crise des années 1990- par ailleurs le matériel de son carrière de marbre (fig. 1) dont les 1995, qui a vu la disparition de la moi- premier établissement à Désiré produits servent à l’ornementation tié des marbreries françaises, grâce à Fontaine, bientôt assisté de son fils 1 un atout: sa carrière d’Aime, qui four- de son château . Toutefois, à la fin ou de son neveu André. Ces nit un matériau unique, le blanc bleuté du siècle puis au siècle suivant, derniers s’associent (en 1828?) de Savoie. guerres et peste entraînent la ruine avec Claude Bouquin puis avec de la ville et de ses industries. Raphaël Fontaine, originaire de Abstract We know that marble working existed Saint-Etienne, et ouvrent une Réintroduction en 1815 as early as the 16th century around autre usine au moulin Ripaille, sur Saint-Amour. It started again in 1815 le ruisseau du Soujet. thanks to local stones that could be Le mérite de la réintroduction de polished and also because sand and la marbrerie à Saint-Amour est Au nombre de trois en cette décen- water, needded for sawing and poli- attribué par Charpy au percepteur nie 1820, ces unités emploient une shing, could be found close by. The du canton, Louis-Nicolas Cham- trentaine de personnes (sans comp- number of marble sawmills and work- bard dit l’héritier2. ter les polisseuses à domicile, ni le th shops increased in the 19 century and Recueillant des échantillons des personnel des carrières). Elles some of them were of industrial size. roches locales, Chambard (1769- fabriquent « des chambranles de The most important ones were Carron cheminées, des couvertures de and Célard ltd in Saint-Amour and 1834) aurait fait faire un essai de Yelmini Artaud ltd in Balanod. polissage à Lyon. L’essai se meubles — commodes, secrétaires Yelmini Artaud ltd is the only one révélant concluant, il loue le et chiffoniers —, des monumens remaining nowadays. It’s reorganizing moulin Rentreux pour, en 1815, y funèbres, des autels, différens its production in order to increase it installer une marbrerie. Il ouvre meubles de fantaisie, des fontaines and work as well on prestige building des carrières à Allonal (actuel- épuratoires, etc. ». sites such as restoring the George V lement commune de Saint-Amour) * PDG SA Yelmini Artaud. 6 rue des Sources, hotel in Paris or decorating part of the et à Nantey. Outre la matière 39160 Saint-Amour, France. Adlon hotel in Berlin. ** Ingénieur d’étude, Service régional de The french marble industry went première, il dispose sur place de l’Inventaire général de Franche-Comté. 7 rue through an economic crisis in the years deux atouts: Charles Nodier, 25047 Besançon cedex, France. 1990-1995 and half the factories had to close down during this period. Yelmini Artaud ltd overcame this crisis thanks 1. Ce marbre aurait aussi, selon Corneille Saint-Marc, était utilisé à Brou: to its Aime quarry which produces a Jean de Saint-Amour, maître tailleur de pierre (architecte), qui travailla à la construction de l’église de Brou, unique kind of marble: the blanc bleuté y employa des marbres de Montagna. de Savoie marble. 2. Pour sa part, Corneille Saint-Marc évoque le juge de paix Martinet. 3. Dans les communes de Condal et Cormoz, Joudes et Villeneuve. 163 Le dernier établissement en aval Célard. Les marbreries occupent est le moulin de la Poudrerie, pro- alors plus d’une centaine de priété de Claude-Marie Forcey, personnes9. associant travail des grains et sciage du marbre. Concentrations dans la première moitié du XXe siècle Essor à la fin du XIXe siècle La première moitié du XXe siècle Fig. 1 – Marbre de Montagna-le-Reconduit. Ouvrant de nouveaux marchés à voit la disparition des trois sites les Coll. part.: R. Le Pennec, Saint-Claude 6 (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) ses produits, le chemin de fer moins importants. donne un coup de fouet à l’indus- La fermeture du moulin Antides, Exploitant les marbres d’Italie et trie marbrière de Saint-Amour7. qui semble intervenir au début du ceux d’autre régions de France, La personnalité de Maurice Célard siècle, est effective dans les années elles mettent avant tout en œuvre est aussi pour beaucoup dans cet 1920, la famille Célard qui le tenait les matériaux issus des communes essor. Arrivé à Saint-Amour en alentours — Digna, Gizia, Loisia, en location ayant alors fini de réor- 1864, Célard achète l’année sui- Montagna-le-Reconduit, Nantey, ganiser son usine du moulin vante le fond de commerce et le Rosay, Rotalier, etc. —, dont les Febvre. matériel des sculpteurs-marbriers calcaires à entroques ont des Deux autres scieries de marbre dis- parisiens Duchesne et Daubin, et, couleurs allant du jaune au gris- paraissent au cours des décennies ce faisant, reprend le bail du mou- bleu, avec une nette dominante 1920-1930: scierie Goyard au mou- lin Antides. Il acquiert d’autres des teintes rouges4. Fait exception lin Ripaille (remplacée par la la brèche de la Maladière sites, qu’il agrandit et modernise: tannerie Moutot) et scierie Poly au (commune de Saint-Amour), « qui moulin de la Poudrerie dès 1869, moulin de la Poudrerie (devenue a quelque analogie avec celle puis moulin Febvre en 1890. scierie de bois Bourciat)10. d’Alep ». L’arrivée du chemin de fer aurait également eu pour conséquence Trois sociétés subsistent alors: Situation au début des années l’installation d’une marbrerie à Carron (ou Carron-Baud) au mou- 1860 Balanod, commune en amont de lin Rentreux, Célard au moulin Saint-Amour sur le cours du Febvre et Yelmini Artaud (succes- Les sites marbriers se multiplient Besançon. En effet, ce serait pour seur de Mourlot) à Balanod. au milieu du XIXe siècle et, en fuir l’arrivée des équipes de Elles agrandissent et modernisent 1868, Corneille Saint-Marc totalise construction de la voie ferrée — leurs installations, se dotant notam- près de cent vingt personnes aux mœurs supposées déplorables ment de nouveaux moyens de employées dans cinq marbreries — — que Pierre Mourlot, exploitant manutention — pont roulant chez en fait cinq scieries. le moulin Febvre, serait venu à Carron et portique roulant (fig. 3) Obligatoirement sur un cours Balanod vers 1863. Il en achète le chez Célard en 1957 — et de scia- d’eau, ces dernières sont, à l’excep- moulin auquel il adjoint une scierie ge. Elles emploient cent quarante à tion du moulin Ripaille5, situées de marbre, agrandie en 1880. cent cinquante personnes avant la sur le Besançon ou sur son canal de seconde guerre mondiale. dérivation (fig. 2). La première en Charpy parle ainsi de l’expansion amont est celle établie vers 1862 au des scieries à cette époque: Difficultés de la fin du XXe moulin Antides par la famille L’industrie du marbre va toujours siècle Gadoulet, associée aux héritiers tellement en croissant dans notre pays, d’André Fontaine. Après, vient le qu’il y a vingt ans, on ne comptait que L’âge d’or des marbreries de Saint- moulin Rentreux, acquis par Jean- neuf châssis8 fonctionnant et occupant à Amour est définitivement révolu Marie Carron à la fin des années peine une soixantaine d’ouvriers. dans la deuxième moitié du XXe 1820, qui associe battoir à chanvre, Actuellement il y en a vingt-trois, et siècle, avec la disparition de la forge et martinet aux scies à plus de deux cent ouvriers. mode des cheminées (fig. 4) — l’un marbre. Au moulin Febvre, où la Dix ans plus tard, en 1890, les des produits de base de ces établis- scierie a été édifiée vers 1843, le scieries établies sur le cours du sements — et des monuments site est exploité par Pierre Mourlot Besançon totalisent vingt châssis, commémoratifs et funéraires, et, au milieu de la décennie suivante. dont les deux tiers dépendent de surtout, avec le traité de Rome.

4. Celui d’Allonal est ainsi décrit: « rougeâtre et ponctué, ayant en quelque sorte l’apparence d’un granit ». 5. En bordure du Soujet. 6. Ouverture de la ligne Lyon-Besançon le 1er août 1864, liaison avec la Suisse et l’Italie permise par le percement du tunnel du Mont Fréjus en 1871, création de la ligne Dijon-Saint-Amour en 1883. 7. Il occasionne également la fermeture de nombreuses petites carrières locales: Augea, Cousance, Montagna-le-Reconduit, Nantey, Saint-Amour, Saint-Jean- d’Etreux, Rotalier... Demeurent en exploitation les carrières de Balanod, Gizia, Loisia et Thoissia. 8. Généralement, les châssis mentionnés sont des armures — châssis multilames —, dotées de cinquante à cent lames, mais il peut aussi être question de briquet — châssis monolame — ou de scie à découper — châssis muni de cinq ou six lames. 9. Dans ce décompte, ne sont toujours compris ni les polisseurs et polisseuses à domicile, ni les carriers. 10. Propriété de Maurice Célard en 1890, mais exploité par François Poly, le moulin de la Poudrerie avait été acheté par Charles Yelmini vers 1902, puis rapide- 164 ment revendu à Aimé Bourciat. N Instituant le 25 mars 1957 la Communauté économique euro- Le Besanç on BALANOD péenne, ce traité signe l’arrêt de moulin Antides moulin de Balanod moulin Rentreux mort de nombreuses marbreries. moulin moulin Febvre En effet, il prévoit l’ouverture des de la Poudrerie frontières et la disparition des bar- SAINT-AMOUR moulin Ripaille rières douanières. Or, jusqu’alors,

Scierie de marbre les droits de douanes taxant l’im- 0 500m Site hydraulique portation des marbres étrangers Fig. 2 – Localisation des scieries de marbre sur le Besançon (communes de Saint-Amour et Balanod). s’élevaient à 5 % sur les blocs bruts (Dessin A. Céréza © Inventaire général, ADAGP, 2000) et à 30 % sur les tranches et les matières ouvrées. Les industriels français avaient donc tout avantage à importer des blocs et à les scier sur place pour obtenir des tranches, d’où l’importance des scieries. Après 1957, la protection dont jouissaient les marbriers français disparaît. Les entreprises étran- gères s’imposent alors, tant sur le marché des tranches que sur celui des produits finis. L’Italie est au premier rang, pays où le travail du marbre est une grosse industrie, avec une matière première abon- dante et de qualité, et des équipements permettant de façon économique une production de

Fig. 3 – Portique roulant de l’ancienne marbrerie Célard, actuellement Yelmini Artaud (moulin Febvre, Saint-Amour). masse, en grandes séries. Le résul- (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1994) tat est la fermeture de nombre d’usines françaises, qui ne sont plus concurrentielles, et de nombre de carrières.

Pour essayer de subsister, les entre- prises de Saint-Amour doivent s’adapter. La plus petite, Carron, s’oriente assez tôt vers le sciage à façon pour des marbreries lyonnaises. Elle connaît toutefois de grosses diffi- cultés après 1957: souffrant de la concurrence étrangère, ses clients marbriers ferment ou se reconver- tissent dans le négoce ou dans le travail de la pierre. Elle disparaît dans les années 1970. Achetée à cette époque par la société pari- sienne Marbrerie de Bel Air, l’usine est reprise en mars 1993 par la SA Yelmini Artaud. La marbrerie Célard développe une importante activité de restau- ration, à côté de la fabrication des éléments pour le bâtiment (car- relage, plinthe, escalier, etc.). Employant quelques cinquante- cinq personnes en 1974, elle mise sur la qualité pour résister, notam- Fig. 4 – Affiche présentant les modèles courants de cheminées fabriquées par la marbrerie Célard, fin XIXe siècle? ment sur ses chantiers de Coll. part.: Célard Marbres, Saint-Amour. (Cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 1993) restauration et sur ses productions 165 spéciales à haute valeur ajoutée — mobilier à incrustation par exemple. Toutefois, faute de suc- cesseur, elle passe en 1979 à une société civile immobilière et, mal- gré de belles réalisations, végète quelques temps. Ne comptant plus que quinze personnes en 1993, elle est finalement reprise par la société Yelmini Artaud.

La marbrerie Yelmini Artaud est donc la seule rescapée des difficul- tés de cette fin de XXe siècle. Elle est même la seule marbrerie indus- trielle subsistant dans le départe- ment du Jura. Elle se restructure progressive- ment afin de se redéployer entre ses sites de Balanod et Saint- Amour.

LES MARBRERIES CARRON, Fig. 5 – Vue d’ensemble de l’ancienne marbrerie Carron, actuellement Yelmini Artaud, depuis le pont roulant (moulin Rentreux, CÉLARD ET YELMINI ARTAUD Saint-Amour). Atelier de fabrication (1898, à gauche), atelier de réparation et bureau (1765, à l’arrière-plan). (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1994) La marbrerie Carron

Attesté dès 1749, le moulin Rentreux est, en 1815, converti en scierie de marbre par Louis- Nicolas Chambard, associé à son neveu François Baudouin. Tous deux sont peut-être alors aidés de Jean-Marie Carron auquel ses des- cendants attribuent le mérite de la construction des châssis de scie, dont il aurait vu des exemplaires durant son retour de la campagne de Russie. Le moulin lui appartenant à la fin de la décennie 1820, Carron lui ajoute un martinet à deux mar- teaux et travaille aussi bien le métal que la pierre. Fig. 6 – Vue d’ensemble de l’ancienne marbrerie Célard, actuellement Yelmini Artaud (moulin Febvre, Saint-Amour). Scierie de marbre (vers 1897, à gauche), ancien logement patronal et atelier des marbriers (réparation et bureau; vers 1887, à gauche). (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1994) Par la suite, l’établissement change de main. S’ensuit une longue liale ressent durement les difficul- marbre vers 1843. Celle-ci est période de silence qui s’achève en tés éprouvées par ses clients peut-être due à Jean Treboz, dont 1897 ou 1898, lorsque l’un des marbriers après l’ouverture des la fille épouse un haut-saônois, Carron achète l’usine à Albert frontières. Reprise par la société Pierre Mourlot, exploitant l’usine Laurent, dit meunier et scieur de parisienne Marbrerie de Bel Air, au milieu du siècle. marbre. Rebâtie et dotée d’une dans les années 1970, elle est fina- Au départ de Mourlot pour turbine, la scierie (fig. 5) restera lement acquise par la société Balanod, en 1863 ou 1864, le site propriété des Carron jusque dans Yelmini Artaud, qu’intéresse passe à Jacques Mignolet, cons- les années 1970, passant de Léon à l’étendue de son parc aux marbres tructeur-mécanicien, qui lui ajoute Paul puis à Marcel Carron au début et son pont roulant. un atelier de mécanique et une du XXe siècle. machine à vapeur. L’activité princi- Comptant au maximum une ving- La marbrerie Célard pale devient toutefois le travail du taine de personnes entre les deux marbre et des ateliers de marbriers guerres, elle connaît des agrandis- Attesté en 1749, le moulin Febvre sont édifiés de l’autre côté de la sements mineurs. Spécialisée dans est reconstruit ou modifié en 1806 route vers 1868 et 1887 (atelier 166 le sciage à façon, l’entreprise fami- et 1810 puis doté d’une scierie de polychrome) (fig. 6). sis de scie, un portique roulant et une débiteuse à fil hélicoïdal à la scierie en 1957, trois débiteuses, deux polissoirs automatiques Grimonprez (de Mouscron, Bel- gique) et huit petits polissoirs à genouillère à la marbrerie.

Devenue SA en 1959, la société consomme plus de 60 000 tonnes de marbre par an (dont un peu moins de la moitié en blocs) mais n’occupe plus que cinquante à cin- quante-cinq personnes dans les années 1970. Affectée par la raré- faction des commandes de chemi- nées, d’autels ou de tombeaux, elle se recentre sur les fabrications à haute valeur ajoutée, au nombre desquelles le mobilier à incrusta- tions, et sur la restauration des monuments historiques: église

Fig. 7 – Vue d’ensemble des châssis multilames Décamps avant leur suppression, ancienne marbrerie Célard, actuellement Saint-Roch et cathédrale Notre- Yelmini Artaud (moulin Febvre, Saint-Amour). (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1993) Dame à Paris, châteaux de Versailles et de Vincennes, etc. Faute de successeur, elle est repri- se en 1979 par une société civile immobilière, puis rachetée en 1994 par la SA Yelmini Artaud.

La marbrerie Yelmini Artaud

En 1863 ou 1864, Pierre Mourlot achète à Balanod un moulin, attes- té dès 1666, auquel il adjoint une scierie de marbre, occupant de six à vingt ouvriers dans les années 1870. Jusqu’à son décès en 1896, il en assure la direction conjointe- ment avec sa fille, Marie-Adrienne, veuve de Noël Artaud en 1879. L’usine se développe avec la construction en 1880 d’un autre Fig. 8 – Atelier de fabrication de la marbrerie Yelmini Artaud (Balanod). Au fond débitage et polissage, au premier plan atelier des marbriers. atelier de sciage, utilisant la machi- (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1993) ne à vapeur. A cette date, la consommation est de 882 tonnes Locataire du site, Maurice Célard l’atelier polychrome, des ateliers de marbre, dont 461 de marbre en fait l’acquisition en 1890. Il le de débitage et de polissage à char- étranger et 372 du Jura (pour moi- réorganise, aidé par son fils André, pente métallique. tié issu de la carrière de qui acquiert son fonds de commer- Réputée l’une des plus impor- Champagne que l’établissement ce en 1896. Couvrant le Besançon tantes marbreries de France, avec exploite à Loisia)11. devant l’usine, il reconstruit la scie- soixante-quinze ouvriers, l’usine rie vers 1897, l’ouvrant largement est gérée à partir de 1946 par la La veuve Artaud est, à partir de sur l’extérieur par sept baies sépa- SARL des Etablissements André 1900, secondée par son gendre, rées par d’imposants piliers Célard, dirigée par Jean et Charles Yelmini, fondateur vers monolithes, et y installe huit châs- Raymond Célard. L’outillage est 1912 de la SA Yelmini Artaud. La sis (fig. 7). Vers 1928, André modernisé au cours des décennies période de 1900 à 1914 voit les construit en outre, à l’arrière de 1950 et 1960: deux nouveaux châs- acquisitions, à Saint-Amour, de la

11. Marbre étranger: Italie (423,5 tonnes), Suisse (38 tonnes de marbre noir de Saint-Triphon). France hors Jura: Ardèche (18 tonnes de lumachelle grise de Chomérac). Jura: Crançot (4,5 tonnes de Granit gris), Champvans (79 tonnes de marbre rouge), Cuisia (28 tonnes de marbre rose de Chanelet), Thoissia (95tonnes de marbre gris) et Loisia (196 tonnes de Gris du Jura). 167 marbrerie Bouquin-David vers 189912 et de la scierie de marbre du moulin de la Poudrerie vers 190213. De nouveaux bâtiments sont édi- fiés à Balanod entre 1900 et 1920 puis en 1924 (fig. 8). Ils s’accompa- gnent d’une augmentation des effectifs: quarante-cinq à cinquan- te personnes au début des années 1930. En 1967, 3000 tonnes de marbre sont travaillées avec six châssis de scie, trois débiteuses et une débiteuse-moulureuse, six polissoirs et une polisseuse à car- reaux, deux tours et, à l’extérieur, une débiteuse à fil hélicoïdal. Les derniers bâtiments construits datent des années 1970 ou 1980, mais l’entreprise manque ensuite de place pour rationaliser son orga- nisation.

C’est donc pour pouvoir s’étendre que la SA Yelmini Artaud rachète à Saint-Amour en 1993 la marbrerie Carron, au moulin Rentreux, et l’année suivante la marbrerie Célard, au moulin Febvre. Fig. 9 – Flammage de Rosé pointillé de Balanod, ancienne marbrerie Carron, actuellement Yelmini Artaud (moulin Rentreux, Chacune dispose en effet d’un parc Saint-Amour). (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) aux marbres ou aux tranches, équi- pé d’importants moyens de manu- tention. L’activité et les effectifs sont alors redistribués entre les trois sites: deux personnes dans l’ancienne usine Carron (stockage des blocs, flammage – fig. 9), trois dans l’an- cienne usine Célard (mise en forme des tranches), vingt-trois à Balanod (sciage, tournage, mise en forme des tranches – fig. 10), sans compter les quatre du bureau pari- sien de la société, rue Saint- Honoré, ni les quatre de sa carrière de Villette, à Aime (Savoie), qui lui fournit son marbre dit blanc bleuté.

PERSPECTIVES POUR YELMINI Fig. 10 – Débitage de marbre de Balanod pour réaliser des plinthes, marbrerie Yelmini Artaud (Balanod). ARTAUD EN 2000 (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997)

Présentation de la société quatre à Aime (Savoie) — ne Marbrerie de Bel Air (ancienne- constitue pas un handicap dans la ment Carron) en 1993 et celle de la Avec un chiffre d’affaires en très mesure où son savoir-faire est répu- marbrerie Célard l’année suivante. nette augmentation (10 MF en té dans le monde entier. Elle vient de se recentrer sur son 1998, 15 MF en 1999), la métier de base — la fabrication de SA Yelmini Artaud occupe une Implantée à Balanod vers 1863, la produits en marbre prêts à poser place médiane dans le milieu de la société s’est également déployée (dallages, revêtements de façade, marbrerie. Sa petite taille — elle dans la commune voisine, Saint- plinthes, etc.) — et d’opter pour compte vingt-huit personnes seule- Amour, en achetant les usines de une augmentation du volume pro- ment: vingt-quatre dans le Jura et deux concurrents: celle de la duit et le maintien de chantiers

12. Située place d’Armes, près de la mairie, elle sera revendue vers 1925. 168 13. Revendue deux ans plus tard. prestigieux. Auparavant, comme l’ont fait la plupart de ses concur- rents directs, la société a essayé de maîtriser l’ensemble de la chaîne: de l’extraction de la pierre à sa mise en place chez le client. L’entreprise fait alors l’acquisition, en 1995, de la société L’Europé- enne de marbre, spécialisée dans la pose des marbres mais, ce position- nement s’étant à l’usage révélé mauvais commercialement, il fallut y renoncer. Les produits prêts à poser repré- sentent actuellement 80 % de l’activité de la société, les 20 % res- tant étant de la marbrerie pure: décoration, mobilier, salle de bains, rosaces, entrées d’immeubles cale- pinées, etc. Citons dans les dernières réalisations la rénovation de l’hôtel Georges V à Paris (de juin à novembre 1998, vingt et une suites et l’ensemble des locaux publics) et la décoration d’une par- tie de l’hôtel Adlon, le plus grand hôtel de Berlin (dallages, revête- ments muraux, fontaine, escalier, etc.) (fig. 11 et 12). Il est toutefois regrettable que se raréfient ces chantiers importants: ils consti- tuent l’une des rares occasions de réaliser de la belle marbrerie et, par conséquent, de maintenir le savoir- faire de l’entreprise.

Perspectives

L’augmentation du volume passe par une réorganisation de l’appareil productif et des sites. C’est là une condition essentielle pour la survie de la société, un des grands défis qu’elle doit maintenant relever, même si l’investissement sera nécessairement très conséquent. En effet, la capacité de production est importante en terme de débit (200 m2 par jour, soit environ 1500 tonnes par an), mais elle est répar- tie sur trois sites dans deux com- munes: Balanod (six personnes) et Saint-Amour (onze personnes plus quatre aux bureaux dans l’ancienne marbrerie Célard, trois personnes chez Carron). Est envisagé le regroupement de l’ensemble de l’effectif sur l’un de ces sites ou, mieux, sur un nouveau site, en res- tant de toutes manières dans la Fig. 11 et 12 – Intérieur de l’hôtel Adlon, Berlin. (Clichés © Arcadia/F. Rambert) commune, ou la communauté de 169 communes, puisqu’il ne saurait être question de renoncer à la com- pétence de la main d’œuvre locale. Cette réorganisation devrait, dès le départ, se traduire par un gain de productivité de l’ordre de 30 %. Elle permettra de disposer de bâti- ments rationnels, dotés de moyens de manutention mécanisés permet- tant de diminuer la pénibilité du travail, le coût des transports, la casse...

Un autre élément important sera la réduction du stock de marbre qui,

actuellement, occasionne une trop Fig. 13 – Echantillon de blanc bleuté de Savoie provenant de la carrière d’Aime (Savoie). grande immobilisation de capitaux. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 2001) La demande va vers une uniformi- région d’Aime depuis les Romains, accords commerciaux (incluant des sation du matériau, avec des la carrière en question a été ouver- clauses d’exclusivité pour certains marbres les plus homogènes pos- te à la fin du XIXe siècle ou au pays) avec deux sociétés de négoce sibles (texture, nuances, etc.). début du XXe siècle seulement. qui garantissent une présence dans Nous allons donc réduire la gamme Son exploitation, par la famille le monde entier. disponible tout en compensant Maironi, a redémarré après la cette réduction par une meilleure seconde guerre mondiale, mais Le monde marbrier évolue en ce sélection. avec des débouchés locaux. moment, en grande partie à cause Cette politique soulève un problè- Comme la SA Yelmini Artaud en du remplacement des dirigeants me en ce qui concerne le marbre assurait la promotion et la diffusion des entreprises par des personnes de Balanod, de qualité moyenne et à l’étranger, c’est tout naturelle- venant, comme Olivier Dubant, dont nous ne maîtrisons pas l’ex- ment cette société qui a pu d’autres horizons, donc avec une traction (la carrière appartient à reprendre le bail (droit de « foreta- autre culture. Les sociétés sortent une société qui fabrique des granu- ge »). Ainsi, depuis 1983, la société de leur isolement concurrentiel et lats et qui vend à la société les a un bail d’extraction, renouvelé entretiennent plus de relations, blocs les plus gros). Il sera donc pour 25 ans en 1997. Elle occupe notamment dans le domaine de la certainement réservé à des chan- sur place quatre personnes, dont le sous-traitance, afin de rentabiliser tiers de petite taille et à une diffu- travail est saisonnier: les conditions au mieux l’outil productif. sion locale. Notons tout de même climatiques (neige et glace) inter- que l’entrecolonnement de la faça- disent toute extraction de la fin Problèmes actuels de de l’Opéra, dans le prolonge- novembre au 1er mars. ment de l’avenue du même nom, Ce matériau étant unique, la socié- Les problèmes que la SA Yelmini est réalisé en Balanod en substitu- té évitera les déboires rencontrés Artaud rencontre actuellement tion au marbre de Sampans (autre dans l’exploitation de la carrière de sont de plusieurs ordres. marbre jurassien). Bouère (Mayenne), donnant un marbre connu sous l’appellation de Tout d’abord le recrutement: la Dans cette optique, le plus gros Boisjourdan. La société s’était récession connue ces dernières atout de la société est sa carrière associée avec deux autres parte- années s’est accompagnée d’un d’Aime, laquelle fournit un maté- naires pour l’exploitation de ce arrêt de la formation. Par ailleurs, la riau unique: le blanc bleuté de Savoie marbre lorsque au bout de deux marbrerie étant un petit milieu, (fig. 13). C’est seulement grâce à ans est apparu sur le marché, elle dispose de petits moyens de elle que la société Yelmini Artaud a importé de Turquie, un marbre formation et de promotion, sans pu survivre à la grave récession tra- similaire mais 30 % moins cher. comparaison possible avec ceux de versée par l’industrie marbrière de Le salut de la société passera par l’industrie cimentière par exemple. 1989 à 1995-1996. Cette crise, due l’achat ou l’ouverture de carrières Ajoutons à cela que les conditions à la situation économique générale pour qu’elle ait en exclusivité ses de travail sont difficiles (pluie, et à la mauvaise santé du bâtiment propres matériaux (malheureuse- vent, poussière, etc.), que le salaire (les programmes de construction ment, les dernières lois en matière n’est pas très élevé et que le étant stoppés), a vu la disparition, d’ouverture de carrière vont à l’en- marbre est un matériau vivant, qui entre 1990 et 1995, de la moitié des contre de ce but). Cette offre res- exige un apprentissage d’au moins marbreries françaises (consacrées treinte — un seul type de marbre un an afin de le comprendre. au débit et au façonnage), beau- actuellement — ne permet pas de Autant de raisons qui expliquent coup situées en région parisienne. mettre sur pied une structure com- les actuelles difficultés de recrute- merciale. Aussi, ont été signés des ment. 170 Si le marbre est exploité dans la En France, les charges sont trop 250 F le m2, soit moins que la céra- souhaitent un marbre uniforme et importantes et ne permettent pas mique de haut de gamme. homogène. Une sélection doit de lutter avec des pays tels Le problème se déplace donc plu- donc être opérée en fonction des l’Espagne et le Portugal, où la main tôt sur la mise en œuvre, réalisée souhaits du client, ce qui augmen- d’œuvre est meilleure marché mais par des artisans qui ont plus l’habi- te considérablement le stock mort où, de plus, existent de très grosses tude de poser du carrelage céra- et les déchets, et, de ce fait, le prix carrières, très bien équipées (à l’ai- mique, sur lequel ils réaliseront en du matériau. de de subventions européennes) et outre des marges plus importantes. En outre, le manque de moyens de pas soumises aux obligations de la profession ne permet pas de lan- remise en état imposées par la loi Finalement, le problème le plus cer des campagnes de promotion. française (et qui requièrent des important est peut-être lié au fait Les écoles d’architecture ne jouent garanties financières énormes). Par que l’on n’a pas en France une pas non plus ce rôle de sensibilisa- ailleurs biens placés sur les grands vraie culture de la pierre. tion et d’information, alors que chantiers, ces pays ont progressé en En effet, en Belgique et en Italie, nous voyons bien que les archi- matière de savoir-faire. où cette culture existe, la pierre est tectes qui viennent visiter l’usine mise en œuvre comme elle est, ce comprennent les contraintes géné- Traditionnellement, le coût du qui induit une plus grande rentabi- rées par le matériau et repartent matériau et les difficultés de son lité: moindre perte de matériau — avec une autre vision de lui. entretien sont évoqués lorsque l’on dans un bloc, tout ou presque est L’entreprise est d’ailleurs tout à fait parle de marbre. Or, le Balanod utilisé — et coûts de débitage favorable à l’organisation de ces peut être vendu aux alentours de acceptables. En France, les gens visites.

171 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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172 Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003 Les carrières de marbre de la basse vallée de la Bienne: Pratz et Chassal (Jura) (Visites sur le terrain, le vendredi 11 juin 1999) Anne CORRIOL-GAULIER*

Résumé Les carrières de Pratz et de Chassal (Jura) se trouvent dans le sud du département du Jura. Le même étage géologique y fut exploité — le Barrémien — donnant un calcaire pseudobrèchique de teinte ocre, à nombreuses variations de faciès. Mais, bien que du même âge, les matériaux tirés de ces deux carrières étaient dif- férents, tant au niveau de la couleur que de la structure. Les techniques d’extraction utilisées ont évolué au cours des années et ces lieux, dont l’histoire fut souvent liée, gardent les traces des procédés successifs. Ces techniques se sont adaptées aux parti- cularités géologiques et topogra- phiques locales: à Pratz, l’extraction Fig. 1 – Vue d’ensemble de la carrière de Champied à Pratz (Jura) depuis l’ouest. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) s’est faite en fosse; à Chassal, elle a dû se faire en souterrain. Malgré des sites Les carrières de Pratz et de Chassal Les carrières à l’est de la route sont spectaculaires et des matériaux excep- se trouvent dans le sud du départe- relativement anciennes. Les dé- tionnels, ces carrières semblent actuel- lement oubliées. ment du Jura, de part et d’autre de blais y sont importants et l’on aper- la Bienne. çoit très nettement le front de taille Abstract1 Un même étage géologique du depuis la route. Les traces d’ex- The quarries of Pratz and Chassal are Crétacé inférieur (ère secondaire) ploitation encore visibles témoi- situated in the southern part of the — le Barrémien — y fut exploité. gnent d’une extraction manuelle « departement » of the Jura. The same Dans le Haut-Jura, il a fourni une du marbre. geological stratum has been mined — roche utilisée comme pierre mar- A l’ouest, la carrière de Champied the Barremien — producing an ochre- brière et se présentant le plus est d’une autre dimension: 200 m tinted pseudobreccia lime stone of souvent sous la forme de calcaire de long sur une cinquantaine de various aspects. But although they pseudobrèchique, de teinte ocre, mètres de largeur. Le front de were of the same age, the materials parfois coquillier, oolithique et gra- taille, de plusieurs dizaines de dug out of those quarries were veleux. De nombreuses variations mètres, s’élève face au hameau different in regard to their colour as de faciès se rencontrent et, bien (fig.1). well as their structure. The quartilage que du même âge, les matériaux techniques have volve along the years exploités dans ces deux carrières and those sites vhich often had a Le Jaune Lamartine étaient différents, tant au niveau common history, keep the marks of the successive mining protestes. de la couleur que de la structure. Le matériau extrait ici était nommé Those techniques were adapted to the Jaune Lamartine (ou Jaune fleuri) par local geological and topographic LA CARRIÈRE DE PRATZ analogie avec le Jaune Antique caractéristiques: at Pratz pit mining auquel il servit de marbre de sub- was used; at Chassal, the process of Elle se trouve en bordure de la RD stitution au XIXe siècle. C’est un underground mining must have been 470 (route départementale de marbre jaune vif veiné de rouge et used. Although the sites look scénique Lons-le-Saunier à Saint-Claude) de violet (fig. 2). and the materials are exceptional, the sur la commune de Pratz. Il existe Ce calcaire présente un début de quarries now seem to be neglected. plusieurs sites d’extraction à l’est brèchification et contient relative- et à l’ouest de cette route, le plus 1. Traduction de Françoise Matter, enseignante important étant près du hameau de * Coulouvre, 39260 , France. Enseignante au LEGTA Edgar Faure, Montmorot (Jura). au LEGTA Edgar Faure. 39570 Montmorot, Champied. France. 173 Fig. 2 – Echantillon de Jaune fleuri. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) ment peu de débris coquilliers. Les nombreux joints stylolithiques, où l’on observe des insolubles vive- ment colorées, et les fractures sièges des recristallisations témoi- gnent d’une forte tectonisation de la roche.

Une exploitation ancienne

L’origine des carrières de Pratz serait très ancienne et remonterait à l’Antiquité. On a retrouvé au e Fig. 3 – Pratz (Jura), carrière de Champied, extrémité nord. Front de taille vu depuis l’intérieur de la fosse. début du XIX siècle, à Villards- (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) d’Héria (site gallo-romain), des tablettes de marbre jaune qui, à les outils qui ont évolué et facilité Au XIXe siècle, le dégagement se l’époque, furent attribuées à Pratz. le travail. faisait manuellement à l’aide de Mais la première mention certaine pics, de broches, de coins de fer, de de son exploitation remonte à 1845 La première opération, la découver- pinces, de masses et de leviers, en seulement. Depuis, la carrière a été ture, consistait à dégager, à l’aide utilisant les fissures et imperfec- exploitée régulièrement par la d’explosifs, le banc de marbre de tions naturelles de la roche. Les Marbrerie de Molinges jusqu’à la son épaisse couverture de stériles traces de ces outils sont nettement fin des années 1930. (une douzaine de mètres). Les visibles dans la partie supérieure Une phase d’exploitation plus importants volumes de déblais du front de taille, qui présente une récente a eu lieu après la guerre: de étaient déversés de l’autre côté de surface striée par les coups de 1965 à 1976, un marbrier de l’Ain a la route, près de la croix de broches. repris l’extraction du marbre de Champied. La portion de banc à détacher (ou manière temporaire. Cette opération n’était pas sans garde) était délimitée par les fis- risques et, en 1898, les tirs de sures naturelles de la roche (dite L’extraction en fosse mines ont été réglementés, suite joint dans un plan vertical et délit aux plaintes déposées par les habi- dans un plan horizontal) ou par une A Champied, l’extraction s’est faite tants de Champied, dont les mai- saignée (dite enjarrot ou tranche) en fosse (fig. 3), le banc de marbre sons recevaient régulièrement des tracée au pic ou à la broche. Les se trouvant légèrement sous la sur- éclats de roche, allant jusqu’à per- coins étaient ensuite forcés à la face du sol. Cette disposition a, cer les toitures. A cette époque, masse (dite masse à trancher), tout depuis le début, nécessité l’utilisa- vingt-cinq à trente ouvriers italiens doucement — quelques coups tion d’engins de levage. travaillaient à l’extraction du donnés trois à quatre fois dans la Les techniques employées ici ont marbre pour la Marbrerie Gauthier journée — pour détacher propre- évolué au fil des ans et sont claire- de Molinges (fig. 4). ment la garde du banc. Puis celle-ci ment lisibles sur le front de taille. Une fois la surface du banc attein- était soulevée et écartée à l’aide de Les principes d’extraction eux- te, il fallait en dégager puis en sor- leviers (les pinces à talon), prenant 174 mêmes n’ont pas changé; ce sont tir les blocs. appui dans des cavités (les emboî- tures), ou de pinces pouvant atteindre 4 m de long. De lourds crics aidaient à la manœuvre. Lorsque la garde était désolidarisée de la masse, elle était fractionnée en blocs plus petits.

Au début du XXe siècle, les tech- niques d’extraction ont été bouleversées par l’arrivée d’un nouveau procédé mécanique: le fil hélicoïdal. Celui-ci a été utilisé à Champied: on en voit les traces dans la partie inférieure du front de taille, où les surfaces lisses furent dégagées par le fil (fig. 5). Ce fil d’acier de 5 mm de diamètre, composé de trois brins enroulés en hélice, entraînait un mélange abra- sif d’eau et de sable siliceux (le sablon). Le sable provoquait une usure de la pierre, l’eau servant à l’entraîner et à refroidir le fil. La vitesse de sciage du fil hélicoïdal était alors d’1 cm/heure et il fonc- tionnait jour et nuit. L’installation du fil en carrière était très complexe. Long de près de 1km, il nécessitait, en plus d’une poulie motrice (dite poulie à fric- tion), tout un réseau de poulies de renvois et de poulies de guidage soutenues par des poteaux et des montants-guides, un chariot ten- Fig. 4 – Pratz (Jura), carrière de Champied. L’exploitation en fosse au début du XXe siècle. deur monté sur rails afin de (Cliché Paul Regad, Archives communales, Saint-Claude ; reproduction J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 1997) régulariser sa tension, un dévidoir 300 tonnes et était en général débi- d’une grande faille inclinée (dite automatique pour remplacer le fil tée sur place en petits blocs de 10 à glissoir) le long de laquelle la masse usagé sans arrêter le sciage. Son ali- 12 tonnes, toujours à l’aide du fil sus-jacente pouvait glisser, enseve- mentation en sablon se faisait hélicoïdal. lissant le carreau. manuellement au début, puis de L’activité a pu reprendre de maniè- manière automatique. L’exploitation se déroulant en fosse re temporaire entre 1965 et 1976 à Mais avant de pouvoir utiliser le à Champied, ces petits blocs la demande d’une société de l’Ain. sciage au fil, il fallait préparer la étaient ensuite hissés par des Elle s’est arrêtée, suite aux travaux masse à extraire. Une fois la décou- engins de levages (grues, ponts de de déviation de la RD 470. verture effectuée, la garde était levages) au-delà de la fosse. Ils délimitée dans sa partie posté- étaient ensuite transportés à la Un site à redécouvrir rieure par deux puits verticaux de marbrerie de Molinges, par chars à 1,20m de diamètre (creusés à la bœufs au début, puis par camion. Le Jaune Lamartine de Pratz a broche puis avec des outils pneu- beaucoup été utilisé dans la région matiques), distants de 6 à 8 m, sur Un gisement abandonné pour la décoration d’édifices la hauteur du banc, soit environ publics et de mobilier religieux. 2,50 m. Ces puits permettaient La fermeture de la carrière est Des réalisations sont visibles dans l’installation des poulies de guida- intervenue vers 1935 pour diverses tous les villages alentours. Il a éga- ge du fil tout autour de la garde. Le raisons de rentabilité et de sécuri- lement été employé pour fabriquer sciage au fil commençait par les té: les nombreuses fractures de la des cheminées et pour l’ameuble- traits de coupe latéraux de la garde, pierre rendaient son travail très ment. puis le trait de coupe du fond et délicat; l’exploitation en fosse — Par la qualité de la pierre, l’histoire enfin un trait de coupe horizontal obligatoire — devenait très diffici- et le bon état de conservation était effectué à la base afin de déso- le, le front de taille s’enfonçant de actuel de la carrière, le site de lidariser la garde du banc. La masse plus en plus; la sécurité des ou- Champied revêt une importance ainsi séparée pouvait peser 200 à vriers était menacée par l’existence d’ordre régional. Son aménage- 175 Fig. 6 – Carrière de Chassal (Jura). Echantillon de Brocatelle jaune. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997)

Fig. 5 – Pratz (Jura), carrière de Champied. Trace de sciage du fil hélicoïdal. Fig. 7 – Carrière de Chassal (Jura). Echantillon de Brocatelle (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) mélangée. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) ment paysager actuel témoigne de ploitation du site, celle-ci se pour- coquilles), de couleur variée, allant la prise de conscience par la com- suivant de manière irrégulière jus- du jaune d’or au violet. Il apparaît mune de cette richesse patrimonia- qu’en 1822. Dés le début égale- donc nettement différent du Jaune le. Cette mise en valeur pourrait ment, le travail du marbre s’est fait Lamartine. Le banc exploité fait aller bien au-delà d’un simple à Molinges, où les eaux du environ 2,40 m d’épaisseur et la débroussaillage des abords et Longviry ont permis l’installation variation de couleur est parallèle à divers aménagements seraient pos- d’une scierie. Il n’y a cessé que très la stratification: à la base, sur envi- sibles à Champied, permettant une récemment: la marbrerie n’a fermé ron 1,30 m d’épaisseur, on dis- lecture plus facile de l’histoire de la ses portes qu’en 1984. La carrière tingue une Brocatelle violette, puis pierre et de cette carrière. de Chassal est toujours en exploita- dans la partie supérieure, soit sur tion: la société Rocamat est encore 1,10 m d’épaisseur, on distingue la LA CARRIÈRE DE CHASSAL venue en 1988 puis en 1996 extrai- Brocatelle jaune (fig. 6). Lorsque la re quelques mètres-cubes de bro- séparation des deux couleurs n’est La carrière de marbre de Chassal catelle. pas franche, on parle de Brocatelle s’ouvre en rive gauche de la mélangée (fig. 7). Cette superposi- Bienne, au bord de la route RD Une pierre originale tion des couleurs est visible dans la 291, route de Chassal à Chevry. carrière sur des fronts de taille La pierre extraite ici est toujours propres (fig. 8). Un site exploité depuis plus de un calcaire d’âge barrémien, que deux siècles les marbriers ont nommé Brocatelle La structure de ce banc de calcaire de Chassal en raison de sa ressem- est très hétérogène et présente de La découverte de ce marbre est blance avec la célèbre brocatelle nombreuses fractures avec des attribuée à Jérôme Clerc, curé de d’Espagne. Il s’agit d’un calcaire recristallisations de calcite ou un Molinges, le 7 septembre 1768. Il pseudobrèchique et bioclastique remplissage d’argiles rouges, des 176 entreprend immédiatement l’ex- (fracturé et riche en débris de fissures ouvertes où circulent de Fig. 8 – Carrière de Chassal (Jura). Superposition des bancs de marbre visibles sur un pilier. La stratigraphie est perturbée, avec notamment à gauche la présence d’une fissure remplie d’argile. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) l’eau, des accidents tectoniques tingue plus qu’une entrée — fer- brocatelle par la société Rocamat, à anciens colmatés (dits paléofailles mée par une grille — de la carrière ciel ouvert et selon des techniques ou filons clastiques). Ces imperfec- souterraine au lieu des quatre ou très modernes utilisant un fil dia- tions de la roche n’ont pas rendu cinq ouvertures visibles aupara- manté et des vessies (fig. 10). Les facile le travail du marbre, obli- vant. Le front de taille à ciel ouvert traces de ces méthodes sont nette- geant à développer un savoir-faire s’étendait sur 600 m de longueur, ment lisibles sur place. spécifique dans la région. une dizaine de mètres de hauteur De plus, le banc de marbre est et le carreau dégagé avait une lar- Des techniques d’extraction affecté à cet endroit d’un pendage geur d’environ 70 m. Les dimen- évoluant au fil des années de 5° vers le sud qui nécessita, pour sions de la carrière souterraine elle- son exploitation, l’ouverture d’une même sont de 300 m de long sur Au XIXe siècle, l’extraction du carrière souterraine en 1929. 80m de profondeur. La hauteur marbre s’est déroulée à ciel ouvert des galeries reste constante autour et selon des méthodes manuelles Une carrière souterraine de de 4 m. L’exploitation souterraine traditionnelles. En 1827, Félix taille s’est développée en largeur et s’est Boudon, propriétaire de la marbre- faite par piliers. L’intérieur de la rie de Molinges, décrit le procédé La carrière de Chassal présente carrière se présente comme un qu’il emploie: deux parties distinctes par leur dédale de salles séparées par ces Il s’agit donc de soulever des masses ancienneté et leur physionomie. énormes piliers laissés là pour sou- énormes et adhérentes par-dessous, par tenir le plafond (fig. 9). La surface derrière et par côté. L’année dernière, La partie aval est la plus ancienne. des piliers devait être de 4 m2 mini- j’ai attaqué un banc de 10 à 12 pieds L’exploitation s’y est d’abord mum et l’intervalle entre deux d’épaisseur et présentant 60 pieds de déroulée à ciel ouvert, dès 1768, piliers de 9m maximum. Ceci n’a front. Il a fallu d’abord le purger par- puis en souterrain, de 1929 à 1967 pas toujours été respecté et un devant et par-dessus sur une largeur ou environ. Actuellement, le front de pilier en béton a même dû être profondeur considérable puisqu’on ne taille et le carreau de la carrière rajouté! voit pas par-dessus où le banc pourra sont difficilement visibles, car ils La partie amont est la plus récente. se partager; puis faire sur la longueur ont fait l’objet d’un remblaiement C’est là qu’en 1988 et 1996 eurent de 60 pieds et en dessous, une profonde pour raison de sécurité. On ne dis- lieu les dernières extractions de tranchée pour recevoir 60 à 80 coins de 177 Fig. 9 – Intérieur de la carrière de Chassal (Jura), montrant au plafond les vestiges des galeries creusées pour le passage du fil hélicoïdal. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997)

fer et 8 à 10 forts leviers longs de 30 son du banc, en 1928 il est décidé Souvent, un dernier trait de sciage pieds, que je fais charger, à l’extrémité de poursuivre l’exploitation en sou- horizontal était effectué afin de éloignée du banc, de plusieurs milliers terrain (fig. 11). La méthode d’ex- séparer la brocatelle violette de la pesant de pierres. Ce banc fut partagé traction au fil hélicoïdal reste iden- brocatelle jaune. dernièrement en plusieurs pièces de dif- tique, mais le nombre d’opérations Le dégagement de ces blocs de 200 férentes longueurs sur une profondeur est augmenté. Il faut cette fois-ci à 300 tonnes nécessitait trois à de 5 à 10 pieds, et une portion de la creuser au sommet du banc de quatre mois de travail pour une longueur d’environ 12 pieds a résisté à marbre deux tunnels de 1,20 m de équipe de carriers. Le percement mes efforts. diamètre, espacés de 6 à 8 m, sur Ces pièces étant soulevées de quelques une longueur d’environ 5 m. Au des différents tunnels s’effectuait pouces il s’agit de les éloigner et de les bout de ces tunnels, deux puits manuellement à la broche. L’uti- renverser. Pour cela j’emploie des crics, verticaux de même diamètre sont lisation des explosifs et des outils des coins, des leviers de 30 à 60 pieds, creusés afin d’atteindre la base du pneumatiques réduisit ce temps des poulies, des moufles, des treuils, des banc. Un dernier tunnel relie sur d’extraction à un mois. cabestans, des pieds de chèvres, etc. l’arrière de la garde les deux Ces blocs étaient ensuite débités Ces grandes pièces étant renversées, je coudes ainsi formés. La masse à au fil en blocs plus petits, de 10 à les fais partager par les fils ou terrasses extraire étant ainsi cernée, les 12 tonnes, que l’on pouvait alors que j’aperçois. Ces fils sont perpendicu- montants-guides et les poulies du sortir de la carrière à l’aide d’un laires au lit de carrière et coupent les fil hélicoïdal vont pouvoir être ins- treuil. Celui-ci était manuel au bancs en travers de manière à diminuer tallés. Le sciage au fil commence départ, puis électrique à partir de les longueurs. Ensuite j’ôte la partie par deux traits horizontaux au pla- 1928. Les blocs treuillés étaient supérieure du banc qui est de mauvaise fond (soit à 4 m de hauteur) et au roulés sur des rondins de bois. Ils qualité. Puis pour diminuer la masse sommet du banc de marbre (à étaient ensuite équarris à la broche des blocs et en rendre le transport pos- 2,50m de hauteur), qui permettent sible, je les fais couper dans le sens de la de dégager la roche stérile. sur le carreau, afin d’être commer- longueur et du lit de carrière. Ensuite, des traits de sciage verti- cialisés bruts ou de nouveau sciés caux délimitent la garde sur les au fil (avec un fil à deux brins) afin Au début du XXe siècle, l’arrivée côtés et sur l’arrière. Un trait hori- d’obtenir les dimensions souhai- du fil hélicoïdal facilite l’extraction zontal à la base la dissocie définiti- tées. 178 du marbre. Étant donné l’inclinai- vement de la totalité du banc. Fig. 11 – Chassal (Jura). Entrées de la carrière souterraine et installation de débitage en 1958. (Collection particulière; reproduction Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997)

permettait d’atteindre Lyon en De grandes réalisations deux ou trois jours. Mais l’arrivée du chemin de fer dans la vallée en La brocatelle de Chassal est un 1889, avec une gare à Molinges, marbre dur, très coloré, d’une

Fig. 10 – Méthode d’exploitation par fil diamanté et vessies. avait déjà nettement réduit ce structure très dense et peu poreu- Etape1: foration dans la masse de trous horizontaux et mode de transport, prépondérant se. Sa densité de 2700 kg/m3, verticaux permettant le passage d’un fil de sciage; Etape 2 et 3: sciages verticaux perpendiculaires dans la auparavant. proche des marbres classiques masse à l’aide d’un fil diamanté; Etape 4: basculement de la quille ainsi découpée à l’aide de comme ceux de Carrare, permet vessies à air sur un matelas de remblais disposé à Une exploitation encore d’obtenir un très bon polissage. sa base et destiné à amortir sa chute; Etape 5: débitage secondaire sur place en blocs marchands d’actualité Elle a donc beaucoup été utilisée de 1 à 3 m3 (pour pouvoir être manipulés) par percement de trous parallèles. en décoration intérieure et en (© Rocamat) Dans les années 1980, le fil hélicoï- ameublement (style Louis XV). Au dal a été remplacé par un fil XIXe siècle, les cheminées repré- Le transport du marbre par diamanté dont la vitesse de sciage sentaient la grosse production de la flottage est beaucoup plus rapide, soit marbrerie de Molinges et l’on ren- 25cm/heure et non plus par jour! contre encore actuellement des Les blocs destinés à être débités en Les galeries permettant le passage cheminées en brocatelle de Chas- tranches et travaillés étaient trans- du fil sont alors forées au compres- sal dans toutes les maisons de portés de la carrière à la marbrerie. seur et ne font que 8 cm de dia- Saint-Claude et de la vallée de la Jusqu’au début du XXe siècle, des mètre. Ce procédé reste celui utili- Bienne. Des monuments funé- chars à bœufs faisant appel à plu- sé récemment à ciel ouvert et on en raires et des édifices religieux — sieurs paires d’animaux accomplis- aperçoit les traces dans la partie plus rarement profanes — locaux et saient ce travail. Après la première amont de la carrière. régionaux l’ont utilisée (bénitiers, guerre mondiale, ce transport s’est Suite à une restructuration de la autels, colonnes) (fig. 12). Le bâti- fait en camion. société Rocamat, la marbrerie de ment y a également fait appel, en Molinges a fermé ses portes en dallage ou placage intérieur, et elle Les expéditions de blocs bruts ou 1984, mais la carrière de Chassal est fut mise en œuvre dans de grandes de pièces travaillées à destination toujours en exploitation et, en réalisations françaises: la basilique de toute la France ou de l’étranger 1988, 300 m3 de marbre en ont été de Lisieux, le Palais Garnier à se sont effectuées jusque vers 1910 extraits, puis environ 120 m3 en Paris, etc. Cette brocatelle a égale- par flottage sur la Bienne. Le rade- 1996. Le matériau reste disponible ment été exportée dans le monde lage depuis le port de Molinges auprès de la Rocamat. entier, et quelques palais d’Afrique 179 Fig. 12 – Salle à manger du château d’Arlay (Jura). Stylobate et base d’une colonne en Brocatelle jaune. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997)

ou le théâtre de Caracas (Vene- La valeur de la pierre et ses usages RÉFÉRENCES zuela), par exemple, en renfer- variés et lointains, le mode d’ex- BIBLIOGRAPHIQUES ment. ploitation en souterrain — peu Corriol 1992: CORRIOL (A.). – Etude courant —, le fait que cette carriè- des carrières de marbre de Chassal. Un marbre précieux à re soit toujours exploitée, confè- Parc Naturel Régional du Haut- redécouvrir rent à la carrière de marbre de Jura, Mémoire de maîtrise en Chassal une valeur patrimoniale sciences et techniques « Sciences Actuellement, la brocatelle de très forte, non seulement régionale de la Terre et de la Vie appliquées aux milieux de Montagne », Chassal a une très forte valeur com- mais aussi nationale. La mise en Université de Savoie, 1992, 76 p. merciale, mais il en existe très peu valeur d’un tel site et de son histoi- d’usages et très peu de demandes. re reste d’actualité et fait partie de Janod 1989: JANOD (R.). – De la car- Elle est toujours commercialisée l’identité jurassienne. Des mani- rière de Chassal à la Marbrerie de par la société Rocamat, mais ne festations, comme les Journées Molinges ou la naissance de la pro- létarisation dans la basse vallée de figure plus dans son catalogue. Ce d’Etudes sur les Marbres en la Bienne. Bulletin des Amis du Vieux marbre est si précieux que son Franche-Comté, participent à la Saint-Claude, n°12, supplément, emploi reste exceptionnel. Ses connaissance de cette richesse 1989, 30 p. tarifs aussi! Au départ, la brocatel- patrimoniale, ignorée de bon le de Chassal avait été utilisée en nombre de jurassiens. Poupard 1997: POUPARD (L.) réd., SANCEY (Y.) photogr. – Marbres et substitution à la brocatelle marbreries (Jura). Inventaire géné- d’Espagne, qu’il fallait alors impor- ral des monuments et des richesses ter et dont le coût était donc plus artistiques de la France, région élevé. Actuellement, les rôles se Franche-Comté. Paris, Erti, 1997, sont inversés et la brocatelle 64 p. (Images du Patrimoine; 169). d’Espagne est beaucoup plus sou- 180 vent utilisée que celle de Chassal. Identification, caractérisation et restauration

181 182 Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003

Étude de la provenance des matériaux récoltés sur deux sites gallo-romains: école Granvelle à Besançon (Doubs) et sanctuaire de Villards-d’Héria (Jura)1 Danielle DECROUEZ*, Robert LE PENNEC** et Pierre-Alain PROZ***

INTRODUCTION Cette roche se différencie de notre Résumé échantillon type de Belfahy par une plus Les roches étudiées proviennent de L’identification du lieu de prove- grande altération et surtout par la dimen- deux sites gallo-romains (Ier et IIe sion inférieure des phénocristaux de siècles ap. J.-C.): celui de l’école nance probable des roches a été feldspaths. Granvelle à Besançon (Doubs) et celui réalisée en observant leur microfa- Origine probable: Vosges ou Grèce. du sanctuaire de Villards-d’Héria près ciès. Pour les marbres blancs, de Moirans-en-Montagne (Jura). Le l’étude du cathodomicrofaciès avec • Echantillon n° 97-13 R lieu de provenance probable des un microscope de cathodolumines- (décapage) échantillons a été identifié en cence et l’analyse des isotopes (Besançon-école Granvelle) analysant leur microfaciès. Pour les stables du carbone et de l’oxygène Trachy-labradorite porphyrique vert marbres blancs, deux examens ont été faites (Ramseyer et al. foncé avec des taches vert clair. supplémentaires ont été effectués: 1989; Barbin et al. 1988; Barbin et Minéraux: feldspaths (phénocristaux altérés) et chlorite dans une pâte l’étude avec un microscope de al. 1992). épidotisée. cathodoluminescence et l’analyse des Cet échantillon présente les mêmes isotopes stables du carbone et de Parmi les échantillons de roches particularités que l’échantillon 97-12 D. l’oxygène. récoltés, il a été déterminé: Origine probable: Vosges ou Grèce. Notre étude a montré que les dallages – des « porphyres vert antique »: mesurant entre 2 et 3 cm d’épaisseur Besançon-école Granvelle et • Echantillon n° 95-08 ont été confectionnés dans des roches Villards-d’Héria, (Villards-d’Héria) d’origine locale. Le matériau employé – des « porphyres rouge antique »: Trachy-labradorite porphyrique vert pour les moulures travaillées ou les Besançon-école Granvelle, foncé avec des taches vert clair. plaquettes, dont l’épaisseur est – des dolérites: Besançon-école Minéraux: feldspaths (phénocristaux altérés), pâte hyaline épidotisée, inférieure au centimètre et qui furent Granvelle et Villards-d’Héria, utilisées pour la décoration, a été chlorite. – des « granites »: Besançon-école Cette roche est identique à l’échantillon importé de contrées plus ou moins Granvelle, type de Belfahy. lointaines. – des ophicalcites: Besançon-école Origine probable: Vosges ou Grèce. Granvelle et Villards-d’Héria, Abstract – des marbres au sens strict du Les trachy-labradorites porphy- The rocks have been collected within terme (calcaires ou dolomies riques, des roches magmatiques two gallo roman sites (I and II after métamorphisés): Besançon-école volcaniques, sont largement J.-C.): the site of the School Granvelle Granvelle et Villards- d’Héria, représentées dans le massif des at Besançon (Doubs) and the site of – des calcaires, des dolomies et Vosges, près de Plancher-les-Mines the Sanctuary of Villards-d’Héria near autres roches sédimentaires: (Haute-Sâone) [«Porphyre vert Moirans (Jura). The analysis of antique de Belfahy»], de Bour- microfacies was applied in order to Besançon-école Granvelle et bach-le-Haut (Haut-Rhin) [«Por- determine the origin of the various Villards-d’Héria. phyre vert antique de Bourbach-le- samples. Two complementary tools Haut »], au lieu-dit « La Pierre were used for the characterization of LES « PORPHYRES VERT marbles: the cathodoluminescence ANTIQUE » écrite » près du col de Chantoiseau microscopy and stable isotopes of carbon and oxygen. • Echantillon n° 97-12 D Our study has determined a local (décapage) *Conservateur en chef, Muséum d’Histoire natu- (Besançon-école Granvelle) relle. 1 route de Malagnou, CP 6434, 1211 origin for the covering-paving material Genève 6, Suisse. (thickness betwen 2 and 3cm). The Trachy-labradorite porphyrique vert **Archéologue bénévole. 11 rue du Belvédère, foncé avec des taches vert clair. material for the ornament and the thin 39200 Saint-Claude, France. Minéraux: feldspaths (phénocristaux ***Assistant, Muséum d’Histoire naturelle. pavements (thickness under 1 cm) has altérés) et chlorite dans une pâte épido- 1route de Malagnou, CP 6434, 1211 Genève 6, been introduced from other countries. tisée. Suisse.

1. Ce travail a été soutenu par le Fonds national suisse de la Recherche scientifique (n° 20-43351.95). 183 et dans les environs de Ternuay- (Haute-Sâone), on peut affirmer que les La patine présente une teinte brun clair. Melay-et-Saint-Hilaire (Haute- deux roches sont identiques. Origine probable: Vosges ou Morvan. Sâone) [«Porphyre de Ternuay » Origine probable: Vosges ou Morvan. des anciens auteurs]. La Grèce est • Echantillon n° 97-13 A également bien connue pour l’ex- • Echantillon n° 97-13 J (décapage) (décapage) ploitation et l’exportation de ces (Besançon-école Granvelle) (Besançon-école Granvelle) roches (Pe-Piper 1982: 77-79; Diorite quartzifère ou granodiorite - gra- Dolérite verte avec des inclusions noires. nite/microgranite à hornblende et biotite Borghini 1989: 279). Faute d’argu- Minéraux: plagioclases zonés et altérés, blanc avec des taches noires. ment pour discriminer les deux pyroxènes zonés, chlorite, épidote. Minéraux: feldspaths, quartz, amphi- régions, nous n’excluons pas la Cette roche est similaire au « Porphyre boles (hornblende verte), micas noirs Grèce comme autre lieu d’origine vert de Saint-Barthélemy » de la carrière (biotite), chlorite, épidote. possible. du lieu-dit « Les Renards » près de Origine probable: Vosges ou Egypte. Belonchamp (Haute-Sâone). Origine probable: Vosges ou Morvan. LES « PORPHYRES ROUGE Des granites à augite et biotite et des monzonites affleurent sur la ANTIQUE» • Echantillon n° 95-03 bordure méridionale du massif des (Villards-d’Héria) • Echantillon n° 97-4 C Dolérite vert foncé avec des taches Ballons entre Plancher-les-Mines (u.s. 2022) blanches. (Haute-Sâone) et Bourbach-le- (Besançon-école Granvelle) Minéraux: feldspaths (altérés), Haut (Haut-Rhin). Un cortège de Andésite aubergine avec de petites pyroxènes (altérés), amphiboles, chlorite. roches identiques se retrouvant taches blanc-rose. Cette roche est difficile à identifier car dans le Morvan, nous proposons Minéraux: plagioclases (altérés), amphi- les minéraux primaires ont été remplacés boles, pyroxènes, épidote (piémontite), donc ces deux lieux d’origines. par des minéraux d’altération. L’échantillon 97-13 A offre certes magnétite (petits grains). Origine probable: Vosges ou Morvan. Origine probable: Vosges ou Egypte. des analogies avec les microgra- • Echantillon n° 95-09 nites qui se présentent sous formes Le « porphyre rouge antique » est (Villards-d’Héria) de filons (1 à 10 m d’épaisseur) une andésite (roche magmatique Dolérite vert foncé avec des taches dans le massif des Ballons volcanique). Le plus célèbre a été blanches. (Théobald et al., 1974: 11). Mais exploité dans des carrières (Mons Minéraux: feldspaths (altérés), Lazzarini (1992: 58-60) attribue Porphyrites) situées au nord du pyroxènes (altérés), amphiboles, chlorite. comme origine le site du Mons Cet échantillon présente une altération Claudianus en Egypte à une roche massif du Djebel Dokhan, à l’est plus forte que le 95-03. de Louxor en Egypte (Klemm Origine probable: Vosges ou Morvan. identique employée notamment au 1990: 32). Ce type de roche affleu- Forum de Trajan. Faute d’argu- re également dans les Vosges. En Ces roches magmatiques étant pré- ment discriminatoire, nous don- l’absence de critères pour différen- sentes dans les Vosges, dans la nons les deux régions comme lieu cier les porphyres de ces deux haute vallée de l’Ognon, entre de provenance possible. régions, nous proposons ces deux Mélisey et Ternuay (Haute- lieux. Sâone), nous proposons cette LES OPHICALCITES région comme lieu d’origine. Il ne LES DOLÉRITES faut toutefois pas exclure le • Echantillon n° 97-13 I Morvan (Massif central) qui com- (décapage) • Echantillon n° 97-3A porte également des dolérites. (Besançon-école Granvelle) (u.s. 2011) Ophicalcite vert sombre avec des (Besançon-école Granvelle) LES « GRANITES » éléments plus foncés. Dolérite vert-jaune avec des taches Minéraux: antigorite et chrysotile, calcite, chlorite. noires. • Echantillon n° 97-5 Origine probable: Val d’Aoste ou région Minéraux: feldspaths (altérés), (u.s. 2024) du Montgenèvre (Alpes, Italie). pyroxènes (altérés), chlorite, épidote, (Besançon-école Granvelle) calcite. Granite à augite et biotite peu quartzi- • Echantillon n° 97-13 K La couleur vert-jaune est due à une tique ou monzonite quartzifère à biotite assez grande quantité d’épidote. et clinopyroxène de couleur brune. (décapage) Origine probable: Vosges ou Morvan. Minéraux: feldspaths (altérés), (Besançon-école Granvelle) pyroxènes, quartz, oxydes. Ophicalcite vert sombre. • Echantillon n° 97-12 E L’altération des minéraux ferro-magné- Minéraux: antigorite et chrysotile, (décapage) siens donne une teinte brunâtre à la calcite, chlorite. Origine probable: Val d’Aoste (Alpes, (Besançon-école Granvelle) roche. Origine probable: Vosges ou Morvan. Italie) ou province de Larissa (Grèce). Dolérite vert noirâtre mouchetée de blanc. Minéraux: plagioclases zonés et altérés, • Echantillon n° 97-12 L • Echantillon n° 95-04 pyroxènes, chlorite, épidote. (décapage) (Villards-d’Héria) Après comparaison avec notre échan- (Besançon-école Granvelle) Ophicalcite gris-vert avec des passées tillon type de « Porphyre vert de Monzonite gris-rose. vert clair et blanches. Saint-Barthélemy » prélevé au lieu-dit Minéraux: feldspaths zonés (altérés), Minéraux: antigorite, chrysotile, calcite, 184 « Les Renards » près de Belonchamp pyroxènes. chlorite, oxydes. Origine probable: Val d’Aoste ou région LES MARBRES • Echantillon n° 97-6 du Montgenèvre (Alpes, Italie). (u.s. 2026) • Echantillon n° 97-3 B (Besançon-école Granvelle) • Echantillon n° 95-06 (u.s. 2011) (Villards-d’Héria) (fig. 1a et b) Ophicalcite gris-vert avec des passées (Besançon-école Granvelle) Marbre blanc calcitique. vert clair et blanches. Marbre blanc calcitique. Texture homéoblastique avec de grands Minéraux: antigorite, chrysotile, calcite, Texture homéoblastique. cristaux. chlorite, oxydes. Cathodomicrofaciès homogène, brun- Cathodomicrofaciès homogène, brun- Origine probable: Val d’Aoste ou région orange avec une luminescence d’intensi- orange avec une luminescence de forte té assez forte. du Montgenèvre (Alpes, Italie). intensité. δ 13C 2,32 δ 13C 2,37 • Echantillon n° 95-10 δ 18O -2,97 δ 18O -5,71 (Villards-d’Héria) Origine probable: Carrare (Italie). Origine probable: Val Senestre? (Alpes, Ophicalcite gris-vert avec des passées vert clair et blanches. massif des Ecrins, Isère, France). • Echantillon n° 97-4 A Minéraux: antigorite, chrysotile, calcite, (u.s. 2022) chlorite, oxydes. • Echantillon n° 97-7 C Origine probable: Val d’Aoste ou région (Besançon-école Granvelle) (u.s. 2027) du Montgenèvre (Alpes, Italie). Marbre blanc calcitique avec des veines violacées. (Besançon-école Granvelle) Les ophicalcites sont présentes Texture légèrement cataclastique. Marbre gris clair calcitique. dans les grandes masses ophioli- Cathodomicrofaciès hétérogène, brun- Minéraux accessoires: micas blancs, tiques alpines qui affleurent dans orange avec une luminescence d’intensi- chlorite, albite, quartz. té très forte. On remarque des zones non le Val d’Aoste et sur le versant ita- On note la présence de microplis souli- luminescentes. gnés par des lits de micas et de chlorite. lien du col du Montgenèvre, zones 13 δ C 2,20 Texture légèrement cataclastique. situées près d’anciennes voies 18 δ O -4,81 Cathodomicrofaciès hétérogène, jaune à romaines importantes. C’est la rai- Origine probable: vraisemblablement brun-rouge avec une luminescence de son pour laquelle nous avançons Villette (Alpes, Savoie, France). forte intensité. Présence de grains non ces deux régions comme lieu d’ori- luminescents. gine possible. • Echantillon n° 97-4 B δ 13C 2,36 Dans le Val d’Aoste, les carrières (u.s. 2022) δ 18O -2,73 les plus connues sont situées entre (Besançon-école Granvelle) Origine probable: Villette? (Alpes, Châtillon et Pont-Saint-Martin Marbre blanc calcitique veiné de gris. Savoie, France). (Anonyme 1992: 98-100). Texture hétéroblastique avec des pas- Sur le versant italien du col du sées à grains très fins et d’autres à gros • Echantillon n° 97-9 Montgenèvre, les carrières se trou- grains. vent au-dessus de Cesana Torine- Cathodomicrofaciès homogène, brun- (u.s. 2041) se. Elles sont exploitées depuis fort orange dans les passées à gros grains (Besançon-école Granvelle) longtemps (Dumon 1971-1975). avec une luminescence de forte intensi- (fig. 2a et b) D’autres affleurements d’ophical- té. Les passées à grains très fins ne sont Marbre blanc-gris calcitique. pas luminescentes. cites existent dans la chaîne alpine, Minéraux accessoires: oxydes. δ 13C 2,88 Texture légèrement cataclastique. mais en raison de leur éloignement δ 18O -2,37 Cathodomicrofaciès homogène, brun des voies romaines principales, Origine probable: Villette? (Alpes, foncé à bleuâtre avec une luminescence nous ne les citons pas. Savoie, France). Le « Vert antique » exploité en de faible intensité. 13 Thessalie (Province de Larissa, δ C 3,33 • Echantillon n° 97-4 D δ 18O -2,73 carrières d’Aliphaka, d’Omor-pho- (u.s.2022) cori, de Kastri et du Monte Tiseo) Origine probable: vraisemblablement (Besançon-école Granvelle) Villette (Alpes, Savoie, France). présente un faciès bréchique avec Marbre blanc calcitique avec des passées un fort pourcentage de fragments gris-vert. de marbre blanc généralement Minéraux accessoires: albite, micas • Echantillon n° 97-10 B auréolés de vert; un caractère qui blancs, chlorite, épidote. (décapage) permet de le différencier des ophi- Ce sont les fines couches composées (Besançon-école Granvelle) calcites du Val d’Aoste (Anonyme de micas, de chlorite et d’épidote qui (fig. 3a et b) 1992: 98-101). Si nous n’avons pas forment les veinules de couleur. Marbre blanc calcitique. Texture légèrement cataclastique. écarté l’origine grecque pour Texture homéoblastique, légèrement Cathodomicrofaciès hétérogène, jaune à l’échantillon 97-13 K, c’est en rai- porphyroblastique. brun-orangé avec une luminescence de son de sa petite taille et des carac- Cathodomicrofaciès homogène, bleu- forte intensité. Présence de petits grains téristiques précisées ci-dessus. non luminescents. violet avec une luminescence de faible δ 13C 2,56 intensité. 13 δ 18O -2,29 δ C 3,06 Origine probable: vraisemblablement δ 18O -1,78 Villette (Alpes, Savoie, France). Origine probable: non identifiée. 185 a a a

b b b

Fig. 1a et b – Echantillon n° 97-6 (US 2026) Fig. 2a et b – Echantillon n° 97-9 (US 2041) Fig. 3a et b – Echantillon n° 97-10 B (décapage) (Besançon-école Granvelle). (Besançon-école Granvelle). (Besançon-école Granvelle). Marbre du Val Senestre? (Alpes, massif des Ecrins, Isère, Marbre vraisemblablement originaire de Villette (Alpes, Marbre dont l’origine n’a pas été identifiée. Peut-être origi- France). Savoie, France). naire de Marmara en Turquie? a: Microphotographie en lumière transmise. a: Microphotographie en lumière transmise. a: Microphotographie en lumière transmise. b: Microphotographie en cathodoluminescence (temps b: Microphotographie en cathodoluminescence (temps b: Microphotographie en cathodoluminescence (temps d’exposition 8 secondes). d’exposition 120 secondes). d’exposition 180 secondes). Grossissement: 20 x Grossissement : 20 x Grossissement : 20 x (Cliché Muséum d’Histoire naturelle, Genève) (Cliché Muséum d’Histoire naturelle, Genève) (Cliché Muséum d’Histoire naturelle, Genève)

• Echantillon n° 97-10 E Texture hétéroblastique. intensité. Nombreuses plages non lumi- (décapage) Cathodomicrofaciès homogène, bleu nescentes. (Besançon-école Granvelle) intense avec une luminescence d’inten- δ 13C 2,81 δ 18O -2,41 Marbre blanc calcitique avec un peu de sité très faible. 13 Origine probable: Villette (Alpes, dolomie. δ C 3,49 18 Texture homéoblastique. δ O -2,78 Savoie, France). Cathodomicrofaciès relativement homo- Origine probable: Villette? (Alpes, gène, brun-orange avec de petits grains Savoie, France). • Echantillon n° 97-12 F rouges correspondant à de la dolomie. (décapage) La luminescence est de forte intensité. • Echantillon n° 97-12 B (Besançon-école Granvelle) 13 δ C 2,51 (décapage) Marbre blanc calcitique veiné de violet. δ 18O -7,88 (Besançon-école Granvelle) Minéraux accessoires: oxydes Origine probable: non identifiée. (fig. 4a et b) Texture hétéroblastique. Marbre blanc calcitique veiné de gris. Cathodomicrofaciès homogène, brun- • Echantillon n° 97-10 F Minéraux accessoires: oxydes. orange avec une luminescence de forte (décapage) Texture hétéroblastique. intensité. Les grains les plus gros sont (Besançon-école Granvelle) Cathodomicrofaciès hétérogène, brun- non luminescents. δ 13C 0,97 Marbre blanc calcitique. orange avec une luminescence de forte δ 18O -2,78 Texture homogène avec de grands intensité. Nombreuses plages non lumi- Origine probable: Villette (Alpes, cristaux. nescentes. Cathodomicrofaciès homogène, brun- δ 13C 2,85 Savoie, France). orange avec une luminescence de forte δ 18O -2,50 intensité. Origine probable: Villette (Alpes, • Echantillon n° 97-12 G 13 (décapage) δ C 0,56 Savoie, France). δ 18O -7,16 (Besançon-école Granvelle) Marbre blanc calcitique avec des passées Origine probable: Val Senestre? (Alpes, • Echantillon n° 97-12 C massif des Ecrins, Isère, France). gris-vert. (décapage) Minéraux accessoires: albite, quartz, (Besançon-école Granvelle) micas blancs, chlorite, épidote. • Echantillon n° 97-12 A Marbre blanc calcitique veiné de gris. Ce sont les fines couches composées (décapage) Minéraux accessoires: oxydes. de micas, de chlorite et d’épidote qui (Besançon-école Granvelle) Texture hétéroblastique. forment les veinules de couleur. Marbre blanc calcitique veiné de gris. Cathodomicrofaciès hétérogène, brun- Texture homéoblastique. 186 Minéraux accessoires: oxydes. orange avec une luminescence de forte Cathodomicrofaciès hétérogène, brun- a a a

b b b

Fig. 4a et b – Echantillon n° 97-12 B (décapage) Fig. 5a et b – Echantillon n° 97-12 M (décapage) Fig. 6a et b – Echantillon n° 95-34 (Besançon-école Granvelle). (Besançon-école Granvelle). (Villards d’Héria). Marbre de Villette (Alpes, Savoie, France). Marbre de Villette (Alpes, Savoie, France). Marbre de Carrare (Apennin, Italie). a: Microphotographie en lumière transmise. a: Microphotographie en lumière transmise. a: Microphotographie en lumière transmise. b: Microphotographie en cathodoluminescence (temps b: Microphotographie en cathodoluminescence (temps b: Microphotographie en cathodoluminescence (temps d’exposition 30 secondes). d’exposition 8 secondes). d’exposition 15 secondes). Grossissement : 20 x Grossissement : 20 x Grossissement : 20 x (Cliché Muséum d’Histoire naturelle, Genève) (Cliché Muséum d’Histoire naturelle, Genève) (Cliché Muséum d’Histoire naturelle, Genève) orange avec une luminescence de forte brun-orange avec une luminescence de de micas, de chlorite et d’épidote qui intensité. On note des grains et des forte intensité. Présence de grains non forment les veinules de couleur. zones non luminescents. luminescents. Texture hétéroblastique, légèrement δ 13C 2,29 δ 13C 1,28 cataclastique. δ 18O -2,66 δ 18O -2,79 Cathodomicrofaciès hétérogène, jaune à Origine probable: Villette (Alpes, Origine probable: Villette (Alpes, brun-orange avec une luminescence de Savoie, France). Savoie, France). forte intensité. Présence de grains non luminescents. 13 • Echantillon n° 97-12 M δ C 2,29 • Echantillon n° 97-12 Q 18 (décapage) (décapage) δ O -2,64 Origine probable: Villette (Alpes, (Besançon-école Granvelle) (Besançon-école Granvelle) Savoie, France). (fig. 5a et b) Marbre gris calcitique. Marbre blanc-gris calcitique et dolomi- Minéraux accessoires: micas blancs, tique. épidote. • Echantillon n° 97-13 E Texture hétérogène, alternance de lits à Texture hétéroblastique légèrement (décapage) petits et grands cristaux de calcite. cataclastique. (Besançon-école Granvelle) Cathodomicrofaciès homogène, rouge Cathodomicrofaciès assez homogène, Marbre rose. avec une luminescence de forte intensité jaune à brun-orange avec une lumines- Texture homéoblastique. dans les lits à petits cristaux. Les lits à cence de forte intensité. Quelques zones Cathodomicrofaciès homogène, brun- grands cristaux sont non luminescents. sont non luminescentes. orange avec une luminescence de forte δ 13C 1,91 δ 13C 1,57 intensité. Quelques zones non lumines- δ 18O -6,84 δ 18O -4,60 centes éparses ont été observées. Origine probable: Villette (Alpes, Origine probable: Villette (Alpes, δ 13C 2,91 Savoie, France). Savoie, France). δ 18O -8,22 Origine probable: Villette (Alpes, • Echantillon n° 97-12 N • Echantillon n° 97-13 B Savoie, France). (décapage) (décapage) (Besançon-école Granvelle) (Besançon-école Granvelle) • Echantillon n° 97-13 F Marbre blanc calcitique avec veines Marbre blanc calcitique avec des passées (décapage) violacées et noires. gris-vert (Besançon-école Granvelle) Minéraux accessoires: oxydes. Minéraux accessoires: albite, quartz, Marbre blanc calcitique veiné de gris. Texture hétéroblastique. micas blancs, chlorite, épidote. Minéraux accessoires: oxydes. Cathodomicrofaciès hétérogène, jaune à Ce sont les fines couches composées Texture hétéroblastique. 187 Cathodomicrofaciès hétérogène, variant Origine probable: Villette (Alpes, cence de faible intensité. Présence de du bleu-rose au brun-rose avec une Savoie, France). grains non luminescents. luminescence de faible intensité. δ 13C 3,17 δ 13C 2,49 • Echantillon n° 97-13 Q δ 18O -2,68 δ 18O -4,06 (décapage) Origine probable: Villette? (Alpes, Origine probable: non identifiée. (Besançon-école Granvelle) Savoie, France). Marbre blanc et violet. • Echantillon n° 95-20 • Echantillon n° 97-13 G Minéraux accessoires: albite, micas. (Villards-d’Héria) (décapage) Texture homéoblastique. Marbre blanc calcitique avec des passées Cathodomicrofaciès homogène, brun- (Besançon-école Granvelle) violacées. orange avec une luminescence de forte Marbre blanc calcitique à grands Minéral accessoire: albite. intensité et quelques traînées non lumi- cristaux. Texture hétérogène cataclastique. nescentes. Texture hétéroblastique. Cathodomicrofaciès hétérogène, brun- δ 13C 1,88 Cathodomicrofaciès homogène, brun- orange à brun rougeâtre avec une δ 18O -2,34 orange avec une luminescence de forte luminescence de forte intensité. Des Origine probable: Villette? (Alpes, intensité. plages sont non luminescentes. 13 Savoie, France). δ C 1,78 δ 13C 2,48 18 δ O -6,34 δ 18O -8,88 Origine probable: Val Senestre? (Alpes, • Echantillon n° 97-14 A (décapage) Origine probable: Villette (Alpes, massif des Ecrins, Isère, France). Savoie, France). (Besançon-école Granvelle) • Echantillon n° 97-13 M/N Marbre blanc calcitique avec des passées • Echantillon n° 95-22 (décapage) gris-vert. (Villards-d’Héria) Minéraux accessoires: albite, quartz, Marbre blanc calcitique avec des passées (Besançon-école Granvelle) micas blancs, chlorite, épidote. grises. Marbre blanc calcitique veiné de violet. Texture cataclastique. Minéral accessoire: albite. Minéraux accessoires: micas blancs, Cathodomicrofaciès hétérogène, jaune à Texture homéoblastique. albite. brun-orange avec une luminescence de Cathodomicrofaciès homogène, brun- Texture hétéroblastique, légèrement forte intensité. Des grains comportent orange avec une luminescence cataclastique. des zones non luminescentes. d’intensité moyenne. Cathodomicrofaciès hétérogène, jaune à δ 13C 2,45 δ 13C 2,49 brun-orange avec une luminescence de δ 18O -2,51 δ 18O -1,82 forte intensité. Présence de grains non Origine probable: Villette (Alpes, luminescents. Savoie, France). Origine probable: Carrare (Italie). δ 13C 2,61 18 • Echantillon n° 95-23 δ O -5,32 • Echantillon n° 95-01 Origine probable: Villette (Alpes, (Villards-d’Héria) (Villards-d’Héria) Marbre blanc calcitique. Savoie, France). Marbre gris-blanc calcitique. Texture homéoblastique. Texture hétéroblastique. Cathodomicrofaciès homogène, brun- • Echantillon n° 97-13 O Cathodomicrofaciès hétérogène, brun- orange avec une luminescence (décapage) rouge avec une luminescence d’intensité moyenne. Présence de grains non lumi- d’intensité moyenne. (Besançon-école Granvelle) 13 nescents. δ C 2,42 Marbre blanc calcitique avec des passées 18 13 δ O -1,70 gris-vert. δ C 3,28 18 Origine probable: Carrare (Italie). Minéraux accessoires: albite, quartz, δ O -4,20 Origine probable: Villette (Alpes, micas blancs, chlorite, épidote. • Echantillon n° 95-24 Savoie, France). Texture hétéroblastique, légèrement (Villards-d’Héria) cataclastique. Marbre blanc-gris calcitique. Cathodomicrofaciès hétérogène, jaune à • Echantillon n° 95-02 Texture homéoblastique. brun-orange avec une luminescence de (Villards-d’Héria) Cathodomicrofaciès légèrement forte intensité. Des grains comportent Marbre rubané gris calcitique. hétérogène, variant du jaune au marron des zones non luminescentes. Minéraux accessoires: albite, micas en passant par le brun-orange. En δ 13C 2,42 blancs (muscovite ou phengite), chlorite, général, la luminescence est de forte δ 18O -2,65 épidote. intensité. Quelques grains ne sont pas Origine probable: Villette (Alpes, Texture hétéroblastique. Cathodomicrofaciès hétérogène, brun- luminescents. Savoie, France). 13 rouge avec une luminescence de forte δ C 1,97 intensité. Présence de grains non lumi- δ 18O -2,87 • Echantillon n° 97-13 P nescents. Origine probable: Carrare (Italie). (décapage) δ 13C 2,68 (Besançon-école Granvelle) δ 18O -3,05 • Echantillon n° 95-25 Marbre blanc calcitique avec des veines Origine probable: Villette (Alpes, (Villards-d’Héria) jaunes. Savoie, France). Marbre blanc calcitique et dolomitique. Minéral accessoire: albite. Minéral accessoire: albite. Texture hétéroblastique. • Echantillon n° 95-07 Cathodomicrofaciès hétérogène, jaune à Cathodomicrofaciès hétérogène, jaune à (Villards-d’Héria) brun-orange avec des plages rouges brun-orange avec une luminescence de Marbre blanc calcitique avec des passées correspondant à de la dolomie et une forte intensité. Quelques zones ne sont gris-vert. luminescence de forte intensité. pas luminescentes. Texture homéoblastique. δ 13C 2,21 δ 13C 2,91 Cathodomicrofaciès très hétérogène, δ 18O -2,90 188 δ 18O -2,69 bleu et brun-orange avec une lumines- Origine probable: Carrare (Italie). • Echantillon n° 95-26 bable Carrare (Italie), montrent le • Echantillon n° 97-7 A (Villards-d’Héria) cathodomicrofaciès tout à fait (u.s. 2027) Marbre blanc calcitique veiné de gris. caractéristique des marbres de (Besançon-école Granvelle) Texture hétéroblastique. cette région. Les valeurs isoto- Dolomie rose. Cathodomicrofaciès homogène, bleu piques qui se trouvent dans le Identique aux échantillons 97-3 C, foncé avec une luminescence de très 97-10 D, 97-10 G. faible intensité. champ de celles de Carrare (Barbin Origine probable: locale (Jura, France). δ 13C 3,36 et al. 1992) corroborent notre δ 18O -2,67 détermination. Origine probable: non identifiée. De nombreux échantillons présen- • Echantillon n° 97-7 B tent les caractéristiques des (u.s. 2027) • Echantillon n° 95-29 marbres de la région de Villette (Besançon-école Granvelle) (Villards-d’Héria) (Alpes, commune d’Aime, Savoie, Calcaire rougeâtre. Marbre blanc calcitique veiné de gris. Minéraux accessoires: albite, quartz, France). Ces résultats sont confir- oxydes. Minéral accessoire: albite. més grâce à notre étude, actuelle- Texture homéoblastique. Similaire aux échantillons 97-3 D, Cathodomicrofaciès légèrement hétéro- ment en cours, sur les marbres de 97-13 L. gène, variant du jaune au brun-orange cette zone. Cependant, dans cer- Origine probable: locale (Jura, France). avec une luminescence d’intensité faible tains cas, nous avons jugé utile à forte. d’émettre des réserves. • Echantillon n° 97- 8 δ 13C 2,27 Quelques marbres présentent de (u.s. 2030) δ 18O -3,01 grands cristaux, nous leur attri- (Besançon-école Granvelle) Origine probable: Carrare (Italie). buons comme origine possible la Calcaire rougeâtre. Minéraux accessoires: albite, quartz, • Echantillon n° 95-31 région du Val Senestre dans le mas- (Villards-d’Héria) sif des Ecrins (Alpes, France). Ce micas, oxydes. Similaire aux échantillons 97-3 D, Marbre blanc calcitique avec des veines lieu a été exploité par les Romains, 97-7 B, 97-13 L, mais les cristaux de violacées. mais notre banque de données ne calcite sont plus grands. Minéral accessoire: albite. comporte pas suffisamment de Origine probable: locale (Jura, France). Texture cataclastique. cathodomicrofaciès pour nous per- Cathodomicrofaciès hétérogène, rouge- mettre d’être affirmatifs. orange avec une luminescence de forte • Echantillon n° 97-10 A intensité. Présence de zones non lumi- Le lieu de provenance de quelques (décapage) pièces n’a pas été identifié. nescentes. (Besançon-école Granvelle) δ 13C 2,57 L’échantillon 97-10 B (Besançon- Argile ou calcaire bitumineux brun-noir. δ 18O -7,23 école Granvelle) présente beau- Minéraux accessoires: calcite, quartz, Origine probable: Villette (Alpes, coup d’analogies (cathodomicrofa- feldspaths. Savoie, France). ciès et valeurs isotopiques) avec le Ce faciès riche en matière organique marbre de Marmara (Turquie). s’est formé dans un milieu confiné et • Echantillon n° 95-33 Cependant, si nous pensons qu’il anoxique (lagune fermée ou marais), (Villards-d’Héria) est imprudent de proposer cette avec un faible apport détritique. Marbre blanc calcitique. Origine probable: locale (Jura, France). Texture homéoblastique. origine, elle n’est toutefois pas à Cathodomicrofaciès homogène, brun- exclure. Le cathodomicrofaciès de • Echantillon n° 97-10 C orange avec une luminescence de forte l’échantillon 97-13 F (Besançon- intensité. école Granvelle) montre des simi- (décapage) δ 13C 2,05 larités avec ceux des marbres de la (Besançon-école Granvelle) 18 δ O -1,95 mer Egée. Calcaire bioclastique gris clair. Origine probable: Carrare (Italie). On observe des plaques d’échinodermes et des débris de gastéropodes et de LES ROCHES SÉDIMENTAIRES • Echantillon n° 95-34 bivalves. (Villards-d’Héria) Origine probable: locale (Jura, France). • Echantillon n° 97-3 C (fig. 6a et b) (u.s. 2011) • Echantillon n° 97-10 D Marbre blanc calcitique. (Besançon-école Granvelle) Texture homéoblastique. (décapage) Dolomie rose. Cathodomicrofaciès homogène, brun- (Besançon-école Granvelle) Identique aux échantillons 97-7 A, orange avec une luminescence de forte 97-10D, 97-10 G. Dolomie rose. intensité. Identique aux échantillons 97-3 C, 13 Origine probable: locale (Jura, France). δ C 2,10 97-7 A, 97-10 G. 18 δ O -1,72 Origine probable: locale (Jura, France). Origine probable: Carrare (Italie). • Echantillon n° 97-3 D (u.s. 2011) (Besançon-école Granvelle) • Echantillon n° 97-10 G Dans ce groupe, nous avons réuni (décapage) les marbres au sens géologique du Calcaire rougeâtre. Minéraux accessoires: albite, quartz, (Besançon-école Granvelle) terme, c’est-à-dire des calcaires et micas, oxydes. Dolomie rose. des dolomies métamorphisés. Similaire aux échantillons 97-7 B, Identique aux échantillons 97-3 C, Les marbres, auxquels nous avons 97-13 L. 97-7 A, 97-10 D. attribué comme lieu d’origine pro- Origine probable: locale (Jura, France). Origine probable: locale (Jura, France). 189 • Echantillon n° 97-12 H Les bioclastes sont des débris d’échino- • Echantillon n° 95-13 (décapage) dermes et des foraminifères. (Villards-d’Héria) (Besançon-école Granvelle) Origine probable: locale (Jura, France). Calcaire fin violacé. Dolomie calcarifère rose. Minéral accessoire: albite. Minéral accessoire: albite. • Echantillon n° 97-13 D Les cristaux d’albite sont concentrés L’albite présente une macle caractéris- (décapage) dans les fractures recristallisées. tique, la « Macle du Roc tourné ». (Besançon-école Granvelle) Similaire à 95-27, mais avec une granulo- Origine probable: vallée de l’Arc en Brèche calcaire blanc crème (clastes) et métrie un peu plus fine et une amont de Modane (Alpes, Savoie, rouge corail (ciment). fracturation moins intense. France). On ne peut observer que des fantômes Origine probable: non identifiée. de micro-organismes car la recristallisa- tion est très poussée. • Echantillon n° 95-14 • Echantillon n° 97-12 I (Villards-d’Héria) (décapage) Origine probable: locale? (Jura?, France). Calcaire bioclastique et oolithique (Besançon-école Granvelle) dolomitisé, rose. Calcaire bioclastique bréchique, micri- Les bioclastes sont des coraux et des • Echantillon n° 97-13 H tique, beige crème avec des veines dasycladales. rougeâtres. (décapage) Origine probable: locale (Kimméridgien Minéraux accessoires: oxydes. (Besançon-école Granvelle) du Jura, France). Les bioclastes sont des débris d’échino- Calcaire dolomitique bréchique rose dermes, de foraminifères et de avec des veines rouille. • Echantillon n° 95-15 dasycladales. Minéral accessoire: albite. (Villards-d’Héria) Origine probable: locale (calcaire L’albite présente une macle caractéris- Calcaire bioclastique dolomitisé, rouge- urgonien proche du Pratz typique, Jura, tique, la « Macle du Roc tourné ». brun moucheté de blanc. Origine probable: vallée de l’Arc en France). La dolomite se trouve sous forme d’an- amont de Modane (Alpes, Savoie, kérite. Les bioclastes sont des débris France). • Echantillon n° 97-12 J d’échinodermes. (décapage) Origine probable: non identifiée. (Besançon-école Granvelle) • Echantillon n° 97-13 L Dolomie jaune brun. (décapage) • Echantillon n° 95-21 Origine probable: locale (Jura, France). (Besançon-école Granvelle) (Villards-d’Héria) Calcaire rougeâtre. Calcaire oolithique dolomitisé, brun- Minéraux accessoires: albite, quartz, • Echantillon n° 97-12 K rouge. oxydes. (décapage) Les bioclastes sont des débris d’échino- Similaire aux échantillons 97-3 D, dermes et de bivalves. (Besançon-école Granvelle) 97-7 B. Origine probable: locale (Kimméridgien Calcaire bioclastique gris-beige. Origine probable: locale (Jura, France). du Jura, France). Les bioclastes sont essentiellement des débris d’échinodermes. • Echantillon n° 97-14 B • Echantillon n° 95-27 Origine probable: locale (Jura, France). (décapage) (Villards-d’Héria) (Besançon-école Granvelle) Calcaire brun-rose veiné de blanc. • Echantillon n° 97-12 O Calcaire rougeâtre avec des veines de Minéral accessoire: albite. (décapage) calcite blanche. Origine probable: non identifiée. (Besançon-école Granvelle) Minéraux accessoires: albite, oxydes. Calcaire dolomitique jaune clair. Origine probable: locale (Jura, France). • Echantillon n° 95-28 Minéral accessoire: albite. (Villards-d’Héria) L’albite présente une macle caractéris- • Echantillon n° 97-14 C Brèche calcaire gris-rose avec des pas- tique, la « Macle du Roc tourné ». (décapage) sées brunâtres. Origine probable: vallée de l’Arc en (Besançon-école Granvelle) Des débris de calcaires bioclastiques très amont de Modane (Alpes, Savoie, Brèche calcaire blanc crème et rouge recristallisés sont noyés dans une matrice France). corail. calcaire micritique. Minéraux accessoires: oxydes. Origine probable: locale (Kimméridgien • Echantillon n° 97-12 P Origine probable: locale? (Jura?, du Jura, France). (décapage) France). • Echantillon n° 95-30 (Besançon-école Granvelle) • Echantillon n° 95-05 (Villards-d’Héria) Calcaire dolomitique bréchique jaune Calcaire blanc-gris avec des veines clair. (Villards-d’Héria) violacées. Minéral accessoire: albite. Calcaire fin dolomitisé gris. Minéraux accessoires: albite, oxydes. L’albite présente une macle caractéris- Aucun microfossile n’a été observé. Origine probable: locale (Portlandien du Origine probable: non identifiée. tique, la « Macle du Roc tourné ». Origine probable: vallée de l’Arc en Jura, France). • Echantillon n° 95-32 amont de Modane (Alpes, Savoie, • Echantillon n° 95-12 (Villards-d’Héria) France). (Villards-d’Héria) Calcaire bioclastique blanc-beige. Calcaire rougeâtre. Les bioclastes sont essentiellement des • Echantillon n° 97-13 C Minéraux accessoires: albite, oxydes. foraminifères et des dasycladales. (décapage) Les oxydes sont concentrés dans de Présence d’oolites. (Besançon-école Granvelle) minces couches noires qui confèrent une Origine probable: locale (calcaire urgo- Calcaire micritique dolomitisé brun- certaine schistosité à la roche. nien proche du Pratz typique, Jura, 190 jaune. Origine probable: non identifiée. France). La majorité des roches sédimen- macle, surtout dans les calcaires pour la décoration, ont été impor- taires sont d’origine locale (Jura, plus ou moins dolomitiques du tées. France). Pour quelques échan- Trias briançonnais de la Vanoise au Les régions d’importations propo- tillons, nous n’avons pas proposé Mercantour (Bocquet 1974: 154). sées sont: de provenance: ils sont vraisembla- Ces affleurements étant éloignés – les Vosges ou le Morvan (France), blement également d’origine des principaux axes romains, nous – le Val d’Aoste ou le versant ita- locale, mais nous n’avons aucun pensons que le lieu d’origine pro- lien du Montgenèvre (Alpes, argument pour le certifier. bable se situe plutôt dans la région Italie), Un certain nombre d’échantillons de Modane. – la région de Carrare (Apennin, de calcaires dolomitiques présen- Italie), tent une caractéristique bien CONCLUSION – la région de Villette (Alpes, particulière, ils comportent de l’al- Savoie, France), bite avec une macle spéciale, la Si le lieu de provenance de toutes – le Val Senestre (Alpes, massif des « Macle du Roc tourné ». Cette les roches n’a pas été identifié, Ecrins, Isère, France), dernière a été définie dans les dolo- cette étude appelle quelques – la vallée de l’Arc en amont de mies triasiques de la vallée de l’Arc remarques. Les dallages mesurant Modane (Alpes, Savoie, France). en amont de Modane, plus précisé- entre 2 et 3 cm d’épaisseur sont Pour certains échantillons, nous ment au lieu-dit « le Roc tourné ». d’origine locale (Jura, France). Les n’avons pas exclu une origine Certes, il existe de très nombreux moulures travaillées ou les pla- beaucoup plus lointaine: Egypte, autres gisements carbonatés où l’al- quettes d’épaisseur inférieure au Grèce et Turquie. bite est présente avec ce type de centimètre et qui ont été utilisées

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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INTRODUCTION ORIGINE GÉOGRAPHIQUE, Résumé Les formations géologiques secon- POSITION STRATIGRAPHIQUE daires et tertiaires du Jura ont livré Les formations géologiques juras- ET CARACTÈRES une grande variété de pierres calcaires siennes à dominante calcaire ont MACROSCOPIQUES DES voire gypseuses, aux propriétés phy- livré, tout au long de l’histoire, MATÉRIAUX ÉTUDIÉS siques et mécaniques satisfaisantes des matériaux pierreux pour la pour donner après polissage un marbre construction des bâtiments publics Le marbre de Miéry ou un albâtre de qualité. Cette et des édifices religieux de la Le marbre de Miéry, parfois appelé publication présente les résultats région de Franche-Comté. Cette d’une étude à la fois pétrographique et étude présente une caractérisation « pierre bleue de Miéry » ou « noir pétrophysique réalisée sur deux pétrophysique réalisée sur deux de Miéry », fait partie de la forma- exemples de pierres marbrières d’âge exemples de pierres marbrières du tion du « calcaire à gryphées » secondaire provenant du Jura. D’une Jura: les marbres de Sampans et de (fig.2), datant du Sinémurien manière générale, de par leur histoire Miéry (fig.1). Elle s’appuie sur (Jurassique inférieur) et qui corres- géologique (forte compaction diagéné- deux types d’approche: d’une part, pond au l3 des cartes géologiques tique et déformations intenses), ces une caractérisation des structures (Kerrien et al. 1982). C’est un sédi- calcaires sont peu poreux. Les struc- de porosité de ces roches, à partir ment marin, d’une dizaine de tures de porosité qui caractérisent leur de l’étude de lames minces mètres d’épaisseur (Cautru 1963; milieu poreux se traduisent par des dont le milieu poreux a été impré- Chevassu 1965; Javey 1966), formé propriétés de transfert de fluides (per- il y a environ 190-200 Ma. méabilité…) très faibles. Si ces pierres gné de résines colorées, et la déter- mination de mesures physiques Il forme généralement de petites marbrières constituent d’excellents falaises ou bien, simplement, un matériaux pour la décoration architec- sur éprouvettes (porosité totale à l’eau, porosité librement accessible léger ressaut facile à suivre dans le turale ou l’ameublement civil ou reli- paysage, constituant ainsi un excel- gieux en intérieur, il n’en est pas de par capillarité, détermination des lent niveau stratigraphique repère. même pour les réalisations en exté- rayons d’accès aux pores par poro- A l’affleurement, la formation du rieur. simétrie au mercure, cinétiques d’imbibition capillaire et d’évapo- calcaire à gryphées est composée de bancs de 5 à 70 cm (moyenne: Abstract ration, perméabilité). C’est une 30 cm) de calcaire dur, cristallin, The Mesozoic and Cenozoic geologi- étape obligée pour une meilleure cal formations of Jura have given compréhension des phénomènes gris-bleu foncé à noir, séparés par down, through the centuries, a great et des conditions d’altération qui de minces interlits de marnes range of calcareous and gypseous affectent dalles, parements ou schisteuses noires. Certains bancs rocks, whose physical and mechanical colonnes, parfois très dégradés, en présentent des passées ferrugi- properties fit to produce a marble or an vue de leur conservation ou de leur neuses de couleur rouille et des alabaster after polishing. This paper restauration. géodes de calcite; leur mur et leur presents a petrographical and petro- toit sont fréquemment irréguliers physical study carried on two et mamelonnés. Le calcaire, qui Mesozoic marble rocks from Jura area dégage une odeur de pierre à feu à in Eastern France. Generally spea- la cassure, est particulièrement king, these calcareous rocks shows riche en fossiles nombreux et very low porosity because of strong variés: entroques, ammonites, petrographical transformations which lamellibranches, etc. Les gryphées occur during their geological history (Gryphea arcuata) qui caractérisent (strong diagenetic compaction, strong cette formation sont particulière- transformations related to tectonic ment abondantes à la base des events). Pore structures that are cha- bancs calcaires. racteristic of their porous media lead to very low fluid transfer properties * Maître de Conférences au Département de (permeability…). If those marble Géosciences et à l’EA n° 2642 « Déformations, Ecoulements, Transferts », Université de rocks are excellent materials for use in Franche-Comté. 16 route de Gray, 25030 interior architectural decoration and Besançon cedex, France civil or religious furniture, this is not Fig. 1 – Localisation schématique des sites de prélèvement * * Maître de Conférences au Département de the case for external works. des marbres de Miéry et de Sampans. Géosciences, Université de Franche-Comté. (Dessin J.-P. Sizun) 16route de Gray, 25030 Besançon cedex, France. 193 Les échantillons étudiés provien- nent principalement d’un petit escarpement longeant un ruisseau au sud du village de Miéry (situé à environ 5 km au sud-ouest de Poligny), à proximité de la route menant à Passenans.

Le marbre de Sampans

Le marbre de Sampans date du Bajocien supérieur (Jurassique moyen) (fig. 2). Il s’est déposé dans la mer vers 172-174 Ma et corres- pond au j1b des cartes géologiques (Chauve et al. 1979). Au nord- ouest de Dole, cette formation affleure sous la forme des bandes étroites sur la bordure tectonisée à l’ouest du massif de la Serre. Les échantillons étudiés proviennent d’anciennes carrières situées à environ 700 m à l’est de l’église de Sampans, et qui sont actuellement en partie remblayées ou occupées par des lotissements (rue Violet, fig. 3).

La formation se compose d’un niveau oolithique basal sur lequel repose une douzaine de mètres de calcaires bioclastiques riches en pisolithes à nubéculaires, présen- tant des stratifications obliques, des surfaces durcies couvertes d’huîtres et des figures d’érosion de chenaux (Pernin 1978). Ils sont Fig. 2 – Position des marbres de Miéry et de Sampans dans la succession des formations géologiques de la région Franche- Comté. (Dessin P. Rosenthal) surmontés par près de 5 m de marnes granuleuses riches en oncoïdes et débris d’huîtres, et qui contiennent des nodules et des bancs de calcaire finement micro- cristallin à oolithes, à grands onco- lithes roux et bioclastes. Le som- met de la formation, apparenté au niveau de la « Grande Oolithe » (Contini 1970), comprend quel- ques mètres de calcaires à pâte cryptocristalline beige renfermant des oolithes, des oncolithes et des débris de coquille; plus haut, apparaissent des calcaires blancs finement oolithiques.

Les sédiments qui composent les faciès du marbre de Sampans sont caractérisés par une coloration variant du rose pâle au rouge car- miné. Ces sédiments correspon- dent à des dépôts d’une mer peu Fig. 3 – Vue du front de taille de l’ancienne carrière exploitant le marbre de Sampans (rue Violet, Sampans). 194 profonde, claire et assez chaude. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) Observations optiques du La porosité totale à l’eau milieu poreux Les mesures de porosité totale à l’eau Nt ont été effectuées selon Les structures de porosité sont les techniques définies par la observées sur des lames minces norme RILEM (Rilem 1978), qui dont la porosité a été totalement prévoit que les roches soient imbi- imprégnée de résine colorée (Zins- bées en l’absence d’air, c’est-à-dire ner et al. 1982; Jeannette et al. en régime monophasique. Les 1988; David et al. 1993). Les éprouvettes de roche, de 6 cm roches, placées dans une enceinte de longueur environ et d’un dia- où règne un vide de 2.10-2 mm de mètre de 4 cm, sont préalablement mercure, sont imbibées par une séchées dans une étuve à 60°C jus- qu’à poids constant, puis placées Fig. 4 – Mise en évidence des structures de porosité d’un résine époxy teintée arbitrairement grès (Vosges du Nord) par imprégnation du milieu poreux dans un dessiccateur où elles sont en rouge par un colorant de type par de la résine colorée en rouge. soumises pendant 24 heures à un Les macropores apparaissent en rouge vif entre les grains de organol et maintenue à 70°C, tem- quartz et de feldspaths, tandis que la microporosité est sou- vide primaire de 10-2 mm de mer- lignée ici en rosâtre dans le cœur des feldspaths altérés. pérature de son minimum de visco- (Cliché J.-P. Sizun) cure (≈ 2,6 Pa) entretenu par une sité. L’ensemble est ensuite soumis Localement, certains niveaux mon- pompe à palettes. Elles sont ensui- à une pression de 30 bars, puis les trent des marbrures sur fond jaune te progressivement imbibées à leur plaquettes de roches sont portées à ou sont parcourus de veinules ana- base par de l’eau préalablement la température de polymérisation stomosées, qui témoignent de cir- dégazée à la trompe à eau; la hau- de la résine. culations de fluides associées à la teur d’eau est réajustée au fur et tectonique cassante très marquée Dans les lames minces effectuées à à mesure de la migration de la sur la bordure sud-est du massif de partir de ces préparations, tous les frange capillaire, en maintenant un la Serre. pores sont imbibés, qu’il s’agisse vide dynamique à la trompe à des macropores ou des micropores, eau. Connaissant le poids sec de

qu’ils soient intergranulaires ou l’échantillon Ws et son poids imbi- intragranulaires, qu’ils appartien- LE MILIEU POREUX: bé W1, on obtient le volume poreux

DÉFINITIONS ET MÉTHODES nent à la porosité libre ou à la poro- occupé en totalité par l’eau (W1-Ws) D’INVESTIGATION sité piégée (fig. 4). Les vérifications puis, à partir d’une pesée hydro-

effectuées ont permis de montrer statique W2, on peut calculer le Les milieux poreux sont, par défi- que les pores sont imbibés jusqu’à volume total de l’éprouvette nition, constitués de deux domai- une taille d’au moins 0,1µm. Cette (Vt = W1-W2). La porosité de l’échan- nes distincts: l’un occupé par un méthode permet ainsi de distin- tillon s’exprime par: fluide (air, eau, huile…) constitue guer la macroporosité en rouge vif l’ensemble de ce que l’on appelle de la microporosité qui présente les « vides » ou « espaces poreux »; une teinte moins intense, plus ou l’autre est en fait la matière solide moins rosâtre. Compte tenu de leur qui constitue la charpente et la bor- petite taille, inférieure à la résolu- dure solide du milieu poreux. Tout tion du microscope optique, les La porosité à 48 heures milieu poreux dans une roche est La porosité à 48 heures correspond micropores ne peuvent pas être au volume poreux librement acces- défini par ses structures de porosité observés individuellement et l’on (Sizun 1995), c’est-à-dire par la sible par l’eau dans les conditions peut seulement apprécier la taille morphologie et la taille des pores d’imbibition ou d’immersion natu- ou l’importance des plages micro- (macropores, micropores), leurs relles, c’est-à-dire à la pression poreuses sans en connaître la poro- interconnexions, leur position par atmosphérique, en présence d’air. sité réelle. rapport aux minéraux qui consti- La norme AFNOR B. 10.513, défi- tuent la charpente de la roche nie initialement pour des roches (pores intergranulaires, pores intra- Mesures physiques carbonatées, précise que les échan- granulaires), ainsi que par leur tillons doivent subir une imbibition place dans l’évolution de la roche Parallèlement à l’étude pétrogra- capillaire pendant les premières (pore primaire, pore secondaire). phique et à l’étude optique des 24heures puis être immergés pen- En se basant sur l’analyse de ces structures de porosité au microsco- dant les 24 heures suivantes. Dans structures de porosité au microsco- pe, plusieurs grandeurs physiques la pratique, les éprouvettes séchées pe, il est possible d’établir des ont été mesurées sur les échan- comme précédemment sont im- classes de pores qui jouent des tillons prélevés: porosité totale à mergées jusqu’au quart de leur rôles différents dans les propriétés l’eau (Nt), porosité à 48 heures hauteur pendant une heure, puis de transport et de justifier les varia- (N48h), distribution des rayons d’ac- jusqu’à la moitié pendant les tions des mesures physiques: poro- cès aux pores par porosimétrie au 23heures suivantes, puis immer- sités, perméabilités, cinétiques mercure, cinétiques d’imbibition gées totalement pendant 24heures. d’imbibition capillaire et d’évapo- capillaire et d’évaporation, perméa- Comme pour la porosité totale à ration. bilité. l’eau, on pèse l’échantillon pour 195 calculer la porosité à 48 heures:

avec

W48h : poids de l’éprouvette imbibée après 48heures

Vt : volume total de l’éprouvette = (W1-W2)

Contrairement à l’autre méthode, la porosité à 48 heures, couram- ment appelée porosité libre ou librement interconnectée, corres- pond à une imbibition en régime biphasique (en présence de deux phases non miscibles, l’eau et l’air)

où intervient une dimension Fig. 5 – Schéma du dispositif expérimental pour les mesures de cinétique d’imbibition capillaire. (Dessin J.-P. Sizun) hydrodynamique qui dépend de la structure du réseau poreux. Ainsi, Pour un tube vertical, l’imbibition et où θ est l’angle de contact entre deux roches ayant la même porosi- par capillarité est décrite par la loi la surface du tube, l’eau liquide et té totale peuvent très bien présen- de Washburn (Washburn 1921), qui la vapeur d’eau. ter des porosités à 48 heures com- s’écrit de la manière suivante: plètement différentes. La porosité Il faut souligner que le coefficient à 48 heures est toujours inférieure à de cinétique de l’imbibition capil- la porosité totale (Jeannette et al. laire B est proportionnel au rayon 1988), car il existe généralement du tube. De la même manière, le une partie du réseau poreux où volume de liquide imbibant le tube demeurent des bulles d’air piégées avec: sera: par l’eau. On définit également L: longueur du tube R: rayon du tube un coefficient de saturation à ρ: masse volumique du liquide 48heures, encore appelé coeffi- g: accélération de la gravité γ : tension interfaciale liquide-vapeur cient d’Hirschwald — noté S48 — η: viscosité dynamique du fluide qui rend compte de l’état de satu- ration en eau de l’échantillon: Si l’on considère le tube vertical ou un tube de faible hauteur, l’in- fluence de la gravité devient Dans la pratique, les éprouvettes négligeable et on peut écrire l’ex- — ayant permis la détermination pression suivante: des porosités — sont préalable- ment séchées dans des étuves à

Ce cœfficient S48 est fonction du 60°C jusqu’à stabilisation de leur degré d’hétérogénéité du réseau poids. Elles sont ensuite placées poreux de la roche. La différence qui, après intégration, devient: verticalement sur une grille, dans

Nt-N48h permet une évaluation de la un bac au fond duquel le niveau porosité piégée qui représente le d’eau distillée est maintenu volume non accessible à l’eau lors constant pendant toute la durée de d’une imbibition capillaire eau/air. l’expérience: l’alimentation capil- Il reste, dans ce cas, occupé par de Cette relation, couramment appe- laire est alors assurée par une l’air. lée équation de Washburn, permet pellicule d’eau de 5 mm (fig. 5). Par de calculer la position du niveau ailleurs, le bac est fermé herméti- Les transferts capillaires d’eau dans le tube au cours de l’im- quement afin de maintenir une La capillarité est l’ensemble des bibition pour tout temps t. Elle hygrométrie proche de la saturation phénomènes que présentent des présente un terme constant que et, donc, d’éviter la superposition liquides quand ils sont soumis, en l’on peut noter B, propre au fluide de phénomènes d’évaporation. outre, à des forces de pesanteur et et à la géométrie du tube, ainsi à des forces moléculaires, appelées qu’un terme évoluant en fonction Comme l’a signalé Mertz (Mertz forces capillaires. Dans une roche, de la racine carrée du temps: 1991), les variations de températu- le déplacement d’un liquide sous re modifient la tension de surface l’effet des forces capillaires dépend air-eau et la viscosité de l’eau, par de la géométrie et de la nature de conséquent également la cinétique son réseau poreux, des phases d’imbibition. Les mesures sont minérales constitutives, ainsi que donc réalisées dans une enceinte de certaines propriétés du liquide où la température a été maintenue 196 (Hammecker 1993). à 25°C. une variation précise de volume,

les coefficients A1 et B sont liés entre eux par la porosité libre. En

effet, A1 est calculé par rapport à la surface de base totale de l’échan- tillon. En considérant que seule la porosité libre intervient activement dans l’imbibition de l’échantillon, on peut appliquer un terme correc- teur égal à la porosité libre. On a alors:

Fig. 6 – Exemple de courbe de cinétique d’imbibition capillaire (marbre de Miéry, éch. MIE1). (Dessin J.-P. Sizun) L’évaporation A1, A2 : coefficients relatifs à la prise de poids de l’échantillon ; B: coefficient relatif à la migration de la frange capillaire Du point de vue physique, l’évapo- Pendant l’expérience, on suit la où le cœfficient B correspond à la ration est un changement d’état progression de l’imbibition en pente du segment de droite mesu- correspondant au passage d’un mesurant à des intervalles de rée graphiquement et exprimée en corps de la phase liquide à la phase temps croissants, d’une part la hau- cm/h . L’évolution de la prise de vapeur. Ce concept, relativement teur de la frange humide, obser- poids par unité de surface dW/S en simple lorsqu’il est appliqué à une vable sur la surface externe des fonction de la racine carrée du surface d’eau libre par exemple, échantillons, et d’autre part la prise temps se décompose quant à elle dépend de différents paramètres de poids. On reporte alors graphi- en deux partie distinctes: externes — comme la température, quement l’évolution de la frange – une première partie présentant, la pression partielle de vapeur capillaire (L) et la prise de poids comme le prévoit l’équation de (humidité relative) — et de l’agita- par rapport à la surface de l’échan- Washburn, une cinétique d’imbi- tion de l’air (vitesse du vent). Dans tillon (dW/S), en fonction de la raci- bition proportionnelle à la racine ce cas, ce sont des processus de dif- ne carrée du temps (fig.6). carrée du temps: fusion et de «convection» qui assurent le transport de l’eau sous Le fait de représenter la migration forme vapeur. Pour le séchage de la frange humide et de la prise d’une roche, c’est-à-dire pour de poids par unité de surface en La pente A1 caractérise la ciné- l’évaporation de l’eau contenue fonction de la racine carrée du tique d’imbibition capillaire du dans son réseau poreux, il faut en temps se justifie, parce qu’en géné- réseau poreux libre (N48h). Elle est plus tenir compte des propriétés ral la cinétique d’imbibition capil- relativement élevée par rapport internes (potentiel capillaire, laire dans les roches est du même au second tronçon de courbe; conductivité hydraulique, diffusi- type que celle décrite par la rela- – la seconde partie de la courbe de vité) qui déterminent le déplace- tion de Washburn. En effet, avec ce pente A2, nettement plus faible, ment de l’eau liquide dans la roche. type de représentation, les courbes correspond aussi à une cinétique apparaissent comme des segments proportionnelle à t . Cette L’interprétation des variations qui de droite, sur lesquels on peut défi- phase d’imbibition correspond à se produisent lors du séchage d’un nir certains paramètres. la diffusion dans l’eau des bulles échantillon de roche nécessite le d’air restées piégées dans le contrôle des paramètres influen- Dans le cas d’échantillons homo- réseau poreux. Elle est contrôlée çant le processus d’évaporation. gènes, c’est-à-dire sans importante par les lois de Fick et correspond Ces paramètres sont (Hammecker variation de texture, due par à la résorption de la porosité pié- 1993; Hammecker 1995): exemple à un litage, la frange capil- gée (Mertz 1991; Hammecker et – l’humidité relative dans l’encein- laire atteint le sommet de l’échan- al. 1993). te de séchage; tillon sensiblement en même – l’aire de la surface évaporante; temps que la prise de poids en eau Pour des échantillons homogènes, – la température; et correspond à l’envahissement de lorsque la frange humide arrive au – la circulation de l’air ambiant la porosité libre. La cinétique de sommet de l’éprouvette, la phase (vent). migration de la frange humide est d’imbibition capillaire s.s. est ache- représentée par un segment de vée et le volume (ou le poids) Pour cette étude, les éprouvettes droite et s’exprime pour la totalité d’eau ayant pénétré correspond à ont été totalement imbibées d’eau de l’imbibition par une relation du l’imbibition de la porosité libre et revêtues d’un manchon de plas- type: (N48h). Par ailleurs, lorsque le réseau tique souple imperméable, parfai- est parfaitement homogène, c’est- tement ajusté, de manière que à-dire qu’une variation de hauteur l’évaporation ait lieu à travers une de la frange capillaire est associée à section circulaire unique dont on 197 calcule aisément la surface macro- scopique (fig. 7). Elles sont ensuite placées dans une enceinte hermé- tique dont l’humidité relative est maintenue constante à 75 % par une saumure sursaturée de chloru- re de Sodium (NaCl) (Acheson 1963; Schlunder 1963). Dans les conditions expérimentales envisa- gées, la température est maintenue constante et le déplacement d’air est nul. Le flux d’évaporation d’eau libre mesuré dans ces condi- tions d’humidité est de 1,2.10-3.g.cm-2.h-1. Les échantillons sont alors pesés régulièrement une à deux fois par jour jusqu’à poids constant. A partir de ces résultats, on construit des Fig. 7 – Schéma du dispositif expérimental pour le séchage d’échantillons par évaporation. (Dessin J.-P. Sizun) courbes (Tournier et al. 1999) où l’on représente la perte de poids la perte d’eau par évaporation, la par unité de surface (δW/S (g.cm-2) surface externe de la roche sèche et la saturation volumique de progressivement (retrait du front l’échantillon S en fonction du mouillé) et la perte de poids où Pc : pression capillaire temps (t (h)), en prenant: décroît. A partir du temps t (Sc) γ: tension superficielle du liquide s’amorce une évaporation par dif- θ: angle de contact entre les 3 phases fusion de vapeur d’eau à travers le r: rayon du capillaire réseau poreux de la roche; –un second segment de droite, de Les mesures de porosimétrie au V : volume d’eau contenu dans l’échantillon w pente plus faible que le premier, mercure sont réalisées sur des frag- Vpt : volume poral total 3 atteste d’une nouvelle phase ments de roche de quelques cm de d’évaporation à flux constant. La volume, préalablement dégazés à -2 Les courbes obtenues peuvent surface externe n’est plus 2.10 mm de Hg (≈ 2,6 Pa) ; les également être décomposées en mouillée, la désaturation n’est deux seuls fluides en présence sont plusieurs parties (fig. 8): plus liée qu’au seul transfert de donc, d’une part le mercure liquide –un premier segment de droite, vapeur d’eau par diffusion à tra- et d’autre part sa vapeur qui repré- ayant la plus forte pente et qui vers le réseau poreux de la roche. sente le fluide mouillant, alors que correspond à une période pen- Elle se produit lentement, car le le mercure liquide est le fluide non dant laquelle le flux d’évapora- réseau poreux constitue un mouillant dont l’angle de raccorde- ment θ est de 140°. Dans l’équa- tion est constant (Qct). Ce dernier milieu presque confiné avec un est gouverné par les conditions gradient d’humidité faible, la tor- tion précédente, la pression capil- externes, ici l’humidité relative, tuosité du réseau augmentant la laire du mercure liquide est donc et est habituellement supérieur à longueur des cheminements et négative, ce qui implique qu’il est la valeur obtenue pour une surfa- les rétrécissements qui assurent nécessaire de lui appliquer une ce d’eau libre équivalente dans les interconnexions limitant les pression pour le faire pénétrer dans les mêmes conditions expérimen- échanges. les capillaires. tales. Cette différence s’explique La pression capillaire étant définie par le fait que la rugosité et les La porosimétrie au mercure comme la différence de pression microreliefs superficiels ne sont L’étude de la répartition de la taille entre le fluide mouillant et le fluide pas pris en compte, ni comme des accès aux pores a été réalisée non mouillant, elle s’écrit dans le surface évaporante, ni dans la par porosimétrie au mercure (Van cas du mercure: mesure du flux. Pendant cette Brakel et al. 1981; Bourbié et al. phase, la surface de l’échantillon 1986; Pittman 1992). Le principe reste humide; l’évaporation se de cette technique repose sur la loi produit donc à la surface de des pressions capillaires de Laplace Lors d’une injection de mercure, l’échantillon et se poursuit tant (Laplace 1806) et de Young (Young la pression externe appliquée sur le que l’alimentation capillaire de la 1855) qui détermine les angles de mercure PHg est bien contrôlée. Par surface compense la perte d’eau contact entre trois phases non mis- ailleurs, Pvap ne pouvant dépasser la par évaporation; cibles (solide-liquide-gaz dans ce pression de vapeur saturante du –à partir d’une saturation hydri- cas). A l’équilibre, la pression capil- mercure, qui est de 0,002 Torr à la

que, dite critique (Sc), l’alimenta- laire peut être exprimée de la température ambiante (25°C), 198 tion capillaire ne compense plus manière suivante: celle-ci est négligeable devant Fig. 9 – Distribution des rayons d’accès aux pores obtenue par porosimétrie au mercure et détermination graphique du

seuil de pore Ra (exemple du marbre de Sampans, faciès oolithique). (Dessin J.-P. Sizun) Fig. 8 – Exemple de courbe de cinétique d’évaporation (marbre de Sampans: éch. SPA1-2). (Dessin J.-P. Sizun)

celle appliquée sur le mercure. PHg ÉTUDE PÉTROGRAPHIQUE ET en plus de la microporosité présen- peut donc être assimilée à la pres- PÉTROPHYSIQUE te au sein de la matrice, quelques sion capillaire et, de ce fait, on peut macropores situés sur l’emplace- faire correspondre une taille d’ac- Le marbre de Miéry ment de bioclastes dissous (fig. 11) cès aux pores à chaque valeur de ou localement présents au sein de Du point de vue pétrographique, le P . La tension superficielle du plages de calcisparite (fig. 12). Hg marbre de Miéry est un calcaire mercure à 25°C étantde 0,486N/m, C’est dans la partie centrale de ces (biomicrite) constitué de fins bio- on arrive à une relation numérique macropores, qui ont une origine clastes de nature variée (débris simple reliant la pression appliquée secondaire, que trouve place la de coquilles de mollusques et de au mercure liquide et le rayon des porosité piégée qui sera occupée brachiopodes, algues, tests de fora- capillaires: par de l’air lors d’une imbibition minifères nodosariidés, coquilles capillaire. d’ostracodes…) disséminés au sein d’une matrice argilo-calcaire noire, Les courbes de porosimétrie au finement micritique, et où sont dis- mercure obtenues sur cette roche Pour chaque valeur de pression persées des coquilles de gryphées sont fréquemment plurimodales appliquée au mercure, on mesure pluricentrimétriques (fig. 10). La (tabl. 3). Le seuil de pores le plus le volume de mercure introduit teinte sombre de la matrice est en développé, situé vers 0,02 µm, per- dans l’échantillon. Il faut cepen- partie liée à la présence de minéra- met d’envahir près de 50 % de dant souligner ici que cette mesure lisations de pyrite qui apparaissent, volume poreux de la roche; ce ne fournit pas directement la taille soit sous la forme de granules isolés volume poreux se rapporte aux des pores mais celle de leurs accès de pyrite framboïdale, soit d’agré- micropores présents au sein de la (Wardlaw 1976; Wardlaw et al. gats plus massifs en remplace- matrice argilo-carbonatée. Les 1981; Chatzis et al. 1981; Good et ment de bioclastes. Localement, la rayons d’accès de plus grande taille al. 1981; Melas et al. 1992 ). pyrite est transformée en oxydes/ (10 µm par exemple), qui consti- Les mesures ont été réalisées sur hydroxydes de fer qui confèrent à tuent des modes de moindre un appareil Micromeritics pore sizer la matrice une teinte rouille. importance, correspondent aux 9320 pouvant couvrir une gamme d’accès aux pores entre 400 et La porosité de cette roche, très 0,003µm. Lorsqu’une taille ou une faible, souvent inférieure à 2 % famille d’accès aux pores prédomi- (tabl. 1), est presque totalement ne, il est possible de déterminer un accessible à l’eau par capillarité, rayon d’accès particulier (R ) qui a comme l’attestent les coefficients a d’Hirschwald (S ) dont les valeurs la signification d’un seuil d’accès 48 au milieu poreux (seuil de percola- approchent pour la plupart 0,80- tion). Celui-ci correspond en fait à 0,90. Dans ces cas, la porosité est la plus grand taille d’ouverture formée essentiellement de micro- donnant accès au maximum de pores associés à la matrice argilo- volume poreux dans une percola- carbonatée. Dans quelques cas, tion (Dullien 1979). Ce seuil est la porosité totale atteint 3 % et cela déterminé graphiquement sur les se traduit par une porosité piégée plus importante (0,66

L’observation en lame mince de à l’eau (Nt), des porosités librement accessibles par capillari- té (N ), des coefficients d’Hirschwald (S ) et des densités ces cas particuliers nous montre ici, 48h 48 réelles. 199 Fig. 10 – Observation macroscopique du marbre de Miéry. Fig. 11 – Observation microscopique du marbre de Miéry. Fig. 12 – Macropore résiduel présent au sein d’une La microporosité associée à la matrice argilo-carbonatée est mosaïque de cristaux de calcite sparitique dans le marbre de légèrement colorée en rosâtre; un macropore secondaire Miéry. est présent (au centre du cliché) sur l’emplacement d’un bioclaste dissous.

Fig. 13 – Observation macroscopique du marbre de Fig. 14 - Observation macroscopique du marbre de Fig. 15 – Observation macroscopique du marbre de Sampans, faciès « grain d’orge »: la stratification est souli- Sampans, faciès marneux à oncolithes. Sampans, faciès réticulé. gnée par l’allongement des oncolithes et des coquilles.

La barre d’échelle sur les microphotographies représente 100 µm.

(Clichés J.-P. Sizun)

Fig. 16 – Observation en lame mince d’un marbre de Fig. 17 – Observation en lame mince d’un marbre de Sampans, faciès à oncolithes. Les allochèmes (oncolithes, Sampans, faciès à oncolithes. Le cortex des oncolithes et les entroques et autres bioclastes) sont fortement cimentés par plages micritiques qui sont légèrement rosâtres traduisent la le ciment calcitique (en clair). Présence d’une porosité fissu- présence d’une microporosité interne, tandis que la roche 200 rale au niveau d’un joint ouvert (en rouge vif). est traversée par une fissure. ouvertures des macropores précé- présents entre les calcites spari- demment décrits. La porosité tota- tiques se vidange en premier. le accessible au mercure est infé- rieure à la porosité totale à l’eau. Le marbre de sampans

Tableau 2 – Marbre de Miéry. Résultats synthétiques de ciné- Cette différence s’explique par le tique d’imbibition capillaire et d’évaporation. fait que, lors de l’injection de mer- Plusieurs types pétrographiques du A:coefficient relatif à la prise de poids de l’échantillon; B:cœfficient relatif à la migration de la frange capillaire; cure, seuls les pores dont le rayon marbre de Sampans ont été étu- Qct :flux d’évaporation constant; d’accès est supérieur ou égal à diés. Ils diffèrent par l’abondance Sc : saturation hydrique critique. 0,003 µm (P ≅ 2000 bars) sont enva- des bioclastes, des oolithes et des

Types pétrographiques Type de PHg Ra oncolithes, et par la présence ou courbe (%) (µm) his par le mercure. Les courbes de Miéry plurimodale 1,40 10 - 0,02 porosimétrie au mercure ne pré- non d’interlits marneux. Pour sim- Sampans oolithique unimodale 5,47 0,300 plifier leur étude, ils ont été (SPA1) sentent pas de plateau à la fin du regroupés en trois grands faciès qui Sampans « Grain d’orge » unimodale 3,15 0,035 test mais, au contraire, un volume (SPC-SP15) de mercure injecté qui continue à peuvent néanmoins montrer des Sampans bioclastique unimodale 2,08 0,040 (SPD) croître au fur et à mesure que la variations pétrographiques signifi- Tableau 3 – Marbres de Miéry et de Sampans. Résultats des catives: oolithique, à oncolithes dit injections de mercure. pression augmente; ceci signifie PHg : porosité totale accessible au mercure; bien que l’ensemble du volume faciès « grain d’orge » et bioclas- Ra : rayon d’accès moyen (seuil de percolation). poreux de la roche n’a pas été tique.

Faciès N° Carotte N (%) N (%) S Densité mesuré. t 48h 48 SPA1-a 7,56 6,88 0,91 2,51 Les faciès oolithiques Type I-a SPA1-1 7,17 6,60 0,92 2,52 Les calcaires oolithiques (type I-a) oolithique SPA1-2 8,26 7,61 0,92 2,49 Les cinétiques d’imbibition capil- SPA1-3 7,69 6,99 0,91 2,50 constituent généralement les SPA2-1 1,54 1,51 0,98 2,66 laire montrent des valeurs de coef- SPA2-2 1,53 1,51 0,99 2,66 niveaux les plus poreux (tabl. 4). Type I-b ficients A et B assez variables d’un SPA4-1 1,98 1,83 0,92 2,65 Leur porosité totale, mesurée à oolithique SPA4-2 2,54 2,25 0,89 2,65 échantillon à l’autre (tabl. 2). Les compact SPA4-4 1,92 1,71 0,89 2,66 l’eau d’environ 7-8 %, est à près de SPA4-3 2,66 2,58 0,97 2,64 coefficients relatifs à la migration SP15-1 2,49 2,26 0,91 2,64 90 % accessible par capillarité. Ces SP15-2 2,16 2,10 0,97 2,65 de la frange capillaire (B) sont calcaires, généralement blan- SP15-3 2,73 2,45 0,90 2,64 d’ailleurs parfois impossibles à cal- Type II-a SP15-4 2,25 2,25 1,00 2,64 châtres à beige rosé, sont composés SP15-5 2,36 2,28 0,97 2,64 culer, compte tenu de la difficulté à SP15-6 2,51 2,27 0,90 2,64 d’oolithes bien calibrées dont le à oncolithes SP15-7 2,56 2,46 0,96 2,64 déterminer la hauteur de la frange SP15-8 2,74 2,56 0,93 2,64 diamètre est voisin de 500 µm et de capillaire liée aux phénomènes de SP15-9 2,46 2,43 0,99 2,63 quelques entroques et débris de « grain d’orge » SP15-10 2,73 2,65 0,97 2,63 condensation à la surface de SP15-11 2,40 1,82 0,76 2,65 coquille de nature variée (foramini- SP15a2 2,39 2,38 0,99 2,63 l’échantillon lorsque l’imbibition SP15b1 3,43 3,25 0,95 2,62 fères, mollusques…), dont certains SP15b2 3,48 2,98 0,86 2,61 est lente et/ou à la très grande irré- sont encroûtés. Un abondant SP15b3 3,22 2,90 0,90 2,63 gularité de la frange capillaire. Les SP15c1 3,33 3,11 0,93 2,62 ciment de calcite microsparitique SP15c2 3,30 2,99 0,91 2,61 vitesses d’ascension capillaire les Type II-b SPC3 6,00 5,45 0,91 2,54 colmate quasi-entièrement les (onc. marneux) SPC4 5,75 5,22 0,91 2,55 plus importantes correspondent SPD1 3,30 2,88 0,87 2,63 espaces existant entre les oolithes SPD2 4,09 3,68 0,90 2,60 aux échantillons où les bioclastes et les autres allochèmes. Seuls SPD3 4,27 3,72 0,87 2,60 partiellement recristallisés en cal- SPD4 3,04 2,65 0,87 2,63 quelques rares macropores inter- SPD5 3,20 2,86 0,89 2,63 cisparite sont plus nombreux et se Type III SPD6 3,30 2,86 0,87 2,63 granulaires de petite taille (dia- SPD7 3,76 3,42 0,91 2,61 touchent les uns les autres. Ils SPD8 3,31 3,03 0,92 2,63 mètre < 50 µm) ont été localement bioclastiqu e SPD9 4,34 3,85 0,89 2,84 constituent un réseau poreux parti- épargnés. Il en résulte un réseau SPD10 3,51 3,08 0,88 2,62 culier associant des pores et des SPD11 3,59 3,18 0,89 2,62 poreux exclusivement formé par SPD12 4,00 3,61 0,90 2,60 rayons d’accès de plus grande SPD13 2,72 2,41 0,89 2,64 des micropores présents dans le SPD14 3,17 2,84 0,90 2,63 taille, qui assurent une meilleure cortex des oolithes et dans les SPD15 3,39 3,12 0,92 2,62 Moyenne 3,44 3,14 0,92 2,62 connectivité et donc des transferts encroûtements des bioclastes. Les Maximum 8,26 7,61 1,00 2,84 capillaires plus importants. Minimum 1,53 1,51 0,76 2,49 contacts ponctuels, tangentiels, Ecart-type 1,58 1,43 0,05 0,05 voire concavo-convexes, existant Tableau 4 – Marbre de Sampans. Mesures des porosités Pour ce qui concerne les cinétiques entre les allochèmes assurent la totales à l’eau (Nt), des porosités librement accessibles par capillarité (N48h), des cœfficients d’Hirschwald (S48) et des d’évaporation, la période de sécha- connexion entre ces différentes densités réelles pour différents faciès. ge à flux constant est très courte, de plages microporeuses. l’ordre de 24 heures et s’interrompt

pour des saturations critiques (Sc) Les courbes de porosimétrie au d’environ 80 % du volume poreux. mercure, qui présentent des distri- Très rapidement donc, l’alimenta- butions des rayons d’accès extrê- tion capillaire ne suffit plus à ali- mement bien classées, indiquent menter la surface d’évaporation qui que la connectivité du réseau

Tableau 5 – Marbre de Sampans. Résultats synthétiques s’en trouve modifiée; les transferts poreux est réalisée par un seuil de (valeurs moyennes) de cinétique d’imbibition capillaire et d’eau vers le milieu extérieur sont 0,3 µm (fig. 9). Il en résulte des pro- d’évaporation pour différents faciès. A:coefficient relatif à la prise de poids de l’échantillon; assurés en partie par diffusion. On priétés de transfert d’eau relative- B:coefficient relatif à la migration de la frange capillaire; peut penser que le réseau constitué Qct : flux d’évaporation constant; ment importantes (tabl. 5) pour des Sc : saturation hydrique critique. par les macropores et les capillaires matériaux calcaires ayant subi une 201 forte compaction diagénétique. sins, entroques, débris algaires, Les cinétiques d’imbibition capil- bryozoaires… Ces allochèmes sont laire et d’évaporation montrent emballés dans un ciment/matrice également que ces roches sont calcaire contenant parfois d’abon- caractérisées par un réseau poreux dantes argiles. De nombreux bio- très homogène. Il faut souligner clastes et localement la matrice car- que ces faciès oolithiques montrent bonatée ont été remplacés par de

des saturations critiques (Sc) faibles grands cristaux de calcite, formant en comparaison des autres faciès, ainsi des plages où la porosité est dont les valeurs sont supérieures à quasiment absente. 70 %. La durée de la phase d’éva- poration à flux constant est suffi- Le réseau poreux de ces roches est samment longue pour permettre principalement constitué par les une désaturation notable du réseau micropores libres présents dans la poreux. matrice argilo-carbonatée et dans le Certains de ces calcaires ooli- cortex des oncolithes. Les courbes thiques (type I-b) ont subi, en plus de porosimétrie au mercure mon- de leur évolution diagénétique, des trent que la connectivité du réseau Fig. 18 – Colonnes rougeâtres de marbre de Sampans transformations pétrographiques est assurée à travers la matrice (faciès « grain d’orge») contrastant avec les pierres bicolores de la « Grande Oolithe», à l’entrée du Palais de justice de liées à des circulations de fluides rocheuse par des seuils d’environ Besançon. (Cliché J.-P. Sizun) aux voisinage de failles. Il en résul- 0,04 µm (tabl. 3). La porosité totale te, pour des faciès initiaux équiva- (tabl. 4), variable d’un échantillon à lents, une compaction accrue et l’autre, dépend principalement de des propriétés de transfert très l’amplitude des recristallisations de limitées. calcisparite et de l’importance rela- tive de la matrice. Quelques rares Les faciès à oncolithes et les faciès espaces intergranulaires ont été bioclastiques parfois épargnés par les cimenta- Ces types pétrographiques repré- tions, en particulier sur le pourtour sentent les faciès typiques du de certains oncolithes. marbre de Sampans, caractérisés par une teinte dominante rouge vif Certains de ces faciès sont caracté- à beige rosâtre liée à la présence risés par la présence de joints d’oxydes de fer (fig. 13 et 14). stylolithiques et/ou de joints de Certains de ces niveaux ont égale- ment subi des transformations décompression qui forment des pétrographiques liées à des circula- « chenaux » de plusieurs dizaines tions de fluides le long de failles. de microns de largeur et de grande Ces faciès, que l’on peut qualifier extension parallèlement à la strati- fication (fig. 17). La présence de Fig. 19 – Colonnes polygonales de marbre de Sampans sur de « faciès réticulé », montrent sur la façade de l’Hôtel de ville de Gray. (Cliché J.-P. Sizun) leur surface un réseau de fractures cette porosité fissurale accentue anastomosées, le long desquelles l’anisotropie des propriétés phy- se sont produites d’intenses recris- siques liée au litage sédimentaire tallisations de calcisparite et dans ces calcaires. Elle joue un rôle une décoloration caractéristique fondamental dans les transferts de (fig.15). fluides sur grande distance et dans Dans tous les cas, ces roches les mécanismes de dégradation de contiennent des oncolithes (Nubé- la roche. Au cours des expériences culaires) dont la taille dépasse par- de cinétiques d’imbibition capillai- fois 5 mm. Ceux-ci correspondent à re réalisées sur les éprouvettes des bioclastes de nature variée taillées parallèlement à la stratifica- entourés d’un revêtement calcaire tion, l’eau monte très rapidement à lamines concentriques irrégu- vers le sommet des carottes par ces lières et croissance dissymétrique chenaux, puis envahit latéralement (fig. 16). La distinction entre faciès le réseau poreux matriciel. Il en bioclastique et faciès à oncolithes résulte des valeurs de coefficients (faciès « grain d’orge ») repose sur A et B relativement élevées qui l’abondance relative de ces struc- correspondent aux valeurs maxi- tures algaires. Celles-ci sont males mesurées dans ces faciès Fig. 20 – Façade de l’Hôtel de ville de Gray. accompagnées par divers autres (tabl. 5). A l’inverse, les expé- La colonne de gauche présente une fissuration sur toute sa allochèmes: coquilles de brachio- riences réalisées sur des éprou- longueur. La base de la colonne de droite, siège des remon- tées capillaires et d’une forte altération, a fait l’objet d’un 202 podes et d’huîtres, radioles d’our- vettes taillées perpendiculaire- ragréage par addition de mortier. (Cliché J.-P. Sizun) ment à la stratification et présen- Pesmes). L’exploitation de bancs tant des joints montrent que le pas- pluridécimétriques a permis, no- sage de ces structures entraîne un tamment, la réalisation de colonnes retard dans la progression de la monolithiques (fig. 18, 19 et 20) frange humide; elle devient même entrant dans l’ornementation exté- dans certains cas impossible à rieure de nombreux édifices, soit suivre. De même, au cours des religieux (porche Renaissance du expériences de cinétiques d’évapo- collège de l’Arc, couvent des ration, la roche se désature rapide- Cordeliers, chapelle des Carmé- ment le long de ces structures. lites à Dole), soit civils (colonnes L’alimentation en eau de la surface ornant la façade de l’hôtel de ville de l’éprouvette par capillarité ne de Gray ou du Palais de justice de suffit pas à compenser le départ Besançon). Ces éléments placés en d’eau vers le milieu extérieur; au délit ont perdu au gré du temps bout d’une journée, l’évaporation leur aspect poli originel. par diffusion de vapeur d’eau à tra- vers le réseau poreux commence. Il Bien que la plupart des faciès du en résulte des saturations critiques Fig. 21 – Vue générale du portail Renaissance du collège de calcaire de Sampans montre des l’Arc à Dole. (Cliché J.-P. Sizun) très élevées. transferts capillaires limités, nous avons vu précédemment que la MISE EN ŒUVRE ET présence de joints stylolithiques COMPORTEMENT À dans la roche favorise singulière- L’ALTÉRATION DES MARBRES ment les remontées capillaires. Certaines colonnes présentent sur L’utilisation des marbres de Miéry toute leur longueur des fissures et de Sampans est bien connue qui, souvent, sont ouvertes mécani- dans l’architecture civile et surtout quement sous le poids de la charge. religieuse en Franche-Comté. Le Elles sont ainsi le lieu privilégié marbre de Miéry est quasi-exclusi- des transferts capillaires et de l’al- vement mis en œuvre en intérieur. tération. Des concentrations de On le retrouve souvent dans la sels et une certaine désagrégation décoration des édifices religieux, sous la forme de bas-reliefs ou de la roche apparaissent parfois de panneaux entrant dans la com- dans les crevasses à l’abri des eaux position d’autels (décor et autel de ruissellement. de la chapelle sud de l’église Saint-Pierre de Besançon; Sainte Les formes et l’intensité des altéra- Chapelle de la Collégiale de Dole), tions de ces roches dépendent de de dallages et de marches (en leur exposition et de leur nature Fig. 22 – Colonne de droite du portail Renaissance du collè- alternance avec le marbre de pétrographique qui détermine la ge de l’Arc à Dole. (Cliché J.-P. Sizun) Sampans devant l’autel dans l’an- particularité des structures de poro- cien collège des jésuites à Dole) ou sité. Ceci est assez bien illustré sur de statuaire (la robe du vêtement le portail Renaissance du collège de Pierre d’Andelot, dans la cha- de l’Arc à Dole, qui comporte sur sa pelle d’Andelot à Pesmes). On ne façade trois fûts réalisés en marbre connaît pas d’utilisation en exté- de Sampans (fig. 21). La colonne rieur de ce marbre très sensible aux de gauche et la colonne centrale phénomènes d’altération sinon, sont élaborées dans un faciès peut-être, pour la réalisation du « grain d’orge ». Elles comportent, soubassement des piliers ornant le sur leur surface protégée des pluies fond du portail de la collégiale de battantes et du ruissellement, une Dole. Par contre, le calcaire à gry- patine sombre qui passe à des phées a parfois été employé brut, encroûtements vers l’arrière de la sous la forme de moellons, dans les colonne où la roche reste humide constructions paysannes à proximi- plus longtemps. Ces encroûte- té des lieux d’extraction (Miéry). ments correspondent à des pous- sières agglomérées en surface et Le marbre de Sampans se ren- cimentées par du gypse. Le reste contre souvent associé au marbre de leur surface régulièrement lessi- de Miéry dans la décoration de l’in- vé présente une simple dissolution térieur des édifices religieux (collé- uniforme, qui a fait disparaître au Fig. 23 – Détail de la surface de la colonne de droite (portail Renaissance du collège de l’Arc à Dole). (Cliché J.-P. Sizun) giale de Dole, chapelle d’Andelot à cours du temps le polissage origi- 203 nel. Il est assez facile d’imaginer que les pluies tombent habituelle- ment depuis la droite de l’édifice.

La colonne de droite est taillée dans un faciès bioclastique, très hétérogène, comportant des pas- sées très marneuses et de grandes coquilles d’huîtres (fig. 22). Il en résulte des structures de porosité et des propriétés de transfert très contrastées, qui entraînent une érosion différentielle de la colonne, mettant en relief les bioclastes (fig.23). Comme pour les deux pre- mières, le dos de cette colonne montre une patine sombre et des encroûtements. Plus vers l’avant de la colonne, la cristallisation des sels a lieu en profondeur dans la roche avec formation de boursou- flures et de plaques, qui finissent par se détacher pour laisser place à une surface ruiniforme. La présen-

ce de joints stylolithiques accentue Fig. 24 – Relations entre position, type d’altération et mécanismes de transfert (colonne de droite, portail sud, collège de l’Arc, l’importance de ces altérations. Le Dole). (Dessin J.-P. Sizun) schéma de la figure 24 résume les relations existant entre la réparti- tion des formes d’altération, l’ex- position de la roche aux agents météoriques et les mécanismes de transfert des solutions.

On retrouve également le calcaire de Sampans mis en œuvre comme pierre d’angle ou de jambage dans les constructions domestiques de la région de Sampans-Dole (fig. 25 et 26). La pierre est alors souvent pla- cée en lit et bouchardée sur sa surface. L’action de la boucharde crée en sub-surface une microfissu- ration qui favorise les transferts capillaires et donc les processus d’altération.

Fig. 25 – Pierre d’angle réalisée en calcaire de Sampans Fig. 26 – Développement de plaques sur le calcaire de (faciès bioclastique) dont la surface a été travaillée à la bou- Sampans (Sampans, route de Besançon). CONCLUSION charde, au n° 25 Grand Rue, à Dole. (Cliché J.-P. Sizun) Noter l’importance des joints dans la pierre placée ici en lit. Les calcaires de Miéry et de (Cliché J.-P. Sizun) Sampans ont été abondamment riaux et dont dépendent les trans- Remerciements utilisés comme pierre marbrière et ferts d’eau, et les conditions de Les auteurs remercient M. D. mis en œuvre dans la région de mise en œuvre et d’exposition sont Jeannette, Mme G. Schramm Franche-Comté et sur des monu- déterminantes dans l’intensité et (CGS-CNRS, Strasbourg) et M. ments nationaux comme l’Opéra les formes d’altération. L’étude Boué (Géosciences, Besançon) de Paris. Ces matériaux faiblement pétrophysique des matériaux est pour leur aide technique dans cette poreux sont, de par leur composi- donc une étape obligée pour une étude. tion chimique (carbonate de cal- meilleure compréhension des phé- cium), très sensibles à la dissolu- nomènes et des conditions d’altéra- tion par les eaux de pluie et les tion qui affectent dalles, parements solutions transitant dans leur ou colonnes, parfois très dégradés, milieu poreux. Les structures de en vue de leur conservation ou de 204 porosité, qui caractérisent les maté- leur restauration. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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206 Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003

Utilisation de calcaires du Jura à l’Opéra de Paris Annie BLANC*

L’Opéra de Paris, construit par lections et de la documentation Résumé Charles Garnier sous le Second écrite, qui servent de références. L’Opéra de Paris, édifié sous le Second Empire, fait l’objet d’un projet de Empire, fait l’objet d’un projet de res- restauration. La façade présente La documentation écrite tauration. A l’aide des écrits laissés par des altérations des pierres, en par- l’architecte Charles Garnier sur le Des dossiers sur les monuments déroulement de son chantier, un tra- tie haute, et une étude préalable à (environ 450) et sur les carrières vail d’identification des calcaires utili- la campagne de restauration a (près de 700) regroupent les rensei- sés a été entrepris. été entreprise en 1998 sous la gnements récupérés dans la Au-dessus des trois premières assises direction de l’architecte en chef bibliographie, sur les cartes et au en « pierre de Saint-Ylie », la construc- des Monuments Historiques A.-C. cours des missions. Ils contiennent tion est en calcaire bathonien de Perrot. Pour examiner la nature et des plans, des coupes, des photo- Bourgogne. Le calcaire rouge du Jura l’état des pierres de la façade, un graphies, des observations de apparaît entre les grandes colonnes échafaudage a été monté devant terrain, des descriptions de lames monolithes et au niveau des mé- une travée, au mois de mai 1998 minces, des mesures des propriétés daillons entourant les bustes. (fig.1). Le travail, en collaboration physiques des roches. Le décor intérieur de l’escalier, du avec l’agence de l’architecte en foyer et de la rotonde des abonnés est chef, a consisté à identifier la natu- La lithothèque une véritable lithothèque des calcaires re des pierres et des roches décora- marbriers français. La brocatelle jaune tives et à retrouver leurs prove- Les échantillons proviennent de et rose de Chassal a été utilisée pour nances à l’aide des écrits laissés par différentes sources: ceux des car- des plinthes et des rampes de balus- Ch. Garnier sur le déroulement rières en activité ou abandonnées trades, le calcaire rouge de Sampans de son chantier. D’autres équipes récemment (depuis 50 ans) ont été pour de nombreuses colonnes mono- travaillaient sur les altérations fournis par les carriers et se présen- lithes. des pierres, des métaux, des tent sous forme de cubes de 10 cm Une comparaison avec le comporte- mosaïques, etc. de côté (environ 1500 échantillons) ment du calcaire des colonnes du et ceux des anciennes carrières qui dôme de la basilique d’Ars (Ain) MÉTHODE DE TRAVAIL ET ont été prélevés par les géologues montre que ce calcaire rouge s’altère DOCUMENTATION SUR LES au cours de missions (environ 2500 et perd sa couleur lorsqu’il est exposé CARRIÈRES échantillons). aux intempéries. Le travail d’observation sur le * Laboratoire de Recherche des Monuments monument est fait en tenant Historiques. Abstract 29 rue de Paris, 77420 Champs-sur-Marne, The Opera of Paris, built in the midd- compte des échantillons de nos col- France. le of the 19th century, is going to be restored. In 1998 a work was made to identify the used limestones in the facade, with the help of the docu- ments of the original architect Charles Garnier. Some of these are pink and red limestones from the Jura moun- tains. Interior decoration is made with a great variety of decorative rocks where we identified red limestone columns from Sampans and yellow « broca- telle » from Chassal. The comparison with the comport- ment of the columns of the Basilique in Ars (Ain) shows that the red limes- tone loses its red colour and is weathered when it is exposed to atmospheric degradation. Fig. 1 – Paris, Opéra, façade avec échafaudage d’étude. (Cliché A. Blanc) 207 Une collection de plus de 100 plaques de marbre, polies sur une face, représente les principaux cal- caires marbriers utilisés en décoration en France depuis plu- sieurs siècles.

Les cartes

En plus des cartes géologiques de la France, publiées par le BRGM, des cartes de synthèse sur les car- rières utilisées en construction et sur les monuments ont été établies par département et par région.

Utilisation et limites de la docu- mentation Fig. 2 – Paris, Opéra, soubassement. Sous un groupe sculpté, deux assises en calcaire de Saint-Ylie sous le calcaire oolithique de Bourgogne (Ravières). (Cliché A. Blanc) Cette documentation (fichiers, lithothèque, cartes) est adaptée au fonctionnement du service des Monuments Historiques. Elle est donc limitée aux départements français et certaines régions, pour lesquelles il y a eu plus de demandes de la part des archi- tectes, sont mieux étudiées que d’autres.

OBSERVATIONS À L’OPÉRA La documentation sur un monu- ment tel que celui de l’Opéra de Paris (Le Mausolée 1966 et 1980; Répertoire 1890) est abondante mais elle n’est pas suffisante pour le travail de l’architecte. Les noms des pierres et les carrières sont

Fig. 3 – Paris, Opéra, façade. cités, parfois de façon vague, mais Présence de calcaire rouge du Jura entre les colonnes monolithes cannelées. (Cliché A. Blanc) les emplacements où ces matériaux ont été utilisés ne sont pas décrits avec précision. Il nous revenait d’établir une cartographie d’une partie de la façade, à partir d’un dessin précis, comme le géologue lève une carte géologique à partir d’une carte topographique. Les observations ont porté sur une travée de la façade et sur quelques points pour le reste du bâtiment.

La façade, place de l’Opéra

Les trois premières assises (deux seulement sous les groupes sculp- tés) sont en calcaire rose de Damparis (Jura), indiqué « pierre de Saint-Ylie » (Répertoire 1890) (fig. 2). Au-dessus, le reste de la construction jusqu’aux frontons est Fig. 4 – Paris, Opéra, façade. 208 Base des bustes des médaillons, masques et pilastres, en calcaire rouge du Jura. (Cliché A. Blanc) en calcaire oolithique jurassique de Bourgogne, des environs de Ra- vières (Yonne). Entre les colonnes cannelées, monolithes, en calcaire de Ravières (Anonyme 1925), le fond est en calcaire rouge du Jura, de Sampans probablement (fig. 3). Il s’agit de plaques dont la surface est altérée par des desquamations. Le calcaire rouge du Jura se retrou- ve au niveau des médaillons, à la base des bustes et pour les pilastres décorés de feuillages (fig. 4). A ce niveau, son état de conservation est excellent. Ce dernier calcaire rouge provient-il de la même carrière que celui du niveau inférieur? Comme il n’a pas été possible dans ce décor de faire de prélèvement pour ana- lyse, la question reste posée. Fig. 5 – Paris, Opéra, côté rue Auber. Calcaire de Saint-Ylie en soubassement, calcaire rouge au-dessus. (Cliché A. Blanc) Les façades latérales

Elles comportent aussi de nom- breux éléments en calcaire de Saint-Ylie, Damparis et en calcaire rouge de Sampans au niveau du rez-de-chaussée, rue Auber (fig. 5) où les desquamations sont nom- breuses (fig. 6). Le calcaire rouge de Sampans perd sa couleur et pré- sente une altération semblable à celle observée entre les colonnes de la façade. Côté rue Gluck, le soubassement est composé de cinq assises en calcaire de Damparis. L’altération y est très visible. Le calcaire prend une patine blanche, il est partiellement dissous en sur- face et les éléments fossiles restent en relief, lui donnant un aspect rui- Fig. 6 – Paris, Opéra, côté rue Auber. Fig. 7 – Paris, Opéra, intérieur, Rotonde des Abonnés. niforme. Les joints stylolithiques Altération du calcaire rouge. (Cliché A. Blanc) Colonnes monolithes, cannelées et baguées en calcaire s’ouvrent et les parties bioturbées rouge de Sampans (Jura). (Cliché A. Blanc) apparaissent en creux. Sur cette La salle sous l’escalier, dite carrières de pierre de taille exploitées en façade, quelques blocs ont été rem- « Rotonde des abonnés » est soute- 1889, a été utilisée sur plusieurs placés par du calcaire lacustre de nue par des colonnes monolithes édifices parisiens de la deuxième Château-Landon (Loiret). cannelées et baguées, en calcaire moitié du XIXe siècle: la base de la rouge à entroques du Jura (fig. 7). fontaine Saint-Michel (qui vient L’intérieur de l’Opéra Au niveau du foyer, c’est la « bro- d’être restaurée), le parapet du catelle » qui a été utilisée pour les pont Saint-Michel, celui du pont C’est un véritable musée du plinthes (fig. 8) et les main-cou- Louis-Philippe, le soubassement marbre où le calcaire rouge du Jura rantes des balustrades. De grandes de l’école des Beaux-Arts du Quai est à l’honneur dans les escaliers plaques de brocatelle du Jura Malaquais (les autres références latéraux, de chaque côté du grand ornent le revers de la façade dans le citées n’ont pas été vérifiées). A escalier. Les paliers sont soutenus vestibule. l’église de La Trinité, les seize par des colonnes monolithes, d’en- colonnes monolithes se trouvent à viron 2 m de hauteur, et des ban- AUTRES EMPLOIS À PARIS DES l’intérieur, entre la nef et les bas- quettes en calcaire rouge de CALCAIRES DU JURA côtés. Elles sont baguées à environ Sampans portent l’éclairage. Au 1,50 m de la base et mesurent plus niveau du foyer, les douze colonnes La pierre de Belvoye, commune de de 4 m. Elles ont été taillées dans rouges sont en « jaspé du Mont- Damparis, dite aussi calcaire de le délit et le poli permet de recon- Blanc », roche siliceuse. Saint-Ylie, d’après le Répertoire des naître les nombreux fossiles de ce 209 Fig. 8 – Paris, Opéra, intérieur, vestibule du Foyer. Fig. 9 – Ars-sur-Formans (Ain), basilique du Saint-Curé, Partie supérieure de la plinthe en « brocatelle du Jura ». dôme. Colonnes monolithes en calcaire rouge du Jura. (Cliché A. Blanc) (Cliché Ph. Bromblet)

calcaire, en particulier les nérinées. tecte en chef des Monuments blanches; prenant bien le poli, grain fin. Elles sont parcourues de petites fis- Historiques, Éric Pallot, qu’une Calcaire jaune dans les huit bancs supé- sures soulignées par une coloration petite étude sur ce calcaire a été rieurs, rouge ou violet dans les bancs rose violacée. amorcée. Il est intéressant de noter inférieurs. Noms des bancs: Grand- que le comportement à l’altération Rose, Sanguin-Rouge, Granit-Gris, Le calcaire rouge de Sampans est du calcaire des colonnes d’Ars est Rouge, Sanguin, Rouge-Antique, cité pour avoir été utilisé dans l’an- très semblable à celui de son Granit-Rouge, Grain-d’Orge, Petit- cien Palais du Trocadéro. Cet édifi- homologue de l’Opéra de Paris. Grain, etc. ce a été remplacé par le Palais de Chaillot en 1937, mais il reste des DESCRIPTIONS DES CALCAIRES LE COMPORTEMENT DU éléments de l’ancien édifice à l’in- ET DES CARRIÈRES CALCAIRE DE SAMPANS SUR térieur du nouveau. Ainsi, à l’occa- LES MONUMENTS sion de travaux dans le hall d’en- Les carrières de Damparis ont four- trée des musées de l’Homme et de ni un calcaire dur, d’âge jurassique L’observation des colonnes de la la Marine, les plaques de calcaire supérieur (Kimméridgien dit basilique d’Ars montre que le cal- bourguignon revêtant les piliers Séquanien), jaune à zones roses. caire a blanchi et que des coulures ont été démontées et les anciennes Ce calcaire est, en particulier, rouges sont visibles à l’aplomb des caractérisé par ses fossiles nom- colonnes en calcaire rouge à colonnes (fig. 10). La surface de ce breux, des nérinées, et la présence entroques de Sampans ont pu être calcaire blanchi apparaît, sous la aperçues, le temps de prendre de joints stylolithiques. loupe binoculaire, constituée de un échantillon. Les anciennes tous les éléments déjà observés sur colonnes du palais du Trocadéro A Sampans, les anciennes carrières le calcaire (Rat 1993), en particulier sont restées en place et ont été ont exploité un calcaire jaune et des débris de bryozoaires (animaux habillées à la mode de 1937. rouge du Jurassique moyen (Bajocien), contenant de nombreux marins coloniaux) et d’entroques ou encrines (éléments de calcite AUTRES EMPLOIS EN FRANCE débris d’entroques (éléments du squelette de crinoïdes) et de bryo- monocristalline provenant du Bien loin de Paris, la basilique zoaires. L’aspect cristallin de ce cal- « squelette » d’animaux marins, les d’Ars-sur-Formans (Ain) possède caire, dû à la présence des crinoïdes, de l’embranchement des un dôme décoré de colonnes entroques, fait qu’il est décrit dans Échinodermes, comme les oursins monolithes en calcaire rouge de l’Annuaire général français du marbre et les étoiles de mer). A la surface Sampans (fig. 9), reconnaissable par comme « calcaire ayant l’apparence de la pierre exposée aux intempé- la présence de débris de bryo- du granit rouge très vif ». Les noms ries, les débris de fossiles sont zoaires et d’entroques. Les mêmes commerciaux cités sont «Rouge blancs, car ils ont perdu la matière colonnes sont placées de chaque Antique ou la Sanguine». colorante rouge (oxyde de fer pro- côté des fenêtres du chevet. C’est Sancholle-Henraux (1928) le décrit bablement, à vérifier) qui remplis- au cours d’une intervention de comme un : sait les clivages de la calcite des mon collègue du LRMH, Philippe calcaire compacte dur, allant du gris- entroques et les loges des 210 Bromblet, à la demande de l’archi- jaunâtre au rouge vif avec taches Bryozoaires. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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En conclusion, le calcaire rouge de Sampans, comme on peut l’obser- ver sur plusieurs monuments de la région Franche-Comté et à Paris, se comporte très bien à l’intérieur des bâtiments, où il garde un beau poli, mais résiste mal aux intempé- ries quand il est posé à l’extérieur, en zone urbaine. Les architectes du XIXe siècle ont été séduits par sa belle coloration et, malgré leurs connaissances des matériaux, ils se sont trompés au sujet de son emploi à l’extérieur. Il en est de même pour la pierre de Saint-Ylie à Paris, où des travaux de restaura- tion ont déjà conduit à la remplacer par un calcaire de Bourgogne au pont Louis-Philippe. Cette altéra- tion rapide des calcaires du Jura utilisés au XIXe siècle à Paris est peut-être une raison de l’abandon de ces carrières.

211 Fig. 1 - Plaque de marbres d’Eugène Clerc, Musée d’Archéologie de Lons-le-Saunier. (Cliché Yves Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997)

« COLLECTION DE MARBRES » MUSÉE D'ARCHÉOLOGIE DE LONS-LE-SAUNIER

Bleu fleuri *ITALIE

0 Paonazzo Porto Bleu Vert-vert Granit rouge Foucherans Brêche (jaune) violette Mâcon ITALIE ITALIE SAVOIE PYRÉNÉES SAÔNE-ET- JURA ITALIE LOIRE 1 2 3 4 5 6 7

Paonazzo Skiroz Rosé Levanto Rouge Rose Chomerac ivoire de Cannes antique ITALIE GRÈCE AUDE ITALIE PYRÉNÉES CÔTE-D'OR ARDÈCHE

8 9 10 11 12 13 14

Jaune fleuri Incarnat des Noir veiné Blanc Noir Bleu Foucherans de Molinges Pyrénées turquin (rouge) (*Pratz) PYRÉNÉES SUISSE ITALIE BELGIQUE ITALIE JURA JURA 15 16 17 18 19 20 21 Solutré Larfralia ? Griotte Vert ? Brêche de Granit gris 405 mm Saint-Julien champagne AFRIQUE AFRIQUE ITALIE PYRÉNÉES JURA JURA

22 23 24 25 26 27 28

Onyx Sampans Thonon Griotte verte Chassagne Rouge royal Calacata

60 mm AFRIQUE JURA SAVOIE PYRÉNÉES CÔTE-D'OR BELGIQUE ITALIE

29 30 31 32 33 34 35 60 mm Travail fait par M. Clerc Eugène marbrier à Saint-Amour donné par M. Chapuis

525 mm

R. LE PENNEC 1995 Fig. 2 – Identification des marbres constituant la plaque d’Eugène Clerc. (Identification et dessin R. Le Pennec, 1995) 212 Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003

Les collections de marbres du département du Jura Robert LE PENNEC*

Résumé Abstract En fait, le dénommé Clerc Eugène Dans le département du Jura, plu- In the departement of Jura, several n’a jamais été marbrier à Saint- sieurs collections de marbres sont collections of marbles are preserved Amour. Selon Laurent Poupard, conservées dans les réserves des col- in the reserves of public collections. chargé du Repérage du Patrimoine lectivités publiques. La plupart du Most of the time, their story is known industriel au Service régional de temps, leur histoire n’est connue que only by incomplete way and the l’Inventaire général: de façon très lacunaire et les marbres marbles coming from the departe- Le cadastre indique que vers 1927 provenant du département, mais aussi ment, but also from others regions or (1924?), il acquiert de Jules d’autres régions ou d’autres pays, ne Bellemain, receveur des contributions others countries, are not identified. sont pas identifiés. Cette identifica- indirectes en retraite à Lons-le- This identification appeared necessa- tion est donc apparue nécessaire pour Saunier, une maison rue de l’Ain ry to give back these collections rendre ces collections exploitables et (cadastrée C 147). L’Annuaire exploitable and to make them, for the en faire, pour les chercheurs (géo- Fournier du Jura mentionne en 1934 researchers (geologists, stone lovers, logues, amateurs de roche, archéo- le nom de Clerc pour trois rubriques: archeologists, and so on) interested by logues, etc.) intéressés par les marbres café-restaurant, coiffeur, vin en gros. the jurassian marbles notably, incon- jurassiens notamment, des références Le cadastre nous signale une nouvelle tournable references. incontournables. mutation vers 1957 (1954?), la Pour deux d’entre elles — la plaque For two of them – the Eugène Clerc’s maison de la rue de l’Ain passant à la d’Eugène Clerc, conservée au Musée slab, preserved in the archeological veuve et aux héritiers d’Eugène Clerc. d’Archéologie de Lons-le-Saunier, et museum of Lons-le-Saunier, and the Les choses deviennent plus intéressantes la collection Nicolas Gauthier aux Nicolas Gauthier collection in the si on remonte dans le temps, toujours à Archives municipales de Saint- municipal archives of Saint-Claude –, partir du cadastre. En effet, Jules Claude —, le travail d’inventaire et the work of inventory and of photo- Bellemain avait acheté cette maison de reproduction photographique est graphic reproduction is completed. vers 1908 (1905?) de François-Marie achevé. Moreover, exists in the museum of Orsat, « marbrier à Saint-Amour». Ce Par ailleurs, il existe au Musée Archeology of Lons-le-Saunier three dernier l’avait acquise vers 1860 et d’Archéologie de Lons-le-Saunier other collections, in study. They trois autres collections, en cours avait construit vers 1868 un «magasin include one hundred and fifty seven d’étude. Elles comprennent cent qua- de bois et de commerce» (cadastré samples of jurassian limestones, of rante-sept échantillons de calcaires C543), dans l’actuelle rue des them ninety seven have been jurassiens, dont quatre-vingt-dix-sept Terreaux. Ce magasin a été vendu vers identified and well listed in the Jura ont été identifiés et bien répertoriés 1927 (1924?) par Bellemain à un and twenty four are in course of dans le Jura et dont vingt-quatre sont maréchal-ferrant, Paul Trembly. Les identification. If their place of en cours d’identification. Si, leur lieu échantillons de marbre pourraient donc quarrying is not still known by me, I d’extraction ne m’est pas encore provenir de l’atelier de ce François- however identified many articles connu, j’ai toutefois repéré de nom- Marie Orsat. Absent de l’Annuaire du worked in these limestones, breux objets travaillés dans ces cal- Jura de 1860, celui-ci y est mentionné particularly church altars. And, caires, en particulier des autels d’égli- en 1865 comme employant 10 ouvriers se. Et, parfois, les régions d’extraction sometimes, the quarrying regions are dans sa marbrerie (15 en 1877); il y sont très proches... very near… apparaît encore en 1900. Il reçut du 1er juillet 1879 au 1er juillet 1880, en LA PLAQUE DE MARBRES l’Ardèche, cinq des Pyrénées, un gare de Saint-Amour, 37 690 kg de D’EUGÈNE CLERC de la Saône-et-Loire, un de l’Aude, marbres étrangers. (Musée d’Archéologie de Lons-le- deux de Savoie, dix d’Italie, deux Saunier, Jura) de Belgique, trois d’Afrique, un de Si cette collection ne comporte que Suisse et un de Grèce (fig. 2). trente-cinq échantillons de marbre, Cette plaque (fig. 1) mesure 525 x La plaque a été donnée par le doc- elle a l’avantage de compléter 405 mm. Elle est composée de teur Edmond Chapuis, maire de d’autres collections du départe- trente-cinq pièces de marbre de Lons-le-Saunier, dans les années ment et met en évidence une 60x 60 mm, collées et montées sur 1900 à 1912. Elle porte une éti- industrie bien implantée dans la un cadre-support en marbre italien. quette avec la mention « Travail région de Saint-Amour.

Elle comprend six échantillons du fait par Clerc Eugène, marbrier à * Archéologue bénévole. 11 rue du Belvédère, Jura, deux de la Côte-d’Or, un de Saint-Amour ». 39200 Saint-Claude, France. 213

Tableau 1 – Liste des échantillons de la collection Nicolas Gauthier.

était alors délaissé, avec l’idée de années 1900; un inventaire du reconstituer la pirogue du Néoli- musée du 1er janvier 1922 la men- thique provenant du lac de Chalain tionne déjà. Malheureusement, le conservateur n’autorisa pas ce travail prétextant Né à Bourg-en-Bresse le 17 février qu’il fallait un spécialiste de 1852, mort à Molinges le 11 mai reconstitution de pirogue. Je m’oc- 1924, Nicolas Gauthier était mar- cupais aussi de fossiles et une col- brier à Molinges (fig. 3). Chevalier lection de marbres entreposée là de la Légion d’honneur, il était le et recouverte de poussière attira maire de cette commune et sa mon attention. Les blocages de période d’activité constitua l’âge l’époque m’empêchèrent de l’étu- d’or de la marbrerie2. dier. Mais les années passant, la La collection se compose de cent ville de Saint-Claude me permit de quinze échantillons de marbre, de la sortir pour en faire l’inventaire 90 x 130 mm. Cinq ont disparu, — maintenant informatisé —, puisque l’inventaire de 1922 en repolir les échantillons, les numé- dénombrait cent vingt. Fig. 3 – Portrait de Nicolas Gauthier, propriétaire de la mar- 1 brerie de Molinges, premier quart du XXe siècle. roter et les ranger hors poussière . (Cliché Daval, collection particulière; reproduction Y. Sancey Les provenances sont diverses © Inventaire général, ADAGP, 1997) Cet inventaire comporte: (tabl. 1): – un listing de cent quinze – soixante-cinq échantillons pro- LA COLLECTION échantillons, viennent de France, NICOLAS GAUTHIER – trois fiches-type en formulaire – vingt-deux d’Italie, (Archives municipales de Saint- (du Jura), – dix de Belgique, Claude, Jura) – les cent quinze échantillons en – six de Grèce, photocopies couleur, – quatre d’Espagne, Pendant les années 1970, le local – une disquette informatique avec – trois d’Algérie, du Spéléo-club de Saint-Claude le fichier. – deux du Brésil, était installé à la Grenette, à côté – un du Mexique, du musée. Plusieurs fois, j’eus l’oc- La collection a été donnée par – un de Suisse, casion d’entrer dans ce musée, qui Nicolas Gauthier au début des – un d’Islande.

1. Pour l’aide qu’ils m’ont apporté, je tiens à remercier Messieurs Pierre Guichard, maire de Saint-Claude, et Michel Bailly, adjoint chargé des Affaires culturelles, et plus particulièrement, pour tout le temps qu’elle a bien voulu me consacrer, Madame Véronique Rossi, archiviste de la ville de Saint-Claude. 2. Janod (R.). – De la carrière de Chassal à la marbrerie de Molinges ou la naissance de la prolétarisation dans la basse vallée de la Bienne. Saint-Claude, Les Amis du Vieux 214 Saint-Claude, 1989, 30 p., ill. (Supplément au bulletin n° 12 de la revue des Amis du Vieux Saint-Claude). Tout confondu, onze couleurs sont archivistiques — comporte actuel- discernables: jaune, violet, gris, lement cinquante-sept types de blanc, noir, rose, vert, rouge, ocre, pierres marbrières, trente-neuf car- marron et bleu. rières seulement ont été repérées et trente-cinq échantillons de 8 x 12 Les échantillons les plus marquants cm réalisés. La région de Dole, sont: notamment, pose de nombreux • les trois provenant de la vallée de problèmes pour ce travail, car les la Bienne et qui ont fait la gloire anciennes carrières, très nom- de la marbrerie de Molinges: breuses mais situées maintenant en Fig. 4 – Rouge antique de Grèce. Echantillon n° 75, collec- – la brocatelle jaune de Molinges, zone urbanisée, sont masquées par tion N. Gauthier. – la brocatelle violette de les constructions ou ont été com- (Cliché R. Le Pennec) Chassal, blées. – le Jaune Lamartine de Pratz; • les quatorze en provenance de Il existait, au début du XXe siècle, carrières antiques: trois grandes zones d’extraction et – le Rouge antique de Grèce (qui de production dans le Jura: est le rouge de référence) – la région de Dole/Damparis/ (fig.4), Sampans/Foucherans, – le Vert antique de Grèce (idem) – la zone de Chassal/Molinges, (fig. 5), – la région de Saint-Amour/ – trois échantillons de la carrière Balanod (actuellement la dernière de l’île de Skyros (Grèce), Fig. 5 – Vert antique de Volo (Grèce). Echantillon n° 74, col- encore en activité). lection N. Gauthier. – la brocatelle d’Espagne (carriè- (Cliché R. Le Pennec) re de Tortosa, qui est la référen- On procédait à l’exploitation de ce des brocatelles) (fig.6), couches très localisées en trois – le noir de Belgique (Bavay), autres endroits: – les cinq échantillons de la car- – zone Saint-Lothain/Miéry/Plai- rière de Philippeville pour leur noiseau, rouge (Belgique), – région de Champagnole: com- – le marbre de Saint-Martin, de la munes de Loulle et de Crans haute vallée de la Garonne. (fig.7), – zone de Salins-les-Bains et Même si elle comporte moins Grozon, pour la production de d’échantillons que d’autres collec- gypse (fig. 8 et 9). Fig. 6 – Brocatelle de Tortosa (Espagne). Echantillon n° 80, tions plus connues, cette collection collection N. Gauthier. Chaque zone correspond à une cou- est intéressante, car il est fort pro- (Cliché R. Le Pennec) leur dominante de la pierre mar- bable qu’un certain nombre de car- brière, laquelle est extraite dans rières d’où proviennent ces roches une couche géologique bien précise ne sont plus en exploitation actuel- (tabl. 3). lement. Constitution d’un inventaire TRAVAUX EN COURS: IDENTIFIER LES ANCIENS SITES des objets en marbre jurassien D’EXTRACTION ET COMPLÉTER L’INVENTAIRE DES MARBRES J’ai débuté un inventaire des objets en marbre du département du Jura qui, actuellement, comporte une Identification des anciens sites Fig. 7 – Echantillon de marbre de Loulle. Collection R. Le d’extraction liste de cinquante-neuf sites où se Pennec. trouve ce matériau. Les sites corres- (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1997) Lorsqu’une ancienne carrière est pondent en majorité à des églises localisée, je la photographie et j’ef- du Jura, mais il y a aussi beaucoup fectue un prélèvement pour fabri- de marbres jurassiens à Besançon quer plusieurs échantillons de 8 x (fig. 10), dans le département de 12 cm. De plus, pour chaque type l’Ain et dans d’autres départements de pierre marbrière repérée, des voisins du Jura. Cet inventaire est photographies sont prises et un difficile à réaliser, car de nombreux numéro d’inventaire est attribué. objets (essentiellement des chemi- Si l’inventaire des marbres juras- nées; fig. 11) sont conservés dans siens — réalisé à partir de collec- les mairies ou chez les particuliers, tions d’échantillons anciennes, comme au Château de Dortan (Ain) Fig. 8 – Echantillon d’albâtre gypseux de Salins-les-Bains. Collection R. Le Pennec. d’objets et de sources littéraires et par exemple. (Cliché Y. Sancey © Inventaire général, ADAGP, 1998) 215 Fig. 9 – Intérieur d’une mine de gypse à Salins-les-Bains (mine de Boisset). (Cliché R. Le Pennec)

Fig. 10 – Cathédrale Saint-Jean à Besançon : chapelle Notre- Fig. 11 – Cheminée en brocatelle violette dans un appartement privé à Saint-Claude. (Cliché R. Le Pennec) Dame des Jacobins. Colonne de l’arc triomphal en marbre de Sampans, réalisé de 1626 à 1637 par Hugues Le Rupt. (Cliché R. Le Pennec)

Le désir de rendre utilisable pour de pierre marbrière et illustrer ce ment servi à construire, en un le chercheur les collections matériau par des exemples de réa- matériau non poli, des monuments, d’échantillons de marbre du Musée lisations. Cette perspective s’est des bâtiments publics ou à fabri- d’Archéologie de Lons-le-Saunier encore élargie, puisque la recher- quer des fontaines, des cheminées, et des Archives municipales de che de ces carrières, m’a amené à des bénitiers, etc. Ainsi, trente-huit Saint-Claude m’a conduit à une en repérer de nombreuses autres, démarche bien plus vaste, mais de pierre à bâtir notamment. sites sont actuellement répertoriés, obéissant au même but: réaliser un Toutes ont été inventoriées, quand dont onze sont photographiés. inventaire des carrières anciennes bien même certaines ont unique- 216 Tableau 2 – Inventaire des objets en marbre jurassien. 217 Tableau 2 (suite) – Inventaire des objets en marbre jurassien.

Tableau 3 – Couleurs et stratigraphie.

218 Expériences contemporaines d’Arts appliqués

219 220 Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003

Projet d’un mobilier associant le bois et la pierre Angel NASSIVERA* et Christophe LEPREST**

GENÈSE ET MÉTHODOLOGIE (annexe 1), d’une part, et, d’autre qui consiste plus précisément en DU PROJET « BOIS-PIERRE » part, Christophe Leprest, profes- l’élaboration d’un mobilier-objet seur d’Arts appliqués, et ses étu- associant logiquement le bois et Le projet d’un mobilier associant le diants du lycée professionnel la pierre (marbre ou autres), bois et la pierre est né d’une ren- Pierre Vernotte, de Moirans-en- synthétisant les fonctions utilitaire, contre entre Angel Nassivera, Montagne, spécialisé dans les arts esthétique et symbolique, et dont meilleur ouvrier de France, maître- du bois (annexe 2). la mise en œuvre (assemblages, artisan mosaïste à Saint-Claude Si le premier objet de ce projet est contraintes mécaniques liées à l’instauration d’une approche l’usage, etc.) se justifiera d’elle- Résumé pédagogique et expérimentale de même. La rencontre entre Angel Nassivera, la matière, il doit par la suite per- Bien entendu, ce projet scolaire, à maître-artisan mosaïste à Saint- mettre d’établir un échange entre dessein pédagogique et pré-profes- Claude, et Christophe Leprest, pro- A. Nassivera et des « apprentis- sionnel, se développe à travers dif- fesseur au lycée professionnel Pierre étudiants » en première année du férents objectifs: Vernotte, de Moirans-en-Montagne, diplôme des métiers d’art (DMA) – redécouvrir et réhabiliter le a permis, dans le cadre de la discipli- Arts de l’habitat option ébénisterie, matériau d’une région et sa tech- ne des Arts appliqués, la naissance créé depuis deux ans dans notre nique; d’un projet de mobilier associant le région1. – expérimenter sensiblement et bois et la pierre. Chacun des douze techniquement les qualités élèves concernés a donc imaginé et propres de chaque matériau (bois dessiné un meuble ou un ensemble Ce diplôme des arts du bois, de et pierre) par la structuration, de meubles réunissant ces deux niveau Bac + 2, comprend deux for- matériaux. Pour certains, cette mations fondamentales, la concep- l’association, la combinaison, la phase est allée jusqu’à la réalisation tion et la réalisation: dissociation, l’opposition, etc.; de maquettes, voire de l’œuvre elle- – la conception est réfléchie – réfléchir sur un véritable pro- même. MM. Nassivera et Leprest en Arts appliqués (Design), gramme culturel et écono- ont également uni leurs savoirs-faire domaine d’étude qu’il faut com- mique, afin d’enrichir l’image dans une création commune, inti- prendre en tenant compte des d’une région par un mobilier tulée Espaces urbains, «démonstra- deux termes qui le composent: créatif en bois et pierre; tion non seulement technique et le terme « Arts » servant au – stimuler l’inconscient et la sen- pédagogique, mais surtout prospec- sibilité collective par un objet tive ». concepteur à exprimer (par la maîtrise d’outils graphiques ou « utile, beau, affectueux »; Abstract plastiques) sa vision des choses à – transmettre et pérenniser des The meeting between Angel travers ses propres codes, cultu- valeurs artisanales par une réa- Nassivera, master-craftsman worker rel, inconscient, etc.; le terme lisation de haute qualité (fabrica- in mosaic in Saint-Claude, and « appliqués », quant à lui, répon- tion semi-artisanale); Christophe Leprest, professor in the – être conscient de la notion de technical high school Pierre dant à une demande culturelle Vernotte, in Moirans-en-Montagne, (même différente de la sienne), à rentabilité d’une petite série ou allowed, as part of the discipline of un cahier des charges, à des pos- d’une série unique (fabrication applied Arts, the birth of a project of sibilités technologiques et tech- semi-industrielle); furniture associating wood and niques et, bien sûr, à une réalité – s’investir dans sa démarche, stone. Each of the 12 pupils desi- afin d’être capable d’établir un gned a piece of furniture or a financière; furniture gathering these two mate- – la réalisation se concrétise grâce véritable dialogue entre le « desi- rials. For some of them, this phase à l’acquisition de méthodes de gner » et le « maître-artisan », de went to the realisation of scale travail, de la maîtrise du geste, créer un échange culturel et models, indeed of the work itself. des outils manuels et indus- intellectuel équitable entre asso- MM. Nassivera and Leprest united ciés (capacité à travailler en too there know-how in a common triels... creation, titled urban spaces, équipe)… « demonstration not only technical Cette double formation devrait * Maître-artisan mosaïste. 2 bis place Christin, and pedagogical, but above all pros- donc permettre de concrétiser le 39200 Saint-Claude, France. pective ». ** Professeur d’Arts appliqués, Lycée P. Vernotte. projet évoqué initialement, projet 39260 Moirans-en-Montagne, France.

1. Création de l’année de Mise à niveau (MAN) en septembre 1997, de la première année de DMA (DMA 1) en septembre 1998. 221 Pour comprendre la genèse du pro- niques, Chercheurs, Ethnologues, LANCEMENT DU COURS jet « bois-pierre » entre Angel Conservateurs). Nassivera et les étudiants du lycée […] Au début de l’année scolaire, Vernotte, il faut remonter dans le 3.1.5. D’assurer seul ou en équipe, la Christophe Leprest remet à chacun temps. réalisation technique. de ses douze élèves de DMA 1 une C’est-à-dire: fiche présentant l’objectif du cours En effet, cela fait plusieurs années […] « bois-pierre ». déjà que M. Nassivera sollicite les – aménager les interventions des spé- Cette fiche « Projet d’un mobilier lycées professionnels de la région cialistes complémentaires. associant le bois et la pierre », pour créer une étroite collaboration accompagnée de croquis, détaille la entre l’artisan, riche de ses compé- Bien sûr, au-delà des objectifs pro- méthodologie à adopter pour qu’ils tences techniques, de ses savoirs et fessionnels cités ci-dessus, la per- puissent, en fin d’année, proposer de son expérience professionnelle, sonnalité, la disponibilité et la pas- un projet de mobilier, avec son et les étudiants, curieux, porteurs sion d’Angel Nassivera pour son cahier des charges et les indications d’idées neuves, avides d’apprendre métier ne pouvaient qu’enthou- techniques nécessaires à sa réalisa- et de comprendre, si on leur en siasmer la majorité des étudiants et tion. donne les moyens. leur professeur, et les inciter à tra- C. Leprest l’a rédigée ainsi : Malgré plusieurs tentatives avor- vailler ensemble. Présentation du projet tées, M. Nassivera a bien failli se résigner face au manque d’engage- De fait, le 15 mars 1999 est lancé C’est dans le cadre d’un partenariat ment ou d’intérêt que les équipes un projet associant le bois et la avec un maître-artisan mosaïste de pédagogiques lui ont manifesté. pierre dans le cadre de la discipline Saint-Claude, M. Nassivera, que C’est vers le mois de janvier 1999, des Arts appliqués: une intéressan- les élèves de DMA 1 Ebénisterie qu’il est informé de la création du te documentation concernant le et moi-même, professeur d’Arts diplôme des métiers d’art au lycée pierre réunie par le professeur fait appliqués, allons fixer nos objectifs professionnel de Moirans-en-Mon- l’objet d’une analyse collective. pour ce projet de Design-mobilier. tagne. Et c’est ainsi qu’une ren- Une approche méthodologique contre s’est établie avec un profes- rigoureuse est proposée sous forme Objectif principal seur d’Arts appliqués séduit par de tableaux à deux entrées permet- son professionnalisme et son cha- tant d’exploiter la richesse des Etre capable de concevoir un risme. informations. On évoque ainsi, mobilier associant à la fois le bois et dans le cadre d’un métissage entre la pierre. L’osmose (influence réci- L’intérêt d’établir une collabora- les deux matériaux, les usages, les proque, interpénétration) entre ces tion avec un artisan mosaïste local, formes, les mises en œuvres qui les deux matériaux naturels s’exprime- meilleur ouvrier de France de sur- caractérisent. En conséquence, ra à travers un mobilier qui synthé- croît, semble évident à la lecture après cette première étape analy- tisera les fonctions utilitaire, du référentiel du DMA des Arts de tique, deux phases distinctes de symbolique et esthétique, et dont l’habitat qui, parlant du titulaire du recherche appliquée sont propo- la mise en œuvre (assemblages, diplôme, stipule au chapitre 3 – sées aux élèves. contraintes mécaniques liés à l’usa- Objectifs professionnels: ge, etc.) se justifiera d’elle-même. appuyant sa compétence professionnelle A la suite de ce cours, le professeur Ce projet est prétexte à expéri- sur une formation générale approfon- d’Arts appliqués a accompagné ses menter, redécouvrir et réfléchir die, il doit assumer les responsabilités élèves dans la construction d’une sur un véritable programme revalo- d’un concepteur-réalisateur conscient démarche méthodologique de risant le travail artisanal du bois et des exigences et des contraintes: recherche (observations, analyses, de la pierre, dont le médiateur est – de la recherche et de la conception, synthèse, hypothèses, recherches, le «designer» (celui qui va, ici, – de la mise en œuvre et de la réalisa- applications) pendant qu’Angel créer un dialogue entre l’homme et tion, Nassivera apportait aux étudiants la matière grâce à des approches – des relations publiques et de la diffu- des échantillons de matériaux — culturelle et humaine de l’environ- sion. naturels ou agglomérés, polis et nement et avec un souci écono- En conséquence, il est capable: bruts —, ses précieux conseils mique et réaliste). […] esthétiques et culturels ainsi que 3.1.2. D’assurer la conception d’un ses compétences. Etant donné la Méthodologie (proposition produit (ou d’une recherche) pouvant complexité technique de certaines d’une méthode d’approche) nécessiter l’intervention de pièces, des projets expérimentaux – plusieurs collaborateurs (équipes sont toujours en cours dans son ate- Tenant compte de l’objectif princi- pluridisciplinaires), lier. Par conséquent réside là, éga- pal, on peut s’interroger! De quel – plusieurs spécialistes (Architectes, lement, l’intérêt de cet échange type de mobilier associant le bois Architectes d’intérieur, Chefs de vente, entre passionnés: innover à travers et la pierre l’homme d’aujourd’hui Editeurs, Modélistes), une démarche commune sensible, a-t-il besoin? Pourquoi? Pour qui 222 – plusieurs consultants (Centres tech- raisonnée et concrète. précisément? Comment? Où? Et d’autres questions encore… tionnellement dans le mobilier Enfin, comment peut-on mettre Ainsi, je me propose de vous réfé- dont l’homme d’aujourd’hui a ces techniques associées « bois- rer à un constat culturel (le com- besoin: pierre » au profit de l’efficacité uti- portement et les habitudes des – ce qui implique un questionne- litaire et de la fonction « décorati- gens…). ment sur la fonction utilitaire du ve » de votre projet, tout en lui fai- D’abord, il faut comprendre que mobilier? sant conserver son unité séman- l’homme a des mains, dont il a – proposez justement plusieurs tique (sens) sans « diarrhées » de besoin et dont il ressent le besoin, pistes de recherche (fonctions); signes superflus? au propre comme au figuré. Il a – à l’instar des informations docu- également besoin de retrouver des mentaires sur la pierre, précisez PREMIERS RÉSULTATS rituels sociétaux (plus ou moins en quoi le bois présente un inté- consciemment) et de les transfor- rêt dans notre société occidentale A l’issue de leur année de cours, les mer en fonction de ses envies, de d’un point de vue mécanique, élèves ont chacun imaginé et dessi- son état d’âme ou d’esprit, de sa esthétique, culturel, voire psy- né un meuble ou un ensemble de culture qui change, de son mode de chologique (un tableau peut être meubles réunissant bois et pierre. vie, de personnalisation de son ter- un outil efficace pour stocker ces Pour certains, cette phase est allée ritoire ou de sa zone de vie. informations). jusqu’à la réalisation de maquettes, voire de l’œuvre elle-même. Par conséquent, le concept de ce Première partie de la recherche Citons quelques projets: un mobilier « bois-pierre » va interpel- appliquée meuble à épices, un portemanteau ler nos origines, notre histoire, nos Après avoir dégagé les différents sur le thème du lac de Vouglans, un souvenirs (objets ludiques, mélan- types de mobiliers possibles, meuble d’entrée réinterprétant le coliques, etc.) à travers la synthèse voyons quelques démarches esthé- mobilier régional traditionnel, une des matériaux, des formes, des cou- tiques et conceptuelles concernant gamme de sièges et tables intitulée leurs et des techniques mis en notre sujet: Stone chair... œuvre. – exemples de mobiliers « métis- sés » de par leurs matériaux; Stone chair Etape analytique – exemples de mobiliers « clas- Revenons aux origines géologiques siques » associant le bois et la Concepteur: Stéphane Facile, étu- de la terre et à l’histoire de l’archi- pierre; diant en DMA 1 Ebénisterie. tecture et des civilisations – exemples de démarches concep- Structure: chêne à placage de poi- humaines. tuelles en mobilier et sculpture. rier, teinté en noir; marbre rouge Interrogeons-nous: de la Vernaz (Haute-Savoie). – comment se présentent ces Seconde partie de la recherche Dimensions approximatives: pierres dans le paysage? appliquée 140 cm de haut, 50 cm de large, – quels principes mécaniques sou- – Choisir un projet, une piste 50cm de profondeur; 75 kg. lèvent-elles? parmi les propositions de fonc- – grâce à quel « miracle » ces cons- tions trouvées auparavant. tructions peuvent-elles « tenir – Etablir un cahier des charges Présentation de l’œuvre debout »? pour ce projet: quel est son par S.Facile contexte? y a-t-il un seul type Mes recherches ont commencé par A partir des reproductions présen- d’utilisateur? comment fonction- la traduction d’un désir — celui tées en cours et, ensuite, des ne-t-il? quelles sont les réfé- d’un retour à la nature —, alors j’ai recherches personnelles que vous rences de mobilier pour le même orienté ma démarche vers l’utilisa- ferez chez vous, vous analyserez et usage? cet usage est-il nouveau? tion d’une pierre brute. répondrez aux questions ci-dessus etc. Ensuite, le constat d’un besoin de par une réflexion écrite et dessi- – En quoi l’association du bois et confort minimal appartenant à un née (carnet de croquis ou feuillet de la pierre va-t-elle améliorer les idéal occidental a conduit mes format A4, outils fins). fonctions de ce projet? choix vers l’adaptation d’un dossier – Vous répondrez à ces dernières de forme et de valeur « classique » Eventuellement, vous pouvez questions en illustrant (croquis à ce bloc de marbre brut (primitif structurer ces informations dans un de principe) vos explications et romantique). Si bien que j’en tableau, puisque je vous demande écrites. suis venu à me questionner sur également d’énumérer les caracté- – Vous rechercherez des informa- l’œuvre de conception rationnelle ristiques (et propriétés) méca- tions sur les différentes tech- (analyse de la conception et de la niques, esthétiques, symboliques niques de construction en pierre fabrication, dossier industrialisable, et culturelles de ces sujets d’obser- et en bois et leurs assemblages en adaptation de l’assise) et l’oeuvre vation (à base de pierre). accompagnant vos références de de conception artistique (choix commentaires écrits et dessinés sensible de la pierre, composition Comparons les données précé- (sous la forme de feuillets tech- harmonieuse et intuitive de celle-ci dentes avec celles nécessaires fonc- niques). avec le dossier). 223 Fig. 3 – Stone chair. Réalisation de Stéphane Facile. (© et cliché Stéphane Facile, Lycée Pierre Vernotte, 1999)

Concept (fig. 1) – Se créer un confort minimal en équilibrant une pierre, le bois servant de support et de dossier. – Retrouver des instincts, des sen- timents proches de nous (retour aux sources). – Redonner vie à la pierre en reve- nant à une symbolique « archéty- pe » (pierre brute).

Le choix de faire une assise Mon but à travers ce mobilier est de rappeler des gestes simples; j’ai donc choisi de réaliser une assise

Fig. 1 – Stone chair. « Adopter l’ergonomie originelle ». (romantisme). (© Stéphane Facile, Lycée Pierre Vernotte, 1999) Etablir des contrastes Pierre Bois brut...... travaillé lourd...... léger massif...... fin marbre rouge...placage poirier teinté noir

Le fait d’établir des contrastes affirme les deux parties de l’assise: – la partie structure bois réalisée de manière « classique » évoque la période Renaissance dans laquel- le nous nous trouvons culturelle- ment; – la partie assise en pierre a été trouvée dans la nature à l’état brut. Symboliquement, chacun se retrouve instinctivement de manière affective dans la pierre brute qui représente l’œuvre de Dieu sans l’intervention de l’homme. Fig. 2 – Stone chair. Réalisation de Stéphane Facile. 224 (© Stéphane Facile, Lycée Pierre Vernotte, 1999 ; cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2000) La mise en forme (fig. 2 et 3) La réalisation de cette assise s’est faite assez rapidement, me laissant guider intuitivement par la pierre. Lors de la réalisation d’une assise, la pierre est « maîtresse » de nos mouvements. C’est pour cela que chaque assise a une forme et un caractère différents.

Mazana

Concepteur: Bertrand Dufour, étu- diant en DMA 2 Ebénisterie. Structure: érable et noyer, acier inoxydable, calcaire rouge et jaune du Jura (brocatelle de Chassal). Dimensions approximatives: 148 cm de haut, 55 cm de large, 70cm de profondeur.

Présentation de l’œuvre par B.Dufour (fig. 4 et 5) Un appel au respect de la nature et de la vie, tel un cocon protecteur de la flore. Sa forme anthropomor- phique évoque la fécondité de la mer et de la mère. A son ouverture, elle dévoile son secret: les plantes. Fig. 4 et 5 – Mazana. (© Bertrand Dufour, Lycée Pierre Vernotte, 1999; clichés J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2000) Elles sont classées dans des tiroirs pivotants de la partie supérieure et, grâce à un pilon en pierre, le psy- chothérapeute peut procéder à leur mélange. Ainsi, il soigne et à son tour protège la vie avec une méde- cine qui répond à une demande croissante, celle du retour aux sources. Ce cocon protecteur en érable et en noyer est lié à une pierre fossili- sée par des pieds métalliques. Ils représentent le cordon ombilical, lien qui procure à l’enfant les res- sources de sa mère. Les pieds, courbés et fins, accentuent l’aspect fragile de la vie. Avec la chaleur du bois, la noblesse de la pierre et la force de l’acier, Mazana reflète la douceur, la protection et l’évolu- tion d’une vie. En vous l’appro- priant, il deviendra le gardien de vos secrets.

LE CONCOURS « ŒUVRES ET PRODUITS DU IIIe MILLÉNAIRE » A cette occasion fut lancé un de sa catégorie (œuvre produite par Du 11 au 14 mai 2000 s’est tenu à concours de création sur le thème une école). Lons-le-Saunier le Salon régional « œuvres et produits du IIIe millé- Ce concours a été également l’oc- de l’Artisanat, baptisé « Artisans naire ». casion pour MM. Nassivera et 2000 », organisé par la Chambre Présenté à ce concours, le mobilier Leprest de présenter une réalisa- régionale des métiers et la réalisé par Stéphane Facile — Stone tion commune intitulée Espaces Chambre des métiers du Jura. chair — a obtenu le deuxième prix urbains. 225 de vous faire (re) découvrir les spé- cificités socio-culturelles des quartiers urbains

Par ailleurs, ce projet a pour objec- tif de présenter un éventail des possibilités techniques et décora- tives — maîtrisées par A. Nassivera — qui pourraient être réexploitées et appliquées dans l’architecture, le mobilier urbain ou l’objet.

C’est pourquoi, nous pensons que cette « œuvre » se révèle en tant que démonstration non seulement technique et pédagogique, mais surtout prospective.

Concept (fig. 6) Le projet consiste en la présenta- tion d’une surface décorative et pédagogique divisée en neuf quartiers, dont sept (représentés par une colonne) correspondent aux principaux quartiers urbains composant une agglomération fran- Fig. 6 – Schéma de conception de l’œuvre Espaces urbains. (© Christophe Leprest, Angel Nassivera, 1999) çaise: 1 – le quartier administratif et his- torique; 2 – le quartier commercial et des affaires; 3 – le quartier d’habitation et sco- laire; 4 – le quartier résidentiel; 5 – le quartier industriel; 6 – la friche industrielle; 7 – la nature.

L’intérêt de ce projet (fig. 7 et 8) ne réside pas seulement au travers de ses aspects techniques et esthé- tiques, mais aussi par sa lecture symbolique (notamment socio-cul- turelle) qui permet de (re) décou- vrir l’identité des différents quar- tiers et leur organisation sur la «surface urbaine», par l’observa- tion, l’analyse et la reconnaissance

Fig. 7 – Espaces urbains. (© Christophe Leprest, Angel Nassivera, 1999; cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2000) de: – l’origine et le choix du matériau Espaces urbains Présentation de l’œuvre naturel, artisanal ou industriel; par A. Nassivera et C. Leprest – la texture, le relief et l’effet de Concepteurs: Angel Nassivera, Notre « œuvre du IIIe millénaire » surface du matériau; maître-artisan mosaïste, vous invite ici à une lecture sen- – la couleur du matériau; Christophe Leprest, professeur sible, culturelle et symbolique des – la technique de la taille et de la d’Arts appliqués. différents « espaces urbains ». pose du matériau; Structure: pierre, céramique, verre, C’est grâce à l’utilisation des tech- – l’organisation de chaque quartier béton, métal. niques et des particularités de la sur la « surface géographique »; Dimensions approximatives: pierre et de la céramique posées et – la composition plastique propre à 155 x 170 cm, en 3 morceaux et taillées que nous nous proposons chacun des quartiers; 226 7colonnes. – le passage entre ces quartiers. Fig. 8 – Espaces urbains. (© Christophe Leprest, Angel Nassivera, 1999; cliché J. Mongreville © Inventaire général, ADAGP, 2000)

Par conséquent, cette surface déco- lisation qu’évoquent les voies fractures, visibles dans l’alliance rative (véritable composition plas- rayonnantes partant de la colonne du béton et de la faïence blanche. tique) propose une lecture sensible centrale; celle-ci est en maté- – Friche industrielle: le côté brut et culturelle. En cela, nous pensons riaux précieux — blanc de et abandonné du lieu s’exprime que notre « objet du IIIe millénai- Carrare et brocatelle — alors que par la colonne associant grillage re » doit être avant tout un « objet le Vert des Alpes qui lui est associé et cailloux avec, en marge, des éducatif » pour les générations est, depuis la Grèce et la Rome éléments boisés et une voie rapi- futures. C’est pourquoi, il serait antiques, symbole du côté sobre de marquée par les mêmes juste que ce projet soit installé au et sévère de l’Administration. tesselles fragmentées et colorées milieu d’un contexte urbain ou – Quartier résidentiel: les bâti- que dans le quartier commercial; d’un lieu collectif, dont il est lui- ments y sont bien ordonnés et les usines subsistant sont autant même ici le symbole. riches; cette richesse se traduit d’éléments en céramique rouge. par la qualité des matériaux (tra- – Quartier industriel: usines et Quelques pistes de lecture de vertin, marbre du Languedoc, silos, excessivement propres, y l’œuvre émaux, etc.) ainsi que par font appel au béton désactivé et – Quartier commercial et des d’autres « signes extérieurs »: au moulé, au métal et à l’émail. affaires: la multiplicité des maté- sommet de la colonne en céra- – Nature: brute, bien que parfois riaux utilisés, multicolores, par- mique, des tesselles bleues précieuse, la nature s’exprime fois coûteux, fragmentés, forme marquent l’emplacement d’une par la colonne de brocatelle cise- un patchwork traduisant la diver- piscine; le quartier s’ouvre vers la lée — mais non polie — et les sité des échanges et des niveaux nature, mais une nature boisée et éclats qui l’entourent; elle appa- de fortune de ce quartier, ainsi ordonnée. raît également dans le cours de la que le dynamisme des mouve- – Quartier d’habitation et scolaire: rivière, torrent de galets en ments liés à une circulation au centre de la composition, ce amont qui s’assagit et s’ordonne intense. quartier de logements sociaux en opus tesselatum dans la traver- – Quartier administratif et histo- relie usines, commerces et admi- sée de la ville. rique: caractérisé par une centra- nistration; c’est une zone de 227 ANNEXE 1

PARCOURS PROFESSIONNEL D’ANGEL NASSIVERA

Né en 1944 à Vito d’Assio (Frioul, Italie), Angel Nassivera parle ainsi de son prix départemental des métiers d’art Angel Nassivera obtient en 1962 une métier: (SEMA) en 1992 puis des Vieilles licence de mosaïque d’art décernée par Mon activité se partage entre le métier de Maisons françaises en 1994, médaille du l’école du Frioul, à Spilimbergo, près de carreleur, que je tiens en estime car c’est Jura en 1997, titre de Chevalier dans Venise (Italie). la base de mon savoir-faire, et celui de l’Ordre national du Mérite en 1998. mosaïste, qui fait appel à des Durant son apprentissage, il participe à la compétences et à des qualités plus Ces récompenses constituent également réalisation de mosaïques au Maroc artistiques. Le carrelage est, en fait, la une reconnaissance de son engagement (Palais royal), en Espagne (Sagrada phase « industrielle » de la mosaïque. pour la transmission de son savoir faire à Familia à Barcelone), aux USA Les « carreaux » sont à poser, la des jeunes et la valorisation de son (Métropolitain de New York), en Italie mosaïque est à créer. métier. Ainsi, de 1992 à 1995, il (restauration de mosaïques à Aquileia, Les méthodes de fabrication que je mets contribue à la mise en place et au Venise, Monte Cassino, etc.; créations en œuvre sont le granito4, le terrazzo5, la fonctionnement des « Classes métiers sur des chantiers avec les maîtres mosaïque décorative, la mosaïque d’art, d’art », organisées par la SEMA (Société Severino et Berto)... les éclats de marbre (Palladiana), l’opus d’Encouragement aux Métiers d’Art). De 1963 à 1968, il travaille comme tesselatum (de « tesselles »: petits cubes Participant à des jurys professionnels, il ouvrier hautement qualifié dans de marbre), l’opus vermiculatum est membre élu de la Chambre des l’entreprise Cottin-Jouneaux (Yvelines) (tesselles en motifs), l’opus scatulatum métiers du Jura, de 1995 à 1999, et de la et participe, notamment, aux chantiers de (tesselles en damiers). Les matériaux CAPEB (Confédération artisanale des la Maison de la Radio (Paris), des employés sont le marbre, les émaux de petites Entreprises du Bâtiment) en 1995. Facultés Saint-Jérôme (Marseille) et de la Venise, la terre cuite, la pâte de verre, la En collaboration avec l’Education Bouloie (Besançon), des hôpitaux d’Aix- feuille d’or, la feuille d’argent mais aussi nationale, cette dernière met en place en-Provence et Vichy, des lycées de le staff, le métal, le bois, le verre... diverses actions, auxquelles il est Vichy et du Pré-Saint-Sauveur à Saint- Mes objectifs sont: associé: projet « artisan messager » Claude... – par rapport à mes contemporains, de auprès de vingt établissements scolaires rendre leur intérieur confortable et en 1995, opération « Les chantiers de Par la suite, établi artisan à Saint-Claude, pratique, de leur apporter une note de vie » en 1998... il poursuit ses activités en Franche- créativité dans les réalisations dites Comté mais aussi hors de cette région, « traditionnelles »: carrelage, escalier, Angel Nassivera participe d’ailleurs cette avec de nombreuses réalisations: façade, etc.; année là aux « Mercredis des métiers » – restauration du sol du théâtre de Lons- – par rapport à mes maîtres, de — ateliers du patrimoine de la Chambre le-Saunier2 ; conserver et restaurer leurs œuvres tout des métiers — et devient conseiller – escalier de la montée Saint-Romain et en actualisant la réalisation (par technique auprès de l’Etablissement place des Carmes à Saint-Claude; exemple en complétant le travail régional d’enseignement adapté (EREA) – logotype de la Caisse d’Epargne à manuel par l’utilisation des machines); de Crotenay, école professionnelle Saint-Claude, mais aussi autres – par rapport aux jeunes, de leur donner accueillant des élèves ayant rencontré des emblèmes et blasons de villes; le goût de mon métier en leur faisant difficultés scolaires et sociales. Cette – œuvres modernes pour des particuliers; appréhender l’aspect moderne de mes dernière expérience se poursuit toujours, – copies de mosaïques anciennes activités. dans deux directions ainsi décrites par le (romanes, byzantines, etc.), dont celle directeur de l’EREA: de Madaba (Jordanie) pour la Cette remise en cause permanente lui – une ouverture dans le domaine de la Bibliothèque d’Orient à Lyon; vaut plusieurs diplômes — artisan en pose de mosaïque et carrelages – traduction en mosaïque de différentes 1982, maître-artisan et brevet de maîtrise décoratifs à l’usage de notre section peintures de maîtres... en qualité de mosaïste-carreleur en 1986 maçonnerie; En collaboration avec le peintre et, surtout, diplôme de meilleur ouvrier – le pilotage de la réalisation de la Dominique Mayet3, il réalise des de France dans la classe mosaïque en réplique d’une fresque gallo-romaine mosaïques pour les lycées de Saint- 1991 — et de nombreuses distinctions — de 3 m x 3 m, en liaison avec le musée Claude et de Moirans-en-Montagne, ainsi médailles de la ville de Saint-Claude et de Champagnole. que pour la Trésorerie de Dole. de la préfecture du Jura en 1991, grand

2. Faisant appel à des marbres de provenances diverses: Jura avec le rose de Sampans et la brocatelle de Molinges, Languedoc avec le « Rouge du Languedoc », Italie avec le bleu de Trieste, le jaune de Sienne, le « Rouge Vérone » et le « Blanc ivoire » de Bergamme, et le blanc de Carrare. 3. Dominique Mayet: peintre né à Pratz le 9 avril 1925. Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs, atelier Gromaire. Nombreuses expositions et différents prix. 4. Cette technique consiste à jouer sur les couleurs et le dessin en disposant des éléments de marbre sur un liant, tout en conservant l’uniformité de l’oeuvre. C’est une moquette sans entretien. 228 5. Technique issue du Frioul. Les tesselles sont plus grosses que pour le granito et permettent la réalisation de différents motifs (alors que le granito peut être uni). ANNEXE 2

ORGANIGRAMME DES FORMATIONS ARTS DU BOIS ET ÉBÉNISTERIE PROPOSÉES PAR LE LYCÉE PROFESSIONNEL PIERRE VERNOTTE (Moirans-en-Montagne, Jura)

Les classes et formations encadrées par un trait continu sont organisées par le lycée.

Liste des sigles et abréviations utilisés: Bac...... baccalauréat BT...... brevet de technicien CAP ...... certificat d’aptitude professionnelle DMA...... diplôme des métiers d’arts (DMA 1: 1ère année; DMA 2: 2e année) FCIL...... formation complémentaire d’initiative locale MAN...... mise à niveau

Diplôme des métiers d’art Arts de l’habitat option décors et mobiliers

D.M.A. 2

D.M.A. 1

M.A.N. Bac général Arts appliqués Bac technologique

Bac. professionnel Bac. professionnel B.T. Construction Productique bois Ebénisterie et aménagement d’ensemble

F.C.I.L. Arts du bois Techniques d’autrefois

C.A.P. Tournerie-tabletterie C.A.P. Ebénisterie

C.A.P. 2e année du C.A.P. 2e année du C.A.P. Ebéniste de Tourneur-tablettier d’Ebéniste Tourneur Sculpteur Marqueteur (années supplémentaires)

1ère année du C.A.P. 1ère année du C.A.P. de Tourneur-tablettier d’Ebéniste

3e de collège 3e technologique

229 230 Marbres en Franche-Comté, Actes des Journées d’études, Besançon 1999. Besançon, Asprodic, 2003 Orientations bibliographiques carrières, usines et œuvres

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